Chapitre VIII. Résilience, identité plurielle et reconversion sociale au « siècle des possibles »
p. 239-258
Texte intégral
1À l’été 1794, Joseph-François est âgé de 35 ans. La Révolution vient de lui ravir la fulgurante carrière administrative et politique qu’elle avait daigné lui offrir quelques années plus tôt. Il reste encore au proscrit de Thermidor cinquante-huit années à vivre. Autrement dit, la majeure partie de sa trajectoire personnelle s’est construite dans l’après Révolution, à l’ombre de son passé, de sa mémoire et des stigmates qu’elle lui a légués. Lorsque Joseph-François s’éteint à presque 93 ans en 1852, à l’aube du Second Empire, la figure du notable respectable et respecté s’est en partie substituée à celle du « robespierriste » fugitif ou du volcanique « Montagnard ».
2La longévité de Joseph-François Payan permet d’appréhender les mécanismes et les outils qui permettent aux acteurs de négocier, avec plus ou moins de succès, la sortie du processus révolutionnaire. La fusion des élites opérée par Napoléon après brumaire pour refermer l’épisode révolutionnaire offre aux individus talentueux, compétents et fidèles de belles perspectives de carrière et de reconstruction sociale1. Si Payan sait saisir sa chance et s’adapter aux nouvelles règles du jeu, son itinéraire n’est pas linéaire pour autant. En effet, la traversée de plus d’un demi-siècle, dans un cadre institutionnel extrêmement volatil, confronte Joseph-François à de multiples expériences de discontinuités politiques. Ces moments de flottements, au cours desquels « l’incertitude du présent et l’indétermination du futur se conjuguent à un possible retour vers le passé2 », constituent autant d’épreuves qu’ils brouillent les cartes et autorisent, dès lors, de nouveaux possibles qui favorisent les individus résilients. En appréhendant les stratégies sociales et culturelles de Joseph-François et de son fils Ernest, il s’agit d’appréhender la capacité des ex-révolutionnaires à jongler avec les différentes facettes de leur identité pour se recycler avec leur famille dans le nouveau moule des notabilités postrévolutionnaires et résister aux brusques accélérations des temps politiques qui défont les carrières aussi rapidement qu’elles les favorisent.
Se reconstruire après le 9 Thermidor
3Ébranlée par la chute de Robespierre qui entraîne avec elle deux de ses membres, la famille Payan perd également tous ses biens, son prestige et son honneur. Malgré l’ostracisme qui le frappe, Joseph-François trouve en lui suffisamment de ressources pour se reconstruire au terme de quatre années d’errances géographiques et intimes.
L’expérience de l’ostracisme
4Afin de se soustraire au glaive thermidorien, Joseph-François et Esprit-François prennent la route de l’exil. L’absence de sources interdit toute étude sur les conditions de cet exil. Il semblerait que Joseph-François se soit réfugié brièvement en Bourgogne, autour de Tournus, avant de gagner le pays de Vaud, en Suisse. Est-il seul ou accompagné par son frère ? En l’absence d’archives, il est, hélas, impossible de le savoir. Payan vient grossir la cohorte d’émigrés ou d’exilés3 français, dont plusieurs ex-Conventionnels4, qui, depuis 1789, franchissent la frontière vaudoise. Le pays de Vaud est francophone, géographiquement proche de la France, et suffisamment éloigné des principaux théâtres militaires des guerres de la Première coalition5. En outre, le pays de Vaud a déjà servi de refuge pour de nombreux protestants français – dont certains ancêtres de Joseph-François – fuyant les persécutions religieuses au siècle précédent.
5Depuis son asile bourguignon, Payan tente de se justifier afin d’obtenir une amnistie qui précipiterait son retour en France. Ainsi, moins de deux mois après le 9 Thermidor, la société politique de Paul-lès-Fontaines reçoit une lettre écrite par un certain Jean-Pierre Martin, un obscur citoyen de Tournus, qui prend étrangement la défense de Joseph-François Payan, « enveloppé dans la noire calomnie des ennemis de la chose publique6 ». Après avoir rappelé les mérites de celui qui « depuis 1789 avait consacré sa vie et ses travaux pour le salut de sa patrie » méritant, ainsi, « l’attachement de ses concitoyens », Martin innocente totalement l’ex-commissaire et le lave de tout soupçon : « J’ose vous jurer que Payan n’a nullement trempé dans cette conspiration qui a failli perdre la République. » Enfin, la lettre exhorte les clubistes à faire toutes les démarches nécessaires auprès de la Convention pour amnistier Payan. Des anciens proches des Payan, tels que leur voisin Ayasse, le président du club Mourard ou les frères Favier, pensent reconnaître l’écriture, quoique modifiée, de Joseph-François qui se cacherait derrière le pseudonyme de Jean-Pierre Martin. La pratique ne serait pas surprenante pour un acteur politique rompu à la culture du secret et de la dissimulation. Quoi qu’il en soit, la stratégie se révèle totalement inefficace. Pour donner plus de crédit à leur reniement, les clubistes s’empressent de dénoncer les manœuvres de Joseph-François : « Le scélérat Payan, proscrit par la Convention, vient, du fond de son repaire, par de nouvelles suggestions astucieuses, sonder le vœu de notre société à son égard7. » Ils exhortent à « dénoncer le repaire de l’infâme Payan mis hors-la-loi pour en purger le sol de la République ». Si Payan escomptait trouver de l’aide et des appuis auprès de ses concitoyens, il en est quitte pour un nouvel exil qui le conduit dans le pays de Vaud.
6Dans son exil vaudois, Payan élabore un ambitieux projet de mémoire justificatif8, insistant sur le caractère vertueux de son itinéraire politique :
« Je suis un homme probe et intègre. Je n’ai jamais recherché les emplois. L’ambition des faux patriotes ne m’a jamais tourmentée, mes mœurs sont simples, mon cœur pur, ma conduite humaine et généreuse, mes dépenses réglées. […] Je ne fus jamais jacobin. Je n’ai pas à me reprocher une action ni une phrase sanguinaire ou ultrarévolutionnaire dans toute ma carrière municipale ou administrative. Je n’ai point versé une seule goutte de sang ; je n’ai pas attenté à une seule propriété. […] Je suis de la classe des vétérans et non de ces patriotes modernes qu’a fait éclore le gouvernement révolutionnaire : mon patriotisme s’est constamment soutenu sans variation, sans nuages, sans intrigues. »
7En mettant l’accent sur la droiture de son comportement politique et sa modération, Joseph-François cherche principalement à gommer l’image de « sicaire robespierriste » et de « terroriste », ce qu’il sous-entend lorsqu’il récuse son passé jacobin. À ce titre, Payan ne manque pas d’étriller Barère, qui « d’un trait de sa plume homicide et légère nous mit sous le poignard de tous les Français ». Après s’être justifié et avoir rétabli sa vérité, Payan réclame d’être entendu pour annuler une « mesure injuste et atroce : j’étais errant, abandonné, proscrit ; je n’avais été ni jugé ni entendu ; il eut été affreux de mourir, avec ignominie, comme un coupable, chargé de l’exécration du peuple ». Le mémoire justificatif est amendé à l’été 1795 pour répondre, point par point, aux attaques de Courtois mais la fin de sa proscription rend inutile son envoi.
