Chapitre V. Des liens du sang au sang du Peuple
Crise familiale et affirmation identitaire de la fratrie Payan (1791-1792)
p. 131-158
Texte intégral
1La radicalisation de la crise religieuse et l’affirmation d’un pôle « aristocrate1 » à Saint-Paul-Trois-Châteaux mettent à l’épreuve la solidité des liens tissés par les Payan avant la Révolution française, provoquant une intense crise familiale qui les obligent à réexaminer leurs stratégies sociales ou politiques. En outre, la lutte contre les « aristocrates » constitue une étape importante dans la construction de la nouvelle identité politique des Payan, forgeant peu à peu l’image d’une famille d’activistes politiques confirmés et réputés, entre lesquels les épreuves et les luttes ont resserré les liens.
Une arène politique locale en pleine recomposition
2Élément structurant des positionnements idéologiques, la question religieuse éprouve la solidité de nombreux liens sociaux et s’impose comme un dénominateur commun, transcendant les différences sociales ou culturelles, dans la constitution de « partis » antagonistes. L’élection de Joseph-François Payan au conseil d’administration de la Drôme et le renouvellement municipal de novembre 1791 redistribuent les cartes en laissant le champ libre aux « aristocrates ».
Fracture religieuse, crise d’identité familiale et reconfigurations partisanes
3Une partie importante de la population tricastine soutient le clergé réfractaire et l’opposition à la municipalité Payan s’organise véritablement autour de l’été 1791. L’état-major du « parti aristocrate » recrute ses membres parmi les familles menacées de déclassement par la suppression des bénéfices ecclésiastiques, la fermeture des monastères et la redistribution des charges ecclésiastiques. Dès lors, il n’est guère surprenant de retrouver parmi les opposants à la politique religieuse des Constituants le bourgeois Solier, père du curé réfractaire, le négociant Joseph Martin, dont deux enfants embrassent la carrière ecclésiastique, et plus particulièrement le canonicat tricastin, le bourgeois Jean Thune, dont l’une de ses filles est la supérieure du couvent du Saint-Sacrement, à Bollène. Ces familles sont unies par un faisceau de liens intenses (parenté, parenté spirituelle, amitié) et la proximité de ses membres avec l’évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux ou du chapitre cathédral. Ces parentèles gravitent toutes dans l’orbite immédiate du seigneur-évêque ou de ses plus influents collaborateurs, comme Pierre Gayte, son secrétaire et homme de confiance. Certains individus exercent des fonctions judiciaires ou administratives pour le compte du diocèse : Jean-Baptiste Alexandre Cheysson, fils de Jacques Cheysson, ancien greffier de la justice épiscopale et l’un des agents les plus actifs du prélat ; Louis-Elzéard Solier, dernier bailli épiscopal, secondé par son filleul, Louis-Elzéard Thune, procureur fiscal de l’évêque. Les actes notariés révèlent également les connivences économiques qui existent entre ces individus et le seigneur ou ses vicaires généraux : Antoine Guignet est receveur des dîmes du diocèse de Saint-Paul-Trois-Châteaux, de la fin des années 1760 jusqu’en 1790, le riche négociant Joseph Martin, quant à lui, est fermier des domaines du vicaire général de l’évêque. La suppression du diocèse de Saint-Paul-Trois-Châteaux et l’abolition du complexe féodal les privent de substantiels bénéfices. Enfin, certains de ces acteurs, comme les Solier ou les Thune, en tant qu’agents seigneuriaux, se sont déjà opposés par le passé aux Payan et à leurs alliés. Les passes d’armes à la maison commune ou les actes judiciaires intentés contre eux ont favorisé un torrent de ressentiment, que leur marginalisation politique a amplifié. Par conséquent, les motivations politiques de ces individus reposent à la fois sur des logiques réticulaires complexes, mêlant étroitement solidarités familiales ou amicales, ambitions et intérêts personnels créant des liens qui frisent le clientélisme seigneurial, et des conflits de parentés avivés qui conditionnent à des degrés, certes, divers, leur engagement partisan dans un camp plutôt que dans un autre. Lorsque la crise religieuse éclate au milieu de l’année 1791, ces hommes ont déjà choisi leur camp2. Dès lors, le schisme religieux sert de catalyseur, permettant néanmoins de fédérer autour d’eux une opposition beaucoup plus importante et de donner une plus grande audience à leurs combats.
