Introduction. Voies vers le visible
p. 13-28
Texte intégral
1À la fin des années 1990, au Tibet, face à l’intensification de la présence chinoise et de l’interdiction de posséder des représentations du dalaï-lama, les voyageurs et journalistes occidentaux ont noté la multiplication de cadres vides dans les maisons1. L’absence signifiait la présence, dans une dynamique qui était tout à la fois une évocation, un support de mémoire, une provocation qui jouait des limites du régime juridique, une revendication d’appartenance, une marque d’identité. Le visible était signifiant, non par ce qu’il représentait au sens premier du mot, mais par ce qu’il remplaçait, ce à quoi il se substituait. Cet exemple, qui est ici geste politique plus que religieux, permet de confirmer la pertinence de la question de la visibilité dans l’espace domestique, soumis au regard de l’extérieur. Il rappelle surtout ici l’une des puissances de la représentation, relevée par Louis Marin2. L’image porte une action, sert à rendre présent l’absent et institue le sujet dans l’affect et le sens, pour le paraphraser3. Ce faisant, elle suppose la présence d’une construction et de dispositifs qui tissent un rapport avec le spectateur, posant la question de la croyance, du partage de la signification, de la pluralité des interprétations, contre laquelle les textes étudiés par Louis Marin tentent de lutter, en donnant un seul sens à voir. La représentation vaut par ses effets et suppose une interprétation. Dès lors, se fait jour un écart entre le visible et le lisible, le montrer et le dire, deux registres du rapport aux choses4.
2Ce court détour, par ces deux excursus, nous introduit au cœur du présent livre. Ils soulignent en effet l’importance de la construction du visible, de sa contextualisation, de la complémentarité entre l’image, le rituel, le discours, et surtout la dimension relationnelle que suppose l’acte de voir, faisant part à la croyance, à l’interprétation, à l’adhésion ou à la contestation. Ces questions nous les aborderons dans un versant différent, celui du religieux et bien au-delà des seules images. Le religieux n’est pas ici vu comme une édulcoration de la religion, mais comme volonté de discerner le rapport à cette dernière dans sa diversité – dogmatique, théologique, liturgique, pastorale, cultuelle, contestataire, rituelle, culturelle, artistique – seul moyen de saisir ses transformations dans une époque où ses manifestations et son statut changent. Plus que de définir une essence du geste ou de l’image, le choix du terme religieux ouvre à la polysémie de lectures par les spectateurs qui peuvent y voir des aspects différents. Il ne s’agira pas ici d’interroger les ressorts de la figuration divine, du Dieu caché5, ou le rapport des religions à l’image (doctrine et pratique), mais de voir les modalités d’inscription du visible religieux dans l’espace urbain, le dialogue qu’il tisse avec les populations, sa performativité, et les manières de le recevoir ou le contester. En un mot, interroger un mode de rapport au religieux sur deux plans : d’une part les modalités d’inscription du religieux comme institutions et pratiques dans l’espace urbain (et les discours d’accompagnement), d’autre part la réception et les lectures de la présence du religieux dans l’espace urbain. Loin d’être seulement la propriété de ce qui est offert à la vue, la visibilité est ici présence signifiante de pratiques et signes religieux, perpétuellement reconstruits et remis en cause6. À ce titre, nous nous permettrons d’étendre la visibilité à l’audibilité et à l’approche sensible. Si la vue apparaît première, la musique, le son sont tout aussi importants, qu’il s’agisse du tintement des cloches d’abord ou de son absence, mais aussi du chant des psaumes, litanies et cantiques en langue vernaculaire ou en latin, de la musique de l’église bien sûr mais aussi des tambours, hautbois et fifres de la musique de la ville ou des confréries par exemple, de lectures, de sermons improvisés… Le chant indique que le rapport au sens n’est pas qu’audition passive, puisque la précipitation est bannie. Au contraire, la maîtrise du corps dépend aussi de Dieu et cette conduite est moyen de lui rendre hommage. Les cérémonies veulent combiner dévotion et mobilisation des sens, où la juste diction et cet esprit doivent s’accompagner d’une modestie, image de la piété7.
3La première incarnation de cette visibilité, la plus évidente, est la présence de marqueurs, manifestation du religieux dans l’espace urbain. La religion dessine des lieux, des objets, des moments. Le rapport visible est d’abord le topos de l’arrivée du voyageur devant une ville, qui décrit la forêt de clochers ou de minarets qui perce l’horizon. Avec la muraille, il s’agit de l’une des manifestations de l’identité urbaine, qui s’accompagne d’un dénombrement. De nombreuses gravures y donnent corps. Après le blanc-manteau d’églises, description horizontale d’une profusion, s’érige la forêt de clochers. Cette image est doublement intéressante. D’une part, elle organise un triptyque espace urbain/identité/institutions religieuses. D’autre part, elle pose la question de la hiérarchie des sens, puisque entre l’œil et l’oreille, la primauté dépend physiquement du vent et du relief. Néanmoins, les récits mettent le plus souvent l’accent sur la vue qui embrasse la scène8. Cela prend une importance particulière dans le cas des capitales religieuses ou des grands sanctuaires9.
4Une fois la porte franchie, les signes de cette présence peuvent s’égrener, mentionnant qui les croix, qui les lieux de culte, qui les statues et images, qui les cimetières, qui les vêtements, ou leur absence. Cela permet de spatialiser les pratiques, de caractériser un envahissement ou sa remise en cause, de qualifier des espaces. Les morisques permettent de saisir cette importance des signes religieux dans un autre contexte. Présents dans la région de Grenade après la Reconquista, ils subissent une longue persécution, qui va passer principalement par la réduction des signes dans les années 1566-1568, et va s’égrener par la multiplication d’ordonnances d’interdictions : la lutte contre les vêtements, le fait de parler arabe, les pratiques alimentaires (ramadan, interdit du porc), le fait de tourner le dos au moment de l’élévation. Cette pression, qui lie religion et identité, aboutit à la rébellion de Grenade à Noël 1568, matée en janvier 1570, et suivie de la dispersion de la population dans le royaume espagnol10. Les signes ont ici deux fonctions : celle de revendication d’appartenance, de ralliement, mais aussi en sens inverse celle d’identification et de repérage. Au-delà de ces marquages trace11, la visibilité passe également par des pratiques religieuses, rites et cérémonies qui donnent corps à ces croyances, lieux de mesure pour l’historien. Sans être exhaustive, la liste intègre bien sûr et d’abord les processions qui irriguent de manière régulière les rues des villes, qu’il s’agisse de cortèges généraux, capitulaires ou paroissiaux12. Elles manifestent une dévotion, une fidélité religieuse, une puissance sociale et politique, voire, en terrain de coexistence confessionnelle, une revendication. Leur interdiction à Augsbourg ou Amsterdam en est une preuve à rebours. À l’inverse, cette présence momentanée peut jouer sur l’espace urbain, comme les enfants des écoles de charité de Lyon au xviie siècle, qualifiés par Xavier Bisaro d’agents chantants de réforme de la ville13. L’espace protestant n’est pourtant pas à l’écart de ces mouvements et de ces présences multipliées de cortèges. Les défilés donnant lieu au chant des psaumes au xvie siècle sont nombreux, symbolisés entre autres par le cortège du Pré-aux-Clercs dans une logique de publicisation, soulignée par Denis Crouzet. Même lorsque la discipline religieuse est mieux définie, les fêtes des villes allemandes comme Augsbourg, étudiée par Étienne François, soulignent une forte présence et une emprise sur l’espace urbain14.