8Bien que les Payan soient libérés ou autorisés à rentrer en France à la fin de l’année 1795, leur avenir reste incertain. Cependant, la courte durée de leur proscription a évité que leur patrimoine soit trop entamé. Joseph-François déplore principalement la perte de ses biens mobiliers et effets personnels, confisqués à Valence ou à Paris. Les biens fonciers sont plus épargnés. Claude-François ne possédait presque rien à Saint-Paul : une portion du couvent des jacobins, estimée à 290 l., et quelques parcelles acquises en 1791. Presque la moitié de ses terres (7 éminées au quartier de l’étang) et sa portion du couvent sont vendues le 11 frimaire an III (1er décembre 1794) pour un montant total de 910 l9. Joseph-François et son père, troisième plus gros propriétaire du lieu, possèdent, quant à eux, un patrimoine foncier bien plus important. En revanche, les pertes sont très limitées. Lors de la même vente qui dépouille son cadet, Joseph-François perd également la portion du couvent qui lui appartenait et un fonds de terre estimé à 1,3 saumée (soit une perte d’environ 1 500 l.)10. Néanmoins, l’imposant domaine de La Valette, celui du moulin de la Urre et d’autres fonds importants sont intégralement conservés parce qu’affermés à divers particuliers. En dépit d’un patrimoine foncier préservé, la situation matérielle des Payan frise l’indigence. Toutes les liquidités disponibles qui n’ont pu être sauvées par Marthe Isoard, après l’arrestation de son mari, sont immédiatement saisies – plus de 2 000 l. en numéraire – tandis que l’hôtel particulier des Payan est pillé. Une lettre de Marthe Isoard, réfugiée chez sa sœur à Die, rappelle la grande précarité de cette famille, autrefois si opulente :
« Vous n’ignorez pas ma détresse à l’époque de la saisie des biens, séquestres et scellés sur la maison. À peine me laissa-t-on mes nippes, dont on n’osa s’emparer. Il ne me restait à peine de quoi faire face à un paiement des contributions11. »
9Malgré leur amnistie, les Payan doivent encore livrer bataille pour recouvrer leurs biens. Outre les lenteurs administratives, les Payan essuient l’animosité de leurs adversaires qui ne voient pas d’un bon œil le retour, même à tâtons, des « infâmes » Payan à Paul-lès-Fontaines. Ainsi, Thune, le receveur tricastin, feint d’ignorer les différents arrêtés qui sursoient aux baux des biens de la famille, et afferme encore certaines terres à différents particuliers au printemps 179612. Représentant les intérêts de son frère, Esprit-François résume très bien la situation dans la lettre qu’il adresse au notaire de Pierrelatte auprès duquel les différents contrats de fermage ont été contractés : « Tout conspire à ruiner mon frère13. » Ces tracasseries administratives, fruits des rancœurs léguées par la Révolution, visent à rappeler aux Payan qu’ils sont personnes non grata, comme le confesse le notaire Béranger, chargé des intérêts de la famille. Dans une longue missive adressée à Esprit-François en juin 1797, Béranger expose les risques encourus et les insultes essuyées lors de sa dernière visite à l’hôtel Payan. Sa mission suscite un mouvement de foule, animé par certaines femmes proches des « aristocrates », telles que Sibour, qui s’assemble devant la maison et prend à partie le notaire, défendant à quiconque d’« exploiter et cultiver les biens et faire les affaires des scélérats Payan » et appelant à « ravager leurs récoltes14 » – une pratique courante permettant de frapper un adversaire qu’on ne peut atteindre physiquement15. Surtout, Béranger fait part des menaces et des tentatives d’intimidation proférées à leur encontre : « Sibour me dit que […] si vous et votre frère aîné paraissiez à Saint-Paul, de quelque porte que vous entrassiez, avant d’arriver à la place, vous seriez taillé en pièces. » Dans cette conjoncture délétère, où réaction politique, revanches et brigandage s’entrelacent, Thérèse Béraud, veuve Tourangeot, veillant sur l’hôtel particulier des Payan, est assassinée, une nuit d’août 1797. Ce crime crapuleux est particulièrement symbolique et dissuade Marte Isoard de reparaître dans cette ville qui lui a pris son mari et une partie de sa vie. Elle reste à Die, aux frais de sa sœur, et se trouve à la limite de l’indigence : « Moi qui ai tout perdu et à qui il n’a [sic] pas resté une chemise. Ne pouvez-vous rien faire pour moi qui me trouve absolument dénué de tout16 ? » Joseph-François, quant à lui, tente de se refaire une réputation à Paris.
« Payan n’est rien »
10Aux abois dans une capitale qui lui était récemment hostile, et sans ressources, Payan est contraint de grossir la cohorte d’individus en quête d’une place dans la bureaucratie tentaculaire des administrations directoriales, notamment celle de la Guerre. Jusqu’en avril 1796, le puissant secrétaire général du ministère de la Guerre est Chavet, commissaire ordonnateur en chef à l’armée d’Italie et intime de Bonaparte, ayant fréquenté de nombreuses familles dauphinoises au collège militaire de Tournon. Chavet peuple les bureaux de commis et d’employés originaires de l’ex-Dauphiné17, de telle sorte que Napoléon peut écrire dans ses mémoires que la Drôme et l’Isère avaient débordé dans la Seine. Dès lors, en cette période difficile, de nombreux Drômois déracinés, venus tenter leur chance à Paris, peuvent espérer bénéficier de la solidarité de leurs concitoyens. C’est très vraisemblablement par l’intermédiaire de ce réseau dauphinois que Payan trouve une place, au début de l’année 1796, de secrétaire à l’état-major de l’armée de l’intérieur, sous les ordres du général Duvignau. Toutefois, l’expérience est aussi brève qu’infructueuse : son emploi est supprimé par mesure d’économie18. Bonaparte a beau se fendre d’une note louant le « zèle et l’assiduité19 » du secrétaire, Payan se retrouve, de nouveau, dans une situation très précaire. En désespoir de cause, Joseph-François obtient de poursuivre ses fonctions comme surnuméraire. Ses horizons professionnels et matériels ne sont guère attrayants. Partageant une sordide et minuscule chambre parisienne avec son frère Esprit-François, qui multiplie les dettes, Joseph-François n’est plus que le fantôme du flamboyant Payan des premières années de la Révolution. Les Jullien, avec lesquels Payan a renoué, résument le mieux la situation. En une formule lapidaire et tranchante, Rosalie Jullien brosse un portrait bien pitoyable : « Nous avons eu, hier au soir, Payan qui te fait ses amitiés. Il ne fait rien, ne dit rien et n’est rien20. »
11Joseph-François songe à tenter sa chance en Italie, où l’invasion française offre de réelles possibilités de placement dans les nombreuses administrations mais, également, des opportunités de profit pour les aventuriers audacieux qui savent les saisir. L’Italie, enfin, constitue, pour de nombreux nostalgiques de l’an II, une occasion rêvée de ressusciter la République idéale, loin du modèle politique thermidorien qui l’a dénaturée et corrompue. L’installation de Marc-Antoine Jullien fils à Milan, en mars 1797, facilite la promotion italienne d’une partie de son réseau drômois. Ainsi, son vieux complice Saint-Cyr Nugues le rejoint dès l’été 179721. Réconcilié avec Jullien fils et bénéficiant de son appui, Payan envisage, à l’automne 1797, de participer à l’aventure milanaise, comme l’atteste Rosalie dans une lettre où elle confesse à son fils son désir de le rejoindre en Italie : « Comme Payan qui t’écrit a envie d’y aller, ce serait une occasion22. »
12Alors qu’il se préparait à partir, Joseph-François retrouve un emploi, dans l’administration fiscale, au début de l’automne 1797. Rosalie ne manque pas de prévenir son fils : « Je t’apprends avec grand plaisir que […] Payan est inspecteur [des contributions directes23] dans le département de Seine-et-Marne24. » Après le coup d’État du 18 fructidor an V qui balaie les conservateurs, la conjoncture est bien plus favorable à une réinsertion dans les circuits professionnels d’individus fortement marqués par l’expérience politique de l’an II. Ainsi, en promouvant dans les différentes administrations des acteurs compétents et fidèles, les élites du Second Directoire relancent la carrière de Joseph-François. En intégrant l’administration des contributions directes, Payan renoue avec une partie de ses pratiques professionnelles prérévolutionnaires au prix d’un réel déclassement social. En effet, si l’inspection25 offre un rang tout à fait honorable d’administrateur « intermédiaire supérieur26 » cet emploi reste, toutes proportions gardées, bien en deçà du prestigieux état de conseiller maître à la chambre des comptes que Joseph-François occupait avant 1789. L’expansion administrative et bureaucratique, prolongeant l’extension territoriale, favorise des promotions rapides et une mobilité géographique, sans précédent27. Ainsi, après seulement quelques mois d’activités dans le département de la Seine-et-Marne, Payan obtient, en 1798, son détachement à Bruges, dans le département de la Lys, où d’autres anciens jacobins sont parachutés, tels que l’ex-Conventionnel Piorry, nommé Commissaire près du tribunal du département28.