4L’opposition politique recrute une partie de ses membres au sein de la Garde nationale, plus particulièrement parmi ses officiers et jusqu’aux membres de son état-major, et parmi le « parti » patriote. Nombre d’anciens alliés ou proches des Payan changent à présent leur fusil d’épaule. Au sein même de la famille Payan, le schisme religieux polarise et déchire, se doublant d’une crise familiale majeure et d’une violente crise d’identité. Si François et ses enfants gardent une foi profonde dans l’œuvre accomplie par les Constituants, leurs parents les plus proches sont loin de partager leurs vues : Payan-Champié, d’Audiffret et Arnaud de Lestang rejoignent le « parti aristocrate ». Les d’Audiffret – l’ex-vibailli Paul-Joseph-François, et son frère l’abbé Joseph-Xavier, bénéficier de l’église cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux – et Arnaud de Lestang poussent même l’engagement politique jusqu’à la Contre-révolution affichée, se liant avec les réseaux jalésiens3. Ainsi la division religieuse suscite une profonde crise d’identité familiale chez les Payan. Les liens avec la parenté élargie se distendent fortement tandis que les relations adelphiques sont également compromises : Jeanne-Françoise, l’aînée de la fratrie et l’épouse d’Audiffret, ne fréquente pratiquement plus ses frères.
5Quid des amis et des intimes des mondanités organisées à l’hôtel Payan dans les dernières décennies de l’Ancien Régime ? Le bilan est tout aussi négatif. Les ecclésiastiques les plus proches, comme le prévôt du chapitre canonial, Colomb de Seillans, que Joseph-François Payan a aidé en facilitant le rachat de sa maison, décrétée bien national, se rallient au pôle « aristocrate ». Il en va de même pour la plupart des nobles tricastins : les de Girard émigrent, suivis par les de Genton tandis que la posture des de Petity de Saint-Vincent demeure bien suspecte. Bien plus éprouvante pour François est la défection de son plus grand ami, Esprit-Joseph de Castellane, le commandant en chef de la Garde nationale. Pour les patriotes tricastins, de Castellane incarne l’archétype même du noble « aristocrate4 » et s’impose rapidement comme chef de « parti ». Seuls le comte de la Roche d’Eurre, parrain de Joseph-François, et Fargier de Saint-André gardent une prudente expectative. Des alliés ou des proches qui composent le premier cercle de la galaxie Payan, avant 1789, l’unique soutien sur lequel ils peuvent désormais compter est le médecin Caudeiron. La Révolution bat en brèche le modèle social que Payan cherchait à construire ainsi que l’identité noble qu’il entendait donner à sa famille. En portant localement la Révolution, les Payan se placent en porte-à-faux par rapport à la plupart des élites tricastines d’Ancien Régime qui trempe largement dans le « parti aristocrate ».
6La question religieuse ébranle également les convictions de certains patriotes de la première heure, comme l’entrepreneur Ayasse, voisin des Payan, assesseur du juge de paix et clubiste assidu, ou Callemand d’Autane, zélé patriote jusqu’en 1791. Ce membre fondateur de la société politique est progressivement « travaillé par sa femme, elle-même travaillée par Thune5 ». Tiraillé entre ses convictions personnelles et la pression de son entourage familial, Callemand d’Autane ne rompt pas officiellement avec les patriotes mais s’expose de moins en moins.
7En réponse au délitement de leur structure relationnelle, les Payan se replient sur leur environnement proche en réactivant ou en amplifiant des rapports et des solidarités de voisinage. En effet, l’étude du cadastre révèle que les alliés des Payan les plus impliqués dans le processus révolutionnaire vivent presque tous à l’échelle du même quartier, et pour certains, à celle du même îlot urbain.
Carte 1. – Un clubisme de proximité.

