Le glaive de Justice et les tables de Moïse
Réflexions sur la grammaire visuelle d’une ville réformée au xvie siècle
p. 93-107
Texte intégral
1Dès le début des années 1520, la lutte pour la vérité religieuse déchire de nombreuses communautés urbaines, constituant un défi inédit pour le Conseil de ville, qui se veut protecteur de la paix et garant du salut. Prêches enflammés de prédicateurs comme Ulrich Zwingli, curé de Saint-Félix et Sainte-Régule à Zurich et futur chef de file des réformés helvétiques ; disputes religieuses destinées à décider du choix de religion à Berne, Nuremberg ou Hambourg, qui officialisent leur choix de la Réforme au cours de conférences organisées entre 1525 et 1528 ; émeutes dans les rues de Bâle qui voient les bourgeois imposer au magistrat l’adoption de la nouvelle foi en 1529 : l’arrivée de la Réforme devient rapidement un fait social total, qui n’épargne aucun aspect de la vie municipale. Elle ne pouvait donc rester sans effet sur le théâtre au sein duquel la communauté jouait sa partition : la ville elle-même, ses rues et ses places, ses bâtiments et ses symboles. Dans les Cantons suisses, comme dans le royaume de France ou le Saint-Empire romain germanique, les espaces de la cité deviennent très vite à la fois terrain et enjeu de luttes et de négociations, sur fond de désaccords profonds entre protestants et catholiques sur les modalités et la justification de la présence du sacré dans le paysage urbain1.
2La non-neutralité des espaces communs est évidente dès les actions iconoclastes menées par Andreas Karlstadt en 1522 à Wittenberg en l’absence de Luther, alors réfugié au château de la Wartburg. Défenseurs et adversaires de la nouvelle foi entendent investir les espaces de la cité et les façonner en vue d’en faire des relais illustrant et légitimant leur interprétation du christianisme. La crise religieuse s’inscrit alors dans les murs et les places de la ville, et transforme la façon dont une cité se pense et se met en scène comme communauté civique et sacrée. Le succès des idées réformées entraîne la contestation d’une topographie sacrée jusque-là familière, presque considérée comme allant de soi, et débouche, dans les villes protestantes, sur la disparition des chapelles, statues et images qui rythmaient le tissu urbain, mais aussi sur la suppression d’une série de cérémonies à la fois civiques et religieuses, comme les messes solennelles ou les processions. Parallèlement, de nouvelles grammaires architecturales et ornementales se développent, en accord avec les préceptes imposés par l’adoption de la Réforme.
3Ces quelques pages proposent de revenir sur ces transformations à partir de l’exemple de Berne, en Suisse. Après avoir opté pour la Réforme dans sa forme zwinglienne suite à une dispute de religion organisée en janvier 1528, la puissante cité-État devient la deuxième capitale du protestantisme helvétique après Zurich et met à profit son influence dans l’Ancienne Confédération helvétique pour promouvoir la nouvelle foi2. Il s’agira donc de revenir ici sur les implications de ce choix de religion, en retraçant l’organisation du retrait des images de dévotion, en décrivant le déploiement d’une symbolique à la fois civique et religieuse au sein de la collégiale Saint-Vincent et en revenant sur la généralisation des marqueurs de la puissance municipale dans la ville à l’exemple des fontaines publiques, avant de terminer par une réflexion sur l’importance prise alors par les allégories de la Justice. Sur la base des cas étudiés, je voudrais esquisser des éléments de réponse à une question au cœur de mes recherches sur le Bon Gouvernement des cités au temps de la Réforme : les bouleversements induits dans la symbolique de l’espace urbain par les idées réformées ont-ils conduit le magistrat à imposer progressivement une symbolique civique, remplaçant les anciens marqueurs religieux et mettant à son service une grammaire visuelle compatible à la fois avec les principes réformés et avec la célébration de l’autorité civique3 ?
La police des images
4Qui déambule aujourd’hui dans les rues de Berne ou visite ses églises peine sans doute à imaginer la profusion d’images de dévotion qui en décoraient les murs, invitant le fidèle à adresser une prière au protecteur de sa confrérie ou à demander aide et soutien à la Vierge. Avant la Réforme, Berne avait pour saint patron Vincent de Saragosse, martyr des premiers temps chrétiens de l’Espagne, auquel avait été consacrée la collégiale, et dont l’image ornait aussi les salles de l’hôtel de ville. Les saints protecteurs étaient membres à part entière du corps social : les magistrats prêtaient serment en leur nom ; les corporations de métier entretenaient des chapelles dédiées au protecteur de leur art. Comme tant d’autres, la cité de Berne vivait selon une économie civique du salut où la frontière entre l’ici-bas et l’au-delà s’estompait dans une communauté formée par les vivants et les morts, qui interagissaient pour le salut commun, et protégée par des intermédiaires célestes qui veillaient sur la communauté et intervenaient au Ciel en sa faveur. Cette harmonie est radicalement remise en cause par les réformateurs, qui rejettent toute médiation autre que celle du Christ, rendant caduques la dévotion aux saints et les prières pour les défunts. Dans la lignée de Martin Luther, mais surtout d’Ulrich Zwingli, leur modèle et ami, auprès duquel ils prennent régulièrement conseil, les prédicateurs bernois Berchtold Haller et Franz Kolb prêchent ainsi contre une pratique qu’ils dénoncent comme inutile, idolâtre et contraire à la Parole de Dieu.