13L’horizon professionnel de Joseph-François semble enfin se dégager lorsque la fonction de directeur des contributions directes du département du Mont-Terrible, couronnant le cursus honorum départemental de l’administration des finances publiques, lui échoit en 1799. Cette expérience est tout aussi éphémère que les précédentes. En effet, dans l’optique d’amender les circonscriptions territoriales, les consuls suppriment le département du Mont-Terrible le 28 pluviôse an VIII (17 février 1800). Son petit territoire est partagé entre les départements voisins tandis que Payan se retrouve à nouveau sans siège. Cette fois-ci, la donne est différente. Le Consulat, encore fragile, a besoin de s’appuyer sur des talents administratifs et, surtout, de cultiver les fidélités en intégrant des républicains modérés. Joseph-François a véritablement le profil recherché : compétent, énergique, ayant une solide expérience administrative et modéré. Repéré par l’administration centrale et toujours porté par ses réseaux, Payan est placé à la tête des contributions directes de la Lozère, peu de temps après la suppression de son poste à Porrentruy.
14Après les années de geôle ou d’exil, après la gêne, frisant le plus souvent la précarité, après les errances géographiques, ou intimes, qui ont conduit les Payan à emprunter des itinéraires très tortueux, dans lesquels ils se sont parfois perdus, piégés dans les méandres de chimères politiques ou professionnelles, la survivance d’un réseau drômois, parfaitement mobilisé, et une conjoncture politique plus clémente, au tournant de l’été 1797, favorisent le retour de ceux qui étaient encore considérés, avant fructidor, comme les « infâmes Payan ». Esprit-François, certes, couvert de dettes, abandonne l’armée pour se faire banquier tandis que Charles, l’ex-ecclésiastique, s’est marié et tient un bureau de loterie à Paris. C’est, toutefois, le pugnace Joseph-François qui incarne le mieux l’impressionnante capacité de résistance de cette famille. Se fondant parfaitement dans le moule des « masses de granit29 », forgé par Bonaparte dans l’optique de fusionner les anciennes élites et celles issues de la décennie révolutionnaire30, Joseph-François renoue avec la notabilité, dans sa déclinaison consulaire, puis impériale. Dès lors, Marthe Isoard peut regagner Saint-Paul-Trois-Châteaux, la tête haute, après l’avoir quitté, en Thermidor, sur la pointe des pieds.
Décliner son identité pour réintégrer le concert des notables
15Lorsque Bonaparte tente de clore l’épisode révolutionnaire, Joseph-François Payan a tout juste atteint la quarantaine. Sa longévité exceptionnelle, lui permettant de traverser presque tout le premier xixe siècle, lui confère une trajectoire individuelle exceptionnellement riche qui lui offre de nombreuses occasions de réhabiliter sa famille et de tenter d’effacer la tache robespierriste qui « souille » son nom en déclinant habilement les multiples facettes de son identité.
Les administrations fiscales et municipales
16Ayant renoué avec l’administration supérieure à la veille du Consulat, Joseph-François Payan y mène une brillante carrière jusqu’en 1848. Comme plus de 66 % des anciens procureurs généraux syndics de la Révolution française, Payan connaît une carrière politique qui s’étale, certes en pointillé, sur plus de vingt-cinq ans, servant des régimes politiques très différents31. Par conséquent, Joseph-François incarne parfaitement la figure de la « girouette32 », cette élite promue par la Révolution parvenant à se recycler dans les administrations postrévolutionnaires à la faveur de la stratégie conduite pour favoriser et consolider une sorte d’« extrême centre ».
Tableau 4. – Une carrière administrative en pointillé (1802-1848).
Fonctions | Dates |
Direction des contributions directes de la Lozère | 1802-1806 |
Direction des contributions directes de la Loire | 1806-1813 |
Conseiller général de la Loire | 1809-1812 |
Direction des contributions directes du Jura | 1813-1814 |
Direction des contributions directes de l’Ardèche | 1815 |
Maire d’Alixan (Drôme) | 1830-1848 |
Tableau réalisé à partir des différents dossiers de carrière de Joseph-François Payan.
17Jusqu’à la chute de l’Empire, Joseph-François poursuit sa carrière dans la direction des contributions directes. Cet exemple révèle l’aptitude de nombreux jeunes détenteurs d’offices supérieurs dans les années 1780 à se réinsérer sous le Consulat et l’Empire dans des positions équivalentes33. Néanmoins, replacé dans la pesée globale des reconversions des anciens procureurs généraux syndics, l’itinéraire de Payan est un peu moins prestigieux que l’écrasante majorité de ses anciens collègues qui parvient à atteindre des postes bien plus importants : mandats parlementaires, haute administration parisienne, haute justice, préfectures34. Limite des réseaux, disgrâce ? En aucune manière. Il faut plutôt y voir la stratégie d’un homme éprouvé par les affres de la Révolution, tant sur le plan familial que matériel et professionnel, de ne plus s’exposer, « de ne faire nullement la cour à l’autorité » et dont le projet n’est « d’être que dans les places de seconde ligne » parce qu’il a « assez sacrifié à la Révolution35 ». Graviter dans les cercles de pouvoir parisien n’est pas une finalité en soi. Après l’ouragan révolutionnaire, la tranquillité d’un emploi respectable en province et, de surcroît, bien rémunéré – à hauteur de 6 000 F36 – vaut bien les ors du Consulat et de l’Empire et son cortège de tracasseries routinières. Du reste, être « haut fonctionnaire provincial37 » offre d’autres avantages qui restaurent le crédit social de Payan : prestige de l’uniforme, position protocolaire dans les cérémonies publiques, réinsertion dans le concert des notables.
