La nostalgie chevaleresque chez les professionnels de la politique
Une lecture éliasienne des stratégies politiques de présentation de soi1
p. 169-183
Texte intégral
1Il n’est guère de manuel de sociologie politique qui ne consacre quelques développements à la thèse éliasienne de la pacification du champ politique. On connaît l’analyse de l’auteur de la « société de cour » (Elias, 1985) : la monopolisation par le centre politique du droit de recourir à la violence, autrement dit la montée en puissance de l’État moderne tel que Max Weber l’a défini, a eu pour corollaire le déclin des luttes ouvertes pour le pouvoir, et avec lui celui de la classe des chevaliers. Le passage de l’époque féodale à l’État moderne, strictement lié à la transformation des chevaliers en courtisans, voit se modifier considérablement les dispositifs de conquête du pouvoir. À la lutte ouverte, guerrière, violente, succède dans un premier temps la compétition mondaine, réglée par l’étiquette de la société de cour, dans un contexte d’interdépendances étroites arbitrées par le monarque. Le bon mot remplace la lutte ouverte, le mensonge devient une arme, la disgrâce vaut mort symbolique. Villes et places fortes cèdent et perdent leurs fortifications, le duel est interdit, la guerre se fait désormais entre États et non plus dans l’État.
2Le processus de pacification, initié dans le contexte absolutiste, se poursuivra bien au-delà. Et le modèle éliasien semble tout aussi pertinent pour envisager les évolutions contemporaines du champ politique : histoire du suffrage universel, de la violence verbale en politique, des façons de manifester, et même des façons de maintenir l’ordre2. De nombreuses recherches en sociologie politique se sont appliquées ces dernières années à utiliser le modèle éliasien pour rendre compte d’à peu près tous les secteurs de la vie politique. Il y a là incontestablement pour la socio-histoire du politique un paradigme de première importance.
3Nous voudrions contribuer à peut-être élargir ces usages en suggérant une possible extension de la perspective à partir de considérations relatives à l’habitus professionnel de ceux qui ont choisi de faire de la politique leur métier. Non pas simplement pour dire, ce qui ne nous emmènerait guère au-delà des lieux communs, que les mœurs politiques se sont adoucies, « la joute oratoire, selon l’expression d’Elias, remplaçant le duel » (1985 : 271). Ce point semble en effet acquis : la preuve la plus évidente en est fournie par l’indignation unanime qui accueille à présent les formes résiduelles de violence politique : attentat terroriste (assassinat du préfet Erignac en Corse, attentat de Quévert en Bretagne…), usages de la violence lors de manifestations, violences policières. Il ne se trouve plus personne à l’intérieur du champ politique pour assumer l’usage de cette violence, invariablement attribuée à d’autres (« bavures », « casseurs », « électrons libres »… le vocabulaire est ici riche d’enseignements). L’homme politique manifestement pris en flagrant délit d’usage de la violence (tel Jean-Marie Le Pen frappant une candidate socialiste lors d’une campagne électorale) ne peut qu’essuyer un verdict unanime de réprobation qui lui interdit toute prétention à occuper une position dominante dans le champ politique.
4Au-delà de la seule question de la violence, c’est toute une économie de l’émotion qui accompagne le développement des démocraties parlementaires (Braud, 1996) : la relative rigidité des rôles politiques suppose une parfaite maîtrise des émotions. Indignation, colère, enthousiasme, doivent désormais s’exprimer conformément aux codes feutrés de la civilisation. Exceptionnelles sont par exemple, aujourd’hui, les larmes en politique. On perd en souriant, on garde la face, on porte un masque3. Le rire et la colère, sous l’œil des caméras, ne peuvent s’exprimer que sous la forme civilisée d’une émotion contenue. Les éclats, de rire ou de colère, sont bannis.
5Est-ce pourtant si simple ? Le champ politique est objectivement pacifié, c’est un fait. Mais les analyses mêmes de Norbert Elias nous invitent à aller plus loin, pour envisager les formes ambivalentes de nostalgie chevaleresque au cœur de l’habitus politique contemporain. Car, selon la démonstration d’Elias lui-même, le processus de pacification et de civilisation a pour strict corollaire le développement d’un fort sentiment de nostalgie à l’endroit des formes antérieures d’expressivité. L’enrôlement dans des situations d’interdépendances pacifiées n’est pas le résultat d’un choix par exemple fondé sur la dénonciation de la violence ; il résulte de logiques sociales qui dépassent les acteurs, la subjectivité de ces derniers étant à l’inverse plutôt marquée par le regret des façons d’être chevaleresques. Ce n’est certes pas l’usage de la violence en tant que tel qui suscite la nostalgie, mais plutôt les formes brutales d’expressivité, d’où la récurrente dénonciation passéiste de l’hypocrisie, du mensonge, de l’obligation de porter des masques, etc.
