Byzance, Chalcédoine et le contrôle du Bosphore de Thrace à l’époque hellénistique
De la concurrence à la symbiose
p. 185-200
Texte intégral
1Dans l’histoire du monde ancien, les noms de Byzance et de Constantinople sont associés à l’idée de puissance, à l’idée de ville capitale d’empire. Cette riche histoire millénaire se poursuit encore avec l’extension de la ville d’Istanbul. L’occupation continue du site de Byzance, en tous points remarquable sur le plan géographique, comme le signalait Polybe au iie siècle avant notre ère1, n’a pourtant pas amené la puissance immédiatement. La rive asiatique du Bosphore de Thrace avait été occupée antérieurement par les colons mégariens installés à Chalcédoine2.
2Un rapide examen de la bibliographie sur les deux cités montre que Byzance a fait l’objet d’une attention soutenue de la part des savants. Des ouvrages de qualités diverses se sont succédé depuis la fin du xixe siècle3. Paradoxalement l’histoire générale de la cité de Chalcédoine n’a donné lieu à aucune monographie. Il faut consulter les notices « Kalchedon » rédigées par Ruge dans la Realencyclopaedie en 1919 et plus récemment par Alexandre Avram dans An Inventory of Archaic and Classical Poleis4. Les deux cités du Bosphore ont fait l’objet de corpus épigraphiques dans la série des Inschriften griechischer Städte aus Kleinasien. Le travail publié en 1980 par R. Merkelbach, F. K. Dörner, S. Şahin, Die Inschriften von Kalchedon5, a été suivi en 2000 par un corpus de Byzance rédigé par A. Łajtar6. Le corpus épigraphique de la cité de Chalcédoine est assez maigre. Parmi les 125 numéros recensés en 1980, les inscriptions funéraires, surtout d’époque byzantine, sont majoritaires. Les nécropoles des deux sites ont livré un grand nombre de stèles et de sarcophages, publiés par Louis Robert et Nezih Firatlı pour Byzance, Nezih Firaltı associé à Nuçin Asgari pour Chalcédoine7. Les auteurs ont pointé des rapprochements stylistiques et onomastiques entre les deux groupes d’inscriptions.
3Les Anciens connaissaient bien la concurrence entretenue depuis le temps de la fondation à l’époque archaïque entre Chalcédoine, cité de la côte d’Asie mineure et sa voisine sur la rive européenne. Byzance et Chalcédoine étaient alors deux apoikiai, deux fondations coloniales mégariennes, que tout opposait8. Hérodote a transmis dans un passage du livre IV des Enquêtes, qui constitue la source littéraire la plus ancienne sur Chalcédoine, la fameuse anecdote de la « cité des aveugles ». Il place le propos au début du ve siècle, avant le déclenchement des guerres médiques. Le noble perse Mégabaze, qui vient organiser la nouvelle satrapie de Thrace conquise au nom de Darius après 492, est pris à témoin par les Byzantins de l’histoire prestigieuse de leur cité.
« De passage à Byzance, il apprit que les Chalcédoniens s’étaient installés dans la région dix-sept ans avant les Byzantins ; sur ce, il déclara que les Chalcédoniens devaient être aveugles à cette époque, car ils n’auraient pas choisi de s’installer à l’endroit le moins bon quand il s’en présentait un plus beau, s’ils ne l’avaient pas été9. »
4L’antériorité de l’installation mégarienne à Chalcédoine, sur le promontoire de Kadiköy, en face de la Corne d’or, est retenue dans la chronologie d’Eusèbe de Césarée, qui place la fondation de Chalcédoine en 685 et celle de Byzance en 65910. Les historiens se sont interrogés sur la validité de ce témoignage, remettant en question la chronologie des fondations autant que le contexte de choix du site de Chalcédoine11.
5Les vestiges archéologiques les plus anciens sur le site de Chalcédoine sont composés de céramique du vie siècle et d’une stèle funéraire érigée vers 550. Sur l’acropole de Byzance, on a découvert de la céramique proto-corinthienne tardive du troisième quart du viie siècle. Cependant, l’occupation permanente des sites et l’impact de l’urbanisation moderne rendent toute conclusion hasardeuse.
6Par-delà la surprise puis le dédain que l’anecdote de la « cité des aveugles » devait susciter chez tout homme de passage à Byzance, devait se cacher des logiques coloniales. Pourquoi les Mégariens se sont-ils « bêtement » installés à Chalcédoine plutôt qu’à Byzance dans un premier temps ?
7On peut noter tout d’abord que le site de Chalcédoine, plus réduit que le site de Byzance à la pointe de la Corne d’or, était tout aussi intéressant pour la navigation. La ville installée sur une presqu’île pouvait compter sur plusieurs petits ports12. Les courants dominants dans le Bosphore de Thrace rendaient le départ vers le Pont-Euxin plus facile à partir de Chalcédoine, qu’en longeant la côte européenne. Chalcédoine est donc sur la route la plus simple pour remonter l’Hellespont et la Propontide. Les vents du nord et le courant de la Propontide se font moins sentir le long de la côte asiatique. De plus les estuaires des cours d’eau, les baies et les îles abritées sont nombreux sur la côte de la Troade et de la Mysie, alors que les abris sont presque inexistants sur la côte de Thrace propontique13.
8De plus, l’exploitation et le contrôle de la chôra de Chalcédoine ont, semble-t-il subi moins de dangers que Byzance. Au milieu du viie siècle, on peut raisonnablement supposer que la présence des tribus thraces a empêché un temps l’installation de colons grecs14. On se souvient du sort funeste des colons envoyés par les Athéniens à Drabescos, dans la vallée du Strymon au milieu du ve siècle. Il a alors fallu fonder Amphipolis en 437 en bord de mer, plutôt qu’à l’intérieur des terres15. L’hypothèse d’une fondation coloniale plus risquée sur la côte européenne du Bosphore que sur la côte asiatique explique le décalage chronologique entre les deux fondations du Bosphore, mais aussi le recours par les Mégariens à d’autres colons, Béotiens, Chalcidiens et Mégariens venus de Chalcédoine16, ce qui serait le signe d’une fondation mixte, nécessitant beaucoup d’hommes pour faire face aux autochtones.
9Le temps de la concurrence a peu duré, si on suit les témoignages des Anciens. Il aurait été suivi de siècles de bonne entente, voire de symbiose entre les deux cités maîtresses du Bosphore. Les historiens ont largement mis en avant Byzance et Chalcédoine ensemble dans leurs travaux savants. Dès le début du ve siècle, dans le récit d’Hérodote, les cités sont liées par une histoire commune. Subissant les mêmes vicissitudes, les cités se seraient rapprochées pour mieux préserver leur liberté. C’est ainsi que Byzance et Chalcédoine auraient été liées, à l’image du pont de bateau construit à la demande de Darius entre les deux cités, pour permettre à son armée d’envahir la Scythie en 51317. Les deux cités présentaient en effet des similitudes institutionnelles, cultuelles et monétaires, et l’usage commun du dialecte dorien de leur métropole Mégare. Certains savants ont même avancé l’hypothèse d’une sympolitie entre les deux cités aux époques classique et hellénistique. Rien ne va cependant dans ce sens.
10À l’occasion de ma contribution, on sera amené à s’interroger sur cette « communauté de vie ». Pour servir cette réflexion, je voudrais revenir sur quelques moments de l’histoire des cités de Byzance et de Chalcédoine, particulièrement à l’époque hellénistique, pour comprendre quel a été leur rôle dans le contrôle du Bosphore de Thrace. Nous verrons que, loin de constituer une évolution linéaire, le développement des deux communautés civiques semble avoir procédé plutôt d’un déplacement subtil des équilibres régionaux dans le Bosphore de Thrace en faveur des intérêts byzantins.