5Or, le rejet du culte des saints et de leurs reliques posait la question du devenir des programmes iconographiques qui leur étaient dédiés, ces images qui « présentifient » le sacré dans l’espace commun ou privé, selon le mot de Jean-Claude Schmitt4. Convaincus de réaliser la volonté de Dieu, des paysans et des bourgeois s’en prennent alors aux images dans les églises et sur les murs de nombreuses localités suisses5. À Berne, dénonciations des abus du culte des images et condamnations de dérives idolâtres avaient déjà été exprimées avant l’arrivée des idées nouvelles : en 1509, les faux miracles imaginés par quatre frères du couvent des Dominicains, qui avaient tenté de faire croire qu’une image de la Vierge versait des larmes avant d’être condamnés sévèrement par le conseil pour cette tromperie, avaient rendu méfiants les bourgeois de la cité6. Niklaus Manuel, peintre et homme politique bernois qui allait se distinguer comme un des éminents promoteurs de la Réforme, avait dénoncé les excès du culte des images dès 1518 dans une fresque intitulée l’Idolâtrie de Salomon. Les prêches des réformateurs donnent un nouvel élan à cette tendance, ne remettant plus seulement en cause certaines modalités de la vénération des images saintes, mais leur existence même. Dans le canton de Berne, les premiers incidents ont lieu dès 1523 – un paysan brûle par exemple des images de saints près d’Aarburg – mais c’est seulement après l’adoption de la Réforme, en 1528, que l’iconoclasme bernois prend toute son ampleur7.
6Que le magistrat se prononce en faveur de leur retrait, entende les protéger ou reste encore indécis, le défi religieux posé par les images se double d’un problème d’ordre public : les conseils doivent prévenir les désordres qu’entraîneraient des actes iconoclastes spontanés, visant des artefacts financés par des bourgeois de la cité, des confréries ou par le magistrat lui-même. Or, prévenir la discorde, assurer la paix et protéger les libertés compte alors au nombre des devoirs les plus importants de tout magistrat urbain : nécessité d’autant plus impérieuse que la foi, ciment de la communauté, se délite et que le Conseil est désormais exposé à l’accusation de négliger son rôle de garant du salut en laissant prospérer le schisme. À Berne, le magistrat tente dans un premier temps de protéger les images, en rappelant qu’il est interdit de les endommager, par exemple dans l’édit du 22 novembre 1524 : « Que personne n’insulte, ne déshonore, ne brise, ne brûle ou ne détruise de quelque manière que ce soit les images de Dieu, de sa digne mère et des saints bien aimés, et que personne ne s’en prenne aux églises et à leurs ornements8. »
7L’attitude du magistrat change du tout au tout après la dispute de janvier 1528. Quelques mois après les élections de Pâques 1527, où les partisans de la nouvelle foi ont obtenu la majorité au Grand Conseil et renforcé leurs positions dans le Petit Conseil, le magistrat décide de trancher la question religieuse en organisant une conférence destinée à confirmer que les réformateurs prêchent la Vérité et à légitimer l’adoption des principes qu’ils défendent. Au nombre des propositions adoptées à l’issue de la dispute figurent le caractère idolâtre des images et leur nocivité : « Fabriquer des images en vue de les vénérer est contraire à la Parole de Dieu dans l’Ancien et le Nouveau Testament. C’est pourquoi il faut les enlever partout où elles sont objet de dévotion », dit la huitième conclusion d’une liste qui en contient dix, parmi lesquelles on retrouve sans surprise la dénonciation du culte des saints et l’affirmation que le Christ est le seul et unique médiateur entre Dieu et les hommes9.
8À l’issue de la dispute, le 26 janvier, le Conseil de Berne10 décrète le retrait des images de toutes les églises de la ville sous huit jours11. Mais le processus s’accélère brutalement avec le sac de Saint-Vincent, les 27 et 28 janvier12. Sous le contrôle d’Anton Noll et Niklaus von Selzach, membres du Conseil, plusieurs maîtres artisans commencent à enlever les statues de la collégiale, bien avant la date prévue et sans laisser aux donateurs la possibilité de récupérer leurs images13. Certains partisans de l’ancienne foi résistent, comme les maîtres bouchers Hans Schnyder et Peter Thormann, qui tentent de défendre la chapelle de leur corporation contre les marteaux des réformateurs. S’ensuit une rixe entre partisans et adversaires des images, qui s’achève sur la destruction de nombreuses œuvres conservées dans l’église et à ses alentours. C’est précisément ce genre de tumulte, qui ne faisait que nourrir la discorde et creuser encore davantage le fossé entre partisans et adversaires de la nouvelle foi, que le magistrat va désormais s’employer à circonscrire. Une politique municipale de retrait des images se met en place, codifiée dans les textes, et qui distingue les images de dévotion, à faire disparaître sans tarder, de celles qui ne présentent pas de danger car ne se prêtant pas à la vénération. Un peu plus d’une semaine après la dispute, le Reformationsmandat du 7 février, qui transpose les principes réformés dans le droit de la cité, formule précisément le droit des donateurs à venir récupérer leurs biens, invitant notamment les corporations à se charger du retrait des images et autres objets de culte dans leurs chapelles14 ; quelques mois plus tard, les 26 et 28 juin, le Conseil décrète la destruction immédiate des images de dévotion dans l’ensemble des possessions bernoises, qu’elles se trouvent dans des lieux publics ou à l’intérieur des maisons15.
9Cette mainmise du magistrat sur le processus n’est pas propre à Berne. Une politique semblable s’observe quelques années plus tôt à Zurich, où, lors d’une dispute tenue en octobre 1523, Zwingli avait réussi à convaincre le magistrat de légiférer sur les images saintes16. Quelques mois plus tard, le décret du 8 juin 1524 interdit toute vénération des images, mais rappelle aussi que seules les congrégations peuvent décider du retrait des œuvres qu’elles ont financées. Ce décret est toutefois annulé dès le 15 juin par un nouvel édit, qui fait suite à l’élection d’un bourgmestre plus favorable à la Réforme que Marx Röist, qui présidait aux destinées de la ville depuis le début des troubles : la fabrication d’images est désormais interdite et les « idoles existantes » doivent être retirées sous huitaine par leurs propriétaires, à défaut de quoi elles seront détruites17. En s’arrogeant le monopole du retrait des images, en décidant du moment et du rythme de l’action iconoclaste, le magistrat, à Zurich comme à Berne, reprend symboliquement en main le destin religieux de la commune : il montre qu’il ne se laisse pas déborder par des initiatives individuelles et que la révolution religieuse se fera sous son égide, en respectant une procédure certes inédite, mais que le gouvernement n’entend pas laisser à d’autres que lui le soin de définir et d’appliquer.
