La Dystopie urbaine dans la Mappe-monde nouvelle papistique de Jean-Baptiste Trento (1566)
p. 335-350
Texte intégral
Le motif de la ville dans la controverse antiromaine
1La Mappe-monde nouvelle papistique représente sans doute un sommet dans le traitement du motif urbain par la controverse réformée du xvie siècle1. Les textes, traités, pamphlets ou chansons qui assimilent la religion catholique à la ville papale sont légion, mais ici le rapprochement prend un tour singulier. Cet ouvrage associe une carte et son livret explicatif. D’un côté, une carte géographique représentant sous des traits en partie allégorisés un siège de la ville de Rome par des troupes de chrétiens gagnés à la Réforme (fig. 1) ; de l’autre, une volumineuse légende, ou Histoire de la Mappe-monde papistique, censée fournir les explications de cette figuration d’amples dimensions2. Rome est le motif autour duquel se construit le discours satirique, comme le commerce dans le Livre des marchans ou la cuisine dans les Satyres chrestiennes de la cuisine papale3. On se demandera ici comment est utilisé ce motif, à la fois dans le texte et sur la carte, et plus spécifiquement, si l’on y trouve une exploitation précise de l’espace urbain, au point que l’on puisse parler d’une dystopie satirique.
2Les circonstances y sont favorables. Cette parodie cartographique s’inscrit dans le contexte spécifique de la politique de restauration de la cité romaine entreprise par les papes depuis la fin du xve siècle, tandis que les artistes, archéologues et philologues humanistes sondent les vestiges de la Rome antique. Restauration et rénovation donnent lieu à une production de « portraits » de la ville à la fois nombreux et divers. Depuis la vue de Rome insérée dans le Supplementum chronicarum de Giacomo Filippo Foresti4, l’imprimerie est un soutien essentiel de cette promotion de Rome. Les éditions de plans et cartes exhibant la magnificence de la Rome ancienne ou la puissance de la cité moderne connaissent un pic dans les années 1555-15605.
Fig. 1. – Vue d’ensemble de la Mappe-monde nouvelle papistique, 1566 (exemplaire de la BnF) ; assemblage des 16 planches de la carte (auxquelles s’ajoutent 12 planches contenant la légende résumée).

3Cette promotion de la cité pontificale a pris un autre tour avec le développement de la Réforme, qui depuis ses débuts a élaboré un discours spécifique autour du motif urbain. On ne saurait retracer l’histoire de cette thématique ici, mais on peut en relever quelques aspects, dont nous percevrons des échos dans le texte et l’image de la Mappe-monde. Dans ses écrits de 1520, Luther joue déjà régulièrement sur cette assimilation de la religion prétendument universelle à un territoire – c’est-à-dire à un pouvoir, étranger, et notamment à son régime fiscal. C’est ce dont témoignent d’emblée les titres du Prélude sur la captivité babylonienne de Rome, ou De la papauté de Rome, tandis que l’opuscule adressé À la noblesse allemande enjoint les gentilshommes à résister au joug politique et économique imposé par le pouvoir pontifical6. Dans le Prélude, Luther s’adresse directement à la ville, lui disant : « Oppono igitur, Roma, tibi et omnibus adulatoribus hos Christi et Pauli sermones7… » ; le principe de cet opuscule est de dénoncer l’enfermement créé par la religion romaine et ses doctrines, qui ont mis les chrétiens en captivité8. La ville matérialise symboliquement ce principe d’enfermement. Dans De la papauté de Rome, Luther explique que les « romanistes » ont voulu fonder un état et une maison princière, et que dans les faits « ils se sont quasiment approprié le monde9 ». Il n’est sans doute pas l’inventeur de cette vision de la ville tentaculaire, mais il contribue certainement au succès de cette figuration spatialisée dans la controverse de tout le siècle. Cette vision accusatrice suggère que la religion qui devrait être spirituelle et universelle est en réalité centralisée, attirée par une ville qui est aussi une nation, un ancrage terrestre dominé par des institutions humaines. On répétera inlassablement à sa suite que Rome est une nouvelle Babylone, ceinte de hautes murailles, qu’elle est l’antithèse de la Jérusalem céleste, de la religion catholique universelle, et de la communion des âmes, laquelle ne devrait pas être localisée10. L’adjectif « romipete » employé par Rabelais, repris par plusieurs grandes satires, mais déjà bien ancré dans la littérature satirique du Moyen Âge11, lexicalise la dénonciation de ce magnétisme dont la dynamique est inverse à celle qui consiste à propager la parole du Christ.
4On rencontre aussi l’accusation inverse, celle d’une religion centrifuge, se dispersant en contrées jalouses de leurs privilèges, trésors, reliques, et saints protecteurs. Cette dénonciation, suggérée par l’Éloge de la Folie12, inspire des pages célèbres du Traité des reliques, évoquant la dispersion du corps (prétendu) des saints en une infinité de contrées qui revendiquent parfois la possession d’une même partie, ou pratiquent un partage repoussant de ses fragments : ainsi on trouve des parcelles de la tête de Jean-Baptiste, visage, front, arrière, cervelle et mâchoire, à Amiens, à Saint-Jean d’Angély, Malte, Saint-Jean de Nemours, Nogent-le-Rotrou, etc.13. Par rapport à l’attraction « romipete », la dynamique est inverse, mais les deux accusations ne sont pas incompatibles : la religion catholique est à la fois centralisée autour d’un centre politique qui écrase la chrétienté, et disloquée en localités jalouses de leurs trésors sacrés. Dans les deux cas ce qui est mis à mal c’est le sacerdoce universel et la communion des âmes. Qu’elle centralise ou qu’elle dissémine, la ville sépare, et contrarie ainsi la continuité de la religion.
5Une image corrective indique ce que devrait être une relation vertueuse entre espace et religion ; dès les débuts, Luther oppose à cette spatialisation fautive une liste de contrées qui maintiennent la parole du Christ en dehors de Rome, évoquant les « Moscovites, [l]es Biélorusses, [l]es Grecs, [l]es Bohêmes et […] bien d’autres grands pays dans le monde » qui ont la même foi que les chrétiens d’Allemagne, mais « ne veulent pas se faire détrousser et outrager par les indulgences, les bulles, plombs, parchemins et autres marchandises romaines14 ». L’évocation de cette diaspora vertueuse est certes tournée en faveur de l’autonomie du peuple germanique, mais la postérité retiendra surtout l’idée d’un réseau ayant maintenu la continuité de la religion du Christ, à travers les époques et les lieux. Jusqu’à la fin du siècle on développera la liste de ces fidèles au désert, de ces contrées échappant à l’emprise de Rome, qui peuvent être des pays mais aussi de simples villes, dont on expose volontiers les noms bigarrés. Évoquant la convergence plutôt que la division, ces énumérations suggèrent que le message du Christ s’est transmis malgré les différences nationales et la séparation géographique, et restitue ainsi la communion des âmes, en dehors de l’Église romaine15.