11L’analyse portera successivement sur trois temps d’argumentation. Quelques événements constituent des points d’ancrage d’une histoire commune entre Byzance et Chalcédoine, malgré des différences institutionnelles marquées entre les cités. Les monnayages civiques, principalement ceux qui ont été émis conjointement retiendront ensuite notre attention. Pour finir, l’extension du territoire de Byzance à la période hellénistique sera interprétée comme à un retour à une situation de concurrence marquée pour le contrôle du Bosphore de Thrace
La conception d’une histoire commune de Byzance et de Chalcédoine
12Les relations entre Byzance et sa voisine Chalcédoine n’ont pas laissé de traces épigraphiques évidentes. Ni décret pour des juges étrangers, ni mention de philia. Pourtant, des indices montrent que ces deux cités ont eu de nombreux points communs et ont souvent suivi une évolution parallèle. Ce sont deux colonies mégariennes reliées par une légende de fondation. Apollon joue un rôle central dans la fondation de Byzance, dont il construit le rempart.
13À Chalcédoine, la communauté civique pouvait s’enorgueillir d’un passé prestigieux remontant au devin Chalcas et à son fils Chalcédon, tout autant que de la présence du sanctuaire oraculaire d’Apollon unique parmi les colonies mégariennes. Le dieu y est revêtu d’une double épiclèse Pythios et Chrestérios18. Il s’agissait donc d’une communauté prospère dès les premiers temps de la présence mégarienne. Hormis Byzance et Chalcédoine, aucune autre cité grecque ne s’est implantée dans le Bosphore, qui était donc une zone tenue par les descendants des Mégariens.
14Une autre anecdote, figurant dans une source tardive mentionne une légende des premiers temps de la colonisation. Lors de l’installation des Grecs à Byzance, Byzas était en guerre contre des barbares. Il aurait reçu l’aide de Dinis de Chalcédoine. Sauveur de la ville, il aurait reçu le titre de stratège à la place de Byzas. À la mort de celui-ci, Dinis, déjà toparque de Chalcédoine, serait devenu le second chef des Byzantins, en charge de la défense de la ville contre les Thraces de l’arrière-pays. K. Hanell proposait de voir en Dinis l’oikiste de Byzance19. Sans doute doit-on simplement considérer la présence de Dinis comme un indice de la présence de colons chalcédoniens pour la fondation de Byzance, mise en avant par la suite pour montrer les liens ancestraux entre les deux fondations mégariennes. Le nom Dinis figure d’ailleurs dans l’onomastique de Byzance, et les commentateurs insistent sur l’origine thrace de cet anthroponyme, qui est de construction ancienne20.
15En plus des affaires religieuses, Byzance et Chalcédoine ont très souvent suivi les mêmes alea politiques. Sans entrer dans le détail de ce qui est apparu très tôt comme une évidence pour les historiens, citons Hérodote qui indique que les Byzantins et les Chalcédoniens ont fui ensemble à Mésambria à la fin de la révolte de l’Ionie21 :
« Les Byzantins et les Chalcédoniens, qui habitent en face, n’attendirent même pas l’arrivée de la flotte phénicienne ; ils partirent, abandonnant leur patrie, et pénétrèrent dans le Pont-Euxin, où ils s’établirent dans la ville de Mésambria. »
16Les deux cités sont membres de la Ligue de Délos et elles ont une histoire commune pendant une partie du ive siècle. Elles s’associent pour contrôler le détroit du Bosphore et pratiquer des saisies de navires en 36222. On ne doit pourtant pas parler de colonies sœurs. Chacune garde son autonomie et peut même entrer en concurrence avec sa voisine.
17Les Grecs n’ont pas hésité, lorsque leurs moyens militaires le permettaient, à porter la guerre chez leurs voisins. En 416, les Byzantins auraient assisté les Chalcédoniens et un contingent thrace dans une expédition « punitive » contre les Bithyniens voisins de la chôra de Chalcédoine. Les deux cités mégariennes sont associées face au danger barbare, mais l’intérêt est aussi économique. En pillant les villages bithyniens, les soldats constituent un énorme butin, constitué de cheptel et d’esclaves23. La dispersion de la population bithynienne en petits groupes a permis cette victoire, la dernière avant la constitution d’un royaume unifié de Bithynie dans le courant du ive siècle. Par la suite, ce sont les rois de Bithynie, devenus plus puissants que les cités des Détroits, qui menacent Chalcédoine et sa voisine Astacos24.
18Pour finir avec ces quelques exemples, retenons un passage des Helléniques de Xénophon sur l’activité du stratège athénien Thrasybule dans les Détroits en 39025 :
« La situation étant bonne de ce côté aussi bien que dans les villes d’Asie, à cause de l’amitié du Roi pour les Athéniens, il (Thrasybule) partit pour Byzance où il afferma la dîme sur les navires qui viennent du Pont-Euxin ; il fit aussi passer les Byzantins de l’oligarchie à la démocratie : si bien qu’il n’était pas désagréable au parti populaire de Byzance de voir le très grand nombre d’Athéniens présents dans cette ville. Cela fait, et après s’être assuré l’amitié des gens de Chalcédoine, il fait sortir sa flotte de l’Hellespont. »
19Le passage de Xénophon n’est pas sans rappeler la mise en place au cours de l’été 410 d’une dîme sur les navires, payable aux Athéniens au passage de Chrysopolis, à quelques kilomètres au nord de Chalcédoine sur la côte d’Asie26. L’affermage de la dîme a un objectif clair : donner immédiatement des prosodoi, des revenus en argent, qui permettront au stratège de subvenir aux besoins de l’escadre athénienne. De tels expédients sont fréquents au ive siècle pour financer les opérations militaires. Byzance accepte un changement de régime politique.
20Thrasybule dispose aussi de soutiens manifestes parmi les citoyens de Chalcédoine. L’« amitié avec les gens de Chalcédoine » est à mettre en parallèle avec « l’amitié du Roi » figurant au début du passage. Chalcédoine est une cité soumise au satrape de Phrygie hellespontique, qui est plutôt favorable aux Athéniens à ce moment. Il laisse la flotte athénienne croiser dans le Bosphore et l’Hellespont sans intervenir.
21Cet épisode de l’histoire des deux cités montre encore combien elles ont été ballotées au gré des impérialismes. Elles semblent subir ces aléas, sans être capables de résister. On pourrait parler, pour résumer, d’un « binôme » byzantino-chalcédonienne, aux intérêts communs, qui apparaît comme une exception dans l’histoire des cités grecques de la région des Détroits.
22Liées par leur histoire, Byzance et sa voisine Chalcédoine ont pourtant conservé des différences notables, particulièrement dans leur politeiai, les institutions civiques. Un passage de Théopompe de Chios, historien du ive siècle, dont les œuvres sont en grande partie perdues, a suscité de fausses interprétations sur le passage des cités au régime démocratique. Dans un passage du Banquet des Sophistes, Athénée de Naucratis, cite un long passage d’une œuvre de Théopompe, sans doute des Helléniques, qui évoque un événement à situer dans la première partie du ive siècle27. C’est le jugement moral sur les Grecs vivant en démocratie qui intéresse le commentateur :
« Voici ce que dit le même Théopompe au sujet de Byzance et de Chalcédoine : “Les Byzantins avaient, depuis longtemps déjà, une constitution démocratique ; en outre, leur cité était placée dans un comptoir et tout le peuple passait son temps aux alentours de l’agora et du port ; pour ces raisons, ils prirent l’habitude de s’abandonner aux femmes et de boire dans des tavernes. Quant aux Chalcédoniens, avant d’avoir partagé leur forme de gouvernement, tous sans exception, ils suivirent des coutumes et un mode de vie meilleurs ; cependant après qu’ils eurent goûté au gouvernement démocratique des Byzantins, ils se perdirent dans la mollesse et, d’une vie quotidienne très sobre et très réglée, ils tombèrent dans l’ivrognerie et la prodigalité”. »
23Une lecture rapide du texte amène à considérer que Byzance et Chalcédoine ont eu ensemble un régime démocratique à la même époque. L’antériorité et l’ancienneté de la démocratie byzantine sont bien marquées, sans que l’on sache à quelle époque la cité a changé de système politique. Peut-être ce changement a-t-il eu lieu dans les dernières années de la guerre du Péloponnèse. Chalcédoine est passée à la démocratie plus tardivement, avec les mêmes conséquences de désagrégation de la moralité des citoyens, sans pour autant que ce système soit strictement identique dans ses procédures à la démocratie byzantine.