5La prédication en constitue une autre forme, revêtant un aspect extérieur, souvent associé à ces fêtes protestantes ou aux processions et missions en terre catholique15. À Angers, la procession du Sacre se rend au Tertre Saint-Laurent, où une station consiste à écouter la prédication d’un ecclésiastique placé sur une chaire extérieure. Les missions multiplient ces occasions de mise en espace des pratiques religieuses aux yeux de tous, dans une affirmation de visibilité qui est aussi participation16. Le théâtre religieux accompagne ces fêtes et, par un corpus riche et spécifique, porte aussi un discours pastoral. Les voyageurs d’Espagne assistent aux autos sacramentales de la Semaine sainte et relèvent leur interdiction à la fin du xviiie siècle17. Enfin, tout un ensemble de rassemblements dévotieux, autour d’un culte plus ou moins autorisé ou toléré, dont le diacre Pâris donnerait un exemple en fin de notre période, les chants, les lectures publiques et extérieures, les sermons improvisés sont autant de manifestations du rapport du religieux à l’espace, dans les villes catholiques et protestantes. L’émeute peut en être une figure, comme celle qui secoue la ville de Prato, lorsque l’évêque de Ricci veut interdire le culte de certains saints dans la décennie 178018. Les exemples en sont nombreux au cours de notre période.
6Ces signes, ponctuels ou cérémoniels, sont alors intégrés à une lecture de la ville, voire donnent corps à son identité dans une interaction : si la ville est marquée par ces signes, plus ou moins pérennes, qui sanctionnent une forme d’appropriation et rappellent une histoire, elle est également construite par eux19. L’espace est acteur de ces évolutions et non un terrain neutre, qu’il soit considéré comme lieu, catégorie juridique, territoire, projection des rapports sociaux20. Il porte en lui-même une ou des mémoire · s, des attributions sociales, des qualificatifs géographiques et urbains, suppose des réactivations et des oublis.
7Par exemple, le marchand amiénois Pagès, qui écrit entre la fin du xviie et le début du xviiie siècle sur sa bonne ville, accorde une grande importance aux plantations de croix, à la fois repères, marqueurs et acteurs de la piété urbaine. La mission de 1686 se clôt par une plantation de croix accompagnée par tous les corps de la ville : elle sert à la fois à graver les fruits de la mission et à en faire perdurer l’effet. Plus encore, dans une lecture courante chez Pagès, elle ancre la vie religieuse amiénoise dans une référence plus large : « le Calvaire n’avoit jamais esté si bien représenté qu’il le fut alors par cette populace qui environnoit ce crucifix de grandeur naturelle, autour duquel on avoit conservé un grand espace en rond pour contenir la procession21. » La procession des Rameaux en est une autre image : les chanoines de la cathédrale se divisent en deux groupes qui se rejoignent devant la croix des Jacobins pour y chanter antiennes et cantiques, lieu de réunion des corps avant la remontée de la procession qui « n’est qu’une représentation et une expression » de l’entrée de Jésus à Jérusalem. Ces plantations de croix ont clos les différentes missions de ces années et forment ainsi pour lui « les monuments de la dévotion du peuple d’Amiens ». Leur présence dans les faubourgs est aussi un moyen de rappeler ce signe pour les populations environnantes et les visiteurs. Amiens est bien une nouvelle Jérusalem pour ce dévot.
8La vision de Jérusalem (terrestre ou céleste), celle de Rome, sont des horizons d’attente. À Genève, Christian Grosse a bien montré ce marquage religieux par les inscriptions sur les murailles, sur les maisons, ou les règlements des bâtisseurs de l’enceinte22. Cependant, cette référence reflue au xviiie siècle, et la visibilité n’est plus l’accomplissement d’un modèle de cité idéale, mais une question d’ordre public, voire de police. La pastorale religieuse elle-même modifie son rapport à l’espace, encourageant davantage une concentration dans l’enceinte ecclésiale, qu’il s’agisse des prédications qui s’opposent alors aux prêches à la huguenote, ou de la promotion des prières de Quarante-heures par exemple, voire de l’office23.
9L’approche de la visibilité ne suppose donc pas une nature immuable des espaces, dans une cartographie et une typologie fixes, mais des recompositions en fonction des usages. La présence des signes religieux est en effet à la fois un marqueur d’appropriation, un appel à la pratique, un moyen de donner sens à l’espace, une provocation, des formes de revendication d’appartenance, de ralliement, mais aussi, en sens inverse, d’identification et de repérage, dans une conception changeante du rapport à l’urbain sur la période envisagée. Le signe suppose interprétation. Recourir à la notion de visibilité reflète alors deux démarches : celle de la vue, simple constat ou description, et celle de l’interprétation, où le sens diffère selon chaque acteur, ce qui ouvre à la dimension individuelle et à une histoire du sensible dans sa dimension anthropologique24. D’où la nécessité ici de poser les questions de la production des cérémonies et autres manifestations du visible (qui se manifeste ? est-ce spontané ou organisé ? est-ce un groupe ou une totalité ?), de leur accomplissement (lieux, moments), de leur rapport aux normes ecclésiastiques et politiques, de leur réception. Cela suppose une quadruple approche : celle des supports de la visibilité, celle d’un rapport sensible au religieux, celle des fondements même, des enjeux de la présence, enfin, celle de la construction textuelle de ces signes pour leur donner sens25.
10Le présent volume veut délibérément s’inscrire dans une logique qui n’est pas celle de la description, mais bien celle des enjeux du rapport à ces supports de visibilité, à des dynamiques qui sont à la fois celles des interactions entre le regard, la prescription et la chose vue, dans une prise en compte des évolutions chronologiques. Nous ne nous inscrirons pas directement dans la perspective des visual studies, dont de nombreuses études ont souligné la fécondité26. Le mot visibilité renvoie plus ici à une inscription dans l’espace (urbain et public) qu’à un rapport visuel au sens où le développent les visual studies qui y préfèrent la visualité. Le regard est avant tout ici un moyen d’analyser un rapport spatialisé au religieux. Pour ce faire, nous considérerons les choses vues comme des agents sociaux, dont la performativité est à considérer27. Nous veillerons à la place accordée aux processus de monstration, à leur développement technique et à l’importance des effets28. Cependant, il ne sera pas ici question d’établir une ou des culture·s visuelle·s, plutôt des configurations particulières, par une attention, déjà évoquée, aux représentations et au sens. Dans ces dernières, place sera faite aux dynamiques du regard et des modes de voir, ce qui suppose des seuils de visibilité, dans la perception et le sens même accordé aux choses, mais aussi une interrogation de l’invisible. Nous ne poserons pas l’usage comme une contre-approche du prescrit, mais tenterons d’établir un dialogue entre les deux et une recontextualisation chronologique et thématique de l’acte de voir. Enfin et surtout, nous intégrerons pleinement l’espace dans l’analyse. Le centre des études est le rapport du religieux à l’espace public et urbain et ses modes de constitution, en nous attachant aux débats sur sa présence même et non seulement sur ses effets. Le visible est ici un enjeu à la fois d’identité, de revendication, de pastorale, une mesure du sens donné à ces rituels, images et textes. Dans ce cadre, notre visibilité comprendra à la fois le point de vue de la chose et du regardeur, l’intentionnalité de la cérémonie et ses effets, la prise en compte de la mobilisation des sens et de la production du sens, le principe même du religieux dans l’espace. Elle suppose une prise en compte des sens et de leur rapport aux choses et rituels, une perception selon les invitations adressées hier par Lucien Febvre et Robert Mandrou29. La production de textes est en elle-même un indice de ce rapport. Le discours vient marquer une extériorité, une étrangeté ou une volonté de fixer un extraordinaire30. Ne devient apparent (ou plus visible), le plus souvent, que l’extraordinaire, le notable au sens premier du mot. Percevoir n’est pas qu’un accès physique, une action de voir, mais est le fruit d’une construction intellectuelle, sensible, émotionnelle et mémorielle, qui peut être multiple et concurrente. Elle suppose une dimension temporelle, elle mobilise un référentiel de mémoire qui lui donne corps. Cette pluralité et cette plasticité nous font préférer ici l’expression de configuration visuelle à celle de culture visuelle.
