Chapitre VI. Les university women à l’épreuve des années 1930 et 1940
p. 189-210
Texte intégral
« La Fédération internationale des femmes diplômées des universités entra alors dans une période difficile de sa vie. Financièrement, le monde était au cœur d’une dépression désastreuse. Un chômage tragique frappait la classe intellectuelle. Un vigoureux mouvement antiféministe coupait les femmes d’opportunités professionnelles qui avaient semblé leur appartenir. Sur le plan politique, la montée des États totalitaires allait nous priver en quelques années de nos fédérations italienne, portugaise et allemande, qui recevaient de leurs gouvernements l’ordre de se dissoudre. Sur le plan de l’esprit, nous avons commencé à avoir des divergences entre nous […]1. »
Virginia Gildersleeve, 1954.
1Les années 1920 et 1930 sont celles d’un féminisme à la fois « triomphant » et « assiégé2 ». Triomphant, car les droits des femmes progressent dans de nombreux pays, notamment dans l’univers de la recherche et de l’université, et les mouvements féminins internationaux connaissent un essor remarquable. Mais les effets de la Première Guerre mondiale et de la révolution russe, le déséquilibre démographique et les crises économiques, les tensions politiques et la militarisation montante des sociétés européennes perturbent, voire entravent, ces mouvements féminins et leurs revendications. Chaque organisme, comme le rappelle en 1929 Ellen Gleditsch alors présidente de la FIFDU, « porte l’empreinte de son époque3 » et doit s’adapter aux défis et difficultés du moment. Cette marque de l’époque se ressent de manière inévitable sur l’activité et l’orientation des politiques de la FIFDU, mais aussi sur la définition de l’identité même des university women. La remise en question de la place des femmes en science, la multiplication des politiques visant à empêcher les femmes mariées d’exercer une profession ou encore le chômage des intellectuelles constituent une menace pour la reconnaissance d’une figure féminine du scientifique. Comment, dès lors, les university women négocient-elles leur place, en tant que femmes scientifiques et internationalistes, dans un monde marqué par le repli national et les attaques répétées contre l’émancipation des femmes ? En dépit de leurs efforts en faveur de la paix et de l’internationalisme, le contexte européen des années 1930 et 1940 les pousse à prendre des décisions de nature politique, qui vont à l’encontre d’une vision apolitique de la science. Comment interpréter, par exemple, en termes de persona scientifique, le changement de la constitution de la FIFDU – et avec elle, de la définition de l’identité des university women –, une décision résolument politique qui semble contraire à l’éthique de la science ? Comment les choses se traduisent-elles au niveau du programme de bourse, qui avait été conçu au début des années 1920 comme apolitique et scientifique par excellence ? Alors que le chapitre précédent s’intéressait à l’ensemble des boursières de la FIFDU de l’entre-deux-guerres, l’accent sera mis ici sur les trajectoires particulières des candidates et lauréates de confessions juives ou réfugiées, qui voient dans l’obtention d’une bourse, une chance unique de survivre à cette époque troublée.
Une remise en question des principes et de l’identité des university women ?
2Au programme de travail de la réunion des membres du conseil de la FIFDU en 1934 figurent les difficultés rencontrées par les university women et les femmes scientifiques de manière plus générale face au climat antiféministe des années 1930 mais aussi aux tensions internes à la Fédération, et qui sont le reflet de la montée des nationalismes. Alors que leur identité même est remise en cause, en tant que groupe de femmes scientifiques et internationalistes, elles doivent réfléchir à leur rôle dans un monde politique en profond bouleversement.
Réactions antiféministes et nationalistes
3Les university women, réunies à Edimbourg en 1932 pour le sixième congrès international de la FIFDU, ont choisi pour thème : « Does university education fit the modern woman for life? » La question peut sembler incongrue pour un groupe de diplômées qui s’évertuent à promouvoir les femmes en science4 ; c’est du moins ce que souligne un article paru dans le Time and Tide en juillet 1932 :
« Il y a quelque chose d’étrange dans le sujet choisi par la Fédération internationale des femmes diplômées des universités pour leur réunion cette semaine à Édimbourg : “Une éducation universitaire convient-elle à la vie de la femme moderne ?”[…]. Il se peut, cependant, que les représentantes des university women saisissent l’occasion pour se positionner face à la tendance réactionnaire actuelle sur la question des métiers et vocations des femmes. La tendance est généralisée et ne se limite à aucune classe ni à aucun pays. Le fascisme et le nazisme insistent sur le fait que le devoir de la femme est de rester en dehors de la politique et de faire des enfants – beaucoup d’enfants. En France, la Confédération Générale du Travail [CGT] publie des affiches électorales qui imputent le chômage au travail des femmes, alors que les législateurs et fonctionnaires de nombreux pays les empêchent de gagner un bon salaire dans certains métiers, les traitant comme si elles étaient toujours enceintes ou atteintes d’une maladie chronique. Si c’est le sens de leur question, les university women ne manquent pas de choses à discuter5. »
4Comme le souligne l’article cité précédemment, l’Europe des années 1930 est traversée par de nombreuses réactions antiféministes. Les difficultés que rencontrent les organisations féminines résultent de l’accumulation de plusieurs facteurs, autour de l’idée d’un retour à un « ordre naturel ». Les politiques démographiques se font natalistes, reposant sur une définition « maternelle » du corps des femmes. L’époque marque, pour reprendre les mots de Christine Bard, le « triomphe du familialisme6 » face à un féminisme qui peine à lutter.
5Sous la pression économique, notamment au moment de la crise de 1929, l’entrée massive des femmes dans les mondes du travail, conséquence de la Première Guerre mondiale, est de plus en plus remise en question. Sous prétexte de soutenir l’emploi des hommes, la place de la femme au sein de son foyer et auprès de ses enfants est réaffirmée7. Ces réactions s’observent dans différents contextes nationaux. En mettant en place un numerus clausus limitant l’accès des femmes à certaines formations ou emplois, l’Allemagne montre la voie dès 1933. Les membres du gouvernement nazi appellent à « libérer les femmes de l’émancipation des femmes8 » et prônent leur retour à un rôle traditionnel d’épouses et de mères. Cette pente n’est nullement propre à l’Allemagne. Aux États-Unis, des mesures sont prises pour limiter l’emploi des femmes mariées. En 1932, la promulgation du Federal Economy Act stipule que deux personnes d’une même famille ne peuvent travailler en même temps pour le Gouvernement, et conduit au renvoi de nombreuses femmes. En 1935 en France, le gouvernement de Pierre Laval interdit aux femmes mariées avec un fonctionnaire d’exercer une profession dans le service public9.
6Dans certains pays, ce mouvement se traduit par la limitation de l’accès des femmes à l’éducation supérieure et aux professions intellectuelles. Dans les universités, des mesures sont prises pour limiter l’emploi des femmes mariées. Celle de Liverpool, par exemple, adopte en novembre 1932 la résolution suivante : « L’emploi de femmes au sein du personnel prend fin au moment de leur mariage10. » Face à ces mesures, les membres de la British Federation of University Women se mobilisent et organisent des campagnes visant à prouver le caractère injustifié et discriminatoire de ce qu’elles qualifient de marriage bar (que nous pourrions traduire librement par « couperet conjugal »), ou parfois de « mortalité maritale », à savoir la limitation du travail des intellectuelles en raison de leur statut marital11. Dans une lettre du 6 novembre 1933, une membre de la section de Liverpool demande à la secrétaire de la BFUW d’envoyer une liste de noms de « femmes (vivantes ou mortes !) qui occupent ou ont occupé des postes universitaires prestigieux tout en étant mariées12 ».
7Le cas du Royaume-Uni est loin d’être isolé. Lorsque Eveline Burns, économiste anglo-américaine et professeure à l’université de Columbia, se rend en Angleterre en 1933 pour étudier les programmes liés au chômage, elle partage ses inquiétudes avec les membres de la BFUW à la suite de la décision de l’université de Liverpool et face au contexte européen en général :
« Car il me semble que le danger d’une attaque à l’encontre des épouses qui ont un emploi ne peut être surestimé ni combattu avec assez de force. De tous côtés, il est clair que la pression économique actuelle sert d’excuse pour redonner vie à un vieux préjugé, fermant ainsi une fois de plus aux femmes des portes qui n’étaient pas si largement ouvertes. La menace est d’autant plus grave qu’elle se manifeste simultanément dans de nombreux pays et que, bien que les forces à l’œuvre et le contexte émotionnel soient quelque peu différents, la situation tragique des femmes dans l’Allemagne d’aujourd’hui pourrait bien devenir demain le sort d’autres femmes ailleurs13. »
8Lors de la réunion du conseil organisée à Budapest en 1934, les réactions antiféministes contre l’emploi des femmes « et en particulier contre les femmes engagées dans le travail intellectuel » sont inscrites à l’ordre du jour14. Ces considérations reposent sur les rapports soumis par vingt-sept des associations nationales affiliées à la FIFDU. Dans leur ensemble, les textes soulignent les difficultés croissantes auxquelles sont confrontées les travailleuses intellectuelles, non seulement en raison de la crise économique mais aussi de l’aggravation de la législation empêchant l’emploi des femmes « sur la base soit du sexe, soit du mariage15 ». C’est ce que souligne Germaine Hannevart, présidente de la branche belge des university women :
« D’une manière générale, la crise est plus durement ressentie par les intellectuels que les manuels et les femmes sont les premières à en souffrir. Beaucoup de patrons, croyant agir dans l’intérêt général, engagent plus volontiers un homme qu’une femme, à mérite égal et même inégal16. »
9Au Danemark, la situation des femmes intellectuelles et scientifiques s’est également dégradée, mais pas seulement à cause de la dépression économique, note la secrétaire de la branche danoise, Miss S. Prytz : c’est aussi en raison d’une compétition inégale avec les hommes, notamment dans les mondes universitaire et de la recherche.
