Chapitre IV. Quotidien et fastes de la cour
p. 161-200
Texte intégral
1La cour, en se reformant progressivement, redevient un des théâtres du pouvoir. Son organisation, son quotidien et les divertissements qui l’animent revêtent alors une dimension politique. Si les nobles veulent défendre leur rang et leurs prérogatives, c’est au sein de la cour, auprès du roi qu’ils peuvent le faire. La place que chacun et chacune occupe lors des audiences, des conseils, des repas et même lors des déambulations dans les demeures royales offre une image de la hiérarchie nobiliaire. Dans ce cadre de représentation, tout est signe d’honneur, de pouvoir et rend compte des relations complexes établies entre le souverain et les nobles, mais également au sein même de la noblesse entre ses différents membres. Les guerres civiles et le changement dynastique n’ont pas modifié radicalement les signes de la faveur et de l’honneur au sein de la société aulique. Si Henri IV est souvent décrit comme un monarque peu soucieux du cérémonial, l’étude du fonctionnement de sa cour révèle des continuités avec celui de la cour des Valois et démontre sa capacité à paraître en majesté lorsqu’il le juge nécessaire1.
2Henri III avait poussé l’organisation de la société curiale à son paroxysme en réglant son quotidien et en formalisant un cérémonial pour chaque temps fort de la journée du roi2. Le souverain est ainsi magnifié grâce à une liturgie savamment orchestrée dans laquelle rien ne semble laissé au hasard. Or les guerres civiles ont fait leur œuvre et il paraît difficile de restaurer immédiatement les fastes de la cour dans un royaume dévasté, un Louvre longtemps occupé par les troupes ligueuses et avec une noblesse qui a mobilisé ses ressources pour la guerre. Le premier Bourbon doit rester prudent et ne reprend pas systématiquement les manières de cour de son prédécesseur qui a été la cible de nombreuses critiques, notamment pour son inaccessibilité et les barrières qu’il dressait entre lui et les nobles, réservant un rapport d’intimité à ses seuls mignons3. La cour se repeuple progressivement au gré des ralliements et des conquêtes et trouve sa propre organisation, faite d’habitudes ancrées dans les usages nobiliaires et d’une forme de familiarité amorcée par le roi lui-même.
Un quotidien sans cérémonial ?
3Dans son ouvrage sur la cour de France, Jean-François Solnon évoque la rusticité de la cour d’Henri IV en se basant sur des témoignages contemporains connus4. Il fait référence aux querelles qui y éclatent et à la simplification du cérémonial. Celui-ci comprend la manière d’approcher, de saluer et de se différencier d’autrui avec « les mots, l’expression du visage, les gestes, la posture, les vêtements, et les attributs5 ». Furetière, quant à lui, réduit le cérémonial à un livre où est contenu l’ordre des cérémonies6. Il accorde plusieurs sens au mot « cérémonie » : c’est un « assemblage de plusieurs pompes et manières d’agir, qui servent à rendre une chose plus magnifique et plus solennelle », tout comme les « déférences qu’on se fait les uns aux autres par civilité et honnêteté7 ». Le cérémonial se joue dans l’extraordinaire des fêtes et des célébrations de la cour, mais également dans l’ordinaire des relations au sein de celle-ci. Ainsi le pouvoir royal n’établit pas formellement de règlements d’étiquette mais d’autres, plus généraux, sur la Maison du roi, qui organisent le quotidien, fixent les règles du service et la répartition des rôles. Le cérémonial apparaît alors comme un ensemble de comportements conformes aux exigences et aux normes sociales. Celles-ci ne sont pas innées mais ont été façonnées par les individus eux-mêmes. Elles évoluent en permanence sous l’influence des courtisans ainsi que des hommes de lettres, de pouvoir, des théories et des idéaux de l’époque. Les règlements d’Henri III visent à policer la cour et à renforcer la majesté royale mais il demeure difficile d’en mesurer le degré d’application réelle8. Pour le règne d’Henri IV, il semble en tout cas qu’ils aient du mal à dicter le comportement des courtisans. Par la relation plus directe que le roi instaure avec sa noblesse, la spontanéité l’emporte parfois sur la ritualisation voulue par le dernier Valois.
4Henri IV connaît les manières de la société aulique, il la fréquente depuis son plus jeune âge et ne l’a quittée qu’en 15769. Il n’ignore pas les règlements de 1579 et 1585 bien qu’il n’ait plus été à la cour pour les voir à l’œuvre. La cour de Nérac, animée par Marguerite de Valois, jouissait d’une certaine réputation et se distingue comme le lieu de plaisir et de réunion des lettrés de la province10. Mais, au sortir des troubles, il peine à redonner de l’éclat à sa cour, la priorité étant de réunir progressivement la noblesse autour de lui. Brantôme témoigne pourtant de sa volonté de « faire sa court plantureuse, belle et de tout ressemblant à celle que nostre dicte reyne [Catherine de Médicis] entretenoit, car alors elle estoit en son plus grand lustre et splandeur qu’elle fust jamais11 ». La pérennité de la Maison du roi révèle sa volonté de garder la même composition tout en s’attachant de nouveaux serviteurs. Cependant, cette continuité peine à s’inscrire dans l’organisation des festivités et des solennités de la société curiale. Un gentilhomme en visite à la cour d’Henri IV s’étonne alors : « Je trouve la cour si sauvage et si rustique, qu’à comparaison nos bois et nos champs ont des civilités et des justesses toutes autres12. » La critique est sévère et révélatrice de l’amertume éprouvée par certains seigneurs, habitués au faste de la cour des derniers Valois qu’ils ne retrouvent pas chez Henri IV. Celui-ci est présenté comme un souverain qui aime déroger à la règle : tenir ses séances du Conseil en marchant dans les galeries de ses châteaux, convier ceux qu’il souhaite à sa table. Il apparaît comme le premier capitaine du royaume vivant entre ses pairs dans une simplicité et une familiarité qu’il apprécie et avec laquelle il joue. Certaines lettres d’Henri IV trahissent pourtant une attention à tout ce qui touche à sa personne et son prestige. Ainsi, lors de la mort de sa sœur en 1604, il écrit à Rosny pour qu’il veille à la répartition de la succession, afin de récupérer certains tableaux de Catherine de Bourbon qui pourraient orner la galerie du roi. Il précise également :
« J’ay advisé depuis pour le deuil qu’il me faut porter, qu’il faut que le premier gentilhomme de ma chambre, de ma garde-robe, et ceux qui me serviront ordinairement à la chambre et à la garde-robe, en soyent vestus, comme ausy les pages de ma chambre et les laquais estant en quartier ; car il ne seroit honneste que moy vestu de deuil, et mon cheval, ils courussent devant moy vestus de livrée13. »
5Le roi n’ignore pas les règles de bienséance et se tient au fait de l’étiquette lors des événements qui rythment son règne. Les règlements dictés par Henri III ont instauré une scénographie précise pour les moments forts de la journée : le lever, le coucher et le repas. Le lever du roi sous les premiers Bourbons ne fait pas l’objet d’une longue cérémonie. Les témoignages des contemporains laissent penser qu’il avait cours sans qu’il soit respecté à la lettre. Les premières années du règne, les campements de la cour au gré des campagnes militaires n’offrent pas le cadre adéquat pour de fastueuses cérémonies. Une anecdote, mentionnée dans plusieurs récits de contemporains et retranscrite dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale de France relatif aux mœurs de la cour, rend compte de la volonté du souverain d’imposer sa propre vision du cérémonial. Lors d’un lever du roi à Saint-Germain-en-Laye, Henri IV souhaite que son grand chambellan, Henri de Lorraine, duc d’Aiguillon, lui passe sa chemise. Mais ce dernier refuse car les princes du sang Conti et Montpensier se trouvent également dans la chambre du souverain. Le roi redemande alors au duc d’Aiguillon qu’il lui donne sa chemise insistant sur sa charge de grand chambellan14. Cette anecdote est intéressante en ce qu’elle illustre la volonté d’Henri IV de ne pas trancher systématiquement les questions de préséance, notamment lorsqu’il s’agit des princes du sang. Ici, il préfère s’en remettre à son chambellan, dont l’une des fonctions est de lui présenter sa chemise.
6De même, en février 1609, Bassompierre raconte qu’il veille le roi la nuit alors qu’il souffre de la goutte. Il partage les veillées auprès du souverain avec le duc de Bellegarde et Gramont. Henri IV envoie un garçon de chambre à huit heures du matin chercher Bassompierre pour le mener à sa chambre. Il fait mettre un carreau devant son lit pour que le marquis s’agenouille « comme c’estoit la coutume de ceux quy l’entretenoit au lit15 », afin de lui présenter ses projets pour le marier. L’arrivée des princes et seigneurs fait lever Bassompierre et met fin à cette intimité entre les deux hommes. Cette anecdote ne peut donner lieu à une généralisation mais laisse tout de même penser que les grands conservent encore leur droit d’entrée dans la chambre du roi pour assister à son lever. Pour le reste de la journée, aucun document ne fait mention d’un quelconque cérémonial. Les témoignages des contemporains insistent plutôt sur l’abord facile du roi et sur sa « bonhomie ». Dans une de ses lettres, Louise de Coligny répond aux craintes de sa belle-fille Charlotte Brabantine au sujet du respect des rangs à la cour :
« Somme devez croire qu’il ne fut jamais moins tenu de rangs ; et quand s’en tiendra, croyez que je ne m’y trouverai point, si je ne reconnois y pouvoir tenir celui que je dois. Je n’ai garde d’en faire de grands cancans, car ce seroit bien cela qui seroit préjudiciable, sachant bien qu’il y a ces quatre maisons qui tiennent rang en France qui sont si proches au Roy qu’il ne donnera jamais d’arrêt à leur désavantage. Voilà pourquoi j’aime bien mieux n’en faire point parler, et éviter de me trouver aux lieux où je prévoirai que j’en pourrois avoir dispute16. »
7Cette lettre confirme la liberté qui règne à la cour quant à l’ordre et au cérémonial et à la prédominance de quelques grandes familles dans l’ordre curial. Ce témoignage s’ajoute à ceux, évoqués précédemment et par la suite, qui montrent la difficulté pour Henri IV de trancher des querelles de préséance en faveur de l’une ou de l’autre partie. Pourtant, ce comportement ne semble pas être une singularité liée à la personnalité du premier Bourbon. Dans son étude sur les rangs, Fanny Cosandey précise que les rois recourent à des dérogations temporaires ou des égalités de principe, en désolidarisant « le titre de la place17 ». Le relâchement instauré ici par le souverain et relevé par Louise de Coligny laisse deux possibilités aux seigneurs et dames de la cour : profiter de cette familiarité pour entretenir des liens plus libres et moins formels avec le roi, ou éviter de paraître en public lorsque les préséances ne sont pas respectées et que cela peut être vécu comme un préjudice. C’est cette deuxième option que Louise de Coligny semble privilégier, démontrant la difficulté pour les nobles de faire reconnaître leur rang et leurs prérogatives18. Cette négligence envers l’étiquette ne convient pas à tous et peut susciter une certaine méfiance comme l’indique une lettre du duc de Bouillon à sa belle-sœur la duchesse de La Trémoille :
« Je veu la Court desja trois jours, an laquelle je n’ay pas veu grande cérémonie, n’ayant vue la Roine assise, mes toute de debout, Mademoiyselle de Guise près d’elle quy travaillois à des bandes de caneva pour une tapisserie. […] Aus habits, je n’y ay rien reconnu de changé. Peu de fammes, et moins que n’an voyoit Madame. Mille bruilleries […] La Roine à une fasson libre, n’ayant ancore guère estudié à celle de Royne ; fort gaye et fort triste. Il n’y a issy lieu d’y voir sesjourner beaucoup de fammes que je connoys19. »
8Si Bouillon, du fait de ses différentes charges, se doit de paraître régulièrement à la cour, il n’encourage pas les femmes de son entourage à faire de même devant ce relâchement flagrant de l’étiquette.
9Le déroulement de la journée d’Henri IV suit dans ses grands traits celui codifié par Henri III. « Son occupation ordinaire est : les matinées aux affaires, l’après-dîner se promener ou jouer et tous les soirs jouer. Sa cour est fort grande20 », confie ainsi La Force en 1607. Comme l’explique Michel Carmona, le repas n’est pas soumis à un déroulement rigoureux. La reine se lève tard et traîne souvent dans sa chambre tandis que le roi commence à manger sans elle21. Il préfère les repas improvisés aux festins solennels et s’autorise même à établir le menu avec le produit de ses chasses22. Le public se masse alors autour de lui pendant toute la durée du repas. Henri IV accorde parfois le privilège à quelques-uns de ses compagnons ou aux visiteurs de passage de manger à sa table. En 1598, Claude Groulart se rend auprès du roi à Montceaux. À la sortie de la messe, ce dernier commande au magistrat de dîner avec lui, ce qu’il fit « et y avoit en la table plusieurs dames et seigneurs23 ». Il en est de même au souper, après lequel Henri IV mène Groulart se promener pour lui parler de négociations qu’il souhaite lui confier au sujet de son démariage avec Marguerite de Valois24.
10De plus, le roi s’invite souvent chez les nobles ; il dresse alors la liste des invités qu’il souhaite y retrouver. Fontenay-Mareuil précise à ce sujet :
« Il prenait un grand soin de gratifier les personnes principales, et de montrer l’estime qu’il en faisoit, pour obliger les autres à en faire de mesme. On l’a veu aller chez le cardinal de Joyeuse, le connétable de Montmorency, le premier président de Harlay et autres gens considérables de toutes professions, dont il pouvoit avoir affaire, seulement pour les honorer de sa visite : ce qui n’est point pratiqué depuis, et dont on ne s’est pas mieux trouvé ; car il gagnoit tellement par là tous les esprits, qu’il les portoit quand il en estoit besoin à tout ce qu’il vouloit25. »
11Le journal de Bassompierre fait également état des visites du souverain chez différentes personnalités de la cour. En juin 1599, ce dernier va loger chez Jérôme de Gondi lors de son retour à Paris après la mort de sa maîtresse Gabrielle d’Estrées26. Peu de temps après, en juillet 1599, il s’invite chez Nicolas de Verdun, président d’une chambre des enquêtes avant d’être premier président du parlement de Toulouse : « Le roy n’avoit point d’équipage en ce voyage, et dinoit chez un président, soupoit chez un prince ou un seigneur, selon ce qu’il leur envoiyoit mander27. » En janvier 1601, il choisit de dormir chez Montglat « où il eut toujours des dames à souper et cinq ou six princes ou de nous qui étions venus avec luy28 ». Ces séjours chez les nobles lui permettent de se rendre accessible et de rétablir des relations de confiance.
12En parcourant les lettres et mémoires des grands de l’époque, il apparaît que ce qui lie la troupe du roi réside dans deux grandes activités chères à Henri IV : la chasse et le jeu. Sa correspondance mentionne souvent les après-midi passés à « courrir le cerf », notamment dans son domaine de Fontainebleau. De nombreuses lettres attestent du goût du souverain pour cette pratique. En octobre 1598, il écrit à Gabrielle d’Estrées : « J’ai pris le cerf en une heure avec tout le plaisir du monde, et suis arrivé en ce lieu à quatre heures29. » Sa correspondance avec le connétable de Montmorency est régulièrement ponctuée par des récits de chasse : le 20 novembre 1596, il lui adresse une lettre « pour vous dire qu’aujourd’hui j’ai eu autant de plaisir à la chasse que j’en eusse su souhaiter ; car en deux heures j’ai pris le cerf, des chiens de la meute30 ». Le 28 juillet 1599, il convie « son compère » à le rejoindre :
« Je pars demain matin pour aller coucher à Orléans et le lendemain à Blois. Dieu aydant, où je vous prie de vous rendre aussy tost, et où nous mangerons les meilleurs melons et fruicts du monde et y passerons aussy bien nostre temps. Mais souvenés-vous aussy d’amener avec vous, soit par amour ou par force, le levrier ; car il est de trop bonne compagnie pour le laisser là, et avec lui Sainct-Victor avec ses chiens ; car autrement, durant nostre absence, il ruineroit toutes nos garennes d’alentour de Paris et prendroit toutes nos perdrix31. »
13L’entretien des chiens pour cette activité est alors au cœur des discussions. Lavardin est chargé d’une meute canine, et il n’est pas rare que le souverain en reçoive en présent, la plupart pour l’accompagner à la chasse32. Cette activité aristocratique par excellence est le principal loisir curial et la participation à celle-ci est un critère de distinction pour les courtisans qui y sont conviés. De plus, cette activité se faisant loin de la cour et de sa foule parfois étouffante, elle est propice à une plus grande intimité avec le monarque. Elle répond parfaitement à l’idéal nobiliaire puisqu’elle associe un usage réglé du corps, déterminé par la condition sociale des pratiquants, à une liberté de mouvement hors de tout espace clos. Les différentes pratiques font appel à diverses aptitudes des participants et sont l’occasion de faire preuve de leurs capacités physiques33. La chasse offre également l’opportunité d’une présentation officielle au souverain, au même titre que les ballets. Ce temps de relâche peut aussi donner la possibilité de mettre en scène le souverain dans son intimité. Le botter et le débotter du roi entrent dans le cérémonial de cour et sont mentionnés dans le règlement de 158534. Mais le retour de la chasse est aussi un moment convivial où l’on parle des exploits réalisés, des gibiers tués, que l’on peut partager le soir même autour d’un banquet. Le duc de La Force, à la cour en 1606, témoigne de ces sorties conviviales : « Nous faisons partie de courre le cerf, le chevreuil et tuer des sangliers. Il y a grand gibier et beau pays de chasse en cette terre, et tous les gentilshommes grand chasseur ; je fais état d’y bien passer le temps ces quatre ou cinq jours35. » Les femmes participent parfois à ces après-midi de chasse ; elles suivent la troupe à cheval ou sont seulement spectatrices de cette activité centrale de la cour. Ainsi, en 1598, le duc de La Force veut ramener un beau cheval à sa femme « afin que soyez chasseresse36 ». La pratique de ce loisir motive souvent les séjours du roi dans ses châteaux en dehors de la capitale : Fontainebleau et Saint-Germain en sont les lieux privilégiés et Bassompierre précise d’ailleurs qu’en 1607, Henri IV y passe tout son été à chasser37. C’est aussi l’occasion pour le roi de montrer ses qualités de cavalier et de chasseur et il ne s’en prive pas lorsqu’il s’agit de briller auprès d’ambassadeurs étrangers. Ainsi, lors du séjour des envoyés espagnols venus signer la paix de Vervins en 1598, « le Roy mena le duc d’Ascot et sa compagnie, à la chasse, courir un cerf : Sa Majesté prenant plus de plaisir à les exercer qu’à les nourrir, leur despense lui revenant à deux mil écus, pour sept cens tant de bouches qu’ils estoient38 ».
