Chapitre 2. L’insertion, un espace de gestion de l’inemployabilité
p. 69-98
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1Liées à l’avènement d’un modèle de société se désirant d’entreprise, la fragilisation des plus démunis, l’invention de l’inemployable, trouvent également leur source dans les présupposés d’un mode de traitement social du non-emploi qui ont progressivement permis, ainsi que le suggèrent l’avènement d’une vision économiciste et la consécration de la thématique de l’exclusion, de penser la condition des sans-emploi en termes d’inemployabilité, de limiter leurs possibles sociaux et professionnels aux formes d’activités les plus marginales et les plus précaires, voire à la marginalisation définitive du marché du travail et, in fine, de penser leur existence en termes de non-appartenance.
DU RECLASSEMENT PROFESSIONNEL…
L’insertion, un espace éducatif alternatif au système scolaire
2La conception éducative qui anime l’ambition d’insertion est en effet corrélative d’un mode d’analyse qui situe l’absence d’emploi dans l’inadaptation d’un système éducatif jugé incapable d’offrir un emploi aux personnes qu’il forme et une main-d’œuvre qualifiée aux milieux économiques. La forte proportion de jeunes sans formation parmi les demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE, le déséquilibre global persistant entre les niveaux de formation et les besoins de l’économie, ainsi que les décalages entre les spécialités préparées par la formation initiale et celles requises par le marché du travail sont les critiques régulièrement faites à l’école, tant par les « experts » invités à participer aux travaux du commissariat général du plan ou à évaluer les politiques publiques, que par les élus. Tel est le cas, en 1980, du député UDF et enseignant F. Perrut qui attribue le chômage des jeunes à un déséquilibre global entre les niveaux de formation et les besoins de l’économie1. Le député communiste et professeur, J. Brunhes, partage ce point de vue lorsqu’il impute le chômage des jeunes au cloisonnement de l’école par rapport à son environnement et par rapport aux évolutions économiques et sociales2. Aussi, l’exposé des motifs de la circulaire n° 566 du 8 février 1982 et n° 82-9565 (1505) du 14 avril 1982 avance-t-il la part importante de jeunes « lancés dans la vie sans une formation suffisante, sans la qualification qui leur permettrait de trouver l’insertion professionnelle et l’insertion sociale auxquelles ils aspirent3 » pour motiver l’action des pouvoirs publics.
3Jugé inadapté aux besoins économiques, le système scolaire est aussi considéré inapproprié aux besoins des élèves au point de conduire un élu à assimiler les jeunes concernés par le chômage à des « blessés de la formation initiale4 ». La présence de jeunes peu qualifiés sur le marché du travail est référée à l’incapacité du système éducatif à maintenir en son sein les catégories d’élèves les plus difficiles, les moins qualifiés, préférant opter dès l’âge de fin de scolarité obligatoire, voire avant, pour une vie professionnelle et s’exposer ainsi au chômage. On peut citer à ce sujet A. Gissinger (député RPR) lorsqu’il précise qu’un grand nombre de jeunes mal à l’aise dans le système éducatif normal quittent prématurément le système scolaire sans formation ou avec une formation incomplète5. Le rapport Schwartz fait une analyse très voisine lorsqu’il associe, entre autres, le chômage des jeunes à une interruption prématurée de la scolarité qui laisse les intéressés sans formation professionnelle ni générale6. Le rapport préparatoire à la loi sur les formations alternées de 1980 voit, quant à lui, dans la marginalisation professionnelle des jeunes, le reflet d’une marginalisation scolaire qui compromet les chances d’une première insertion professionnelle et qui génère un dégoût durable de tout ce qui rappelle l’expérience scolaire7.
4La création des dispositifs dits d’insertion repose donc sur un modèle d’analyse associant le non-emploi à un problème éducatif avant de l’identifier à un problème économique8. Il incombe au cadre institutionnel de gestion du non-emploi de pallier les dysfonctionnements de l’institution scolaire. À la logique programmatique de l’école, les missions locales et les permanences d’accueil d’information et d’orientation (PAIO) doivent opposer des pratiques individualisées s’appuyant sur une pédagogie par objectifs personnalisée, adaptée aux rythmes individuels d’acquisition des connaissances et évaluant constamment les méthodes et les résultats. La circulaire du 2 juin 1982 met en garde les structures d’insertion contre toute reproduction des formes d’organisation scolaire ; elle insiste sur la nécessité de promouvoir des formules pédagogiques adaptées et diversifiées prenant en charge les jeunes tels qu’ils sont à partir de l’analyse de leurs besoins et de leurs aspirations. Contrairement à l’école, l’organisation pédagogique doit s’appuyer sur les potentialités des jeunes et non sur leurs lacunes : lorsque le jeune relève d’un stage d’orientation ou d’un stage d’insertion sociale, il est recommandé de dédramatiser l’échec scolaire qu’il a connu.
5À la coupure de l’école vis-à-vis des milieux économiques, le cadre institutionnel de gestion du non-emploi a charge d’opposer une démarche pédagogique s’appuyant sur les situations de travail et cheminant du pratique au théorique9. L’offre de formation recourt au principe de l’alternance10 pour construire le processus et le contenu de formation à partir des indications concrètes proposées par les entreprises et articuler la formation avec les exigences des postes ou des situations de travail. Aussi, les stages, à l’image des stages d’insertion11 et d’orientation collective créés en 1982, du stage d’insertion à la vie professionnelle12 institué en 1983, organisent-ils le positionnement professionnel des publics ciblés et le processus qualifiant qui leur est proposé autour de l’immersion en entreprise. Les contrats de qualification et d’adaptation institués par l’accord interprofessionnel du 26 octobre 1983, puis complété par les lois du 24 février 1984 et du 3 janvier 1985, et plus généralement, les contrats de formation en alternance, structurent, quant à eux, le processus de qualification autour de l’emploi ou du poste à pourvoir13.
6Au cloisonnement de l’institution scolaire vis-à-vis de la cité, les missions locales et les PAIO doivent opposer une ouverture sur l’environnement. Il leur appartient de favoriser les rencontres entre les diverses institutions concernées par le chômage des jeunes (ANPE, CIO, GRETA, CIJ, AFPA,…) et de mener un travail d’animation locale susceptible de promouvoir un appareil de formation mobilisant l’ensemble des acteurs susceptibles d’être impliqués14. Il leur est demandé de regrouper, dans leurs conseils d’administration, l’ensemble des agents concernés par la formation et l’accès à l’emploi (élus, organismes publics, représentants des administrations intéressés, partenaires sociaux, centres d’information jeunesse, foyers de jeunes travailleurs, clubs de prévention et associations spécialisées, organismes HLM) et de constituer des équipes pluridisciplinaires comprenant des personnels de l’ANPE, de l’AFPA, de l’éducation nationale.
7Le cadre institutionnel de prise en charge des jeunes, puis ultérieurement des adultes, est avant tout apparenté à une sphère éducative proposant une forme d’alternance complémentaire à celle proposée par le système scolaire et universitaire. Véritable interface entre le milieu scolaire et l’entreprise, il lui incombe de relier les besoins des entreprises en matière de qualification et de main-d’œuvre et les attentes et les besoins des sans-emploi. Les dispositifs successivement mis en place se déclinent sous forme d’actions d’insertion sociale, d’orientation approfondie et de formations alternées en vue d’engendrer un processus alliant chronologiquement, selon la distance qui sépare les populations ciblées de l’emploi, apprentissage et réapprentissage des gestes et des habitudes sociales de base et des savoirs professionnels ou techniques. Les stages et les contrats de réinsertion en alternance institués par la loi du 10 juillet 1987 relative au chômage de longue durée15 ambitionnent, ainsi que le précise P. Séguin, alors ministre de l’Emploi et des Affaires sociales de remettre à niveau des connaissances des populations ciblées, mettre à jour leurs compétences, élargir leur qualification, voire les réentraîner à l’emploi et à la recherche de l’emploi16.
L’insertion, un instrument de modernisation au service de l’économie
8Liée aux schèmes d’interprétation du non-emploi, la conception éducative dérive sans doute aussi d’une réorganisation de la formation professionnelle. Celle-ci est en effet apparentée à « une des seules issues aux problèmes économiques17 » rencontrés par la France et apparaît comme l’instrument idéal de modernisation de la société française. La généralisation de l’alternance doit contribuer à la rénovation du système éducatif18 en l’incitant à intégrer plus ouvertement et de manière plus affirmée les préoccupations des milieux économiques et le devenir de leurs élèves. Le développement de l’alternance recherché par B. Schwartz doit rendre l’école plus égalitaire en l’incitant à se focaliser sur les potentialités et les réussites des élèves et non sur leurs incapacités et leurs impossibilités19.
9En 1986, le dispositif Catala (du nom du Ministre en charge du dossier) convie les établissements scolaires à travailler avec les entreprises au repérage et à la construction de profils d’emploi adaptés aux besoins des milieux économiques ; il les incite aussi à coopérer avec les organisations professionnelles et les chambres consulaires pour la prospection des entreprises et le développement de l’alternance ; il invite enfin les écoles à « préparer la sortie comme on prépare la rentrée20 » et à « éduquer le jeune qui suit une formation scolaire, à l’insertion, en le préparant à faire des choix professionnels, en le responsabilisant face à ses choix en matière d’orientation et en l’incitant (notamment lorsqu’il s’agit des jeunes filles) à diversifier les choix professionnels21 ».