24L’étude des institutions des cités est une des thématiques prisées des savants depuis le xixe siècle. Suivant les travaux de l’école aristotélicienne sur les Politeiai des cités, ils cherchent à compléter nos connaissances des constitutions civiques. Concernant Byzance et Chalcédoine, les spécialistes ont mis en avant que les communautés politiques des villes considérées avaient établi des modèles institutionnels proches, mais pas strictement identiques. Le travail sur les institutions de ces cités est ardu, car les corpus épigraphiques de Byzance et de Chalcédoine ont livré peu d’inscriptions publiques. On ne connaît que quatre décrets de Byzance et trois de Chalcédoine. Les cités disposaient d’éponymes distincts, aux fonctions religieuses. Le hiéromnamôn était le magistrat éponyme de Byzance, alors que ce magistrat apparaissait en seconde position dans les inscriptions, après la mention du basileus, qui représentait officiellement la communauté politique des Chalcédoniens. De même, les deux colonies mégariennes avaient adopté des calendriers et le dialecte dorien. Les trois tribus héritées de la métropole de Mégare se subdivisaient en hékatostyes (« centaines »), aux noms différents à Byzance et Chalcédoine28.
25Plus curieusement, Chalcédoine ou ses citoyens n’apparaissent dans aucun des documents classés dans le corpus épigraphique de Byzance. Et à Chalcédoine, on ne relève qu’une seule attestation d’un citoyen byzantin. Cette remarque pourrait s’expliquer si les deux villes avaient conclu une sympolitie qui avait alors concédé une citoyenneté double aux ressortissants des deux communautés. Or, nous n’avons pas de trace d’un tel accord politique. La nature même du document mentionnant un Byzantin à Chalcédoine est un argument en faveur du maintien de deux communautés politiques distinctes l’une de l’autre. Il s’agit en effet d’un décret accordant la proxénie à un Byzantin. Rappelons que l’octroi du privilège de proxénie, étant défini comme la reconnaissance par la cité du rôle d’accueil officiel par un citoyen étranger des ressortissants de la cité qui octroie le privilège, est très fréquent dans la documentation publique de l’époque hellénistique.
26Reprenons le texte :
« Il a plu au Conseil et au peuple. Attendu que Untel Byzantin a rendu de nombreux et grands services à la cité et aux citoyens ; plaise au peuple d’accorder l’éloge à Untel Byzantin et de le couronner d’une couronne d’or, en raison de son mérite et de sa bienveillance envers le peuple ; que l’agonothète proclame la couronne au théâtre lors des Dionysies, et qu’il devienne proxène, que les stratèges annoncent sa proxénie. »
27La pierre a été copiée par Baumeister en 1855 à Smyrne, dans la collection de Lord Arundell. Elle est aujourd’hui perdue29. Le texte de l’inscription brisée à gauche est largement restitué. L’attribution de cette inscription à la cité de Chalcédoine s’appuie sur l’usage du dialecte dorien et l’ethnique de l’honorandus, dont la restitution est sûre l. 2 et 6 : Byzantion. Les éditeurs ont indiqué que le formulaire correspondait également à l’usage chalcédonien et datent l’inscription au iie siècle av. J.-C. d’après la graphie. Le très bref commentaire de l’inscription par les éditeurs du corpus de Chalcédoine ne suffit pas à vérifier la provenance du décret. L’emploi du dorien pourrait orienter vers d’autres fondations mégariennes de la région, comme Sélymbria et Mésambria.
28Le corpus de Chalcédoine a livré trois autres documents mentionnant l’octroi de la proxénie. Le parallèle le plus remarquable peut être fait avec le document no 1 du corpus, qui est un long décret honorifique de Chalcédoine, dont l’ethnique apparaît en tête du texte, trouvé à Séleucie du Kalykadnos en Cilicie, en l’honneur d’Eudémos de Séleucie, un « philos » royal honoré également à Byzance30 dans deux inscriptions, ainsi qu’à Cyzique, Rhodes et par le koinon des Béotiens. Le document, daté des environs de 172, énonce les privilèges concédés, la politeia, l’atelieia, le droit d’accès à la Boulè et à l’Assemblée du peuple, l’octroi de la proxénie. Malgré quelques variations, le formulaire est proche. Surtout, on lit l. 70 la formule de proclamation par l’agonothète au théâtre lors des Dionysies, qui est identique au décret de proxénie pour le citoyen byzantin31. Ainsi, la provenance du décret semble assurée. Si on suit la datation par la graphie au iie siècle av. J.-C., établie à partir d’un tout petit nombre d’inscriptions publiques, il faut en déduire que Chalcédoine était bien une polis indépendante de sa voisine Byzance, avec laquelle elle entretenait des liens, notamment par la circulation d’individus de part et d’autre du détroit.
29Aucun document évoquant une éventuelle sympolitie entre Byzance et Chalcédoine ne nous est parvenu. Les Anciens n’évoquaient d’ailleurs pas un tel rapprochement. C’est notre lecture erronée des documents qui a pu amener à cette hypothèse hasardeuse. Un accord de sympolitie aurait existé entre Byzance et Périnthe, autre cité de la côte thrace, de fondation samienne. Le texte d’un décret des Byzantins et des Périnthiens honorant les Athéniens, après la levée du siège de Périnthe par Philippe II en 340 est cité par Démosthène comme pièce à conviction dans son plaidoyer politique Sur la couronne, suivi d’un décret des habitants de la Chersonèse honorant les Athéniens32. Le contexte de l’opération militaire de Philippe est bien connu. Il avait cherché à pousser sa récente conquête de la Thrace jusqu’à contrôler les rivages de la Propontide et du Bosphore en prenant les cités du littoral, ce que les Athéniens ne pouvaient laisser faire. Voici le texte conservé dans le discours de Démosthène :
« Sous le hiéromnémon Bosporichos, proposition de Damagètos à l’Assemblée, appuyée par une décision du conseil : considérant que le peuple athénien, dans le passé, n’a cessé de montrer son dévouement aux Byzantins et à leurs alliés et parents les Périnthiens, qu’il leur a rendu beaucoup de grands services ; que dans les circonstances présentes, alors que Philippe de Macédoine avait dirigé une expédition contre le pays et la ville, pour détruire Byzance et Périnthe, qu’il incendiait la campagne et y abattait les arbres, le peuple athénien est venu à notre secours avec cent vingt vaisseaux, du blé, des projectiles et des hoplites, qu’il nous a fait échapper à ces grands dangers et a rétabli la constitution de nos pères, les lois et les tombeaux ; plaise au peuple de Byzance et de Périnthe de donner aux Athéniens le droit de mariage, le droit de cité, le droit d’acquérir terres et maisons, la place d’honneur dans les jeux, l’accès devant le Conseil et le peuple immédiatement après les questions religieuses et, pour les Athéniens qui voudraient habiter la ville, l’exemption de toutes les liturgies, d’élever dans le Bosporeion trois statues de seize coudées représentant le peuple athénien couronné par le peuple de Byzance et de Périnthe ; d’envoyer des missions aux grandes fêtes grecques, jeux Isthmiques, Néméens, Olympiques et Pythiques ; et de faire proclamer les deux couronnes décernées par nous au peuple athénien ; cela afin que les Grecs connaissent les mérites des Athéniens et la reconnaissance de Byzance et de Périnthe. »
30Il s’agit malheureusement d’un document apocryphe, comme on l’a rapidement fait remarquer33. Ce texte est néanmoins intéressant car il présente des relations de parenté entre Byzantins et Périnthiens, qui pouvaient passer pour crédibles aux Athéniens. On sait que les deux cités ont une histoire commune et qu’elles ont souvent montré la même attitude au cours des périodes de domination perse et athénienne sur la région. Pour aller plus loin, les deux peuples semblent ici ne former qu’une chôra et qu’une polis dans ce décret. Ils sont à l’origine d’un décret commun honorant les Athéniens. Les décisions du décret s’ouvrent sur cette phrase : « plaise au peuple de Byzance et de Périnthe ». Les deux peuples ne forment alors plus qu’une communauté politique unique, un rapprochement politique. La longue liste des honneurs est intéressante. Les peuples sont associés et remettent deux couronnes aux Athéniens, sont représentés par deux statues distinctes. C’est donc une décision conjointe et chaque communauté civique conserve son identité. Mais la datation par le hiéromnamon, le choix du dialecte dorien, la mention du Bosporeion34, montrent que le document aurait été rédigé à Byzance. La cité est mise en avant dans le formulaire. On y a inclus Périnthe, sans modifier un seul élément du décret byzantin type.