Source : AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, 8 fi 1/23, section O du cadastre, 1810. Carte réalisée par Sébastien Berthaut-Clarac.
8Les densités de clubistes sont particulièrement fortes aux abords du club – abrité au début de son existence dans un salon de la maison de Jean-Baptiste Favier – mais beaucoup plus faibles dans les autres parties de la commune. En effet, les principaux chefs-de-file du club ou ses membres les plus assidus sont des voisins immédiats : le marchand Deville, le notaire Rocher, les frères Bérard et Favier, le géomètre Ansillon vivent tous dans la même rue tandis qu’Ayasse et les frères Payan habitent dans la rue parallèle, à moins de 200 mètres du club. Par conséquent, dans cette petite ville de 2 000 habitants, où les habitants se connaissent, au moins de vue, les nouveaux liens politiques tissés par la Révolution se superposent aux liens de voisinage6 préexistant, dont ils tirent toute leur force et leur vitalité, et qu’ils amplifient7. La défense de la Révolution rapproche au sein du club politique, des voisins qui, auparavant, ne pouvaient avoir que des contacts très limités. La Révolution renouvelle en profondeur les rapports sociaux.
9La fracture politique fragmente ce microcosme urbain dans lequel « aristocrates » et patriotes cohabitent et se croisent journellement. Ainsi, le comte de Castellane se retrouve pratiquement encerclé par ses adversaires. La proximité de celui qui incarne la figure honnie de l’ennemi – vivant au bout de la rue où se tiennent les séances du club – renforce la cohésion des chefs de file patriotes. Dans une autre configuration, Caudeiron se retrouve complètement isolé, en fond d’impasse, le long d’une artère où résident plusieurs prêtres réfractaires et quelques membres actifs du « parti aristocrate », tels que Joseph Martin, le perruquier Genton, le tailleur Mery. Chaque jour, Caudeiron doit emprunter le même chemin qui longe toutes ces maisons et les opposants politiques qu’elles abritent. Ce sentiment d’isolement et la sensation d’être encerclé par l’ennemi alimentent les peurs8 et radicalisent9 les comportements politiques10.
Échec aux Payan
10Après la rétractation du serment du curé et de ses vicaires, vivement condamnée par la municipalité, l’état-major de la Garde nationale prend ses distances avec les hommes de l’hôtel de ville. Sans en arriver à une rupture complète, l’harmonie qui régnait entre les pouvoirs locaux en 1790 n’y est plus. La célébration de la fête du 14 juillet 1791 en témoigne. Dans l’optique de « saisir toutes occasions de resserrer les liens d’une précieuse fraternité », Joseph-François et certains cadres de la Garde nationale organisent un banquet fraternel11. La municipalité, l’état-major de la Garde nationale et plusieurs officiers députés se retrouvent dans l’une des salles de l’ancien palais épiscopal. Cette manifestation ostentatoire de l’unité tricastine retrouvée et les discours convenus des uns et des autres, tentant de donner le change, masquent d’importantes divisions. « Aucun accident n’a troublé cette journée mémorable », conclut le secrétaire dans le registre des délibérations : c’est dire à quel point la tension est palpable12.