10Les branches nationales s’organisent, avec plus ou moins de succès, pour contrer les discriminations qui frappent les femmes sur leur territoire. Prytz, secrétaire de la branche danoise, rend ainsi compte d’une réunion tenue avec des représentants du gouvernement danois autour de l’éducation secondaire des jeunes filles, au cours de laquelle une nouvelle mesure a été proposée. Il s’agit de rendre l’enseignement des mathématiques optionnel pour les filles et de leur donner la possibilité, en échange, d’étudier l’économie domestique et l’hygiène. Les membres de l’association danoise s’opposent fermement à ce projet, derrière lequel elles n’ont pas de peine à retrouver la plus traditionnelle des visions genrées de l’éducation, et un obstacle supplémentaire à l’accès des femmes à l’université et aux métiers scientifiques17.
11La multiplication des attaques contre l’éducation des femmes et leur place dans le monde professionnel constitue une remise en cause frontale des principes mais aussi de l’identité même des university women. Dans ce contexte morose, les membres de la FIFDU votent une résolution lors du congrès de 1934 par laquelle elles « proteste[nt] contre la tendance de plus en plus accusée dans la plupart des pays de fermer aux femmes par de nouvelles dispositions des carrières auxquelles elles sont aptes » ; elles se disent convaincues que :
« C’est seulement en autorisant et en encourageant les femmes à prendre leur part d’activité et de responsabilité dans la vie intellectuelle de leur pays que la civilisation et la prospérité des générations futures pourront se développer sur les bases solides de l’intelligence et de la compréhension mutuelle18. »
12Peut-être plus encore qu’auparavant, les statistiques sont conçues comme un moyen de lutte, un « argument essentiel dans la lutte contre les mesures antiféministes, pouvant démontrer, par les nombres, les conséquences économiques des entraves apportées à leur travail face aux politiques discriminatives19 ».
13Fidèles à leur ligne de conduite, les university women ne mobilisent pas d’arguments clairement féministes pour défendre la reconnaissance de la place et du rôle des femmes scientifiques, mais des arguments d’ordre économique et humaniste. Les parcours des présidentes et autres dirigeantes de la FIFDU, de même que les statistiques montrant la place des femmes dans le milieu universitaire, permettent dans le même temps d’affirmer la capacité des femmes à contribuer à l’expansion des connaissances. Comme l’écrivent Johanna Westerdijk, alors présidente de la FIFDU, et Théodora Bosanquet dans un mémorandum qu’elles envoient au secrétariat général de la Société des Nations en prévision de la seizième assemblée générale, en 1935 :
« Il est parfois dit que les femmes sont bien qualifiées pour le travail d’administration et d’organisation, mais moins douées pour le labeur original et indépendant que requièrent les hautes sphères des mondes universitaire ou scientifique. Il est encore trop tôt pour pouvoir compiler des statistiques fiables pour combattre cette généralisation facile, car la proportion de femmes capables de consacrer leur énergie à la recherche pure est encore faible et seul l’avenir pourra permettre de mesurer vraiment l’épanouissement de leurs capacités. Il est toutefois possible de souligner que, même au cours de cette période de relatifs débuts où elles ont eu plus d’opportunités, les femmes ont mené des travaux originaux de premier ordre dans de nombreux domaines. En science, par exemple, nous pouvons citer, outre le nom célèbre de Madame Curie, ceux du Dr. Florence Sabin, de la Professeure Ellen Gleditsch, de la Professeure Johanna Westerdijk, de la Professeure Elisabeth Schiemann, du Dr. Harriette Chick, du Dr. G. Elles, – pour en nommer quelques-unes parmi beaucoup qui ont apporté une contribution précieuse au savoir […]. Des noms de femmes distinguées pour leurs connaissances et leur originalité peuvent être cités dans de nombreux autres domaines – archéologie, anthropologie, histoire, philologie, philosophie, jurisprudence, économie. Dans les recherches de terrain, dans la planification et la supervision de fouilles importantes, des femmes comme Miss G. Caton Thompson, Dr. Hanna Rydh et Dr. Dorothy Garrod ont connu une réussite remarquable, réfutant ainsi d’une manière simple et efficace l’ancien postulat de l’incapacité des femmes à contrôler et organiser des ouvriers masculins20. »
14On relève, dans cet argumentaire, un trait caractéristique : le recours à des noms de personnalités célèbres (ou estimées telles), pour mieux asseoir la validité de la démonstration ; un trait peut-être moins habituel surgit dans la dernière phrase : des femmes peuvent commander à des hommes.
Les limites d’un rêve internationaliste : science, nationalisme et internationalisme
15Les discours officiels et témoignages retranscrits dans les publications de la FIFDU contribuent à mettre en scène une communauté unie par l’amour de la science et de la culture et dans laquelle la règle qui préside aux débats est celle d’une parfaite amitié. Pour autant, il convient de garder un regard critique sur cette image de communauté soudée. Malgré l’apparente cohésion des university women qui abordent les problèmes de manière internationale, les conflits internes ne sont pas absents, notamment lorsque les identités nationales sont en jeu. Des tensions affleurent entre identité nationale et idéal internationaliste, et s’exacerbent avec la montée des nationalismes dans l’Europe des années 1930.
16Prenant pour exemple la question des langues en usage à la FIFDU, Christine von Oertzen a mis en valeur les tensions et rivalités qui se font jour entre la branche allemande et celle des anciens pays alliés au cours de la Première Guerre mondiale21. Dès leur affiliation officielle à la FIFDU en 1926, les déléguées allemandes cherchent à restaurer la place de leur langue face à la nouvelle hégémonie de l’anglais et du français qui s’imposent, aux lendemains de 1918, comme les deux langues mondiales. Si l’usage de l’allemand est accepté, la langue n’obtient pas le même statut que l’anglais et le français, à la fois parce qu’il s’agit de limiter les dépenses qu’engrangerait la traduction systématique des discours et des Bulletins en trois langues au lieu de deux, mais aussi, comme le souligne la présidente Winifred Cullis lors de sa visite à Berlin en 1931, afin d’éviter l’affluence de demandes similaires, en provenance notamment des branches espagnole et italienne22. Les déléguées italiennes, dès la réunion du conseil à Vienne en 1927, ne manquent pas en effet de menacer, en cas de reconnaissance officielle de l’allemand comme troisième langue officielle, de demander la reconnaissance de l’italien. Outre les difficultés logistiques et financières qu’entraînerait une telle surenchère, Winifred Cullis souligne que le refus de faire de l’italien la quatrième langue officielle de la FIFDU pourrait servir de prétexte à Mussolini pour imposer aux universitaires italiennes leur retrait de la FIFDU. Discussions et tensions liées à la question de la langue reflètent bien l’imbrication entre l’idéal internationaliste et les stratégies nationales (ou nationalistes), et soulignent le défi lancé à une organisation porteuse d’un tel idéal, mais fondée et dirigée par des membres du monde anglo-saxon et anciens alliés de l’Entente23.
17On peut écrire de cet idéal qu’il repose sur le thème de l’unité dans la diversité : il convie à conserver et valoriser les différences nationales, à s’inspirer du génie de chaque nation et, pour reprendre les mots de la Française Mespoulet, à rendre ces valeurs « contagieuses » afin de servir la coopération internationale et le progrès de l’humanité. Cette conception est toute voisine de celle des intellectuels et politiciens qui gravitent autour de la Société des Nations. Daniel Laqua a insisté à ce propos sur l’imbrication de l’internationalisme et de la nation, quelque antinomiques qu’ils semblent être. Mobilisant le concept de « nationalisme banal24 », conceptualisé par Michael Billig dans les années 1980 et qui invitait à prêter attention à ces représentations quotidiennes de la nation qui créent un sentiment partagé d’appartenance, Laqua étudie les « manifestations subtiles de la nation25 » dans les activités intellectuelles de la Société des Nations et plus particulièrement dans les congrès internationaux. En effet, relève-t-il, si ces congrès appellent à une amitié internationale, la nation « y est aussi mise en scène et glorifiée26 ».
18Comme l’avancent Carol Harrison et Ann Johnson dans leur introduction au numéro de la revue Osiris sur « Science and National Identity », les capacités scientifiques et intellectuelles constituent des marqueurs importants de l’identité nationale27. Les auteurs de ce volume soulignent ainsi le rôle d’icônes scientifiques qui symbolisent les réussites d’une nation ou encore les récits héroïques qui visent à construire l’image d’un génie scientifique national, le tout contribuant à la fabrique d’une identité nationale en chantier depuis le xviiie siècle. L’usage par la Troisième République française de la gloire et de l’exemplarité méritocratique d’un Louis Pasteur, mort en 1895, est trop connu pour que nous y insistions. La science et les inventions scientifiques et technologiques ont été mobilisées tout au long du xixe siècle et au-delà dans le processus de formation d’un État-Nation.