14Outre la chasse, les parties de jeux de la cour rythment les soirées de la cour et les sommes engagées sont souvent relevées par les mémorialistes ou les chroniqueurs contemporains. Ainsi, L’Estoile note en mars 1597 : « Le Roy gagna, ceste nuict, à M. Lesdiguières, cinq mil escus, à trois dés, et à Sanssi, un cordon de perles estimé huict mil escus ; duquel Sa Majesté se jouant, dit tout haut que c’estoit pour gangner le jubilé39. » Comme la chasse, ces parties de dés et autres activités ludiques créent des moments de privauté avec le souverain qui ne sont pas négligeables pour les nobles en quête de reconnaissance et de prestige. Bassompierre en souligne l’importance lors de son arrivée à la cour :
« Comme on eut dit au roy que j’avois de belles portugaises et autres grandes pièces d’or, il me demanda si je les voulois jouer au cent contre sa maitresse ; a quoy m’estant accordé, il me faisoit demeurer pres d’elle a jouer, pendant qu’il estoit a la chasse, et le soir il prenoit son jeu. Cela me donna grande privausté avesques le roy et elle40. »
15Le roi organise lui-même ces distractions auxquelles il convie les nobles qui partagent la même passion. Gabrielle d’Estrées et plus tard la reine Marie de Médicis y prennent également part. Au mois d’octobre 1598, le duc La Force retrouve Henri IV à Montceaux et en raconte le déroulement à sa femme :
« Il est temps de vous donner le bonsoir, il est deux heures du matin ; nous ne faisons que de quitter le jeu : c’est la principale occupation du roi en sa diète, et y a toujours deux ou trois partis : je suis de celui de madame la Duchesse, nous nous sommes associés M. le Grand et moi et faisons toujours à moitié : nous avons quelques deux cent écus de gain41. »
16En 1608, alors que le roi est à Fontainebleau pour la naissance de son troisième fils, Bassompierre reste à Paris et la cour se retrouve fréquemment chez lui pour jouer. Lors de son retour, Henri IV les convie à son tour : « Il y avoit huit ou dix honnestes gens de la ville qui estoint de nostre partie ; et de la court Messieurs de Guyse, de Crequy et moy […]. Le roy voulut qu’ils vinssent tous les jours jouer avesques luy, soit qu’il fut au Louvre, ou cheux Messieurs de Roquelaure ou Zammet42. » Cette même année, Bassompierre précise qu’ils participent au « plus furieux jeu dont l’on ait ouy parler. Il ne se passoit journée qu’il n’y eut vingt pistolles, pour le moins, de perte et de gain43 ». Le Lorrain peut se vanter d’avoir gagné plus de 500 000 francs au cours de ces parties44. Lors de ces activités, les nobles partagent l’intimité du roi et de la reine et le souverain garde auprès de lui ceux qui « ont gros jeu avec lui », tels d’Épernon, Bellegarde et Roquelaure. Les dés et les cartes sont les plus pratiqués, jeux de hasard, ils ne font pas nécessairement appel à une stratégie quelconque45. Ils sont cependant condamnés par les moralistes qui voient là un gaspillage des revenus de la Couronne, qui est d’autant plus inconvenant que la pauvreté est visible à quelques pas de la cour. De plus, parier sur le hasard et mettre de telles sommes en jeu est vu comme immoral et offre un mauvais exemple pour l’ensemble du royaume46. Sully, chargé de payer les dettes royales, s’offusque à son tour devant de telles dépenses alors qu’il tente de redresser la situation financière de la monarchie47. Mais les sommes en jeu sont très attrayantes et il est difficile pour les nobles d’y résister. Pour assurer les montants engagés nombre d’entre eux se tournent vers un des riches courtiers de la cour, Sébastien Zamet.
Zamet, le courtier royal
17Au sein de l’entourage du premier Bourbon, Sébastien Zamet occupe une place singulière, à la fois financier de la monarchie, fournisseur et créancier pour les affaires de l’État, et courtier des plaisirs royaux, impliqué dans les affaires privées du roi. Ce Lucquois d’origine fait son entrée à la cour sous le règne d’Henri II : cordonnier, protégé de Catherine de Médicis, il devient ensuite valet de chambre d’Henri III et s’enrichit parallèlement avec des affaires comme celle de la ferme du sel. Jean-François Dubost a mis en lumière les réseaux clientélistes et familiaux de ces Italiens venus en France ainsi que les parcours leur permettant d’accéder à des charges et à la faveur royale48. Zamet est un modèle de réussite en la matière. Il obtient la naturalisation française en 1581 et s’intègre au milieu curial sous le règne d’Henri III49. À la mort de celui-ci, il se fait financier de la Ligue et notamment des Guise avant de rejoindre le camp du nouveau roi Henri IV à partir de 1593. Pour la guerre contre l’Espagne, il avance les sommes nécessaires au paiement des troupes : en 1596 il débloque 100 000 livres que les trésoriers royaux ne consentent pas à donner au roi50. En 1595, le Conseil du roi promet l’acquittement de plusieurs dettes envers Zamet51. Il en va de même en 1597 où 18 arrêts concernent des remboursements s’élevant à plus d’un million d’écus. Les sommes sont souvent prêtées conjointement avec Cenamy, un autre financier italien52. Le 31 janvier 1598, un nouveau contrat de 300 000 écus est conclu pour le paiement de l’armée, des garnisons de Picardie, de Champagne et des ligues suisses53. Le 6 novembre de la même année un autre prêt de 114 740 écus est signé54. En complément de cette position de banquier royal, Zamet accède à de nouvelles charges : en 1603, Henri IV lui réserve celle de conseiller au parlement et une autre de maître des requêtes, lui donnant accès aux rouages institutionnels de la monarchie. Il prend part aux finances de l’État, notamment grâce aux fermes dont les conditions d’exercice sont fixées par un bail, signé au Conseil d’État55. Ce système a permis à des hommes de finance de s’enrichir : serviteurs de la monarchie en collectant l’impôt, leur action profite également à leur fortune personnelle. Pour consolider sa position, il épouse Madeleine Leclerc du Tremblay, issue d’une famille de magistrats. Attaché au roi, Zamet est gentilhomme de sa Chambre et devient ensuite capitaine du château de Fontainebleau et superintendant de la maison de Marie de Médicis56. Il participe ainsi à l’élaboration des projets architecturaux d’Henri IV et à l’intégration d’artistes italiens à la cour57.
18Zamet a pu compter sur un réseau national et international – essentiellement italien – pour accéder à cette position. Il doit notamment son ascension au chancelier Birague qui l’a introduit dans les affaires de France58. Il est également sollicité par les nobles de la cour pour des prêts, comme l’indiquent les minutes des notaires parisiens. Plusieurs obligations engagent certains d’entre eux : la duchesse de Mercœur en 160159, Antoine de Gramont en 160260, Bassompierre en 1605 pour un prêt de 24 000 livres tournois pour la « vente d’un diamant fin enchâssé en anneau d’or taillé en cœur61 » et Robert de La Vieuville et sa femme Catherine d’O en 1609, pour un prêt de 10 625 livres tournois62. Grâce à sa richesse et à la faveur dont il jouit, Zamet devient un personnage central dans l’entourage du roi, sollicité par les nobles pour des prêts ou d’autres services.
19Les recherches de Françoise Bayard sur les financiers de la monarchie permettent d’évaluer la richesse de celui qui se fait appeler « seigneur suzerain de dix-sept cent mille écus63 ». En effet, la composition de son patrimoine s’élève à sa mort à près de 1 283 592 livres. Mais Zamet construit également sa fortune en faisant de sa demeure, rue de la Cerisaie, un lieu de divertissement pour la cour et en acquérant les terres de Billy et de Murat qui lui donnent accès au titre de baron. Sa résidence, qu’il embellit avec ses revenus, est le lieu des fêtes royales, des jeux et des rendez-vous galants du monarque et de son entourage. Il vit en véritable seigneur avec des domestiques à son service, de riches vêtements et un mobilier luxueux64. Le mobilier recensé dans son inventaire après décès reflète sa richesse : cinq tables, deux armoires, un grand coffre, deux layettes et une couchette. Les chaises sont recouvertes de riches étoffes tandis que tapis et tapisseries ornent les pièces. Son lit est paré de garnitures, dais, tour de lit et rideaux qui valent 3 000 livres ; l’un de ces éléments est fait de broderie d’or, d’argent et de perles représentant l’histoire d’Apollon et des neuf muses65. Il dispose en outre d’une cinquantaine de pièces pour pouvoir accueillir ses convives et emploie plusieurs domestiques : un garçon de cuisine, deux sommeliers et même un tailleur66.
20Pierre de L’Estoile relève les passages du roi chez Zamet et les fêtes qu’il y organise, comme le jeudi 13 décembre 1601 pour « le festin de sa naissance » en compagnie de « la reine, les princes, princesses, seigneurs et dames de la cour et les ambassadeurs des princes étrangers67 ». Henri IV dispose aussi de sa demeure pour loger les ambassadeurs ou recevoir des invités de marque car elle offre tout le confort nécessaire et la proximité avec le logis royal68. Ainsi, lorsque Louise de Coligny voyage en France en 1598, elle écrit à La Trémoille : « le Roy me fit commander expressément qu’il vouloit que je me trouvâsse chez Zamet, à souper ; j’y allai donc avec Madame69 ». Zamet a aussi l’honneur d’accueillir Marie de Médicis lors de son arrivée à Paris alors que le Louvre n’est pas encore prêt à recevoir la nouvelle reine70. Grâce à cette position à la cour, il jouit de la protection de son maître : il le sollicite pour ses propres affaires et plaide ses causes auprès du roi. Dans des documents émanant de la chancellerie royale, une rémission est accordée à « Jehan Zamet, âgé de 23 ans, fils de Sébastien Zamet, […] lequel était recherché par le prévôt de l’Hôtel pour avoir tué en duel le Sieur de Vidossan71 ». Il intervient également auprès du chancelier Bellièvre pour extraire un garçon des galères et empêcher qu’un de ses serviteurs ne tombe dans « une ruine entière72 ». Les contre-dons royaux se mesurent donc en largesses financières mais aussi par la protection et les récompenses honorifiques dont il bénéficie. Ses deux fils profitent ainsi de la faveur de leur père puisque Jean Zamet est d’abord gentilhomme de la Chambre avant de connaître une carrière militaire sous Louis XIII, tandis que Sébastien Zamet succède à son oncle en tant qu’abbé de Juilly avant de devenir aumônier du roi et de la reine.
21Ce parcours permet d’appréhender l’ascension de courtiers royaux, qui n’appartiennent pas à la haute noblesse mais lui sont pourtant intimement liés. Zamet se distingue d’abord par sa capacité à financer les guerres du premier Bourbon mais parvient ensuite à se maintenir dans son entourage. Obtenant la charge de gentilhomme de la Chambre et de capitaine du château de Fontainebleau, il fait sa place à la cour. Disposant de moyens financiers considérables, il fait fructifier sa fortune grâce à sa position à la cour et devient un intermédiaire indispensable au roi pour l’organisation de festivités curiales.
Ballets et jeux guerriers
22Si la simplicité guide les relations entre le roi et les nobles lors des parties de chasse et de jeu, les fêtes sont l’occasion de redonner son lustre à la société curiale. Dans une lettre restée célèbre, Catherine de Médicis rappelle à l’un de ses fils qu’il faut deux choses « pour vivre en repos avec les François et qu’ils aimassent leur Roy : les tenir joyeux, et occuper à quelque exercice73 ». Elle lui conseille de tenir un bal au moins deux fois par semaine. Cela permet de rassembler les nobles autour de fêtes qui participent à la glorification royale. La danse est également l’expression de valeurs nobiliaires et contribue au raffinement de la cour. Jacqueline Boucher lie l’essor de cette discipline, de ces fêtes, à l’esprit baroque qui s’ancre dans la société curiale74. Henri IV comprend également leur importance car les symboles, les allégories et la mise en scène dans les ballets participent au culte du roi, renforçant l’idée d’un monarque empreint de la grâce divine75. Ces fêtes sont surtout le signe de la paix retrouvée car elles ne peuvent avoir lieu que dans un cadre pacifié, loin des camps et des combats. Leur multiplication atteste de l’harmonie rétablie.
23La réputation de simplicité voire de rusticité de la cour du premier Bourbon a certainement desservi l’étude des formes artistiques à la cour d’Henri IV. Sans en faire une cour brillante à l’image de celle des Valois, il faut néanmoins noter la volonté du souverain de maintenir parfois même de multiplier les offices qui contribuent à son éclat. La création de métiers, de fournisseurs privilégiés confirme cette volonté royale de redorer l’image de la cour : tapissiers, orfèvres, horlogers, violons, peintres et doreurs-graveurs participent alors à la mise en majesté de la société curiale76. Dès 1590, 12 joueurs d’instrument et 9 chantres appartiennent à la Maison du roi et jouent pour lui lors des repas, des bals ou à tout autre moment de la journée quand celui-ci le réclame77. Soucieux de conserver la bibliothèque royale, Henri IV nomme en 1597 Jacques-Auguste de Thou, qui est aussi historiographe du souverain, maître de la librairie. Gabriel Chapuis est quant à lui nommé garde de la librairie du cabinet78. L’apparition de ce genre d’office à partir de 1595 montre que les divertissements de cour reprennent doucement leurs droits. Il faut attendre la stabilisation du pouvoir pour accorder de nouveau une place à la musique, à la danse et à la fête. Bien qu’Henri IV n’ait pas une réputation de fin mélomane ou de grand lecteur, la conservation de ses services est essentielle pour redonner son éclat à la cour. Ceux-ci donnent une autre image du souverain et permettent la renaissance de divertissements curiaux qui sont au cœur de la sociabilité de ce milieu.
24Les bals et ballets reprennent progressivement leur droit à la cour de France. Le mariage et les naissances royales contribuent au renforcement de la légitimité du premier Bourbon et l’encouragent alors à se conduire en roi de paix, hôte des festivités curiales. L’honneur ne se gagne plus sur les champs de bataille mais par la magnificence déployée lors des apparitions à la cour et par les qualités de « parfait gentilhomme » ou parfaite dame que chacun et chacune peut afficher. Ces bals se tiennent parfois chez les membres de la haute noblesse lors des réceptions qu’ils organisent : c’est le cas en janvier 1600 lorsque Henri de Nemours offre un dîner suivi d’un bal à l’occasion de la visite de Charles-Emmanuel de Savoie en France79. Le Louvre reste néanmoins le théâtre principal de ce genre de divertissements, tout comme Fontainebleau et Saint-Germain. Au Louvre, les bals ont souvent lieu dans la grande salle du premier étage, où « les flambeaux des lustres sont allumés ; les musiciens prennent place ; des sièges ont été disposés tout autour de la salle, sur plusieurs rangs, laissant au centre un grand espace libre de forme rectangulaire ; sur un des côtés les sièges du roi et de la reine80 ». Henri IV conserve les habitudes curiales : le bal commence à six heures du soir et la salle est généralement comble au point qu’il est parfois obligé de désigner ceux qui ne pourront pas participer aux festivités81. Concernant les ballets, Cindy Pédelaborde en dénombre 156 organisés entre 1594 et 161082. Ils se multiplient avec le retour de Marie de Médicis qui les apprécie et en est parfois l’instigatrice83. Ils mêlent la danse, la musique, la poésie et donnent lieu à une mise en scène élaborée avec des thèmes divers. Les nobles manifestent un réel engouement pour ce genre de divertissements auxquels ils participent volontiers. Les ballets ont un caractère de représentation publique et leur annonce provoque une véritable émulation. Le Petit-Bourbon est une des plus vastes salles dans lesquelles ils se tiennent84. L’encombrement est pourtant fréquent et les gardes et archers ont parfois beaucoup de mal à y assurer l’ordre85. L’Arsenal est également un lieu privilégié comme Sully ne manque pas de le rappeler dans ses Mémoires en 1607 :
« Nous nous dispenserons du récit particulier de tant d’assemblées, festins, banquets, courses de bague et en lice, danses, ballets, mascarades, réjouissances, récréations et magnificences dont cette année fut abondante, desquelles l’Arsenal avait toujours sa meilleure part ; d’autant que le Roi, la Reine, la Cour, voire la ville et les particuliers, disaient ne trouver point de lieu où toutes ses galantises et passe-temps se fissent et vinssent avec un si grand plaisir, aisance et commodité, tant à cause du respect que chacun vous rendait, du bon ordre que vous teniez à faire entrer et placer un chacun, que de la belle et grande salle que vous aviez fait construire pour cet effet86. »
25Si le duc ne livre pas une description détaillée des réjouissances, il évoque l’attachement et l’enthousiasme du public – et notamment du roi et de la reine – pour ce lieu. Au milieu de la description des affaires et des négociations qu’il conduit pour Henri IV, il fait référence aux jeux, ballets et autres fêtes qu’il orchestre, vantant sa capacité à accueillir de tels événements, son ingéniosité pour faire de l’Arsenal un lieu propice à ce genre de représentations et l’engouement qu’ils suscitent. Le fait de consacrer une pièce de son logis pour les fêtes témoigne de leur importance et lui permet d’affirmer sa place au sein de la hiérarchie curiale. En outre, l’organisation de ces réjouissances devait certainement permettre à Sully de redorer son image au sein de la cour et notamment auprès de ceux qui désapprouvaient sa gestion des affaires et du trésor royal.