Lieux civiques du culte
10À la veille de la Réforme, les églises et les chapelles sont au cœur de la vie religieuse de la communauté, accueillant les messes solennelles, mais aussi les messes votives quotidiennes, et abritant nombre de ces images tant décriées par les réformateurs. Leurs tours dessinent la skyline de la cité et leurs cloches rythment la vie quotidienne. La Réforme va partiellement détruire ce réseau de lieux de prière et de rassemblement en raison de la fermeture de nombreux lieux de culte. Le recentrage sur la Parole de Dieu et sur le Christ seul médiateur sonne en effet le glas de nombreuses églises mineures et chapelles, détruites ou affectées à d’autres usages, comme celle des hospitaliers de Saint-Antoine de Berne, transformée en grenier dès 153518. D’autres églises sont réaménagées afin de les mettre en conformité avec les exigences de la nouvelle foi, notamment les églises collégiales ou paroissiales qui ont aussi une fonction civique, comme le Grossmünster de Zurich, où Zwingli exerçait ses fonctions de curé, et Saint-Vincent de Berne, la grande église qui fait la fierté de la ville, comme le souligne un cartouche apposé sur un des arcs-boutants de la façade nord et qui proclame crânement « Machs na ! », c’est-à-dire « Fais-en autant ! ».
11La reconfiguration des espaces de la collégiale de Berne révèle les effets, sur les lieux de culte dans les cités du xvie siècle, de l’adoption de la nouvelle foi couplée à la volonté d’un magistrat de souligner sa légitimité et son attachement au service de Dieu. En construction depuis 1421, encore inachevée lorsque la Réforme saisit la ville de Berne, Saint-Vincent a toujours été un bâtiment éminemment politique. Sa finalité, outre de donner enfin à la communauté une église à la nef assez vaste pour l’accueillir, était de montrer que la ville avait les moyens de bâtir un édifice religieux pouvant rivaliser avec les églises cathédrales des villes épiscopales. Avec ses territoires répartis entre les évêchés de Constance et de Lausanne, Berne avait à cœur de mettre en scène son autonomie religieuse, et c’est pour cette raison que le magistrat a racheté les droits de patronage à l’ordre des Chevaliers teutoniques et créé un chapitre canonial adossé à Saint-Vincent en 148519. Prestations de serment et autres cérémonies civiques se déroulent dans la nef, où a également lieu la clôture solennelle de la dispute de janvier 1528. Avec l’adoption de la Réforme, le Münster va symboliser l’incarnation de l’Église invisible du Christ dans la communauté des fidèles réunie, assimilée au corps de la cité.
12Les modifications apportées aux espaces intérieurs de l’église révèlent le changement de paradigme entraîné par la Réforme : jusque-là, le maître-autel déterminait l’économie spatiale des églises, car c’était le lieu de célébration des messes solennelles, l’Eucharistie étant au cœur de la vie chrétienne. L’abolition de la messe prônée par Zwingli et les réformateurs suisses, qui voient dans la cérémonie une scandaleuse répétition du sacrifice du Christ sur la Croix, remet radicalement en cause cette organisation. À Berne, où l’interdiction de la messe est inscrite dans l’édit de Réformation de février 152820, vingt-cinq autels de la collégiale sont détruits et le maître-autel remplacé par une simple table destinée à accueillir la célébration de la Cène commémorant le sacrifice du Christ. Le 31 janvier, calices, vêtements de messe et autres objets précieux sont réunis en vue d’être vendus ou réutilisés : les objets en or et en argent sont par exemple fondus pour fabriquer des pièces de monnaie21.
13La symbolique spatiale se redessine autour de la chaire du prédicateur, qui devient le centre de gravité de l’église, vers lequel tous les regards doivent pouvoir se tourner et toutes les oreilles se tendre. La dévotion visuelle, orientée vers l’élévation de l’hostie consacrée – mais qui bien souvent n’était pas accessible à tous, en raison des jubés et autres chancels isolant la nef du chœur comme à Berne –, cède la place à une dévotion fondée sur l’écoute de la Parole de Dieu, transmise dans le sermon du prédicateur, qui prête son corps à cette Parole le temps du prêche22.
14Le sac de la collégiale, les 27 et 28 janvier 1528, met fin au règne des images saintes dans la grande église. Mais toutes les images ont-elles vraiment été détruites ? Toutes, non, et le visiteur peut encore admirer aujourd’hui les figures de saints ornant la voûte du chœur ou le programme iconographique des stalles, et surtout le célèbre Jugement dernier qui orne le portail central, sur lequel je reviendrai (fig. 1). Les images retirées sont celles devant lesquelles les fidèles venaient se recueillir ou demander l’aide d’un intercesseur, des images dont le caractère dévotionnel les rendait donc dangereuses aux yeux des réformés. Disparaissent ainsi des murs de la nef les tapisseries qui relataient la vie de saint Vincent, patron déchu de la collégiale, ou les images de saints qui ornaient les chapelles latérales. Les statues qui ornaient les portails latéraux de la collégiale sont elles aussi retirées, ne laissant aujourd’hui que des niches vides, alors que sur les côtés du Jugement dernier préservé, deux personnages présentent le Deuxième Commandement au fidèle entrant dans l’édifice : « Tu ne te feras pas d’idole » (fig. 2). Des travaux de consolidation de la terrasse aménagée devant la façade sud du Münster ont permis, il y a une trentaine d’années, de retrouver de nombreux fragments des statues détruites en 1528 et utilisées comme matériau de remplissage pour achever la construction de l’esplanade23.
Fig. 1. – Le Jugement dernier, par Erhart Küng, 1460-1480, portail du Münster de Berne.

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Fig. 2. – Détail du portail du Münster, v. 1480.