19Dans le contexte de la montée des nationalismes à la fin des années 1920 et dans les années 1930, les idées de « génie » ou d’« esprit » national (rendu par les termes allemands Volksgeit et Volkstum), de science porteuse de caractères propres à un groupe humain, ont été également appropriées par des régimes dictatoriaux avides de glorification nationaliste. Lors de l’Entretien de la Commission internationale de coopération intellectuelle organisé à Venise en 1934, le mathématicien italien Francesco Severi a affirmé, rapporte Daniel Laqua, que dans toutes les disciplines scientifiques on retrouve « des caractères qui sont distinctifs du génie de la race28 ». De tels éléments ne sont pas absents des congrès de la FIFDU. Dans le livret édité par la branche néerlandaise à la suite de la conférence d’Amsterdam (1926), l’une des participantes italiennes, la journaliste Marie A. Loschi a livré ses impressions : si des manifestations semblables sont à ses yeux de bons instruments de propagande internationaliste, elle n’en regrette pas moins que chacun des pays représentés n’ait pas toujours la possibilité de se mettre en valeur :
« Que de préjugés encore et, hélas, que de bêtises…, il m’a fallu entendre sur l’Italie, même dans ce milieu universitaire ! – Mais, est-ce qu’on a donné à chacune de nous la possibilité de faire mieux connaître son pays ? ? […] Parmi tant de femmes de premier ordre dont beaucoup ayant des moyens et traversant l’Europe en touristes, je n’ai pas eu le plaisir d’en entendre une ayant décidé de suivre les cours à l’université pour les étrangers, à Pérouse – cours organisés dans un des milieux les plus intéressants et les plus caractéristiques de l’Italie, avec un programme du plus grand intérêt et des professeurs de tout premier ordre. C’est S. E. Benito Mussolini qui fera la première leçon : “Rome ancienne sur la mer”29. »
20On relève sans surprise que dans les deux cas ces accents divergents proviennent de l’Italie devenue fasciste, et dans laquelle la politique de Mussolini pose un dilemme aux féministes italiennes. Tout en prônant une image de la femme subordonnée à l’homme et confinée dans sa fonction de gestation, le Duce fait en effet miroiter la possibilité du droit de vote pour certaines catégories de femmes, dont les universitaires30. La défection de la branche italienne de la FIFDU allait intervenir en 1935 révélant les limites manifestes de l’idéal porté par les internationalistes de l’entre-deux-guerres31. Pas plus que les hommes, les university women n’ont pu se soustraire à l’étau dans lequel elles ont été prises, entre nationalisme et internationalisme.
Un tournant politique : la révision de la constitution de la FIFDU
21L’arrivée au pouvoir des nazis en 1933 a immédiatement affecté la composition et le fonctionnement de la branche allemande, la Deutscher Akademikerinnenbund (DAB). Lors des dernières élections libres en Allemagne, ses membres ont fait campagne contre le parti nazi. Plutôt que de se soumettre aux exigences du nouveau pouvoir – à commencer par l’exclusion des membres juives de l’organisation, le conseil de la DAB décide de démissionner. En vain : des membres emblématiques de la FIFDU, telle que la physicienne Lise Meitner qui siège au sein du comité d’attribution des bourses internationales, doivent se retirer de la DAB du fait de leur judéité. L’organisation ne disparaît pas pour autant : un nouveau conseil est nommé, assure-t-on à la FIFDU, en « accord avec les anciens statuts32 ». Très vite, cependant, les nouvelles dirigeantes se soumettent aux sommations du régime : le retrait des membres « non-aryens » des postes de direction au sein de l’organisation et leur remplacement par des membres affiliées au Parti nazi. Au mois d’octobre 1933, le conseil exige l’exclusion de tous les membres juives, au moment de l’affiliation de la DAB au Front allemand des femmes (NS-Frauenschaft), la branche féminine du Front du travail33.
22En prévision de la réunion du conseil de la FIFDU en 1934 à Budapest, les membres de la branche allemande doivent soumettre la version révisée de leur constitution. Cette dernière précise les objectifs et les conditions d’adhésion à la DAB, qui entend « unir les femmes diplômées de l’université d’origine et de langue allemandes pour le travail des femmes allemandes et l’Artgemässe Kulture au sein de l’État national-socialiste34 ». Comme les membres de la DAB le précisent, les personnes « d’origine allemande » sont celles qui, du fait de leur race, de leur histoire et de leur esprit national (Volkstum) appartiennent à la communauté allemande ; l’Artgemässe Kulture correspondant à l’histoire allemande, à ses traditions et son « être » (Wesen).
23En réaction à la situation allemande et face à l’exclusion des membres juives de la DAB, les dirigeantes de la FIFDU proposent une révision de la constitution même de leur organisation, et notamment de ses deux premiers articles qui déterminent le but et les conditions d’adhésion. Il est proposé d’ajouter au premier article que la FIFDU vise à promouvoir la compréhension et l’amitié entre diplômées de l’université de toutes les nations, « sans distinction de race, de religion ou d’opinion politique35 ». Les conditions d’adhésion s’inscrivent dans la même ligne :
« Peuvent devenir membres les fédérations ou associations nationales d’university women dont les objectifs sont conformes à ceux de la FIFDU et qui sont approuvés par le Conseil […]. Aucune fédération ou association ne peut être admise ou maintenue comme membre de la FIFDU si elle exclut en raison de leur race, religion ou opinion politique les university women qualifiées36. »
24Cette révision des statuts fait l’objet de multiples discussions au cours des années 1930 : lors du conseil de Budapest en 1934, de la septième conférence internationale de la FIFDU à Cracovie en 1936, au conseil de Paris un an plus tard. La branche allemande se retire de la FIFDU et cesse d’exister officiellement en 1936 ; le même chemin est suivi par les branches espagnole et autrichienne respectivement en 1937 et 1938. La FIFDU aura perdu quatre de ses « filles » européennes en très peu d’années : le rêve internationaliste se fracasse sur les régimes totalitaires, la guerre civile, l’Anschluss.
25Lors de la réunion des déléguées précédant la conférence de Stockholm en 1939, certaines branches nationales s’opposent à la révision de la constitution. Les fédérations norvégienne et néerlandaise craignent que de telles modifications, à connotation clairement politique, ne conduisent à une rupture définitive du contact avec les groupes de femmes universitaires des pays fascistes37. La Belge Germaine Hannevart prend l’exemple de l’ancienne présidente de la branche italienne, Dr. Grassi, décédée quelques années auparavant, pour souligner les difficultés que le changement de la constitution pourrait susciter aux university women se trouvant dans un pays tel que l’Italie :
« Dr Grassi n’était pas elle-même fasciste, mais elle n’a jamais eu de difficultés car elle était une amie personnelle de la famille de Mussolini. Dr Grassi pensait que le fait que notre Fédération n’ait aucun lien avec la politique, la croyance ou la race pouvait l’aider à poursuivre son travail éducatif en Italie38. »
26Malgré ces réserves émises par certaines branches nationales, la révision de la constitution est approuvée à une nette majorité, avec 55 voix pour et 15 contre, à l’occasion du congrès international de 1939.
27La principale difficulté touchant à l’amendement de la constitution de la FIFDU et qui entraîne des discussions étalées sur près de cinq ans, réside bien dans le fait que cette mesure est profondément politique, ce qui contredit l’essence même de l’organisation, conçue à l’origine comme éminemment apolitique, au nom de l’éthique de la science. La FIFDU se voit en quelque sorte contrainte, face aux initiatives des régimes totalitaires, de proposer une solution politique à une crise politique qui ne semblait pas relever strictement des préoccupations des university women – bien que plusieurs d’entre elles soient directement concernées par les lois antisémites, par exemple. Ce changement marque un tournant dans l’activité et la définition même de l’identité des university women, une inflexion vers les problèmes politiques plutôt qu’exclusivement scientifiques : au risque de devoir reconsidérer la persona de la femme universitaire.
Le programme de bourses de la FIFDU face aux scientifiques refugiées
28La promulgation de la loi allemande sur la restauration de la fonction publique le 7 avril 1933 marque le début de la persécution bureaucratique, légale et systématique des personnes d’origine « non aryenne » en Allemagne : le « paragraphe aryen » les destitue de leur emploi et les bannit de la fonction publique. Comme le précise le troisième article du décret d’application du 11 avril 1933, est considérée comme non-aryenne toute personne « descendant de non-aryens, en particulier de parents ou grands-parents juifs. Ce principe s’applique surtout si l’un des parents ou grands-parents était de confession juive39 ». Alors que les universitaires juifs et juives perdent leur poste, ils cherchent à émigrer dans des pays qui leur permettent de se consacrer librement à leur profession40. Face à l’afflux de scientifiques fuyant les lois discriminatoires du régime nazi, on imagine les questions que se posent les dirigeantes de la FIFDU, y compris quant au fonctionnement et aux objectifs de leur programme de bourses internationales.
Les organismes de financement et l’organisation de l’assistance aux scientifiques réfugiés
29Dès 1933, nombre d’university women sont touchées par les nouvelles lois allemandes, et plusieurs des anciennes lauréates de la FIFDU, notamment, sont renvoyées des universités allemandes en raison de leur ascendance juive. C’est le cas de Margarete Bieber, lauréate d’une bourse internationale en 1931 et l’une des premières femmes à obtenir un poste, d’abord en tant que professeure extraordinaire puis comme maître de conférences, à Giessen. Alors que sa nomination de professeure ordinaire était prévue pour l’année 1933, l’arrivée au pouvoir des nazis change la donne. D’origine juive, quoique de confession protestante, Bieber est forcée à démissionner de l’université41. Il en va de même pour l’indianiste Betty Heiman, récipiendaire d’une bourse internationale senior en 1931 et professeure extraordinaire à l’université de Halle en Allemagne. Hors de la FIFDU, mais modèle pour ses consœurs puisqu’elle était devenue la première femme professeure extraordinaire allemande en 1922 à l’université de Göttingen, la mathématicienne Emmy Noether (1882-1935) subit le même sort pour les mêmes raisons42. Et ces discriminations s’étendent à d’autres pays au fur et à mesure des conquêtes du régime nazi. La physicienne autrichienne Marietta Blau, boursière de la FIFDU en 1932, perd son emploi du fait de sa judéité au lendemain de l’annexion de l’Autriche en 1938.