11Le présent ouvrage s’inscrit ainsi dans un projet de recherche destiné à réfléchir sur les rapports entre identités religieuses et espace urbain31. Pluridisciplinaire, il a développé deux axes de travail. Le premier était consacré au rapport entre textes et pratiques, décliné en séminaires et colloques. Il a donné lieu à une publication visant à mettre en avant la relation réciproque, selon laquelle les pratiques religieuses mobilisent des textes variés et à l’inverse la manière dont les discours rendent compte de ces pratiques32. Le second axe a porté quant à lui sur la visibilité et donne lieu au présent volume. Dans ce cadre, les dynamiques envisagées sont multiples.
12Tout d’abord, la variation et l’implication du rapport au visible, une mise en tension du prescrit, non pour l’évacuer mais pour le relire à l’aune de la pratique. On le sait, notre période est propice au développement d’une pastorale des sens. Les médiévistes ont souligné la réflexion théologique et philosophique sur les cinq sens, leur mobilisation dans la liturgie. Cela suppose une hiérarchisation et un cadre global, dans lequel la relation entre l’homme microcosme et le macrocosme est centrale33. Les sens sont ici mobilisés dans une acception maîtrisée et de nature quasi philosophique. La dynamique est différente dans le catholicisme baroque. Les missions en sont un temps particulier, porteur d’une pastorale de la sensibilité, où la croix concentre l’attention et marque les territoires34. Bernard Dompnier a étendu l’analyse aux cérémonies extraordinaires, posant les enjeux de la visibilité comme voie spécifique de renforcement de la présence de l’institution et mode d’envahissement de l’espace et des textes. Elle est aussi proclamation de foi collective et une incarnation de la piété. Elle est enfin moyen d’intégrer le fidèle, d’exciter la ferveur, ce qui ouvre alors à une réaction et une appropriation35. La visibilité n’est pas que manifestation d’une domination, mais aussi mode de mobilisation.
13De plus en plus, l’attention porte sur la mise en scène (les procédés de monstration), le lustre des vêtements ou leur modestie, la présence des ornements, des reliquaires chargés de pierreries. Les fêtes romaines sont à ce titre des modèles, comme l’ont montré plusieurs volumes édités par l’École Française de Rome, que l’on pense ici au volume dirigé par Maria Antonietta Visceglia et Catherine Brice en 1997, ou à celui dirigé par Ilaria Taddei et Gilles Bertrand sur les rituels urbains en 2008 par exemple36. Dans ces cérémonies, tous les sens sont mobilisés et participent de la logique même de la cérémonie, ce qui ouvre à la question de l’émotion et de l’expérience autour de manifestations sensibles37. Ces éléments misent sur une occupation de l’espace, notamment par l’organisation des jubilés, dont Jean-Marie Le Gall a montré qu’ils constituaient une théologie de la visibilité et une cérémonie de l’information publiant la politique romaine, mais aussi royale et épiscopale38. À l’échelle locale, ces pratiques s’articulent dans une « stratégie de la visibilité », comme l’indique Paola Vismara pour la politique milanaise, associant processions, promotion de la basilique Sainte-Marie des Miracles, les lumières, missions, prédications et confréries39. Visant à impressionner, cette stratégie « est la représentation d’un monde autre, c’est un réflexe de Paradis, c’est la sensation du ciel sur terre40 ». Cette prise de possession, cette extériorisation, recouvre une volonté de se faire voir, de se faire entendre, dans un but d’affirmation, de conversion, de contestation. Cette préoccupation est aussi présente en terre protestante qui connaît les cérémonies collectives, les manifestations spatiales et l’affirmation d’une appartenance41.
14Pourtant, ce luxe et cette insistance sur la mise en scène sont aussi l’objet de dénonciations. Ainsi, l’école française de spiritualité ou le jansénisme, pour rester dans le monde catholique, proposent un autre modèle relevé par René Taveneaux ou Louis Châtellier42. De même, les réformes éclairées, entamées par Joseph II, en Toscane, et en Espagne sous Charles III, remettent en cause cette piété baroque au profit d’une religion plus épurée43. Cela fait aussi partie de nos problématiques. L’espace urbain est un lieu de pastorale qui prolonge le message délivré au temple ou à l’église, voire un contre-espace. Or, cette imprégnation religieuse de l’urbain peut être remise en cause.
15Ces remises en cause se sont cristallisées dans des moments de crise. Le xvie siècle et ses affrontements religieux, la Révolution et sa reconsidération de la place du religieux dans l’espace public, forment deux temps forts de réinterrogation de la visibilité, dont témoigne à sa manière le plan du livre. Les destructions et incendies en sont une autre occasion, moins politique, mais tout aussi féconde pour inventer un nouveau schéma. Ces moments offrent en effet un point de relecture de l’amont, des pratiques ordinaires, que la volonté de saisir une chronologie large, du xive au xviiie siècles, permet de considérer. Il ne s’agira ici ni de dessiner une anthropologie structurelle du visible, ni une succession d’études de cas irréconciliables, mais d’interroger dans ses variations chronologiques et spatiales le rapport au visible. L’analyse des signes relève de ce que Alphonse Dupront appelle le sacral-objet, l’objet étant un moyen de fixation du rapport au sacré, lieu d’un dialogue entre la communauté et le surnaturel44.
16Ainsi, nous pouvons approcher les sacralisations et désacralisations dans leurs alternances, pour replacer des problématiques transversales comme la recharge sacrale, la publicisation ou la privatisation, sans les poser comme des préalables théoriques mais en les construisant par l’étude de cas. De même, ils ouvrent sur une reconstruction. La guerre et l’affrontement ouvert changent le sens de ces marqueurs qui ne sont plus communs mais communautaires, et qui, dès lors, suscitent une opposition et une course aux repères, dans un nouveau régime de sacralité, comme le dit Jérémie Foa pour Orléans45. Gestes et repères extérieurs deviennent des identifiants, qu’ils soient vestimentaires (les bonnets protestants), objets (présents ou absents quand attendus), spatiaux comme le franchissement du pont pour aller prier. Autant de signes d’appartenance. L’affrontement vient alors perturber le rapport signe/signifié, ainsi pour le vicaire de Sainte-Catherine, dont le corps est placé à l’entrée du pont en habits sacerdotaux, un casque espagnol sur la tête et une épée à la ceinture, à la fois comme avertissement et détournement de la logique de la garde. L’iconoclasme en est alors la principale manifestation.
17Comme l’a montré Olivier Christin pour le xvie siècle, ces destructions sont une théologie pratique qui rappelle la signifiance des marqueurs religieux et qui donne lieu à deux modalités : désordonnée et organisée46. La recharge sacrale catholique, qui succède à ces épisodes, vient au contraire réaffirmer la force des signes et la resémantisation de l’espace. Une autre forme de reconstitution est l’efficacité du signe et les récits qu’il suscite, comme le tableau de la porte Drouaise à Chartres lors du siège de 1562, qui repousse les boulets protestants et laisse la ville vierge de toute hérésie47. La confessionnalisation a suscité cette visibilité revendiquée et l’affrontement des pratiques, mais aussi la fixation des règles d’occupation de l’espace. Ces dernières motivent alors en retour des gestes d’opposition ou de dissimulation à analyser. Valable pour le contact entre catholiques et protestants, cela dépasse ce seul clivage : les querelles relatives au jansénisme en montrent une autre configuration pour ne s’arrêter qu’au monde chrétien. La sécularisation des villes permet de mesurer une autre transformation, où de nouveaux régimes de sacralités s’affirment, qui poussent à interroger la présence même des marqueurs, au profit de l’affirmation d’autres référents et d’un espace plus civique. Il en est de même pour le moment révolutionnaire et la déchristianisation mise en œuvre.