26Depuis son retour à Paris, Marguerite de Valois se fait également l’hôte de fréquents ballets, comme le montre l’Anglais Cherbury :
« Je me rendois aussi parfois à la cour de la reine Marguerite, dans l’hôtel qui portoit son nom ; là, j’assistais à plusieurs ballets et mascarades, dans lesquels la reine me faisait la faveur de me placer près de son fauteuil, non sans exciter l’étonnement et l’envie de ceux qui avaient ordinairement cet honneur87. »
27Habitus nobiliaire, participer à un ballet est un facteur et un marqueur d’intégration à la cour : Bassompierre est présenté au roi à l’occasion de l’un d’eux, organisé à Montceaux. Onze hommes prennent part à cette représentation : « le comte d’Auvergne, de Joinville, de Sommerive, le Grand, Gramont, Termes, le jeune Schomberg, Saint-Luc, Pompignan, Mesillac et Maugeron […] élite de gens quy estoint lors sy beaux et sy bien faits qu’il n’estoit pas possible de plus88 ». Ils représentent des barbiers « pour se moquer, à mon avis, du roy, qu’une carnosité, qu’il avoit lors, avoit mis entre les mains de gens de ce mestier, pour s’en faire panser89 ». La fréquence de ces ballets est relevée par Bassompierre qui y prend souvent part. En décembre 1598, après le baptême d’Alexandre, fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, le Ballet des étrangers est dansé. La visite de Charles-Emmanuel de Savoie à la cour de France en janvier 1600 est l’occasion de danser le Ballet des Turcs, celui des amoureux, des lavandières, des nymphes, et celui des docteurs gracieux. Dans ses Mémoires, Bassompierre souligne le caractère sociabilisant de ces représentations et l’émulation qu’elles créent, décrivant les « ébats, plaisirs et passetemps ordinaires et bien séans à la jeunesse, faisant diverses parties, les uns pour rompre en lice, les autres courir la bague, combattre à la barrière, jouer au ballon, au palemail et à la paume ; démener l’amour aux dames, danser et faire mômeries et mascarades90 ».
28Plusieurs ballets sont ensuite organisés lors de l’arrivée de la reine à Paris en juin 160191. Les naissances d’Élisabeth en novembre 1602 et de Christine en février 1606 sont encore l’occasion de ces divertissements, même s’ils se tiennent en dehors de ces événements dynastiques. C’est le cas en 1607 avec une mascarade inventée par Henri de Nemours, spécialiste en l’art de ces distractions, faisant paraître un « maître de l’Académie d’Hyrlande », accompagné de deux lutteurs, deux escrimeurs et deux cavaliers qui font des tours de voltige92. La mort d’Henri IV ralentit le rythme des représentations, mais en 1612 Bassompierre précise que la reine « qui estoit encore en son second deuil, n’osoit faire des assemblées, et toutefois se vouloit resjouir, nous commanda, à M. de Vendosme, M. de Chevreuse et a moy, de lui faire des ballets tous les dimanches93 ». Quatre ballets sont alors dansés dans les appartements et hôtels des dames de la cour : chez Louise-Marguerite, princesse de Conti, chez Françoise de Lorraine, duchesse de Vendôme, chez Marie de Luxembourg, duchesse de Mercœur, et enfin chez Madame de Guercheville, dame d’honneur de la reine.
29La forme du ballet de cour n’est pas encore fixée entre 1581 et 1610 et l’allégorie prend parfois le dessus alors que d’autres privilégient la dramatisation. L’aspect théâtral est souvent délaissé pour mettre en valeur la danse, la musique et en faire seulement une représentation plaisante à regarder94. Certains poètes, comme François de Malherbe, participent à son élaboration pour en créer les personnages et insérer des références antiques et mythologiques partagées par les membres de la société curiale95. De 1601 à 1605, deux Italiens contribuent à l’introduction du récit dans le ballet : Ottavio Rinuccini qui compose des textes et le musicien Giulio Caccini96. Des livrets faisant l’éloge du souverain et des dames de la cour et comprenant une explication du sujet du ballet sont imprimés et distribués afin de diffuser auprès du public le message contenu lors des diverses représentations. Les courtisans sont donc instigateurs et partie prenante de ces ballets, qui, comme le rang ou le vêtement, sont un des signes de leur appartenance à un ordre. La danse fait partie des aptitudes que les nobles doivent posséder : exceller dans ce domaine est une marque d’accomplissement. Aux qualités de valeureux capitaine, le gentilhomme doit allier celles de gracieux danseur et d’organisateur des ballets de cour97. Jean Bonnet, auteur d’une histoire de la danse, signale que « les personnes de qualité ont jugé que cet exercice […] était très propre à les distinguer dans les occasions98 ».
30Malgré les fréquents reproches faits à Henri IV sur la rusticité de la cour, les divertissements nobiliaires se maintiennent et se développent. Les festivités et les ballets qui les accompagnent sont d’abord liés à des événements comme le mariage, les naissances ou l’accueil de princes étrangers, puis deviennent réguliers. La célébration monarchique et la mise en scène de la majesté royale y recourent et Henri IV ne dénigre pas totalement les plaisirs de la cour en ce qu’ils peuvent servir à renforcer son image de souverain légitime. Margaret McGowan souligne d’ailleurs la conscience des contemporains de « l’utilité du spectacle comme moyen de propagande pour ou contre un régime politique99 ». L’exaltation de la personne royale comme être au-dessus de ses sujets, garant de l’harmonie du royaume qui s’opère grâce à ces ballets, ne peut laisser le roi insensible, soutenu en cela par l’action de Marie de Médicis qui déploie un savoir-faire et un goût servant aussi sa propre légitimité100. Était-il d’ailleurs si réfractaire à toutes ces manifestations artistiques ? Sa cour de Nérac les a déjà connues alors qu’à l’époque il n’avait aucune obligation vis-à-vis des nobles qui l’entouraient101. Les ballets sont en outre un théâtre privilégié pour l’expression de la galanterie si chère à Henri IV. Ils sont l’occasion de démonstrations de l’élégance et du raffinement des hommes et des femmes qui peuplent la cour. Danser un ballet leur permet d’affirmer leur appartenance à la société curiale et le spectacle les rend encore plus brillants aux yeux de leur communauté. C’est aussi un moyen d’occuper les nobles en les rassemblant auprès du roi. La cour, redevenue le centre de distribution des faveurs, le lieu où l’on exalte la personne royale, est aussi celui où les membres du second ordre se divertissent, loin de leurs domaines et de leurs factions. Richelieu rapporte à ce sujet le jugement d’Henri IV à propos du duc de Nemours : « il n’y avoit rien à craindre de son humeur, la musique, des carrousels et des ballets étant capables de le divertir des pensées qui pourroient être préjudiciables à l’État102 ». Ainsi, s’il peut considérer ces fêtes comme des frivolités, le roi ne peut nier leur efficacité en tant qu’outils de pacification et de glorification de la monarchie103. L’« institutionnalisation » progressive de ces ballets – grâce aux poètes et danseurs professionnels –, démontrée par Margaret McGowan, écarte progressivement les seigneurs de leur élaboration et réduit l’espace et les possibilités de leur propre glorification et de la manifestation de leur prestige. Si Henri IV laisse encore aux nobles l’initiative de ces divertissements, Louis XIII les en détournera pour en devenir l’instigateur et le seul bénéficiaire104.
31Outre les bals et ballets, « il falloit combattre à cheval et à pied, courre la lance ; […] car les François ont tant accoustumé, s’il n’est guerre, de s’exercer, que qui ne leur fait faire, ils s’emploient à autres choses plus dangereuses105 ». Les activités physiques, liées au caractère guerrier des nobles, se pratiquent ainsi régulièrement. Les tournois, joutes et combats à la barrière, hérités de l’époque médiévale, sont empreints de cet idéal chevaleresque encore si cher aux proches du premier Bourbon106. Ce sont d’ailleurs les gentilshommes qui mettent en scène ces représentations, qui forment les équipes et se battent devant le roi. Comme les ballets, ce genre de divertissements reprend progressivement place à la cour des premiers Bourbons une fois le royaume pacifié. Les sièges et campagnes militaires ne rendaient pas ces représentations nécessaires au début du règne d’Henri IV. De tels combats, qui doivent exalter les vertus guerrières des nobles, leur adresse à cheval et dans le maniement des armes, se pratiquent surtout en temps de paix afin qu’ils ne perdent pas le goût de l’exercice et qu’ils manifestent la vocation qui est la leur : celle de porter les armes. Castiglione, en dressant le modèle de civilité pour les gentilshommes, résume l’enjeu de la participation à ce type de divertissements en faisant l’éloge de Guidobaldo, duc d’Urbino :
« La grandeur de son courage le stimulait tant, que, bien qu’il ne pût en personne pratiquer les exercices de chevalerie comme il l’avait fait autrefois, il prenait néanmoins un grand plaisir à les voir exercés par les autres […]. Aussi dans les joutes, les tournois, les concours équestres, le maniement de toutes sortes d’armes […]. Dans tous les exercices convenables à de nobles chevaliers, chacun s’efforçait-il de montrer qu’il était digne de se trouver en une si noble compagnie107. »
32Perpétuer ces exercices ravive la ferveur des nobles, qui se considèrent comme le bras armé du monarque, héritiers des chevaliers médiévaux108. Le tournoi avait une fonction purement militaire, favorisant le maniement des armes, la ferveur au combat, la stratégie et la tactique. Mais il change de forme en intégrant une composante théâtrale qui impose une histoire et des personnages, avec des troupes représentant des vertus ou des hommes illustres se battant pour une cause. La fin du combat ne célèbre plus seulement la victoire d’un groupe sur l’autre mais celle de la vertu sur le vice.
33L’un des mieux documentés du règne est le combat à la barrière qui se tient le 25 février 1605 à Paris, à l’hôtel de Bourbon et dans la cour du Louvre. Bassompierre précise que c’est le seul organisé durant le règne d’Henri IV et celui de Louis XIII109. Il oppose le parti de Bassompierre, celui des chevaliers de l’Aigle, aux chevaliers de Thrace menés par le duc de Nevers110. Le Mercure françois donne le récit de cette démonstration :
« Le roi couvert de palmes, veut que sa noblesse s’entraîne toujours aux braves exercices de Mars. Carême prenant, jour où chacun se retire dans la ville pour les rigueurs de l’hiver en attendant le printemps, Sa Majesté avait pris coutume de faire dresser quelques combats fameux et remarquables : l’année dernière celui de la barrière se fit dans la salle de Bourbon le 25 février à dix heures du soir en présence de leurs majestés et de toute la cour : le duc de Nevers, le comte de Carmail, le marquis de Coeuvre, le baron de Termes et le comte de St Aignan sous le nom de paladin Thraciens. Ils défilèrent tout allant et venant au combat de la pique et de l’épée, firent publiés leur cartel et les envoyèrent aux paladins de France auxquels plusieurs princes et seigneurs répondirent, les uns prennent titre de chevaliers du soleil, de Roland, de Roger, d’Agouthée, d’enfants de Mars, de Cavaliers françois, de cavaliers de l’aigle, ténébreux. Ça été le plus beau des combats qui se soient jamais faits à la barrière111. »
34Un récit de ce combat est publié sous le titre Le romant des chevaliers de Thrace et permet de diffuser plus largement la teneur de ce spectacle où s’expriment la valeur et la grâce des nobles de la cour112. Quelques jours plus tard, Charles de Guise défie Bassompierre « de rompre trois lances à camp ouvert113 ». Malgré l’abandon de ce genre de pratiques depuis le milieu du xvie siècle, le roi donne son accord pour la joute et fait sabler la cour du Louvre pour l’occasion. Après l’entrée des cavaliers en grande pompe, le combat commence. La lance du duc de Guise vient alors se planter dans le bas du ventre de Bassompierre114. Ce dernier est gravement blessé et est transporté dans la chambre occupée par César de Vendôme pour être soigné115. Il évoque sa blessure et l’inquiétude du roi et des nobles de la cour quant à son état, tout en se décrivant comme un cavalier stoïque. La présence des dames et les visites fréquentes qu’il reçoit lui permettent de démontrer sa valeur et de se présenter comme un gentilhomme qui ne craint pas la mort et est aimé de tous. La blessure sert ici de trophée. Par cette aventure, il détient la preuve de son appartenance à cette société curiale, qui goûte encore ce genre de confrontations violentes. La présence des plus hauts personnages à ses côtés est une marque de sa position privilégiée au sein de l’entourage royal.
35Des spectacles équestres auxquels les seigneurs participent sont également élaborés pour distraire la cour. En 1606, un carrousel est organisé : « Cette année pour continuer les beaux exercices en la présence de leurs Majestés, le Bales à cheval se fit dans la cour du château de Louvre, où les quatre éléments furent représentés par quatre belles troupes de cavaliers qui sortirent l’un après l’autre de l’hôtel Bourbon116. » La première compagnie est celle de l’eau, composée de pages et de douze cavaliers accompagnés de décors et de chevaux et conduite par le grand écuyer Roger de Bellegarde. Tous sont vêtus de toile d’argent avec grands panaches et sont montés sur des chevaux superbement parés. Arrive ensuite la compagnie du feu, conduite d’abord par des pages vêtus d’écarlate, puis quatre forgerons se mettent au milieu de la cour et frappent sur une enclume, « ils en firent sortir tant de fusées, que celui qui n’était pas touché s’estimait heureux. On ne voit que feux et fusées de toute part et plus de deux mille flambeaux et mille lampes qui étaient aux fenêtres et attachées aux murailles du Louvre117 ». Après les fusées, des animaux « qui ne vivent que dans le feu » sont alors présentés, « lesquels le Dieu Vulcain suivait », puis les pages et douze cavaliers vêtus en Parthes, dont le chef est Henri de Rohan. Le troisième groupe est celui de l’Air, composé de vingt-quatre pages, de la déesse Junon, d’aigles et de nombreux autres oiseaux, suivis de pages, de douze cavaliers commandés par Sommerive, tous vêtus à l’identique. Le quatrième correspond à la Terre. Ils sont vêtus en « mores » et deux éléphants « artistement bien faits » sont aussi du défilé. « Leurs tours pleines d’instruments de musique » avancent, entourées de chevaux richement parés conduits par des maures, « lesquels au son des instruments dansaient et faisaient comme une danse pour leurs chevaux118 ». Les douze cavaliers sont menés par Charles de Gonzague, duc de Nevers, et se rangent à leur tour dans l’un des quatre coins de la cour. Les cavaliers s’affrontent à coups de lance « mais avec tant de dextérité, qu’approchés de la longueur de leur bois, ils le fichoient en terre et le faisoientt voler en éclat119 » puis se retirent. La nuit presque passée, chacun prend un flambeau pour retourner à l’hôtel de Bourbon. Ce récit est précieux pour comprendre l’intérêt et le fonctionnement de tels spectacles. Ce ne sont plus seulement des combats : ils deviennent de savantes compositions associant musique, danse et exercices équestres et militaires. Le but n’est pas de se défier dans une confrontation à mort mais d’offrir un spectacle qui glorifie les valeurs et les vertus de la société nobiliaire, faisant pour cela appel à des figures mythologiques.
36En février 1607, Concini propose un nouveau tournoi pour lequel lices et barrières sont dressées rue Saint-Antoine. Des échafauds sont également adossés aux maisons « pour la commodité des dames et de tous les assistants120 ». Le cartel de défi de Concini met en scène un « Sarazin » de grande renommée qui se bat pour la plus admirable des dames. Mais en visitant cette « glorieuse court et apercus les divins feux et rayons de la beauté » de la reine de France, il n’est plus sûr de pouvoir entrer en lice pour défendre sa propre maîtresse. « Curieux d’éprouver si la valeur des cavaliers françois respond à leur grande renommée […] plusieurs se plaignoient du desdain et rigueur de leurs dames », il les appelle au combat « considérant qu’il n’y a point de gloire ny d’honneur plus souhaitable que celuy qui s’acquiert pour la deffence des dames, Rien n’est plus louable en une belle dame que le dédain ». Parce qu’il est « plus céant à un cavalier de soutenir sa cause avec les armes qu’avec la plume, je changeray l’une pour les autres121 ». Les chevaliers français sont donc invités à former des cartels pour se défendre du dédain dont les dames les affligent. Les groupes formés rassemblent les principaux seigneurs de la cour : Balagny, le marquis de Cœuvres, Gondi, Châtillon, La Varenne, Condé, Sommerive, Nemours, le chevalier de Guise, le duc d’Aiguillon, Sully et Zamet, Charles de Guise, Rohan, Charles de Créquy, Tresmes, Termes, Saint-Luc, Bassompierre, La Chasteigneraie, le comte de Saux. Ces derniers ne se défendent pas contre une attaque militaire mais contre l’indifférence des dames : ceci témoigne de la pacification du royaume et des mœurs nobiliaires. Les vers déclamés ne manquent pas de vanter la beauté et le mérite des dames de France mais également de glorifier le roi, qui sert d’exemple pour sa noblesse. Ainsi Sommerive déclame-t-il : « Grand roy dont les effaicts miracles des mortels, nous servent de miroirs et vous servent de temples […]. Grand Prince devant vous je reçois ces desfits, pour vous faire présent du succès de mes gloires, car j’aprens seulement à gagner des victoires pour adjouter un sceptre aux sceptres de vos fils122. »
37Si certains seigneurs assurent simplement leur quartier et préfèrent rester dans leur gouvernement, d’autres participent volontiers aux festivités de la cour et s’illustrent lors des différents spectacles qui les composent. Tous sont amenés à célébrer le temps de la paix et de l’harmonie retrouvée et à exalter pour cela leur maître. Les grands de la cour ont l’initiative de ces représentations et manifestent leur capacité à être acteurs de cette société curiale en exaltant leurs propres valeurs. Organiser ce genre d’événements et de festivités est une marque de prestige, un signe de leur puissance. C’est l’occasion de rendre visible aux yeux de toute la société curiale leur richesse et leur prodigalité. L’affirmation de l’identité nobiliaire est donc au cœur de ces divertissements. Marie de Médicis perçoit l’avantage qu’elle peut en tirer et tente de fédérer les nobles par ce biais. « Impresario officiel des spectacles de cour123 » durant le règne d’Henri IV, elle en fait un instrument de pouvoir pour asseoir son autorité de reine régente. Lors des festivités pour les mariages de 1612, les carrousels prennent la place de ces tournois et des combats à la barrière124. Les démonstrations sont alors moins violentes et orchestrées pour célébrer la paix et la continuité dynastique.