31Chalcédoine n’est pas citée dans ce texte. Certes, la cité n’était pas directement menacée par le siège commencé par Philippe II contre sa voisine Byzance. On peut cependant difficilement reconnaître la neutralité des Chalcédoniens, intéressés par le contrôle du Bosphore tout autant que les Byzantins et les Athéniens. Chalcédoine dépend encore officiellement du Grand Roi des Perses, avec le statut de cité sujette, comme la paix d’Antalcidas de 386 l’a rappelé au sujet des cités d’Asie mineure dans leur ensemble. En réalité, la cité semble avoir rejoint également la seconde confédération athénienne. Son nom figure parmi les cités qui ont offert des couronnes d’or à Athéna, d’après les comptes des inventaires du trésor d’Athéna entre 368/7 et 345/435. Byzance n’apparaît pas alors que des cités de Chersonèse de Thrace sont présentes. On sait que Byzance a participé à la sédition qu’on appelle de manière impropre « la guerre des alliés », au cours de laquelle Rhodes, Chios et Byzance ont quitté la confédération dès 357. Athènes doit reconnaître leur indépendance en 355 sous la pression perse. De fait, le décret apocryphe, témoigne cependant qu’aux yeux des Athéniens du temps de Démosthène, Byzance et Chalcédoine ne partageaient pas nécessairement toujours le même destin. Une alliance bilatérale de Byzance avec Périnthe était concevable.
Les monnayages civiques : nouveaux facteurs de rapprochement entre les deux communautés civiques
32Si l’étude des institutions civiques ne montre pas l’existence d’une symbiose, au sens d’une sympolitie, ni même de systèmes politiques jumeaux, il est un domaine dans lequel le rapprochement entre Byzance et Chalcédoine a été visible. Il s’agit des émissions monétaires. L’histoire des monnayages de Byzance et de Chalcédoine reste encore à terminer. Nous ne disposons pas actuellement d’un corpus des monnaies de Chalcédoine. Il faut consulter les publications des grandes collections numismatiques publiques et privées, ainsi que les trouvailles de monnaies de Chalcédoine dans les trésors monétaires.
33Durant l’époque hellénistique, les deux cités font évoluer de manière comparable leurs monnayages, changeant d’étalon au même moment. Entre 280 et 235, elles adoptent les monnaies d’Alexandre, puis frappent des lysimaques en or et en argent de poids attique. Vers 235-225, elles abandonnent les lysimaques pour une frappe de monnaies autonomes d’étalon plus léger. Enfin, vers 220, reprend la frappe de lysimaques de poids attique. Les lysimaques sont la monnaie courante à Byzance et Chalcédoine pendant deux siècles36. Chacune dispose cependant de types civiques distincts. Pour Byzance, c’est fréquemment une tête d’Apollon, alors que Chalcédoine place souvent un taureau sur ses monnaies.
34Les émissions de « lysimaques posthumes » sont placées par E. T. Newell entre 280 et 260. À la même époque d’autres cités des Détroits, comme Byzance et Chalcédoine, frappent des séries de lysimaques37. Ces grands monnayages se retrouvent ensemble dans les trésors du iiie siècle, ce qui traduit une utilisation économique et le choix d’un étalon déjà connu et utilisé dans les Détroits38. Pour H. Seyrig, les lysimaques posthumes auraient été la marque de l’indépendance des cités des Détroits, alors que Lampsaque et Alexandrie de Troade, sous la domination séleucide, frappent des alexandres39.
35Les numismates ont mis en avant une symbiose entre Byzance et Chalcédoine au moins dès le ive siècle. Les deux cités ont émis des monnaies d’alliance au type d’Héraclès étranglant deux serpents, avec les lettres SYN, comme les cités de Rhodes, Cnide, Iasos, Éphèse, Samos et Cyzique. Le seul exemplaire de Byzance connu présente au revers un bovidé debout sur un dauphin, deux symboles employés sur les types civiques du ive siècle40. À Chalcédoine, la monnaie symmachique porte un taureau debout sur un épi de blé. La datation et l’explication de cette frappe exceptionnelle restent sujettes à controverse41.
36L’alliance monétaire entre Byzance et Chalcédoine s’appuie sur de nombreux indices. Des monnaies étrangères sont marquées par les lettres BY de Byzance ou une tête de Déméter voilée dans le cas de Chalcédoine. Ces pièces, tout comme les lysimaques des deux cités se trouvent ensemble dans les trésors monétaires, indiquent que les monnaies devaient circuler aussi bien à Byzance qu’à Chalcédoine42. Plus clairement, une véritable sympolitie a dû exister, comme en témoignent des monnaies de bronze des iiie-iie siècles avec la légende ΒΥΖΑΝ ΚΑΛΚΑΔΩ. Réservées aux échanges locaux, ces pièces sont notre seul indice montrant, par-delà les relations de proximité entre les deux cités, leurs attitudes communes, une véritable entente institutionnelle.
37Reste la question de ce que certains historiens ont appelé la « Ligue du Nord ». Un passage de l’œuvre fragmentaire de Memnon d’Héraclée mentionne une alliance entre Héraclée du Pont, Byzance et Chalcédoine au début du iiie siècle43. L’idée même d’une alliance entre ces trois cités n’est pas nouvelle. Héraclée a déjà eu l’occasion de rendre service à ses deux voisines. Lors du siège de Byzance par les troupes de Philippe II en 340, les Héracléotes aident les Byzantins ; Byzance avait envoyé des renforts à Périnthe44. La solidarité internationale s’était exprimée envers Byzance au moment du passage du Bosphore par les tribus celtes vers 280-279. À cette occasion, Héraclée avait fait parvenir aux Byzantins quatre mille statères45. Encore après la cité de Byzance est menacée d’un siège par les troupes d’Antiochos II. « Quand Antiochos faisait la guerre aux Byzantins, les Héracléotes les assistèrent avec quarante trières et firent en sorte que la guerre s’arrêtât aux menaces », écrit Memnon46. A. Avram place la levée du siège vers la fin de 255 ou au printemps 25447.
38Chalcédoine n’est pas en reste. La voisine immédiate d’Héraclée est souvent associée à cette dernière dans la politique bithynienne et les prises de position face à la monarchie récente des rois de Bithynie. Memnon explique que Chalcédoine s’est associée à d’autres cités de Bithynie, telle Kiéros, Nicomédie, Tieion et Héraclée pour constituer un contrepoids aux ambitions des rois de Bithynie48.
39On a compris par ces exemples nombreux que les cités de Byzance et d’Héraclée pontique entretiennent aux ive et iiie siècles des liens très étroits. Ce sont apparemment des liens politiques et stratégiques. Ces deux cités contrôlent en effet les entrées du Bosphore, qui est un lieu essentiel dans les guerres que se livrent les monarchies hellénistique. Byzance et Héraclée sont associées à Kios et aux rois Ptolémée II et Antigone II pour assurer la tâche de « tuteurs » des fils mineurs de Nicomède I49. L’existence d’intérêts commerciaux communs est moins nette, mais il faut supposer que ces cités avaient des intérêts comparables dans la circulation maritime entre la Propontide et le Pont-Euxin.
40Revenons à la Ligue du Nord. D’après Memnon, Byzance, Chalcédoine et Héraclée avaient conclu une alliance vers 281 ; celle-ci était clairement tournée contre les prétentions séleucides sur la région, comme le signalent les historiens50. Par la suite, des dynastes d’Asie mineure, comme Mithridate du Pont, et des cités de moindre importance se seraient associées avec les trois cités fondatrices. Le but de cette entente, – peut-on parler véritablement d’une symmachie sans disposer d’un document épigraphique portant le traité ? – est vraisemblable.