6La nostalgie de l’expressivité brutale habite le champ politique comme d’autres espaces sociaux. On en trouve trace dans les champs sportif, littéraire, musical, pour se contenter d’exemples indiscutables4. En politique aussi, cette nostalgie trouve à s’exprimer. Et les façons d’être des acteurs politiques oscillent finalement entre deux séries de contraintes : l’une, manifeste, juridiquement sanctionnable, renvoie directement à l’interdiction d’user de la violence en politique, et au-delà (mais on glisse ici de l’interdit juridique à la norme sociale implicite) au discrédit qui frappe toute expressivité non contenue : crier, pleurer, transpirer, abuser des gestuelles trop marquées, autant de comportements actuellement peu valorisés dans le champ politique. Mais à l’inverse, cette extrême pacification des mœurs politiques a engendré, en politique comme ailleurs, une nostalgie chevaleresque qui peut paradoxalement conduire certains professionnels de la politique à jouer avec les frontières ou les marges des rôles qu’ils ont endossés pour se risquer ponctuellement à faire les choses franchement : le coup de gueule, par exemple, s’analyse moins comme faute par rapport aux normes de pacification en vigueur que comme liberté prise avec ces normes, liberté ou audace censée révéler un vrai tempérament, une vraie personnalité. La désobéissance par rapport aux normes en vigueur s’analysera alors éventuellement comme stratégie de distinction attestant une position dominante, et non comme méconnaissance signe d’une position dominée. D’où l’hypothèse formulée par Erik Neveu : c’est paradoxalement dans un contexte de maîtrise achevée des affects que les professionnels de la politique les plus habiles peuvent se permettre de laisser entrevoir, sans crainte d’être débordés par elles, des émotions a priori déplacées (Neveu, 1992).
7Les multiples formes de dénonciation virile de la démocratie représentative jouent de cette nostalgie. Le discrédit dont souffre la politique en général, les professionnels de la politique en particulier, peut s’analyser dans les termes de la nostalgie chevaleresque. Insincérité, hypocrisie, calcul, suscitent les mêmes dénonciations stéréotypées aujourd’hui qu’à l’époque moderne.
8Pour illustrer ces problématiques théoriques, il nous a semblé pertinent de recenser dans l’actualité politique quelques-unes des formes que peut prendre la nostalgie chevaleresque. Nous mettrons en regard les matériaux utilisés (disparates et partiels) et les remarques que Elias consacre au romantisme dans le chapitre 6 de « La société de cour ». Nous privilégierons toutefois un matériau singulier : les livres publiés par les hommes politiques (cf. Neveu, 1992 ; Le Bart, 1998). Ils constituent des registres accessibles de présentation de soi : nous verrons à partir de ces textes comment les professionnels de la politique jouent de la tension entre contrainte de pacification et nostalgie chevaleresque. Et nous verrons que le fait d’avoir intériorisé les normes de pacification n’interdit pas de jouer en permanence la carte du romantisme chevaleresque : en dénonçant le milieu politique comme univers faux, en se présentant comme chevalier plus que comme courtisan, en donnant à voir la part de soi non politique qui fuit la comédie du pouvoir.
LA DENONCIATION DES MASQUES
9« Pour tenir son rang dans la course pour la réputation et le prestige, pour ne pas s’exposer aux railleries, au mépris, à la perte de prestige, il faut adapter son apparence et ses gestes aux normes changeantes de la société de cour » (Elias, 1985 : 261). Ainsi naît la société des masques, que les contemporains dénoncent avant que « l’habitude du masque (ne devienne) pour eux une seconde nature » (Ibid. : 272). « Quand le courtisan parvenu à l’âge adulte se regarde dans la glace, il découvre que ce qu’il avait pratiqué au début comme un simple moyen de dissimulation est devenu un élément constitutif de sa physionomie » (Ibid.). On peut en dire autant des hommes politiques, dès lors que ceux-ci prennent le temps d’un détour réflexif sur le rôle qu’ils jouent, rôle auquel ils prétendent avoir d’abord adhéré par vocation (ils y croient), mais dont l’artificialité devient de plus en plus évidente à mesure que les années passent. Lassitude, désenchantement, sentiment d’impuissance se mêlent pour prendre la forme parfois amère d’une critique de la politique. Cette sphère est perçue comme un théâtre cynique de jeux hypocrites, loin de la vérité, de la sincérité, et de la foi sincère qui nourrissaient l’entrée en politique. Lorsqu’ils prennent ainsi, fût-ce publiquement, quelques distances vis-à-vis de ce qu’une ancienne ministre5 appelait la « comédie du pouvoir », les professionnels de la politique puisent spontanément dans le registre si finement analysé par Elias de la dénonciation de la société de cour. Les écrits des hommes politiques regorgent de notations de ce type, souvent assorties de commentaires visant à souligner leur inadéquation à ce monde cynique :
Être authentique ? Le peut-on quand on exerce le pouvoir, et qu’on en sollicite un plus grand encore ? Je l’ai cru et je le crois encore (Balladur, p. 11).