38La reine joue un rôle crucial dans le rétablissement des plaisirs auliques ; elle incarne elle aussi la félicité du royaume puisqu’elle est celle qui permet à Henri IV de restaurer la monarchie en lui donnant des héritiers. Ces fêtes animent le quotidien et permettent de redonner un certain lustre à la royauté. Elles prouvent qu’Henri IV ne dédaigne pas totalement ce genre d’activités car il comprend leur rôle de catalyseur de l’émulation nobiliaire – elles occupent les grands – et d’instrument de prestige – elles célèbrent la monarchie et le souverain. Or, ces divertissements ne font pas tout et le roi doit sans cesse veiller aux marques de prestige accordées aux nobles pour leur permettre de se distinguer et d’affirmer leur rang dans cette société curiale qui se reforme lentement.
Distinctions auliques
39Il n’est pas toujours évident pour les nobles de l’époque de défendre leur honneur et leur rang à la cour. Pourtant, les signes ne manquent pas pour signifier l’appartenance aux hautes sphères du royaume et pour manifester leur proximité avec le souverain. Il en va ainsi du logement des familles qui jouissent ou non d’un appartement au château ou qui résident dans des hôtels particuliers au plus proche du Louvre. Seuls les princes et princesses de la famille royale, le capitaine du Louvre, le grand maître, le premier gentilhomme de la Chambre, le capitaine des gardes et le maître de la Garde-Robe résident au château, de droit. Selon le règlement de 1585, « les officiers de la couronne, les conseillers des Affaires, le surintendant des Finances, les secrétaires d’État et les médecins des reines » doivent être installés dans la basse-cour125. Des chambres sont également attribuées aux conseillers d’État, aux chevaliers du Saint-Esprit et aux gentilshommes de la Chambre126. Le Louvre n’a pas la capacité d’accueillir tout le personnel de la cour et les grands du royaume, mais le roi peut accorder à certains de ses fidèles le privilège de partager son toit. Il s’agit d’un honneur particulièrement recherché mais parcimonieusement accordé, obligeant les nobles à construire, acheter ou louer des hôtels particuliers à proximité du Louvre127.
40Comme le prévoit l’organisation de la Maison du roi, les valets de chambre et le maître de la Garde-Robe dorment dans la chambre du roi. En juillet 1599, Bassompierre décrit une dispute qui a lieu entre Henri IV et Beringhen, son valet, qui dort auprès de lui. C’est finalement Antoine de Roquelaure qui couche auprès du roi ce soir-là pour remplacer Beringhen « à quy le sens estoit tourné par le soleil ardent quy luy avoit donné sur la teste le jour128 ». Lorsque sa compagnie se réduit, le souverain garde auprès de lui son premier valet de chambre et le maître de la Garde-Robe, preuve de la proximité qu’ils entretiennent avec lui et de l’intimité qu’ils partagent.
41Lors des séjours fréquents d’Henri IV à Montceaux, la place manque et les nobles trouvent refuge dans les villes voisines. C’est le cas en 1598 lors de la présentation de Bassompierre au monarque : la compagnie qui doit rejoindre le souverain à Montceaux séjourne à Meaux, la demeure n’étant « guère logeable129 ». Peu après la mort de la duchesse de Beaufort, Henri IV garde avec lui une petite troupe de fidèles. Bassompierre en dénombre douze, dont il fait partie, et évoque la simplicité de l’accès au roi, « mangeans d’ordinaire à sa table, logé dans le même château130 ». Ce dernier n’hésite pas à partager sa demeure avec ses plus proches seigneurs, notamment ceux qui participent à ses parties de jeu ou de chasse.
42Lors des déplacements de la cour à Fontainebleau ou à Saint-Germain, les appartements sont distribués selon la même hiérarchie qu’au Louvre et le reste de la cour est logé dans les maisons à proximité. Le grand maréchal des logis est responsable de l’attribution des appartements des courtisans et des officiers de la Maison du roi et inscrit sur la porte le nom de l’occupant. Sous le règne d’Henri IV, Mery de Barbezières, seigneur de Chemerault, conserve cette charge qu’il occupait déjà sous le règne d’Henri III131, jusqu’en 1610, date à laquelle il est remplacé par Charles de Neufville seigneur d’Alincourt, fils du conseiller du roi Nicolas de Neufville.
43En 1606, Henri IV édicte un règlement pour le logement des gens de cour lors de ses voyages. Les princes du sang, ambassadeurs, cardinaux, ducs et grands seigneurs sont logés en priorité, souvent dans les maisons les plus proches du lieu où se trouve le roi. Les villages aux alentours de Fontainebleau, Montceaux ou Saint-Germain-en-Laye sont donc pris d’assaut par les grands seigneurs de la cour lors de ces déplacements. Des plaintes émanent régulièrement des habitants qui ne reçoivent pas l’argent dû par les personnes qu’ils accueillent. Dans ce règlement, Henri IV ordonne que le paiement de la résidence soit opéré et vérifié afin de limiter ces mécontentements. Il accorde le droit aux maréchaux des logis de réquisitionner de force des demeures pouvant accueillir des personnes de la suite de la cour. Ils doivent tenir un registre des maisons où elles sont installées. La distribution se fait par billets signés de leur main en respectant l’ordre de préséance des courtisans : le souverain veille ainsi au bon ordre de la cour lors de ses déplacements132. Ces voyages occasionnent souvent des problèmes logistiques et peuvent donner lieu à des querelles et des plaintes des villageois ou des courtisans.
44Dans une lettre à Charlotte Brabantine, Louise de Coligny parle de l’appartement qui lui est attribué lors d’un séjour à Saint-Germain-en-Laye. Elle occupe une chambre voisine de la marquise de Verneuil et s’en défend auprès de sa belle-fille, affirmant que le maréchal des logis est responsable de la distribution des appartements133. La répartition des logis est un enjeu de pouvoir et il s’agit de placer chacun dans une demeure correspondant à son rang. Les grandes familles n’hésitent pas à s’accaparer certaines maisons afin de s’assurer une bonne position lors des déplacements de la cour. Le règlement établi en juillet 1606 est censé mettre fin à ces désordres. Il précise que seuls les maréchaux des logis du roi ont la charge de distribuer les logements, ce qui affirme leur autorité face aux maréchaux des logis et fourriers de la reine et des princes et princesses134. Ce règlement intervient deux mois avant la célébration des baptêmes des enfants royaux à Fontainebleau et vise certainement à éviter les désordres lors cet événement.
45Pour être sûr d’avoir une résidence digne de leur rang, la plupart des nobles possèdent voire louent un hôtel à Paris et l’occupent lors de leur séjour à la cour. Les récits des contemporains d’Henri IV font régulièrement état des difficultés financières qu’entraîne cette vie auprès du souverain. Le duc de La Force le signale à plusieurs reprises dans les lettres qu’il adresse à sa femme. Lorsqu’il se rend auprès du roi en 1598, il est logé près du Louvre, vers la rue Saint-Honoré. Il précise : « Ils fournissent linge, lits et vaisselle, et ont arrêté prix à quatre livres par jour135. » Les nobles cherchent des logements dans un périmètre proche du palais afin de se rendre facilement auprès du monarque. Le privilège des hôtes du roi est particulièrement envié et convoité puisqu’il permet de faire partie de l’intimité du couple royal, de partager leur quotidien même lorsque la cour désemplit. Ils peuvent plus aisément avoir l’attention du roi et de la reine et partagent leurs loisirs et leurs divertissements, donnant lieu à une complicité impossible en journée, lorsque le logis est comble et les souverains sans cesse sollicités.
46Autre honneur de la société curiale, l’entrée à cheval ou en carrosse dans la cour du Louvre est briguée. Selon la règle, « seules les dames entrent en carrosse dans le Louvre : les princesses, duchesses et femmes des officiers de la couronne136 ». Le premier homme qui a le droit d’y pénétrer ainsi est Gaspard de Schomberg pour des raisons de santé : il souffre d’une oppression de la poitrine qui l’empêche de marcher longtemps. De même, après sa réconciliation avec le roi, le duc de Mayenne, tourmenté par la goutte, obtient l’autorisation d’entrer à cheval au Louvre, et à sa suite, le duc de Montmorency, à cause de son âge. En 1598, le duc de Bar fait son entrée en carrosse alors qu’il vient pour épouser la sœur du roi : il provoque une vague de contestations. À sa suite, les princes, ducs et officiers souhaitent à leur tour pénétrer à cheval ou en carrosse dans la cour. Le roi l’accorde jusqu’en 1606, date à laquelle il refuse cette entrée à quiconque à l’exception des dames137. Mais en 1608, le duc d’Épernon « qui jouait tous les jours avec le roi », formule une nouvelle demande : Henri IV lui accorde ainsi qu’aux princes, ducs et officiers138. La complicité avec le roi est ici soulignée comme le motif d’une faveur accordée à ce duc qui jouissait autrefois de tous les honneurs à la cour. En 1611, un « Rolle des princes, seigneurs et dames qui doivent entrer en carrosse et à cheval en la cour du Louvre » indique clairement le nom de celles et ceux qui possèdent ce privilège. Le règlement précise tout de même que ce rôle ne peut porter préjudice à leur rang. Parmi les privilégiés mentionnés on trouve les princes et princesses du sang, les de Guise, Mayenne et d’Aiguillon, Nevers, Longueville, Saint-Pol ainsi que Louise de Coligny, Diane de France, la duchesse de Bouillon, les femmes de la famille de Rohan, les duchesses de La Trémoille, de Ventadour, d’Auvergne, de Damville. Les ducs de Sully, de Bouillon et d’Épernon y figurent aussi ainsi que les ambassadeurs étrangers et les cardinaux139. Cette liste donne un aperçu des grandes familles qui peuplent la cour et à qui le prestige, l’ancienneté ou la proximité avec les souverains permet de se distinguer en accédant à des honneurs qui leur sont réservés. Les demandes répétées pour obtenir certains avantages, signes de l’influence des bénéficiaires, rendent compte de l’attachement de la noblesse à ses prérogatives. L’accès au logis du roi est un enjeu de pouvoir et un indicateur de la puissance des membres de la haute noblesse.
47Hormis l’accès à l’espace de l’intimité royale, d’autres éléments sont des signes du prestige des nobles et sont spécifiés dans les papiers du grand maître des cérémonies. Ainsi, le rang se manifeste par la distribution des sièges réservés aux nobles lorsqu’ils se rendent auprès du roi ou de la reine. Les duchesses « ont le tabouret au cercle de la reine, au dîner et souper », et peuvent entrer dans les carrosses des souverains. De plus, elles mangent à la table royale aux mariages des princes et princesses du sang. Les princes du sang et les princes légitimés ont droit à des fauteuils pour s’asseoir140. Le principe hiérarchique définissant le choix des chaises symbolise celui des rangs. Sur ce point, les nobles doivent s’adapter et défendre leurs prérogatives face à un faible respect des usages à la cour des premiers Bourbons. Louise de Coligny relate ainsi à sa belle-fille :
« De tenir antichambre, qui est là où on en vouloit tenir, c’est chose qui est fort rare ; et quand il y en a, j’y ai mon siège, et sommes toutes assises autour de la Reine sans aucun rang ; et tous les jours j’ai mon siège en la chambre de la reine et s’y assied-on comme on se trouve. Pour passer aux portes, on passe aussi comme cela. La vérité est que Melle de Guise, au passage des portes, du commencement, le vouloit toujours prendre. J’ai évité cela, et trouvois invention ou de ne m’y trouver point ou d’en faire passer d’autres devant moi auxquelles on sait bien que je ne cède point, ou de passer par d’autres portes. Enfin, sachant bien que le Roy ne vouloit donner l’avantage ni à l’une ni à l’autre, et trouvoit bon que nous marchassions comme nous nous trouverions, tantôt l’une, tantôt l’autre, voilà comme nous avons vécu depuis sans cependant en parler. Quand c’est à des festins où nous mangeons à la table du Roy, je suis toujours du côté de Leurs Majestés, auprès de Mesdames de Nemours ou de Guise et Melle de Guise de l’autre côté141. »
48Ce témoignage rend compte des désordres concernant les préséances à la cour ou plutôt de la volonté d’Henri IV de ne pas codifier ni rendre visible la hiérarchie sociale qui régit cette société. Au quotidien, les nobles doivent délaisser ces convenances, tel est le désir du roi. Cette position peut lui valoir des reproches sur la familiarité, jugée excessive, dont il use avec sa noblesse. La correspondance de Louise de Coligny nous éclaire sur l’absence de cérémonial à la cour de France. Peu de sources révèlent de manière aussi précise la résolution d’Henri IV de ne favoriser personne et de faire vivre sa noblesse en concorde en faisant fi des règles d’ordonnancement. Comment expliquer cette volonté royale ? Il est difficile de répondre de façon certaine et définitive à une telle question, cependant il est possible d’émettre quelques hypothèses.
49Les troubles civils ont entraîné des pertes considérables au sein de la noblesse française et ont pu conduire à une redistribution des prééminences sociales qui n’est pas encore clairement établie lors de la reconstruction du royaume. Henri IV ne peut se permettre d’exclure certaines grandes familles car il a besoin de leur soutien pour régner. C’est le cas notamment des quatre familles auxquelles Louise de Coligny fait allusion dans l’une de ses lettres : Longueville, Lorraine, Montpensier et Nemours142. Pour le roi, donner la préférence à l’une d’entre elles revient à s’exposer à la contestation des autres qui en général se manifeste par l’éloignement de l’entourage royal : les nobles préfèrent ainsi se retirer dans leur domaine pour éviter de paraître à un rang jugé inférieur et inconvenant143. Or, si l’on considère la cour comme un instrument de pacification du royaume, il est nécessaire que les seigneurs et dames de la cour l’identifient comme centre du pouvoir et participent à son fonctionnement. En se rendant aux côtés du souverain, ils manifestent leur adhésion à la politique royale et renforcent l’attractivité de la cour. En se retirant dans leurs domaines, ils expriment au contraire leurs réticences face au système curial, lui font perdre de son éclat et cela risque de signifier que seul leur titre et les terres qu’ils possèdent sont à la mesure de leur prestige. Si la cour ne leur fournit pas les marques nécessaires de leur prééminence, c’est dans leur province qu’ils vont les chercher. Les départs ne doivent donc pas être seulement perçus comme un isolement momentané d’un membre de la noblesse. Ils sont un signe de contestation et une menace pour le souverain qui ne peut voir sa demeure désertée par les seigneurs et les dames, au risque de perdre toute sa légitimité. C’est ce qui s’est produit à la fin du règne d’Henri III, lorsque la noblesse s’est mise en armes contre le roi et c’est également la crainte de Marie de Médicis dans les années 1615-1617, lorsque les princes partent pour se réunir dans leurs domaines144. L’équilibre est donc fragile et Henri IV espère peut-être le maintenir en faisant fi des préséances.
50Paradoxalement, cela présente l’avantage de renforcer le pouvoir d’attraction de la cour en rendant les souverains plus accessibles car Henri IV souhaite établir une relation plus étroite avec les grands. C’est pourquoi il n’hésite pas à les inviter à ses parties de chasse, à des promenades improvisées dans les galeries et les jardins de ses demeures ou à des dîners chez divers hôtes parisiens. Quant aux dames de la noblesse, il les convie à former la compagnie de sa femme, sans trop d’égards aux rangs de chacune. La faveur ne se manifeste plus par les signes extérieurs, l’accès privilégié à un décorum, mais plutôt par une intimité partagée avec les souverains. La confiance et l’amitié tendent alors à remplacer les sièges et l’ordre d’entrée dans les pièces du château. Pour Henri IV, sa principale force tient à sa noblesse « de sorte qu’il devoit prendre un grand soin de s’en faire aimer, s’asseurant qu’avec cela il seroit invincible, et d’autant qu’elle se gagnoit mieux par le bon visage et les bonnes paroles, que par l’argent, il ne falloit les espargner145 ».
51Si cet accès facile du monarque a pu choquer, d’autres s’en formalisent moins et s’attachent à sa personne bien que ce dévouement ne soit pas toujours des plus fructueux. Dans son Guide des courtisans, Antoine de Nervèze, alors secrétaire de la Chambre du roi, enjoint les gentilshommes à ne pas chercher les honneurs à tout prix puisque « le principal but que les courtisans doivent avoir c’est d’aymer et de servir leur roy, plus pour sa puissance légitime que pour l’espoir de ses bienfaits146 ». Henri IV semble avoir fait de ce conseil une maxime de gouvernement, afin de s’entourer de loyaux serviteurs mais également de compagnons sûrs, limitant ainsi le jeu des rivalités de la cour pour l’accession aux charges.