41Nous préférons utiliser le terme d’entente plutôt que le terme contraignant de Ligue, car les sources n’indiquent pas que les cités ont eu à s’entraider en vertu d’obligations contractuelles après les années 280. Les ambitions séleucides se sont déjà manifestées dans les environs de Cyzique et en Mysie. Pourtant l’association de cités et de dynastes pour préserver leur indépendance n’est pas un procédé révolutionnaire. Nous avons insisté sur le fait que c’est la pratique habituelle des Grecs dans les Détroits, d’autant qu’ici tous les membres sont voisins. C’est la proximité géographique autant que l’intérêt géopolitique commun qui détermine la force de l’union de ces cités. Pour nous, c’est un autre cas d’entente conjoncturelle. On ne sait d’ailleurs pas quand et dans quelles conditions une éventuelle « Ligue du Nord » aurait été dissoute.
L’extension du territoire de Byzance à l’époque hellénistique et le retour à une concurrence marquée pour le contrôle du Bosphore
42Le monde grec continental a connu à l’époque classique des systèmes d’alliances entre cités durables. La Ligue du Péloponnèse et son corollaire que les historiens appellent la Ligue de Délos sont des exemples de symmachies.
43Dans la région des Détroits cependant, les associations entre cités étaient le plus souvent temporaires et liées à des facteurs conjoncturels. L’histoire des Détroits au ive siècle est marquée par l’instabilité. En 362/1, Byzance, Cyzique et Chalcédoine attaquent les navires de commerce en Propontide et dans le Bosphore. D’après Démosthène, ces cités manquaient de blé, dont le prix avait grimpé51. Les années 360 marquent une période d’instabilité dans les Détroits. L’expédition navale des Thébains en 364 et les opérations terrestres menées en Chersonèse de Thrace vers 360 par le roi des Odryses Kotys, menacent la paix et le commerce dans les Détroits52. On sait que l’Athénien Charidémos s’est entouré de mercenaires pour des opérations dans la région. Dans la cité d’Abydos, déchirée par des luttes entre les riches et le peuple, Iphiadès s’installe comme tyran. Entre 360 et 350, il prend même Parion par la ruse53. Cyzique n’échappe apparemment pas à une guerre civile entre démocrates et oligarques54. Chalcédoine enfin doit faire appel à des troupes mercenaires venues de Cyzique. Est-ce à ce moment qu’on doit placer l’anecdote des Chalcédoniens, qui font appliquer le droit de sulan pour payer des mercenaires engagés par la cité55 ?
44L’histoire des Détroits au iiie siècle montre une rupture dans le comportement des cités, notamment pour le contrôle du Bosphore de Thrace. Les invasions galates menacent la stabilité des cités du Bosphore à partir de 276. Byzance accepte de fournir les navires qui transportent des bandes galates, futurs mercenaires des rois de Bithynie. Mais d’autres Galates sont restés sur la côte européenne et menacent la chôra byzantine. La présence de Galates et de peuplades thraces, notamment les Astes, dans l’arrière-pays de Byzance explique sans doute la recherche de nouveaux revenus par les Byzantins. C’est sans doute l’explication de la guerre ouverte entre Rhodes et Byzance pour le contrôle du droit de passage maritime sur le Bosphore. Les Rhodiens s’opposent à la volonté des Byzantins de taxer davantage les navires qui empruntent le détroit. Ils obtiennent finalement le retour à la liberté de circulation maritime, après quelques opérations navales et un arbitrage, mené notamment par le roi galate Cavalos en 21956. Rome a peut-être également joué un rôle pour mettre fin au conflit57. Chalcédoine, dont la position stratégique est pourtant essentielle dans le Bosphore, n’est pas mentionnée dans le récit que fait Polybe du conflit et des négociations de paix. Il faut interpréter cette information, a priori étonnante, comme le signe d’un déplacement déjà acté du centre d’intérêt des Anciens vers Byzance, la cité la plus prospère du Bosphore. Ce déséquilibre marqué tient notamment à la taille nouvelle du territoire tenu par les Byzantins.
45Quelles sont les limites du territoire de Byzance d’après les historiens ? Dans la récente notice réservée à Byzance parue dans Inventory of Archaic and Classical Poleis, A. Łajtar et L. Loukopoulou attribuent à Byzance un territoire d’environ 1 500 km58. Ils en fixent rapidement les frontières. La limite occidentale va jusqu’à la partie ouest du lac Derkos (Delkos)59, puis suit l’Athyras (Kara Su). C’est la frontière avec la cité voisine de Sélymbria. La frontière au nord inclut la localité de Phileas/Philia, sur un promontoire de la mer Noire, au contact avec les tribus thraces. Byzance peut aussi compter sur une « pérée » en Asie mineure dans la péninsule de Yalova. La cité aurait même partagé la possession du lac Daskylitis, en Mysie, avec Cyzique. La chôra byzantine comprend des terroirs couverts de forêts au nord, de formations herbeuses et de champs cultivés au sud. Près de Salmydessos, le long du Pont-Euxin, ce sont des zones de marais.
46La caractéristique principale du territoire de Byzance est son extension de l’autre côté du Bosphore, sur la côte asiatique. Le contrôle de cette pérée par les Byzantins va de pair avec les périodes de puissance de la cité. Il nécessite aussi bien des soldats que des navires pour patrouiller en Propontide et accéder à ces « enclaves » byzantines en Asie.
47En face de Byzance, sur le Bosphore, le site de Hiéron a suscité l’intérêt très tôt. Le lieu et son sanctuaire des Douze Dieux, élevé par les Argonautes, appartiennent à Chalcédoine : c’est le « Hiéron des Chalcédoniens », à l’entrée dans la mer Noire sur la côte asiatique du Bosphore60. Le sanctuaire de Zeus Ourios, protecteur de la navigation61, est localisé à Hiéron, sur la côte asiatique à 7 ou 8 kilomètres de l’entrée du Pont. Polybe indique que « cette ville est située en Asie et elle est éloignée de douze stades de l’Europe et du Sarapeion de Thrace, qui est juste en face62 ». On le localise actuellement dans une petite baie, au nord d’Ioros Kalesi63. Il s’agit non seulement d’un espace religieux prestigieux mais surtout d’une escale maritime, devenue un véritable petit emporion au ive siècle. C’est là que les Athéniens ont fait ériger une stèle honorant Leucon, roi du Bosphore et que les Olbiopolitains placent une copie du décret sur l’importation de monnaies étrangères64. Le lieu est donc fréquenté par les commerçants du Pont-Euxin et par les Grecs. On place également à Hiéron la saisie de nombreux navires de commerce par Philippe II65.
48Dès le ive siècle, Byzance tente de contrôler les deux rives du Bosphore, en revendiquant la possession de Hiéron, situé pourtant sur le territoire de Chalcédoine. Polybe indique, lorsque Prusias de Bithynie conquiert Hiéron en 220 au moment du conflit entre Byzance et Rhodes, que les Byzantins occupaient le site depuis quelques années parce qu’ils ne voulaient pas qu’on s’en serve de base contre les navires venant du Pont-Euxin ou en interférant avec la pêche ou le commerce des esclaves. Byzance exerçait son rôle légitime de gardienne du Bosphore, dont Chalcédoine était finalement exclue66. C’est ici une rupture nette avec la politique d’équilibre et d’entente entre Byzance et Chalcédoine pour le contrôle du Bosphore. Le territoire de Chalcédoine, amputé de sa partie nord, n’était plus suffisant pour lui assurer la liberté. La ville est rapidement passée sous l’influence des rois de Bithynie voisins.