18Payan n’a guère laissé de traces de son passage dans les archives de la direction des contributions directes. Quelques informations transparaissent néanmoins. Payan n’est guère satisfait du climat de son premier poste lozérien et souhaite se rapprocher de la Drôme. Il obtient rapidement sa mutation dans la Loire où il s’installe à Montbrison. En dépit d’un climat tout aussi rude et de la vétusté du réseau de communications, Joseph-François s’y plaît davantage qu’en Lozère. Au cours des sept années passées à Montbrison, Payan s’intègre facilement dans la haute société locale et se lie particulièrement avec le préfet Ducolombier38, célèbre pour le faste de ses réceptions39. Payan est rapidement sollicité pour intégrer le conseil général de la Loire afin de combler une place vacante en 180840. Après avoir goûté à une réelle autonomie et à une grande marge d’action sous la Révolution, il doit bien être difficile à Payan d’intégrer une administration territoriale « aseptisée », réduite à des compétences extrêmement limitées41. Joseph-François ne parvient pas à cumuler toutes ses fonctions et donne sa démission en 1812. Enfin, l’année suivante, il est muté dans le département du Jura. Rattrapé par l’évolution de la conjoncture internationale, il est rapidement confronté à l’invasion de ce territoire frontalier par les forces coalisées entre 1813 et 1814. S’il reste à son poste en pleine tourmente, il envoie prudemment sa famille se réfugier chez ses cousins Lagier de Vaugelas, à Valdrôme, non loin de Die, dans la Drôme.
19La reconversion sociale de Payan ne résiste pas à la chute de Napoléon. Rattrapé par son passé républicain et les stigmates robespierristes qui entachent son nom, châtié pour ses fréquentations bonapartistes et pour son entière adhésion à l’acte additionnel au printemps 181542, Payan subit les foudres de la Restauration. À 57 ans, il est mis à la retraite forcée, un moyen commode pour le gouvernement de neutraliser de nombreux opposants ou individus suspects. Si la Seconde Restauration inaugure une nouvelle crise pour Payan, de nouveau menacé de déclassement social et professionnel, sa situation personnelle reste plus enviable que celle de nombreux révolutionnaires régicides, qu’il a côtoyés en l’an II, proscrits et bannis du royaume.
20Redevenu un homme privé, Payan revient, après vingt-deux ans d’itinérance, dans la Drôme qu’il n’a, finalement, que très peu quittée, visitant régulièrement sa mère à Saint-Paul-Trois-Châteaux ou à Die. En revanche, Joseph-François ne se fixe pas dans sa ville natale, aux mains des ultra-royalistes, comme une bonne partie de la Drôme méridionale, ni à Valence où il n’est pas le bienvenu : « Je ne te conseille pas de te montrer trop dans cette ville [Valence]. On y est méchant, les braises y subsistent encore43. » C’est, incognito, et sous le nom de Dumoulin, que Joseph-François prend le risque de faire une halte à Valence lors de ses déplacements. Comme le rappelle son ami de Chièze en 1808 : « Il faut que l’oubli du passé te rende la tranquillité dans un pays où tu étais très connu44. » Payan s’établit, en 1819, à Alixan, petit village dans la périphérie valentinoise. Si le régime l’exclut de toute fonction administrative, Payan ne reste pas vraiment en retrait. Figurant parmi les dix plus forts imposés du village, Joseph-François est régulièrement convoqué à l’hôtel de ville et associé aux principales décisions qui regardent les notables locaux. De fait, jusqu’à la révolution de 1830, Payan fréquente assidûment les assemblées municipales.
21Outre une vague de démissions collectives d’édiles, notamment de maires légitimistes, l’arrivée au pouvoir de Louis-Philippe se traduit par une épuration municipale particulièrement prononcée qui neutralise les royalistes les plus conservateurs45. La monarchie de Juillet s’appuie sur les libéraux et des modérés, partageant une aversion commune pour les Bourbons, ou possédant une réelle expérience municipale. Pour le nouveau régime qui tente de s’appuyer sur des notables modérés et compétents, Payan a véritablement le profil idéal. Rompu aux affaires municipales, il a acquis un réel savoir-faire administratif au cours de ses diverses expériences locale, départementale et nationale. Ainsi, Joseph-François, alors âgé de 71 ans, est nommé maire d’Alixan le 22 septembre 1830 et successivement maintenu en fonction jusqu’à la révolution de 1848. La pratique de confirmer le même maire, souvent faute de mieux, est courante46. Au-delà d’une certaine continuité dans les affaires municipales, ce vieillard au passé glorieux, possédant encore toutes ses facultés et figurant parmi les trois plus gros propriétaires fonciers d’Alixan incarne parfaitement la figure du notable rural, telle que les administrateurs centraux se la représentent dans le premier xixe siècle47.
22L’intronisation de Joseph-François Payan donne lieu à un grand banquet, le 12 décembre, au cours duquel le nouveau maire prononce un long discours dans lequel l’ancien opposant des Bourbons, châtié pour son passé républicain et ses accointances révolutionnaires, loue le retour à l’ordre après le tumulte de juillet 1830 et célèbre ostensiblement la famille royale48. Ne nous y trompons pas : Payan ne s’est pas converti à l’orléanisme, il s’est rallié à Louis-Philippe par rejet des Bourbons. Comme sous l’Empire, le nouveau régime apparaît comme un compromis acceptable pour les tenants du « juste-milieu » face au péril ultra-royaliste ou face à l’instabilité et aux dangers d’une nouvelle révolution. Dès lors, de nombreux notables modérés, de tous horizons, enfilent les habits neufs de l’orléanisme pour maintenir le cap à l’« extrême centre49 ». Au cours de ses 18 années passées à la tête de la municipalité d’Alixan, Payan est confronté à deux problèmes importants qui empoisonnent une grande partie de ses mandats : des relations exécrables avec le curé du lieu et, surtout, les velléités sécessionnistes récurrentes du hameau de Saint-Marcel.
23Sous la Restauration, l’hôtel de ville était entièrement sous la coupe de l’influent curé Revol. L’installation d’une nouvelle municipalité, moins réceptive aux injonctions du curé, et, surtout, d’un maire de la trempe de Payan, qui a farouchement lutté contre le « fanatisme » par le passé, inaugure un long cycle de conflits. Dès 1831, la municipalité dénonce les nombreux passe-droits dont a bénéficié le curé durant le régime précédent, notamment en s’arrogeant, en 1827, des bâtiments municipaux, transformés en presbytère, à la suite d’une délibération municipale qu’il a presque rédigée lui-même. En représailles, le curé multiplie les tracasseries. Après s’être légèrement essoufflé, le conflit s’intensifie au début des années 1840 lorsque le curé « décide d’ordonner, de sa seule autorité, un nouveau placement des bancs et des chaises » en se proclamant « maître absolu de l’église50 ». Au-delà de sa dimension picrocholine, cette crise est révélatrice des rivalités de pouvoirs, de luttes d’influence et de rejeux de la décennie révolutionnaire qui animent maints villages à la veille de la révolution de 1848. En parallèle, la municipalité Payan doit faire face aux revendications des quelque 900 habitants du « hameau » de Saint-Marcel. Dès 1832, ces derniers multiplient les pétitions auprès du préfet pour obtenir leur détachement51. Payan se démène pour torpiller de telles exigences. Si les prétentions des habitants sont bien fondées, Payan prétexte défendre l’unité territoriale afin de masquer le réel défi : une baisse drastique du nombre des contribuables. Pour désamorcer la crise, Payan tente de répondre aux exigences les plus pressantes en palliant les carences administratives qui justifieraient les menées séparatistes en promettant d’obtenir notamment un garde champêtre et un agent de police. Durant toute la monarchie de Juillet, Saint-Marcel et Alixan s’opposent sur cette affaire. Payan, ayant l’oreille du préfet, semble être parvenu à bloquer le processus de fragmentation du territoire communal. Après sa démission, en 1848, son successeur ne semble plus être en mesure de l’empêcher dans un nouveau contexte révolutionnaire propice aux émancipations en tout genre. La Deuxième République détache officiellement Saint-Marcel en 1850.