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15Le critère essentiel pour décider si une image doit être retirée ou peut rester en place reste son degré de compatibilité avec la nouvelle économie du salut et l’exaltation de la puissance municipale, même si des considérations matérielles ont probablement joué dans le choix de conserver certains ornements : ainsi, la voûte du chœur, réalisée par Peter Pfister sur commande de la ville et représentant 87 saints, venait d’être achevée en 1517 et en retirer les médaillons aurait demandé de remonter un échafaudage. Mais la première fonction de ce programme, comme le montre l’écusson aux armes de Berne placé en son centre, plus grand que n’importe quelle figure représentée sur les clés de voûte, était de faire de cette « Cour céleste » un « Ciel bernois24 » (fig. 3). Autre exemple, le vitrail représentant le martyre des Dix Mille, bien que sévèrement endommagé par une averse de grêle quelques années plus tôt, reste en place, car il rappelle aux fidèles l’histoire des soldats romains menés par saint Acace morts en témoins de la foi au mont Ararat25.
Fig. 3. – Voûte du chœur du Münster, par Peter Pfister, 1517.

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16Les programmes iconographiques de l’édifice qui sont préservés célèbrent en outre clairement les patriciens bernois. La Schultheissenpforte, entrée des magistrats ouverte sur la façade nord de la collégiale, est surmontée de deux écus montrant l’Ours de Berne, l’aigle bicéphale rappelant que la ville tire ses libertés de l’Empereur et enfin des armes des Zähringen, les comtes ayant fondé la cité en 1191. Achevée en 1575, la voûte de la nef, dont la réalisation a été confiée à Daniel Heintz l’Ancien, célèbre les dignitaires de la cité dont les armes ornant les clés de voûte rythment le ciel de la collégiale. Les patriciens sont mis en scène en serviteurs de la vraie foi, protégés d’un Dieu favorable au régime bernois, ce qui n’est pas sans rappeler le fameux « Dieu est bourgeois de Berne » de Konrad Justinger26. Les stalles du chœur, réalisées en 1524 par Jacob Rüss à partir de dessins de Niklaus Manuel, incarnent peut-être le mieux cette nouvelle lecture de l’église comme un lieu à la fois civique et religieux, où le magistrat impose sa marque comme protecteur de la Parole de Dieu27. Elles sont décorées de portraits des apôtres et des prophètes, qui se font face dans une logique typologique fréquente dans les églises médiévales ; ces figures illustrent ainsi la prééminence de l’Écriture sainte, Ancien et Nouveau Testament étant incarnés par les annonciateurs de la venue du Christ et les témoins et porteurs de sa Parole sur Terre. Mais surtout, les stalles étaient à l’origine surmontées par les allégories dansantes des quatre vertus cardinales : Justice et Tempérance, Fortitude et Sagesse caractérisaient en effet depuis Raban Maur et son De Anima un gouvernement juste et stable. Placées aux angles de l’ensemble, elles retissaient les liens étroits entre la cité terrestre, son magistrat et le royaume des Cieux et montraient que Berne était une ville si bien gouvernée que les vertus en dansaient de joie28.
17Il faut donc voir dans les aménagements de la collégiale durant les années qui ont suivi l’adoption de la Réforme une volonté de transformer le Münster en lieu de culte correspondant aux nouvelles exigences réformées, mais aussi le souci d’exalter la puissance municipale comme protectrice de la foi. En devenant le lieu où le magistrat se met en scène comme garant du salut des âmes, mais se voit aussi rappeler ses devoirs envers une communauté dont il est responsable devant Dieu, la collégiale de Berne réalise au fond en ses murs la fusion de la communauté sacrée invisible et de la communauté civique chère à Zwingli, qui voit dans chaque commune une incarnation sur Terre de l’Église invisible du Christ29.
Les fontaines : une nouvelle symbolique municipale
18Mais l’avènement de la Réforme laisse aussi un vide dans le paysage de la cité. C’est toute la topographie symbolique de la ville qui s’en trouve modifiée, et ceci d’autant plus qu’à la disparition des images s’ajoute, on l’a vu, celle de nombreuses chapelles et églises, mais aussi des itinéraires qui reliaient entre eux ces jalons de la vie municipale, et que les processions désormais interdites rechargeaient périodiquement dans un moment de communion fondé sur une grammaire visuelle, sonore et spatiale liant étroitement la communauté civique à ses protecteurs célestes.
19Ce dépouillement fait place à un renouveau des programmes ornementaux destinés à souligner la puissance de la cité et la légitimité de son magistrat30. Dans les villes où le Conseil s’est arrogé le jus reformandi et a imposé la nouvelle foi, rappeler publiquement qu’il reste le protecteur du bien commun et le garant du salut se révèle plus que jamais nécessaire31 : Berne n’échappe pas à la règle et fait face aux accusations de ses alliés ainsi que des autorités ecclésiastiques, qui accusent la ville d’être tombée dans l’hérésie et de favoriser le chaos et la division. Afin de répondre à ses détracteurs, mais aussi de réaffirmer son autorité sur la commune et sur ses possessions, le Conseil mobilise allégories du Bon Gouvernement et figures bibliques en vue de construire un récit efficace faisant du magistrat l’incarnation du pouvoir temporel décrit dans la Bible.
20Les fontaines publiques deviennent au xvie siècle l’un des vecteurs de ce discours sur le bon magistrat et accueillent des programmes iconographiques qui font de ces lieux de rencontre et d’échanges autant de marqueurs symboliques32. Les fontaines se multiplient alors dans nombre de villes suisses, dont Fribourg, Neuchâtel, Schaffhouse ou Bâle, du fait de magistrats soucieux de garantir l’accès des habitants à une eau propre en abondance33. À Berne, la construction de fontaines ornées de figures sculptées est initiée par le Conseil en 1530, soit deux ans après l’adoption de la Réforme ; elles seront mises en service entre 1542 et 1549. Mais comme l’a montré Olivier Christin, la construction des fontaines permet surtout au Conseil de se profiler en magistrat chrétien, qui assure à ses sujets l’accès à la foi vivifiante, souvent comparée à une fontaine d’eau pure dans la Bible, comme par exemple lorsque le Christ dit : « À celui qui a soif, je donnerai à boire gratuitement de la source d’eau vive » (Apocalypse 21, 6)34. À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que Martin Luther, dans sa traduction allemande de la Bible, utilise le terme Brunnen – fontaine en allemand – pour désigner tout point d’eau : la fontaine, qui permet de se désaltérer, renvoie donc à la Parole de Dieu, cette source qui désaltère l’âme du fidèle.