10La politique de l’emploi et la politique de développement économique étant reliées à une politique de formation professionnelle22, la généralisation de l’alternance doit aussi renforcer la compétitivité et la réactivité des milieux économiques et, ce faisant, contribuer à la modernisation d’un appareil de production jugé archaïque. La formation professionnelle comme l’alternance sont apparentées à des exigences imposées par les mutations technologiques et organisationnelles des lieux de production, mutations qui font du changement un enjeu stratégique. Vu comme atout économique et social23, le principe de l’alternance doit aussi impliquer les entreprises dans le système éducatif afin que celles-ci disposent de salariés capables d’appliquer leurs acquis scolaires dans la sphère professionnelle et de collaborer ainsi activement aux changements techniques et organisationnels. En effet, selon B. Schwartz, l’alternance introduit au sein de l’entreprise des modes d’organisation du travail centrés sur l’innovation et la responsabilisation des salariés24. Ce point de vue est partagé par certains élus à l’exemple du député UDF et enseignant, F. Perrut, qui réfère l’alternance à l’obligation d’innovation permanente à laquelle sont confrontées les industries modernes, obligation qui fait de l’adaptation au changement une donnée permanente25.
11Outil de qualification de la main-d’œuvre, instrument de modernisation, elle est aussi un outil d’accompagnement du processus de modernisation. Pour B. Schwartz, les inégalités face à l’éducation et au savoir qui frappent les jeunes sont non seulement injustes et génératrices d’inégalités face à l’emploi, mais aussi une entrave à toute modernisation de l’économie. Aussi, l’alternance doit-elle concourir à ancrer dans la société, selon des principes égalitaires, une période de la vie, la jeunesse, dont la marginalisation s’étend désormais, et ceci de manière de plus en plus affirmée, à la sphère de l’emploi. Son plan d’action se propose à cet effet d’offrir des possibilités d’accès aux savoirs, et donc à l’emploi, aux jeunes professionnellement marginalisés, socialement défavorisés, maîtrisant mal les apprentissages formels ainsi que les approches trop théoriques26. Destinée à rapprocher les jeunes de la société et la société des jeunes, la formation professionnelle doit aussi contrecarrer le rejet croissant du marché du travail d’une main-d’œuvre physiquement apte à exercer une activité tout en gérant sa disponibilité. Pour J. -P. Soisson, la formation professionnelle a désormais « un rôle essentiel dans la gestion active et constructive de la disponibilité des personnes sans-emploi27 ». Tel est l’objectif qui lui est donné par la circulaire DE/DFP n° 87/1 du 14 avril 1987 publiée par le ministère des Affaires Sociales et de l’Emploi lorsqu’elle identifie les mesures à l’attention des sans-emploi (notamment des chômeurs de longue durée ou en difficulté) à des mesures d’accompagnement financées sur fonds publics nécessitées par la libération de l’économie. Tel est aussi l’objectif imputé par P. Séguin lorsqu’il justifie, en 1987, l’extension des actions de formation et de qualification par le fait qu’un chômeur de longue durée écarté de l’entreprise « est une ressource humaine qui se dévalorise, des capacités qui s’étiolent, un capital personnel qui se détériore. C’est une perte pour l’individu, pour l’entreprise et pour la société28 ». Outil d’accompagnement du processus de modernisation de l’économie, la formation professionnelle est devenue, plus que jamais, un outil de gestion de la population active chargé d’ancrer dans la société les populations socialement et professionnellement marginalisées par une compétitivité croissante de l’appareil de production. Loin d’être préférentiellement un instrument de modernisation de l’appareil de production réservé aux salariés, elle se veut une garantie contre le chômage des jeunes et prévient le risque de déperdition de main-d’œuvre et s’adresse à ce titre à ceux qui sont en marge de la sphère professionnelle.
12La perspective éducative est sans doute symptomatique d’une nouvelle stratégie à l’égard du non-emploi. Cette stratégie entend générer des formes solidaires s’appuyant, comme le précise explicitement un député, sur le travail, la formation professionnelle et non sur l’assistance29. Elle doit permettre aux sans-emploi de mettre à profit leur période d’inactivité pour acquérir les savoirs et compétences nécessaires à leur reclassement professionnel et aux entreprises de trouver, le moment venu, les profils de main-d’œuvre recherchés. Les travaux d’utilité collective créés en 1984 doivent enrayer le processus de déqualification sociale généré par le désœuvrement en donnant aux populations concernées la possibilité d’exercer une activité à mi-temps susceptible de conférer une expérience professionnelle et une formation sur le tas. L’allocation formation reclassement (AFR) créée en 1988 permet, quant à elle, aux bénéficiaires de l’allocation de base de suivre une action de formation de nature à favoriser leur reclassement. Comme le précise ce député socialiste à propos de l’allocation formation reclassement,
« Le but de ce nouveau dispositif est clair. Comme la rémunération des stagiaires demandeurs d’emploi est d’un montant identique à celui de l’indemnisation des chômeurs, ce dispositif a pour objet d’inciter le régime d’assurance chômage à augmenter le nombre des chômeurs en formation et donc d’inciter à la formation. Et puisque la rémunération des stagiaires, pour partie à la charge de l’État, se substitue alors dans ce nouveau système à celle des chômeurs assurés par le système d’assurance chômage, celui-ci a l’intérêt de mettre en formation le plus grand nombre de chômeurs possible.30 »
13S’affirme ainsi un nouveau mode de traitement social qui fait de la qualification professionnelle l’élément moteur du processus de revalidation des personnes en quête d’emploi et qui substitue une conception active du non-emploi à la vision passive centrée sur une perspective compensatoire.
14Ce nouveau mode de traitement social du non-emploi consacre donc un espace de formation des adultes complémentaire à celui qui s’était organisé autour de la formation continue des salariés. La formation professionnelle déborde désormais le cadre de l’entreprise pour s’adresser à ceux qui en avaient été écartés ou ne pouvaient y accéder ; elle est à présent ouverte à toutes les catégories d’actifs et considère tant l’insertion professionnelle des jeunes, que la formation des demandeurs d’emploi, la formation continue des salariés. À la différence de ce dernier type de formation, l’espace de formation institué par les nouveaux dispositifs n’est pas géré (pas encore du moins) par les entreprises mais par les pouvoirs publics et s’adresse en premier lieu aux populations en marge de toute activité salariée. Il ne prétend pas garantir la création d’un emploi ou la distribution d’emplois existants, cela étant du domaine exclusif des entreprises comme le précise J. -P. Soisson lorsqu’il affirme que la généralisation de la formation professionnelle ne saurait à elle seule garantir un emploi. L’entreprise étant, selon lui, la seule à connaître la réalité du lien qui unit l’emploi et la formation, elle est également la seule à pouvoir déterminer les besoins en formation en regard des caractéristiques des postes de travail et de ses perspectives d’évolution et, corrélativement à garantir l’emploi31. Ce nouvel espace de formation entend en revanche conférer à l’acquisition d’une qualification pendant la période de chômage une dimension sociale qui permet de raccourcir l’inactivité, la rend plus acceptable, et qui offre des réponses temporaires aux interrogations des personnes en quête d’un emploi.
… À LA RÉAFFILIATION SOCIALE
L’insertion, un outil de réhabilitation sociale
15La signification sociale de la notion d’insertion a radicalement changé à partir de la fin des années quatre-vingt. Le phénomène de paupérisation généré par le chômage de masse, la précarisation du travail, l’allongement de la durée du chômage a relié la question de l’accès à l’emploi aux mécanismes de solidarité constitutifs des rapports entre les individus. Aussi, l’insertion n’est-elle plus synonyme de lutte contre le chômage. Elle est rattachée à la notion d’exclusion et devient un outil de cohésion sociale bien plus qu’un instrument de qualification. Elle cible les populations dont l’accès à l’emploi est entravé par des difficultés sociales (allocataires du RMI, chômeurs de longue, voire de très longue durée, personnes sans domicile fixe) avant de résulter d’un manque de qualification. L’action des pouvoirs publics place la santé, le dénuement matériel, l’absence de logement au cœur des dispositifs (73,9 % des circulaires ayant cette thématique pour objet ont été publiées après 1988). Elle s’attache surtout à étayer l’utilité sociale des dispositifs en créant par exemple l’appui social individualisé qui cible les populations n’accédant à aucun réseau d’accueil, ni à un circuit spécifique ou encore les comités locaux pour le logement autonome des jeunes (CLLAJ) créés par la loi Besson pour lutter contre le phénomène d’errance chez les jeunes32. La loi du 29 juillet 1992 portant réforme du RMI rapproche, quant à elle, l’aide médicale des dispositions de l’assurance maladie33. Les actions de santé en direction des jeunes initiés en 1985 connaissent une montée en puissance importante puisque leur nombre a triplé : alors que 12820 jeunes ont bénéficié d’une visite médicale entre 1985 et 1986, ils sont 38000 à en avoir disposée entre 1988 et 198934 ; en 1990, 85 projets ont été soutenus dans 45 départements pour un coût total de 1 750 000 F. D’une manière générale, les sommes allouées en matière de santé ont connu une forte progression puisque les dépenses d’aide médicale sont passées de 2770, 7 milliards de francs en 1985 à 4030 milliards de francs en 199035.
16La réhabilitation sociale n’est plus un appendice destiné aux populations les plus marginales. Elle fait désormais partie intégrante de la dynamique d’insertion et est à ce titre une composante pleine et entière des politiques.