24En sus de son mandat municipal, Payan envisage de réintégrer le conseil général de la Drôme en 1831 mais se heurte à un refus52. Il n’obtient pas, non plus, une place au sein du conseil d’arrondissement de Valence, moins prestigieux que l’administration départementale, où siège Payan de la Garde, son jeune cousin fervent royaliste. Payan est-il trop âgé et trop marqué politiquement par son passé révolutionnaire pour être associé aux affaires départementales ? C’est fort probable. En tout cas, la mise à l’écart de Joseph-François ne porte pas préjudice à la carrière de son fils aîné. Ainsi, – et sans doute pour donner des gages à Joseph-François –, Ernest est brièvement nommé conseiller général de la Drôme au début des années 1840.
Les vieux habits de la notabilité postrévolutionnaire
25La notabilité ne saurait se réduire à de prestigieuses fonctions administratives. Elle revêt de multiples dimensions qui participent de l’élaboration des différentes stratégies de distinction des individus. En réactivant des pratiques culturelles et sociales d’Ancien Régime (achats fonciers, agrégation à la noblesse, culture lettrée et savante), adaptées au nouveau cadre postrévolutionnaire, Joseph-François atteste sa capacité à jongler avec les multiples facettes de son identité qui lui permettent de s’adapter aux discontinuités politiques du premier xixe siècle, de se fondre dans le moule notabiliaire et, surtout, de tenter de faire oublier son passé révolutionnaire en soignant sa respectabilité.
26Au xixe siècle, la terre reste un critère essentiel de notabilité. S’ils n’ont presque rien perdu, les Payan n’ont, toutefois, guère profité de la Révolution pour accroître leur capital économique. Après avoir acheté l’office de conseiller maître à la chambre des comptes de Dauphiné en 1787, François Payan se retrouve à court de liquidités lorsque les premiers biens nationaux sont vendus en 1791 tandis que la forte mobilité géographique ses enfants n’autorise aucune installation durable. Enfin, aux contraintes matérielles ou professionnelles s’ajoutent les principes républicains, érigés en credo par les deux frères qui, en citoyens vertueux alliant les paroles aux actes, n’ont jamais profité de leur prééminence politique pour s’enrichir. Si la promotion professionnelle de Joseph-François améliore ses conditions de vie au début du Consulat, sa forte mobilité limite les acquisitions foncières53. En 1816, Payan ne se retrouve pas dans la même situation matérielle que lors de sa précédente disgrâce. Dès lors, Joseph-François peut compenser son déclassement professionnel en réalisant d’importantes transactions foncières qui accroissent sensiblement ses possessions. Les dispositions testamentaires prises dans les années 1830 dévoilent ainsi l’existence d’un imposant patrimoine, principalement réparti sur trois communes drômoises : Saint-Paul-Trois-Châteaux, Alixan, Étoile. Joseph-François possède encore de nombreux biens dans son fief tricastin. Les décès successifs de son père (1794), de sa mère (1822) et de ses frères (Claude, en 1794, Esprit, en 1818, Charles, en 1832), lui permettent de ne pas trop dilapider l’héritage familial. Ainsi, en 1834, son imposant domaine de la Urre est estimé à la coquette somme de 62 000 F. En outre, son mariage avec Sophie Melleret lui apporte en dot 6 fonds de terres d’une valeur de 10 000 F, situés sur le terroir d’Étoile dont son épouse est originaire. C’est, enfin, à Alixan que Payan se constitue tardivement un imposant domaine. Nanti d’une confortable fortune personnelle (200 000 F à la fin de l’Empire), il peut s’offrir le domaine de Liseau (une somptueuse maison de maître et 14 arpents de terres) qu’il agrandit progressivement. En décembre 1834, lorsque Payan partage ses terres alixanaises entre ses quatre enfants, l’ensemble, avoisinant les 33 arpents, est estimé à 180 000 F54. Avec un patrimoine foncier dont le revenu cadastral annuel est évalué à 1 648 F55, Joseph-François est parvenu à se hisser au sommet de la hiérarchie foncière locale56 et, surtout, de s’imposer comme l’un des plus grands propriétaires drômois57. La réorientation géographique de Joseph-François et la recherche de capitaux, nécessaires à ses diverses opérations foncières, se traduisent par le sacrifice progressif des derniers biens tricastins – 24 arpents en 1822 –, totalement liquidés en 183658. Les quelques éléments matériels mentionnés dans ses différents testaments laissent d’ailleurs entrevoir un train de vie qui n’a rien à envier aux plus grandes fortunes drômoises : calèche à quatre roues – supposant chevaux, écuries et cocher –, argenterie et vaisselle d’apparat, somptueux mobilier, etc. Joseph-François vit mieux que son père et peut tenir son rang en affichant ostensiblement sa renaissance sociale.
27L’opulence retrouvée offre aux Payan les moyens d’assouvir des prétentions nobiliaires qui, après avoir été prudemment abandonnées au début de la Révolution française, resurgissent lorsque la noblesse redevient un modèle de promotion sociale59. Payan rajoute à son nom le tènement qu’il avait délaissé après 1789 et se fait, de nouveau, appeler « Payan-Dumoulin ». Cette « noblesse d’apparence60 » s’appuie également sur la réactivation d’épithètes honorifiques, telles que le titre d’« ex-conseiller à la chambre des comptes » qui rappelle l’appartenance passée de Joseph-François au prestigieux monde des cours souveraines d’Ancien Régime. En revendiquant ostensiblement cet héritage révolu, Payan réactive en quelque sorte la chaîne des temps, rompue par la Révolution française, et expie son passé révolutionnaire. Le retour en grâce des vertus et des valeurs nobiliaires pousse Joseph-François, et surtout son fils Ernest (1811-1887), à reprendre le combat pour l’intégration au second ordre. Ainsi, après de longues démarches réamorcées par Joseph-François, dès septembre 1814, les Payan obtiennent de porter le titre de baron61 en 1866, à une période où le Second Empire recherche l’appui des notables provinciaux62, et en 1872, d’intégrer le 7e registre complémentaire du très prestigieux armorial nobiliaire d’Hozier63, véritable savonnette à vilains contemporaine qui décrasse les Payan de leur roture en sanctifiant leur « noblesse inachevée64 ». La stratégie amorcée par François au mitan du xviiie siècle est parachevée un siècle plus tard, presque comme si la Révolution n’avait pas, entre-temps, brouillé les cartes. Le génie de Joseph-François est d’avoir su faire oublier son passé « Montagnard » pour se fondre dans le moule des régimes successifs en multipliant les gages de respectabilité qui facilitent sa réinsertion dans la société postrévolutionnaire. À ce titre, ses pratiques culturelles et les formes de sociabilité qu’il expérimente sont particulièrement éloquentes.