Suis-je un homme politique ? J’entends souvent se poser cette question à mon sujet, comme si les arrangements, la recherche systématique des compromis, les concessions savamment mesurées et réparties, le soin pris à cultiver l’opinion et ses conformismes (…), le souci de masquer la vérité (…), l’orchestration des fausses nouvelles (…), comme si tout cela, qui serait l’essentiel de la politique, n’était pas mon fort (Balladur, p. 261).
10L’obligation de porter un masque génère une souffrance typique de la société de cour : l’individu ne se reconnaît plus dans l’image publique que les autres lui renvoient. Ce qu’il croit être sa nature se trouve recouvert par les rôles qu’il doit endosser, d’où le sentiment amer d’être mécompris. Ainsi le vrai Laurent Fabius parlant de son image publique à la troisième personne :
L. Fabius a-t-il une âme ? (…). Connu, je l’étais. Mais connu souvent pour être l’un de ces animaux politiques froids, sans convictions ni affects, tout entier inspiré par une forme chimiquement pure de l’ambition (p. 9). La scène publique est paradoxale : on y paraît souvent autrement qu’on est (…). J’ai essayé d’éviter ce travers en disant, tout simplement, ici, la vérité » (p. 10). D’où vient cette interrogation (…) sur l’authenticité de mon engagement ? (Fabius, p. 247).
11L’écriture est alors définie comme épreuve de vérité destinée à faire taire les « spécialistes de la médisance », « les malveillants » (p. 10).
12Au fondement de ces dénonciations, il y a l’amertume. Edouard Balladur écrit sous le coup de sa défaite à l’élection présidentielle de 1995, Laurent Fabius souffre d’une image abîmée par l’affaire du « sang contaminé ». De même, Michèle Barzach, dans un livre significativement intitulé « Vérités et tabous », se réclame clairement de son extériorité par rapport au champ politique qu’elle a brièvement habité pour en dire les quatre vérités. Son départ du Ministère de la Santé lui laisse un souvenir amer, elle aussi parle de « comédie du pouvoir », elle dénonce les « ragots » que ses adversaires ont colportés la concernant. La société de cour aussi avait ses vaincus, les Saint-Simon, La Bruyère, et il est troublant de constater que l’écriture, activité ambivalente en ce qu’elle relève autant de l’exit que de la voice, ait pu servir dans les deux cas, hier comme aujourd’hui, de mode d’expression de ces amertumes6. « Saint-Simon trouve un exutoire dans la rédaction de Mémoires d’abord secrets » (p. 256), écrit Norbert Elias. Les perdants connaissent les règles du jeu mais ne sont plus tenus par elles (pour autant bien sûr qu’ils aient complètement renoncé à jouer). Il faut de ce point de vue distinguer entre les critiques modérées de la politique conçue comme théâtre de masques, en provenance des perdants d’un jour qui ne sortent pas du champ politique (Juppé, Balladur, Fabius), et les critiques radicales d’authentiques sortants (sortis ?) n’ayant plus d’intérêts dans ce champ, et qui cherchent à l’inverse à se reconstruire par la critique radicale (Barzach). Chez cette dernière, la critique de la comédie du pouvoir s’ajuste parfaitement à un hymne à la vraie vie, celle des vrais gens, loin des milieux politiques. La sortie du champ politique, vécue d’abord comme une défaite, est sublimée en libération :
J’ai retrouvé mes libertés et mes indépendances perdues pendant ma vie politique. Liberté de m’exprimer, de dire mes convictions, mes révoltes (…). Aujourd’hui, appétit de vivre, gaieté, curiosité, réflexion, disponibilité, tendresse, amour, tout ce qui me paraissait incompatible avec la politique me réhabite (Barzach, p. 17).
13Cette dénonciation de la politique comme univers faux constitue aussi un lieu commun pour les adversaires de la démocratie. L’extrême droite rejoint l’extrême gauche dans une nostalgie romantique qui dénonce le règne de la parole aux dépens de l’action, l’art de la compromission et de la « magouille » aux dépens de la franche et libre expression, etc.
14Mais cette critique n’est bien sûr pas non plus seulement interne au champ politique. Loin des dénonciations (parfois très construites) de la démocratie représentative se développe une critique ordinaire dont jouent par exemple les humoristes : la caricature d’un Balladur en petit marquis sous la plume de Plantu puise par exemple directement dans une nostalgie chevaleresque qui n’est donc évidemment pas monopolisée par l’extrême-droite. Poujadisme ordinaire, stéréotypes en tous genres, on n’en finirait pas d’étudier les sources auxquelles s’abreuvent les critiques ordinaires de la politique. Face à ces critiques dont on a vu qu’elles s’inspiraient largement des catégories éliasiennes, les professionnels de la politique répondent moins collectivement qu’individuellement. Mieux : ils reprennent souvent ces critiques, comme on vient de le voir avec Balladur, sans chercher à les invalider, mais simplement pour développer une présentation de soi qui les situe individuellement en rupture distinctive par rapport à elles. Ils rebondissent sur cette dénonciation collective pour se présenter comme des exceptions. Bref, ils jouent la carte de la stratégie individuelle plus souvent que celle du corporatisme. Pour ce faire, ils suivent deux lignes argumentatives : la première consiste à parler de leur façon de faire de la politique, en chevalier et non en courtisan. La seconde consiste à faire référence à des centres d’intérêts extra-politiques.