Un objet double où l’exploitation du motif urbain ne va pas de soi
6Le thème urbain occupe sa place dans la controverse réformée, mais dans la critique comme dans la réhabilitation, on peut remarquer que la ville y est le plus souvent perçue de l’extérieur, comme un tout, plutôt que comme un espace dans lequel on déambulerait. C’est un point sur lequel la Mappe-monde se distingue nettement. Il est vrai que Trento prend appui sur deux précédents, deux satires appartenant à la première génération de propagande réformée en Italie16. La première est un récit de voyage imaginaire, le Pasquillus extaticus, dans lequel l’humaniste italien Celio Secondo Curione prête à Pasquin, citoyen romain, le récit d’un voyage en songe dans les sphères célestes17. Aux antipodes du paradis céleste se déploie un paradis des papes, entouré d’une muraille, et divisé comme la Mappe-monde en quartiers allégoriques, dont Trento reprend parfois directement l’appellation18. Ce dispositif a ensuite inspiré une pièce de théâtre, la Tragedia intitolata Libero arbitrio, publiée en 1546, sans doute à Bâle, par le moine bénédictin défroqué et converti à la Réforme Francesco Negri19 ; on y retrouve le principe des provinces allégoriques, avec des ajouts qui sont repris dans la Mappe-monde20. La parodie géographique de Trento poursuit globalement l’amplification engagée par Negri par rapport au songe allégorique de Curione, et opère un nouveau déplacement générique, hors du champ poétique. Proposer une carte et sa légende revient à pousser à son terme la logique géographique engagée par ces deux précédents, et à en tirer toutes les conséquences en termes de créativité satirique21.
7Mais ce déplacement est-il nécessairement favorable au développement de l’image urbaine ? La représentation de la ville trouve-t-elle sa place face à celle de la mappemonde, qui favorise une satire géographique plus globale ? Pour répondre à ces questions, il faut explorer les multiples facettes présentées par cet objet complexe qu’est la Mappe-monde nouvelle papistique. Nous l’avons dit, l’ouvrage se présente d’emblée comme un objet double, articulant une image et un texte. Cette présentation composite repose sur une duplicité très concrète, accompagnée d’une part de friction : l’auteur du texte, Jean-Baptiste Trento, a vraisemblablement commandé la carte au graveur Pierre Eskrich, qui évolue comme lui entre Genève et Lyon dans les années 1550-1560. Ce dernier connaît des difficultés matérielles et entre à plusieurs reprises en conflit avec les autorités genevoises. Il est engagé dans plusieurs procès, dont un avec Trento, qui a commandé la carte dès 1562. Leurs différends portent sur des questions de délai ou de paiement, mais Trento manifeste aussi une certaine insatisfaction par rapport à la réalisation de la carte22. De fait, d’un support à l’autre, l’optique n’est pas tout à fait la même23. Or cette différence touche singulièrement le traitement du motif urbain.
Une carte allégorique qui est à la fois un plan de ville et une mappemonde
8Sur la carte, la tension entre échelles urbaine et continentale s’observe d’emblée (fig. 1). On contemple à la fois un plan et une mappemonde. Nous voyons bien un plan de Rome, reconnaissable avant tout à la forme, très détaillée, de son mur d’enceinte. Mais à l’intérieur ce ne sont pas des quartiers que l’on aperçoit ; ce sont des continents, divisés en provinces, et séparés par des mers. Cet immense plan de la cité romaine ne nous invite pas vraiment à une pérégrination urbaine. Deux échelles et deux discours se superposent24.
9La ville se réduit pour ainsi dire à sa muraille. Certes, celle-ci est investie de significations fortes. La figuration de l’enceinte, très soignée, inspirée de représentations sérieuses25, offre un cadre essentiel, mettant en scène une opposition morale entre le bien et le mal, associés à deux espaces, l’extérieur et l’intérieur. Cette opposition est soulignée par la présence d’une seconde enceinte, une gueule du diable très médiévale qui confirme le sens moral et religieux de cette fortification26. La carte présentée par Eskrich mêle l’ancien et le nouveau, elle joint des traits de représentation médiévaux au réalisme dont se réclame la cartographie imprimée en plein essor27.
10Rome est une ville-mur, car Rome est assiégée : de toutes parts affluent des troupes de pays gagnés à la Réforme, accompagnés de réformateurs armés de bibles et du glaive de la vérité. Cette figuration obsidionale fait écho à des préoccupations contemporaines28, tout en reprenant un motif ancien, la représentation d’un siège allégorique29. Il est à noter qu’ici c’est le bien qui lance l’assaut, tandis que le mal résiste en vain. Le motif traditionnel de l’altercatio s’ancre dans l’actualité romaine, et s’adapte au discours réformé. Il fait écho aux considérations de Luther sur les princes et les villes qui restent fidèles à la parole du Christ et échappent à l’emprise romaine, répercutées par Negri sous la forme d’énumérations circonstanciées, que Trento amplifie encore. Sur ce point la carte est plus figurative, mais moins détaillée que le texte. Elle représente plusieurs armées européennes et de grands réformateurs, que des phylactères permettent d’identifier sans peine. L’image fige le moment de l’assaut, et donne à ce motif menaçant le statut d’un encadrement permanent, que le texte serait bien en peine de reproduire. En revanche, la version écrite permet de prolonger l’énumération et d’en affiner les distinctions. L’Histoire énumère ainsi les pays, principautés et cités qui résistent au pape, et s’apprêtent à l’assaillir. La liste des villes exhibe par ses sonorités chatoyantes la multiplicité bigarrée de cette communauté pourtant unie par la communion spirituelle. Elle évoque ainsi :
« toutes les Republiques et villes Franches lesquelles ont receu l’Evangile, comme de Geneve, de Strasbourg, de Nuremberg, d’Ulme, de Roteling, Vumsemi, de Meminge, de Linsavie, de Cap d’une, de Hailbrun, de Isna, de Wisembourg, de Norling, de Sangale, de Magdebourg, de Breme, d’Ambourg, d’Embelle, de Northeme, de Francfort, de Brunsvich, de Gottinge, de Annobrich, de Heildessem, de Lubec, de Stetin, de Zanesbourg30 ».
11Dans le texte comme sur l’image, l’enceinte mobilise ainsi une charge symbolique dense. Tout en encadrant l’espace urbain, elle figure le conflit religieux sous la forme d’une opposition entre un centre et une périphérie, entre une métropole et des cités éparses. Elle est donc à plus d’un titre en relation avec le motif de la ville. Mais sur la carte, elle en est aussi comme nous le suggérions une limite. À l’intérieur de l’espace qu’elle circonscrit, l’échelle est continentale : c’est un nouveau monde et non la cité multiséculaire que nous survolons du regard. On distingue bien quelques monuments comme le château Saint-Ange, des murailles intérieures, ainsi que des « boulevards » affublés de noms de docteurs scolastiques, (« S. Thomas », « Voragine » « Nicolas de Lira b. »), de philosophes païens, ou de conciles (Mantoue, Trente), mais c’est peu de choses. La ville est globalement vidée de sa substance31. La Mappe-monde exploite ici un aspect présent dans son modèle, et qui reflète plus largement l’image de la cité romaine à la fin du Moyen Âge, avant le retour des papes en 1420 : l’enceinte antique, témoin de sa grandeur passée, renferme désormais de grands espaces vides jonchés de superbes monuments épars32. L’évacuation du motif urbain tient encore un discours sur la ville, autour du motif de la Roma vidua, défaite de son lien avec l’empire, auquel Du Bellay a donné un écho humaniste. Dans les années 1560, maintenir cette image va à l’encontre des discours et des images qui célèbrent au contraire la renaissance de la cité antique33. Remplir cette enceinte d’éléments exogènes, c’est poursuivre et aggraver cette représentation : cette cité composite, suscitant une inquiétante confusion entre les échelles, est une ville monstrueuse. Mais ce discours dystopique ne repose pas sur une représentation urbaine développée ; la faillite de Rome se lit plutôt dans la décomposition de son tissu urbain.