17La loi du 29 juillet 1992 érige au rang d’actions d’insertion toutes les activités à même de mobiliser l’individu, de le responsabiliser et de contribuer à sa resocialisation, qu’elles soient de loisirs, culturelles ou sportives, qu’elles soient liées à l’accès au logement ou à l’amélioration de l’habitat ou qu’elles contribuent à la sauvegarde et à l’amélioration de l’état de santé ; les centres d’hébergement et de réadaptation sociale deviennent des centres d’hébergement et de réinsertion sociale : la circulaire n° 91-19 du 14 mai 1991 leur confère une mission d’insertion leur enjoignant d’adapter leurs pratiques aux besoins des populations hébergées, d’inscrire leur action en complémentarité avec celle menée par d’autres partenaires et de contribuer au développement d’une politique de prévention et d’accompagnement des personnes à la sortie des CHRS en liaison avec les travailleurs sociaux. L’accord cadre pour l’habitat des jeunes apparente, quant à lui, les foyers de jeunes travailleurs à un outil de développement local devant pleinement contribuer à la définition et à la mise en œuvre de parcours d’insertion.
18Par ailleurs, l’insertion n’est plus connectée à une pédagogie reliant étroitement l’institution scolaire, un cadre institutionnel de prise en charge du non-emploi (missions locales, organismes de formation), les organismes de placement et de formation de la main-d’œuvre (ANPE, AFPA) et les entreprises en vue de qualifier les populations ciblées : l’alternance. Celle-ci est désormais, et avec elle, le lien entre l’emploi et la formation, synonyme de mise au travail et au contact direct avec le milieu du travail, avant d’être rapportée à une perspective pédagogique conjuguant alternativement théorie et pratique. La circulaire DFP/DE n° 91/14 du 22 juillet 1991 relative à la mise en œuvre du crédit formation individualisé suggère que soit privilégiée la mise en situation de travail des jeunes sans expérience professionnelle ou peu motivés, estimant qu’il s’agit là d’un moyen plus efficace qu’une action de formation36. La formation cède le pas à la généralisation de nouvelles formes de contrat de travail. Selon le tableau ci-après, la part de l’emploi marchand, qu’il soit aidé ou non, est inversement proportionnelle à celle des actions de formation. Par ailleurs, les actions de formation baissent de moitié entre 1990 et 1995 pour n’atteindre plus que 15 %, à l’inverse de l’emploi marchand aidé qui progresse de 6 % durant la même période.
Tableau n° 4 : Les politiques de l’emploi entre 1990 et 1995 : évolution des flux d’entrée (en milliers)

Source : P. Cabanes, La loi quinquennale relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, rapport d’évaluation, Paris, La Documentation française, 1997, p. 37
19La distribution des mesures au sein du secteur de l’emploi marchand aidé prête à un constat similaire : à la différence des contrats d’apprentissage et des contrats d’insertion en alternance dont la part décroît entre 1990 et 1995, le poids des contrats aidés augmente sensiblement puisque la proportion des contrats de retour à l’emploi passe de 15,8 % à 25,8 % entre 1990 et 1995. La proportion d’emplois marchands non aidés (contrats emploi solidarité et contrats emploi consolidés) progresse, quant à elle, de 8 % durant la même période. Autant d’évolutions apparentant l’alternance à une activité de substitution et non à un processus de qualification mené conjointement par la sphère éducative et la sphère économique. Le travail d’insertion prend ainsi résolument ses distances vis-à-vis de la logique qualifiante puisque l’exercice d’une activité professionnelle est devenu en soi la composante essentielle du retour ou de l’accès à l’emploi.
Une logique qualifiante en crise
20Ces évolutions attestent d’une crise de légitimité de la logique éducative initialement retenue par les pouvoirs publics. La perception des stages a en effet profondément évolué en l’espace d’une décennie : s’il est admis qu’ils préviennent les processus de désocialisation engendrés par le désœuvrement, ils apparaissent peu adaptés à une réduction en profondeur d’un non-emploi. Le rapport de B. Fragonard préconise une insertion dans l’emploi en lieu et place des stages qu’il nomme de pseudo-formation37. Il est vrai que les critiques à l’égard des dispositifs fusent et rappellent étrangement celles faites au début des années quatre-vingt à l’institution scolaire. À l’image du système éducatif, ils apparaissent incapables de répondre aux attentes et aux préoccupations des populations accueillies. Le rapport d’évaluation des dispositifs publié par la commission relations sociales et emploi présidée par M. Aubry trouve l’offre de formation trop standardisée pour répondre à la diversité des demandes et être appropriée aux particularités des publics conjuguant un déficit scolaire important et des problèmes d’ordre personnel ou de socialisation. D’après un élu, trop de jeunes sont contraints de suivre des formations ne correspondant ni à leurs capacités ni à leurs goûts38. Le rapport du Sénat considère les modalités d’application de la démarche contractuelle des plus déresponsabilisantes (contrairement à l’objectif recherché). Il juge les structures d’insertion plus préoccupées par les critères d’habilitation des comités locaux d’insertion que par les projets des populations accueillies39.
21À l’image des critiques faites au système éducatif, le manque d’efficacité des dispositifs est unanimement pointé. De nombreux rapports jugent très aléatoire l’insertion des populations : le rapport d’évaluation du RMI estime à 44 % la proportion de bénéficiaires ayant quitté le dispositif de manière durable et observe que plus du tiers de ces personnes sont orientées vers d’autres prestations sociales, notamment celles qui les « retirent » du marché du travail40. L’évaluation du crédit formation individualisé trouve les abandons trop nombreux, juge le taux d’accès à la phase qualifiante (tout comme le nombre de parcours validés) et les débouchés sur l’emploi insuffisants. Elle considère enfin le dispositif inadapté aux populations les plus éloignées de la logique qualifiante41.
22Le cloisonnement entre la sphère de l’insertion et celle de l’économie est aussi largement évoqué. Selon la commission d’évaluation du RMI, les modalités d’intervention privilégient le soutien aux personnes par rapport à l’action sur l’offre d’insertion42 au risque de multiplier des contrats d’insertion de faible contenu et de fragiliser les intéressés. Les blocages institutionnels et les insuffisances partenariales rendent l’offre de formation proposée par le CFI inadaptée aux besoins des entreprises et des contextes locaux43. La territorialisation de ce dispositif a par ailleurs superposé des zones de formation aux zones d’action sociale préexistantes. Elle a renforcé le poids des enjeux politiques et administratifs locaux au détriment des réalités économiques et sociales contribuant ainsi à renforcer le manque de coordination entre les différentes instances décisionnelles au lieu de les supprimer44.
23Enfin, tout comme l’institution scolaire une décennie plus tôt, les dispositifs semblent éloignés des enjeux et des défis qui se présentent. Le travail social est jugé peu préparé à répondre aux exigences qu’imposent des difficultés enracinées dans l’exclusion économique45. La députée RPR, R. Bachelot, impute les difficultés de mise en œuvre du RMI à une insuffisante formation des travailleurs sociaux lorsqu’elle incrimine l’incapacité des agents œuvrant à l’insertion des sans-emploi à répondre à leurs demandes, à s’insérer dans une équipe pluridisciplinaire et à assurer son rôle de tuteur ou d’accompagnateur46. Les formateurs, les correspondants des missions locales sont peu familiarisés avec les mécanismes régissant le fonctionnement des entreprises, avec la réalité des métiers auxquels sont formés les publics et sont peu préparés à contextualiser leurs pratiques. Pour la commission « cohésion sociale et emploi », présidée par B. Fragonard, le décalage entre les pratiques dominantes dans le secteur de l’action sociale et les orientations développées par les politiques sociales génère une profonde crise auprès des intervenants sociaux : crise organisationnelle liée au décalage entre une sectorisation de la polyvalence en circonscription d’action sociale et en secteurs sociaux et les processus de territorialisation initiés dans le cadre des dispositifs ; crise d’ordre professionnel qui résulte de la mise à mal du modèle psycho-éducatif par l’affirmation de modèles d’action faisant de l’interinstitutionnalité, de l’individualisation, de la contextualisation ses maîtres mots. Qu’elles soient organisationnelle, institutionnelle ou professionnelle, ces crises placent, selon cette commission, ceux que l’on nomme les travailleurs sociaux devant un ensemble de difficultés qui génèrent un sentiment de disqualification47.
24La fragilisation de la logique éducative est aussi liée à une évolution des profils des populations accueillies par les dispositifs. Ces derniers ne s’adressent plus prioritairement aux populations les moins qualifiées : alors qu’ils ne représentaient que 2,7 % de la population accueillie en 1990, les jeunes de niveau IV et plus composent 9,2 % de la population concernée trois ans plus tard. À l’inverse, le public de niveau VI diminue de 47,9 % en 1990 à 26,8 % en 1993. Un constat similaire peut être effectué à propos des actions d’insertion et de formation (AIF) instituées en 1990 à l’adresse des demandeurs d’emploi de plus de 25 ans au chômage de longue durée, aux chômeurs de plus de 50 ans et aux allocataires du RMI. Alors que le public de niveau VI passe de 31,3 % en 1990 à 25,9 % en 1993, celui de niveau IV et plus suit une progression inverse : représentant 16,3 % de la population accueillie en 1990, cette proportion atteint 20,1 % 3 ans plus tard.
Tableau n° 5 : Répartition des publics CFI et AIF accueillis entre 1990 et 1993 selon le niveau de qualification

Source : G. Osbert, F. Jeger : « Le dispositif CFI jeunes, bilan et évaluation (1989-1993) », in DARES Bilan de la politique de l’emploi en 1993, op. cit., p. 153.