30Confrontés à l’impossibilité de poursuivre ou d’entamer une carrière en Allemagne, beaucoup de scientifiques d’origine juive envisagent l’exil, que ce soit par la mobilisation de leur réseau international personnel ou en tentant d’obtenir une bourse grâce aux aides mises en place par les gouvernements britannique et américain à partir de 1933. Au Royaume-Uni, l’Academic Assistance Council (AAC), rebaptisé en Society for the Protection of Science and Learning (SPSL), est fondé en 1933 à l’initiative de William Beveridge, directeur de la London School of Economics, et présidé par Ernest Rutherford, prix Nobel de Chimie en 1908, alors directeur du laboratoire Cavendish de Cambridge43. L’AAC entend venir en aide aux universitaires qui fuient les régimes fasciste et nazi : aux bourses d’aide à la recherche au Royaume-Uni, s’ajoute la création de chaires universitaires subventionnées. Ces mesures, prises par un gouvernement britannique qui veut faire tourner les politiques d’exclusion allemandes à l’avantage du Royaume-Uni, sont réservées à des universitaires réfugiés considérés comme parmi les plus brillants et les plus à même de contribuer à la promotion de la science britannique44. Un même phénomène s’observe aux États-Unis, où, mis à part le cas de personnalités scientifiques exceptionnelles, « considérées comme étant d’un intérêt particulier pour le développement de la science américaine45 », la mise en place de lois d’immigration très restrictives, sur la base de quotas par nationalités, limite les possibilités d’immigration des scientifiques réfugiés.
31Dès 1933, les fondations philanthropiques américaines lancent des programmes d’aides par le biais de bourses dédiées aux scientifiques réfugié(e)s, mais non limitées aux seuls juifs ou juives. La Fondation Rockefeller développe trois programmes dans cette direction : le Special Aid for Deposed Scholars, actif entre 1933 et 1939, auquel succèdent l’Aid for Deposed Scholars et l’Emergency Program for European Scholars (entre 1939 et 1945). Comme le souligne Giuliana Gemelli, la Fondation Rockefeller ne cherche pas à « résoudre le problème européen mais essaye de sauver une petite partie de la meilleure portion de la population46 », en s’inscrivant ainsi en continuité avec la ligne scientifique définie au début des années 1920. Mais la réaffirmation des critères d’excellence, que ce soit dans la sélection opérée par l’Academic Assistance Council ou la Fondation Rockefeller, bénéficie en priorité aux hommes, plus nombreux au sommet de la hiérarchie universitaire.
32Face à ce nouvel exemple de déséquilibre genré, les membres de la BFUW visent à devenir le pendant féminin de l’Academic Assistance Council, en mettant en place une série de bourses destinée aux réfugiées, leur permettant par exemple de séjourner quelques mois à Crosby Hall47. L’angliciste Erna Hollitscher, réfugiée à Londres en 1938, a laissé quelques lignes caractéristiques sur le contraste que des exilées pouvaient ressentir entre leur Allemagne d’origine et ce foyer d’une république des lettres préservée :
« Je ne peux pas décrire ce que cela représentait pour moi et d’autres réfugiées lorsque nous avons été autorisées à rester là, après la persécution et la haine que nous avions subies dans la “Grande Allemagne”. À Crosby Hall nous n’étions pas seulement tolérées mais bienvenues et nous avons trouvé une atmosphère de gentillesse et de compréhension qui nous a confirmé qu’il existait un autre monde en dehors de l’Allemagne nazie, dans lequel nous pourrions être autorisées à vivre librement et peut-être avec bonheur. Je suis sûre que toutes celles qui sont restées à Crosby Hall ont ressenti cette atmosphère, d’où qu’elles viennent de par le monde48. »
33Dans son ouvrage Science, Gender and Internationalism, Christine von Oertzen a étudié de manière détaillée les aides mises en place par plusieurs branches de la FIFDU pour venir en aide aux scientifiques réfugiées. Entre 1933 et 1938, cette assistance a pris la forme d’aides à la recherche organisées par la BFUW et financées principalement par des dons individuels. À partir de 1938 et jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, l’aide prend un nouveau cours : un fonds d’urgence est mis en place par la FIFDU sous le contrôle du Special Committee for the Emergency Assistance of University Women49. Les fonds pour aider à l’émigration, à l’accueil et à la réinstallation de diplômées dans un autre pays sont le fait de dons personnels (la Suédoise Eva Ramstedt contribue régulièrement : les archives de la commission signalent notamment un versement de 200 livres sterling) ou d’associations nationales (l’Association australienne verse 20 000 livres sterling en 1939). Le Conseil réuni à Londres en 1939 vote le transfert du fonds général de la FIFDU à cette commission (entre 1938 et 1939, cela représente 30 000 livres sterling). Christine von Oertzen estime qu’entre 1933 et 1945 près de 500 university women fuyant le régime nazi ont contacté soit la FIFDU, soit ses branches britannique et américaine50.
34Les archives de la commission spéciale de la FIFDU contiennent des listes de demandes formulées par des femmes cherchant à fuir leur pays. On y découvre des cas comme celui de la doctoresse allemande Gertrud Cohn, âgée de 51 ans et dont le dossier a été refusé par le gouvernement australien : le pays ne veut pas de femmes médecins et la considère comme trop âgée pour travailler. Les conditions d’immigration offertes par l’Australie sont particulièrement strictes envers les femmes, requérant d’elles qu’elles acceptent d’avoir un emploi domestique et donnant une préférence aux candidates de moins de 35 ans. Cette clause, qui apparaît spécialement sévère pour des intellectuelles et scientifiques, rend compte de la réduction des university women à une définition restrictive de la place des femmes dans le monde du travail51.
35La fermeture progressive des frontières dès 1939 entrave l’activité de la FIFDU et notamment l’assistance aux university women refugiées. Alors que les États-Unis constituaient la destination principale pour ces émigrées, leur entrée en guerre en 1941 met fin au flux de migrations. En Angleterre comme aux États-Unis, les efforts se concentrent sur les réfugiés déjà sur place. Localement, les university women des pays d’accueil essayent d’aider les réfugiées à s’intégrer dans la société, aussi bien professionnellement que socialement, tout en apportant un soutien moral et financier (par le biais d’envoi de vivres et de vêtements, notamment) à leurs consœurs restées dans les pays occupés par l’Allemagne nazie52. Marie-Louise Puech, membre dirigeante de l’Association française des femmes diplômées des universités, organise l’aide aux university women réfugiées, et même le sauvetage de certaines d’entre elles ; elle le fait depuis la maison de famille qu’elle occupe dans les années 1940 en compagnie de son mari, Jules Puech (le biographe de Flora Tristan), dans le Tarn, près de Toulouse53.
36L’assistance apportée par la FIFDU aux university women en danger a entendu répondre, tout comme le changement de la constitution de l’organisation en 1939, au contexte social et politique européen. L’aide accordée par le Special Committee for the Emergency Assistance of University Women est destinée à toutes les university women et pas seulement aux meilleures d’entre elles, à la différence de la ligne suivie, par exemple, par la fondation Rockefeller. Mais si cette ligne d’assistance semble assez naturelle pour une organisation comme la FIFDU, qu’en est-il du programme de bourses, dont les principes fondateurs, étudiés précédemment, avaient été élaborés selon une ligne strictement scientifique ?
Le programme de bourses de la FIFDU face à la recrudescence des candidatures de scientifiques juives en exil
37Les membres du comité d’attribution des bourses de la FIFDU sont conscientes des difficultés qui pèsent sur les carrières des femmes scientifiques de nombreux pays mais aussi des problèmes économiques qui peuvent ralentir la collecte des fonds destinés au financement des bourses internationales. En 1934, elles décident que tout don reçu serait directement utilisé pour abonder ces bourses, plus que jamais perçues comme un élément essentiel à la promotion des femmes en science54. Les lois nazies ont en effet des répercussions immédiates sur le programme de la FIFDU. En 1934, le nombre de candidatures soumises par des scientifiques allemandes, démises de leur poste, augmente brutalement. Quatorze Allemandes sur un total de 39 candidates, soit 36 %, déposent un dossier pour l’une des deux bourses internationales mises en jeu cette année-là par la FIFDU : une bourse junior en arts et une bourse financée par l’American Association of University Women.