CHEVALIERS PARMI LES COURTISANS
15Les vrais sortants sont rares en politiques. Pour des raisons qui tiennent aux logiques de carrière mais aussi à la dimension psycho-affective de la « vocation politique », les excursions en dehors du champ politique s’analysent souvent comme de fausses sorties, et comme de vraies stratégies de conquête du pouvoir. Feindre de cesser de jouer est souvent, en politique, un bon moyen de gagner. L’expression de la nostalgie chevaleresque, dont on trouve trace dans le discours de tous les hommes politiques (et pas seulement dans celui des disgraciés provisoires ou définitifs), s’apparente donc à une forme subtile et stratégique de présentation de soi. Critiquer le milieu politique, ses codes étroits, ses tics médiocres, son absence de grandeur, constitue paradoxalement une figure convenue du discours des professionnels de la politique, pour peu que ces derniers s’expriment dans un contexte minimalement relâché. La spectacularisation et la médiatisation de la vie politique encouragent ces expressions relâchées. Les médias aiment à traquer, au-delà des rôles institutionnels figés, des personnes, des personnalités (voir par exemple les portraits, en dernière page de Libération). La nostalgie chevaleresque se développe dans ce contexte : franc-parler plus que langue de bois, vie privée plus que rôle public, expression de soi plutôt que vision du monde, etc. Les masques tombent, et tout le monde s’y retrouve : les journalistes ont le sentiment de dépasser les apparences et d’accéder à la vérité de la personne, les intéressés travaillent leur image dans un sens plus conforme aux idéologies contemporaines de la sincérité, de l’individualité, de l’authenticité, etc. Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur ce glissement : en quoi un acteur politique, produit d’une socialisation de plusieurs décennies, serait-il plus vrai lorsqu’il rompt avec l’habitus intériorisé du fait de cette socialisation ? On devine l’artifice qui est parfois au fondement de cette fausse simplicité, ainsi lorsqu’un élu d’origine bourgeoise, issu des grandes écoles et des cabinets ministériels, se construit une personnalité supposée vraie faite de simplicité, de rudesse, de franc-parler (par exemple ce que les linguistes appellent l’hypo-correction, le fait de veiller à mal parler pour faire peuple).
16La nostalgie de l’authenticité imprègne tous les discours politiques contemporains. Tenus par les contraintes de rôles, les professionnels de la politique empruntent au registre nostalgique dès que ces contraintes se relâchent. C’est pour eux le meilleur moyen de développer une présentation de soi avantageuse, et de se donner à voir comme une exception dans le milieu. Cette rhétorique du je-ne-suis-pas-comme-les-autres se retrouvait dans les propos déjà cités d’Edouard Balladur (« Suis-je un homme politique ? »). Comme bon nombre de ses semblables, celui-ci aime se décrire comme un chevalier égaré dans un monde de courtisans, victime de son incapacité à mentir, à porter un masque, à maîtriser ses émotions :
Je possède un esprit indépendant, toujours prêt à prendre mes distances (…). On m’a dit qu’il y avait chez moi le goût du renoncement, c’est-à-dire de la retraite, de la solitude, le sentiment de la vanité des choses. En même temps, j’aime l’action (p. 15).
17Les lecteurs de Norbert Elias ne verront aucun paradoxe dans ce rapprochement entre goût de la solitude et goût de l’action : c’est bien le même romantisme chevaleresque qui inspire ces deux postures, au terme d’une critique acerbe des interdépendances cyniques et mensongères entre courtisans :
Si longtemps j’ai refusé d’entrer dans le milieu politique, c’est qu’il me semblait destructeur des relations individuelles : l’amitié, la solidarité, y varient au gré des circonstances et des intérêts (p. 30).
18De même Edouard Balladur insiste-t-il sur son rapport décalé au langage. Là où la politique exigerait de mentir, de flatter, lui ne sait que dire les choses. Une fois de plus, la nature chevaleresque du courtisan est censée expliquer les échecs du courtisan.
J’avais quelque chose à dire aux Français (…) Je l’ai dit sans les flatter, sans farder la vérité (Balladur, p. 254).
19Un tel décalage est censé expliquer les ruptures épisodiques avec le monde politique, ruptures décrites comme volontaires et supposément vécues sans amertume :
Je me suis tenu douze ans à l’écart des responsabilités officielles. Ce fut dans ma vie une période heureuse, une période de liberté (p. 31).