A. M. Vespa, « Les actions d’insertion et de formation, bilan 1990-1993 », in DARES Bilan de la politique de l’emploi en 1993, op. cit., p. 171.
25En revanche, les publics se caractérisant par leurs difficultés sociales sont plus fortement représentés que par le passé. D’après le rapport d’évaluation de l’ENA consacré au CFI, 39 % des jeunes reçus par les correspondants sont confrontés à de graves difficultés liées à la santé (14 %), au manque de ressources (12 % ont des parents ayant des difficultés financières) ou encore aux ruptures familiales engendrées par le décès ou le divorce des parents (9 %). Ce même rapport observe que seuls 28 % des demandeurs d’emploi de longue durée bénéficient de l’allocation de base. A contrario, ils sont 32 % à ne pas être indemnisés ou à être allocataires RMI, suggérant ainsi qu’il s’agit là de populations ayant avant tout des difficultés sociales. D’autre part, les professionnels sont nombreux à mettre l’accent sur l’importance grandissante des difficultés économiques et sociales dans le travail d’insertion : à titre indicatif, en 1996, 3 501 jeunes, soit 45,6 % de la population totale accueillie par la mission locale de Strasbourg, ont introduit des demandes d’aides en matière de santé, logement, ressources etc.48. Le rapport Chassériaud estime, quant à lui, à environ 1400000 les personnes en situation de grande difficulté sociale dont le devenir social reste problématique par rapport aux modèles d’insertion et qui composent les « noyaux durs » des différents dispositifs d’insertion49.
26La distance à l’emploi des sans-emploi semble donc à présent relever d’une conjonction de difficultés professionnelles, économiques et sociales rendant plus aléatoire, lorsqu’il n’apparaît pas improbable, leur accès à un emploi dit traditionnel avant de résulter d’un manque de formation. Le problème social qui fonde l’intervention des pouvoirs publics s’en trouve requalifié : alors qu’au début des années quatre-vingt, les publics ciblés par les dispositifs se composaient, pour l’essentiel, de jeunes exposés au chômage par manque de qualification, une attention toute particulière est portée à présent aux différentes catégories de populations pour lesquelles l’espoir du retour ou de l’accès à l’emploi s’est amenuisé au point d’être inexistant.
27Cette crise de légitimité de la perspective éducative est d’autant plus forte que les schèmes dominants d’interprétation du chômage remettent en cause les logiques d’intervention sociale existantes. L’espérance du début des années quatre-vingt a fait place à un climat d’incertitude, de désarroi, voire d’angoisse, vis-à-vis d’un modèle de société dont les contours apparaissent inconnus et où tout porte à croire qu’il ne s’accommode que difficilement (et de manière très sélective) des systèmes de régulation sociale de la société salariale et dont on pressent qu’il ne peut qu’être porteur d’incertitudes et de fragilités pour une part croissante de la société. Nombreux sont les élus et les experts à souhaiter une dérégulation sociale, considérant la croissance économique incapable à elle seule de résorber le chômage : le rapport Fragonard, déjà cité, estime que l’évolution du système productif, comme l’amélioration de son efficacité ne suffisent pas à prémunir contre le chômage de longue durée et ses conséquences. Le sénateur M. Blin impute, quant à lui, (partageant en cela le point de vue défendu par J. Boissonat et A. Minc) le chômage aux rigidités de la législation sociale qu’il s’agisse des charges sociales ou des contraintes du droit du travail50. Par ailleurs, de nombreuses analyses, à l’instar de celle menée par le groupe « emploi » du commissariat général du plan, imputent la croissance du chômage à un déficit d’emplois (notamment lié à une économie trop peu créatrice d’emplois dans le secteur des services) et à la prédominance des dépenses passives dans le traitement social du chômage51. Elles invitent à privilégier une gestion active du chômage, fondée sur la création d’emplois et de nouvelles activités par rapport aux modes de gestion s’appuyant sur la généralisation de la formation professionnelle. Ce modèle d’analyse oppose radicalement les nouvelles formes de rationalisation industrielle à celles qui préexistaient : il rejette toute forme de rigidité et exige souplesse et flexibilité là où prévalait un système de régulation associant étroitement progrès social et progrès économique, exigence formulée de la manière suivante par cet élu lorsqu’il affirme que « la protection du travail tue le travail52.»
28Aussi, les formules privilégiant l’indemnisation directe ou la formation des sans-emploi (dont l’inactivité apparaît de moins en moins temporaire) cèdent-elles la place au financement d’activités génératrices d’emplois, soutenant la création d’entreprise, les alternatives au salariat, les initiatives locales en faveur de l’emploi ainsi qu’un assouplissement des modes de gestion de travail internes aux entreprises. Pour le sénateur non inscrit, H. Durand-Chastel, « toutes les mesures d’aide à la création d’entreprises pour les chômeurs, à l’essaimage et à la reprise d’établissements par des salariés vont dans le sens d’un encouragement à l’emploi plutôt qu’au chômage53 ». Telle est également la signification de l’amendement introduit par les députés qui souhaitent créer une indemnisation compensatrice en faveur des chômeurs qui accepteraient un emploi pour une rémunération inférieure au montant de leurs indemnités chômage. Enfin, selon M. Blin, la persistance du non-emploi résulte d’un système préférant masquer le chômage en privilégiant les stages de formation, les formules des préretraites ou l’indemnisation des chômeurs aux mesures actives centrées sur le développement de l’emploi54.
29La logique prévalente à la fin des années quatre-vingt est fort distincte de celle qui spécifiait la conception éducative : le traitement social ambitionné entend susciter la prise d’initiatives et encourager la création d’activité là où la perspective éducative s’attachait à optimiser les possibilités d’insertion professionnelle de celles et ceux qui se trouvaient en marge de l’emploi en élevant leur niveau de qualification. Il souhaite contribuer à la modernisation d’une société qui se veut plus flexible en favorisant l’initiative économique55, la créativité, la diversité, en renforçant les qualités individuelles, là où la perspective éducative entendait moderniser les entreprises en généralisant la formation professionnelle, le principe de l’alternance et en impliquant les lieux de production dans le processus éducatif.
30Le poids décroissant des actions de formation au profit de nouvelles formes de contrats de travail, le soutien à la création d’entreprise et aux services dits de proximité révèlent une profonde réorientation de la stratégie poursuivie par le législateur en matière d’insertion. Alors qu’au début des années quatre-vingt, celui-ci s’attachait à développer une offre de formation destinée à optimiser les possibilités d’accès à l’emploi salarial, il privilégie à présent la généralisation d’alternatives au salariat adaptées aux particularités et aux besoins des publics plus ou moins ouvertement et plus ou moins définitivement marginalisés par les stratégies de recrutement des entreprises56.
L’insertion, un espace générateur d’activité économique
31Aussi, avant d’être qualifiante, l’insertion est-elle, au cours des années quatre-vingt-dix, économique. Les pouvoirs publics préfèrent générer de l’activité économique, y compris d’utilité sociale, et encourager la création d’emploi ou l’exercice d’une activité, fut-elle précaire. Les exonérations de charges sociales augmentent notoirement : elles concernent 21,5 % des demandeurs d’emploi en 1990 alors que cette proportion n’était que de 18,4 % l’année précédente. Leurs objectifs se sont aussi diversifiés : instrument de défense de l’emploi par un allégement du coût du travail, les exonérations de charges sociales sont aussi un outil majeur de réinsertion des populations les plus fragilisées. Elles sont de plus en plus présentes dans le secteur non marchand (si elles ne représentaient que 12 % des mesures composant le dispositif d’exonération des charges sociales en 1987, leur poids atteint 22 % en 1990) alors qu’elles décroissent dans le secteur marchand dont la part des exonérations est passée de 37 % en 1987 à 33 % en 1990. Enfin, les initiatives de formation sont, elles aussi, de plus en plus couplées avec les exonérations : relativement délaissé depuis le début des années quatre-vingt, ce type d’exonération connaît un net regain d’intérêt à la fin des années quatre-vingt, son poids ayant triplé entre 1987 et 1992.
Tableau n° 6 : Évolution du dispositif d’exonération des charges sociales dans la politique de l’emploi

Source : V. Delahaye (sous la direction de), Politiques de lutte contre le chômage et l’exclusion et mutations de l’action sociale, op. cit., p. 58
32La demande de service et l’aide directe à la création d’entreprise sont renforcées. Le dispositif d’incitation à la création d’emplois familiaux institué par la loi du 31 décembre 1991 relative à la formation professionnelle et à l’emploi pousse les particuliers à recourir à des services à domicile (activités ménagères, la garde d’enfants, le soutien scolaire à domicile, l’aide à une personne âgée ou handicapée, etc.) en simplifiant les procédures d’embauche, en renforçant leur solvabilité, en impliquant les réseaux associatifs57. La baisse sensible des créations d’entreprises observable dans la seconde moitié des années quatre-vingt a été enrayée : s’élevant à 44070 en 1990, le nombre de bénéficiaires de l’aide aux chômeurs créateurs d’entreprises (ACCRE) est passé à 53 550 en 1993. Les 49 000 entreprises qu’ils ont créées représentent 22,4 % du total des entreprises immatriculées en 199358.