12La topographie urbaine est ainsi remplacée par dix-neuf provinces, renvoyant métaphoriquement aux dix-neuf provinces du Brésil et du Pérou, et allégoriquement à autant d’éléments de l’institution catholique contestés par les réformateurs34. La première province, Scholie, renvoie à la division de la chrétienté en écoles par les fondateurs des grands ordres monastiques ; plus exotique pour le lecteur francophone, « Pinzocarie » fait allusion aux pinzocheri, bigots et hypocrites déjà évoqués par Curione35 ; on trouve à sa suite la province de Moinesses, puis de Service des saints, qui contient les cités d’Adoration, d’Invocation, et abrite Dame Superstition… La concurrence exercée par l’échelle continentale est donc forte. Sur la carte, une image chasse l’autre ; si Rome est un nouveau monde, Rome n’est plus dans Rome.
13Bien entendu cette contamination des échelles est annoncée par le terme de « Mappe-monde » qui figure dans le titre, et renvoie à une image exposée en détail au début du texte, la présentation de la cité papale comme un nouveau monde à explorer. L’arrière-plan satirique consiste à présenter Rome comme un monde à part entière, aussi étrange et rempli de monstruosités que l’univers des Indiens cannibales. Au demeurant, cette image du nouveau monde n’est elle-même que partiellement transposée sur la carte. On y distingue certes une géographie continentale, organisée suivant une topographie imaginaire, mais les personnages et le décor sont très européens. L’effet principal de cette figuration allégorique procède de la « décomposition énumérative d’un objet » dont parle A. Strubel à propos d’allégories médiévales qui, comme le Char d’Orgueil de Nicole Bozon ou les Horloges (d’amour, de sagesse) de Froissart décomposent un objet complexe en établissant une correspondance (plus ou moins opérante) entre chacun des éléments ainsi isolé et les différents constituants du référent36. La représentation cartographique d’un espace présente de fait un objet naturellement décomposable, dont les subdivisions peuvent donner lieu aisément à des associations allégoriques, par le biais de la toponymie.
14Ce principe de subdivision ne pourrait-il pas favoriser le retour d’images urbaines, à l’intérieur de l’enceinte romaine ? De fait, la carte d’Eskrich fourmille de vignettes représentant des habitants des contrées (pèlerins, nonnes, prélats) ou des réformateurs détruisant les images ou disséquant la messe. La cartographie ancienne accueille volontiers ces vues de bâtiments, de personnes ou d’animaux, dont l’insertion hors-échelle permet d’ajouter des informations, sur un mode hésitant entre le figuratif et le symbolique. Ici, ces petits tableaux pullulent, donnant corps à l’allégorie, et fournissant une transposition picturale des passages les plus satiriques du texte. Ces vues à hauteur d’homme peuvent être considérées comme des figurations de l’espace urbain. Mais la ville n’y joue pas de rôle particulier ; si elle y apparaît, c’est plutôt comme un décor secondaire. Certaines scènes se situent plutôt dans des espaces inhabités, désert ou campagnes : c’est logiquement dans ce type de décors que se présentent pèlerins et ermites, mais également d’autres catégories moins explicables comme les « Ignorans » qui déambulent dans la province « Eschole », en compagnie d’animaux en liberté avec lesquels ils tendent à se confondre. D’autres au contraire figurent plutôt un espace intérieur : la cour du pape et celle de Carême-prenant, la scène d’anatomie de la messe37 ou celle qui présente Maître Grillo dans son lit entrent dans cette catégorie. Un chapiteau semble signaler symboliquement la pénétration dans un bâtiment et l’effacement du quatrième mur. Certaines scènes enfin se situent plus nettement dans un cadre urbain ; on assiste ainsi à des scènes de marché, à des échauffourées, ou bien l’on visite le chantier de construction des lieux dévots. Dans cette dernière catégorie, le motif urbain est présent, mais de manière assez contingente. Ces vignettes ne semblent pas avoir pour objectif de donner présence à la ville, mais plutôt de présenter quelques grands points de controverse sous une forme personnifiée et théâtralisée, dans un décor minimal ne recevant pas de valeur satirique particulière.
15La subdivision allégorique favorise plus directement l’apparition de la ville sur la carte, à l’intérieur même de la représentation continentale. En effet les provinces sont comme dans le texte divisées en cités, renvoyant à de hauts lieux de la religion catholique ou associées par le biais de l’allégorie énumérative à autant d’éléments de l’institution romaine jugés déviants : on distingue ainsi la cité de « Rosaire », de « Confession Auriculaire », ou encore celle d’« Evesché ». Mais cette fois, le respect de l’échelle implique une miniaturisation trop importante. Ces villes insérées dans l’enceinte romaine ne trouvent pas de réel espace de représentation. À ce niveau de subdivision, le graveur, Eskrich, s’est contenté de les symboliser sous la forme de vignettes emblématiques, potentiellement empruntées à une autre carte, sans exploitation de l’espace urbain. Il aurait pu chercher à représenter des villes folles, aux rues labyrinthiques, ou en forme de tiare, mais on ne trouve rien de cela. Nous allons voir qu’il en va différemment dans le texte : à ce niveau de la subdivision, la divergence entre les deux supports est forte.
Le motif urbain dans le texte. Retour des cités allégoriques
16Sur la carte, l’espace urbain, délimité par la muraille, est comme phagocyté de l’intérieur par la topographie continentale qui se substitue au plan de ville. Dans le texte, on retrouve au premier abord une semblable attraction de la cité romaine vers une échelle continentale, suivant des équilibres un peu différents, parfois liés assez mécaniquement à la différence des supports. Il eût été difficile de donner une présence textuelle à la muraille. En revanche Trento disposait d’un discours bien balisé sur la cité papale ; il aurait pu, à la manière des poètes et des archéologues, méditer sur les différentes strates de la ville, faisant cohabiter par affleurement les restes de l’antique cité latine, ses évolutions médiévales et le centre du pouvoir pontifical. Nous verrons que ce regard chronologique, beaucoup plus facile à représenter en texte qu’en image, est par ailleurs bien présent dans son Histoire. Mais cette possibilité n’est pas exploitée dans la figuration de la ville de Rome. Plus encore que sur la carte, Rome cesse d’être une ville, pour être un nouveau monde, un continent.