Fig. 4. – La fontaine de Moïse, 1544-1791.

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21En construisant les fontaines, le magistrat donne donc accès à une précieuse ressource, indispensable à la vie de la cité, mais rappelle aussi qu’il protège la communauté et remplit les devoirs qui lui ont été assignés par Dieu. Le programme iconographique de sculptures qui orne les fontaines fait ainsi la part belle aux figures vétérotestamentaires et civiques. Sur la place de la collégiale se dresse Moïse portant les Tables de la Loi (fig. 4). La fontaine actuelle date de 1791 et remplace celle construite en 1544, dont on sait qu’elle était ornée dès 1584 d’une statue peinte de Moïse. Le choix du prophète, présentant le Décalogue, pour orner ce point d’eau n’est évidemment pas dû au hasard. Les Dix Commandements sont régulièrement cités par les réformés comme étant le socle des lois que doit suivre un bon magistrat, et la figure de Moïse tisse un lien entre cité céleste et cité terrestre, symbolisant le gouvernement de la cité en accord avec les lois de Dieu par un magistrat qui n’est donc ni un pouvoir tyrannique, ni une entité schismatique comme voudraient le faire croire les ennemis catholiques de Berne35. Achevé en 1544 à quelques rues de là, un Samson terrassant un lion domine la Kramgasse : héros biblique très apprécié au xvie siècle, le colosse représente la force de la cité, et établit un autre lien entre le magistrat et l’Histoire sainte.
Fig. 5. – La fontaine du Banneret, par Hans Gieng, 1542.

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22D’autres fontaines célèbrent plus spécifiquement la cité en tant que corps politique, comme celle du banneret, édifiée en 1542 par Hans Gieng (fig. 5). On retrouve la figure du porte-étendard de la cité comme ornement de fontaine dans de nombreuses villes, souvent face à l’hôtel de ville ; elle se multiplie aussi sur les vitraux ou les décors des hôtels de ville, incarnation de la pérennité de la cité comme communauté de valeurs qui ne saurait être réduite à un rassemblement d’individus réunis par le seul fait du hasard et des circonstances. Pour en comprendre la signification, le mieux est de se rapporter aux mémoires de Guillaume de Pierrefleur, qui relate l’histoire de la ville d’Orbe au temps des affrontements confessionnels36. Le récit est porté par la statue du banneret, qui se lamente sur le sort de sa ville devenue terrain d’affrontement entre la Berne protestante et la catholique Fribourg. Contemplant la discorde depuis son piédestal – une fontaine là aussi –, le banneret de pierre se veut le dernier dépositaire de l’unité perdue, mais surtout, il incarne la cité et, par sa bouche, c’est elle qui parle et non un parti, comme le montre bien Geneviève Gross dans sa contribution consacrée à la querelle religieuse à Orbe37. C’est aussi la fonction du banneret brandissant aujourd’hui fièrement l’Ours bernois face à l’hôtel de ville : le porte-étendard incarne le corps mystique de la cité. Plus loin, au sommet de la Kramgasse, une autre fontaine symbolise la pérennité de la cité fondée en 1191 : le Zähringerbrunnen, qui porte le nom du fondateur de Berne, le comte Berchtold V de Zähringen, est surmonté d’un ours en grande armure, l’animal symbole de la cité devenant ici l’incarnation de la communauté. Représentations symboliques du corps municipal, éloignées des calculs politiques et insensibles aux passions humaines, ces figures incarnant la cité rappellent enfin aux hommes élus par la communauté au Conseil qu’ils doivent servir le bien commun et non leurs intérêts propres. Mais la fontaine qui reflète sans doute le mieux les efforts du magistrat pour se mettre en scène comme protecteur du bien commun reste celle de la Justice, qui se dresse sur l’actuelle Gerechtigkeitsgasse.
Justice et Bon Gouvernement
23La figure de la Justice cristallise le lien étroit entre cité terrestre et cité céleste dans l’imaginaire municipal bernois après la Réforme. Réalisée par Hans Gieng en 1543, la fontaine représentant cette vertu première du bon magistrat porte les attributs usuels de la figure allégorique depuis le Moyen Âge, le glaive et la balance (fig. 6). Mais ce sont les quatre bustes aux pieds de la statue qui retiennent l’attention : représentant l’Empereur, le Pape, le Sultan et le Roi (ou l’Avoyer, qui est historiquement son représentant), ils symbolisent peut-être les mauvais princes vaincus par la vertu de Justice, le magistrat ne se référant à aucune autre justice que celle de Dieu, qui ne tient compte ni du rang ni de la réputation, comme le soulignait par exemple Pierre Viret, réformateur proche du pouvoir bernois38. Ce choix iconographique en dit long sur la conviction du magistrat d’incarner le seul Bon Gouvernement, celui où la primauté de la décision collective protège de la tyrannie des princes, un idéal commun aux cantons suisses et théorisé quelques années plus tard par Josias Simmler dans son De Republica Helvetiorum libri duo39.
Fig. 6. – La fontaine de la Justice, par Hans Gieng, 1543.