38Deux Allemandes candidatent pour la bourse junior : Helen Rosenau (1900-1984), historienne de l’art, et Annelise Modrze (1901-1938), philologue et bibliothécaire. La première a poursuivi des études en histoire de l’art dans plusieurs universités allemandes - Munich, Berlin, Bonn ou encore Hambourg. Elle a pris part à des fouilles dans diverses cathédrales et rédigé sa thèse de doctorat sur l’histoire architecturale de la cathédrale de Cologne. Alors que Rosenau s’apprêtait à soutenir son habilitation, afin de pouvoir enseigner dans les universités allemandes, l’arrivée des nazis au pouvoir suspend la procédure, en raison de son ascendance juive. Dans le même temps, elle est renvoyée de l’université et la bourse accordée par la Notgemeinschaft der Deutschen Wissenschaft (Association d’urgence pour la science germanique) n’est pas renouvelée. La trajectoire d’Annelise Modrze est un peu similaire. Elle a étudié la philosophie, l’allemand et l’histoire à l’université de Heidelberg, avant de soutenir son doctorat en philologie classique à l’université de Breslau en 1930. Après avoir enseigné dans une école pour femmes de Breslau, elle obtient un poste à la bibliothèque d’État de Berlin en 1932. Née de parents juifs convertis au protestantisme, Modrze est considérée comme non-aryenne et perd son emploi en 1933. Ces deux dossiers retiennent l’attention des membres du comité d’attribution des bourses de la FIFDU. Âgées respectivement de 35 et 34 ans, Rosenau et Modrze ont dépassé la limite d’âge fixée, pour les bourses junior, à 30 ans. L’avis du comité est sans appel : bien qu’elles soient toutes deux considérées comme des universitaires de qualité, peut-on lire dans le compte rendu du comité, « [elles] avaient dépassé la limite d’âge et il a été estimé qu’étant donné qu’il y avait d’autres candidates d’aptitudes égales ou supérieures en compétition, il n’y avait pas de raison de les traiter comme des cas exceptionnels55 ».
39La bourse internationale financée par l’American Association of University Women (AAUW Crusade), sans restriction en termes d’âge ou de domaine scientifique, attire encore plus de candidates allemandes, qui postulent soit de manière individuelle – nous avons vu qu’elles ne peuvent plus être membres de la DAB – soit par le biais d’autres branches nationales de la FIFDU. Le profil des 13 candidates offre de larges différences, notamment en termes de qualités scientifiques. L’une d’entre elles, Elizabeth Hoffa (1889-1988), présidente de l’Association des femmes médecins allemandes entre 1930 et 1933, est considérée par le comité comme étant une bonne praticienne, mais de caractère plus pratique qu’universitaire56. Gerta von Übisch (1882-1965), une généticienne et botaniste allemande, en revanche, est jugée trop qualifiée pour être retenue. Elle a été de fait l’une des toutes premières femmes allemandes à recevoir l’habilitation, en 1923 ; dès l’année suivante, elle était nommée professeure de botanique à l’université d’Heidelberg, avant d’être démise de ses fonctions par le régime nazi en 1933, sa mère étant juive. Pour les évaluatrices qui la décrivent comme une « botaniste de premier rang et vraiment originale », le fait que l’Allemande est déjà professeure est contraire aux ambitions du programme. « Aucune bourse ne lui permettrait d’améliorer sa position qui était déjà très élevée dans le monde universitaire », concluent ainsi les membres du comité d’attribution57.
40Cette année 1934, tandis que la bourse junior est divisée entre Joan Hussey (1907-2006), une historienne britannique de 27 ans, spécialiste de l’époque byzantine, et Geneviève Marsch-Micheli (1908-1995), une archéologue irlandaise du même âge, l’AAUW Crusade est attribuée à la bactériologue allemande Emmy Klieneberger. Cette dernière a émigré un an plus tôt en Angleterre, grâce à une bourse résidentielle qui lui a été accordée par la commission de la BFUW, et a débuté son travail à l’Institut Lister à Londres au mois d’octobre 1933. Les recommandations de ses collègues britanniques lui permettent d’obtenir la bourse AAUW Crusade et de continuer ses recherches au sein de l’Institut Lister. En 1934 encore, une autre juive allemande, Elizabeth Jastrow, bénéficie également d’une bourse financée par l’American Association of University Women, qui lui permet de poursuivre ses recherches en archéologie en Italie.
41Les lettres de recommandation qui ont soutenu ces deux dernières candidatures mettent en avant le caractère injuste et précaire de leur situation, due aux lois antisémites. Marie Ginsberg, du Comité international pour le placement des intellectuels réfugiés58, écrit à Mary Wooley, alors présidente de l’AAUW, afin de se porter garante de Jastrow :
« J’ai demandé à diverses personnalités qui sont en mesure de juger de la valeur scientifique de son travail, et toutes, sans exception, ont été très élogieuses à son égard. Elle est également une personne très charmante. Si l’on ajoute à ses qualités objectives le fait qu’elle a perdu toute chance d’avancement en Allemagne à cause de son origine juive (elle est de foi protestante), il me semble que sa sélection pour cette bourse serait extrêmement opportune59. »
42Eleonor Chodge, du Vassar College (État de New York), utilise le même argument dans une lettre qu’elle envoie à titre personnel à l’une des membres du comité de sélection de l’AAUW : elle souligne la judéité de Jastrow et insiste sur le devoir pour la branche américaine de venir en aide à des consœurs allemandes :
« Le Dr Jastrow, étant juive, n’est probablement éligible à aucune aide en Allemagne ou de la part de sociétés savantes allemandes. Bien que la bourse ait été accordée à une Allemande l’année dernière, il me semble qu’il serait particulièrement approprié et certainement très encourageant pour les universitaires allemandes que l’AAUW leur prête main forte en ce moment précis60. »
43On notera que l’accent, dans ces deux lettres, est mis sur la situation personnelle d’Elizabeth Jastrow plutôt que sur ses qualités scientifiques intrinsèques. Alors que la décision ultime revient à l’AAUW, le comité d’attribution des bourses indique que si le choix doit se faire en fonction à la fois de la qualité générale des recherches accomplies, de l’âge et de la personnalité, c’est Emmy Klieneberger qui apparaît comme la candidate la plus adéquate61. Les deux chercheuses allemandes sont finalement prises en charge.
44Cependant, dès 1934 et face à l’afflux de ce type de candidatures, qui proviennent pour la plupart de femmes dans une position critique, le comité d’attribution des bourses choisit de prendre des mesures strictes :
« Une lettre de la Fédération britannique, attirant l’attention du Comité sur la difficulté que pose une compétition illimitée pour des bourses de la part d’universitaires allemandes de haut niveau, qui sont inévitablement mieux qualifiées que les jeunes femmes auxquelles les bourses étaient initialement destinées, a été prise en considération. Il a été convenu d’ajouter au règlement des bourses, pour l’information des candidates, une note libellée comme suit : “Les bourses ne sont pas destinées aux personnes qui ont déjà atteint un poste de niveau professoral dans les universités. Les récompenses en faveur de personnes de cette qualité ne seront décernées que dans des circonstances exceptionnelles”62. »
45La mesure s’applique sans délai. Alors que Margarete Bieber tente d’obtenir une seconde aide en postulant à la bourse senior en arts décernée par la FIFDU en 1935, l’avis du comité d’attribution est ferme :
« Bien qu’il n’y ait eu aucun doute quant à l’excellence des compétences de Dr. Bieber et à la haute qualité de son travail, il a été convenu que son âge (55 ans) était au-dessus de la limite et qu’une bourse de recherche, si elle pouvait lui permettre de poursuivre ses très intéressants travaux, ne serait pas susceptible de la faire progresser dans sa carrière. De fait, elle avait déjà atteint la position pour laquelle ces bourses étaient destinées à ouvrir la voie63. »
46Ces mesures ne traduisent pas une indifférence des dirigeantes de la FIFDU à l’égard de leurs collègues juives et réfugiées ; nous avons vu que des comités d’urgence ont été mis en place pour venir en aide aux university women victimes des lois discriminatoires et parties en exil. Mais en réaffirmant les principes fondateurs du programme de bourses, à savoir l’encouragement et la promotion des femmes dans le monde de la recherche en fonction de leur seul mérite scientifique et sans considération de leur situation personnelle, ces dirigeantes ont tenu à sauvegarder la dimension pleinement scientifique des objectifs affichés depuis la fondation de l’association et de son programme de bourses international.
Les chemins de l’exil : trajectoires de boursières juives
47Entre 1933 et 1945, six scientifiques réfugiées ont obtenu une bourse internationale de la FIFDU financée par l’AAUW. Outre les Allemandes Klieneberger et Jastrow, on trouve la chimiste Gertrud Kornfeld, originaire de la Tchécoslovaquie (boursière en 1935), la Polonaise Cecilia Lutwak-Mann, lauréate en 1938, l’historienne de l’art allemande Adelheid Heimann (1938) et Ilse Falk, autre historienne de l’art allemande, en 1942.
48Pour certaines de ces femmes, les bourses de la FIFDU ont offert une véritable opportunité d’échapper aux lois antisémites et de poursuivre leur carrière dans l’exil. D’autres, en revanche, avaient déjà émigré vers d’autres pays, la bourse leur permettant de poursuivre leurs travaux de recherche tout en subvenant à leurs besoins comme on l’a vu dans le cas de Klieneberger. Cette dernière l’a écrit dans ses mémoires, publiées en 1980 : « Mon travail était l’élément le plus déterminant de ma vie et je n’avais que 40 ans ; et je savais qu’il n’y avait pas d’autre possibilité pour moi en Allemagne. » Bien que Johanna Westerdijk lui conseille de mettre à profit l’opportunité pour émigrer aux États-Unis, sa décision de rester en Angleterre après la réception de la bourse est principalement motivée par son souhait de rester proche de sa famille, et notamment de sa mère et de sa sœur.