17En revanche, l’espace de représentation du texte n’est pas soumis aux mêmes contraintes que celui de la carte. Nous allons voir que la description du continent n’interdit pas de porter un regard attentif sur les cités qui émaillent son territoire. Il faut d’abord remarquer que comme sur la carte, l’image du Nouveau monde a ses limites. Les textes préliminaires s’attachent à développer cette métaphore géographique, et à en expliquer les principes. L’introduction de la légende qui figure autour de la carte38, puis le texte liminaire intitulé « L’origine et commencement de ceste Mappe-monde nouvelle Papistique, et comment elle a été trouvée39 » expliquent comment le pape a découvert et conquis cette terre, à l’image des souverains espagnol et portugais ; reprenant l’accusation courante selon laquelle le catholicisme s’est bâti en imitant les règles et superstitions d’autrui, ces passages évoquent les fines drogues et épiceries diverses que ces colons ont importées « du quartier des Payens et des Juifs40 ». Le parallèle avec les Indes Orientales se développe par similitudes ou inversions : le pape a violenté les peuples comme les Espagnols l’ont fait avec les Indiens, et autant les Conquistadors ont enrichi le monde (occidental) d’or et de pierres précieuses, autant le souverain romain l’a défait de tous ses biens. À l’image des Indiens sans costume, les moines vont nus de vérité ; et au pays d’Inde comme dans la province sacramentaire, on se nourrit de chair humaine, ou divine41. Le catholicisme, associé allégoriquement à ce nouveau monde, est observé comme une contrée exotique, à l’aide de ce procédé du regard étranger appliqué à des réalités bien connues, qui a marqué la littérature avec les Lettres persanes, mais est déjà souvent exploité par la controverse protestante – et auparavant, par des allégories critiques comme le Songe du vieil pelerin de Philippe de Mézières (1389)42. Cette écriture d’explorateur oscille entre un ton d’apparence élogieuse, imitant l’émerveillement devant les innovations du monde papistique et sa richesse, et un ton faussement neutre, renvoyant à l’image d’un savant qui observerait les clercs comme de drôles d’oiseaux, sous le patronage du grand Conrad Gessner43. L’Histoire de la Mappe-monde papistique se donne l’apparence d’une « histoire naturelle », au sens que prend cette expression dans les encyclopédies du xvie siècle, telles que l’Histoire de la nature des Oiseaux de Belon ou l’Histoire admirable des Plantes de Duret ; dans ces titres le mot « histoire » désigne un parcours des connaissances que l’on a sur un sujet, faisant la somme de tout ce que l’on peut lire à son propos – les legenda dont parlait M. Foucault, et non la simple légende d’une carte44.
18L’image exotique trouve sa place, mais comme sur la carte elle rencontre assez vite ses limites, comme si Trento se contentait de la lancer, laissant le lecteur lire la suite en conservant le souvenir de ce cadre initial. Assez vite, les allusions aux riches denrées et aux paysages foisonnants s’estompent ; ce qui persiste, c’est essentiellement le regard du voyageur savant, observant un univers régi par des coutumes insensées. Écriture descriptive et focalisation externe se mettent au service d’une approche encyclopédique, favorisée par le découpage en rubriques et sous-sections. Avec un regard d’entomologiste curieux, Trento évoque les différents ordres et rangs ecclésiastiques comme des « peuples », à la troisième personne ; leurs mœurs et pratiques sont dépeintes comme des curiosités, à l’aide d’un présent générique désignant ironiquement leurs pratiques déviantes comme des caractéristiques héréditaires45.
19Or cette dissolution de l’image du Nouveau monde au profit d’une écriture descriptive faussement neutre se révèle plutôt compatible avec le développement du motif urbain dans le texte. Nous disions plus haut que sur la carte, les cités allégoriques réparties dans les dix-neuf provinces n’apparaissaient que sous la forme de vignettes indifférenciées. Dans le texte, elles interviennent également au terme de la subdivision allégorique. Ainsi la « Province des Clercs », onzième province de la Mappe-monde, contient les cités « Cardinauté », « Patriarchat », « Archiepiscopat » et « Evesché ». Mais en dépit de cette place reculée dans le dispositif allégorique, ces cités donnent souvent lieu à des développements prolongés. Trento assume en partie ce décalage, lié à la différence des supports : dans l’adresse à « quelque fantastique » qui clôt son ouvrage, il s’excuse de n’avoir pas pu donner place à toutes les cités sur la carte, ce qui suppose a fortiori qu’il était impossible de les représenter de manière détaillée :
« Si quelqu’un s’esmerveilloit, ou trouvoit estrange, qu’en ceste Mappe-monde toutes les citez, et autres choses qui eussent esté necessaires, ne sont point pourtraictes : l’autheur respond à cela, qu’il y a mis toutes les choses principales, tout ainsi qu’en ont faict tous ceux qui ont escrit et dressé les Mappes-Mondes communes de la terre, ausquelles toutes les villes n’ont pas peu estre comprinses ne figurées, à cause qu’il n’y avoit point assez d’espace, pour comprendre le tout. Ainsi en a-il esté faict en ceste Mappe-monde Papistique : toutes les Provinces y sont mises, et aucunes des citez, mais des principales selon qu’il y a eu place : et le reste a esté mis bien au long dedans le livre, comme on le pourra veoir46. »
20Peut-être faut-il y voir un écho des démêlés entre Trento et son graveur47. Il reste que cette excuse verbalise très explicitement une importante différence entre l’image et le texte, en présentant ce dernier comme le seul lieu où peut se développer la figuration de ces cités allégoriques. Dans les faits, à quel point ce déséquilibre favorise-t-il le développement de la métaphore urbaine dans le livret explicatif ?
Le regard archéologique. Une lecture temporelle de l’espace urbain
21Une partie du discours développé sur ces cités dans le texte explicatif échappe intrinsèquement aux possibilités de la représentation graphique. En effet l’un des aspects importants de cette « histoire » est l’exploration d’une dimension difficile à coucher sur papier, l’axe temporel48. Trento s’ingénie assez systématiquement à dater les rites, pratiques et institutions parcourus par son traité. L’un des sujets de prédilection de la controverse réformatrice en la matière est la confession auriculaire : la légende qui entoure la carte, et renvoie au texte, dont elle est aussi un résumé, survole ses avatars historiques, expliquant comment elle fut « destruitte et ruinée […], et depuis restaurée et refaicte par le Pape Innocent III. avec l’aide et secours du Concile de Latran, l’an 1215. du temps de Philippe Auguste Roy de France le 41 », avant d’être ensuite « fort agrandie par les peuples de la Moinerie et Prestraille49 ». Sur la messe, le propos s’étend durant plusieurs pages, multipliant dates, noms de rois et de papes ; il s’agit de montrer que la cérémonie centrale de la liturgie romaine est en réalité un patchwork culturel composé d’emprunts d’origines plus ou moins compromettantes, et n’ayant cessé d’évoluer au cours des siècles50.
22D’une certaine manière, nous voyons ici se déployer le regard archéologique qui ne se pose pas sur Rome, consistant à voir la ville comme un espace mobile, inscrit dans l’histoire, une zone de construction juxtaposant chantiers et monuments anciens. Mais au lieu de gratifier la ville d’une vénérable profondeur de champ, ce regard rétrospectif est entièrement tourné dans un sens négatif. Si la carte montre que l’Église catholique n’est pas universelle, ces plongées chronologiques soulignent le fait qu’elle n’est pas éternelle. Cet argumentaire est la réponse des réformés aux catholiques qui les accusent d’avoir inventé une nouvelle religion. Contre les prétentions spirituelles de l’Église romaine, il s’agit de l’ancrer dans un lieu et dans une durée, tandis que pour les réformés la fidélité à la parole du Christ implique que la religion n’ait pas d’histoire. Toute évolution est ici une dégradation, un détournement humain de la pastorale christique. En outre dater la religion romaine, l’historiciser, est une manière de programmer sa déchéance ; si elle est apparue et a évolué, elle peut aussi disparaître, au profit du retour aux origines auquel aspire la Réforme.