20Une autre façon de faire entendre sa singularité et de se défaire de l’image stéréotypée de l’homme de cour est de mettre en avant des façons singulières de faire de la politique, par exemple en distinguant les rôles de terrain, qui permettent d’agir sur la réalité, et les rôles plus formels où l’activité de parole tourne à vide. Sont de la sorte mobilisées des oppositions structurales sans doute dépourvues de rigueur mais très efficaces politiquement :
Un élu local a le pouvoir de « faire », tandis que le député n’a que celui de « dire » (Juppé, p. 278).
21Province vs/Paris, faire vs/dire, réalité du terrain vs/artifice des palais gouvernementaux : l’apologie romantique du métier de maire est un lieu commun sous la plume des intéressés7.
22Sous la plume d’une journaliste complaisante, l’apologie de Jacques Chirac alors maire de Paris emprunte à ces mêmes catégories éliasiennes du romantisme hostile à la société de cour. Le portrait qui suit est bien celui d’un chevalier :
Jacques Chirac en jean et col roulé, assis au coin du feu dans son bureau de l’Hôtel de ville, Jacques Chirac qui parle d’une voix puissante, qui martèle ses mots et qui soudain éclate d’un rire juvénile, tout à fait inattendu (…). Seul maître à bord, Jacques Chirac a la responsabilité de 36 000 personnes et 13 milliards de francs de budget. « C’est fascinant, avoue-t-il, de ne dépendre de personne sur le plan hiérarchique (…). Lorsque je vois pousser le Palais des Sports, j’ai vraiment l’impression de créer quelque chose, de transformer un quartier » (...). Jacques Chirac ne dit pas : « Je vais voir ce que je peux faire », il réagit immédiatement (…). Il aime retourner en Corrèze au milieu des siens. C’est un terrien : « Je n’ai pas du tout la vocation d’être un maire urbain » (…). Le fait est qu’il a fallu de fortes pressions de ses amis politiques pour le faire se présenter à la mairie de Paris. Il refusait obstinément parce qu’il avait promis d’être maire d’Egleton. C’est le respect de la parole donnée (…). Jacques Chirac, qui avoue avoir pendant dix ans épuisé les charmes des palais nationaux, habite néanmoins l’Hôtel de Ville pour ne pas perdre de temps et pour voir sa famille (…). Il sourit, son visage s’illumine, et soudain, il a l’air d’un jeune homme. Je l’imaginais roué, il est plutôt candide et impulsif. Je le croyais distant, il est attachant, sincèrement préoccupé des autres (…). J’ai rencontré un homme.
23Le vrai Chirac, nous dit-on, n’aime ni les costumes, ni les palais, ni le parisianisme. Il ne réprime pas ses émotions, il rit, il parle fort, il est impulsif, il a le sentiment de ne dépendre de personne et de pouvoir agir directement sur la réalité : loin des courtisans qui conspirent à voix basse, le voilà en authentique chevalier dont même les maladresses valent gage de sincérité. Personnage entier, il ne compose pas.
24Paradoxe du champ politique : ce sont ceux qui occupent les positions politiques les plus élevées, donc ceux qui ont su le mieux maîtriser le jeu politicien (les meilleurs courtisans en somme), qui sont le mieux à même de s’affranchir des règles d’étiquette pour se poser en chevaliers authentiques. Cela ressort par exemple clairement des mémoires rédigés par Valéry Giscard d’Estaing, qui se décrit comme un homme écrasé par son rôle de Président, dont la sensibilité extrême (imputée à la jeunesse) n’est que partiellement contenue par les impératifs de la fonction :
Raconter l’expérience humaine que j’ai vécue au pouvoir : celle d’un président élu très jeune, ayant à se hausser à la dimension de ses prédécesseurs, et vivant avec ses impulsions, ses croyances, ses faiblesses, ses désirs (t. 2, p. 9).
Je n’ai pas, je crois, ce que l’on appelle un bon caractère, mais j’ai un caractère contrôlé (…). D’où un contrôle permanent de mes sautes d’humeur (…). Ce contrôle m’a été longtemps facile, au point de devenir presque naturel. Mais pendant que j’étais président, j’ai senti sa pratique se détériorer (…). D’où mon goût pour le silence, les grands espaces, les amis sûrs, les animaux, l’Afrique ; pour un monde désénervé, où la sensibilité peut respirer sans avoir à combattre, et où l’être peut espérer s’insérer sans affrontements dans le courant paisible des choses (p. 354).