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24La fontaine de la Justice fait écho à la fontaine de Moïse portant le Décalogue, mais aussi au Jugement dernier ornant le portail central de la collégiale, préservé de la vague iconoclaste (fig. 1). Le Jugement de la collégiale rappelle la complexité du problème des images après la Réforme, bien loin de la lecture caricaturale d’un Louis Réau, qui assimilait les iconoclastes à des barbares détruisant toute image sur leur passage par simple esprit de vandalisme40. Réalisé par Erhart Küng, entre 1460 et 1480 sur commande du Conseil, le Jugement dernier n’est en aucun cas une image de dévotion, comme le rappellent les deux figures pointant le Deuxième Commandement déjà évoquées. L’œuvre met en images un événement central de l’Apocalypse de Jean, le chapitre 20, et déjà annoncé par Jésus (Mt 25, 31-46) : le jugement de tous les hommes, qui comparaissent devant Dieu après la fin du Monde. L’œuvre met donc en images un livre-clé du texte que les réformés ont érigé en seule autorité, et rappelle aux fidèles que seule la foi les sauvera, car les œuvres ne peuvent rien.
Fig. 7. – Allégorie de la Justice, par Daniel Heintz, 1575, trumeau du portail du Münster.

Photo de l’auteur.
25Le programme iconographique du portail se laissait donc facilement réutiliser pour servir les préceptes de la nouvelle foi et guider les fidèles vers le Christ, et ne contrevenait pas à l’interdiction adoptée après la dispute de 1528 et qui ne visait que les images destinées à la vénération. Au contraire, il exalte la « justice de Dieu », centrale dans la philosophie politique réformée. De manière significative, la statue de la Vierge qui ornait le trumeau de la porte principale est remplacée en 1575 par une allégorie de la Justice sculptée par Daniel Heintz (fig. 7)41 : la statue rappelle qu’à Berne, la justice des hommes se rend sous le regard du Christ. La combinaison du Jugement dernier, tribunal céleste présidé par le plus haut juge, et de l’allégorie représentant la première des quatre vertus du gouvernement distingue le Conseil comme magistrat légitime. Le Jugement dernier de la collégiale est ainsi intégré au programme de représentations du magistrat bernois en serviteur du Bon Gouvernement.
26C’est donc tout un programme mettant en scène la première vertu du magistrat qui jalonne les rues de la ville de Berne et rappelle que le Conseil juge selon les lois naturelles et les commandements divins, et qui marque aussi le bâtiment incarnant le plus visiblement le pouvoir civique dans le tissu urbain, l’hôtel de ville. Lieu où se réunissent les conseils, et où se réalise donc périodiquement l’idéal de la décision collective au sein des assemblées qui votent les lois, le Rathaus de Berne, construit entre 1406 et 1415 à l’extrémité nord de la Kreuzgasse, conserve aujourd’hui peu ou prou le visage qu’ont connu les habitants de la cité au xvie siècle. Avec la Réforme, les anciens protecteurs s’effacent des murs du Rathaus : la fresque de saint Vincent, réalisée en 1449 par « maître Steffans », est recouverte d’enduit42 ; un cartouche aujourd’hui disparu remplace l’image de l’intercesseur par la Parole divine, qui résonne ainsi entre les murs abritant le Conseil. « Toute sagesse vient du Seigneur », rappelait le texte emprunté au Livre de Siracide, et l’inscription faisait ainsi écho à la statue de Moïse ornant la fontaine proche de la collégiale : pour être un magistrat vertueux, le Conseil doit gouverner en respectant les commandements divins et, par analogie, les lois naturelles qui en découlent. Que le Siracide ait été jugé apocryphe par les théologiens protestants ne semble pas avoir posé de problème particulier : en dépit de la contestation de son appartenance au canon des Écritures, le texte répondait parfaitement au souci des magistrats de se mettre en scène comme les serviteurs de Dieu sur Terre.
27La thématique du magistrat arbitrant les conflits en juge sage et respectueux de la Parole de Dieu se retrouve enfin dans l’un des tableaux peints en 1584-1586 par Humbert Mareschet pour la salle du Grand Conseil, au moment où Berne tient à réaffirmer sa puissance et à prévenir un affrontement avec les cantons catholiques43. Peintre lausannois réputé, Mareschet avait déjà réalisé les fresques de l’hôtel de ville de Payerne en 1577. Pour le Rathaus de Berne, il peint un Jugement de Salomon, incarnation biblique du Bon Juge, sous les auspices duquel le Conseil place donc son action, et qui rappelle que gouverner, c’est d’abord trancher les différends et protéger les faibles en accord avec les commandements de Dieu (fig. 8). L’œuvre côtoie un cycle relatant l’histoire de la cité depuis sa fondation par les comtes de Zähringen jusqu’à l’octroi par l’Empereur de l’immédiateté impériale, qui exalte les origines prestigieuses de la cité et de ses libertés ; enfin, un tableau montre la signature du convenant de Stans en 1481 par les cantons suisses, et un autre le roi Scilurus, unificateur des tribus scythes : ils inscrivent la cité dans une Confédération helvétique à l’unité retrouvée et où les vertus civiques dépassent les clivages religieux. On pourrait multiplier les exemples de ces mises en scènes du magistrat en juge et unificateur, comme par exemple à Bâle, où l’hôtel de ville, reconstruit à partir de 1504, combine les symboles de la puissance bâloise, les armes des cantons devenus ses alliés en 1501 après l’entrée de la ville dans la Confédération et un programme iconographique représentant le Jugement dernier qui rappelle le lien indéfectible entre Justice divine et justice des hommes.
Fig. 8. – Le Jugement de Salomon, par Humbert Mareschet, 1585.

Bernisches Historisches Museum.