33L’insertion par l’économique perd son caractère expérimental pour devenir le principe structurant la prise en charge des sans-emploi. La loi du 3 janvier 1991 reconnaît légalement les entreprises d’insertion, définit les possibilités de soutien de l’État nécessaires à leur viabilité et à leur pérennisation et la circulaire du 31 mars 1989 fixe leur cadre juridique. Elle transforme le contrat d’insertion en un contrat de travail relevant de la politique de l’emploi afin de supprimer les difficultés posées par le problème légal du motif d’embauche, le respect du « délai de carence » ou encore l’indemnisation de précarité à l’issue du contrat. Elle facilite le recours à des conseils spécialisés sur le plan juridique, financier et commercial et permet d’optimiser les modes d’organisation des structures d’insertion par l’économique. Le plan emploi de septembre 1990 crée un fonds de garantie des emprunts, leur permettant de disposer de fonds de roulement et de fonds indispensables aux investissements. Enfin, le champ des employeurs susceptibles de bénéficier du soutien de l’État est élargi à des entrepreneurs de travail temporaire : ces entreprises relèvent de l’initiative privée ou résultent de l’action de collectivités publiques ou d’organismes bénéficiant de ressources publiques et se distinguent ainsi des associations intermédiaires. Les missions d’intérim sont couplées à des actions de suivi et d’accompagnement social et professionnel et les salariés peuvent accéder à des actions de formation durant les périodes non travaillées.
34À deux doigts d’être abandonnée entre 1986 et 1988, l’insertion par l’économique prend donc un essor considérable au début des années quatre-vingt-dix. Le nombre d’entreprises d’insertion a plus que doublé entre 1990 et 1993 : alors que 207 étaient en activité à la fin de l’année 1990, le chiffre a été porté à 557 en 1993.
Tableau n° 7 : Les entreprises d’insertion de 1990 à 1993

Source : DARES, in J. Villalard, « Les entreprises d’insertion en 1993 », in Bilan de la politique de l’emploi en 1993, cahier travail et emploi, Paris, La Documentation française, oct. 1994, p. 113
35La part des publics en insertion accueillis par ces structures est de plus en plus importante : le nombre de contrats signés a plus que doublé (en passant de 6460 à 16271) et le nombre de salariés accueillis a plus que triplé : alors qu’elles n’accueillaient que 1604 personnes en 1990, elles en concernent 5592 trois ans plus tard. Les associations intermédiaires connaissent, elles aussi, un succès croissant : au nombre de 849 en 1990, on en dénombre 1 002 trois ans plus tard. Le nombre moyen de personnes mises à disposition a presque doublé durant cette même période, puisqu’il est passé de 25488 à 46418, ce qui représente l’équivalent de 13455 emplois à temps plein.
Tableau n° 8 : Évolution de l’activité des associations intermédiaires

Source : Roza Cealis, « Les associations intermédiaires en 1993 » in Bilan de la politique de l’emploi en 1993, Cahier travail et emploi, Paris, La Documentation française, oct. 1994, p. 122.
36S’affirme donc un cadre institutionnel59 ayant, à la différence des missions locales ou des organismes de formation, une vocation économique explicite puisque ses ressources sont largement dépendantes de la viabilité de l’activité générée par les structures d’insertion, par l’économique qui le composent. Il lui revient d’investir des domaines économiques délaissés par le secteur marchand, de stimuler les initiatives économiques, de repérer des opportunités économiques locales et de les couvrir. Les associations intermédiaires effectuent des activités délaissées par les entreprises du secteur marchand et réalisent pour les collectivités locales, les établissements publics ou les mouvements associatifs, des activités généralement exercées informellement ou trop occasionnelles, voire trop fractionnées (petites réparations) pour être rentables.
37Désireux de marier l’économique et le social dans le lieu même de la production de la richesse (et non plus à l’échelle macro-économique), ce nouveau cadre institutionnel fait, plus que jamais, du travail le pivot de la démarche d’insertion. Pour M. Aubry, c’est autour de l’intégration dans la communauté de travail, l’obéissance à une norme supérieure, socialisante, structurante de l’individu, que l’économique et le social se rejoignent et que peuvent être surmontées leurs contradictions fondamentales60. Au-delà de la définition d’un projet professionnel « réaliste », le passage par une structure d’insertion par l’économique doit lier développement économique, exercice d’une activité professionnelle et processus de qualification sociale et professionnelle. Le travail d’accompagnement est référé aux exigences et aux impératifs de production. Le travail d’inculcation ou de réinculcation de ces propriétés comportementales indispensables à l’accès à l’emploi « classique » (comme à une formation) que sont la ponctualité, la politesse, le respect hiérarchique, la collégialité, le respect de ses engagements, le respect de l’outil de production s’organisent autour des exigences et des contraintes imposées par les situations de travail. Il ne s’agit plus, comme ce fut le cas jusqu’alors, pour les publics concernés du moins, de former pour insérer, mais de structurer les possibilités d’identification sociale et de projection professionnelle autour de la mise au travail. La formation, si elle n’est pas secondaire, devient seconde : il s’agit en premier lieu d’inscrire les intéressés dans une pratique économique qui, inéluctablement, va leur permettre d’acquérir des savoir-faire et savoir-être renforçant leur compétence professionnelle et leur « employabilité ». Ainsi, les structures d’insertion par l’économique réduisent-elles le plus souvent la formation des salariés en insertion (lorsqu’elle existe) à l’apprentissage de gestes professionnels et de comportements occasionnés par la situation de travail, à des remises à niveau élémentaires ou encore à une ouverture sur les questions de la vie sociale.
38Une logique économiciste s’impose donc à partir des années quatre-vingt-dix61. Cette logique prend ses distances vis-à-vis de la logique de sas qui avait présidé à l’avènement des dispositifs. Elle privilégie la création et le développement d’activités économiques appropriées aux populations les plus marginalisées sur le marché de l’emploi par rapport à l’accès à l’emploi salarié, là où la perspective éducative entendait moderniser les entreprises en généralisant la formation professionnelle. Décriés comme des formes dévalorisées et dévalorisantes d’activités durant la première moitié des années quatre-vingt, les emplois dits de proximité, tout comme l’ensemble des initiatives tournées autour des gisements d’emplois, sont dorénavant des opportunités palliant la pénurie d’emploi, contrecarrant les aléas et les dysfonctionnements récurrents du cadre institutionnel institué par le plan d’action de B. Schwartz et les dispositifs successifs tout en permettant aux populations ciblées d’exercer une activité professionnelle correspondant à des besoins économiques et sociaux non couverts et socialement et professionnellement qualifiante.
L’insertion, un instrument de réaffiliation
39Mais cette vision économiciste de l’insertion témoigne peut-être surtout de la consécration d’un espace spécifique à la gestion de « l’inemployabilité ». En appréhendant et en interprétant les bouleversements sociaux à l’aide du langage de l’exclusion62, en érigeant cette thématique au rang de question sociale, les pouvoirs publics n’ont pas seulement imposé une vision duale du corps social. Ils ont aussi, et peut-être surtout, accrédité l’idée qu’il était désormais des sans-emploi dont la situation résultait d’une sélection « naturelle » inhérente à une économie compétitive et à des dispositifs de formation professionnelle devant être performants. Le langage de l’exclusion a consacré une conception « darwinienne » de l’organisation sociale distinguant les populations susceptibles de bénéficier de la libéralisation de l’économie de celles qui en sont définitivement évincées parce qu’incapables de s’adapter aux choix économiques et sociaux63. Il a substitué à la certitude d’une société possiblement moins inégale du début des années quatre-vingt, la conviction d’une société duale par devoir économique. Pour J. Le Garrec, l’exclusion est le prix d’une implacable mais nécessaire modernité qui condamne à une marginalisation définitive ceux qui n’ont pu ou su s’adapter à la civilisation industrielle et à ses mutations technologiques64. Instrument de cohésion sociale censé prévenir le risque de dualisation à l’origine, le RMI en a perdu toute force d’interpellation sociale. Pour nombre d’élus, il se résume à un moyen d’assistance maintenant les allocataires aux limites d’une « quasi mort sociale » selon l’expression du rapporteur D. Jacquat. Ce même D. Jacquat juge d’ailleurs illusoire de vouloir imposer aux plus éloignés de l’emploi un parcours d’insertion professionnelle, une exigence d’insertion, dont le prévisible échec en fait de « l’acharnement social65 ».
40Naguère instruments de lutte contre d’inacceptables inégalités ou de prévention d’un risque de « dualisation » de la société, les dispositifs d’insertion sont à présent un instrument de régulation propre à cette nouvelle catégorie de sans-emploi qu’est « l’inemployable », celui qui ne peut prétendre aux biens et aux propriétés de la société salariale. L’image du sas réarmant les publics en vue de leur retour à l’emploi, retenue au début des années quatre-vingt pour spécifier les dispositifs, a été remplacée par celle de la « voiture balai66 » gérant les conséquences de « l’inemployabilité ». L’adaptation à l’emploi n’est plus la mission première des dispositifs. Il leur appartient d’être un instrument de « réaffiliation sociale » établissant, maintenant, et surtout rétablissant des liens sociaux remis en cause67.
41Avant d’illustrer une dynamique de reclassement professionnel assise sur un processus de qualification professionnelle et sociale de populations plus ou moins éloignées du marché de l’emploi, l’ambition d’insertion décrit un espace spécifique à la gestion des populations jugées irrémédiablement marginalisées au sein duquel peuvent être pensés, de manière relativement indépendante de l’emploi salarié, la condition sociale et le mode d’appartenance sociale et professionnelle des plus démunis. Les diverses mesures et les multiples dispositifs créés tout au long des années quatre-vingt (et ultérieurement) ont progressivement généré un espace autonome chargé de la gestion de « l’inemployabilité » et de ses conséquences, composé d’un ensemble de structures et de réseaux garantissant une prise en charge continue des populations jugées « inemployables ». Les missions locales, les organismes de formation, les structures d’insertion par l’économique constituent une filière spécialisée dans la gestion de « l’inemployabilité ». Ils autorisent une continuité des institutions, constituent des passerelles entre les divers dispositifs et mesures existants, permettent des modalités d’intervention adaptées en permanence à la diversité des besoins et des attentes, offrent des formules variées allant de la mesure qualifiante à la formule « occupationnelle » lorsque la participation à la vie sociale et professionnelle de la société salariale des intéressés est compromise. Ils permettent de penser de manière relativement indépendante de l’emploi salarié la condition sociale des populations ciblées.