25Le romantisme chevaleresque constitue une forme convenue de stratégie de distinction dans le champ politique. Dans un univers de petits marquis que leur position seconde condamne à taire leurs émotions, à peser chaque mot, à ne pas déplaire, les vrais princes peuvent se permettre, tel Jacques Chirac dans les extraits précédents, des écarts distinctifs. Le charisme prêté à un Seguin ou à un Le Pen s’analyse dans les mêmes termes : franc-parler, refus du compromis, indifférence à l’idée de déplaire. Le premier est décrit dans Libération (20-5-2000) comme un « habitué des sautes d’humeur », sujet aux « déprimes » et aux « envies de tout envoyer valdinguer ». On évoque « ses coups de fil incendiaires », ses « phrases assassines » d’opposant « farouche », son goût pour « l’épopée », son art de « claquer la porte », « son indépendance d’esprit, son tempérament, ses excès bougons ». « Comme de Gaulle, comme Raymond Barre, il a montré qu’il était indépendant du système ». « À travers ses coups de gueule, ses foucades, il montre qu’il a de la personnalité, qu’il a du chien ». « Jeune loup » en 1981, ministre à « la main de fer » en 1986, « putschiste » au sein de la droite en 1898, il est l’homme qui dit « non » à Maastricht en 1992, puis qui jette l’éponge en pleine campagne européenne en 1999, à l’occasion « d’une des grosses colères qui le caractérisent ». Au total, un homme imprévisible, plein de « mystères », « instable chronique », irréductible à un rôle prédéfini, jamais prisonnier de jeux d’interdépendances.
26Une dernière illustration de ces présentations de soi marquées par le romantisme chevaleresque tient dans l’usage systématique du franc-parler, loin des formes policées et civilisées en principe en vigueur dans le monde politique. Grossièretés, tournures populaires, langage viril, volonté d’appeler un chat un chat, voire en certaine occasion violence verbale, il y a là des façons d’être en politique qui ne sont pas le monopole de l’extrême-droite. Michel Charasse par exemple s’en était fait le spécialiste, les stratégies d’hypo-correction se rencontrant bien au-delà de la droite populiste. Cette dernière, il est vrai, a seule érigé en doctrine la critique romantique de la démocratie émolliente, dé-virilisante, comme système d’hypocrisie généralisée. On sait que la critique de la démocratie, ici, se nourrit par exemple d’une apologie des valeurs martiales qui use abondamment de toutes les nostalgies chevaleresques. Le discours d’un Jean-Marie Le Pen reflète ces choix doctrinaux : culte du franc-parler et de la rudesse, sinon d’une certaine violence verbale qui ne recule pas face à la grossièreté (cf. Souchard et alii, 1997). Mais indépendamment de ces montages doctrinaux, on le voit, les attitudes stratégiquement adoptées par les professionnels de la politique empruntent aussi, à une autre échelle évidemment, cette voie romantique8.
EXIT ROMANTIQUE ET LOISIRS CHEVALERESQUES
27Les stratégies précédentes de présentation de soi obéissent à une même logique distinctive : il s’agissait pour les locuteurs politiques de se donner à voir comme chevaliers égarés dans un monde de courtisans, de se mettre en scène comme esprits indépendants, au-dessus de la mêlée et des intrigues. Mais la démonstration de cette indépendance demeure, à ce stade, frappée d’ambiguïté : pourquoi tant d’acharnement à faire de la politique si celle-ci est une affaire de menteurs, d’hypocrites, d’intrigants ? Les professionnels de la politique utilisent alors un autre registre de présentation de soi, qui consiste tout simplement à donner à voir la tentation qui les habite de fuir. On relèvera immédiatement que, sauf exception, ces exit n’en sont pas. Ce qui accrédite fortement la thèse de présentation de soi éminemment stratégique, et éminemment politique. Tout laisse en effet penser que la dénonciation de la politique comme comédie, la tentative pour se présenter à l’inverse comme quelqu’un d’authentique qui veut faire de la politique autrement, et la publicité donnée à certaines activités hors politique sous la forme de loisirs chevaleresques, ces trois éléments forment système, ils constituent la matrice d’une présentation de soi stratégique dans un contexte où le capital politique ne suffit plus à fonder la popularité politique. La crise de la légitimité politique se remarque aussi à cela : les postulants à la popularité politique ne se contentent pas de puiser dans des ressources non politiques : ils se construisent médiatiquement contre le monde politique.
28Les exit dont il sera ici question n’en sont donc pas vraiment. Ils sont simplement une stratégie visant à démontrer que le courtisan n’a jamais fait complètement disparaître le chevalier, que le rôle n’a pas fait disparaître l’homme, que la professionnalisation n’a pas étouffé la conviction et la vocation, etc. Pour en administrer la preuve, les hommes politiques puisent spontanément dans les mêmes argumentaires que les hommes modernes décrits par Elias. Ils fuient là où la civilisation n’a pas complètement étouffé la nature, là où les masques n’ont pas encore cours. Ils arpentent des lieux romantiques inchangés : l’enfance, la campagne, le peuple, mais aussi l’écriture, les voyages…
29En amont de la socialisation qui est à chaque individu ce que la civilisation est aux sociétés, l’enfance attire la nostalgie romantique. Expression d’une nature qui n’est pas encore domptée, l’enfant ne masque pas ses émotions, il est entier, plus chevalier que courtisan. Les professionnels de la politique, lorsqu’ils s’efforcent d’adopter une présentation de soi romantique et chevaleresque, se tournent volontiers vers l’enfance. D’abord pour évoquer leurs propres enfants, et au-delà d’eux l’idéal communautaire que constitue la famille, comme ici Michèle Barzach :
Ma famille, mes enfants, m’entourent et me réchauffent (Barzach, p. 15).