28La topographie sacrée, qui inscrit la ville dans le plan divin en fournissant ses repères à la communauté, tout comme la symbolique civique qui illustre la légitimité du gouvernement, doivent être entièrement repensées lorsque les idées réformées triomphent dans une cité. Les différences entre les grammaires visuelles des cités catholiques et protestantes qui apparaissent au xvie siècle sont encore bien visibles pour qui voyage, par exemple, de Fribourg à Berne, deux villes suisses voisines et construites sur le même modèle, mais dont la première, comme l’a montré Sarah Pflug, a résolument choisi d’être le bastion du catholicisme, alors que la seconde devenait la championne de la Réforme en Suisse44 : si, dans la première, images miraculeuses, statues et chapelles rythment encore le paysage urbain, rien de tout cela à Berne. Les rues de la cité de l’Ours sont marquées par des représentations destinées à mettre en avant le lien entre la cité terrestre et la Cité céleste fondé sur la Parole de Dieu qui se noue au sein de la ville et confère au magistrat toute sa légitimité. La structuration des espaces urbains selon les nouvelles normes religieuses et en accord avec l’ethos municipal procède au fond de ce que Pierre Bourdieu appelle un travail de construction des représentations mené par les acteurs afin d’imposer la légitimité d’une vision du monde par la reconstruction des catégories. Étudier les transformations de la visibilité du religieux et du politique dans la ville, c’est donc chercher à comprendre comment les acteurs transposent dans la pierre et le bois, les formes et les couleurs, les symboles et les signes, les principes de la Réforme et les idéaux des gouvernements temporels pour les réaliser dans leur cité et les faire vivre par la communauté45.
Notes de bas de page
1Quelques exemples d’une riche bibliographie : Coster Will et Spicer Andrew (dir.), Sacred Space in Early Modern Europe, Cambridge, University Press, 2011 ; Rau Susanne et Schwerhoff Gerd (dir.), Topographien des Sakralen. Religion und Raumordnung in der Vormoderne, Munich, Dölling & Gallitz, 2008 ; Boudon Jacques-Olivier et Thélamon Françoise (dir.), Les chrétiens dans la ville, Mont-Saint-Aignan, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2006.
2Sur la Réformation à Berne, voir Sallmann Martin, « The Reformation in Bern », in Amy Nelson Burnett et Emidio Campi (dir.), A Companion to the Swiss Reformation, Leyde, E. J. Brill, 2016, p. 126-170 ; Holenstein André (dir.), Berns mächtige Zeit. Das 16. und 17. Jahrhundert neu entdeckt, Berne, Stämpfli, 2006 ; Walder Ernst, « Reformation und moderner Staat », in 450 Jahre Berner Reformation. Beiträge zur Geschichte der Berner Reformation und zu Niklaus Manuel, Berne, Historischer Verein des Kanton Berns, 1980, p. 483-525. Sur la dispute qui décide le magistrat à adopter la nouvelle foi : Flückiger Fabrice, Dire le vrai. Une histoire de la dispute religieuse au début du xvie siècle, Neuchâtel, Alphil, 2018, notamment p. 82-90 et Backus Irena, The Disputations of Baden (1526) and Berne (1528). Neutralizing the Early Church, Princeton, Theological Seminary, 1993.
3Ces réflexions s’inscrivent dans le cadre d’un projet de recherche financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) intitulé « Res Publica. Pratiques et représentations du Bon Gouvernement dans les cités du Saint-Empire et de l’Ancienne Confédération helvétique (xvie-xviie siècles) », [http://p3.snf.ch/project-183806].
4Schmitt Jean-Claude, Le corps des images. Essais sur la culture visuelle au Moyen Âge, Paris, Gallimard, 2002, p. 23-25
5Voir Dupeux Cécile, Jezler Peter et Wirth Jean (dir.), Iconoclasme. Vie et mort de l’image médiévale, Paris, Somogy, 2001 et pour une relecture de l’iconoclasme entre politiques de retrait des images et programmes de reconstruction, Christin Olivier, Une révolution symbolique. L’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, Paris, Minuit, 1991.
6Sur cette affaire, voir Utz Tremp Kathrin, « Eine Werbekampagne für die Befleckte Empfängnis », in Claudia Opitz (dir.), Maria in der Welt. Marienverehrung im Kontext der Sozialgeschichte 10. -18. Jahrhundert, Zurich, Chronos, 1993, p. 323-337.
7Sur l’iconoclasme à Berne, voir Gisi Lucas Marco, « Darumb vast hinus mit, doch mit gschickte ! Ikonoklastisches Handeln während der Reformation in Bern 1528 », Zwingliana, no 30, 2003, p. 31-64 ; Sladeczek Franz-Josef, « Entre destruction et conservation, l’iconoclasme de la Réforme bernoise (1528) », in Cécile Dupeux, Peter Jezler et Jean Wirth (dir.), Iconoclasme, op. cit., p. 97-103.
8« [Niemand soll] die bilder gottes, siner würdigen muotter und der lieben heiligen, ouch die kilchen und gottshüser und dero gezierd schmächen, enteeren, zerbrächen, verbrönnen oder in ander wäg verachten » : Aktensammlung zur Geschichte der Berner Reformation 1521-1532, éd. Rudolf Steck et Gustav Tobler, Berne, K. J. Wyss, 1923, vol. 1, no 510.
9« Bilder zur Verehrung zu machen, ist wider Gottes Wort Neuen und Alten Testamentes. Deshalb sind sie, wo sie zu möglicher Verehrung aufgestellt sind, abzutun » : Handlung oder Acta gehaltner Disputation zuo Bernn in Üchtland…, Zurich, C. Froschauer, 1528, [http://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3931/e-rara-2777], fo A iiii.
10Le magistrat de Berne est composé d’un Grand et d’un Petit Conseil, le premier comprenant 400 membres issus des corporations et le second restant aux mains des familles patriciennes. C’est cette seconde instance qui exerçait réellement le pouvoir à Berne, et que le terme désignera donc dans ces pages, sauf précision.
11Aktensammlung zur Geschichte der Berner Reformation, op. cit, no 1487.
12Récit dans Die Berner Chronik des Valerius Anshelm, Berne, K. J. Wyss, vol. 5, 1896, p. 244-245.
13Gisi Lucas Marco, « Darumb vast hinus mit, doch mit gschickte ! », art. cité, p. 36-46.
14Les sources du droit suisse, section II, 1, t. 6, vol. 1, p. 344, [https://www.ssrq-sds-fds.ch].
15Aktensammlung zur Geschichte der Berner Reformation, op. cit, no 749 et 753.
16Sur cet épisode, voir Flückiger Fabrice, Dire le vrai, op. cit, notamment les p. 59-73.