23Or de manière un peu paradoxale, dans le texte, ce regard archéologique trouve dans la spatialisation un support d’expression particulièrement efficace. L’attrait de l’Église pour les rénovations informe la topographie urbaine, suivant un principe d’agrandissement qui peut apparaître comme haussmannien au lecteur français d’aujourd’hui, mais s’inscrit en réalité dans une actualité très directe, la politique de rénovation urbaine engagée à Rome par Paul III et ses prédécesseurs, laquelle a notamment eu pour effet de faire « éclater la compacité médiévale du centre51 », en élargissant les grandes artères de la ville. La rénovation de la cité pontificale se transmet en quelque sorte aux villes que renferme cette Rome continentale. De la cité « Evesché », dans la « Province des Clercs », il est ainsi dit :
« elle a esté refaitte toute neufve : pource que ceste antique fut ruinée des Papes, d’autant qu’elle n’estoit pas à leur plaisir : et disoyent qu’elle avoit les rues trop estroittes, et que la maniere de vivre qu’on y tenoit, estoit fort maigre et trop sobre […] : et ont eslargi ces rues estroittes, et les ont faictes amples et spacieuses, tellement que c’est une demeure de Pape, ainsi qu’on dit : et y ont mis un tel ordre, que la maniere de vivre y est large, magnifique, et sumptueuse, fusse pour des Cardinaux, et grans seigneurs et Princes, voire pour des Rois et Empereurs52 ».
24L’évolution temporelle se traduit par des données spatiales. Les accusations portées contre la hiérarchie ecclésiastique, qui a quitté la voie étroite du Christ par attrait pour les fastes et la grandeur, sont malicieusement mises en relation avec les grands travaux chargés d’embellir la cité pontificale. La satire est ici très plastique, mais c’est bel et bien dans le texte que se développe l’image de ces cités. Sur la carte, la seule temporalité présente est celle du combat, de l’instant suspendu pendant lequel nous voyons les réformateurs lancer leurs lances garnies de bibles : les fondements de cette Rome papistique sont en voie d’effondrement, mais on ne perçoit pas l’histoire dont résulte cette situation.
La forme des villes. Labyrinthes et saucisses
25Au demeurant la rêverie du livret explicatif autour de l’aspect de ces cités ne se limite pas à ce sondage des strates archéologiques. Plus globalement, cette légende hypertrophiée s’attache à figurer caricaturalement les principaux points de controverse autour de l’institution, l’ordre ou la règle désignés par le nom de la ville, donnant parfois lieu à un déploiement très spécifique de l’allégorie urbaine. Ainsi, à côté du sondage archéologique évoqué plus haut, la légende de la cité « Confession Auriculaire » suscite une projection spatiale de la distinction des péchés, opposant la « rue des Veniels », « belle à veoir » et « sans aucun destour », et la « rue des Mortels », qui est au contraire « pierreuse, bossue, mal aisée et tortue ». La première est traversée par l’eau pure de la rivière « Beniste », tandis que la seconde est bordée d’un précipice mortel pour quiconque y trébuche. On apprend que face à ce danger, les habitants de la Province des Clercs ont engagé des travaux de viabilisation, moyennant paiement d’un impôt ; tant et si bien que les deux rues se rejoignent désormais et « sont presques toute une ». L’allégorie urbaine entraîne la sémantisation de plusieurs éléments topographiques ; la description tient un discours satirique, par la mise en scène concrète et simplifiée de la liturgie romaine. Un tel développement peut être entendu comme une incitation à la figuration, sur la carte. Mais sur le dessin d’Eskrich, la cité « Confession Auriculaire » est une vignette urbaine indifférenciée, comparable à toutes les autres.
26On fera le même constat avec d’autres cités donnant lieu à un développement de l’image urbaine – lesquelles se trouvent en un lieu assez localisé du texte, dans la « Province d’Oraison ». La « Cité des heures canoniales » est décrite comme une ville « bigearre et […] fantastique », « faite en façon de labyrinte » :
« on y va maintenant deçà, maintenant haut, puis bas, tantost à main droitte, puis delà, tantost à main gauche : maintenant on descend par de petis degrez, tantost on monte en de grandes places : et puis on va par des rues courtes et estroittes, tantost par des larges et spacieuses […]53 ».
27C’est sans doute la complexité des règlements fixant la répartition des heures de prière qui est ici visée, et ses variations liées aux amendements apportés aux différentes époques. La dystopie se présente ici comme une inversion en miroir des utopies contemporaines : cette ville enchevêtrée inverse les principes géométriques promus par Alberti, Filarete et di Giorgio Martini54. Elle prend aussi le contrepied des figurations idéalisées des villes du Nouveau Monde, en damiers ou carrés concentriques disposés autour d’une place55 ; on peut penser plus spécifiquement à la géométrie statique, elle aussi très idéalisée, qui caractérise les planches de la seconde partie des Antiquae urbis Romae réalisées par Fabio Calvo en 1527, juste avant le sac de Rome56. Une monotonie excessive s’éloigne tout autant de ces rêves humanistes : dans la même « Province d’Oraison », la cité « Letanie » est traversée de « rues infinies, […] presque toutes faictes d’une sorte », débouchant toutes « en un lieu seul, fort beau et ample, […] qu’ils appellent, Ora pro nobis57 ». Une fois encore, la représentation d’un tel contraste entre une cité labyrinthique et une ville monotone ne semble pas poser de difficulté technique insurmontable, mais sur la carte gravée, les cités « Heures canoniales » et « Letanie » restent indifférenciées.
28C’est donc dans le texte, dans un passage il est vrai assez circonscrit, que se rencontrent les images urbaines les plus élaborées. Il arrive que ce motif s’agglomère à des images secondes, et que ces dernières, loin de l’escamoter, lui confèrent un certain relief satirique. Dans la description de la « cité Rosaire », toujours dans la province d’Oraison, la topographie allégorique se double d’une image alimentaire, beaucoup plus courante, mais quelque peu renouvelée par cette association : cette cité est « longue et estroitte », si bien que « ceux qui s’y promenent par dedans, jamais ne cessent d’aller en avant » ; elle a ainsi « la forme d’une saucice de pourceau58 ». La moquerie se dédouble pour railler ce culte légendairement fondé sur un don de la Vierge à saint Dominique (qui détient la plus belle boutique de la ville), au début du xiiie siècle. Par la suite la transposition allégorique se déplace, passant de la forme aux matières. On découvre ainsi une ville dont les bâtiments sont faits de bois durs et foncés, ébène, poirier ou noyer, tandis que d’autres sont faits des mêmes pierres que les grains minéraux du chapelet – agathes, ambre, cornaline et corail59. Dans l’optique de Trento, ces matières précieuses ne sont pas plus respectables que la charcuterie ; l’attachement qu’elles suscitent est un signe certain de la dévalorisation du sacré.