42Ces dernières y trouvent un espace professionnel qui leur est spécifique. L’enchaînement des diverses mesures, leur hiérarchisation, offre des possibilités « d’évolution de carrière » qui, bien que particulières, n’en apparaissent pas moins bien souvent réelles aux yeux des professionnels et des intéressés. La multiplicité des structures, la diversité des passerelles, la pléthore de formules offrent des possibilités de progression et d’évolution professionnelle. Le bénéficiaire d’une formule de socialisation par le travail peut envisager de gravir les échelons dans la hiérarchie des mesures et des dispositifs et accéder à une formation qualifiante ; les personnes accédant à une formule de stage peuvent prétendre parvenir à un contrat qualifiant et, pourquoi pas, à un contrat de qualification désormais révélateur d’une insertion durable dans l’emploi. La généralisation des contrats de travail dits particuliers, leur introduction progressive dans le droit du travail a bien sûr élargi la qualité de salariés aux populations marginalisées sur le marché de la formation en alternance, celles qui, selon R. Courteau, passent à travers les « mailles des filets de sécurité que sont la formation en alternance et les stages de formation68 ». Elle rapproche en cela les plus démunis de la société à défaut de rapprocher la société des plus démunis : ces derniers y trouvent des opportunités statutaires qui, tout en dérogeant de la figure traditionnelle du salarié, génèrent des identités sociales basées sur les principes de l’utilité sociale, confèrent des revenus sur la base du SMIG et, plus généralement une forme de protection contre les aléas des mesures occupationnelles et des activités socialement utiles. Elle affirme des principes d’appartenance et offre des schèmes identificatoires communs comme le précise J. -L. Mélenchon lorsqu’il affirme que la substitution du contrat emploi solidarité à la formule du travail d’utilité collective rétablit une relation contractuelle structurante entre les intéressés et la société69. Les intéressés sont eux-mêmes nombreux à associer le contrat d’insertion à un contrat de travail et à identifier leur présence au sein des structures d’insertion à une activité professionnelle attestant de leur utilité sociale et de leur existence professionnelle70. Il est vrai que, souvent, leur biographie professionnelle se compose quasi exclusivement de stages de formation ou d’activités professionnelles exercées sous contrats particuliers et que l’emploi « traditionnel » est peu connu, parfois jugé utopique, voire peu souhaitable, car trop contraignant. Il est également vrai que la durée des contrats particuliers s’étant progressivement allongée, ils ont parfois pris l’allure d’une forme « durable » d’insertion71.
43Les « inemployables » y trouvent aussi un espace économique qui, bien qu’étant une composante à part entière du champ économique72, leur est propre. La généralisation de l’insertion par l’économique consacre un espace économique parallèle, désireux de combiner immersion dans la sphère marchande et production éthique, qui recrée les possibilités de contribution économique et sociale. L’activité économique générée par les structures d’insertion par l’économique se veut spécifique aux populations marginalisées sur le marché du travail et celui de la formation. Elle s’organise le plus souvent autour de ces « niches économiques » que sont le recyclage et l’exploitation des déchets, l’aménagement et l’entretien d’espaces verts, les services directs aux entreprises et aux particuliers73 et plus généralement le secteur des services qu’il s’agisse de services rendus aux particuliers, de travaux de manutention, des petits travaux, des tâches de nettoyage. Il s’agit là d’activités économiques, socialement utiles, ne requérant pas de qualification particulière, délaissées par manque de rentabilité par les entreprises qu’elles soient du secteur marchand ou non marchand et refusées par les populations à même de trouver un emploi salarial « traditionnel » parce que trop précaires et peu rémunératrices.
44Les « inemployables » y trouvent enfin un ensemble de droits spécifiques (droit à l’éducation institué par la loi du 10 juillet 1989, droit au logement consacré par la loi Besson, droit à l’insertion instauré par la loi du 1er décembre 1988, droit à une qualification et à une éducation tout au long de la vie institué par le Crédit Formation Individualisé) leur rendant les signes caractéristiques du « citoyen ». Ces droits ne garantissent bien sûr aucunement un logement, un emploi, une qualification ou une éducation socialement et professionnellement reconnues. Ils entendent en revanche affirmer que tout un chacun, y compris ceux fragilisés par le libéralisme des choix économiques et politiques, dispose des mêmes perspectives sociales. Ils désirent restaurer le principe de l’égalité des chances mis à mal par la fragilisation des schèmes d’appréhension et de gestion des inégalités existantes en rendant à nouveau accessibles tous ces biens sociaux que sont le logement, la qualification, l’emploi. Les inégalités d’accès à l’emploi par manque de qualification ne paraissent plus fatales puisqu’existe désormais un droit spécifique et, corrélativement, une offre de formation, donnant à tout individu la possibilité d’acquérir tout au long de sa vie une qualification professionnelle reconnue sur le marché du travail. Le droit à l’insertion veut reconnaître à tout individu en marge de l’emploi salarié les possibilités de la citoyenneté en garantissant l’exercice d’activités professionnelles socialement utiles ou l’inscription dans une dynamique sociale. Les diverses initiatives renforçant l’accès au logement souhaitent, quant à elles, restaurer l’égalité des chances en ce domaine en offrant à tout individu, indépendamment de sa condition sociale, des possibilités d’accès au logement, même s’il s’agit d’une formule précaire ou d’un logement dit d’insertion. Enfin, l’indexation des minima sociaux sur les prix, instituée par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, désire non seulement améliorer les conditions de vie des bénéficiaires des minima sociaux, mais aussi leur reconnaître le droit à un pouvoir d’achat.
45La certitude de l’avènement d’un nouveau modèle de société au sein de laquelle l’emploi est un privilège et le non-emploi une vitale nécessité, la conviction qu’il est désormais des populations irrémédiablement marginalisées ont placé la recherche d’espaces régulateurs devant rendre, même si c’est dans des conditions particulières, aux « inemployables », cette propriété sociale dont parle R. Castel74 et, plus généralement, les propriétés qui font le citoyen, au cœur de la légitimité des dispositifs. Ces derniers pallient les lacunes des systèmes de protection existants : ils codifient les interstices créés par l’effritement de la condition salariale. Ils proposent des schèmes identificatoires qui affirment des principes d’appartenance dans un contexte où ceux-ci ne vont plus de soi et sortent les populations en rupture de lien social de leur marginalité statutaire. Grâce à eux, les « surnuméraires » peuvent à nouveau être appréhendés comme des membres à part entière de la société, tant sur le plan économique que politique ou social. Qu’il soit au regard de l’emploi allocataire RMI, chômeur de très longue durée, sans domicile fixe, âgé de plus de 50 ans, etc., le stagiaire de la formation professionnelle, le titulaire d’un contrat aidé disposent des attributs du producteur : ils ont une activité à caractère économique rémunérée capitalisable, inscrite dans une dynamique sociale et liée à une démarche contractuelle. Ils ont aussi les signes caractéristiques du citoyen disposant, au même titre que n’importe quel individu, des mêmes biens sociaux que ceux détenus par les salariés « traditionnels » et ceci dans des conditions qui se veulent équivalentes.
46Ainsi considérées, les politiques de gestion du non-emploi ont sans doute permis d’appréhender l’insertion comme un espace autonome au sein duquel peuvent être pensés, de manière relativement indépendante de l’emploi salarié, la condition sociale et le mode d’appartenance sociale et professionnelle des plus démunis. Elles ont par là même contribué à imposer une vision « darwinienne » du monde social refusant à priori l’accès à l’emploi salarié traditionnel et légitimant ainsi l’existence « d’inemployables » qui, loin d’être « surnuméraires », contribuent activement au développement économique du pays et participent à la vie politique du pays, même s’ils sont en situation de quasi-emploi où prédominent la précarité et l’incertitude face au lendemain. Elles tendent à faire oublier qu’il existe désormais des individus ne disposant pas des mêmes droits que les salariés « traditionnels ». Elles taisent le fait que les droits spécifiques qui leur sont reconnus n’ont aucun caractère contraignant et ne sont nullement susceptibles de garantir ce qu’ils sont censés garantir, qu’il s’agisse de l’accès à un emploi, à une formation qualifiante ou à un logement. Elles dissimulent enfin qu’il existe dorénavant des catégories de salariés nulle part représentées au sein des organisations qui les emploient et à la merci des stratégies et des représentations qui entourent leur situation. On ne saurait en effet oublier que les intérêts des inemployables en insertion ne sont pas pris en considération par les salariés ou leurs représentants lors des négociations menées à l’échelle de l’entreprise ou du secteur75. Bref, force est d’admettre qu’en instituant un espace spécifique à la gestion de « l’inemployabilité », les politiques de gestion du non-emploi ont confiné les populations jugées « inemployables » dans un espace professionnel, économique et social spécifique les vulnérabilisant. Ils ont ainsi facilité l’avènement d’une société à vitesses multiples où coexistent désormais, au sein d’espaces plus ou moins autonomes et cloisonnés, des populations relevant de la sphère salariale, des publics relevant de la sphère de l’insertion et, enfin, des populations trop fragilisées et trop fragiles pour pouvoir prétendre accéder à l’une ou à l’autre. Il serait toutefois naïf de ne voir dans la consécration d’une société à vitesses multiples que la seule résultante d’une volonté politique tant elle dépend aussi du projet normatif poursuivi par le nouveau mode de traitement social du non-emploi.