52D’autre part, le régime d’extrême faveur accordée par Henri III à ses mignons a subi de sévères critiques au sein de la noblesse147. Henri IV en est conscient et ne peut restaurer ce règne des favoris. De plus, il ne souhaite pas asseoir son autorité grâce au soutien d’un cercle restreint de compagnons, mais plutôt assurer une relation de confiance avec l’ensemble des nobles, ce qui lui permet de s’imposer en seul détenteur du pouvoir royal. Aucun membre de la noblesse n’est désigné comme favori du premier Bourbon. S’il a une troupe de fidèles, la répartition des charges au sein de sa maison ainsi que la distribution des places et des gouvernements répondent à une volonté de conserver un équilibre au sein de la noblesse afin que les grands ne se sentent jamais ni trop favorisés ni trop lésés. Cela permet de limiter les revendications nobiliaires mais expose également le souverain à des mouvements contestataires de grande envergure lorsque le manque de reconnaissance est trop pesant. Les rébellions de Biron, de Bouillon et du clan d’Entragues en sont des manifestations cinglantes.
53Fidèle à son image de roi de concorde, c’est dans ce même esprit qu’il souhaite rassembler les seigneurs et les dames à la cour. Cependant le souci de légitimité et de prestige reste bien présent dans les intentions du premier Bourbon. Il souhaite aussi préserver l’éclat de sa noblesse qui participe de sa propre majesté. Ainsi, à des fins de renforcement de la puissance monarchique française, il n’hésite pas à donner tout le faste nécessaire aux grandes cérémonies et aux réceptions d’ambassadeurs. Cela est visible lors d’une réception en 1605 où un ambassadeur se couvre la tête devant le roi. Henri IV fait alors signe aux seigneurs présents, Charles de Bourbon, comte de Soissons, et Charles, duc de Guise, de se couvrir à leur tour afin de ne pas les placer en situation d’infériorité par rapport à l’ambassadeur148 : il n’accepte pas à ce moment que les nobles de sa cour soient découverts en signe de respect alors que l’ambassadeur ne respecte pas cet usage. Être tête nue est significatif : c’est une marque de soumission mais aussi de respect et de confiance. La dignité s’exprime également à travers le corps et notamment la tête ; les chapeaux, bonnets et autres couvre-chefs la rendent visible. De plus, la perception du corps valorise la tête : apparente et fragile elle est le centre vital et l’instrument de contact social. C’est pour cela qu’une attention toute particulière lui est portée. Nombre de sources précisent comment les princes, ambassadeurs et autres visiteurs de la cour sont vêtus et s’ils restent couverts en présence du roi ou des grands. La fréquence de ces indications montre l’attachement à ce genre de signes et de codes. Chaque geste, dans le milieu curial, est sujet à interprétation et peut faire l’objet d’une distinction sociale. L’étiquette est donc un instrument de poids pour valoriser les nobles et leur permettre de manifester leur position. Les distinctions de la cour remplacent celles du champ de bataille, mais elles sont employées lorsque la monarchie est en représentation. Ce souci quant à la prééminence de ses nobles face aux étrangers montre qu’Henri IV ne se désintéresse pas totalement de ces questions. Même si, au quotidien, c’est l’esprit de concorde qui doit régner, et que celui-ci passe par un assouplissement du cérémonial et un accès facilité au roi.
54Les courtisans usent de chaque prérogative qui leur est accordée comme celle de porter certaines parures. L’intérêt de la noblesse pour le luxe n’est pas seulement esthétique, il est également d’ordre social et manifeste l’appartenance à un rang supérieur. La dignité est visible par les atours et la suite qui accompagne chaque noble, ce qui entraîne de grandes dépenses lors d’un séjour à la cour. L’habit rend visible l’ordre politique et social dans ses structures et hiérarchies. Isabelle Paresys évoque ainsi une « grammaire de la distinction » basée sur la hiérarchie entre les matériaux, les couleurs, les pièces vestimentaires et les ornements149. Cet attachement aux vêtements n’est pas chose nouvelle, il se renforce depuis la Renaissance, est critiqué sous le règne d’Henri III et connaît son apogée à la cour de Versailles.
55Le pouvoir royal s’évertue à limiter le luxe des parures et surtout à réserver certains signes à la haute noblesse qui doit se différencier du reste des sujets. Henri IV n’est pas en reste et ses dispositions font suite aux ordonnances déjà promulguées par ses prédécesseurs en 1485, 1543, 1547, 1549, 1561, 1563, 1573, 1576 et 1583150. En 1601 et 1606, il renouvelle les recommandations quant aux usages de certaines étoffes et souhaite affirmer la prééminence de la noblesse sur les autres sujets. Bien que lui-même semble peu soucieux de son apparence et qu’il soit souvent critiqué pour le manque d’attention à sa toilette, il défend tout de même les prérogatives des grands qui, eux, restent très attachés à leur mode de vie151. Marjorie Meiss-Even a montré le lien entre consommation et identité nobiliaire, en prenant l’exemple de la famille de Guise sous le règne des Valois152. Elle lie ces pratiques somptuaires, ce déploiement de luxe, à la crise identitaire aristocratique du xvie siècle. Cette consommation permet de défendre une identité noble et même de la définir. Le phénomène est notable dès les années 1550 et il est renforcé sous le règne d’Henri IV. Avec l’assouplissement du cérémonial de cour, la défense d’un mode de vie aristocratique s’exacerbe. Elle connaît ses limites par l’endettement parfois lourd des familles engagées lors des guerres civiles153. Cependant, les récits des contemporains disent cette nécessité de bien paraître et de manifester sa dignité par le port de signes extérieurs de richesse. Alors que la paix est à peine restaurée, les nobles retrouvent leurs habitudes, comme le note Pierre de L’Estoile en janvier 1596 :
« Quant aux habillements, bagues et pierreries, la superfluité y estoit telle, qu’elle s’etendoit jusqu’au bout de leurs souliers et patins, qui fust occasion de faire dire tout haut à un Seigneur de la Cour, qui s’estoit trouvé en une de ces collations, que c’estoit à Paris qu’il falloit demander de l’argent, et qu’il le diroit au Roy ; et quand il les contradiroit de lui en bailler, qu’il ne leur feroit point de tort, pource que s’ils en trouvoient fort bien pour fournir à leurs excès et superfluitez, à plus forte raison et meilleure en devroient-ils trouver pour soulager la necessité de leur prince154. »
56Ce récit laisse toutefois penser que les collations données à Paris n’étaient pas seulement le fait des grands de la cour, mais plutôt d’une élite parisienne qui multiplie les banquets et les fêtes au retour de la paix. Tout au long du règne d’Henri IV, L’Estoile ne manque pas de dénoncer ce luxe excessif. Les inventaires après décès des grands personnages de la cour rendent compte des dépenses effectuées pour les vêtements, la vaisselle et le mobilier. Celui des dames de la cour et notamment de Diane de France est révélateur155. La valeur totale de ses biens s’élève à 517 764 livres tournois 6 sols. L’inventaire recense ainsi 91 bijoux dont 16 bagues, 15 colliers dont le plus coûteux est estimé à 4 000 livres tournois. Les pièces pour le service de table sont également précieuses et comportent 9 flacons ciselés, 7 plats, 6 pots et 13 drageoirs en vermeil. Le mobilier se compose quant à lui de 15 armoires, une cinquantaine de coffres, pas moins de 68 tables et 25 lits. Pour sa toilette, elle possède 20 robes à queue, 4 robes rondes, des manteaux et du linge de corps156. Ces différents éléments rendent compte de la culture matérielle nobiliaire qui fait de la richesse, de la possession d’objets précieux et de l’apparence des marqueurs de la dignité. La cour étant le théâtre des représentations, il est nécessaire de s’y rendre richement paré mais également d’offrir un cadre luxueux pour recevoir ses hôtes.
57Paraître à la cour coûte donc très cher. Daniel Chamier, ministre protestant qui rend visite à Henri IV en 1607, tient un journal dans lequel il dresse l’état de ses dépenses157. La liste de tout ce dont il a besoin pour se rendre et vivre à la cour et le coût que cela représente confirment l’idée que les courtisans ne peuvent pas rester constamment près du roi. Les dépenses sont incompressibles et indispensables : le courtisan doit payer son logement et surtout investir dans une tenue convenable s’il ne veut pas être l’objet de risée. Comme Chamier, Nicolas de Brichanteau, marquis de Beauvais-Nangis, fait état de ses difficultés lors de ses débuts à la cour. Le manque de ressources l’oblige à s’en éloigner, « n’estant pas en équipage et n’ayant les moyens d’estre leste et tenir table comme eux, j’eusse désiré, s’ils m’eussent donné à disner, d’avoir les moyens de les traicter à mon tour158 ». La civilité curiale implique non seulement le maintien d’une apparence aristocratique mais également un échange formalisé par des réceptions permettant de renforcer des liens d’amitié avec d’autres seigneurs.
58En mettant en lumière la cour d’Henri III, Jacqueline Boucher notait la répugnance de certaines familles nobles à vivre une partie de l’année à la cour159. Cette remarque s’applique également à la cour d’Henri IV. Si certains jouent volontiers leur rôle de courtisans et restent proches du roi, à l’exemple de Bellegarde et de Roquelaure, d’autres préfèrent le repos dans leur province aux tourments de la cour. Ils la rejoignent lors des grandes cérémonies, ou lorsque le souverain les convie. L’ambassadeur Pietro Duodo, alors qu’il voit la chose d’un œil extérieur, note que les seigneurs se retirent régulièrement dans leurs terres puisque la vie auprès du roi coûte très cher. En effet, le Vénitien constate qu’ils dépensent parfois en une semaine ce qu’ils ont mis un an à amasser160. Ils séjournent à la cour lorsqu’ils remplissent leur charge à la Maison du roi ou lorsqu’ils ont quelques affaires à traiter mais ils sont contraints régulièrement de s’éloigner quelque temps du monarque afin d’assainir leurs finances en menant un train de vie plus simple. Le duc de La Force, qui se rend régulièrement auprès d’Henri IV, s’inquiète souvent du manque d’argent auprès de sa femme :
« Il se fait de grands retranchements sur les garnisons et sur la Maison du Roi ; je désire aussi avoir l’œil à la dépense pour ce qui me regarde, car cela est allé merveilleusement vite ; tout ce que j’apportai d’argent a été dépendu, et de plus quatorze cents écus que j’ai tirés de mon état des Gardes, et mille que M. de la Vigerye m’a prêtés au moins, il ne m’en reste que cinq cents ; si ai-je outre la dépense ordinaire, à faire encore force dépense extraordinaire161… »
59La vie à la cour contraint à des dépenses conséquentes afin de bien paraître et de montrer sa puissance. Mieux vaut alors pour certains nobles se rendre en bon équipage auprès du souverain lorsque les finances le permettent, car le prestige se gagne par les charges obtenues dans la Maison du roi, mais également par cette capacité à mener son train à la cour. Le baptême des enfants royaux de 1606 provoque ainsi une véritable émulation au sein de la noblesse. Dans ses Mémoires, Bassompierre insiste sur la nécessité d’y paraître avec un habit neuf. Devant la pénurie de tailleurs et de brodeurs tous sollicités par les membres de la cour, Bassompierre fait appel à son tailleur Tallot, qui vient avec son brodeur, et lui commande un habit « de toile d’or violette, et des palmes qui s’entrelaceroint162 ». Orné de nombreuses perles, ce costume doit lui coûter 14 000 écus alors qu’il en a 700 en poche. Ce sont ses gains au jeu qui lui permettent de payer dans les plus brefs délais son habillement et d’acheter en plus une épée de diamant de 5 200 écus163. De même en 1612, lors des festivités pour célébrer les mariages espagnols, Beauvais-Nangis décrit les carrousels et les ballets auxquels il participe et dresse le bilan de ses dépenses : « il m’en cousta deux mille cinq cents ecus, tant en cela [ballets et carrousels] qu’en habits que je fis faire164 ».
60Les parures des nobles doivent être à la hauteur de leur prestige165. Certains éléments, comme le manteau ducal, sont réservés aux grands de la cour, notamment aux princes du sang et aux ducs et pairs. Il est utilisé comme tenue d’apparat lors des grandes cérémonies et une symbolique forte lui est attachée. Pour le couronnement de Marie de Médicis le 13 mai 1610, le comte de Soissons demande « pour l’interest de la maison de France » que les princesses du sang portent des robes de velours « violet semé de fleurs de lis d’or selon la pratique qui en est faite lors des mariages, enterrements et grandes cérémonies166 ». Les récits de l’époque montrent que le roi s’y oppose, afin que sa fille Catherine-Henriette, demoiselle de Vendôme, ne se trouve pas habillée différemment des princesses du sang. « Contraint par la raison », le souverain accepte que ces dernières portent les fleurs de lys, mais « pour ce que c’estoit contre son gré il prononca qu’il l’accordoit ainsy a la charge qu’il n’aymeroit jamais Mondit sieur le Comte167 ». Préférant ne pas contrarier le roi, Charles de Bourbon et sa femme Anne de Montafié se retirent de la cour et ne participent pas à la cérémonie. Leur absence est d’ailleurs notée par l’envoyé du grand-duc de Toscane168. Cette anecdote s’ajoute aux discordes fréquentes entre Henri IV et Soissons, ce dernier estimant que le roi ne lui accorde pas l’attention qu’il mérite et qu’il ne respecte pas ses prérogatives. Il s’agit pour le couple d’éviter une dispute avec le souverain et surtout de ne pas paraître dans une situation qui ne correspond pas à son rang. Cet épisode révèle l’attachement des nobles au cérémonial et le rappel qu’ils en font au roi. Ainsi les signes de la hiérarchie sociale sont plus forts que le désir voire le devoir de paraître à une grande cérémonie. Les nobles sont prêts à abandonner certaines règles mais ne peuvent renoncer à ce qui tient de leur honneur. Lorsque celui-ci est en cause, l’opposition au roi se fait plus nette et prend la forme du retrait de la cour. Ainsi, malgré le caractère simple et peu cérémonieux d’Henri IV, il lui est impossible de contrevenir complètement à ce qui tient des droits de la noblesse.
61Préséances, cérémonial et codes vestimentaires sont autant de signes de prééminence sociale qui revêtent des enjeux de pouvoir dans une société d’honneur comme l’est la société curiale. Ces distinctions permettent aux nobles de s’identifier entre eux et par rapport aux autres. Les signes sont des éléments de leur identité, indispensables à leur reconnaissance. Le philosophe et sociologue Axel Honneth affirme ainsi que « chaque sujet humain est fondamentalement dépendant du contexte de l’échange social organisé selon les principes normatifs de la reconnaissance réciproque169 ». Dans leur besoin de différenciation, de reconnaissance de leur prestige et de leur honneur, les nobles s’attachent donc à des codes communs qui définissent leur particularité. Le roi ne peut totalement les occulter : ils sont fondateurs et distinguent la part noble sur laquelle repose une partie de l’organisation du royaume. Refuser d’accorder de la valeur à ces codes entraîne un déficit de reconnaissance qui peut créer des frustrations et surtout des conflits visant à raviver l’idéal nobiliaire. L’équilibre est fragile entre la volonté du roi de fléchir les règles d’organisation de la cour et le besoin des nobles d’intégrer des codes qui leur permettent de défendre leur identité, de se distinguer des autres ordres du royaume et de faire de l’honneur le moteur de la différenciation à l’intérieur même de la société curiale. Car cette société d’honneur amène un besoin de reconnaissance « catégorial » par rapport au reste de la société et entraîne une émulation entre les membres d’un même groupe pour faire valoir leur prééminence sur les autres, « la reconnaissance comparative170 ». Les querelles de préséance entrent dans cette dimension comparative et créent une dynamique dont le souverain peut retirer les fruits. Le cérémonial est donc un instrument de la majesté royale et permet finalement de célébrer le roi dans son rôle de protecteur, de justicier et de garant de l’harmonie du royaume, mais il n’en est pas le seul maître. Outre ce cérémonial, les fêtes et réjouissances de la cour peuvent également participer à cette mise en majesté de la personne royale et permettent une autocélébration de la cour par ses propres membres.
Célébrations curiales
La naissance et le baptême des enfants royaux
62Du sacre aux funérailles, la monarchie française est célébrée à travers une série de cérémonies qui marquent les différents règnes171. Celui d’Henri IV débute avec la cérémonie d’abjuration qui ouvre la voie à son sacre le 27 février 1594172. Son mariage avec Marie de Médicis est un autre événement fédérateur pour le royaume et l’occasion de nombreuses fêtes à Florence, Marseille, Avignon et Lyon173. Outre ces noces, de grandes cérémonies sont organisées pour glorifier le roi et sa famille et associent le royaume à la célébration de la monarchie. Plutôt que de s’attacher à retracer ici l’ensemble de ces cérémonies pour le règne d’Henri IV, nous avons choisi d’analyser plus précisément celles qui mobilisent la cour et qui ont une valeur symbolique et politique particulière puisqu’elles sont emblématiques des opérations de légitimation et de glorification des Bourbons. Les baptêmes royaux célébrés en 1606 ont une portée singulière en ce qu’ils célèbrent la pérennité assurée de la Couronne de France. Ils disent toute la majesté et le prestige de cette nouvelle dynastie régnante.
63Très attendues, les naissances des enfants royaux font l’objet de publications et de réjouissances sur tout le territoire : feux de joie dans la rue, ballets, bals et carrousels à la cour174. La première naissance célébrée lors du règne est celle du dauphin Louis, né le 27 septembre 1601 à Fontainebleau. Grâce à elle, Henri IV s’assure un regain de légitimité et d’autorité et donne une nouvelle preuve du retour de l’harmonie dans le royaume. Choisi par Dieu, il est celui qui, dans le don de sa personne, fait également don de sa descendance pour la prospérité de la France175. La naissance d’un héritier est un signe divin qui vient confirmer la sacralité royale. Après de longues années d’instabilité politique et de guerres, les naissances royales sont l’occasion de grandes célébrations, de mouvements de joie qui disent la confiance retrouvée en cette monarchie bourbonienne.