28La maîtrise ostentatoire des outils culturels facilite l’assimilation à la noblesse et constitue l’une des « pierres de touche de l’agrégation au second ordre, bien plus que la vie de château, dont les apparences sont facilement imitées65 ». Payan conserve des liens forts avec les milieux académiques et affiche, en diverses circonstances, sa culture lettrée. Ainsi, en 1802, la disparition de sa cousine Henriette de Bourdic-Viot, femme d’esprit et de plume reconnue, donne lieu à une rubrique nécrologique dans le Journal de Paris, qui, sous couvert d’éloge funèbre, met en évidence la grande aptitude de Joseph-François pour les lettres. Se livrant à une fine critique de l’œuvre littéraire de la défunte, Payan évoque ainsi le style « élégant et pur » de sa cousine et les « tableaux grâcieux » qu’elle met en scène dans son opéra La Forêt de Brama66. Sa solide culture lettrée lui ouvre, en 1807, les prestigieuses portes de l’Athénée de la langue française, dont il devient membre correspondant67. Cette institution culturelle, fondée en 1806 et devenue en 1810 Académie de la langue française, se donne pour mission « d’examiner, sous le rapport de l’expression, les ouvrages de nos meilleurs écrivains, de rendre compte des principes erronés que des grammairiens et des lexicographes ont propagés ; d’éclaircir les doutes sur les difficultés de la langue ; et de faire connaître les locutions vicieuses, usitées68 ». Les membres fondateurs, tous dignitaires de l’Empire, cooptent des talents provinciaux qui grossissent la cohorte des censeurs de la pureté de la langue française. Ainsi, Payan rejoint d’autres éminents ex-Dauphinois, tels que le grenoblois Champollion-Figeac. Si nous ignorons presque tout de l’activité de Payan au sein de cette institution, sa simple appartenance à cette élite culturelle et linguistique conforte autant qu’elle diversifie les bases de sa notabilité et renforce son crédit social après avoir atteint le sommet de la hiérarchie administrative départementale69. Talents, culture, aisance financière, modération : Joseph-François correspond parfaitement au stéréotype du notable consulaire. C’est, à ce titre, qu’il intègre le collège électoral du département de la Lozère lors de sa création.
29Joseph-François s’inscrit également dans des réseaux de sociabilité culturelle provinciale. Il est reçu en 1841 membre correspondant de la Société statistique des arts utiles des sciences naturelles du département de la Drôme, parrainé et intronisé par son fils Ernest, le secrétaire de la société savante70. Cette institution, fondée en 1837 dans le sillage de l’académie valentinoise, est principalement composée d’érudits et d’amateurs éclairés, dont l’objectif est « d’appeler l’attention sur tout ce qui peut présenter quelque degré d’utilité71 ». L’insertion des Payan dans une institution culturelle de ce type, dans laquelle la noblesse occupe traditionnellement une place prééminente72, leur offre une nouvelle occasion de tenir le rang nobiliaire auquel ils prétendent. Père et fils ne s’investissent pas de la même manière. Si Joseph-François, octogénaire au moment de son adhésion, se contente d’une appartenance passive, son fils Ernest est l’un des principaux animateurs de la société et l’un de ses plus prolifiques membres73. La présence de l’ancien commissaire de l’Instruction publique et des arts offre un lustre supplémentaire à cette institution provinciale tandis que l’entre-soi culturel renforce la respectabilité de l’ex-« Montagnard74 ».
30Enfin, la notabilité de Joseph-François peut également être appréhendée à l’aune de son influence recouvrée. Son retour en grâce le met à nouveau en position de rendre des services. La fonction de directeur des contributions directes lui offre une prépondérance toute particulière au sein de l’administration fiscale départementale. En lien direct avec le ministère des finances, Payan peut influer sur les nominations, susciter des promotions et favoriser des carrières75 à une période où la sollicitation pour les places passe pour une pratique « presque attendue76 ». Bien des individus sollicitent l’appui de cet intercesseur, tels que le sous-préfet de Roanne, Claude-Marie Hue de la Blanche, requérant à plusieurs reprises, entre 1809 et 1813, le patronage de Joseph-François :
« Vous avez bien voulu me promettre que vous accueillerez les demandes que je pourrais vous faire de places de percepteurs pour les personnes qui mériteraient votre confiance ainsi que la mienne77. »
31Ainsi, en février 1809, Payan soutient la candidature de l’un des protégés du sous-préfet de Roanne pour l’obtention de la perception de Montagny78. Si l’influence de Payan est déterminante, elle n’est, toutefois, pas sans limite. En 1811, le « candidat » du sous-préfet, appuyé par Payan, n’est pas plébiscité par le ministre. Mortifié, Joseph-François est contraint de confesser son impuissance à Hue de la Blanche : « Je suis extrêmement fâché que cette circonstance ne me permette pas de concourir au succès d’une demande que vous appuyez79. »
32Ses accointances avec de nombreuses familles drômoises et son excellente connaissance du terrain confèrent à Payan une expertise particulièrement recherchée par un pouvoir central désireux de pacifier une frange méridionale drômoise instable et encore gangrenée par le brigandage au début du Consulat. C’est ainsi que le sous-préfet de l’arrondissement de Montélimar, Gaud de Roussillac, fait appel à Payan pour « avoir des rapports fréquents sur la situation de cette contrée [Saint-Paul-Trois-Châteaux]80 ». En intégrant le cercle informel d’hommes de confiance et d’informateurs qui collaborent avec la préfecture, Payan conforte sa respectabilité, tout au moins aux yeux du pouvoir central, et reconstruit, localement, une influence contrariée par le 9 Thermidor. Son influence locale est renforcée par la révolution de 1830. En effet, son hostilité à l’ultracisme et aux Bourbons en fait un interlocuteur privilégié du pouvoir central à une période où la monarchie de Juillet tente de s’affirmer dans un département qui lui est hostile, particulièrement dans sa frange méridionale81. En 1831, le nouveau préfet nommé après les purges qui accompagnent la révolution de 1830, sollicite l’entremise de Payan pour l’aider à pénétrer dans le sérail des cercles politiques drômois. Ainsi, Henry charge Joseph-François de sonder Louis Théoule, notable de Pierrelatte et figure politique majeure du « Mouvement », sur ses intentions concernant les élections qui doivent renouveler le conseil général de la Drôme82. Dans la même lettre, le préfet Henry exhorte Payan à mobiliser son réseau familial et amical pour l’« informer des chances de réussites que pourrait avoir le général Fabrier dans l’arrondissement électoral de Die ». Ce rôle d’intermédiaire entre le pays réel et le pouvoir central conforte la prééminence de Payan à l’aube d’une ère politique nouvelle.