49Un peu plus au sud en Bithynie, les Byzantins ont également contrôlé durablement la péninsule de Yalova67. C’est au sujet de cette région manifestement que les auteurs anciens emploient le terme de pérée maritime (« le pays situé au-delà de/en face de68 »). L’origine de cette cession est donnée par Dionysos de Byzance : « sur une petite hauteur de Panormikon se trouve un temple de Ptolémée Philadelphe. Les Byzantins l’ont élevé égal aux dieux, jouissant d’une très grande bienveillance et du respect par la cité. En effet, il a donné un territoire en Asie, dix mille artabes de céréales, et des richesses69 ». L’acte de libéralité de Ptolémée II doit se comprendre dans le contexte de la guerre contre les Galates et le manque de soutien des Lagides aux Grecs d’Asie Mineure sous leur domination. Les Byzantins ont donc la charge de la sécurité de la péninsule de Yalova. Ils en tirent des revenus importants car la zone est dédiée à l’agriculture. De plus, les anciens évoquaient les hilotes de Byzance. « Phylarque, au sixième livre de ses Histoires, dit que les Byzantins exerçaient sur les Bithyniens la même domination que les Spartiates sur les hilotes70 ». On a rapproché ces dépendants des laoi d’Héraclée du Pont. Tout indique qu’il s’agit d’une partie de la population de cette péninsule.
50Déterminer l’étendue des possessions byzantines dans la péninsule de Yalova n’est pas chose aisée. Cette région est au contact des territoires d’Apamée puis de Kios au sud, de Nikaia à l’est et de Nicomédie au nord71. Cette densité d’implantations grecques a dû pousser Ptolémée II à ne donner aux Byzantins qu’un territoire côtier. La domination byzantine a porté sur la partie occidentale de la péninsule, comprenant Yalova (Pylai), les sources chaudes de Pythia72 et le massif montagneux de l’Arganthonios, certainement jusqu’à la période impériale. Ces domaines étaient accessibles par la mer depuis Byzance73. On doit y ajouter le territoire de Strobilos (Çifllik Köy), à quelques km à l’est de Pylai. Des inscriptions ont montré des traits de dorisme74.
51De manière plus étonnante, les Byzantins semblent avoir obtenu des terres en Mysie, au centre de la Propontide. On dépasse ici le cadre d’une expansion dans les territoires frontaliers de Byzance. La Mysie est au cœur de la Propontide, loin du Bosphore. Pourtant, grâce à sa flotte, Byzance obtient des territoires vers le lac Daskylitis et l’embouchure du Rhyndakos75. Cette concession semble être ancienne, puisque Prusias Ier doit la restituer à Byzance, d’après Polybe76.
52Il semble clair que Byzance, par ses possessions étendues dans une pérée asiatique, grâce aux bienfaits royaux, est dès le iiie siècle, la cité la plus influente du nord de la Propontide. Elle est alors la véritable gardienne du Bosphore.
Conclusion
53Pour conclure, les nombreuses mentions de Byzance et de Chalcédoine dans les sources anciennes, principalement dans la littérature, ont amené à l’idée d’une relation privilégiée entre les deux cités du Bosphore de Thrace. Les légendes de fondation ont mis en avant dès le ve siècle la concurrence entre les sites et la prééminence de Byzance, au site plus favorable. À la période classique, Byzance et Chalcédoine ont traversé les mêmes aléas des relations entre cités. Au lieu d’accentuer la concurrence, elles ont mis en place une stratégie commune de partenariat pour préserver leur liberté et les ressources du contrôle du commerce maritime par le Détroit. Mais c’est à tort que les historiens ont parlé de sympolitie. Chaque cité a préservé ses institutions propres. Le rapprochement n’est visible que dans les domaines des relations internationales et dans l’émission de monnaies adoptant les mêmes spécificités. On peut alors considérer que les deux cités, ensemble, ont assuré le contrôle du détroit, devenu un véritable sas commercial. Dès la fin du ive siècle ou le début du iiie siècle, le renforcement de la puissance de Byzance, son territoire agrandi de possessions asiatiques et ses velléités de monopoliser les revenus du commerce, attestent d’une relation déséquilibrée avec sa voisine Chalcédoine. C’est à cette époque que Byzance devient la véritable « gardienne du Bosphore », dont elle tirera richesse et prestige politique pour de longs siècles.
Notes de bas de page
1Polybe, Histoires, IV, 38. Pédech Paul, La méthode historique de Polybe, Paris, Les Belles Lettres, 1964, a discuté la datation de la digression de Polybe sur Byzance, qu’il place en 151 pour un passage, après 146 pour l’autre. Les historiens ignorent si Polybe s’est rendu à Byzance au cours de la campagne de 190-188 aux côtés de Manlius Vulso. Paul Pédech (p. 520) considère que l’historien serait allé à Byzance avant 167.
2L’origine mégarienne de Chalcédoine est donnée par Thucydide, IV, 75, 2 ; Strabon, VII, 6, 2 ; Pomponius Mela, I, 19, 101.
3De la Berge Camille, De rebus Byzantiorum ante Constantinum, Paris, Vieweg, 1878 ; Merle Heinrich, Die Geschichte der Städte Byzantion une Kalchedon von ihrer Gründung bis zum Eingreifen der Römer in die Verhältnisse des Ostens, Diss. Kiel, 1916 ; Newskaja Valentina Pavlovna, Byzanz in der klassischen und hellenistischen Epoche, Leipzig, Koehler und Amelang, 1955 ; Dumont Jacques, Byzance, cité grecque, thèse de doctorat inédite, université de Poitiers, 1971.
4Ruge Walter, RE X 2, 1919, s. v. « Kalchedon », no 1, col. 1555-1559 ; Avram Alexandru, s. v. « Kalchedon », in Mogens Herman Hansen et Thomas Heine Nielsen (éd.), An Inventory of Archaic and Classical Poleis, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 979-981.
5Merkelbach Reinhold, Dörner Friedrich Karl et Şahin Sencer, Die Inschriften von Kalchedon (Inschriften griechischer Städte aus Kleinasien, 20), Bonn, Dr Rudolf Habelt Gmbh, 1980.
6Ibid. ; Łajtar Adam, Die Inschriften von Byzantion, (Inschriften griechischer Städte aus Kleinasien, 58), Bonn, Dr Rudolf Habelt Gmbh, 2000.
7Robert Louis et Firatli Nezih, Les stèles funéraires de Byzance gréco-romaine, Paris, Maisonneuve, 1964 (à lire avec le compte rendu critique de Robert Louis), Bull. Epig., 1978, no 480 ; Firatli Nezih, « Annexe au Livre sur “les stèles funéraires de Byzance gréco-romaine” », Istanbul Arkeoloji Müzeleri Yıllığı, 13-14, 1967, p. 188-210 ; Asgari Nuşin et Firatli Nezih, « Die Nekropole von Kalchedon », Studien zur Religion und Kultur Kleinasiens, I, Leyde, E. J. Brill, 1978, p. 1-92. Pour l’onomastique, voir maintenant Fraser Peter Marshall et Matthews Elaine, A Lexicon of Greek Personal Names, vol. III. B (Asie Mineure), Oxford, Clarendon Press, 2000 et vol. V, 2005 (Thrace).
8Voir Hanell Krister, Megarische Studien, université de Lund, thèse de doctorat, 1934 et la thèse de Robu Adrian, La cité de Mégare et les établissements mégariens de Sicile, de la Propontide et du Pont-Euxin. Histoire et institutions, thèse de doctorat, université de Neuchâtel, 2008, Robu Adrian, La cité de Mégare et les établissements mégariens de Sicile, de la Propontide et du Pont-Euxin : histoire et institutions, Bern, P. Lang, 2014.
9Hérodote, IV, 144, 1-2 ; anecdote reprise par Tacite, Annales, XII, 63.
10Eusèbe, Chron., p. 93 b (éd. Helm) ; le calcul donné par Hérodote aboutit à placer la fondation de Byzance en 668. Hésychius de Milet, FGrHist 390, 20, donne la date de 666.
11Malkin Irad et Shmueli Nino, « The ‘City of the Blind’ and the Founding of Byzantium », Mediterranean History Review, 3, 1988, p. 21-36 ; Dumont Jacques, « Apollon et la fondation de Byzance », Travaux et Mémoires, 1974, p. 55-76.