30Ensuite pour se souvenir de l’enfant qu’ils furent, et qui ne demande qu’à percer sous le politique. Cette enfance-là est rituellement associée à la campagne, à la nature, pour constituer le parfait contrepoint au monde politique, urbain et artificiel.
Je n’ai pas besoin qu’on me raconte d’histoires sur la France. Ce que j’éprouve d’elle se dispense d’éloquence9. J’ai vécu des saisons entières en pleine nature dans une famille nombreuse et solitaire. Elles reviennent toujours, les saisons, sauf le jour de la mort (…). J’avoue que j’ai besoin pour ne pas m’égarer de garder le rythme des jours avec un soleil qui se lève, qui se couche, le ciel par-dessus la tête, l’odeur du blé, l’odeur du chêne (Mitterrand, p. 13).
Chaque été je reviens dans les Landes. Dès qu’apparaissent les premiers pins, une sorte de paix s’installe en moi. L’animal retrouve son territoire (Juppé, p. 19).
31Elias évoque pareillement le romantisme pastoral, la « nostalgie du pays natal (et) de la « nature » bucolique » (p. 258) pour décrire l’état d’esprit des élites enrôlées dans les interdépendances citadines de la société de cour. « Les hommes et les femmes de cette génération évoquent déjà, à la cour où se déroule désormais leur existence, la vie à la campagne, les paysages de leur enfance, avec des accents de nostalgie (…). La vie à la campagne apparaît comme le symbole de l’innocence perdue, de la simplicité libre et naturelle ; on l’oppose volontiers à la vie citadine, à la vie de cour, à ses contraintes, à ses obligations hiérarchiques compliquées, au contrôle de soi sévère qu’elle demande à chacun » (p. 241).
32De l’enfance champêtre aux palais gouvernementaux, il y a évidemment un long chemin, celui de l’apprentissage progressif des « bonnes manières ». La transformation du chevalier en courtisan s’effectue au prix d’une violence symbolique qui n’est pas sans susciter de souffrance chez l’adolescent ainsi dompté. Significativement, l’épisode Science-Po symbolise cette plongée douloureuse dans le petit monde de l’artifice :
Je venais de la France profonde, très minoritaire à l’époque rue Saint-Guillaume. Les provinciaux se sentaient rejetés par ce milieu plutôt bourgeois. Cette vie parisienne m’est vite apparue très superficielle (Charasse, p. 42).
Coincé à Science-Po, je sentais que ce n’était pas tout à fait mon monde (Juppé, p. 14).
33L’entrée en politique, l’enrôlement dans les jeux de courtisans ne signifient pourtant pas une conversion absolue. Le chevalier sait faire le courtisan, mais sa conversion est trop rapide (et sa nature trop impérieuse) pour que la métamorphose soit totale. Le chevalier perce sous le courtisan, et souvent le déborde. D’où, on l’a dit, des comportements chevaleresques à contre-temps et finalement parfois coûteux (mais le chevalier, à la différence du courtisan, ne calcule pas). D’où aussi un fort désir de périodiquement fuir le monde politique pour retourner là d’où l’on vient. « L’évocation de la vie simple et champêtre s’accompagne souvent du désir de retrouver une liberté et une indépendance qui auraient existé jadis et disparu depuis » (p. 354). Les loisirs sont alors invoqués comme possibles retour à soi et à la nature. Ainsi la chasse chez Michel Charasse :
En Auvergne, mes amis et moi formons une petite bande très soudée unie et chaleureuse. On ne se quitte pas et toutes les occasions sont bonnes pour se retrouver : la chasse, la pêche, la gastronomie tiennent une grande place dans notre vie (Charasse, p. 74).
Tuer ne m’intéresse pas vraiment, et la chasse me procure bien d’autres plaisirs : la promenade, le bruit et les odeurs de la nature, le calme, la réflexion, le soleil de l’automne. Et ma mauvaise vue peut parfois faire le bonheur de jolies bêtes (Charasse, p. 80).
34Ou les voyages pour Alain Juppé :
Un jour à Argos (…), j’ai rencontré un camarade de l’Ecole qui dirigeait une campagne de fouilles ; l’idée ne m’a depuis lors jamais vraiment quitté de changer de vie pour devenir archéologue, quelque part autour de la Méditerranée (Juppé, p. 271).
35Ce même Alain Juppé évoque un toujours possible renoncement à la politique, qu’il déclare pouvoir quitter pour un monde simple et vrai :
Un jour, à Venise (…) je suis tombé en arrêt devant une petite maison délabrée, couverte de ronces. J’ai imaginé y faire une retraite, fût-ce comme gardien (…). Regarder passer les jolies filles en savourant un Bellini... (Juppé, p. 283).