33Entre la figure de l’« infâme Payan », forgée en thermidor an II, et celle du « fameux » Payan, le notable respectable agonissant avec la Deuxième République en 1852, il s’est écoulé près de cinquante-huit ans. Pendant plus d’un demi-siècle, Joseph-François Payan s’est attelé à réhabiliter son nom et la mémoire de sa famille, « souillés » par le sang de Robespierre. Replacée dans la longue durée, des derniers soubresauts d’un xviiie siècle finissant au tournant d’un premier xixe siècle des plus instables, l’enquête dévoile les outils qui fournissent à Payan les moyens de se relever, quelle que soit la conjoncture politique, poussant l’art de la résilience et de l’adaptation – bien plus que de l’opportunisme – à un niveau de maîtrise rarement atteint. De nombreux talents administratifs recherchés, lui permettant d’oublier l’ivresse de la politique révolutionnaire et son passé en servant fidèlement divers régimes, un capital économique, peu entamé par l’ouragan révolutionnaire, une influence, rapidement recouvrée et, surtout, plus étendue, une solide culture lettrée, affichée avec ostentation, offrent d’excellentes garanties aux différents régimes politiques qui, à l’exception de la Restauration, favorisent non seulement sa réintégration dans le concert des notables mais parachèvent le processus d’agrégation à la noblesse que son père avait tant désiré. En jouant ainsi sur les multiples facettes de son identité socioculturelle, tour à tour mises en avant ou dissimulées selon les circonstances, l’ancien proscrit de l’an II est parvenu à se recycler en épousant le moule de la notabilité postrévolutionnaire. L’individu seul, si habile soit-il, ne peut rien sans appui ni réseau. Payan a su mobiliser les ressources humaines qui lui ont donné les moyens de son ambition. Placer enfin la focale, dans un ultime chapitre, sur ces réseaux familiaux, amicaux, et partisans, donne à voir, à l’échelle de l’individu, comment s’effectuent les sorties de la « Terreur » puis de la Révolution, dévoilant ainsi l’existence d’autres ressorts qui complètent l’analyse et, surtout, restituent toute la complexité de Joseph-François et de ses différentes appartenances.
Notes de bas de page
1Petiteau Natalie, Élites et mobilités : la noblesse d’Empire au xixe siècle (1808-1914), Paris, La Boutique de l’histoire, 1997.
2Fureix Emmanuel et Lyon-Caen Judith, « Introduction : le désordre du temps », Revue d’histoire du xixe siècle, no 49, 2014/2, p. 8.
3Exil et émigration constituent deux réalités à la fois distinctes et indissociables : Diaz Delphine, En exil. Les réfugiés en Europe de la fin du xviiie siècle à nos jours, Paris, Gallimard, 2021, p. 61.
4Bourdin Philippe, « Jacques-Antoine Dulaure, de la Gironde à la Suisse », in François Antoine, Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Leuwers et Côme Simien (dir.), Déportations et exils des Conventionnels, actes du colloque de Bruxelles, 21-22 novembre 2016, Paris, Société des études robespierristes, coll. « Études révolutionnaires », no 19, 2018, p. 83-98.
5Walter François, Histoire de la Suisse. Le temps des Révolutions (1750-1830), Neuchâtel, Presses universitaires suisses, 2015, p. 58-70.
6AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 7, lettre de Jean-Pierre Martin à la société républicaine de Paul-lès-Fontaines, 30 fructidor an II. Les citations suivantes proviennent du même document.
7Ibid., Adresse de la société populaire de Paul-lès-Fontaines à la Convention nationale, 22 vendémiaire an III.
8Ce projet justificatif semble avoir totalement disparu, Margueritte Pascal, « Les frères Payan : un destin révolutionnaire », in Michèle Nathan-Tilloy et Claude Genty (dir.), Les Drômois, acteurs de la Révolution, actes du colloque de Valence, Valence, Association drômoise pour la célébration du bicentenaire de la Révolution française et les archives départementales de la Drôme, 1990, p. 509-510.
9AD 26, Q 661, vente des biens de Claude-François Payan, 11 frimaire an III.
10Ibid., vente des biens de Joseph-François Payan, 11 frimaire an III.
11AD 26, 356 J 128, lettre de Marthe Isoard à Joseph-François Payan, 23 septembre 1797.
12AD 26, 356 J 139, mémoires et pièces concernant les biens de Joseph-François Payan, 1796-1797.
13AD 26, 1 E 844, lettre d’Esprit-François au notaire Béranger, 16 prairial an IV.
14Ibid., lettre de Béranger à Esprit-François, 12 juin 1797.
15Chauvaud Frédéric et Mayaud Jean-Luc (dir.), Les violences rurales au quotidien, Paris, La Boutique de l’histoire, 2005.
16AD 26, 356 J 128, lettre de Marthe Isoard à Joseph-François Payan, 8 février 1799.
17Jocteur Monrozier Yves, Les deux visages de Sébastien Falquet de Planta. Soldat et philosophe (1770-1839), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2019, p. 78-79.
18Kawa Catherine, Les ronds-de-cuir en Révolution, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1996, p. 92.
19AD 26, 356 J 132, note du général Duvignau au citoyen Payan, 9 ventôse an IV.
20AN, 39 AP 3, lettre de Rosalie Jullien à son fils Marc-Antoine, 30 juillet 1797.
21Martin Virginie, « Vivre la Révolution dans l’ombre de Marc-Antoine Jullien », art. cité, p. 163.
22AN, 39 AP 3, lettre de Rosalie Jullien à son fils Marc-Antoine, 3 octobre 1797.
23Le bureau des contributions directes gère le recouvrement des « quatre vieilles » : contributions foncière, personnelle et mobilière, patente, portes et fenêtres.
24AN, 39 AP 3, lettre de Rosalie Jullien à son fils Marc-Antoine, 20 novembre 1797.
25L’inspecteur supervise le recensement par les contrôleurs pour la formation des matrices des différents rôles, surveille la perception et vérifie toutes les réclamations : « contributions directes », in Thierry Lentz (dir.), Dictionnaire des institutions du Consulat et de l’Empire, Paris, Tallandier, 2017 (2008), p. 188-189.
26Le Bihan Jean, Au service de l’État. Les fonctionnaires intermédiaires au xixe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2008, p. 25.
27Lignereux Aurélien, Les impériaux. Administrer et habiter l’Europe de Napoléon, Rezé, Fayard, 2019, p. 199-207.
28Jollet Anne, « Est-ce être exilé que de demeurer ? Où commence, où finit l’exil ? », in François Antoine, Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Leuwers et Côme Simien (dir.), Déportations et exils des Conventionnels, op. cit., p. 175.
29Bergeron Louis et Chaussinand-Nogaret Guy, Les masses de granit. Cent mille notables du Premier Empire, Paris, Éditions de l’EHESS, 1979.
30Chaussinand-Nogaret Guy, Constant Jean-Marie, Durandin Catherine et Jouanna Arlette, Histoire des élites en France du xvie au xxe siècle, Paris, Tallandier, 1991, p. 279-287.
31Andro Gaïd, Une génération au service de l’État…, op. cit., p. 366.
32Serna Pierre, La République des Girouettes, 1789-1815 et au-delà. Une anomalie politique : la France de l’extrême centre, Seyssel, Champ Vallon, 2005.
33Félix Joël, Les magistrats du Parlement de Paris, 1771-1790. Dictionnaire biographique et généalogique, Paris, Éditions Sédopols, 1990.