29Plus discrètement, le topographe insiste parfois sur le style architectural dominant de certaines cités ; ce traitement est propice à la mise en réseau de plusieurs contrées. On apprend notamment que la cité « Sorbonne » a été bâtie « à la rustique », et partage ce trait avec plusieurs autres villes :
« Et ces marchans ici ont basti ceste cité d’edifices, qui sont faicts quasi tous à la rustique, comme sont aussi plusieurs citez de la Province des Moines et des Clercs, et la cité des Jesuistes, et autres Provinces et citez du Royaume, lesquelles prennent fort grand plaisir en cest ouvrage à la rustique, et plaist bien à tous ces peuples-là, et principalement ceux de la cité des Cordeliers, des Jacopins, et ceux de sainct Benoist aussi prennent bien plaisir à telle architecture. Et ceste ordonnance de bastir à la rustique est pratiquée aussi par aucuns de la cité des Cardinaux, Evesques, Archiprestres, et par aucuns de ces autres citez principales, non pas de tous, mais de quelques uns seulement, qui suyvent et prennent plaisir à ceste ordonnance rustique60. »
30Le référent de cette qualification n’est pas très explicite. On peut y voir une allusion au style rustique, variante du goût maniériste consistant à imiter la nature brute, avec des blocs mal dégrossis et des colonnes d’inspiration végétale, qui eut sa vogue en Italie avant d’être imitée par des artistes français comme Androuet du Cerceau ou Palissy, comme le remarquent les éditeurs scientifiques de la Mappe-monde61. Plus bas, Trento évoque plus simplement une « ordonnance rustique, rude, scabreuse, et rabbotteuse62 ». On peut se demander si cette qualification renvoie au style architectural que l’on commence à qualifier de « gothique » dès le xvie siècle, ou si elle s’étend à un jugement sur la rugosité de la scolastique et du latin qui se pratiquent à Paris63. Il reste que son sens littéral est avant tout l’évocation de l’uniformité du style de ces différentes cités. Elles constituent ainsi un réseau, dont l’effet, inverse à celui du réseau des contrées fidèles au Christ que nous évoquions plus haut, va plutôt dans le sens de la force centripète exercée par Rome sur l’ensemble de la chrétienté inféodée au pouvoir papal.
*
31On peut constater au terme de ce parcours que le motif urbain n’est pas absent de la Mappe-monde ; il se manifeste sous diverses formes, plutôt spectaculaires. L’image du nouveau monde ne l’évacue pas, mais rend sa présence plus complexe, dispersée au sein d’un dispositif très profus. Dans le texte, le discours romain semble perdre consistance, mais on voit ponctuellement apparaître des figures proprement dystopiques, représentant la religion sous la forme d’espaces urbains pris de folie. Sur la carte, la distorsion géographique fonctionne suivant un autre principe, toujours signe d’inquiétude au xvie siècle, celui de l’hybridation. Tandis que le texte joue sur le détail, c’est ici un effet d’ensemble qui est visé. Le grand format de la mappemonde suggère que ses feuillets avaient vocation à être assemblés et affichés. On ne sait pas si cette scénographie a été réalisée, mais pour le spectateur qui aurait observé cette carte, elle aurait représenté une sorte d’antidote à ces lieux d’exhibition du pouvoir qu’étaient les salles géographiques des grandes demeures, comme la camera delle città du palais de Gonzaga, la salle de la Mappemonde du Palais des Doges à Venise, ou plus tard (vers 1574) la salle des cartes du Palazzo Vecchio64. S’il favorise la mémorisation des points de la controverse anticatholique65, ce plan a pour premier effet de contester la puissance de Rome, dont la cartographie imprimée s’efforçait au contraire de faire la démonstration. Mêler le plan de la ville éternelle, dont on exhibait de plus en plus les fondements antiques, à la cartographie du Nouveau monde, c’est produire un monstre mélangeant les espaces, les époques, et les civilisations. Les mers intérieures qui séparent les dix-neuf provinces, et qui rappellent peut-être les grandes artères ouvertes à Rome66, donnent l’impression d’une ville en voie de morcellement. Tandis que les cartes commandées par les princes présentent une projection spatiale de leur pouvoir, cette carte scénarisée, qui tient aussi du tableau de bataille67, figure plutôt la fragilité d’un espace en devenir, soumis à l’équilibre d’un moment fatidique, où s’affrontent la poussée de la reconquête catholique (avec ses ermites en mouvement et sa fabrique des bâtiments dévots), et celle d’une Europe future, littéralement utopique, réunie dans un combat commun contre le centre du pouvoir papal.
Notes de bas de page
1Trento Jean-Baptiste, Mappe-monde nouvelle papistique, Genève, 1566, éd. Frank Lestringant et Alessandra Preda, Genève, Droz, 2009.
2La carte (dont on conserve cinq exemplaires) est formée d’un assemblage de seize planches in-folio gravées sur bois ; elle est encadrée par douze planches supplémentaires contenant sa légende, qui renvoie systématiquement au livret explicatif. Dans les éditions ces planches gravées se succèdent, mais l’ensemble mis bout à bout mesure 175 × 155 cm.
3Le Livre des Marchans d’Antoine Marcourt. Une satire anticléricale au service de la Réforme, édition critique du texte (1533-1544), éd. Geneviève Gross, Paris, Honoré Champion, Textes littéraires de la Renaissance, 2016 ; Bèze Théodore de (attr. à), Satyres chrestiennes de la cuisine papale, éd. Charles-Antoine Chamay, Genève, Droz, 2005. C’est bien à l’utilisation du motif urbain comme comparant satirique que nous nous intéresserons ici, et non à la mise en cause de pratiques religieuses au sein de l’espace urbain, telles les processions – ces dernières n’apparaissent pas comme une cible première dans l’ouvrage de Trento.
4Venise, 1486, fo 79 ro.
5La bibliographie sur la question est abondante. Voir notamment Besse Jean-Marc et Dubourg Glatigny Pascal, « Cartographier Rome au xvie siècle (1544-1599) : Décrire et reconstituer », in Antonella Romano (dir.), Rome et la science moderne : Entre Renaissance et Lumières, Rome, Publications de l’École française de Rome, 2009, p. 369-414 ; rééd., [http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efr/1945], [DOI : 10.4000/books.efr.1907] ; Maier Jessica, Rome Measured and Imagined : Early Modern Maps of the Eternal City, Chicago, University of Chicago Press, 2015 ; Gualandi Maria Letizia, « “Roma resurgens”. Fervore edilizio, trasformazioni urbanistiche e realizzazioni monumentali da Martino V Colonna a Paolo V Borghese », in Antonio Pinelli (dir.), Roma del Rinascimento, Rome, Laterza, 2007, p. 123-160 ; Folin Marco, « De l’usage pratico-politique des images de villes (Italie, xve-xvie siècle) », in Élisabeth Crouzet-Pavan et Élodie Lecuppre-Desjardin (dir.), Villes de Flandre et d’Italie (xiiie-xvie siècle), Les enseignements d’une comparaison, Turnhout, Brepols, Studies in European Urban History (1100-1800) 12, 2008, p. 259-280.
6Von dem Papstthum zu Rom, wider den hochberühmten Romanisten zu Leipzig, WA 6, p. 285-324 (De la papauté de Rome, éd. Marc Lienhard et Matthieu Arnold, Œuvres, I, Paris, Gallimard, coll. « Bibl. de la Pléiade », 1999, p. 535-588) ; De captivitate Babylonica ecclesiae praeludium, WA 6, p. 497-573 (Prélude sur la captivité babylonienne de l’Église, ibid., p. 711-825) ; An den christlichen Adel deutscher Nation von des christlichen Standes Besserung, WA 6, p. 404-469 (À la noblesse chrétienne de la nation allemande, ibid., p. 591-673).
7Éd. citée, p. 724 (WA 6, p. 506 : « je t’oppose ces paroles du christ et de Paul, à toi, Rome, et à tous tes adulateurs… »).
8Éd. citée, p. 726, 771 (WA 6, p. 507, 537).
9Éd. citée, p. 545 (WA 6, p. 291 : « sie haben yhe die welt fast yhr eygen gemacht »).