11L’installation du curé jureur en septembre 1791 accélère la rupture et s’accompagne d’une recrudescence d’affrontements quotidiens, de diverses natures, entre adversaires politiques13, entretenant un climat politique particulièrement pesant. À la veille des élections municipales, les « aristocrates » redoublent d’audace afin d’effrayer l’électorat patriote. Le contexte leur est plus favorable depuis l’élection récente, en septembre 1791, de Joseph-François Payan à la fonction d’administrateur de la Drôme. Cette percée de l’aîné des Payan est particulièrement remarquée : « Nous avons appris que Monsieur votre maire venait d’être nommé à l’administration du département. Bien des gens croient que sa destinée le mènerait encore plus loin14. » En l’absence du maire, les « aristocrates » se montrent plus hardis. Ainsi, le 8 novembre 1791 – à cinq jours du scrutin –, le retour du comte de Castellane, parti quinze jours à Aix, donne lieu à un bras de fer entre la municipalité et une partie de la Garde nationale. Les officiers « aristocrates » veulent fêter solennellement le retour de leur commandant en chef, ce que la municipalité refuse. Néanmoins, Antide Sibour, major de la Garde nationale tricastine, arrache l’autorisation de défiler dans les rues en menaçant le conseil municipal « qu’il serait dangereux de refuser face à la détermination de la Garde nationale15 ». Pour la première fois depuis son élection, la municipalité Payan capitule. Les « aristocrates » célèbrent leur victoire avec tumulte. Le défilé est accompagné des cris séditieux : « Vive les aristocrates », « Les patriotes à la lanterne », « Merde pour les patriotes16 ». Ces derniers constituent autant une profession de foi politique que l’un des nombreux volets du répertoire d’action potentiellement mobilisable par des individus privés du droit de suffrage17. Enfin, au terme d’un souper réunissant les principaux chefs de file « aristocrates », une farandole déambule dans les rues, s’arrêtant devant les maisons des principaux clubistes pour les couvrir d’insultes. Illustration de la politisation de pratiques festives déjà mises en lumière par Michel Vovelle18, la farandole contribue également, en investissant les rues et les places publiques, à politiser l’espace tout en se l’appropriant. C’est dans cette conjoncture politique défavorable aux patriotes que s’ouvre le scrutin stratégique du 13 novembre, visant à renouveler la moitié des édiles et remettant en jeux les fonctions clefs municipales.
12Cette élection partielle est attendue et préparée par les deux « partis » antagonistes. Le club entend jouer un rôle électoral important. La séance du 10 novembre y est intégralement consacrée. Les principaux orateurs, comme Jean-Baptiste Favier et Claude-François Payan – ce dernier apparaît de manière de plus en plus récurrente dans la documentation –, éclairent les sociétaires sur « les qualités nécessaires aux officiers municipaux que l’on doit choisir dimanche 1319 ». Les « aristocrates », quant à eux, cherchent à provoquer un tumulte afin d’obtenir la dissolution de l’assemblée primaire20. Ainsi, les « aristocrates » passent rapidement à l’offensive en contestant bruyamment l’élection de Joseph-François Payan à la présidence de l’assemblée. Payan et ses soutiens tiennent bon et poursuivent le scrutin jusqu’à ce qu’un second tumulte les oblige à suspendre l’élection et à renvoyer l’affaire devant le district de Montélimar21. Si les « aristocrates » n’ont pas remporté l’élection, ils sont tout de même parvenus à contrecarrer leurs adversaires et à mettre les Payan en échec pour la première fois.
13Forts de leur succès, les ténors du « parti aristocrate » poursuivent l’offensive contre les Payan qu’ils discréditent et délégitiment dans une adresse au département, dans laquelle ils dénoncent le cumul illégal de la présidence de l’assemblée primaire et celle d’administrateur au département. Ainsi, les « aristocrates » organisent le 16 novembre une assemblée de citoyens actifs dans le couvent des dominicains. La tactique est habile. Après avoir rabattu le maximum d’électeurs dans l’enceinte – fonction notamment assurée par les agents et les domestiques du comte de Castellane –, les « aristocrates » les plus actifs, comme le marchand Martin et Sibour lisent l’adresse rédigée le matin même à l’hôtel Castellane, puis font signer les présents. Or, plusieurs plaintes rapportées par la suite, émanant plus particulièrement d’illettrés, dévoilent la supercherie. En réalité, deux textes, présentés aux signataires comme étant constitutifs du même ensemble, ont été rédigés pour l’occasion : l’adresse demandant l’intervention des autorités supérieures pour réguler l’élection disputée, et un brûlot accablant les Payan, père et fils. C’est bien évidemment le premier document qui a été lu au public tandis que les citoyens actifs sont ensuite invités à signer les deux documents. En outre, l’assemblée est filtrée par des Gardes nationaux armés qui refoulent les patriotes, comme le maçon Clauzon, interdit d’accès car il « ne vote pas avec eux22 ». Pour obtenir davantage de signatures, les pétitionnaires démarchent les particuliers dans la rue et jusque dans leur maison. Seuls certains proches des Payan, comme le comte de la Roche d’Eurre – parrain de Joseph-François –, émettent une timide protestation : « Je signe pour ce qui s’est passé lors de la dernière assemblée mais n’approuve pas les inculpations contre les Payan23. »