64Un document tiré du cérémonial de la Chambre des comptes donne les instructions pour organiser les fêtes lors de la naissance du dauphin. Le 28 septembre 1601, Jean Nicolay, conseiller du roi, reçoit tôt le matin de la part de La Varenne des lettres du souverain qui annoncent la nouvelle et commandent à ses officiers de la Chambre des comptes d’assister aux processions générales rassemblant tous les sujets du souverain « afin que par le moyen de bonnes prières publiques et particulières d’un chacun nostre dit fils puisse rencontrer un gracieux et favorable accueil de sa divine bonté et par sa sainte grâce estre nourri et eslevé à sa gloire et à son honneur176 ». Le chancelier Pomponne de Bellièvre compose un mémoire pour cette cérémonie, envoyé également à la Chambre des comptes. Le texte précise que « à deux heures après midi, la cloche du Palais commencera à carillonner », puis celle de Notre-Dame, où se tient un Te Deum auquel assistent « les corps des cours souveraines et autres en robes rouges ». Les canons de l’Arsenal et de l’Hôtel de Ville résonnent ensuite tandis que des feux de joie doivent être faits en place de Grève et le soir, dans tous les quartiers, on tire à nouveau l’artillerie. Le lendemain, jour de la Saint-Michel, une procession générale est organisée177. La naissance est célébrée dans tout le pays et tous les sujets sont invités à participer aux festivités. Le mémoire rédigé par le chancelier dit toute la solennité de l’événement, qui doit toucher l’ensemble de la population et requiert la participation des différentes cours souveraines : parlement, Chambre des comptes, Cour des aides, Cours des monnaies. Un libelle, publié à Lyon par Thibaud Ancelin, célèbre à son tour l’événement comme le signe du retour de la paix. Le texte commence ainsi : « C’est à ce coup, François, que vostre bonheur est esclos, et que vostre franchise est asseurée, et que ce qui vous pouvoit menacer est destruit178. » La naissance du dauphin permet de rassurer les sujets du roi : Henri IV est celui qui a rétabli l’ordre et qui assure la pérennité monarchique. Si l’on se fie à ce texte, le repos du royaume n’était pas vraiment assuré tant que cette continuité n’était pas garantie. Outre la reconnaissance due par les sujets envers leur « père tutélaire179 » et roi légitime, ce libelle rend la France redevable à la reine pour avoir « porté le fruict de la franchise, et […] l’avoir tirée de tant de conflis qui sembloient s’opposer à sa tranquillité180 ». La naissance d’un dauphin est donc une condition sine qua non de l’harmonie et de la prospérité de la monarchie. Elle doit être célébrée à la hauteur de sa portée et elle l’est surtout lors des baptêmes royaux. Ces fêtes constituent un instrument de pouvoir : elles créent une émulation au sein de la société nobiliaire et elles symbolisent le faste de la royauté. Henri IV, le nouvel Astrée, prouve ainsi sa capacité à ramener la concorde au sein de la cour181.
65Si la naissance est fêtée sur tout le territoire, les baptêmes, quant à eux, ont lieu dans le cadre de la cour, sous le regard de la noblesse, et ils sont célébrés cinq ans plus tard, alors que deux autres filles sont nées. Comme le précise le Mercure françois, le premier sacrement a été donné au dauphin peu de jours après sa naissance182. Le caractère tardif des cérémonies s’explique par le fait qu’Henri IV souhaite que le parrain de l’enfant soit le pape. La mort de Clément VIII puis de son successeur Léon XI retardent les festivités. Paul V est représenté par le cardinal François de Joyeuse pour faire office de parrain. Le dauphin est baptisé en même temps que ses deux sœurs Élisabeth et Christine. Jean-François Dubost note toutefois que, suivant l’usage aristocratique, « les enfants ne sont qu’ondoyés à la naissance, puis baptisés vers l’âge de cinq ans seulement183 ». Les dispositions prises pour les enfants royaux correspondent donc à cette pratique. L’événement a été prévu initialement à Paris, mais la contagion de la peste dans la ville fait annuler les préparatifs pour les déplacer à Fontainebleau184. Le baptême est organisé le 14 septembre 1606, le Mercure françois précisant que le jour choisi correspond à « l’exaltation Sainte-Croix185 », fête qui célèbre la consécration de l’église du Saint-Sépulcre, lors de laquelle la vraie croix fut présentée à l’adoration des fidèles. Le lien avec l’Église catholique et ses rites est ainsi affirmé : dans le cadre de la cour, ce n’est pas la vraie croix qui est célébrée mais les enfants du roi, garants de la paix et de l’harmonie retrouvée.
66Le pape et Éléonore de Médicis, duchesse de Mantoue, sont parrain et marraine du dauphin. L’infante d’Espagne, Isabelle-Claire-Eugénie, est marraine de Madame Élisabeth ; elle est représentée par Diane de France. Le duc de Lorraine et Christine de Lorraine, grande duchesse de Florence, représentée par Dom Jean, bâtard de Médicis, assurent cette fonction pour Madame Christine186. Le choix des parrains et marraines n’est pas une mince affaire. Il reflète les liens que le roi souhaite consolider autour de cette nouvelle génération, garante de l’installation des Bourbons à la tête du royaume de France. Le parrainage du pape est un signe très fort envoyé à toute la chrétienté : Henri IV est bien le roi Très Chrétien et son fils est placé sous la protection du Saint-Père. Il perpétue l’usage du parrainage des dauphins par le pape187. Quant à la duchesse Éléonore de Mantoue, elle renforce les rapports entre la famille royale et les Médicis. Certaines sources mentionnent la demande faite auprès de Jacques Ier d’Angleterre pour être parrain d’Élisabeth. En effet, Henri IV l’a sollicité comme le révèle la correspondance avec Antoine Le Febvre, sieur de La Borderie, ambassadeur de France auprès du roi d’Angleterre. Mais réunir dans une même cérémonie un représentant du pape et le gouverneur suprême de l’Église anglicane est malaisé et Jacques Ier ne semble pas y consentir. Henri IV le remercie de la franchise avec laquelle il s’adresse à lui pour lui faire part de l’impossibilité de prendre part à cette cérémonie, à moins de prendre le pas sur le pape188. L’Espagne, grande puissance longtemps ennemie d’Henri IV, est également présente à travers la figure de l’infante, qui par là même reconnaît la légitimité des Bourbons.
67Une liste des princes, princesses et duchesses est présentée au souverain pour régler les préséances lors de cette cérémonie, preuve qu’il faut anticiper pour ne pas mécontenter la noblesse et maintenir l’ordre durant cette fête monarchique où chacun souhaite défendre publiquement son rang et sa prééminence. Les princes du sang gardent le premier rang, suivis de ceux qu’il « plaira au roi de leur donner » comme Vendôme, de Guise, Nemours, Nevers et Longueville. Les ducs viennent après, au rang desquels sont Montbazon, Rohan, Bouillon et La Trémoille. Les maréchaux de France et officiers de la Couronne arrivent ensuite, le grand écuyer étant placé après les maréchaux et avant l’amiral. Les princesses du sang ont rang à leur suite, suivies d’autres princesses qui auront aussi le « rang qu’il plaira au roi » : Mesdames de Guise, Nevers, Longueville, Mayenne, Mercœur, d’Angoulême. Les demoiselles de Mercœur et de Mayenne se placent après toutes les princesses mariées et sont suivies des duchesses et des femmes des maréchaux et officiers de la Couronne. Mesdames de Rohan, Bouillon, La Trémoille et les filles de duchesses viennent après elles189. Ce mémoire témoigne de l’intervention d’Henri IV dans le règlement des préséances, l’ordre se faisant selon « ce qui plaira au roi ». Or ce texte est assez flou pour ne pas trop engager le souverain et peut être sujet à interprétation et entraîner des mécontentements. Des querelles éclatent, notamment avec les ducs de Nemours et de Nevers qui prétendent devoir être préférés aux ducs de Vaudémont et de Guise. Le roi ne leur accorde pas ce privilège et ces seigneurs et leurs épouses boudent la cérémonie190. Le duc de Bouillon est lui aussi déçu dans ses prétentions et n’obtient pas sa place parmi ceux qui doivent porter les honneurs du baptême. Comme l’indique Sully, si prompt à le critiquer : « M. de Bouillon, qui avoit esté nommé du nombre, fut contraint de s’en abstenir, pource que vous et tous les autres ducs et pairs de France le deviez précéder, nonobstant sa prétendue principauté souveraine de Sedan, et son titre imaginaire de duc de Bouillon191. » Cette analyse, outre le mépris que Sully porte au duc, reflète la façon dont chacun cherche à défendre sa place, invoquant tantôt l’ancienneté d’un titre, tantôt un statut de prince étranger ou la supériorité de certains titres sur d’autres. Henri de La Tour d’Auvergne doit donc sans cesse défendre sa « prétendue » principauté ou son « titre imaginaire » de duc lorsqu’il veut paraître dans les grandes cérémonies.
68Seconde ombre au tableau : les princes du sang refusent de participer à la cérémonie. Ils contestent la préséance accordée à la duchesse de Mantoue, sœur de la reine, sur les princes étrangers et les princes du sang192. Un écart considérable existe alors entre les relations officielles de la cérémonie où les princes du sang apparaissent pour porter le dauphin et tenir les honneurs du baptême et d’autres récits qui font état de leur mécontentement. Dans ses Mémoires, Marie-Geneviève Thiroux d’Arconville signale leur absence lors des festivités193. Sully semble confirmer cette déconvenue et affirme que la reine veut que sa sœur de Mantoue précède en rang tous les princes étrangers et princes du sang :
« ce qu’ils contestoient opiniatrement, surtout les derniers, qui disoient ne pouvoir souffrir, eux qui estoient descendus d’une maison royale, la première et la plus ancienne de la chrétienté, estre précédés par un duc nouvellement inventé […] à cela se faisoient ils plusieurs répliques, et la Reyne s’affermissant en son dessein, nuls de ceux de la maison de France ne se voulurent trouver aux cérémonies où ils devoient marcher ensemble194 ».
69Selon les princes du sang, cette préséance accordée à la sœur de la reine est révélatrice du peu d’égard que le roi leur porte et de sa volonté de limiter leur puissance. Ces solennités sont une occasion d’affirmer leur place à la tête de l’État, aux côtés du souverain. En donnant la prééminence à une princesse étrangère, Henri IV affirme sa capacité à régner seul et à rétablir lui-même une nouvelle dynastie sur le trône. Sans vouloir sciemment léser les princes du sang, il accorde aussi cette préséance dans la mesure où la duchesse est marraine du dauphin. Le lien entre la duchesse et le dauphin prime sur les liens familiaux entretenus avec les princes du sang qui bénéficient de l’aura royale sans en être maîtres. Les descriptions des cérémonies rendent compte du baptême « idéal » du dauphin et de ses sœurs, auquel tous les princes auraient participé, en occultant leur absence. Cela n’est pas surprenant dans la mesure où ces recueils servent souvent de modèle pour les générations futures. L’objectif est de célébrer l’harmonie retrouvée dans le royaume, il aurait par conséquent été délicat de faire état de ces disputes entre le roi et les princes. Plus proches parents du dauphin, ils doivent être ses principaux soutiens et leur place est donc au cœur des célébrations du baptême.
70La propagande royale a sans doute joué ici son rôle en gommant les tensions entre le premier Bourbon et les princes du sang qui doivent participer à la glorification de sa descendance. Les querelles évoquées précédemment donnent un tout autre son de cloche : celui de grands seigneurs, frustrés de ne pouvoir tenir le rang qu’ils considèrent être le leur. Leur refus de participer à une telle cérémonie rend visible la difficulté éprouvée par Henri IV pour imposer son mode de gouvernement à la haute noblesse. Ces baptêmes ont lieu dans un contexte particulier puisqu’ils viennent clore une période d’intense contestation, qui commence avec la conspiration du duc de Biron en 1602 pour se terminer avec la rémission du duc de Bouillon en 1606, sur laquelle nous reviendrons. Ces contestations touchent directement la famille royale et le roi souhaite ici affirmer la place de ses enfants et surtout celle du dauphin comme héritier de la Couronne.
71Le récit de ces solennités permet toutefois d’en saisir la liturgie et d’examiner le poids qu’elles ont dans le processus de glorification de la monarchie bourbonienne. En effet, lorsque celle-ci peut être célébrée dans le cadre de réjouissances publiques, Henri IV n’hésite pas à jouer de faste et de somptuosité pour la mettre en lumière. Il le fait plus volontiers lorsqu’il s’agit de signifier son attachement à la religion catholique comme lors de ces baptêmes. Ils sont l’occasion de célébrer la descendance royale, placée fastueusement sous la protection de l’Église. Le château de Fontainebleau est richement paré : les salles étant trop petites pour accueillir les festivités, elles se tiennent dans la cour du logis195. La cérémonie débute à dix-sept heures dans la cour du donjon :
« L’autel est richement paré des ornements de l’ordre du Saint Esprit et une table couverte d’un tapis de même parure avec deux dais tant sur l’autel que sur la table lesquels étaient des ornements dudit ordre. Aux deux côtés de l’autel étaient disposés deux échafauds pour deux chœurs de musique, côté droit un banc tapissé pour les archevêques, évêques et seigneur du conseil. Devant l’autel, une place est dédiée au cardinal de Gondi destiné à accomplir les cérémonies et aux aumôniers et chapelains qui l’accompagnaient. Autour du théâtre devait être les suisses de la garde du corps, tenant chacun une torche ardente à la main. Les capes, toques, boutons et épées des princes et seigneurs étaient couverts de pierreries. La garde seule de l’épée du duc d’Épernon valait plus de trente mille écus196. »
72Ce rapport du Mercure françois insiste sur la richesse des vêtements des princesses et dames de la cour, d’une « admirable splendeur ». Tout n’est qu’or, argent, perles, pierreries qui couvrent les habillements. La robe de la reine est étoffée de trente-deux mille perles et de trois mille diamants197. Le récit de Bassompierre, rapportant la dépense faite pour son costume, confirme que les nobles ont usé de tout le luxe possible pour éblouir les autres membres de la cour198. L’idée d’un renouveau, du retour de la paix et de l’harmonie est alors présente dans les esprits. La pacification a permis aux nobles de se rassembler autour du souverain, de la cour et de lui redonner son faste et son prestige. Cette cérémonie est le point culminant de ce renouveau, marquant un tournant et donc l’occasion pour la noblesse de célébrer à nouveau ses codes et ses valeurs.
73Alors que la cour du château est encombrée de monde, le dauphin et ses sœurs sont dans leur chambre sur de grands lits, sous un dais, avec leur couverture d’hermine mouchetée. Les grands du royaume prennent place dans le cortège et les premiers sont chargés de porter « les honneurs du baptême ». Parmi eux, on distingue les honneurs des compères – le bassin, l’aiguière et la serviette – et ceux de l’enfant qui sont le cierge, le chrémeau et la salière. Les trois enfants sont levés par des femmes de la cour : Christine, la plus jeune des trois, est la première, suivie d’Élisabeth et de Louis. Anne de Montafié, comtesse de Soissons, et Louise-Marguerite de Lorraine, princesse de Conti, découvrent le lit du dauphin, puis Charlotte-Catherine de La Trémoille, princesse de Condé, se charge de l’enfant. Henriette-Catherine de Joyeuse, duchesse de Montpensier, doit le démailloter et Madame se tient normalement auprès des tables pour donner les honneurs aux princes. Le parrain et la marraine se rendent dans la chambre de parade et la procession commence. Les gentilshommes marchent en premier, suivis des tambours et trompettes et des gentilshommes ordinaires avec un cierge à la main, puis viennent les hautbois, hérauts et rois d’armes et enfin les chevaliers de l’ordre portant un flambeau. Selon le Mercure françois, la parade de Mesdames a lieu puis celle du dauphin, bien que celui-ci soit baptisé le premier. Le Cérémonial françois de Godefroy décrit la procession en plaçant ceux qui portent les honneurs du dauphin immédiatement après les chevaliers de l’ordre199.
74Le dauphin est entouré des princes du sang, des bâtards royaux et des ducs et pairs : François, comte de Vaudémont, porte le cierge, Alexandre, chevalier de Vendôme, se charge du chrémeau, César de Vendôme de la salière, le duc de Montpensier du bassin et le comte de Soissons de l’aiguière. Le prince de Conti porte la serviette sur un coussin d’or et Charles de Guise tient la queue du manteau royal de l’enfant. Le duc de Nevers, qui disputait cette place au duc de Guise, ne participe donc pas à la cérémonie. Le prince de Condé devait porter l’enfant mais étant malade, Gilles de Souvré, son gouverneur, s’en occupe tandis que la gouvernante, la baronne de Montglat, les suit. Comme le montre l’estampe ci-dessous, le dauphin est entouré d’une vingtaine de seigneurs vêtus d’une cape et d’un bonnet ornés de broderies d’or et de pierreries, chacun un flambeau à la main. Le cardinal de Joyeuse marche tout seul, suivi de la marraine la duchesse de Mantoue, accompagnée de son fils Don Ferdinand. Les princesses du sang prennent ensuite place : la princesse de Condé « avec une robe noire et vertugale couverte de broderies », la princesse de Conti « a grand vertugalle et queue trainante de broderie d’or et d’argent et pierreries », la comtesse de Soissons et Madame de Montpensier, parées de même, tandis que le capitaine des gardes ferme le cortège200 (fig. 3).
Figure 3. – Léonard Gaultier, Représentation des cérémonies et de l’ordre gardé au Baptesme de Monseigneur le Daulphin et de Mes Dames, ses sœurs, à Fontainebleau le 14 jour de septembre 1606, estampe.

Bibliothèque nationale de France, RESERVE (FOL-QB-201 [14]).