10Ce centralisme romain n’est certes pas perçu de la même manière au sud et au nord des Alpes : sur ce point voir Solfaroli Camillocci Daniela, « La critique paradoxale de la centralité de Rome dans le discours satirique des “hérétiques italiens” », in Frédéric Tinguely (dir.), La Renaissance décentrée, Genève, Droz, « Travaux d’Humanisme et Renaissance », no CDXL, 2008, p. 142. En outre cette perception de la ville évolue : Rome est en fort déclin au début du xvie siècle, et ne commence à reprendre vigueur qu’à partir du pontificat de Paul III en 1534, en réponse à la pression de l’Empire, des revendications nationales, des autres cités italiennes, et de la Réforme ; dans les années 1560, à la fin du concile de Trente, l’utilisation de son image est un outil essentiel en faveur de la restauration d’un sentiment d’appartenance à la communauté chrétienne (Labrot Gérard, L’image de Rome. Une arme pour la Contre-Réforme (1534-1677), Seyssel, Champ Vallon, 1987, p. 46, 59, 63 ; Delumeau Jean, La seconde gloire de Rome : xve-xviie siècle, Paris, Perrin, 2013, p. 143 sq.).
11Un ouvrage intitulé Les Lunettes des Romipetes fait partie du catalogue de la Bibliothèque de Saint-Victor, le terme apparaît encore dans le prologue du Quart Livre, ainsi que dans la Briefve declaration (éd. Mireille Huchon, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1994, respectivement p. 237, 533 et 707) ; on le retrouve dans les Contes d’Eutrapel de Noël du Fail, dans plusieurs ouvrages d’Henri Estienne, la Satyre Ménippée ou encore la Confession de Sancy. Kurt Baldinger a relevé de nombreuses occurrences en latin, depuis le xiie siècle, en particulier pour désigner les pèlerins (Baldinger Kurt, Études autour de Rabelais, ÉR, XXIII, 1990, p. 126 sq.).
12« Singulae regiones suum aliquem peculiarem vindicant Divum […]. Nam omnia percensere longissimum fuerit » (Érasme, Moriae Encomium, Opera Omnia, North-Holland Publishing Company, 1979, t. IV, 3 : 990-995, p. 124 ; Œuvres choisies, trad. Jacques Chomarat, Paris, Livre de Poche classique, 1991, chap. xl, p. 161-162 : « chaque pays réclame pour lui un saint particulier […], il serait trop long d’en faire un recensement complet »).
13Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2009, p. 227-228.
14Éd. citée, p. 539 (WA 6, p. 287 : « als da sein die Moscowiten, weisse Russen, die Griechen, Böhemen, und viel andere grosse Ländere in der Welt […] ohn dass sie […] wollen sich auch mit Ablass, Bullen, Blei, Pergamen, und was der römischen Waar mehr sein […] »). On peut y voir une allusion au concile de Florence, qui avait tenté une dernière fois de réunir les Églises romaine et byzantine, en 1439 (voir éd. citée, n. 2 de la p. 539). Une variante à la fois proche et très amplifiée de l’énumération luthérienne est celle que l’on trouve dans le Tableau des différends de la religion de Marnix de Sainte-Aldegonde, évoquant les Grecs, suivis par les « Eglises d’Armenie, de Ruscie, et de Moscovie », et par les communautés chrétiennes qui existent dans des peuples non chrétiens, tels que les « Turcqs et Mahometains, qui n’ouirent oncques nouvelles du Pape, comme les Zirfiens, Bulgariens, Arnautlares, Georgiens, Jacobites et autres » (éd. Slatkine reprints, Genève, 1971, fac-similé de l’éd. Van Meenen [1857-1860], vol. I, p. 369).
15Par rapport à l’attraction exercée par la cité romaine, une autre image corrective est celle de Genève comme centre de substitution, qui s’élabore notamment chez les controversistes italiens dans les années 1540-1550 (Solfaroli Camillocci Daniela, art. cité, p. 151) ; nous ne l’aborderons pas ici car elle n’est guère active chez Trento, qui n’a à cette époque pas des relations faciles avec les autorités de la ville.
16V. Peyronel Rambaldi Susanna, « Propaganda evangelica e protestante in Italia (1520 c.-1570) », in Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi et Alain Tallon (dir.), La Réforme en France et en Italie : Contacts, comparaisons et contrastes, Rome, Publications de l’École française de Rome, 2007, p. 53-68.
17Il s’agit de la traduction latine, éditée en Suisse en 1543, d’un ouvrage qui circule en italien en 1542 (voir Mappemonde, éd. citée, p. xxi).
18Sur les emprunts de Trento au Pasquillus, voir la Mappe-monde, ibid.
19Negri Francesco, Tragedia di F. N. B. intitolata libero arbitrio, [Bâle, J. Oporin ?], 1546 ; une version francophone paraît anonymement en 1558 à Genève, chez Jean Crespin, sous le titre de Tragedie du roy franc-arbitre.
20Ibid., p. xxv sq.
21Plusieurs hypothèses sont possibles sur la collaboration entre Trento, son graveur Eskrich, et peut-être Negri, ibid., p. lx
22Ibid.
23On relève ponctuellement des détails divergents comme la présence sur la carte du cardinal de Lorraine et du cardinal d’Angoulême, absents du texte (ibid, p. lxii). Jean-Marc Besse et Pascal Dubourg Glatigny signalent que de telles divergences sont courantes dans la réalisation de cartes plus ordinaires, qui sont néanmoins « le résultat de compromis entre des intérêts qui ne convergent pas toujours », ceux des « producteurs, [d]es lecteurs et [d]es financeurs » (art. cité, p. 382).
24Ibid, p. lxxvi Bien entendu, le respect de l’échelle n’est pas une norme rigide au milieu du xvie siècle, mais il devient une préoccupation de plus en plus pressante, depuis l’affirmation de la nécessité d’une prise de mesures exacte par la Descriptio urbis Romae d’Alberti (ca. 1433) ; cette précision est revendiquée avec force en 1551 par le plan de Leonardo Bufalini, doté d’une échelle et d’une représentation de l’auteur avec un compas (Maier Jessica, « Mapping past and present. Leonardo Bufalini’s plan of Rome [1551] », Imago Mundi, 59, 2007, p. 1-23 ; Besse Jean-Marc et Dubourg Glatigny Pascal, art. cité, p. 395).
25Ibid., p. lxx.
26Ibid, p. lxxvi. Sur ces multiples enceintes soufflent, à la place des quatre vents, des diables cracheurs de feu ; cette scénographie rappelle les propos de Luther expliquant, dans un esprit tout aussi allégorique, que les « romanistes » s’étaient entourés de trois murailles (la domination du pouvoir temporel par le pouvoir ecclésiastique, la maîtrise des Écritures saintes, et les conciles), sur lesquelles devait s’abattre un souffle comparable à celui des trompettes qui mirent à bas les murailles de Jéricho (À la noblesse, WA 6, p. 407, 410, 413/éd. citée, p. 595, 600, 603).
27Folin Marco, art. cité, p. 259 sq.
28Éd. citée, p. lxx. Pour la représentation de la muraille, Eskrich s’est inspiré très fidèlement du plan de Niccolà Beatrizet, repris par Sebastiano di Re, dit « plan de Naples » (1557), c’est-à-dire d’un plan militaire.
29Armand Strubel note que « l’assaut d’attaquants multiples » et « la menace du combat » sont des attributs spécifiques du siège allégorique (« Grant senefiance a » : Allégorie et littérature au Moyen Âge, Paris, Champion, 2002, p. 46, 132).