14C’est dans ce contexte favorable aux adversaires des Payan que se tient, le 27 novembre, une nouvelle assemblée primaire sous la présidence du commissaire Pain, député par le district de Montélimar. Celui-ci, sans être franchement hostile aux Payan, penche plutôt pour le camp conservateur. Le scrutin mobilise 335 citoyens actifs sur 397 (soit 84 %). C’est probablement l’élection la plus suivie depuis l’élargissement du droit de suffrage. Cette forte mobilisation partisane montre à quel point les forces politiques locales sont organisées et ont su rapidement adapter leurs stratégies au nouvel ordre institutionnel. L’enjeu est de taille : la conquête de l’hôtel de ville. Tous les principaux chefs des deux « partis » sont présents, à l’exception de Joseph-François Payan, qui a jugé plus prudent de se retirer à Valence, où il a été nommé suppléant du directoire de département. L’élection se déroule sans heurt majeur. Au cours d’une assemblée réunissant les cadres du « parti aristocrate » qui se tient la veille du scrutin, le comte de Castellane a exigé – selon Payan père, décidément bien renseigné sur ce qui se trame dans le camp opposé – « la promesse de la paix et de la modération24 ». Le scrutin est un camouflet pour les patriotes qui perdent le contrôle de l’assemblée primaire dès le premier tour de vote : le comte de Castellane est élu président de l’assemblée avec presque 70 % des voix tandis qu’Antide Sibour et Étienne-Mathieu Sermand, deux membres actifs du « parti aristocrate », sont élus scrutateurs. Pour la première fois depuis janvier 1790, le contrôle de l’assemblée primaire échappe aux patriotes. Comment expliquer leur défaite ? L’absence de Joseph-François Payan, dont le charisme et l’autorité suffisent à convaincre certains indécis, n’explique pas tout. Cette déroute prouve, en réalité, que les positionnements politiques des individus sont extrêmement volatiles et que les lignes de fractures entre les camps ne sont pas aussi imperméables que les divisions ne donnent à le penser. Les activistes confirmés des deux « partis » sont finalement minoritaires. Les élections se jouent essentiellement sur la persuasion d’un important « ventre mou » de citoyens attentistes, sinon opportunistes, susceptibles d’évoluer au gré des circonstances et de la force de conviction de chaque camp. Prenant acte de leur défaite, presque tous les patriotes quittent la scène, « malgré mes représentations », déplore François Payan qui reste voter jusqu’au bout, avec une poignée de clubistes25. Le 28 novembre, seuls 241 votants sont présents. Les quelques patriotes restés en lice se retrouvent complètement submergés dans une assemblée primaire qui leur est clairement défavorable.
15Si les « aristocrates » sont largement vainqueurs, la répartition des postes en dit long sur leur stratégie. Le chirurgien Varenne et l’aubergiste Lassaigne sont élus officiers municipaux tandis que Sermand devient procureur. Quid de Thune, Sibour et de Castellane ? Les principaux chefs de file du « parti » n’entrent pas dans la municipalité par la grande porte. Louis-Elzéard Thune et le comte de Castellane n’occupent que la fonction subalterne de notable, côtoyant des individus de moindre envergure politique. Les Sibour, Solier et autres cadres « aristocrates » ne sont pas élus. Le poste de maire, quant à lui, revient à François Hilarion Delubac, cousin de l’ancien procureur du roi et assesseur de la justice de paix. Ce personnage obscur n’est pas un homme de « parti », ce qui le rend sans doute plus consensuel aux yeux de nombreux électeurs. Trait d’union entre les deux principales forces politiques de l’assemblée primaire, il incarne parfaitement l’archétype de l’administrateur conformiste et opportuniste. Dans les faits, les chefs de la « faction aristocrate » tirent les ficelles sans s’exposer. Au soir du 28 novembre 1791, les patriotes sont sonnés mais ne sont pas encore à genoux. En outre, une moitié d’administrateurs patriotes (Caudeiron, Craisson, Chautard, Clauzon, et Favier) siège encore à l’hôtel de ville. Les élections municipales se soldent ainsi par l’émergence d’un hôtel de ville bigarré, dans lequel les patriotes sont minoritaires mais restent actifs et informent les Payan des agissements de leurs adversaires. Depuis le département et le club, les frères Payan animent la résistance, bien résolus à combattre la municipalité « aristocrate » sur tous les terrains.