12Denys de Byzance, Anaplus Bospori (éd. Güngerich) évoque deux ports de part et d’autre de l’isthme (111, p. 35), le mouillage de Phiela (100, p. 31) et le port de Phrixos (99, p. 31). Ce dernier se trouvait probablement dans la localité moderne de Kanliçe. Il abritait un culte d’Artémis. Voir Avram Alexandru, « Le sanctuaire d’Artémis de Chalcédoine », StudClas 34-36, 1998-2000, p. 150 (en roumain).
13Malkin Irad et Shmueli Nino, op. cit.
14C’est l’hypothèse formulée par Graham Alexander John, « Pattern in early Greek Colonisation », JHS, 1971, p. 39, ainsi que dans sa contribution « The Colonial Expansion of Greece », CAH, III, 3, 1982, p. 120.
15Thucydide, I, 100, 3.
16Hésychius, Pat. Constan., 20, 9, 22, dans Jacoby Felix, FGrHist 390, mentionne Dinéos de Chalcédoine, qui aurait aidé les Byzantins attaqués par les Scythes. Sauveur de la ville, il aurait reçu le titre de stratège à la place de Byzas. Hanell Krister, op. cit., p. 124-128, proposait de voir en Dineos l’oikiste de Byzance. Pour moi, on peut considérer que Dinéos représente l’élément chalcédonien dans la fondation de Byzance, mis en avant par la suite pour montrer les liens ancestraux entre les deux fondations mégariennes.
17Hérodote, IV, 85.
18Robu Adrian, « Réflexions sur le culte d’Apollon à Chalcédoine », Les Études Classiques, 75, 2007, p. 137-155.
19Hanell Krister, op. cit., p. 124-128.
20Robert Louis et Firatli Nezih, op. cit., p. 97, no 140 = Łajtar Adam, op. cit., no 340 (noms sans accentuation), stèle funéraire représentant une jeune fille debout, du iie siècle av. J.-C., pour Mokazoirè, fille de Dinis.
21Hérodote, VI, 33.
22Démosthène, Sur la paix, 25.
23Xénophon, Anabase, VII, 8, 25 ; Diodore, XII, 82, 2 ; Plutarque, Alcibiade, 29, 5-7. Les Byzantins disposent peut-être déjà à ce moment de territoires en Bithynie.
24Diodore, XIX, 60, échec en 315 d’un siège de Zipoitès. Astacos est défendue par un général d’Antigone le Borgne.
25Xénophon, Helléniques, IV, 8, 26-27 ; Seager Robin, « Thrasybulus, Conon and Athenian Imperialism (396-386 B. C.) », JHS, 87, 1967, p. 95-115, notamment p. 110 ; Cawkwell George L., « The Imperialism of Thrasybulus », Classical Quarterly, 26, 1976, p. 270-277.
26Xénophon, Helléniques, I, 1, 22.
27Théopompe de Chios, FGrHist 115 F62 (apud Athénée, Deipnosophistes XII, 32, 526 D-F).
28Voir Robu Adrian 2008 et 2014, op. cit.
29Ed. princeps par Baumeister, Monatberichte der Berliner Akademie 1855, p. 197 no 23. Voir maintenant, Merkelbach Reinhold, Dörner Friedrich Karl et Şahin Sencer, op. cit., no 2. Victor Cojocaru a repris le décret de Byzance en l’honneur d’Orontas, d’Olbia (I. Byz, 3) dans l’article « Von Byzantion nach Olbia: zur Proxenie und zu den aussenbeziehungen auf der Grundlage einer Ehreninschrift », Arheologia Moldovei, 32, 2009, p. 41-56, et onze décrets de proxénie de la région de la Propontide dans « Zur Proxenie in den griechischen Städten des pontischen Raumes », Pontica, 42, 2009, p. 349-374.
30Łajtar Adam, op. cit., no 1, daté vers 175-171.
31Ibidem, no 1, l. 70-71.
32Démosthène, Sur la couronne, 90, traduction Georges Mathieu, Paris, CUF, Les Belles Lettres, 1971.
33Georges Mathieu, dans ses notes de traduction, a relevé qu’il doit s’agir de deux décrets distincts. Les deux cités sont alors indépendantes. Byzance est soutenue en 340/39 par une escadre athénienne, différente de celle qui a fait lever le siège de Périnthe en 341/40. L’établissement de la datation de ce siège est résumé par Sayar Mustafa, Perinthos-Herakleia : Marmara Ereğlisi, Vienne, Verlag der Österreischische Akademie der Wissenschaften, 1998, p. 72, n. 148. Pour le document apocryphe, voir Treves Piero, « Les documents apocryphes du “Pro Corona” », Les Etudes Classiques, 9, 1940, p. 139-174. Le décret est en dialecte dorien, qui était utilisé à Byzance, mais pas à Périnthe, colonie samienne.
34Le terme est inconnu dans les inscriptions de Byzance. Ce lieu est-il à placer sur le rivage du Bosphore, dans la cité de Byzance ou est-ce le nom donné au téménos d’Artémis Phosphora ? On pourrait aussi imaginer qu’il s’agit du sanctuaire de Zeus Ourios, sur le Bosphore, au nord de Byzance. Une fête des Bosporia, en l’honneur d’Artémis Phosphora, est connue dans une inscription de la cité ; voir Łajtar A., op. cit., no 11. Le même auteur a relevé l’anthroponyme Bosporichos dans les inscriptions no 235 et 376. On connaît également un mois Bosporios dans le calendrier byzantin.
35Lazzarini Maria Letizia, « Atene, gli Alleati e il tesoro di Atena. Considerazioni su alcuni inventari del iv secolo a. C. », Rivista di Filologia e Istruzione classica, 128, 2000, p. 155-169 (cité dans SEG 50 (2000), no 172).
36Seyrig Henri, « Monnaies hellénistiques de Byzance et de Chalcédoine », in Colin Mackennal Kraay et Gilbert Kenneth Jenkins (éd.), Essays in Greek Coinage presented to Stanley Robinson, Oxford, Clarendon Press, 1968, p. 183-200.
37Quelques émissions à Périnthe, Ainos, Sestos et Abydos.
38Davesne Alain et Le Rider Georges, Le trésor de Meydancıkkale (Cilicie Trachée 1980), Paris, Éditions Recherches sur les civilisations, 1989 : parmi les monnaies, quatre lysimaques posthumes de Lysimacheia (no 2594-2596), dont un avec tête de (no 2597, pl. II, 16).
39Seyrig Henri, « Parion au iiie siècle avant notre ère », in Harald Ingholt, Centennial Publication of the American Numismatic Society, New York, American Numismatic Society, 1958, p. 603-625.
40Schönert-Geiss Edith, « Der Io-Mythos auf den Silbermünzen von Byzanz », Helikon, 6, 1966, p. 174-182 : le bovidé sur les monnaies du ive siècle ne peut pas être Io, mais le symbole de la richesse des élevages de Byzance, comme le dauphin représente l’activité maritime de la ville.
41Cawkwell George L., « A Note on the Heracles Coinage Alliance of 394 B. C. », Numismatic Chronicle, 16, 1956, p. 60-75 ; contra Karwiese Stefan, « Lysander as Heraklistos Dragonopnigon », Numismatic Chronicle, 140, 1980, p. 1-27 ; mise au point de Delrieux Fabrice, « Les ententes monétaires au type et à la légende SYN », in Olivier Casabonne, Mécanismes et innovations monétaires dans l’Anatolie achéménide, Istanbul/Paris, Institut français d’études anatoliennes/De Boccard, 2000, p. 185-21, pl. 31-34.