34Andro Gaïd, Une génération au service de l’État…, op. cit., p. 377.
35AD 26, 356 J 131, lettre de Chièze à Payan, 17 pluviôse an IX.
36Dans ce département pauvre, ses revenus le situent parmi les plus riches habitants, Pourcher Yves, Les maîtres de granit. Les notables de Lozère du xviiie siècle à nos jours, Paris, Tallandier, 2017 (1987), p. 205.
37Charle Christophe, Les hauts fonctionnaires en France au xixe siècle, Paris, Gallimard, 1980 ; Chagnollaud Dominique, Le premier des ordres. Les hauts fonctionnaires, xviiie-xxe siècle, Paris, Fayard, 1991 ; Pinet Marcel (dir.), Histoire de la fonction publique en France, t. III : Les xixe et xxe siècles, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1993, p. 181.
38Chambon Pascal, La Loire et l’Aigle. Les foréziens face à l’état napoléonien, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2005, p. 107.
39Karila-Cohen Pierre, Monsieur le Préfet. Incarner l’État dans la France du xixe siècle, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2021, p. 204-213.
40AN, F1/BII/Loire/3, arrêté de nomination impériale, 11 décembre 1808.
41Godechot Jacques, Les institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, op. cit., p. 512-514.
42Payan signe le registre au bureau de la préfecture, avec tous les officiels du régime impérial en Ardèche : AN, B/II/859/A, votes émis dans la ville de Privas, 1815.
43AD 26, 356 J 131, lettre de Prosper de Chièze à Joseph-François Payan, 5 avril 1806.
44Ibid., 16 septembre 1808.
45Bergère Marc et Le Bihan Jean (dir.), Fonctionnaires dans la tourmente. Épurations administratives et transitions politiques à l’époque contemporaine, Genève, Georg, 2009, p. 12.
46Thoral Marie-Cécile, L’émergence du pouvoir local. Le département de l’Isère face à la centralisation (1800-1837), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2010, p. 30-33.
47Audibert Cédric, Les Français vus par ceux qui les gouvernent (1800-1820), Paris, Les Indes savantes, 2018.
48AD 26, E dépôt 88, 1 D 9, délibération municipale d’Alixan, 12 décembre 1830.
49Tudesq André-Jean, Les grands notables en France (1840-1849). Étude historique d’une psychologie sociale, Paris, Presses universitaires de France, 1964.
50AD 26, E dépôt 88, 1 D 10, délibération municipale d’Alixan, 17 mars 1840.
51Ibid., délibération municipale d’Alixan, 18 mars 1832.
52AN, F1/BII/Drôme/5, note manuscrite du préfet de la Drôme, sans date.
53Le Bihan Jean, « Fonctionnaires et mobilité géographique au xixe siècle. L’exemple des percepteurs des contributions directes », Travail et Emploi, no 127, juillet-septembre 2011, p. 15-27.
54AD 26, 356 J 148, dispositions testamentaires, 28 décembre 1834.
55AD 26, E dépôt 88, 1 G 5, contribution foncière, Alixan, 1820-1830.
56Vigier Philippe, Essai sur la répartition de la propriété foncière dans la région alpine. Son évolution des origines du cadastre à la fin du Second Empire, Paris, SEVPEN, 1963.
57Payan se situerait, en effet, dans la moitié supérieure de la hiérarchie des notables d’Empire esquissée par Gérard-Albert Roch, Bergeron Louis et Chaussinand-Nogaret Guy (dir.), Grands notables du Premier Empire, vol. 5 : Gard, Hérault, Drôme, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, 1980, p. 169 et suiv.
58AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, 1 G 8 II, contribution foncière, 1816.
59Mension-Rigau Éric, Singulière noblesse. L’héritage nobiliaire dans la France contemporaine, Paris, Fayard, 2018 (2011).
60Brelot Claude-Isabelle, « La noblesse d’apparence, révélateur de la noblesse d’apparence au xixe siècle », in Jean-Marie Constant (dir.), L’identité nobiliaire, op. cit., p. 110-121.
61Ce titre appartenait à l’origine aux Payan de l’Hôtel. Après avoir prouvé l’extinction de cette lignée et avoir fourni les preuves de sa filiation, Ernest Payan parvient à relever le titre : AD26, 356 J 154, procédures conduites pour relever le titre de baron, 1834-1866.
62Higgs David, Nobles, titrés, aristocrates en France après la Révolution 1800-1870, Mayenne, Liana Levi, 1990, p. 58-59.
63Armorial général des d’Hozier ou registres de la noblesse de France, registre septième (complémentaire), 2e partie, Paris, Firmin Didot frères, 1872, p. 416-417.
64Dioudonnat Pierre-Marie, Le simili-nobiliaire français, Paris, Sedopols, 2002, p. 418.
65Brelot Claude-Isabelle, La noblesse réinventée. Nobles de Franche-Comté de 1814 à 1870, t. I, Restaurations et reconversions, Paris, Annales littéraires de l’université de Besançon/Les Belles Lettres, 1992, p. 102.
66AD 26, 356 J 133, extrait du Journal de Paris, no 31 du 23 octobre 1802.
67Ibid., diplôme de l’Athénée de la langue française, 1807.
68AD 26, 356 J 133, règlements de l’Athénée de la langue française, 1807.
69Kingston Ralph, Bureaucrats and Bourgeois Society: Office Politics and Individual Credit in France, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2012.
70AD 26, 356 J 133, diplôme de la Société statistique des arts utiles et des sciences naturelles du département de la Drôme, 1841.
71Bulletin de la Société statistique des arts utiles et des sciences naturelles du département de la Drôme, Valence, Borel, 1837, p. 1-2.
72Chaline Jean-Pierre, Sociabilité et érudition : les sociétés savantes en France, Paris, CTHS, 1995, p. 121-122.
73Outre ses fonctions de procureur à Valence, Ernest est également passionné par l’histoire et les sciences naturelles. Il a rédigé de nombreux articles et quelques ouvrages sur le patrimoine antique, naturel et historique, tels que Le château de Grignan en 1837.
74Leuwers Hervé, Barrière Jean-Paul et Lefebvre Bernard (dir.), Élites et sociabilité au xixe siècle. Héritages, identités, Villeneuve-d’Ascq, Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, 2001, p. 9-15.
75Dard Olivier, Engels Jens Ivo et Monier Frédéric (dir.), Patronage et corruption politiques dans l’Europe contemporaine, Paris, Armand Colin, 2013.
76Agnès Benoît, « Le solliciteur et le pétitionnaire : infortunes et succès d’une figure sociale et littéraire française (première moitié du xixe siècle) », Revue historique, no 661, 2012/1, p. 27.
77AD 26, 356 J 135, lettre du sous-préfet de Roanne, 15 février 1810.
78Ibid., 9 février 1809.
79Ibid., 12 octobre 1811.
80AD 26, 356 J 135, lettre du sous-préfet de Montélimar, 1er thermidor an VIII.
81Les départements méridionaux et le sud de la Drôme sont des bastions du légitimisme : Tort Olivier, La droite française. Aux origines de ses divisions, 1814-1830, Paris, Éditions du CTHS, 2013.
82AD 26, 356 J 135, lettre du préfet de la Drôme, 6 avril 1831.

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