30Éd. citée, p. 95-96. Les éditeurs signalent qu’au profit de cette énumération qui ne suit pas d’ordre identifiable, Trento escamote des dissensions confessionnelles parfois fortes entre ces contrées, dont certaines sont bien difficiles à identifier.
31Éd. citée, p. lxxii, lxxiv.
32Sur cette image de la Rome déserte du début du xvie siècle, absente d’elle-même, ville décrépite que peintres et voyageurs doivent imaginer à défaut de la percevoir vraiment, voir Labrot Gérard, op. cit., chap. 1 : « L’avant-Rome » ; Delumeau Jean, op. cit., p. 29-44 ; Vauchez André, « Forma urbis : idées et images de Rome à l’époque médiévale », in Stéphane Bourdin, Michel Paoli et Anne Reltgen-Tallon (dir.), La forme de la ville de l’Antiquité à la Renaissance, Rennes, PUR, 2015, p. 281 ; sur le contexte plus large de l’abandon de Rome pendant la période avignonnaise, Vauchez André (dir.), Rome au Moyen Âge, Paris, Riveneuve, 2010. Comme le remarquent Frank Lestringant et Alessandra Preda, sur les cartes et gravures vraisemblablement utilisées par Eskrich, l’enceinte de Rome était déjà en partie vide (éd. citée, p. lxxiv). Jean-Marc Besse et Pascal Dubourg Glatigny signalent que la figuration d’une Rome évidée, remplie d’éléments naturels, mettant l’accent sur les reliefs et l’hydrographie, dans un paysage où les principaux bâtiments se posent sans lien avec un tissu urbain, est l’une des « familles » de représentation de la Rome antique dans la cartographie renaissante (art. cité, p. 381).
33Voir par exemple la figuration d’une Rome pleine, urbaine et florissante, dans la Cosmographia universalis de Sebastien Münster (H. Petri, Bâle, 1550).
34Ibid. p. 62 ; voir l’introduction, p. lxviii.
35Ibid., p. xxiii.
36Strubel Armand, op. cit., p. 129 sq.
37Sur la source de ce motif satirique, voir éd cit., p. lxxiii, n. 261. Il connaît un réel succès dans la satire des xvie et xviie siècle au moins.
38Éd. citée, p. 11-12.
39Ibid., p. 60-64.
40Ibid., p. 12.
41Ibid., p. 62.
42Le narrateur y effectue en rêve un voyage allégorique dont les étapes sont des lieux connus, mais revisités, parmi lesquels figurent notamment les hauts lieux du catholicisme, Rome, Avignon ou Paris. On y trouve une « table figurée » qui semble être une innovation, expliquant comme le « livret » de la Mappe-monde le détail de l’allégorie. V. Strubel Armand, op. cit, p. 261 sq.
43Dans la préface de l’Histoire, Trento remarque que cette « nouvelle Mappe-Monde Papistique […] semble proprement estre une histoire de ces animaux de Cardinaux, de Prestres, de Moines, de Sorbonistes, et autres semblables, qui habitent en ce monde-là » (éd. citée, p. 58).
44Foucault Michel, Les Mots et les Choses : une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, 1976, p. 55.
45Voici par exemple comment Trento évoque les deux dieux des jésuites – le Crucifix et le pape (nous soulignons) : « Après ils adorent seulement deux dieux : et disent qu’ils ne veulent point tant de saincts et sainctes, ne tant d’images et ceremonies, et idolatries, ne tant de poltroneries monachales : ils disent qu’il leur suffit d’avoir ces deux dieux-là […] : celuy des Festes est un morceau de bois mis sur un autre morceau, qu’ils appelent Crucifix […] » (éd. citée, p. 190).
46Éd. citée, p. 347-348.
47Ibid., p. lx.
48Il reste que les cartes de Rome proposent diverses modalités de fusion entre les innovations de la Rome moderne et les vestiges de la cité antique (voir Besse Jean-Marc et Dubourg Glatigny Pascal, art. cité, p. 379 sq.).
49Éd. citée, p. 43. On trouve déjà des remarques similaires chez Negri, que Trento reprend parfois textuellement (ibid., n. 73 ; voir note 26, p. 27, etc.).
50Ibid., p. 253 sq. Ce regard de philologue appliqué à l’institution catholique se nourrit largement du De inventoribus de Polydore Vergile, que Trento utilise largement, en partie par l’intermédiaire de la tragédie de Negri (éd. citée, p. xxviii ; voir les nombreux emprunts signalés par les notes). Sur la valeur négative affectée à la nouveauté, voir Lestringant Frank, « La nouveauté, un scandale très ancien. Note sur la polémique religieuse en France au temps des guerres de religion », in Franck Lessay et François Laroque (dir.), Innovation et tradition de la Renaissance aux Lumières, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2002, p. 91-106.
51Labrot Gérard, op. cit., p. 65.
52Éd. citée, p. 184. La Tragedie de Negri mentionne une province des Moines, mais pas de province des Clercs.
53Ibid. p. 169. Dans la Tragedie de Negri, la cité des heures canoniales figure également dans la province d’Oraison (Genève, Jean Crespin, 1558, II, 2, p. 97-99). Le propos s’attarde sur ses modifications, sa division en sept quartiers et la demande de Grégoire Ier qu’elle ne comporte qu’une seule porte, mais sa forme n’est pas évoquée.
54V. les chapitres synthétiques de Jean Delumeau, La Civilisation de la Renaissance, Paris, Arthaud, 1984, p. 270 ; plus récemment Farinella Romeo, « La ville de la Renaissance entre modèles idéaux et formes de rationalisation : l’expérience de Ferrare entre histoire et projet urbain », in Gérard Giuliato, Marta Peguera Poch et Stefano Simiz (dir.), La Renaissance en Europe dans sa diversité, 1. Les pouvoirs et lieux de pouvoir, Nancy, université de Lorraine, 2015, p. 473-486.
55On peut penser à « La Terra De Hochelaga Nella Nova Francia » de Giacomo Gastaldi, in Delle Navigationi et viaggi de Giovan Battista Ramusio (Venise, Giunti, 1556, vol. 3, fo 446-447) ; le village qui devait être absorbé par Montréal est représenté sous la forme d’un cercle groupant des carrés disposés autour d’une place centrale.
56Besse Jean-Marc et Dubourg Glatigny Pascal, art. cité, p. 374.
57Ibid., p. 170.
58Ibid., p. 171.
59Ibid.
60Ibid., p. 186-187.
61Ibid., note 490.
62Ibid., p. 187.
63Sur les emplois précoces de ce terme, voir Paoli Michel, « Évolution des idées sur la “manière gothique” et la “manière allemande” de Filarète à Vasari (et au-delà) », Studi rinascimentali, XI (2013), p. 99-113.
64Folin Marco, art. cité, p. 259 sq.
65Éd. cit., p. xxvi
66V. le plan des rues nouvelles de Rome proposé par Jean Delumeau, in La Civilisation de la Renaissance, op. cit., p. 270. Pour un point récent sur la politique d’urbanisation des papes à l’aube du xvie siècle, voir la thèse de Troadec Cécile, Roma crescit. Une histoire économique et sociale de Rome au xve siècle, université Paris-Sorbonne Paris IV – Università Roma Tre, 2016, p. 319-337.
67Éd. cit., LXXIII ; Marco Folin rappelle que l’évolution des systèmes défensifs a suscité à partir de la fin du xve siècle une multiplication des relevés et schémas destinés à améliorer la connaissance des enceintes fortifiées (art. cité, p. 271).

Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008