« En tant que femme, je n’aurais jamais été nommée à une chaire en Allemagne. En Angleterre, je me suis élevée moins haut, mais j’ai tout de même trouvé une niche, un poste permanent dans un institut de première classe et je me suis fait connaître dans le monde scientifique de ma spécialité. Je n’ai pas gagné grand-chose. Je gagnais moins qu’en Allemagne, mais l’argent ne m’intéressait pas64. »
49En prenant l’exemple des émigrés ayant obtenu une bourse de la Fondation Rockefeller entre 1933 et 1945, Giuliana Gemelli évoque des « go-between transatlantiques65 » faisant le lien, notamment, entre les cultures et savoirs des deux continents. Ce concept permet de réfléchir à la situation des émigrés intellectuels et aux conditions de leur adaptation dans le pays d’accueil. Ces conditions varient grandement, d’une personne à l’autre, en fonction des « attitudes mentales, culturelles et sociales » mais aussi des âges, des groupes de recherche et des disciplines dans lesquels travaillent les intéressés ou encore des réseaux professionnel et personnel qu’ils peuvent mobiliser66.
50La composante émigrée ou étrangère prend dès lors une tout autre définition dans l’identité de ces diplômées. Alors que le séjour des autres lauréates ne dure pas plus d’un an, les scientifiques réfugiées doivent chercher à s’intégrer durablement dans leur pays d’accueil, autant d’un point de vue professionnel que social. Cela requiert une indispensable adaptation aux mœurs et aux sociabilités du pays et une conformation aux attentes du marché du travail. Comme le signale Christine von Oertzen, les Allemandes émigrées aux États-Unis et qui postulent à un poste sont surprises, par exemple, de l’importance accordée à l’apparence et à la présentation physique67. Bien que les études portant sur l’exil tendent à montrer que les carrières des femmes sont négligées au profit de leur identité maternelle et familiale et qu’il est souvent plus facile pour les diplômées plus jeunes et moins avancées dans leur carrière de trouver un emploi que pour les femmes plus âgées et déjà établies dans leur domaine de spécialité, cette historienne avance que les diplômées ayant reçu l’aide de la FIFDU ou de l’une de ses branches nationales sont parvenues pour la plupart, sur le long terme, à s’adapter au pays d’accueil et à s’établir professionnellement, indépendamment de leur âge ou de leur champ d’activité. Les femmes ne rencontrent pas toujours plus de difficultés pour s’adapter que leurs collègues masculins. On observerait même l’inverse : leur maîtrise des langues ou encore leur détermination – elles ont dû s’intégrer dans un monde universitaire encore fermé aux femmes – sont des éléments de leur capital culturel et social qui leur assurent de meilleures capacités d’adaptation et de résilience lors de l’expérience migratoire68. Des différences notoires tiennent toutefois à la période à laquelle est survenue l’émigration : les juives qui ont quitté l’Allemagne dans les premiers temps du régime nazi ont souvent pu plus facilement s’intégrer et retrouver un emploi (universitaire ou de recherche) que celles qui sont parties plus tardivement.
51Et bien des trajectoires illustrent les difficultés de l’exil. Après avoir obtenu une bourse internationale de la FIFDU qui lui permet de se rendre en Italie pour y poursuivre ses études sur la terracotta, ce n’est que grâce au soutien d’une archéologue américaine, Hetty Goldman, première femme professeure à l’Institute for Advanced Study, que Jastrow peut demeurer dans le pays. Dans le rapport final soumis à la FIFDU et à l’AAUW, elle écrivait qu’elle espérait pouvoir obtenir de nouveaux fonds afin de mener à bien ses travaux. Mais les règles du programme sont strictes et claires : aucune subvention additionnelle ne peut être accordée à une ancienne lauréate. Et la promulgation des leggi raziali en 1938, et plus précisément le décret sur les Juifs étrangers du 7 septembre 1938, la décident à émigrer aux États-Unis. Arrivée dès octobre 1938, elle passe trois premières années sur la côte Est, donnant ici et là des cours dans différentes institutions, dont le musée des Beaux-Arts de Boston. En 1941, elle obtient grâce au soutien de la physicienne Hedwig Kohn (1887-1964), elle-même émigrée69, un poste temporaire au women’s college de l’université de Caroline du Nord, Greensboro, qui se transforme en poste permanent d’assistant professor à l’automne 1941. Le manque de ressources, financières et scientifiques, empêche toutefois l’archéologue de donner à ses recherches toute l’ampleur souhaitée.
52D’autres anciennes boursières en exil n’ont pas eu l’opportunité d’un accès à l’enseignement supérieur. La chimiste Gertrud Kornfeld, lauréate d’une bourse internationale en 1935, incarne à la fois, écrit Annette Vogt, « les succès et les frustrations des femmes scientifiques dans le monde universitaire au cours de la première moitié du xxe siècle70 ». Alors qu’elle était devenue la première femme enseignante chercheuse (Privat-Dozent) en chimie en Allemagne (université de Berlin, 1928), les lois nazies l’obligent à émigrer en Angleterre dès l’automne 1933. Une bourse de l’Academic Assistance Council lui permet de travailler à l’université de Birmingham et de continuer ses recherches en photochimie ; en 1934, la BFUW lui accorde la bourse résidentielle d’un an à Crosby Hall. Enchaînant avec une bourse internationale de l’AAUW, la chimiste séjourne entre 1935 et 1936 à l’institut de physique-chimie de l’université de Vienne, sous la direction du professeur Hermann Mark. Comme elle le précise dans sa candidature, « mon but ultime est d’obtenir à nouveau un poste qui me permettrait de poursuivre mes recherches et, si possible, de donner des cours71 ». Ce souhait s’avère cependant difficile à réaliser. Âgée de 45 ans et déjà bien établie dans son champ d’étude, Kornfeld peine à trouver un poste universitaire équivalent à celui qu’elle avait réussi à obtenir en Allemagne. Décidée à émigrer aux États-Unis, elle fait appel aux membres de l’AAUW pour être invitée dans une université américaine et obtenir ainsi un visa. Esther Caukin Brunauer, l’une des figures de l’AAUW les plus engagées auprès des diplômées en exil, lui écrit pour souligner les nombreuses difficultés relatives à sa demande :
« Comme vous le savez probablement, les bourses qui ont permis à de nombreux chercheurs allemands d’entrer dans ce pays arrivent à échéance cette année et se pose le problème d’essayer d’intégrer ces hommes et ces femmes dans les facultés régulières des institutions américaines. De plus, la fin des nominations dans certaines universités britanniques a mis une pression supplémentaire sur les universités de ce pays. Il y a également une forte demande de postes de la part des diplômés de nos propres écoles de formation et il commence à y avoir un certain ressentiment à l’égard de la nomination d’étrangers. Je ne sympathise pas du tout avec ce point de vue, bien sûr, mais je pense qu’il est juste de vous dire qu’il existe et qu’il pourrait réduire vos chances d’obtenir un emploi72. »
53La montée des attitudes xénophobes et antisémites au sein de la communauté universitaire américaine, à laquelle Esther Brunauer fait allusion, s’explique à la fois par le nombre important d’universitaires émigrés aux États-Unis avant 1940 (entre 1 100 et 1 500, toutes catégories confondues) et par les conséquences de la Grande Dépression sur le budget et les ressources des colleges et universités. Toutefois, comme le note Marjorie Lamberti, 77 % de ces réfugiés réussissent à obtenir un poste dans l’enseignement supérieur avant 1947, un score que cette historienne attribue notamment au rôle des organisations philanthropiques telles que la Fondation Rockefeller73. Gertrud Kornfeld signe finalement un contrat avec l’entreprise américaine Eastman Kodak Company, qui la fait entrer dans l’univers de la recherche appliquée. Le lien avec la recherche scientifique est pourtant loin d’être rompu, et en 1948 elle devient membre (fellow) de la New York Academy of Sciences, et fait partie des rares femmes à être citées par l’American Man of Science.
54De manière similaire, la radiologiste Marietta Blau, lauréate d’une bourse en 1932, a dû poursuivre ses recherches dans le domaine industriel. Comme le note Maria Rentetzi, l’Autrichienne cumulait deux handicaps en dépit de son avance pionnière dans le champ de la radioactivité : elle était à la fois femme et juive74. Elle bénéficie néanmoins du soutien d’Albert Einstein, émigré à Princeton, qui écrit en sa faveur en 1938 à Katryn McHale, directrice de l’AAUW, pour solliciter l’aide de la branche américaine. Einstein dit clairement les choses, en deux temps : Blau est juive et doit fuir l’Autriche de l’Anschluss ; et le monde de la recherche estime hautement ses travaux, dont il donne une rapide description.
Fig. 25. – Lettre d’Albert Einstein à Katryn McHall en soutien à Marietta Blau.

Source : Archives AAUW, Fellows’ Files : Marietta Blau.
55C’est Esther Brunauer qui lui répond : elle s’engage à faire tout ce qu’il est possible pour trouver une place pour Blau, mais souligne la faible marge de manœuvre dont bénéficie l’AAUW, contrairement à une organisation comme la Fondation Rockefeller. Dans la même lettre, elle demande à son tour l’aide d’Einstein en faveur de Lise Meitner, ancienne membre du comité d’attribution des bourses, qui cherche à émigrer aux États-Unis.
56En 1938, Blau séjourne d’abord à Oslo, grâce au soutien de sa collègue Ellen Gleditsch, ancienne présidente de la FIFDU, avant d’émigrer à Mexico. Toujours grâce au soutien d’Einstein, elle obtient un poste à la commission d’énergie atomique aux États-Unis en 1944, avant de devenir professeure associée à l’université de Miami. Mais son exclusion de la communauté scientifique autrichienne a conduit à son isolement au sein des physiciens. Et elle est par ailleurs un exemple bien connu de l’oubli des femmes en science : alors qu’en 1950 Cecil Powell s’est vu décerner le prix Nobel, après avoir utilisé la méthode qu’elle avait mise au point, elle n’a obtenu elle-même aucune reconnaissance75. Sa trajectoire, cependant, illustre l’importance des réseaux, informels et institutionnels, dans les carrières d’individus, et tout particulièrement ceux et celles forcés à l’exil.