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75Le cardinal de Gondi procède alors au baptême : les princes portent tour à tour les honneurs du dauphin près des fonts baptismaux. La même procession se déroule pour les deux filles du roi, qui sont servies par des ducs et duchesses selon la préséance fixée par Henri IV. Catherine-Henriette, demoiselle de Vendôme, Catherine de Clèves, duchesse de Guise, Henriette de Savoie-Villars, duchesse de Mayenne, Mesdames de Rohan et de Sully servent pour les honneurs de Madame. Là encore, la duchesse de Nevers dispute la place de la duchesse de Guise et, à l’instar de son mari, ne participe pas à la cérémonie. Le maréchal de Lavardin porte le bassin, le maréchal de La Châtre l’aiguière, Sully la serviette, Montbazon le cierge, d’Épernon le chrémeau, et le duc d’Aiguillon la salière. Le prince de Joinville porte Madame et Henri de Foix-Candale se charge de la queue du manteau royal. Douze seigneurs avec cape et bonnet entourent également Madame avec des flambeaux suivis par Diane de France avec une grande queue portée par Charlotte de Montmorency, sa nièce.
76Pour Madame Christine, Madame de Lavardin, la comtesse de Sault, la comtesse de Guiche, la comtesse de Randan et Madame de Chemerault prennent part au lever. Dans la procession, le baron de La Châtre porte le bassin, Monsieur de Montigny l’aiguière, La Rochepot le coussin et la serviette, Chémerault, grand maréchal des logis, le cierge, Liancourt le chrémeau, le maréchal de Fervaques la salière. Le maréchal de Boisdauphin porte Madame. Les nobles de la cour semblent tous avoir leur rôle à jouer dans ces cérémonies et leur participation à la procession et aux gestes du baptême reflète le rang qu’ils tiennent à la cour. Les célébrations, outre leur rôle religieux et leur caractère sacré, sont aussi un moyen de célébrer l’ordre de la cour201.
77À l’heure du souper, tous les participants se rassemblent dans la salle de la grande cheminée, magnifiquement parée de tapisseries, « de plus de trente pièces en la tenture des plus belles du monde202 ». Les parrains et marraines sont assis à la droite du roi et à sa gauche se trouvent la reine et toutes les princesses et duchesses qui ont servi à la cérémonie. Dans ce récit idéal, le comte de Soissons tient son rôle de grand maître et accompagne la viande du roi tandis que le prince de Condé sert de panetier, le prince de Conti d’échanson et le duc de Montpensier de tranchant. La reine est servie par d’autres grands seigneurs de la cour : Monsieur de Vendôme, Vaudémont et de Guise. Les hôtes des souverains tels le légat et la duchesse de Mantoue sont servis par des fidèles du roi comme Sully et Bassompierre203. Après le festin, un bal est organisé où le duc de Lorraine précède tous les princes du sang, par ordonnance du roi, « en considération seulement de ce qu’il était parrain de Madame seconde ». Le lendemain, des feux d’artifice sont lancés pour clore les festivités204.
78Les cérémonies de l’année 1606 sont révélatrices de la capacité d’Henri IV à paraître en majesté. Cela explique sans doute la publication d’un récit idéalisé de la cérémonie où toute la cour, y compris les princes du sang, est réunie autour de la famille royale. Les enfants légitimés du roi et de sa maîtresse Gabrielle d’Estrées prennent également part à cette célébration. Tous les trois participent à la cérémonie et portent les honneurs du baptême au même titre que les grands du royaume. Leur place est bien ancrée à la cour et Henri IV souhaite en faire des serviteurs dévoués à leurs frère et sœurs. Cette cérémonie est l’occasion d’affirmer et de manifester des liens établis entre les Bourbons, les souverains étrangers et les nobles du royaume. Le choix de l’infante d’Espagne comme marraine d’Élisabeth de France n’est sans doute pas anodin : il place dès lors la première fille de France sous la protection espagnole. Bien qu’elle ne soit pas encore formellement promise à une alliance, ce choix montre la bonne volonté d’Henri IV à l’égard des Espagnols205. La diplomatie n’est donc pas exclue de ces grandes cérémonies royales, bien au contraire, car celles-ci servent également à renforcer le pouvoir du roi de France. Cette politique d’affirmation de la puissance bourbonienne passe aussi par d’autres solennités plus fréquentes et qui font l’objet d’une attention royale particulière : les réceptions d’ambassadeurs.
Les réceptions d’ambassadeurs : diffuser l’image d’un roi puissant
79Représentant du souverain, l’ambassadeur doit recevoir un accueil digne, à la mesure du prestige de son maître206. Lors de son arrivée dans le pays dans lequel doit se dérouler sa mission, il fait son entrée, accompagné de sa suite. Il accède ensuite à une première audience par laquelle il est présenté au roi et à la cour : c’est lors de celle-ci que le monarque peut user de toute la magnificence nécessaire à la représentation de sa puissance. Les faveurs accordées aux ambassadeurs doivent tout de même être mesurées pour qu’elles ne placent pas le roi de France en situation d’infériorité par rapport à cet envoyé. Il s’agit donc d’une cérémonie où le monarque ne peut faire l’économie du cérémonial et doit respecter un ordre marquant le respect dû à l’ambassadeur et à son maître, mais témoignant également de sa propre puissance et de son rayonnement hors du royaume. Henri IV, qui souhaite s’imposer en arbitre de la chrétienté, ne ménage donc pas ce type de solennités207. Si les débuts de son règne sont chaotiques et ne permettent pas d’offrir un cadre à la hauteur de ce genre de réception, son arrivée dans la capitale, au Louvre, et l’affirmation de son pouvoir entraînent une reprise et un renforcement de relations diplomatiques dont les réceptions sont une manifestation.
80L’intérêt du souverain pour les questions d’ordre et de préséance est corrélé à la portée la cérémonie, notamment lorsque celle-ci a un écho hors du royaume. Plusieurs grandes réceptions ont lieu lors du règne, les Vénitiens étant les premiers à reconnaître Henri IV et à envoyer une délégation en 1595208. Les ambassadeurs espagnols sont reçus le 18 juin 1598 à Paris après la signature de la paix de Vervins209. Le 31 janvier 1602, un traité est signé à Soleures avec les cantons suisses à l’exception de Zurich. Cette alliance est cruciale pour la politique extérieure du roi puisqu’elle permet de maintenir des liens avec des territoires situés entre les possessions espagnoles d’Italie et d’Europe du Nord. Elle permet également de régler le paiement de la dette contractée par la France envers les différents cantons lors de la reconquête du royaume. Une fois les accords négociés par Méry de Vic, ambassadeur ordinaire auprès des Suisses, Brûlart de Sillery et Charles de Biron, envoyés en ambassade extraordinaire, une délégation de 42 ambassadeurs est ensuite reçue à Paris comprenant des représentants des différents cantons catholiques et protestants. Après avoir été dignement accueillis dans les villes qu’ils ont traversées comme Auxerre et Troyes, les représentants helvètes arrivent à Paris en octobre 1602210. Ils dînent d’abord à Conflans, chez Villeroy « où ledit Seigneur les avait traités magnifiquement, et récréez d’une musique singulière et excellente211 ». Pierre de L’Estoile livre ensuite le récit de la réception : « Le lundi 14 octobre, sur les quatre heures de l’après-midi, arrivèrent par la porte Saint-Antoine, les députés des cantons suisses et leurs associés. » Hercule de Rohan, duc de Montbazon, et François de La Grange, seigneur de Montigny, accompagnés de plusieurs gentilshommes à cheval, vont au-devant d’eux d’une lieue et les échevins de Paris avec le chevalier du Guet et ses archers les conduisent jusqu’à leur demeure rue Quincampoix « où ils furent logés par les fourriers et furent tous les jours magnifiquement traités et entièrement desfrayez par le roi212 ».
81Pomponne de Bellièvre, qui a été envoyé auprès des Grisons en 1574, les invite à son tour à dîner chez lui213. Deux jours plus tard, les ambassadeurs se rendent auprès du roi. Deux rangs d’Écossais en haie occupent la salle du Louvre tandis que deux rangs d’archers se placent sur chaque degré de l’escalier et cela jusque dehors, vers la rue Saint-Honoré, encadrée par les régiments de gardes. Le duc d’Aiguillon, grand chambellan, et une troupe de gentilshommes vont chercher les représentants suisses à leur hôtel et les accompagnent jusqu’à la porte du Louvre où le duc de Montpensier les attend, entouré des chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit. Il les conduit alors jusqu’à la montée du grand escalier où le comte de Soissons et des gouverneurs de provinces se présentent pour les mener jusqu’à l’antichambre du roi. De là le prince de Condé les conduit jusqu’à Henri IV. Les princes du sang, plus proches parents du roi, sont les intermédiaires qui assurent le bon déroulement du cérémonial et forment une sorte de relais jusqu’au souverain. Les ambassadeurs sont reçus dans la chambre royale, « la majesté duquel était magnifiquement et somptueusement habillée et plus qu’on ne l’avois jamais veüe, ayant une aigrette toute de diamans à son chapeau qui estoit blanche et noire de prix inestimable, avec l’escharpe de mesme toute couverte de diamans214 ». Les représentants suisses font tour à tour la révérence au roi qui leur touche la main et vont ensuite saluer la reine215.
82Le lendemain ils se rendent à Saint-Germain afin de rencontrer le dauphin216. Les jours suivants ils sont accueillis et « festoyés » par le comte de Soissons, les membres du corps de la Ville, les prélats et encore d’autres seigneurs. Le 20 octobre, les alliances sont solennisées par une messe célébrée à Notre-Dame, richement parée pour l’occasion. Henri IV, accompagné des princes de Condé, de Conti, Soissons, Montpensier, du connétable de Montmorency, de d’Aiguillon, Sommerive, Joinville, Montbazon et d’autres grands seigneurs et gentilshommes en bon nombre, se rendent, tambour battant, à Notre-Dame. Dans la cathédrale, la reine et les princes se placent à la droite du roi et les Suisses à sa gauche ; ils sont accueillis par « une très bonne et excellente musique de voix, d’orgues, luths et violes qui dura un bon quart d’heure ». Les Suisses protestants arrivent ensuite, mais lorsque la messe commence, ils se retirent du chœur en faisant la révérence au roi et rejoignent d’autres protestants comme Maurice de Hesse-Cassel alors présent à la cour217. Une fois la messe dite, les Suisses reprennent leur place près de l’autel. Le roi est alors entouré de ses grands serviteurs : Vitry et Praslin, capitaines des gardes, le chancelier de France Bellièvre, son ambassadeur en Suisse Méry de Vic et ses ministres Sillery et Villeroy. L’évêque de Valence se tient avec l’évangile tandis que de l’autre côté un secrétaire des Suisses garde les contrats en parchemin. Une fois les harangues faites, chacun jure solennellement l’alliance. La fin de cette prestation de serment est marquée par la musique et les canons de l’Arsenal qui retentissent. Un festin clôt cette cérémonie : il se tient à l’évêché où le roi mange avec la reine dans une chambre, tandis que les ambassadeurs restent dans la grande salle. Ils partagent leur repas avec tous les grands du royaume, réunis selon leur rang autour de la table dressée pour l’occasion :
« Monseigneur le Prince de Condé se mit au haut bout, puis M. le comte de Soissons, M. de Montpensier après. Suivoient le Connestable, d’Aiguillon, Joinville, le comte d’Auvergne, de Sommerive, de Montbazon, de Vicq, aiant chacun un Suisse vis-à-vis d’eux, de l’autre costé de la table, selon leur ordre et dignité. Il y eust force tambours, fiffres, et instrumens de musique, qui sonnèrent pour resjouir la compagnie ; et fut largement beu à la santé du Roy, après à celle de la Roine, tiercement à celle de M. le Dauphin, puis à celle de l’Alliance, à ce qu’elle durast à jamais ; à l’heureux accouchement de la Roine, et de suite à plusieurs autres218. »
83À l’approche de leur départ, chaque ambassadeur reçoit une chaîne en or et une médaille en argent à la gloire d’Henri IV et dix bouteilles de vin pour chaque canton. Les envoyés suisses quittent Paris les mercredi et jeudi suivants219.
84Les réceptions d’ambassadeurs se déroulent de la même façon : ces derniers ne séjournent pas au Louvre mais les fourriers sont chargés de leur trouver un logis près du roi. Ils sont reçus par les notables de la ville – prévôt, échevins – alors que des maréchaux et d’autres gentilshommes les accompagnent lors de leurs déplacements. Durant tout leur séjour ils sont invités par les gens de cour, qu’ils soient chanceliers, secrétaires d’État, princes du sang ou grands seigneurs. Festins, bals et ballets se multiplient à cette occasion afin de les divertir et de leur montrer la puissance et la magnificence de leurs hôtes. Les ballets et jeux guerriers symbolisent ce prestige et prouvent le raffinement dont la cour est capable. Ainsi, lors du passage d’envoyés de l’archiduc et de l’archiduchesse d’Autriche en mars 1601 :
« Quelques princes et seigneurs, en nombre de 22, tirèrent la quintaine sur le pont Nostre-Dame, à Paris, en présence du Roy, de la Roine et de toute la Cour. Ils estoient tous masqués et vestus diversement, montés sur des très beaux chevaux, fort à leur avantage. Il y eust des coups de lances tirés et des combats à l’espée blanche, les cavaliers estant armés de toutes pièces. […] Au sortir de là, le Roy s’en alla soupper chez Gondi, où, après soupper, y eust ung ballet, que Messieurs les princes firent en l’abbaye Saint-Germain, auquel estoient représentées les Quatre Saisons de l’année220. »
85Les relations des séjours des ambassadeurs ne manquent pas de souligner le faste déployé par les nobles pour témoigner de leur richesse, de leur raffinement et de leurs qualités de gentilshommes.
86Le jour de leur première audience, les plénipotentiaires sont accueillis par les princes du sang puis suivent un parcours qui doit symboliser la gloire du roi. Le château est somptueusement paré et la présence des gardes, archers et suisses qui les entourent en haie depuis l’entrée du logis jusqu’à la chambre du roi renforce le caractère solennel d’une telle visite. La description de la tenue d’Henri IV montre le soin qu’il a accordé à son apparence pour cette occasion particulière. Il s’agit de paraître en majesté, de montrer l’éclat de la cour et par là même la puissance et le prestige de la monarchie bourbonienne. Cette démonstration prend tout son sens lorsqu’il s’agit de solenniser une alliance qui renforce les positions françaises sur le théâtre européen et qui assure un remboursement des aides suisses versées à Henri IV durant les premières années de son règne. Il prouve qu’il est un appui puissant et surtout qu’il est en capacité de rembourser les dettes contractées. Les riches présents offerts aux ambassadeurs sont des échanges classiques : Bassompierre et Biron lors d’une ambassade en Angleterre reçoivent eux aussi des cadeaux de la reine221. Potlatch moderne, ils fonctionnent sur le principe de dons/contre-dons où les souverains rivalisent de faste et de luxe pour prouver leur richesse.
87Seules ces réceptions donnent lieu à un rituel véritablement codifié où chacun a sa place : les rangs et préséances sont ici respectés. Le premier Bourbon souhaite être entouré de toute sa noblesse, cela prouve qu’il est soutenu par ses capitaines mais également qu’il sait se faire aimer et respecter. Cela contraste avec les habitudes de cour et les mémorialistes n’hésitent pas à le noter. Ainsi, les récits de l’arrivée de l’ambassadeur d’Espagne Don Pedro de Tolède à Fontainebleau le 19 juillet 1608 rendent compte du faste déployé lors de ces événements diplomatiques. Un récit conservé à la Bibliothèque nationale note d’ailleurs que l’envoyé
« vint accompagné de six comtes et marquis de grandes et illustres maisons et de quarante ou cinquante gentilshommes avec autant de serviteurs compris les pages montez sur mule et mulets train vraiment admirable et tout royal et tout l’équipage montrait assez la grandeur du Maistre qu’il servait. Le roi d’Espagne n’épargne rien en telles occasions qu’il estime dépense plus royale que celle qui pour le but et l’éclat de son pouvoir aux peuples étrangers222 ».
88Dans le même esprit, Henri IV ordonne à son tour que sa chambre soit parée des plus riches ornements du château « et de tout ce qui estoit de beau et de bon en la cour » pour lui donner audience223. Fontenay-Mareuil précise que « pour faire voir à cet espagnol la grandeur de sa court, avec plus d’ordre qu’il n’y en a ordinairement en France », le roi demande aux principaux officiers de sa maison, princes, ducs, officiers de la Couronne, chevaliers de l’ordre, gouverneurs de provinces de rester auprès de lui, « et tous les marquis et les comtes dans une chambre devant la sienne, séparés aussy de tout le reste de la noblesse qui n’avoit point de titre224 ». Pour accéder à la chambre du souverain, l’ambassadeur doit traverser quatre ou cinq pièces : la première où sont rassemblés les gardes, la deuxième et la troisième où il croise les gentilshommes de la Maison du roi, l’entrée du cabinet où se tiennent les huissiers du Conseil et les huissiers de la Chambre du roi, et le cabinet où se trouvent ceux du Conseil225. Les barons et autres gentilshommes de qualité sont rassemblés dans la chambre royale alors que les comtes, marquis et les chevaliers du Saint-Esprit se tiennent dans la chambre ovale. Cet ordonnancement doit rendre compte de la hiérarchie des rangs de la société nobiliaire. Un visiteur étranger qui ne connaît pas encore les seigneurs de la cour devine dès sa première audience le nombre de nobles qui gravitent autour du roi et repère clairement qui sont les grands du royaume et les proches du souverain. Ce rassemblement de la noblesse vise à impressionner Don Pedro de Tolède et à affirmer le prestige d’Henri IV face à Philippe III. Un récit de la réception est même publié, permettant de diffuser largement l’image de majesté du roi de France226. L’engouement du premier Bourbon pour l’architecture et pour l’embellissement de ses palais participe de cette propagande royale. La construction de plusieurs galeries dans ses principales résidences est un signe de cette volonté royale de disposer d’un espace cérémoniel227.