De l’administration au « militantisme » : la redéfinition de l’identité familiale des Payan
16La victoire des « aristocrates » s’inscrit très clairement à contre-courant d’une conjoncture politique départementale nettement plus favorable aux patriotes26. Le virage réactionnaire radicalise les patriotes, repliés sur le club qui devient une cellule active de résistance pilotée par les Payan et leurs alliés, bien résolus à lutter contre leur adversaire.
Saint-Paul-Trois-Châteaux : nouvelle frontière politique ?
17Dans un premier temps, les patriotes prennent acte de leur défaite. François Payan résume bien la situation : « Pourvu que la paix et la tranquillité règnent dans la ville, on ne doit avoir aucun regret de ces changements. Il n’y aura à plaindre que ceux qui seront chargés de l’administration en un temps aussi troublé27. » De plus, d’anciens amis du patriarche des Payan ayant rallié les « aristocrates » – peut-être de Castellane en personne – se sont secrètement entretenus avec lui et lui donnent des garanties suffisantes pour qu’il puisse écrire à son fils : « Je suis personnellement assuré que les nouveaux se comporteront avec prudence et modération28. » Cet important témoignage montre la ductilité de certains liens amicaux ou sociaux, se distendant à l’extrême face à la structuration des options politiques, sans jamais toutefois se rompre définitivement. Le souvenir des solidarités passées demeure et autorise encore, lorsque le besoin s’en fait sentir, le dialogue et la recherche de protection personnelle. Dans un poème qu’il déclame à la tribune du club, le jeune Claude-François dresse le même constat. La défaite est lourde mais on veut croire que le bon sens puisse transcender les rivalités politiques :
« Ce maire est pour nous, aussi bien que pour eux. Il veut faire régner et la paix et la loi ; il sait qu’elle doit être unique, universelle ; et que tous les mortels, fusse même le roi, dans quelque état qu’ils soient sont égaux devant elle29. »
18Les promesses des « aristocrates » ne sont pas suivies d’effets. Ces derniers prennent très rapidement le contrôle de la municipalité et cantonnent le maire à un rôle purement figuratif. Les délibérations ne sont pas dictées par Delubac mais par les officiers municipaux et les notables « aristocrates ». Forts de leur succès électoral et de leur mainmise sur les principaux pouvoirs locaux, les « aristocrates » prennent de nombreuses mesures conservatrices. Comme dans le cas arlésien, la victoire des « aristocrates » se traduit par une inflexion de la politique religieuse, notamment dans la lutte contre le clergé réfractaire local30. François Payan se berce d’illusions, peut-être aveuglé par ses amitiés passées, et commet une grosse erreur d’appréciation lorsqu’il affirme à son fils, quelques jours après les élections, que « la municipalité se conformera strictement aux décrets » dans le domaine religieux31. Peu après la victoire des « aristocrates », les partisans du clergé réfractaire défilent dans les rues et portent en triomphe les quatre femmes arrêtées par la municipalité Payan pour troubles à l’ordre public. Arnaud de Lestang, cousin germain des Payan, devenu le second du comte de Castellane, leur donne fièrement le bras32. Profitant de cette conjoncture, des ecclésiastiques réfractaires, chassés des villages voisins, viennent trouver refuge à Saint-Paul-Trois-Châteaux, où ils sont tolérés. S’ils ne sont probablement pas plus d’une dizaine, leur présence suffit à entretenir la psychose du « complot aristocratique33 ». De plus, les vexations à l’encontre des patriotes se multiplient. Clefs de la sacristie, objets liturgiques et ornements d’église disparaissent tandis que la messe de minuit 1791, célébrée par le curé jureur, est gravement perturbée par certains Gardes nationaux, dont Jean Lautier, l’un des agents « aristocrates » les plus actifs, provoquant la dispersion de l’assemblée de fidèles. Ces pratiques classiques se retrouvent dans d’autres espaces divisés par la crise religieuse34. La municipalité laisse pourrir la situation tout en s’attaquant aux clubistes, qu’elle veut réduire au silence. Ainsi, prétextant des dégradations constatées dans l’une des salles de l’ex-palais épiscopal, prêtée par la municipalité à la société politique pour y tenir ses séances, les édiles en interdisent l’accès aux sociétaires qui se replient, à nouveau, chez Favier. L’offensive contre les patriotes s’intensifie à la fin du mois de décembre 1791. Afin d’asseoir un peu plus leur domination, les « aristocrates » prennent symboliquement le contrôle de Saint-Paul-Trois-Châteaux en confisquant les clefs des portes de la ville, au terme d’une assemblée municipale houleuse35. Régulant désormais les entrées et les sorties ou filtrant les individus indésirables, les « aristocrates » sont totalement maîtres de la cité.