57Outre l’octroi de subventions pour la recherche ou de bourses résidentielles comme celles qu’accorde la BFUW, les contacts personnels et les réseaux qui structurent la FIFDU ont en effet joué un rôle important dans l’aide apportée aux diplômées forcées de trouver refuge à l’étranger. Lors de son séjour aux États-Unis en tant que lauréate d’une bourse internationale de l’AAUW en 1931, l’archéologue Margaret Bieber a pu bien connaître la communauté intellectuelle et féminine américaine. Elle a noué notamment des liens amicaux forts avec Virginia Gildersleeve, doyenne du Barnard College et fondatrice de la FIFDU. Lorsque, deux années plus tard, elle cherche à émigrer aux États-Unis après la perte de son poste de professeure à l’université de Giessen, ces contacts s’avèrent cruciaux, Gildersleeve lui proposant une place au sein de l’équipe d’enseignants du Barnard College. Aux yeux de la doyenne, l’accueil des « réfugiés du régime d’Hitler en Allemagne » est non seulement un devoir mais aussi un atout pour les universités américaines, « l’érudition allemande ayant environ dix ans d’avance sur l’érudition américaine dans le domaine de l’histoire des beaux-arts76 ». Bien que le comité d’attribution des bourses refuse d’accorder à l’archéologue une seconde bourse, en raison de sa position universitaire déjà très avancée, elle finit par obtenir, après quelques années passées à Barnard, un poste à l’université de Columbia77. Le rôle joué par Gildersleeve dans la carrière de Bieber est souligné en tête du premier ouvrage que l’archéologue a publié en langue anglaise : « Au Barnard College et à son éminente doyenne, en remerciement », peut-on lire78.
⁂
58Face à l’épreuve des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale, l’identité des university women s’est retrouvée prise en tension entre des pôles difficilement conciliables. Les dirigeantes et adhérentes de la FIFDU ont dû réfléchir à leur identité d’internationalistes face à la montée des nationalismes, de femmes en possession active d’un métier dans une époque marquée par les réactions antiféministes et la volonté de faire rentrer la femme dans le foyer familial, mais aussi de scientifiques conviées par la violence de l’histoire à prendre des décisions de nature politique et sociale, voire éthique. À certains moments paroxystiques, les university women ont eu à arbitrer entre un devoir de type humanitaire (venir en aide aux scientifiques juives et réfugiées) et la volonté de rester en accord avec les principes fondateurs d’un programme de bourses fondé sur la seule excellence scientifique. Il y a eu là un énième signal de l’immixtion du totalitarisme européen dans chacun des domaines de l’activité humaine, et de la difficulté des ripostes, certes nullement inexistantes, que des hommes et ici des femmes ont tenté de mettre en œuvre.
Notes de bas de page
1Gildersleeve Virginia, Many a Good Crusade, op. cit., p. 149 : « The International Federation of University Women now entered upon a difficult period in its life. Financially the world was in the midst of a disastrous depression. There was tragic unemployment in the intellectual class. A strong antifeminist movement cut women off from opportunities for professional work which had seemed to belong to them. Politically the growth of the totalitarian states was to deprive us within a few years of our Italian, Portuguese, and German federations, which were ordered by their governments to dissolve. Spiritually we began to differ among ourselves. »
2Offen Karen, Les féminismes en Europe, op. cit., p. 331.
3Archive IFUW, inv. no 74 : Bulletins (Bluebooks), 5th Conference, Genève, Suisse, 1929 (version française), p. 45.
4Archive IFUW, inv. no 77 : Bulletins (Bluebooks), 6th Conference, Édimbourg, 1932.
5Records of the BFUW, 5BFW- Scrapbook. Article paru dans le Time and Tide le 30 juillet 1932 : « There is an odd ring about the subject down for discussion by the International Federation of University Women at their Edinburgh meeting this week: “Does a university education fit the modern woman for life?” […]. It may be however, that the assembled representatives of university women are seizing the opportunity to express their opinion on the present tendency to reaction in the matter of women’s trades and callings. The tendency is widespread and confined to no one class or country. The Fascist and the Nazi insist that a woman’s duty is to keep out of politics and bear children – lots of children. In France, the Confédération Générale du Travail issues election posters ascribing unemployment to women’s work ; while legislators and government officials in many lands prevent them from earning good wages at certain trades by treating them as if they were invariably pregnant or suffering from chronic disease. If this is the meaning of their question, the university women have no lack of matter for discussion. »
6Bard Christine, « Le triomphe du familialisme », in id. (dir.), Un siècle d’antiféminisme, Paris, Fayard, 1999, p. 169-192.
7Rennes Juliette, Le mérite et la nature, op. cit., p. 329-335.
8Mouton Michelle, « From Adventure and Advancement to Derailment and Demotion: Effect of Nazi Gender Policy on Women’s Careers and Lives », Journal of Social History, no 4, 2010/43, p. 945. L’autrice cite Josef Goebbels, ministre de la Propagande : « to liberate women from women’s emancipation ».
9Bard Christine, « Le triomphe du familialisme », art. cité, p. 180.
10Records of the BFUW, 5BFW/04/20, « Sub-committee on employment of married women ». Lettre émanant de la direction de l’université de Liverpool à K. Johnston, secrétaire de la BFUW, 1er juin 1933 : « The matter has not been discussed by the Senate since its meeting on November 23rd, 1932, when the following resolution was passed: “That the appointment of women members of staff shall terminate on marriage”. »
11Ibid., « Notes on the marriage bar », document datant du 17 janvier 1933.
12Ibid., lettre de Miller à Johnston, 6 novembre 1933 : « We are still campaigning hard on this married women business, and we want the names of women (alive or dead!) who hold or have held distinguished academic posts while married. »
13Ibid., lettre d’Evelyn Burns à la secrétaire de la BFUW, 22 novembre 1933 : « For it seems to me that the danger of the attack on the married women earners cannot be overestimated or challenged forcibly enough. On all sides there is evidence that the present economic pressure is being used as an excuse for giving effect to an old prejudice thus again closing to women the non-too wide open doors of opportunities. The threat is particularly serious since it is occurring simultaneously in many countries and although the forces at work and the emotional appeal are somewhat different, the tragic position of women in Germany today may well become the fate of women elsewhere tomorrow. »
14Archives AAUW, Box 833 : IFUW, Council Budapest. « Report of the 19th Council Meeting, Budapest, 1934 », p. 28 : « The extent and effect of the Anti-Feminist Reaction against the employment of women, and especially against women engaged in intellectual work, occupied the attention of the Council very seriously. »
15Ibid. : « There was a growing tendency to deprive women of their employment, either on the ground of sex or marriage. »
16Records of the BFUW, 5BFW/05/02/18 : « Information received in reply to questionnaire concerning the Anti-Feminist Reaction circulated to National Associations by the Committee on the Legal and Economic Status of University Women in February 1934 », p. 6 (en français).
17Ibid., p. 9.
18Ibid., « Resolution passed by the Council of the IFUW », Budapest, 4 septembre 1934 (en français dans le texte).
19Ibid. (en français dans le texte).
20Records of the BFUW, 5BFW/05/02/18. « Status of Women. Memorandum presented by the International Federation of University Women to the Secretary-General of the League of Nations for submission to the Sixteenth Assembly (September 1935) ». Texte signé par Westerdijk et Bosanquet, p. 1-2 : « It is sometimes said that women are well qualified for administrative and organising work, but less gifted for original, independent labour in the high altitudes of the academic or scientific world. It is too early as yet to compile trustworthy statistics to combat this easy generalisation, for the proportion of women able to devote their energies to pure research is still small and only the future can produce the true measurement of their developed ability. But it is permissible to point out that even in this comparatively early period of more adequate opportunity women have done first class original work in many fields. In science, for instance, we may cite, in addition to the famous name of Madame Curie, the names of Dr. Florence Sabin, Professor Ellen Gleditsch, Professor Johanna Westerdijk, Professor Elisabeth Schiemann, Dr. Hariette Chick, Dr. G. Elles, as a few among many who have made valuable contributions to knowledge […]. Names of women distinguished for their learning and originality could be cited in many other fields – archaeology, anthropology, history, philology, philosophy, jurisprudence, economics. In practical field work, the planning and supervising of important excavations, women such as Miss G. Caton Thompson, Dr. Hanna Rydh and Dr. Dorothy Garrod have been remarkably successful, thus disproving in a simple and effective manner the hoary theory of women’s inability to control and organise male labourers. »
21Von Oertzen Christine, « Whose World? Internationalism, Nationalism », art. cité.
22Ibid., p. 285.
23Les cofondatrices et présidentes de la FIFDU se sont engagées dans l’effort de guerre pendant le premier conflit mondial, face à l’Allemagne, et les premiers rapprochements entre l’association américaine et la fédération britannique visent avant tout à promouvoir les échanges universitaires et culturels entre les femmes du monde anglo-saxon.
24Billig Michael, Banal Nationalism, Londres, Sage, 1995.
25Laqua Daniel, « Internationalisme ou affirmation de la nation ? La coopération intellectuelle transnationale dans l’entre-deux-guerres », Critique Internationale, no 52, 2011/3, p. 63.
26Ibid., p. 51.
27Harrison E. Carol et Johnson Ann, « Introduction: Science and National Identity », Osiris, no 1 : « National Identity: the Role of Science and Technology », 2009/24, p. 1-14.
28Laqua Daniel, « Internationalisme ou affirmation de la nation ? », art. cité, p. 59.