18Par conséquent, notre réflexion veut aussi s’ouvrir largement aux régimes juridiques et à leurs variations. Ils ne sont pas ici vus comme cadre intangible, mais plutôt horizon d’attente, frontières toujours en mouvement et aux interprétations plurielles, autorisant contournements et contestations.
19Le discours juridique fait partie de la rhétorique et des bases du visible. En France, les ordonnances de 1666 et 1669 permettent d’en saisir la teneur et les enjeux. La déclaration de 1666 couronne les efforts catholiques, qu’il s’agisse des juges ou des ecclésiastiques. Elle opère en effet une limitation du culte public et de la structure protestante48. Elle interdit par exemple que les protestants chantent des psaumes aux feux de joie dans les places publiques et lors de l’exécution de criminels protestants (article 21), de faire des exhortations dans la rue au moment des convois (article 23). L’article 33 porte « Que lorsque les processions auxquelles le Saint-Sacrement sera porté, passeront devant les temples de ceux de la RPR, ils cesseront de chanter leurs pseaumes jusqu’à ce que lesdites processions aient passé ». L’article 34 aborde lui les tentures et rappelle que l’article 3 des articles secrets de 1598 est toujours d’actualité. L’attitude de respect à avoir à l’égard du Saint-Sacrement au cours des processions fait l’objet de l’article 35. Le texte de 1669 corrige ces prescriptions sur deux points significatifs, révélateurs des objets de tension. L’article 33, relatif au chant des psaumes, ajoute que les protestants devront être avertis auparavant du jour et de l’heure du passage du cortège. De même, l’article 35 est corrigé par l’ajout final de la mention « et à toutes personnes de les empêcher de se retirer49 ». L’objectif est ici d’organiser au mieux la coexistence, dans une réponse aux conflits des années précédentes.
20Les juristes s’y consacrent également et relèvent la jurisprudence, en lui donnant une lecture partisane. Un exemple est fourni par la rhétorique de Filleau, avocat dévot au présidial de Poitiers et membre actif de la Compagnie du Saint-Sacrement de la ville. Il rédige alors, à la demande de l’assemblée générale du clergé, un Recueil general des arrests rendus en toutes les cours souveraines de France en execution, ou interprétation des Edits. Filleau accorde en effet une grande importance au respect extérieur dû par les protestants, ce qui forme le plus long chapitre. Il vise alors un double but. D’une part, souligner que les protestants sont bien des hérétiques et ainsi légitimer la législation. En effet, sujets du roi, ils doivent être traités comme tous les autres sujets qui ne respectent pas leurs obligations. D’autre part, il fait reposer l’œuvre légale sur un fondement religieux. Surtout, il donne une lecture de l’accumulation réglementaire. Refusant la thèse de la persécution que représenterait l’accumulation de textes, il explique ce mouvement par une nécessaire déclinaison locale de textes généraux, non appliqués par les protestants. Est ainsi reconstituée une construction linéaire du corpus et des accusations.
21À l’inverse, le protestant Élie Benoist fait ressortir une lecture où chaque cas devient l’occasion d’une montée en généralité, d’une persécution devenant universelle. Ces lectures jurisprudentielles supposent un rapport à la visibilité : indispensable et à défendre partout pour Filleau, soumise aux impératifs de la coexistence pour Benoist. Ces régimes juridiques peuvent alors permettre des détournements textuels, reconstruction à rebours de la réalité, comme celle opérée par les martyrologes. Ces textes mettent en scène une visibilité protestante par les psaumes et prêches omniprésents, mis à jour par le pouvoir catholique, mais tout en gommant les signes catholiques dans le récit. Le contrôle urbain, du pouvoir royal, devient moyen pour le protestant, par l’aspect panoptique de l’espace urbain, d’affirmer une visibilité, officiellement refusée et juridiquement impossible.
22Cela ouvre à deux nouvelles interrogations, celle de l’usage religieux de l’espace public, et, ce faisant, celle du religieux comme lieu d’analyse de la tension public/privé et de la redéfinition de contours toujours mouvants. Le xvie siècle pose la question des usages religieux de l’espace public sous l’angle de la confrontation confessionnelle. Le xviiie siècle la voit différemment, sous l’angle de l’ordre public et, dans les cas les plus radicaux, de la neutralité religieuse de l’espace public. L’intervention de Voltaire au moment de l’affaire La Barre permet d’en approcher les enjeux et la rhétorique. Le premier argumentaire vient remettre en cause la lèse-majesté divine pour expliquer la mutilation du crucifix, par un accident de charrette. Toute intentionnalité est niée. Il pose alors la question de la pertinence de placer des objets religieux dans l’espace urbain, soulignant dans un premier temps que cela entraîne un manque de décence à l’égard du sacré, dans la mesure où le crucifix est soumis aux risques du climat, de l’irrespect, de la fréquentation du profane. Au contraire, il plaide pour une concentration du sacré dans l’église et une hiérarchisation des espaces qui, seule, peut assurer un respect à hauteur de ce qui est attendu : « Ce sont des monuments d’une piété mal éclairée ; et, au jugement de tous les hommes sensés, ce qui est saint ne doit être que dans le lieu saint50. »
23Or, cette lecture rejoint celle des ecclésiastiques réformistes, comme Muratori, selon lequel : « On ne peut que rendre justice à la piété du peuple, qui lui fait placer dans les rues et les places publiques les images de la Sainte-Vierge et des saints ; cependant à voir le peu de respect qu’on a pour elles, et que souvent elles ne font qu’occasionner des scandales ou exciter la cupidité des voleurs, ne seroit-il pas mieux qu’on ne les exposât que dans les églises publiques, plutôt que dans les maisons particulières51 ? » Mais, lorsqu’il revient sur l’affaire dix ans plus tard, le ton de Voltaire change : il ne s’agit plus de mettre les objets à l’abri et de leur assurer un respect digne, mais de dénoncer un envahissement de l’espace urbain par ces signes religieux. D’une part, ils relèvent du fanatisme. D’autre part, ils imposent à tous une présence et une injonction à les respecter. Pointent ici la tolérance et la neutralité religieuse de l’espace public. Cela montre que le religieux est un élément de redéfinition du public, parfois trop oublié et que les travaux sur le jansénisme ont contribué à rappeler52. Le scandale est alors mobilisé comme catégorie de réflexion, afin de marquer le trouble apporté à cette frontière mobile entre public et privé, notamment autour des affaires de refus de sacrements53.
24Bertrand Binoche l’a montré sur le plan de la conscience religieuse, comme matrice de l’opinion publique, dans une lecture inverse de celle de Michel Foucault, qui parle de retournement de la visibilité dans Surveiller et punir54. Si le pouvoir est ce qui se montre, ce qui doit être vu, le pouvoir disciplinaire repose sur ce qu’il voit. Il y a là une dialectique qui permet de penser pour notre sujet le rapport public/privé, dans le sens d’un contrôle et d’une transparence, où la visibilité par les autorités serait la règle, ce qui interroge autrement la pastorale du visible. Cette volonté de contrôle et d’encadrement des pratiques n’est pas à négliger et recoupe en partie la dynamique de la confessionnalisation telle que conçue par Heinz Schilling, par l’uniformisation, la distinction de l’orthodoxe et de la superstition, l’encadrement de la prière privée. On la retrouve dans les querelles liées aux refus de sacrements autour de la bulle Unigenitus et de l’enjeu des entretiens particuliers entre mourants et curés.