Quatre datations possibles ont été proposées :
1) pour Churchill Babington, Numismatic Chronicle, 3, 1863, suivi par George L. Cawkwell, ces monnaies sont l’expression d’une alliance anti-spartiate conclue entre plusieurs cités après la victoire de Conon à Cnide en 394 ; Georges L. Cawkwell considère les monnaies comme des tridrachmes rhodiens ;
2) Stefan Karwiese considère que le type du Herakliskos ne peut servir à une alliance anti-spartiate et attribue ce monnayage à une alliance prospartiate célébrant la victoire de Lysandre en 405/4 ; ces monnaies seraient des double sicles perses ;
3) Cook James M., « Cnidian Peraea and Spartan Coins », JHS, 81, 1961, p. 56-72, considère que l’alliance peut être datée des années 391-390 et doit être liée à Thibron ; ce monnayage serait prospartiate ;
4) Fabricle Delrieux évoque deux périodes de frappe : la première aurait été contemporaine d’une première entente proathénienne, regroupant les cités d’Ionie et de Carie en 395-390, l’autre d’une seconde entente formée par Byzance, Cyzique et Lampsaque en 389-387 ; cette dernière hypothèse est plutôt remise en question par le trésor d’Hécatomnos, Meadows, Andrew et Wartenberg Ute, Coin Hoards, volume IX : Greek Hoards, Londres, Royal Numismatic Society, 2002. L’hypothèse de Karwiese est à ce jour la plus satisfaisante.
42Le Rider, Georges, « Contremarques et surfrappes dans l’antiquité grecque », in Georges Le Rider, Études d’histoire monétaire et financière du monde grec. Écrits 1958-1998, Athènes/Genève, Société hellénique de numismatique/Droz, 1999, p. 223, n. 64.
43Memnon d’Héraclée, FGrHist 434, fr. 11, 2.
44Diodore, XVI, 76, 3-4 ; Philochore, FGrHist 328, fr. 54.
45Memnon, FGrHist 434, fr. 11, 1.
46Memnon, FGrHist 434, fr. 15.
47Avram Alexandru, « Antiochos II, Ptolémée II et la mer Noire », Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles lettres, 2003, p. 1181-1213, datation p. 1208.
48Memnon, FGrHist 434, fr. 11. 2.
49Memnon, FGrHist 434, fr. 14, 1.
50Will Edouard, Histoire politique du monde hellénistique, 2e éd, Paris, Seuil, 2003, p. 139 pour les sources et la bibliographie.
51Démosthène, Contre Polyclès, 6.
52Démosthène, Contre Aristocrate, 158 ; Hypéride, 3, 1 : en 360 : Kotys prend Sestos au stratège athénien Théotimos ; il menace Crithotè et Eléonte.
53Aristote, Pol., V, 6, 13 ; Démosthène, Contre Aristocrate, 176-177 ; Énée, 28, 6 (stratagème d’Iphiadès pour la prise de Parion) ; Robert Louis, Monnaies grecques : types, légendes, magistrats monétaires et géographie, Genève/Paris, Droz, 1967, p. 23-25.
54Énée, XII, 3 et 5 ; Bon Anne-Marie, Énée le Tacticien, Poliorcétique, Paris, CUF, Les Belles Bettres, 1967, y voit la prise de la cité par Cléarque.
55Ps-Aristote, Économique, II, 2, 10.
56Polybe, IV, 51, 9 ; commentaire par Magnetto Anna, Gli Arbitrati Interstatali Greci, vol. 2, Pise, Scuola Normale Superiore, 1997, no 50, p, 310-315. Voir Wiemer Hans-Ulrich, Krieg, Handel und Piraterie, Untersuchungen zur Geschichte des hellenistischen Rhodos, Berlin, Akademie Verlag, 2002 ; Jefremow Nicolai, « Der rhodisch-byzantinische Krieg von 200 v. Chr. Ein Handelskrieg im Hellenismus? », Münstersche Beiträge zur antiken Handelsgeschichte, 14/1, 2005, p. 51-98.
57Tacite, Annales, XII, 62 : services rendus par les Byzantins aux Romains.
58Łajtar Adam et Loukopoulou Louisa, « Propontic Thrace », in Mogens Herman Hansen et Thomas Heine Nielsen (éd.), An Inventory of Archaic and Classical Poleis, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 915.
59Robert Louis, Hellenica, X, p. 38-42 sur trois stèles votives dédiées à Zeus Kômatikôn, provenant du komè de Derkoz (= Łajtar Adam, op. cit., no 21 et 22), de la basse époque hellénistique et du début période impériale.
60Strabon, VII, 6, 1 ; XII, 3, 7 ; XII, 4, 2.
61Prêteux Franck, « Priapos Bébrykès dans la Propontide et les Détroits : succès d’un mythe local », Revue des études grecques, 118, 2005, p. 246-265.
62Polybe, IV, 39, 6. Dédicaces à Zeus Ourios de la région de Karaburun dans Łajtar A., op. cit., no 25-27.
63Voir la monographie de Moreno Alfonso, « Hieron. The Ancient Sanctuary at the Mouth of the Black Sea », Hesperia, 77, 2008, p. 655-709.
64Démosthène, Contre Leptine, 36 ; Syll3, 218, du ive siècle.
65Bresson Alain, « L’attentat d’Hiéron et le commerce grec », in Pierre Briant, Raymond Descat et Jean Andreau (éd.), Économie antique : les échanges dans l’Antiquité : le rôle de l’État, Saint-Bertrand-de-Comminges, Musée archéologique départemental, 1994, p. 47-68.
66Polybe, IV, 50, 3.
67Pour les inscriptions de cette région, voir Mansel Arif Müfid, Yalova und Umgebungen, Istanbul, 1936 ; Corsten Thomas, Die Inschriften von Apameia (Bythinien) und Pylai (Inschriften griechischer Städte aus Kleinasien, 32), Bonn, Dr Rudolf Habelt Gmbh, 1987.
68Hérodote, VIII, 44 ; Polybe, XVII, 2, 3.
69Dionys. Byz., Anapl. Bosp., 41. Texte grec et commentaire dans Bringmann Klaus et von Steuben Hans, Schenkungen hellenistischer Herrscher an griechische Städte und Heiligtümer, Berlin, Akademie Verlag, 1995, no 239, p. 271.
70Athénée, VI, 271 c.
71Corsten Thomas, op. cit., avec de bonnes cartes de la région.
72Robert Louis, « Reliefs votifs et cultes d’Anatolie », Anatolia, 3, 1958, p. 103 sq., a publié la dédicace « Astèr, fils de Ménestheus, Byzantin, à Héraklès et aux Nymphes en ex-voto », provenant de la station thermale de Yalova et datée par l’écriture du iie-ier siècle av. J.-C. ; = Corsten T., op. cit., no 140.
73Robert Louis, « Inscriptions de la région de Yalova », Hellenica, VII, 1949, p. 30-44 ; VIII, p. 75, notamment no 3, inscription de la période impériale datée par le hiéromnamôn de Byzance, qui est alors certainement ici Bruttia Crispina, épouse de Commode de 178 à 187 au moins. L’impératrice est éponyme à Byzance.
74Şahin Sencer, Bithynische Studien, Bonn, Rudolf Habelt, 1978, p. 31-40 ; Corsten Thomas, op. cit., p. 101-170 pour le corpus des inscriptions de cette région ; voir no 113.
75Strabon, XII, 8, 11, est le seul à mentionner des territoires byzantins près de Daskyleion sur mer : « les Cyzicéniens possèdent de la Troade toute la partie située au-delà de l’Aesépos jusqu’à la région de Zéleia, la plaine d’Adrastée et une partie du lac Dascylitis, l’autre appartenant à Byzance ».
76Polybe, IV, 50, 4 et 9, en 200, Prusias « leur avait pris la place appelée Hiéron, au débouché de l’Hellespont. Le Bithynien s’était également emparé du territoire que Byzance possédait en Asie depuis fort longtemps. Il s’agissait d’une partie de la Mysie » ; IV, 52, 7, citation. Polybe distingue sur les possessions byzantines restituées par Prusias. Voir Schuller Christof, Ländliche Siedlungen und Gemeinden im hellenistischen und römischen Kleinasien, Munich, C. H. Beck, 1998, p. 198-199.
Auteur
Université Paris Sorbonne.
Franck Prêteux est maître de conférences. Université Paris Sorbonne, Orient & Méditerranée (UMR 8167), ANHIMA (UMR 8210). [franck.preteux@paris-sorbonne.fr].

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