29Archive IFUW, inv. no 135 : 4th IFUW Conference, Amsterdam, 1926 : Publication (Publishing-cy : De Spiegel, Amsterdam), p. 48-49 (en français dans le texte).
30Offen Karen, Les féminismes en Europe, op. cit., p. 377-378.
31Batho Edith, A Lamp of Friendship, op. cit., p. 14.
32Von Oertzen Christine, Science, Gender and Internationalism, op. cit., p. 99.
33Ibid., p. 99-102.
34Records of the BFUW, 5BFW/05/02/18, « The constitution of the German Federation. Confidential, April 1934 », par Theodora Bosanquet, p. 1-2. « To unite university women of German origin and language for the work of organizing the life of German women and “artgemässer” culture in the National-Socialist State […]. Membership of the Association is open to all university women of German origin and language […]. »
35Ibid., « Delegates’ Agenda no 4, 1939 », p. 1 : « The purpose of this organisation shall be to promote understanding and friendship between the university women of the nations of the world, irrespective of their race, religion, or political opinions, and thereby to further their interests and develop between their countries sympathy and mutual helpfulness. »
36Ibid., « Membership shall be open to National Federations or Associations of University Women whose aims are consistent with those of the International Federation of University Women, and which are approved by the Council […]. No Federation or Association shall be admitted or retained as a member of the International Federation of University Women which debars qualified university women from membership by reason of their race, religion or political opinions. »
37Records of the BFUW, 5FUW/05/29, « Discussion on Amendment of the Constitution (art. 1 and II), Council Meeting Stockholm 1939 », p. 4.
38Ibid., p. 5. « Dr Grassi was not herself a Fascist, but she never had a difficulty, because she was a personal friend of Mussolini’s family. Dr Grassi thought the fact that our Federation was not in any way connected with politics or creed or race would help her to continue her education work in Italy. »
39Article 3 du décret du 11 avril 1933, précisant la loi sur la restauration de la fonction publique. Voir Stackelberg Roderick et Winkle A. Sally, The Nazi Germany Sourcebook, New York, Routledge, 2002, p. 151-152 : « A person is to be considered as non-Aryan who is descended from non-Aryans, especially Jewish parents or grand-parents. This principle obtains especially if one parent or grand-parent was of Jewish faith. »
40Gemelli Giuliana, « Introduction. Scholars in Adversity and Science Policies (1933-1945) », in id. (dir.), The “Unacceptables”. American Foundations and Refugees Scholars between the Two Wars and After, Bruxelles, Peter Lang, Presses interuniversitaires européennes, 2000, p. 13-34.
41Bonfante Larissa, « Margarete Bieber », art. cité, p. 250.
42Byers Nina, « Emmy Noether », in Nina Byers et Gary Williams (dir.), Out of the Shadows: Contributions of 20th Century Women to Physics, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 83-96.
43Zimmerman David, « The Society for the Protection of Science and Learning and the Politicization of British Science in the 1930s », Minerva, 2006/44, p. 25-45.
44Ibid., p. 29.
45Gemelli Giuliana, « Introduction. Scholars in Adversity and Science Policies », art. cité, p. 18-19.
46Ibid., p. 23.
47Von Oertzen Christine, Science, Gender and Internationalism, op. cit., p. 129.
48Ibid., p. 139 : « I cannot describe what it meant to me and other refugees when we were allowed to stay there, after the persecution and hatred that we had undergone in “Greater Germany”. In Crosby Hall we were not only tolerated but welcomed, and we found an atmosphere of kindness and understanding which assured us that there was another world outside Nazi Germany in which we might be allowed to live freely, and perhaps happily. I feel sure that everyone who stayed in Crosby Hall felt that atmosphere, from whichever part of the world she came. »
49Archive IFUW, inv. no 569-575 : Special Committee for the Emergency Assistance of University Women. 1938-1949.
50Von Oertzen Christine, Science, Gender and Internationalism, op. cit., p. 151.
51Archive IFUW, inv. no 80 : Bulletins (Bluebooks), 8th Conference, Stockholm, 1939, p. 50.
52Pour l’organisation de l’assistance aux university women réfugiées, voir le chapitre « Networks in Action: Assistance to Refugees », in Christine von Oertzen, Science, Gender and Internationalism, op. cit., p. 127-149.
53Cazals Rémy, Lettres de réfugiées. Le réseau de Borieblanque. Des étrangères dans la France de Vichy, Paris, Tallandier, 2003.
54Archive IFUW, inv. no 494 : Committee for the Award of International Fellowships, Minutes, 1934, p. 9.
55Ibid., p. 66 : « Two candidates of German nationality, Rosenau and Modrze, while they both appeared to be very good scholars, were over the age limit and it was felt that since there were other candidates of equal or greater ability competing there was no reason for trading them as exceptional cases. »
56Ibid., p. 68.
57Archive IFUW, inv. no 494 : Committee for the Award of International Fellowships, Minutes, 1934, p. 71 : « Reported to be a first class and really original botanist […]. But not fellowship would advance her position which was already very high indeed in the scientific world. »
58Cette organisation, créée en 1933 et siégeant à Genève, a fonctionné jusqu’en 1936.
59Archives AAUW, Fellows’ files, Box 440, « Jastrow, Elizabeth ». Extrait de la lettre de M. Ginsberg à M. Wooley, 23 décembre 1933 : « I have enquired of various personalities who are in a position to judge of the scientific value of her work, and all, without exception, were full of praise for her. She is also a very charming personality. If one adds to her objective qualifications the fact that she has lost all chances of advancement in Germany because of her Jewish origin (she is a Protestant by faith), it does seem to me that her selection for this fellowship would be an extremely apposite one. »
60Ibid. Lettre de E. Chodge à Miss Wick, 29 novembre 1933 : « Dr Jastrow, being a Jew, is probably not open to any assistance from Germany or from German learned societies. Although the fellowship was given to a German last year, it would seem to me particularly appropriate and certainly should be most encouraging to German scholars if the AAUW was to give a helping hand at this particular time. »
61Archive IFUW, inv. no 494 : Committee for the Award of International Fellowships, Minutes, 1934, p. 72.
62Ibid., p. 72-73 : « A letter from the British Federation, drawing the attention of the Committee to the difficulty of unlimited competition for fellowships by German scholars of high university rank, who were inevitably better qualified than the younger women for whom the fellowships were originally intended was considered. It was agreed that for the information of candidates a note should be added to the regulations for the fellowships in the following terms: “The Fellowships are not intended for persons who have already attained positions of professorial standing in the universities. Awards in favour of persons of this standing will only be made under exceptional circumstances”. »
63Ibid., Minutes, 1935, p. 77 : « While there was no doubt as to Dr. Bieber’s excellent qualifications and high standard of work, it was agreed that her age (55) was over the limit, and that a Fellowship, although it would assist her to carry on her very interesting research work, would not be likely to lead to any advance in her career. She had, in fact, already attained the position for which these Fellowships were intended to pave the way. »
64Ibid., p. 80 : « As a woman I would never have been appointed to a chair in Germany. In England I achieved less, but nevertheless I found a niche, a permanent post in a first-class institute and I became known in the scientific circle of my subject. I didn’t earn very much. I earned less that in Germany; but I was not interested in money. »
65Gemelli Giuliana, « Introduction. Scholars in Adversity and Science Policies », art. cité, p. 13.
66Ibid.
67Von Oertzen Christine, Science, Gender and Internationalism, op. cit., p. 155.
68Ibid., p. 172-173.
69En 1934, Hedwig Kohn avait postulé à la bourse AAUW Crusade mais n’avait pas été retenue bien que son dossier ait été recommandé par Lise Meitner.
70Vogt B. Annette, « Gertrud Kornfeld (1891-1955) », in Jewish Women. A Comprehensive Historical Encyclopedia, 2011, [http://jwa.org/encyclopedia/article/kornfeld-gertrud], consulté le 4 octobre 2024.
71Archives AAUW, Fellows’ files, Box 442, « Kornfeld, Gertrud ». Formulaire de candidature, 1934 : « My ultimate purpose is to obtain a position again which would enable me to carry on research and, if possible, lecturing. »
72Ibid. Extrait de la lettre d’Esther Caukin Brunauer à Gertrud Kornfeld, 8 juin 1936 : « As you probably know the grants under which many German scholars were brought to this country are expiring this year and there is the problem of trying to absorb these men and women into the regular faculties of the American institutions. Moreover the expiration of the appointments in some of the British universities has put an added strain on the universities in this country. There is also a great demand for positions from the graduates of our own training schools and there is beginning to be some resentment about the appointment of foreigners. I do not at all sympathize with this point of view, of course, but I do think it is only fair to tell you that it does exist and might reduce your chances of getting a job. »
73Lamberti Marjorie, « The Reception of Refugee Scholars from Nazi Germany in America: Philanthropy and Social Change in Higher Education », Jewish Social Studies, New Series, no 3, 2006/12, p. 157-192.
74Rentetzi Maria, « Marietta Blau, 1894-1970 », Jewish Women: A Comprehensive Historical Encyclopedia, [https://jwa.org/encyclopedia/article/blau-marietta], consulté le 4 octobre 2024.
75Rentetzi Maria, « Marietta Blau », art. cité.
76Gildersleeve Virginia, Many a Good Crusade, op. cit., p. 81-82.
77Archive IFUW, inv. no 494 : Committee for the Award of International Fellowships, Minutes, 1935, p. 77.
78Bieber Margaret, The History of the Greek and Roman Theater, Princeton, Princeton University Press, 1961.

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