25La lecture de Bertrand Binoche propose pour le xviiie siècle une réévaluation des rapports entre religion privée et opinion publique. Le reflux de la religion dans la sphère privée, sa moindre visibilité, susciterait une nécessaire réflexion sur les fondements du vivre ensemble. La religion, étant remise en cause comme matrice de la société, est peu à peu remplacée par la construction politique d’une communauté assemblée autour de l’opinion publique, sa construction et ses manifestations. De manière symptomatique, le livre offre pour couverture le célèbre tableau de la Saint-Barthélemy à Paris par Dubois, illustration iconique de la volonté de l’auteur de réfléchir à la tolérance. Nous retrouvons ici un écho des leçons d’Olivier Christin sur les rapports entre politique et religion dans la résolution des guerres de Religion, mais déclinées sur un plan privé et plus personnel55. Cette approche philosophique est ici stimulante pour repenser l’articulation privé/public, religieux/politique, sous l’angle de la visibilité. Le temps des affrontements religieux en fournit une autre dynamique, où le privé constitue un espace de transition, qui donne à voir une identité dans l’espace public par le refus de tendre lors des processions, mais aussi par les bruits ou les odeurs qui sortent des maisons et manifestent à l’extérieur une infraction au jeûne ou aux jours fériés56.
26Pour ce faire, la saisie sur une longue durée est une nécessité. Dans cette optique, nous avons retenu un temps long, du xive au xviiie siècle, afin d’englober les coupures des réformes, la sécularisation du xviiie siècle, les recompositions consécutives. De même, la lecture ne peut être pertinente que par la comparaison géographique. Le cœur du livre est composé d’un axe France/cantons suisses, fruit de la structuration du projet, mais il s’accompagne de prolongements et d’éclairages concernant l’Italie, l’Angleterre, le Portugal, dans une géographie réellement européenne.
27Ceci porte alors naturellement à une dernière interrogation, celle de la dialectique visibilité/invisibilité et des pratiques suscitées en réponses57. Face à l’impératif de visibilité, les possibilités de réaction des minorités, ou autres confessions, sont multiples et jouent diversement de la dialectique. Le mode le plus fréquent est la coexistence, qui suppose, selon les cas, indifférence, convivance58, partage des temps et des espaces, dissimulation. Le volume dirigé par Mathilde Monge, David do Paço et Laurent Tatarenko offre des exemples de ces attitudes59. À Cologne, ressort un certain pragmatisme et une négociation de la frontière. À Amsterdam, règne plutôt la dissimulation que marquent les églises cachées. De manière synthétique, Wolfgang Kaiser met en avant des degrés de visibilité qui articulent notamment culte public et domestique pouvant donner lieu à « une gestion méticuleuse des temps et espaces urbains et une hiérarchisation de la visibilité60 ». La situation des protestants parisiens au xviiie siècle met en valeur une coexistence, où les conflits sont rares dans une visibilité négociée61. Cette dernière est aussi le moyen de définir une identité collective, qui trouve à s’exprimer dans ce rapport62. Cela peut enfin déboucher sur l’invisibilisation, qui semble caractériser les communautés musulmanes en France à l’époque moderne. Jocelyne Dakhlia parle ainsi d’opacité à l’égard de la présence musulmane dans la France moderne. Opacité qui relève d’abord d’un manque historiographique, d’une question longtemps non pensable. Elle ressort ensuite de la documentation, souvent fragmentaire et qui permet de percevoir ces populations au moment d’une conversion, d’un changement de nom. Elle est également due à l’attitude de ces groupes eux-mêmes, qui développent des stratégies d’invisibilité, un culte privé ou clandestin en l’absence de lieux dédiés. Enfin, cette opacité est également nourrie d’une indifférence ou d’un manque de stigmatisation qui permet des identités mouvantes63.
28La visibilité s’inscrit dans un croisement entre pastorale, intentionnalité et expérience propre à chacun. Par conséquent, notre problématique peut être formulée comme la volonté de voir en quoi le religieux modèle l’espace urbain, lui donne sens sur notre période. Elle propose une autre approche de l’espace public, de l’identité urbaine et religieuse et de la définition spatialisée des modes de croire.
29Pour ce faire, le plan choisi articule des rôles diversifiés de la visibilité. La première partie est consacrée à l’expression de l’identité urbaine, autrement dit, à la contribution du religieux à la définition d’une identité de la ville, qui intègre monuments, pratiques, textes et dimension mémorielle. Fribourg, analysée par Sarah Pflug, s’affirme comme ville catholique, revendiquant cette identité, qui s’exprime par la présence de statues sur les fontaines, des ordres religieux et le cortège de la procession de la Fête-Dieu. Dans l’espace et le temps urbains, la ville apparaît comme un bastion catholique. Ce faisant, ce discours s’adresse autant aux protestants, dans une logique confessionnelle, qu’aux catholiques dans une optique de renforcement du rôle des autorités municipales. L’identité catholique se rend ainsi nettement visible. Stefano Simiz lie l’identité urbaine à la mémoire, à l’occasion des sermons et discours commémoratifs. Ces derniers sont avant tout des textes qui retracent (ou reconstruisent) une mémoire urbaine destinée à forger ou réactiver une identité commune. Ils sont également des rituels religieux et civiques qui s’insèrent dans un ensemble composé d’offices et processions, contribuant à visibiliser ces moments. Nicolas Guyard interroge la sainteté au travers d’histoires locales et de vies de saints locaux pour les petites cités du bassin parisien. Ces textes invoquent d’anciens rituels, des épisodes d’histoires de saints, qui redonnent une ancienneté et une sainteté à ces villes, dans une étroite concurrence. Cette prétention est en soi démarche d’identité, dans laquelle Paris est à la fois un repoussoir, sur le plan du contenu, et un recours sur le plan de la production. Le cas de Lisbonne (Paula Almeida Mendes) entraîne un changement d’échelle, mais souligne les mêmes enjeux. Les récits de vies de saints construisent l’image d’une cité sainte qui peut s’appuyer sur une succession de générations de saints reconnus. Cela prend corps dans la cité, par le rappel des fondations de maisons religieuses ou les rituels de translation des reliques. Entre textes et pratiques se déclinent divers modes de visibilité de la sainteté qui dessinent dans leur variété une ville sainte. Pierre-Antoine Fabre en interroge une autre représentation, au prisme des collèges jésuites, dans un double jeu de visibilité entre le collège et son cadre. Saisi par les plans qui le représentent, le premier est selon les cas le cœur de la ville, une ville miniature. Les récits de fondation donnent alors corps à ces constructions iconiques.
30La deuxième partie s’attache aux conflits de visibilité, qui mettent aux prises deux visions antithétiques, principalement autour des deux moments de crise que sont les passages à la Réforme et à la Révolution française. Les cantons suisses offrent un terrain d’investigation exemplaire et riche d’enseignement. Au travers des cas de Zurich et de Berne, Fabrice Flückiger souligne le rôle majeur des autorités civiles dans la gestion du changement de visibilité, qu’il s’agisse de l’iconoclasme (contrôlé et administré), de la suppression des rituels extérieurs, du réaménagement des lieux de culte. La reconstruction du visible protestant est aussi celle de l’affirmation du bon gouvernement, qui s’appuie fortement sur la dimension religieuse. Geneviève Gross fait porter l’interrogation sur deux autres terrains : le vote et la prédication. Les deux sont des modes d’établissement des nouveaux cadres de représentation. Le premier sanctionne la transformation et ouvre le temps de la recomposition. La seconde met en place, matériellement et spirituellement, la nouvelle visibilité et ses lieux et modes d’expression. Dans les deux cas, le cadre légal est mobilisé et les transformations s’inscrivent dans une réglementation rappelée et dont les acteurs jouent également pour limiter la foi de l’auteur. Elena Guillemard centre son analyse sur les religieuses, qui sont au centre d’une recomposition. Non seulement, la diffusion de la Réforme interroge le cloître et son existence même, mais la sortie des religieuses, à la faveur du passage à la Réforme, les remet en pleine lumière. Cette nouvelle visibilité pose la question du statut des religieuses et permet de revenir sur les rapports entre communautés monastiques et villes. Jérémie Foa déplace l’interrogation en France et sur la problématique de l’invisibilisation. Sa contribution aborde les pratiques de clandestinité, touchant aussi bien les personnes que les objets. Cela permet de réfléchir en creux aux signes du visible, aux marqueurs d’identité et aux pratiques d’interconnaissances, à une échelle plus réduite que celle de la communauté toute entière. Apparaissent alors des lieux et des moments, où le visible et l’invisible se jouent. Le temps des guerres de Religion est aussi un temps d’affrontement textuel qu’ouvre Élise Bernard autour de la Satyre Ménippée. Sur le plan satirique et ironique, le texte dévoile une visibilité retournée où tous les signes sont inversés. Le champ public devient celui de la déconsidération et du travestissement du religieux.