⁂
89L’opération semble porter ses fruits puisque Angelo Badoer, ambassadeur vénitien en France, note en 1603 que « le roi de France, quand il est en représentation, donne une plus haute idée de sa grandeur que ne le fait le roi d’Espagne […]. Mais hors d’apparat, il est le monarque le plus affable du monde228 ». Cette remarque dessine la dichotomie exploitée par Henri IV entre la nécessité d’incarner l’influence et la puissance du roi Très Chrétien et le désir d’établir des relations plus directes et sincères aves les membres de sa noblesse et ses sujets. Le roi est conscient de la nécessité de déployer tout le faste nécessaire pour impressionner ses hôtes, notamment les représentants étrangers. Ces réceptions ont une portée significative : elles prouvent au royaume et aux autres puissances étrangères qu’il est bien reconnu comme souverain légitime de France. Progressivement, il s’érige en figure de la concorde qu’il veut imposer au-delà des frontières de son royaume et la diplomatie est un instrument de cette politique. Henri IV apporte tout le soin nécessaire à ces solennités qui servent à démontrer sa puissance. Le renforcement de la majesté royale se joue donc plutôt sur le théâtre européen et implique de faire ces démonstrations de force symbolique lorsque les circonstances le requièrent. La légitimité de son pouvoir à l’intérieur de son royaume repose quant à elle sur sa capacité à maintenir l’ordre et la paix et passe selon lui par un rapport plus « paternel » et plus simple avec ses sujets et surtout avec sa noblesse.
Notes de bas de page
1Solnon, 2014, p. 217-227 et Chatenet, 2016, p. 187-195.
2Le Roux, 2003, p. 229-267.
3Le Roux, 2001, p. 621-660.
4Solnon, 2014, p. 211.
5Duindam, 1995, p. 104.
6Furetière, 1690, t. I.
7Ibid.
8Sur ces règlements voir Chatenet, 2002, p. 135-140, Chatenet, 1992, p. 133-139 et Le Roux, 2003, p. 229-267.
9Babelon, 2009, p. 211-216.
10Voir notamment les contributions réunies dans le volume des cahiers d’Aubigné, Ferrer, Magnien-Simonin et Servet, 2012.
11Brantôme, 1875, p. 400.
12Solnon, 2014, p. 63.
13Berger de Xivrey, 1843-1858, t. VI, p. 198 (Henri IV à Maximilien de Béthune, Saint-Germain-en-Laye, 18 février 1604).
14BNF, Ms fr. 19603, fo 26 (anecdotes de la cour).
15Bassompierre, 1870, p. 215.
16Coligny, 1887, p. 191 (Louise de Coligny à Charlotte Brabantine de Nassau, Paris, 27 août 1601).
17Cosandey, 2016, p. 368-382.
18Mornay, 1824-1825, t. I, p. 462.
19AN, 1 AP 434, fo 42 (lettre d’Henri de La Tour d’Auvergne à Charlotte Brabantine de Nassau, Paris, 8 mars 1601).
20La Force, 1843, p. 462 (lettre de La Force à Charlotte de Gontaut, Paris, 13 octobre 1607).
21Carmona, 1981, p. 54.
22Solnon, 2014, p. 187.
23Groulart, 1838, p. 579.
24Ibid.
25Fontenay-Mareuil, 1837, p. 27.
26Bassompierre, 1870, p. 74.
27Ibid., p. 75.
28Ibid., p. 90.
29Henri IV, 1941, p. 64.
30Berger de Xivrey, 1843-1858, t. IV, p. 661 (Henri IV à Henri de Montmorency, Rouen, 20 novembre 1596).
31Ibid., t. V, p. 154 (Henri IV à Henri de Montmorency, du bois de Malesherbes, 28 juillet 1599).
32BNF, Ms fr 3556, fo 95 (« Monsieur je présente la chienne que m’aves envoyée au roy qui la trouve fort belle », lettre de Charles de Gontaut à Henri de Montmorency, Fontainebleau, 7 octobre 1599).
33Salvadori, 1996, p. 199.
34AN, KK 544, fo 72 (règlements des rois sur l’organisation de leur maison, 1551-1625).
35La Force, 1843, p. 441 (La Force à Charlotte de Gontaut, La Ferté, 9 octobre 1606).
36Ibid., p. 302.
37Bassompierre, 1870, p. 197.
38L’Estoile, 1875-1896, t. VII, p. 122.
39Ibid., t. VII, p. 83.
40Bassompierre, 1870, p. 69.
41La Force, 1843, p. 295 (lettre de La Force à Charlotte de Gontaut, Montceaux, 23 octobre 1598).
42Bassompierre, 1870, p. 197.
43Ibid., p. 200.
44Ibid., p. 201.
45Belmas, 2006, p. 140-143.
46Ibid., p. 84-97.
47Ibid., p. 377, Élisabeth Belmas fait le décompte des sollicitations d’Henri IV auprès de Sully : « 2 000 pistoles le 11 décembre 1606, […] 9 000 livres en 1607, […] 22 000 pistoles le 18 janvier 1609 », Sully rapporte également une rencontre à l’Arsenal avec Pimantel, qui se vante de jouer de grandes sommes avec le roi, Sully, 1837, t. III, p. 222.
48Dubost, 1997, p. 183-208.
49Garrisson, 2000, p. 224.
50Ibid., p. 225.
51AN, E1A, fo 153 (promesse de MM. du conseil de rembourser au sieur Zamet une somme de 15 000 écus par lui fournie pour l’habillement des Suisses et une somme de 2 500 écus par lui avancée pour le paiement des Suisses, 23 septembre 1595).
52BNF, Ms fr 18160, fo 21 (arrêt réglant le remboursement de partie des 65 000 écus prêtés dans intérêt par les sieurs de Zamet et de Cenamy pour le paiement des Suisses et l’entretien de l’armée de Dauphiné, 11 janvier 1597), fo 88 (arrêt réglant les conditions d’un prêt de 360 000 écus par les sieurs de Zamet et Cenamy, 25 janvier 1597), fo 145 (arrêt assignant 20 000 écus aux sieurs Zamet et Cenamy, 13 mars 1597), fo 147 (arrêt ordonnant le remboursement d’une somme de 9 000 écus au sieur Zamet, 14 mars 1597).
53BNF, Clairambault 654, fo 621 (contrat conclu avec Zamet pour un emprunt de 300 000 écus, enregistré le 31 janvier 1598).
54BNF, Ms fr 18163, fo 68 (enregistrement d’un contrat passé par le roi avec Zamet, 31 octobre 1598).
55Bayard, 1988, p. 116.
56Griselle, 1912, p. 67.
57Cicali, 2018.
58Dubost, 1997, p. 203.
59AN, MC/ET/XIX/343 (obligation de 40 000 écus, 2 janvier 1601).
60AN, MC/ET/XIX/347 (obligation pour un prêt de 3000 écus, 22 août 1602).
61AN, MC/ET/XIX/353, fo 74.
62AN, MC/ET/XIX/361, fo 71.
63Garrisson, 2000, p. 225.
64Bayard, 1988, p. 393.
65Ibid, p. 404.
66AN, MC/ET/XIX/381, fo 169 bis, 13 août 1614, cité par Bayard, 1988, p. 400.
67L’Estoile, 1875-1896, t. VII, p. 407.
68Dubost, 1997, p. 304.
69Coligny, 1887, p. 133 (Louise de Coligny à La Trémoille, Paris, janvier 1598).
70Bassompierre, 1870, p. 91.
71BNF, Ms fr 5809, fos 118-119 (formulaire à l’usage des notaires de la chancellerie royale, s. l. n. d.).
72BNF, Ms fr 15900, fo 461 (lettre de Zamet à Pomponne de Bellièvre, s. l., 24 juin 1603), fo 568 (lettre de Zamet à Pomponne de Bellièvre, s. l., 15 juillet 1604).
73Catherine de Médicis, 1885, p. 90-95 (lettre de Catherine de Médicis non datée). Denis Crouzet montre toutefois que cette lettre est adressée à Henri III (Crouzet, 2005, p. 583).
74Boucher, 1986, p. 120.
75McGowan, 1978, p. 175.
76Déclaration royale du 16 septembre 1606, voir Delpeuch, 1974, vol. 52, no 3, p. 385.
77Pédelaborde, 2016, no 34, p. 2.
78BNF, Ms fr 7856, fo 1471 ; au sujet de la libraire du roi voir notamment Delatour et Sarmant, 1994.
79Bassompierre, 1870, p. 78.
80Carmona, 2004, p. 99.
81McGowan, 1978, p. 229-230.
82Pédelaborde, 2012, p. 494.
83Gough, 2019.
84Voir à ce sujet Chatenet, 2017, p. 222-224.
85Prunières, 1983, p. 137.
86Sully, 1837, t. III, p. 222.
87McGowan, 1978, p. 66.
88Bassompierre, 1870, p. 61.
89Ibid.
90Ibid., p. 172.
91Gough, 2019, p. 19-53.
92Prunières, 1983, p. 102.
93Bassompierre, 1870, p. 300.
94Prunières, 1983, p. 100.
95McGowan, 1978, p. 154.
96Ibid., p. 105.
97Voir à ce sujet les traités de courtoisie et notamment Castiglione Baldassare, Il libro del cortegiano, 1528, traduit en français et publié à Paris, Denys de Harsy, 1537.
98Bonnet, 1723, p. 67.
99McGowan, 1978, p. 169.
100Gough, 2019, p. 55-91.
101Ferrer, Magnien-Simonin et Servet, 2012. Sully fait également allusion aux divertissements de cette cour dans ses Mémoires, Sully, 1837, t. III, p. 28-29.
102Richelieu, 1907, p. 38-39.
103Apostolidès, 1981, p. 60.
104McGowan, 1978, p. 174-178.
105Catherine de Médicis, 1885, p. 92.
106Deruelle, 2015, p. 254.
107Castiglione, 1991, p. 28.
108Strong, 1991, p. 25.
109Bassompierre, 1870, p. 161.
110Ibid.
111AN, O1 3264, fos 4-5 (descriptions et relations de fêtes, cérémonies, carrousels, courses, joutes, 1606).
112Le romant des chevaliers de Thrace, 1605.
113Bassompierre, 1870, p. 163.
114Ibid., p. 165.
115Ibid.
116Le Mercure françois, 1612, t. I, p. 98.
117Ibid.
118AN, O1 3264, fos 5-6.
119Mercure françois, 1612, t. I, p. 99.
120Recueil des masquarades et jeu de prix…, 1607, p. 38.
121Ibid., p. 40.
122Ibid., p. 49.
123Dubost, 2009, p. 411.
124Chatenet, 2013.
125AN, KK 544, fo 66.
126Le Roux, 2003, p. 238.
127Voir à ce sujet Babelon, 1991.
128Bassompierre, 1870, p. 75.
129Ibid.
130Ibid., p. 73.
131BNF, Ms fr 7856, fo 1469.
132BNF, Ms fr 4581, fo 226 (règlement faict par le Roy pour les logis de sa cour et suitte, 7 juillet 1606).
133Coligny, 1887, p. 196 (Louise de Coligny à Charlotte Brabantine de Nassau, Paris, vers le 20 septembre 1601).
134AN, KK 544, fos 205-206 (règlement faict par le roy pour les logis de sa cour et suitte, 7 juillet 1606).
135La Force, 1843, p. 293 (La Force à Charlotte de Gontaut, Paris, 28 septembre 1598).
136AN, KK 544, fos 70-72 (règlement général de 1585).
137BNF, Ms fr 3445, fo 31 (ancienne manière dont on vivoit à la cour de France).
138BNF, Ms fr 20825, fo 120 (rangs et honneurs de la cour).
139AN, KK 544, fos 193-195 (rolle des princes, seigneurs et dames qui doivent entrer en carosse et à cheval en la cour du Louvre, lequel Sa Majesté a ordonné en présence de la royne régente sa mère estre faict sans préjudice du rang d’iceulx et desdites princesses cy-après nommés).
140AN, O1 1042, fo 7 (personnel, questions d’étiquette, questions de cérémonial).
141Coligny, 1887, p. 190-193 (Louise de Coligny à Charlotte Brabantine de Nassau, Paris, 27 août 1601).
142Ce sont les noms fournis par l’éditeur de la correspondance : Marchegay, 1866, p. 193.
143Fanny Cosandey donne des exemples de ces stratégies de retrait de la cour ou des grandes cérémonies, Cosandey, 2016, p. 375-376.
144Chevron, 2008, p. 132-185.
145Fontenay-Mareuil, 1837, p. 23.
146Nervèze, 1606, p. 43.
147Le Roux, 2001, p. 621-660.
148BNF, Ms fr 3445, fos 1-2.
149Paresys, 2014, p. 361.
150Jouanna, 1977, p. 128.
151Tallemant des Réaux, 1834, p. 9.
152Meiss-Even, 2013, p. 35-76.
153Sur les consommations à la cour de France, voir la thèse de Bénédicte Lecarpentier-Bertrand, 2016, p. 467-542.
154L’Estoile, 1875-1896, t. VII, p. 49.
155Pébay-Clottes et Troquet, 1995 ; Lhote et Troquet, 2013, p. 324-328.
156Ibid.
157Chamier, 1858, p. 5.
158Beauvais-Nangis, 1862, p. 71.
159Boucher, 1986, p. 144.
160Alberi, 1839-1863, vol. XV, Appendice, p. 82 (relation de Pietro Duodo, Paris, 12 et 13 janvier 1598).
161La Force, 1843, p. 302 (lettre de La Force à Charlotte de Gontaut, Paris, 31 décembre 1598).
162Bassompierre, 1870, p. 189.
163Ibid.
164Beauvais-Nangis, 1862, p. 121.
165Fogel, 1987.
166BNF, Ms fr 20176, fo 417 (pièces concernant Charles de Bourbon, comte de Soissons).
167Ibid.
168Canestrini et Desjardins, 1875, p. 621.
169Honneth, 2004.
170Clifton, 2014.
171Sur les cérémonies royales voir Giesey, 1987, et Chatenet, Gaude-Ferragu et Sabatier, 2021.
172Voir notamment Cornette, 2010 et Babelon, 2009, p. 575-582.
173Mariéjol, 1924 et Cormier, 2012a.
174Fogel, 1989, p. 184-185.
175La France restablie à la naissance du prince Dauphin…, 1601.
176BNF, Ms fr 4325, fos 1-3 (naissances et baptêmes des enfants royaux).
177Ibid.
178La France restablie à la naissance du prince Dauphin…, 1601, p. 4.
179Ibid., p. 5.
180Ibid., p. 11.
181Sur le sujet, voir Yates, 1989.
182Mercure françois, 1612, t. I, p. 108.
183Dubost, 2009, p. 143.
184Berger de Xivrey, 1843-1858, t. VI, p. 656-657 (Henri IV à Henri de Montmorency, Paris, 11 août 1606).
185Mercure françois, 1612, t. I, p. 108.
186Godefroy, 1649, t. II, p. 174.
187Paul III est le parrain de François II ; sur le choix des parrains et marraines, voir notamment Alfani et Gourdon, 2009.
188Berger de Xivrey, 1843-1858, t. VI, p. 619 (Henri IV à La Boderie, Paris, 12 juin 1606 et Paris, 6 juillet 1606).
189BNF, Ms fr 20825, fo 212 (rangs lors de la cérémonie des baptêmes, 1606).
190Ibid., fo 215.
191Sully, 1837, t. III, p. 161.
192Dubost, 2009, p. 145.
193Thiroux d’Arconville, 1774, t. I, p. 81.
194Sully, 1837, t. III, p. 161.
195Chatenet, 2010, p. 164-171.
196Mercure françois, 1612, t. I, p. 109.
197AN, O1 3260, fo 4 (description des baptêmes des enfants du roi 1606).
198Bassompierre, 1870, p. 189.
199Godefroy, 1649, t. I, p. 174.
200BNF, Ms fr 4325, fos 27-29.
201Sur le sujet voir Giraudier, 2021a.
202BNF, Ms fr 4325, fos 31-35.
203BNF, Ms fr 15248, fo 58 (baptêmes des enfants du roi Henri IV, 1606).
204Bassompierre, 1870, p. 191.
205Dubost, 2009, p. 395-401.
206Bély, 2007, p. 58-59.
207Voir à ce sujet voir Haran, 2000, p. 218-221.
208Pietro Duodo, ambassadeur vénitien, est envoyé à la cour de France en 1595 où il reste trois ans. La relation partielle de son ambassade est publiée dans Alberi, 1839-1863, vol. XV, Appendice, p. 73-236. Pour une analyse de la relation complète, voir notamment Descendre, 2010.
209Sur les relations franco-espagnoles, voir Hugon, 2004, p. 165-167 ; sur la réception à la cour, voir Lauvergnat-Gagnière, 1991.
210BNF, Ms fr 17876, fo 99 (récit de tout ce qui s’est passé en la réception des ambassadeurs des Ligues cantons alliez et conféderez de Suisse venus en France en 1602).
211L’Estoile, 1875-1896, t. VIII, p. 46.
212Ibid.
213BNF, Ms fr 17876, fo 102.
214L’Estoile, 1875-1896, t. VIII, p. 47.
215BNF, Ms fr 15530, fo 657 (relation de la réception des ambassadeurs des Suisses, 1602).
216Thou, 1734, t. XIV, p. 108.
217Maurice de Hesse-Cassel, 2016, p. 126.
218L’Estoile, 1875-1896, t. VIII, p. 51.
219BNF, Ms fr 17876, fo 116.
220L’Estoile, 1875-1896, t. VII, p. 266-267.
221Bassompierre, 1870, p. 93.
222BNF, Naf 2789, fo 298 (arrivée de l’ambassadeur d’Espagne à Fontainebleau le 19 juillet 1608).
223Ibid., fo 300.
224Fontenay-Mareuil, 1837, p. 15.
225BNF, Naf 7789, fo 303.
226Discours sur l’ordre observé a l’arrivée de Dom Pedre de Tolede, ambassadeur extraordinaire, envoyé par le Roy d’Espagne, 1608.
227Galletti, 2016.
228Barozzi et Berchet, 1856-1877, vol. I, p. 123.

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