Notes de bas de page
1 F. Perrut, Débats parlementaires de l’Assemblée Nationale, JO du 29 avril 1980, p. 790.
2 J. Bruhnes, Débats parlementaires de l’Assemblée Nationale, JO du 29 avril 1980, p. 805.
3 Ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982, in Bulletin de liaison de la formation professionnelle, numéro spécial, mesures pour les jeunes de 16 à 18 ans, ministère de la Formation Professionnelle, novembre 1982, p. 13.
4 P. Louvot, Débats parlementaires du Sénat, JO du 1er février 1984, p. 84. P. Louvot était à cette époque sénateur UREI, vétérinaire de profession.
5 A. Gissinger, Débats parlementaires de l’Assemblée Nationale, JO du 29 avril 1980, p. 813. A. Gissinger indique la profession de directeur d’école technique dans le Who’s who.
6 B. Schwartz, L’insertion professionnelle et sociale des jeunes, op. cit., p. 36-37.
7 J. Legendre, Rapport préparatoire à la loi sur les formations alternées, p. 7. J. Legendre était à cette époque Secrétaire d’État chargé de la Formation Professionnelle depuis 1977.
8 Le langage de la dette sociale que l’on retrouve dans les circulaires et l’identification du chômeur à un blessé de la formation initiale en sont révélateurs.
9 Ministère de la Formation Professionnelle, circulaire n° 82.9961 du 21 avril 1982.
10 Sur la notion d’alternance, cf. B. Schwartz, Moderniser sans exclure, Paris, Éd. La découverte, 1994, A. Bercowitz, Éducation et alternance, Paris, Edilig, 1982, D. Chartier, A l’aube des formations par alternances : histoire d’une pédagogie associative dans le monde agricole et rural, Paris, éd. universitaires, 1986, P. Bachelard, Apprentissage et pratiques d’alternance, Paris, l’Harmattan, 1994. On se référera aussi aux travaux de B. Charlot, notamment, La construction des politiques d’éducation et de formation, Paris, PUF, 1995.
11 Les stages d’insertion et les stages d’orientation collective approfondie créés en 1982 se proposaient d’amener les publics ciblés à se positionner par rapport à eux-mêmes et par rapport à leur environnement pour se doter d’un projet professionnel.
12 Le stage d’insertion à la vie professionnelle était un stage de découverte en entreprise s’adressant aux jeunes de 18 à 25 ans sans qualification et confrontés depuis plusieurs mois au chômage afin de développer l’aptitude au travail des stagiaires et de les initier à un métier en les exerçant en vraie grandeur.
13 Apparentés à des contrats de travail de type particulier gérés par les entreprises, ces contrats de formations en alternance ambitionnent un accès rapide à l’emploi : ils ciblent directement l’emploi à pourvoir ou le poste à occuper et organisent le processus et le contenu de formation autour des besoins personnels des bénéficiaires, compte tenu des exigences du poste. Ils mettent à cet effet le bénéficiaire en situation réelle tout au long de sa formation.
14 Circulaire n° 1671 du 9 avril 1982 (Premier ministre). En 1990, le réseau d’accueil se compose de 717 structures d’accueil soit 153 missions locales et 564 PAIO ; celui de l’insertion économique se compose de 1 000 associations intermédiaires et de 557 entreprises d’insertion à la fin de l’année 1993.
15 Les stages de réinsertion en alternance s’adressent aux personnes en graves difficultés de réinsertion depuis plus de deux ans, peu qualifiées, voire illettrées, en extrêmes difficultés d’intégration en entreprise. Ils ont à la fois pour but de leur offrir les éléments de formation indispensables à leur retour dans la vie active et de les aider à surmonter les conséquences qu’a pu entraîner la durée de privation d’emploi. Il s’agit de leur offrir la possibilité d’accéder à un véritable réapprentissage d’une vie sociale active et, par exemple, de se réaccoutumer à des situations concrètes de travail ou se familiariser avec des instruments de travail souvent d’un type nouveau, parfois même de se réhabituer aux contraintes de déplacement et au respect des horaires. Les contrats de réinsertion en alternance s’adressent aux chômeurs de longue durée adultes qui sont encore à la recherche active d’emploi, dont le manque de qualification, l’inadaptation de celle-ci, l’âge, ou la durée d’inactivité, ont accru les difficultés de réinsertion. À l’instar des contrats de qualification ou d’adaptation, ils associent formation et activité professionnelle pour accroître ou actualiser les connaissances professionnelles des intéressés, les adapter à de nouvelles techniques ou technologies et renforcer leur degré d’adéquation au poste occupé dans l’entreprise.
16 P. Séguin : débats parlementaires du Sénat, JO du 15 juin 1987, p. 1823.
17 C. Birraux, Débats parlementaires de l’Assemblée Nationale, JO du 29 avril 1980, p. 801.
18 Rappelons que les mesures mises en œuvre sont amenées à disparaître progressivement en fonction de la modernisation du système éducatif ou à ne s’adresser qu’à des populations résiduelles, celles qui sont les plus éloignées de l’emploi.
19 Ainsi, pour M. Rigout les mesures prises à l’attention des sans-emploi doivent faire en sorte que l’école soit « l’école de la réussite et non celle de l’échec », Débats parlementaires du sénat, JO du 1er février 1984, p. 99.
20 Ministère de l’Éducation Nationale, note de service n° 87-137 du 15 mai 1987.
21 Ministère de l’Éducation Nationale, note de service n° 87-137 du 15 mai 1987.
22 D’après l’INSEE, les dépenses liées à la Formation Professionnelle s’élevaient en 1997 à 139,9 milliards de francs alors qu’elles n’étaient que de 70 millions en 1972. Cf. INSEE, « La dépense de formation professionnelle en 1997 : une légère hausse », in Premières informations et premières synthèses, 99. 12-n° 48. 1.
23 H. Viron, Débats parlementaires du Sénat, JO du 1er février 1984, p. 90.
24 Sur l’approche de B. Schwartz on lira avec intérêt, B. Schwartz, L’éducation demain, Paris, Aubier, 1973. On lira avec intérêt les pages que F. Laot a consacré à Bertrand Schwartz et au « complexe de Nancy » (CUCES/INFA) où Bertrand Schwartz a forgé sa problématique. On peut aussi citer le chapitre que consacre Ph. Fritsch à la création d’un besoin en matière de formation in Ph. Fritsch, Le discours de l’éducation des adultes, un processus idéologique, Thèse, Université Paris VII, 1979.
25 F. Perrut, Débats parlementaires de l’Assemblée Nationale, JO du 29 avril 1980, p. 792.
26 B. Schwartz, L’insertion professionnelle et sociale des jeunes, Paris, La Documentation française, 1982.
27 J. -P. Soisson, J. -P. De Martel, B. Rémond, L’enjeu de la formation professionnelle, Paris, Fayard, 1986, p. 151.
28 P. Séguin, Débats parlementaires de l’Assemblée Nationale, JO du 21 mai 1987, p. 1438. P. Séguin était alors Ministre des Affaires Sociales et de l’Emploi.
29 J. Virapoullé, Débats parlementaires de l’Assemblée nationale, JO du 13 octobre 1989, p. 3570.
30 J.-P. Sueur, Débats parlementaires de l’Assemblée nationale, JO du 1er juillet 1988, p. 426.
31 J.-P. Soisson, J. -P. De Martel, B. Rémond, L’enjeu de la formation professionnelle, op. cit., p. 131.
32 Les comités locaux pour le logement autonome des jeunes cherchent à lutter contre l’errance les jeunes en les informant sur les conditions d’accès à un logement, leurs droits et leurs devoirs et en leur offrant des services techniques (allant du prêt à l’installation, à la caution et au prêt de matériel pour installation) favorisant leur autonomie sociale et, corrélativement, professionnelle.
33 Les bénéficiaires de l’aide médicale non assurés sociaux sont désormais affiliés obligatoirement à l’assurance personnelle ; les prestations, jusqu’alors laissées à l’appréciation des départements, sont référées au Code de la Sécurité Sociale et les tarifs minimums de remboursement sont alignés sur ceux des organismes de Sécurité Sociale. La définition des ayants droit étant la même que celle adoptée par la Sécurité Sociale, l’aide médicale est accessible à la famille et les droits sont ouverts pour une durée d’un an. Cette loi assouplit les conditions d’accès aux soins et offre une prise en charge totale ou partielle des soins aux bénéficiaires du RMI, aux jeunes de 17 à 25 ans et aux personnes dont les ressources sont inférieures à un barème.
34 Circulaire DFP n° 91/4 – DGS/17/2/B du 15 janvier 1991 relative à l’organisation des visites médicales des jeunes âgés de 16 à 25 ans bénéficiaires du crédit formation.
35 Cette progression s’est confirmée au début des années quatre-vingt-dix. Les dépenses d’aide médicale de la ville de Paris ont été multipliées par deux entre 1988 et 1992 : s’élevant à 179 millions de francs en 1988, elles se montent à 361 millions de francs 4 ans après.