31Si le xvie siècle est bien sûr un temps essentiel de cette conflictualité, le xviiie siècle en donne d’autres exemples et d’autres cadres. Didier Boisson aborde ainsi la question des cimetières protestants et l’application des décisions de l’édit de 1787. À cette occasion, se joue le dévoilement de la communauté, entre validation de pratiques auparavant clandestines, invention de nouvelles solutions ou négation de l’existence de communautés protestantes. Les autorités locales développent alors tout un ensemble de réponses, significatives de ces enjeux. Monique Cottret et Maxime Hermant nous font franchir la barrière de 1789 et prolongent opportunément la réflexion sur le visible dans les premières années de la Révolution française. Monique Cottret s’appuie principalement sur les Nouvelles ecclésiastiques, observatoire remarquable, pour reprendre cette question du religieux dans l’espace public. Ressort une chronologie fine des sujets qui montre que la visibilité n’est pas tant considérée dans son principe que dans ses déclinaisons concrètes. Maxime Hermant se concentre sur la Fête-Dieu. De 1789 à 1793, elle est d’abord un reflet des révolutions législatives sur le statut religieux et politique, sur les relations avec le roi. Elle est surtout l’un des instruments de l’affirmation du visible, d’où ses recompositions internes, d’abord, puis sa remise en cause dans son existence même au nom de la liberté religieuse, mobilisée de manière antagonique par les deux camps.
32Si cette partie est centrée sur le conflit et l’opposition, la troisième fait place aux glissements et réinterprétations du religieux dans un cadre maintenu, mais dont le sens même est modifié par un changement du visible. Par la réflexion autour des deux catégories du sacrilège et du scandale, Corinne Leveleux-Teixeira souligne bien les glissements que subissent ces deux notions à la charnière des xive et xve siècles. Ils sont les signes d’un réagencement du religieux, saisi par le droit et les institutions. Cécile Beuzelin analyse cet effet de redéfinition au sujet des images des saints et des prophètes de Florence. Entre usages proprement civiques et religieux, les œuvres analysées soulignent une réactivation de l’imagerie des saints protecteurs et prophètes dans une logique politique. Entre commande, réalisation, représentation, mobilisation par la pratique, la visibilité de ces œuvres se recompose au gré des interprétations. L’Académie de Modène, étudiée par Lucia Felici, offre un autre glissement, ou plutôt un double glissement, d’une sphère, sinon privée, du moins restreinte, au domaine collectif, du littéraire au religieux. Les membres de l’Académie développent leur réflexion religieuse et s’affirment dans l’espace public comme un lieu de diffusion de la Réforme en Italie, ce qui passe par un certain nombre de revendications en actes. Les contributions de Jean-Baptiste Chantôme et Alain Cabantous nous invitent, eux, à suivre des réinventions. Lors de la première entrée du premier évêque de Blois dans sa capitale, le rituel associe l’invention de formes, jusque-là inexistantes à Blois, et un discours de l’héritage qui puise dans une dimension locale et dans les exemples extérieurs. Il s’agit bien d’une réinvention de l’acte de mise en visibilité qui associe autorité épiscopale et histoire urbaine. Les reconstructions après catastrophes, présentées par Alain Cabantous, élargissent la réflexion. Si les catastrophes remettent en cause la matérialité architecturale, mais également les pratiques que cette dernière suscite (qu’il s’agisse du culte hebdomadaire ou des grandes fêtes), cela autorise une discussion sur la reconstruction. La carte urbaine du religieux est souvent redessinée et l’identité religieuse est transformée, réactualisée, réinventée selon les cas.
33La réinterprétation et le rapport aux sources est ce qui relie les trois dernières contributions de cette partie. Les cérémonies relatées dans le Mercure galant (Anne Piéjus) répondent à un choix et mettent à jour un effet de source. Ce faisant, ressortent des critères de visibilité et audibilité qui permettent d’apprécier les pratiques mobilisées, les composantes des cérémonies et le discours de valorisation motivant leur mention dans le Mercure. Les affiches, analysées par Laurent Cuvelier, sont, elles, au cœur d’un double processus. Leur médiatisation et leur multiplication obligent les institutions religieuses à adapter leur communication visuelle par ce média. Surtout, l’affiche est au centre de la querelle religieuse au xviiie siècle et contribue à rendre visible un discours critique sur l’institution, dont l’écho est décuplé par les relevés qui en sont faits. Moyen d’information et d’édification, l’affiche devient aussi le support d’une remise en cause de l’Église. Philippe Martin souligne quant à lui un autre glissement dans la littérature destinée à présenter les offices religieux parisiens, qu’il s’agisse des textes dédiés ou des récits de voyages. Du xviie au xixe siècle, la dimension d’édification et de piété recule au profit de l’affirmation d’une curiosité et d’une recherche du remarquable. La lecture des cérémonies change et met à jour une réinterprétation du visible.
34La dernière partie ouvre un autre front, celui des limites du visible, alors qu’il devient métaphore ou qu’il est remis en cause comme expression du religieux. Les récits utopiques lus par Marie-Claire Phélippeau portent une réflexion sur le religieux décliné dans ses manifestations collectives et privées. La dimension visible y est centrale, qu’il s’agisse des cérémonies ou des temples, souvent soumis à une transparence. Nicolas Lombart propose, pour sa part, de lire le martyrologe de Chandieu comme une triple recréation de visibilité. D’une part, il replace les protestants dans l’espace urbain, par le récit de leur arrestation et martyre. D’autre part, il montre la supériorité de la foi. Enfin, il l’enracine dans une double projection : l’enracinement et l’avenir, par le biais de la mémoire. La Mappemonde papistique scrutée par Matthieu de La Gorce souligne la force de la métaphore urbaine dans la lecture satirique. La ville et le monde s’interpénètrent dans une représentation qui joue de repères visibles parfois détournés. L’association entre la représentation figurée et le texte permet alors de redonner un sens, dans deux régimes d’écriture bien distincts, mais complémentaires. Dans sa forme même, le monde catholique est traversé visiblement, d’un certain nombre d’objets de critiques. Cette métaphore urbaine est retrouvée par Thomas Gueydier chez François de Sales. La ville permet de donner une géographie à la structure de l’âme. Enfin, Jeffrey Hopes met en lumière pour l’Angleterre des xviie et xviiie siècles, une articulation des lieux de la prière qui présente aussi une hiérarchie de la visibilité, de l’église au cabinet. Si ce dernier est une frontière au visible, il en offre une autre lecture, réaffirmant le regard de la communauté par les conseils émis, mais surtout replaçant le fidèle sous le regard direct de Dieu. C’est donc à la déclinaison des enjeux, formes, cadres et modalités du visible qu’invite le présent volume64.
Notes de bas de page
1Arpi Claude, Tibet : le pays sacrifié, Paris, Calmann-Levy, 2000.