36Toutes ces professions de foi chevaleresque transitent par l’écriture. Cette dernière activité est théoriquement ambivalente en ce qu’elle peut aussi bien pencher du côté du masque courtisan que de l’éthos chevaleresque. L’écriture est masque quand la rhétorique permet de mentir, quand les échanges de coups deviennent, comme dans Les Liaisons Dangereuses, des échanges de lettres… Ce n’est pas de ces formes d’écriture que se réclament les hommes politiques d’aujourd’hui. Ils ont la plume chevaleresque, préfèrent le fond à la forme, l’authenticité à l’artifice :
Comment transmettre (…) l’expérience d’une fonction perçue comme distante, abstraite (…), assortie de conditions de vie sans commune mesure avec celles des autres hommes ? La seule réponse possible me paraît être celle de la spontanéité et de la simplicité, en faisant directement appel au souvenir. Je me contenterai de laisser courir ma plume, au gré des impressions et des images qui se pressent dans ma mémoire. De ne pas trop soigner le texte, et, si possible, de ne le relire qu’une fois (Giscard d’Estaing, t. 1, p. 11).
37Exercice solitaire, l’écriture délasse des interdépendances serrées qui font la vie politique. Par elle, nous dit-on, les masques tombent, et le ton de la confidence autobiographique est censé révéler la personnalité authentique du politique-écrivant. À moins bien sûr, diront les spectateurs suspicieux de ces stratégies de présentation de soi, que l’apparence chevaleresque ne soit que le plus habile des masques portés par les courtisans ?
38La nostalgie chevaleresque inspire donc, au total, aussi bien les tentatives individuelles de redéfinition du métier politique (parler vrai, agir sur le terrain, se libérer des intrigues parisiennes et de la politique « politicienne ») que les présentations de soi fondées sur le hors-politique : la célébration de la nature, de la campagne, de l’enfance, des gens simples, est aussi façon de s’assurer une popularité (politique) au prix d’une apparente sortie du champ politique. Paradoxalement, alors même qu’il y a consensus autour de l’illégitimité de la violence en politique, il y aussi consensus autour de cette nostalgie chevaleresque. Citoyens et hommes politiques se rejoignent dans le culte nostalgique d’une époque (historiquement improbable) où la politique voyait des chevaliers s’affronter, plutôt que des courtisans intriguer.
Notes de bas de page
1 Corpus des livres politiques cités : Balladur E., Deux ans à Matignon, Plon, 1995 ; Barzach M., Vérités et tabous, Seuil, 1994 ; Caralli M., Un homme et sa ville : 14 maires RPR se racontent, Flammarion, 1983 ; Charasse M., 55, faubourg St-Honoré, Grasset, 1996 ; Fabius L., Les blessures de la vérité, Flammarion, 1995 ; Giscard D’Estaing V., Le pouvoir et la vie, 2 t, Compagnie 12, 1988 et 1991 ; Juppé A., La tentation de Venise, Grasset, 1993 ; Mitterrand F., Politique 2, Fayard, 1981.
2 Voir par exemple les travaux de M. Offerlé, A. Garrigou, O. Ihl et Y. Deloye sur le vote ; de P. Favre, N. Duclos, I. Sommier sur l’action collective, de P. Bruneteaux sur le maintien de l’ordre.
3 Exceptions récentes à l’interdit de pleurer : Christine Boutin à l’Assemblée Nationale lors de la discussion sur le PACS ; Valéry Giscard d’Estaing à la télévision évoquant ses souvenirs de l’Occupation.
4 Trois recherches récentes, portant sur des objets très différents, nous ont permis de tester cette hypothèse d’une nostalgie chevaleresque omniprésente : la première portait sur une collection de livres pour adolescents (Le Bart, 2001), la seconde sur les fans des Beatles (Le Bart, 2000), la troisième sur les romans publiés par les énarques (Le Bart et Neveu, 1998). Dans les trois cas, l’héroïsation emprunte beaucoup à la nostalgie chevaleresque.
5 F. Giroud, il est vrai doublement extérieure au champ politique en sa qualité de femme et de journaliste.
6 Il n’est pas anodin de remarquer que les titres de ces livres (et, au-delà, les contrats de lecture qu’ils proposent) accordent une large place au thème de la liberté (Les blessures de la vérité, Vérités et tabous…). Valeur chevaleresque par excellence, la liberté est aux antipodes de l’hypocrisie courtisane.
7 Voir par exemple les témoignages de maires recueillis par Philippe Garraud (1989).
8 Ceci étant dit, la question demeure de repérer les liens entre nostalgie romantique et idéologies politiques. Cette question appellerait des investigations précises sur les doctrines politiques, mais quelques pistes peuvent être suggérées : le gaullisme, par exemple, joue beaucoup de cette nostalgie. La dénonciation de la Quatrième République, « régime des partis », et à l’inverse la valorisation du rôle présidentiel sont redevables de lectures en ces termes. De là à penser que la querelle entre courtisans et chevaliers a à voir avec le clivage droite-gauche…
9 A noter une fois de plus la dénonciation chevaleresque de la rhétorique, de l’artifice dans le langage.
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