17Sur l’iconoclasme à Zurich, Wandel Lee Palmer, Voracious Idols and Violent Hands. Iconoclasm in Reformation Zurich, Strasbourg and Basel, Cambridge, University Press, 1995, ici p. 96-97.
18Die Kunstdenkmäler des Kantons Bern, t. 5 : Die Kirchen der Stadt Bern, éd. Luc Mojon et Paul Hofer, Bâle, Bierkhäuser, 1969, p. 4.
19Marchal Guy P., « St. Vinzenz in Bern », in Helvetia Sacra, section II, t. 2, 1977, p. 151-161.
20Sur la position de Zwingli au sujet de la messe : Stephens Peter, Zwingli le théologien, trad. de Mireille Hébert, Genève, Labor & Fides, 1999, p. 273-320 ; le texte de l’édit dans Les sources du droit suisse, op. cit., p. 341-342.
21Sladeczek Franz-Josef, « Entre destruction et conservation », art. cité, p. 100.
22Sur la prédication chez les réformateurs, voir Engammare Max, Prêcher au xvie siècle. La forme du sermon réformé en Suisse (1520-1550), Genève, Labor & Fides, 2018 ; Taylor Larissa (dir.), Preachers and People in the Reformations and Early Modern Period, Leyde, E. J. Brill, 2001.
23Sur la découverte des restes des statues : Sladeczek Franz Josef, Der Berner Skulpturenfund. Die Ergebnisse der kunsthistorischen Auswertung, Berne, Benteli, 1999.
24Sladeczek Franz Josef, « Entre destruction et conservation », art. cité, p. 98.
25Kurmann-Schwarz Brigitte, « Das 10 000-Ritter-Fenster im Berner Münster und seine Auftraggeber. Überlegungen zu den Schrift-und Bildquellen sowie zum Kult der Heiligen in Bern », Zeitschrift für schweizerische Archäologie und Kunstgeschichte, no 49/1, 1992, p. 39-54.
26Après la victoire des Bernois à la bataille de Laupen, en 1339, Justinger écrivait : « Got ist burger ze Bern worden, wer mag wider got kriegen ? » : Die Berner Chronik des Conrad Justinger, éd. Georg Studer, Berne, K. J. Wyss, 1871, no 146, p. 101-105.
27Voir Tripps Johannes, « Niklaus Manuel und die tanzenden Tugenden. Das Berner Chorgestühl als Monument des klugen Regiments », in André Holenstein (dir.), Berns mächtige Zeit, op. cit., p. 23.
28Des quatre allégories dansantes, seules les deux premières subsistent aujourd’hui.
29Stephens Peter, Zwingli le théologien, op. cit., p. 347-378.
30Sur cette question, voir aussi Maissen Thomas, « Zum Selbstverständnis der Macht », in André Holenstein (dir.), Berns mächtige Zeit, op. cit, p. 123-129.
31Sur la notion du bien commun, voir Lecuppre-Desjardin Élodie (dir.), De Bono Communi. The Discourse and Practice of the Common Good in the European City (13th-16th c.), Turnhout, Brepols, 2010.
32Sur les fontaines de Berne, Schneeberger Ursula, « Zuo beschirmen die gerechtikeytt […] un wer es allen fürsten leytt Staat, Krieg und Moral im Programm der Berner Figurenbrunnen », in André Holenstein (dir.), Berns mächtige Zeit, op. cit, p. 157-161.
33Sur ce thème, voir la contribution de Sarah Pflug dans ce volume.
34Christin Olivier, « Une confessionnalisation du paysage urbain ? Les fontaines ornementales au xvie siècle », Revue historique vaudoise, no 119, 2011, p. 194.
35Sur l’importance des représentations des Dix Commandements dans le protestantisme, voir Christin Olivier, Les yeux pour le croire. Les Dix Commandements en images xve-xviie siècles, Paris, Seuil, 2003, notamment les p. 55-64 sur les obligations du magistrat envers la société chrétienne.
36Mémoires de Pierrefleur, éd. Louis Junod, Lausanne, La Concorde, 1933. Sur les images qui parlent, voir Christin Olivier, « Faire parler les statues. Expériences de l’époque moderne », in René Wetzel et Fabrice Flückiger (dir.), La prédication médiévale entre oralité, visualité et écriture, Zurich, Chronos, 2010, p. 329-346.
37Voir la contribution de Geneviève Gross dans ce volume.
38Schneeberger Ursula, « Zuo beschirmen die gerechtikeytt », art. cité, p. 158-159.
39Simmler Josias, De Republica Helvetiorum libri duo, Zurich, C. Froschauer, 1576, [http://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3931/e-rara-5039] ; voir aussi Flückiger Fabrice, « L’idéal politique des cantons suisses. Le De Republica Helvetiorum libri duo de Josias Simmler (1576) », Bibliothèque numérique du républicanisme, Paris, CEDRE, 2018, [http://cedre.univ-psl.fr/ressources-numeriques/bibliotheque-republicaine/de-republica-helvetiorum-libri-duo].
40Réau Louis, Histoire du vandalisme. Les monuments détruits de l’art français, Paris, Hachette, 1959.
41Schneeberger Ursula, « Notice 182. Statue de la Justice, collégiale de Berne, 1575 », in Cécile Dupeux, Peter Jezler et Jean Wirth (dir.), Vie et mort de l’image médiévale, op. cit., p. 358.
42Die Kunstdenkmäler des Kantons Bern, t. 3 : Die Staatsbauten der Stadt Bern, éd. Paul Hofer, Bâle, Birkhäuser, 1947, p. 31.
43Reichen Quirinius, « Das Malereiprogramm von Humbert Mareschet in der Berner Burgerstube », in André Holenstein (dir.), Berns mächtige Zeit, op. cit, p. 141.
44Voir la contribution de Sarah Pflug dans ce volume.
45Je remercie Maguelone Sauzet pour son soutien lors de la rédaction de cet article.
Auteur
Ludwig-Maximilian-Universität München

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