2Le portrait du roi, Paris, Minuit, 1981 ; pour une déclinaison de cette analyse Politiques de la représentation, Paris, Kimé, 2005, chapitre 4. Pour une lecture collective de ces travaux : Fabre Pierre-Antoine, Cantillon Alain et Rougé Bertrand (dir.), À force de signes. Travailler avec Louis Marin, Paris, EHESS, 2018.
3Des pouvoirs de l’image, Paris, Seuil, 1993.
4Voir l’analyse de Chartier Roger, Au bord de la falaise, Paris, Albin Michel, 2009, chapitre 7, pour toutes ces thématiques.
5Boepfslug François, Le Dieu des peintres et des sculpteurs : l’invisible incarné, Paris, Hazan, 2010.
6Le visible ne renvoie ainsi pas à une échelle de perception et de renommée, une insertion dans un contexte médiatique, comme le développe sur un autre plan, l’analyse de Nathalie Heinich qui distingue plusieurs critères de visibilité : De la visibilité. Excellence et singularité en régime médiatique, Paris, Gallimard, 2012.
7Bisaro Xavier, Chanter toujours. Plain-chant et religion villageoise dans la France moderne, Rennes, PUR, 2010.
8Hénin Emmanuelle, « Rome, un lieu commun ? Usage et usure du topos dans les récits de voyageurs français au xviie siècle », Revue d’histoire littéraire de la France, 104, 2004/3, p. 597-619 ; Brizay François, Touristes du Grand Siècle. Le voyage d’Italie au xviie siècle, Paris, Belin, 2006 et Bertrand Gilles, Le Grand Tour revisité, Rome, EFR, 2008.
9Labrot Gérard, L’Image de Rome : une arme pour la Contre-Réforme, 1534-1677, Seyssel, Champ Vallon, 1987.
10Vincent Bernard, L’Islam d’Espagne au xvie siècle. Résistances identitaires des morisques, Saint-Denis, Éditions Bouchène, 2017.
11Foa Jérémie, « “Le repaire et la bergerie des brebis du seigneur au milieu de la France”. Le paysage urbain à Orléans au temps des guerres de Religion », Histoire urbaine, no 41, 2014/3, p. 147-168.
12Martin Philippe, Les Chemins du sacré : paroisses, processions et pèlerinages en Lorraine du xvie au xixe siècle, Metz, Serpenoise, 1995 ; Rideau Gaël, Une société en marche. Les processions en France au xviiie siècle, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2021.
13Bisaro Xavier, « La voix des pauvres : chant et civilité oratoire dans les écoles de charité de Lyon à la fin du xviie siècle », Histoire de l’éducation, no 143, 2015/1, p. 125-154.
14François Étienne, Protestants et catholiques en Allemagne. Identités et pluralisme, Augsbourg, 1648-1806, Paris, Albin Michel, 1993.
15Brian Isabelle, Prêcher à Paris sous l’Ancien Régime, Paris, Garnier, 2014 ; Simiz Stefano, Prédication et prédicateurs en ville, xvie-xviiie siècles, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2015 ; Simiz Stefano, « Une “révolution” de la prédication catholique en ville ? Début xvie siècle-seconde moitié du xviie siècle », Histoire urbaine, vol. 34, no 2, 2012, p. 33-50 ; Engammare Max, Prêcher au xvie siècle, Genève, Labor et Fides, 2018.
16Châtellier Louis, La Religion des pauvres. Les sources du christianisme moderne xvie -xixe siècles, Paris, Aubier, 1993.
17Lleo Canal Vicente, « La Fête-Dieu à Séville du Moyen-Âge à l’ère romantique », in Antoinette Moulinié (dir.), Le Corps de Dieu en Fêtes, Paris, Cerf, 1996, p. 65-82 ; Fernandez Herr Elena, Les Origines de l’Espagne romantique. Les récits de voyage 1755-1823, Paris, Didier, 1973.
18Goujard Philippe, L’Europe catholique au xviiie siècle. Entre intégrisme et laïcisation, Rennes, PUR, 2004.
19Abruzzesse Salvatore, « Catholicisme et territoire : pour une entrée en matière », Archives des Sciences sociales des religions, no 107, 1999, p. 5-19.
20Sur le rapport ville et religion, voir notamment Boudon Jacques-Olivier et Thélamon Françoise (dir.), Les Chrétiens dans la ville, Rouen, PU Rouen, 2006 et Dumons Bruno et Hours Bernard (dir.), La Cité réenchantée. Ville et religion en Europe du xvie au xxe siècle, Grenoble, PUG, 2010.
21Manuscrits de Pagès marchand d’Amiens écrits à la fin du 17ème et au commencement du 18ème siècle, mis en ordre et publiés par Louis Douchet, t. III, Amiens, Alfred Caron, 1862, p. 373.
22« Lieux de sanctification. La sacralité liturgique des temples réformés genevois (xvie -xviie siècle) », in Politica e Religione : la territorializzazione del sacro, [Brescia], Morcelliana, 2016, p. 167-193 et la conférence « Le désenchantement de la ville ? Désacralisation et resacralisation des espaces public et privé », donnée à Lausanne le 13 novembre 2015 lors de la journée Les identités religieuses dans le contexte culturel et politique d’Ancien Régime.
23Dompnier Bernard, « Un aspect de la dévotion eucharistique dans la France du xviie siècle : les prières des Quarante-Heures », Revue d’Histoire de l’Église de France, t. 67, no 178, 1981, p. 5-31 ; Martin Philippe, Le Théâtre divin. Une histoire de la messe xvie-xxe siècle, Paris, CNRS Éditions, 2010.
24Dupront Alphonse, « Histoire et anthropologie religieuse », in Jacques Le Goff et Pierre Nora (dir.), Faire de l’Histoire, II, Nouvelles approches, Paris, Gallimard, 1974, p. 105-136.
25Sur cette distinction, entre discours textuel et image, notamment appuyée sur les travaux de Louis Marin : Chartier Roger, Au bord de la falaise, op. cit., p. 218 sq. Nous pouvons aussi en rapprocher les travaux de Philippe Buc sur le rituel, qui soulignent le travail de reconstruction que suppose la mise en texte du rituel, voire de transformation. Buc Philippe, Dangereux rituel. De l’histoire médiévale aux sciences sociales, Paris, PUF, 2003.
26Pour une synthèse Boidy Maxime, Les Études visuelles, Presses universitaires de Vincennes, 2017 et Bertholeyns Gilles, « Voir le passé : histoire et cultures visuelles », in Christophe Granger (dir.), À quoi pensent les historiens ?, Paris, Autrement, 2013, p. 118-134. Pour deux applications « Le xixe siècle au prisme des visual studies », Revue d’histoire du xixe siècle, 49, 2014, p. 139-175 et « Cultures visuelles et révolutions : enjeux et nouvelles problématiques », Annales historiques de la Révolution française, 372, 2013, p. 143-160.
27Bertholeyns Gilles, art. cité.
28Par exemple Dekoninck Ralph, Delbeke Maarten, Delfosse Annick et Vermeir Koen, « Mise en image du spectacle et spectacularisation de l’image à l’âge baroque », Degrés, 2013, p. 1-14 et Dekoninck Ralph, Delbeke Maarten, Delfosse Annick, Heering Caroline et Vermeir Koen (dir.), Cultures du spectacle baroque. Cadres, expériences et représentations des solennités religieuses entre Italie et ancien Pays-Bas, Louvain, Institut historique belge de Rome, 2019.
29Febvre Lucien, « Comment reconstituer la vie affective d’autrefois ? La sensibilité et l’histoire », Combats pour l’histoire, Paris, Colin, 1965, p. 221-238 et Cottret Monique, « Bilan historiographique : les sens de l’histoire », in Robert Mandrou, Introduction à la France Moderne, Paris, Albin Michel, 1998, p. 508 sq.
30Voir par exemple la production documentaire liée aux processions, qui délaisse le plus souvent les cortèges ordinaires au profit des extraordinaires.