36 Circulaire DFP/DE n° 91/14 du 22 juillet 1991, crédit formation individualisé : dispositions relatives aux parcours de formation des jeunes pour le second semestre 1991, in Bulletin de liaison de la formation professionnelle n° 91/07-08
37 B. Fragonard, Cohésion sociale et prévention de l’exclusion, Paris, La Documentation française, 1993, p. 44.
38 F. Perrut, Débats parlementaires de l’Assemblée Nationale, JO du 3 mai 1990, p. 1014.
39 Travaux préparatoires du Sénat, loi du 29 juillet 1992, rapport 440. Ce rapport estime à 55 % la proportion de contractants déresponsabilisés par manque de participation à l’élaboration du contrat d’insertion.
40 P. Vanlerenberghe, Le RMI, le pari de l’insertion, Paris, La Documentation française, Paris, 1992.
41 V. Delahaye (sous la direction de), Politiques de lutte contre le chômage et l’exclusion et mutations de l’action sociale, op. cit., p. 144.
42 Travaux préparatoires du Sénat, loi du 29 juillet 1992, rapport 440.
43 V. Delahaye (sous la direction de), Politiques de lutte contre le chômage et l’exclusion et mutations de l’action sociale, op. cit., p. 140.
44 V. Delahaye, (sous la direction de), Politiques de lutte contre le chômage et l’exclusion et mutations de l’action sociale, op. cit., p. 140-141.
45 Sur ce point cf. F. Bailleau, Le travail social et la crise, Paris, IRESCO, 1987. Cf aussi M. Autes, Travail social et pauvreté, Paris, Syros, 1992.
46 R. Bachelot, Débats parlementaires de l’Assemblée Nationale, JO du 9 juin 1992, p. 2107.
47 B. Fragonard, Cohésion sociale et prévention de l’exclusion, op. cit., p. 32-37.
48 Mission locale de Strasbourg, Rapport d’activités 1996, doc. ronéoté, p. 26.
49 C. Chasseriaud, La grande exclusion sociale, questions liées à l’insertion et au devenir des publics en grande difficulté sociale, Rapport au Ministre des Affaires Sociales de la Santé et de la Ville, novembre 1993, p. 29.
50 M. Blin, débats parlementaires du Sénat, JO du 2 novembre 1993.
51 B. Brunhes, Choisir l’emploi, Rapport du groupe emploi, commissariat général du plan, Paris, La Documentation française, 1993. Voir aussi, H. Guitton, Repenser le travail : chômage et salariat, Paris, Éd. universitaires, 1990.
52 M. Blin, Débats parlementaires du Sénat, JO du 2 novembre 1993, p. 3686. M. Blin est inscrit au groupe de l’Union Centriste. Il est le Président de ce groupe au Sénat depuis 1993.
53 H. Durand-Chastel, Débats parlementaires du Sénat, JO du 2 novembre 1993, p. 3685.
54 M. Blin, Débats parlementaires du Sénat, JO du 2 novembre 1993, p. 3686.
55 Cf. C. Nicole Drancourt, « L’idée de précarité revisitée », in Travail et Emploi, n° 52, 1992.
56 La crise de la logique qualifiante résulte sans doute aussi d’une évolution des profils des professionnels ayant investi ce nouvel espace de formation. Une analyse détaillée ferait sans doute apparaître une corrélation entre la remise en cause de la logique qualifiante et l’arrivée, à la tête de nombre de missions locales, d’agents de l’ANPE et, ultérieurement la création de structures d’insertion par l’économique par des salariés venant du secteur marchand.
57 À la fin de l’année 1993, 32000 personnes étaient salariées de telles associations (dont 85 % sous contrat à durée indéterminée) ; elles avaient effectué à 90 % des tâches ménagères ou d’aide et d’assistance aux personnes âgées. cf. S. Zilberman, « Les associations agréées de services aux personnes et les emplois familiaux », in Bilan de la politique de l’emploi en 1993, op. cit., p. 79-87.
58 Cette embellie est essentiellement due aux sans-emploi, notamment ceux de longue durée : individuelles dans 67,6 % des cas, les créations d’entreprises sont le fait de personnes à la recherche d’un emploi depuis plus de 6 mois dans 51 % des cas. Parmi elles, 28,3 % ont été à la quête d’un emploi pendant plus d’un an. Elles contribuent notablement au développement du secteur des services, puisqu’elles offrent dans un tiers des cas (32,2 %) des prestations de service aux particuliers ou aux entreprises. C. Charpail, X. Monchois, « Les aides à la création d’entreprises en 1993 », in Bilan de la politique de l’emploi en 1993, op. cit., p. 65-79.
59 Ce cadre institutionnel est coordonné et animé par le Conseil national de l’insertion par l’économique créé par décret le 11 mai 1991. Il était présidé par E. Alphandéry. Agrégé d’économie politique, docteur d’État en sciences économiques, E. Alphandéry est député UDF-CDS depuis 1977. Membre de la commission des finances de l’Assemblée Nationale entre 1979 et 1993, il fut ministre de l’Économie des Finances de 1993 à 1995.
60 M. Aubry, in M. Hatzfeld, H. Hatzfeld, N. Ringard, L’insertion par l’activité économique, préface de M. Aubry, Paris, Syros, 1993.
61 Cette logique consacre une nouvelle orientation idéologique qui a de nombreux défenseurs parmi les tenants de l’économie solidaire.
62 La consécration de cette conception duale est sans doute indissociable des nombreux ouvrages consacrés, en ce début des années quatre-vingt-dix à l’exclusion, aux « exclus », aux « disqualifiés » et dont les titres évoquent l’existence d’une société duale. S. Paugam, La disqualification sociale, Paris, PUF, 1991, F. Dubet, D. Lapeyronnie, Les quartiers d’exils, Paris, Le Seuil, 1992. S. Wuhl, Du chômage à l’exclusion, op. cit., J. Donzelot, Face à l’exclusion, op. cit. L’ouvrage de M. Xiberras a sans doute joué un rôle particulièrement important. Il lui donne un soubassement scientifique en réinterprétant les différentes approches sociologiques développées par les pères fondateurs de la sociologie à la lumière de la thématique de l’exclusion, thématique d’ailleurs liée à une commande politique destinée à alimenter le rapport du commissariat général du plan. M. Xiberras, Les théories de l’exclusion, op. cit.
63 L’évolution des titres des publications est assez éloquente à ce sujet. Le titre du rapport Oheix paru en 1981, était intitulé « Contre la précarité et la pauvreté. 60 propositions ». Le rapport Nasse, publié en 1992, ne traitait plus de la pauvreté, mais de l’exclusion et était intitulé « Exclus et exclusions. Connaître les populations, comprendre les processus » entérinant ainsi l’idée même d’exclusion. G. Oheix, Contre la précarité et la pauvreté. 60 propositions, Paris, Ministère de la Santé et de la Sécurité Sociale, février 1981. P. Nasse, Exclus et exclusions. Connaître les populations, comprendre les processus, Paris, La Documentation française, janvier 1992.
64 J. Le Garrec, Débats parlementaires de l’Assemblée nationale, JO du 9 juin 1992, p. 2096. « Nous mesurons ainsi le prix à payer pour assumer la formidable accélération des mutations technologiques de nos pays développés. La civilisation industrielle démontre son efficacité et son dynamisme mais, dans sa démarche inexorable, elle porte aussi l’empreinte de ce « talon de fer » dont parlait Jack London, car elle peut mener à l’exclusion de ceux qui, à un moment ou à un autre, pour des raisons complexes, n’ont pu s’adapter ».
65 D. Jacquat, Débats parlementaires de l’Assemblée Nationale, JO du 9 juin 1992, p. 2104-2105.
66 D. Jacquat, Débats parlementaires de l’Assemblée Nationale, JO du 9 juin 1992, p. 2104-2105.
67 Nous faisons bien sûr ici référence au concept de désaffiliation proposé par R. Castel. Cf. R. Castel, « De l’indigence à l’exclusion : la désaffiliation » in Face à l’exclusion, le modèle français, Esprit, 1991.
68 R. Courteau, Débats parlementaires du Sénat, JO du 17 novembre 1989, p. 3422. R. Courteau était inscrit au Sénat au groupe socialiste.
69 J. -L. Mélenchon, Débats parlementaires du Sénat, JO du 17 novembre 1989, p. 3425. J. -L. Mélenchon était à cette époque secrétaire du Bureau du groupe socialiste.
70 S. Ebersold, C. Bilger-Meyer, S. Rapin-Meyer, Dispositif d’évaluation du Plan Local d’Insertion par l’Économique de la Communauté Urbaine de Strasbourg, op. cit.
71 Signalons à ce sujet que l’allongement des contrats emploi consolidé à 5 ans décidé, en 1998, par la loi relative à la lutte contre l’exclusion doit permettre d’offrir une insertion durable. Les contrats de qualification et d’adaptation, primitivement considérés comme des actions de formation, sont désormais apparentés à des « emplois » révélateurs de l’insertion des intéressés.
72 La récente création d’un secrétariat d’État à l’économie solidaire, ainsi que l’inscription de l’insertion par l’économique dans le code du travail en sont une parfaite illustration.
73 J. Villalard, « Les entreprises d’insertion en 1993 », in Bilan de la politique de l’emploi en 1993, op. cit. p. 114.
74 R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale, op. cit.
75 Cf. H. Sneesens, « Persistance du chômage, répartition des revenus et des qualifications », in Économie et statistiques n° 287, 1995-7, p. 17-25.
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