31Le projet EUDIREM, [https://eudirem.hypotheses.org/] porté par les universités de Tours (CESR) et Orléans (POLEN) dans le cadre d’un projet régional, qui associe également les universités de Lausanne et de Florence. Le thème de la visibilité a notamment été étudié lors des séminaires des 28 avril 2017, 30 mars et 18 mai 2018 et du colloque des 19-21 septembre 2018. Les programmes sont disponibles sur le site au lien indiqué.
32Boillet Élise et Rideau Gaël (dir.), Textes et pratiques religieuses dans l’espace urbain de l’Europe moderne, Paris, Champion, 2020.
33Palazzo Éric (dir.), Les cinq sens au Moyen Âge, Paris, Cerf, 2016 ; Bouchet Florence et Klinger-Dollé Anne-Hélène (dir.), Penser les cinq sens au Moyen Âge, Paris, Classiques Garnier, 2015.
34Châtellier Louis, op. cit.
35Dompnier Bernard (dir.), Les Cérémonies extraordinaires du catholicisme baroque, Clermont-Ferrand, PU Blaise Pascal, 2009, notamment p. 595 sq.
36Brice Catherine et Visceglia Maria-Antonietta (dir.), Cérémonial et rituel à Rome (xvie-xixe siècles), Rome, EFR, 1997 ; Bertrand Gilles et Taddei Ilaria (dir.), Le Destin des rituels : faire corps dans l’espace urbain, Italie-France-Allemagne, Rome, EFR, 2008.
37Guyard Nicolas et Muller Caroline, « Croire et Ressentir. Pour une approche du fait religieux à travers les émotions », Mélanges de l’École française de Rome – Italie et Méditerranée modernes et contemporaines (en ligne), 128-2 | 2016, consulté le 4 mars 2017, et Rideau Gaël, « Émotions, sens et expérience religieuse : le cas des processions urbaines en France au xviiie siècle », Histoire urbaine, 54/3, 2019, p. 25-42.
38Le Gall Jean-Marie, « L’extraordinaire au service de l’ordinaire. Les jubilés parisiens aux xvie -xviiie siècles », Revue d’histoire ecclésiastique, vol. 102, no 3-4, juillet-décembre 2007, p. 837-878.
39Vismara Paola, « La religion urbaine entre pouvoir politique et pouvoir ecclésiastique », in Bruno Dumons et Bernard Hours (dir.), La Cité réenchantée, op. cit., p. 435-449.
40Vismara Paola, « Les splendeurs de la dévotion à Milan », in Bernard Dompnier, Cérémonies extraordinaires, op. cit., p. 443-458.
41Duhamelle Christophe, « Individuel et collectif, intérieur et extérieur. De quelques critères de classement en France et en Allemagne », in Philippe Büttgen et Christophe Duhamelle (dir.), Religion ou confession. Un bilan franco-allemand (xvie-xviiie siècles), Paris, Maison des sciences de l’homme, 2010, p. 175-192 ; Christin Olivier et Krumenacker Yves (dir.), Les protestants à l’époque moderne, Rennes, PUR, 2017.
42Taveneaux René, Le Catholicisme dans la France classique (1610-1717), Paris, SEDES, 1980.
43Goujard Philippe, op. cit.
44Dupront Alphonse, L’image de religion dans l’Occident chrétien, Paris, Gallimard, 2015.
45Foa Jérémie, « Le repaire et la bergerie », art. cité.
46Une Révolution symbolique. L’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, Paris, Minuit, 1991.
47Sanfaçon André, « Événement, mémoire et mythe : le siège de Chartres de 1568 », in Claire Dolan (dir.), Événement, identité, histoire, Sillery (Québec), Éditions du Septentrion, 1991, p. 187-204.
48Recueil général des anciennes lois françaises depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789 par MM Isambert, Decrusy, Taillandier, t. 18 : août 1661-31 décembre 1672, Paris, Belin-Leprieur, 1829, p. 77 : Règlement sur l’exercice de la Religion Prétendue Réformée, Saint-Germain-en-Laye, 2 avril 1666.
49Idem, p. 199 : Déclaration touchant les religionnaires, Paris, 1er février 1669.
50Relation de la mort du chevalier de La Barre par M. Cassen, avocat au conseil du Roi, Amsterdam, 1768, p. 316.
51Muratori, De la véritable dévotion, Paris, Lambert et al, 1778, p. 396. Vismara Paola, « Érudition et culture en Italie au tournant des xviie et xviiie siècles : Lodovico A. Muratori », Annuaire de l’École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 140 | 2009, p. 326-332.
52Taveneaux René, Jansénisme et politique, Paris, Colin, 1965 ; Cottret Monique, Jansénismes et Lumières. Pour un autre xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 1998 ; Van Kley Dale, Les Origines religieuses de la Révolution française, Paris, Seuil, 2006.
53Rideau Gaël, « La construction religieuse du privé. La mort comme enjeu public dans les querelles religieuses en France au xviiie siècle », in Agnès Walch (dir.), La Médiatisation de la vie privée, xve -xxe siècles, Arras, Artois Presses Université, 2012, p. 41-61.
54Binoche Bertrand, Religion privée, opinion publique, Paris, Vrin, 2012.
55Christin Olivier, La Paix de religion. L’autonomisation de la raison politique au xvie siècle, Paris, Seuil, 1997.
56Foa Jérémie, « An unequal apportionment : the conflict over space between protestants and catholics at the beginning of the wars of religion », French History, 2006, 20-4, p. 369-386.
57Dans le cadre du projet EUDIREM, ces questions sont précisément abordées par le volume Boillet Élise et Felici Lucia (dir.), Dis/simulazione e tolleranza religiosa nello spazio urbano dell’Europa moderna, Turin, Claudiana, 2020.
58Borello Céline, « Déjouer l’ordre public et créer un ordre urbain : la convivance à Marseille au xviiie siècle », in Gaël Rideau et Pierre Serna (dir.), Ordonner et partager la ville (xiie-xixe siècles), Rennes, PUR, 2011, p. 117-135.
59Do Paço David, Monge Mathilde et Tatarenko Laurent (dir.), Des religions dans la ville. Ressorts et stratégies de coexistence dans l’Europe des xvie-xviiie siècles, Rennes, PUR, 2010.
60Kaiser Wolfgang, « Vies parallèles et vie commune dans le monde urbain », in ibid., p. 189-193, citation p. 191.
61Garrioch David, The Huguenots of Paris and the Coming of Religious Freedom, 1685-1789, Cambridge, UP, 2014 ; pour un autre exemple Boisson Didier et Krumenacker Yves (dir.), La Coexistence confessionnelle à l’épreuve, [Lyon], LARHRA-RESEA, 2009.
62Brizay François (dir.), Identité religieuse et minorités de l’Antiquité au xviiie siècle, Rennes, PUR, 2018.
63Dakhlia Jocelyne et Vincent Bernard (dir.), Les Musulmans dans l’histoire de l’Europe, t. 1 : Une intégration invisible, Paris, Albin Michel, 2011. Ces points ont été également développés par Jocelyne Dakhlia lors de la conférence prononcée le 19 septembre 2018 à l’occasion du colloque du projet EUDIREM (« Une présence musulmane en France à l’époque moderne : une invisibilité historique et historiographique ? »).
64Nous aimerions ici remercier les personnes qui ont rendu possible le colloque support d’une partie des textes présentés dans ce volume : Michelle Ramdimbiarison, Denise Ardesi et Chloé Rivière. Nous avons au moment d’écrire ces lignes une pensée amicale et scientifique pour Xavier Bisaro, qui nous a quittés en 2018 et qui avait contribué activement à l’origine de ce projet et à sa mise en œuvre. Ce livre est aussi le sien.
Auteur
Université d’Orléans (POLEN)

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