19Aux yeux de nombreux patriotes méridionaux, la petite ville s’érige progressivement en citadelle conservatrice, frisant l’engagement contre-révolutionnaire actif, même si dans les faits le parallèle n’est pas aussi évident. Pour comprendre comment un tel imaginaire politique s’est constitué, il convient de replacer le cas tricastin dans son contexte régional et micro-régional. Au niveau régional – en fait un grand quart sud-est –, le spectre de la Contre-révolution se fait particulièrement menaçant depuis 179036 : l’épisode de la bagarre de Nîmes37, la conspiration d’Imbert Colomés38 à Lyon, les projets de l’Aixois Pascalis39, les différents camps de Jalès et la crise arlésienne rappellent que les projets contre-révolutionnaires ne relèvent pas de la chimère et forgent progressivement une image particulière d’un Midi, perçu comme la terre de prédilection de la Contre-révolution40. Au niveau micro-régional, le péril est également important. En effet, la petite ville se trouve à la lisière de l’ex-Haut Comtat, profondément marqué par les stigmates de la guerre civile comtadine et la présence avérée de bastions contre-révolutionnaires, avoisinant Saint-Paul-Trois-Châteaux, comme Bollène ou Lapalud. Le district de Montélimar, enfin, est fracturé par la crise religieuse qui y atteint une intensité presque inégalée dans le reste du département de la Drôme, sauf dans le district de Nyons41. Comme Saint-Paul-Trois-Châteaux, de nombreuses communes voisines (Pierrelatte, Donzère, Montélimar) sont ébranlées par le schisme. Si les réfractaires ne sont pas tous contre-révolutionnaires, leur présence en grand nombre dans les environs immédiats d’espaces qui le sont réellement, alimente les peurs, relayées par de nombreuses sociétés politiques et par la presse patriote. Par conséquent, une partie des populations méridionales amalgame au sein d’une vaste conspiration fantasmagorique42 la résistance politique d’une partie des Comtadins avec les camps de Jalès, renaissant perpétuellement entre 1790-1792 : « La division qu’ils entretiennent dans le Comtat et la tentative qu’ils ont faite dans le même temps à Jalès, ont une si grande connexité, qu’il est impossible de douter que ce ne soit l’ouvrage de la même main43. » Les patriotes tricastins partagent totalement cet imaginaire politique, comme le confirme François Payan dans une lettre secrète adressée à son fils, quelques jours après l’élection municipale de novembre 1791 : « Il est évident qu’il y a une coalition et une correspondance pour former des municipalités aristocrates44. »
Carte 2. – Résultats des éléctions municipales de 1791.

Réalisation Jacques Mauduy, 2019.
20Comme le suggère la carte45 présentant les résultats des élections municipales de quelques villes voisines, les craintes des Payan ne sont pas totalement sans fondements. S’il n’existe aucune conspiration « aristocrate », visant à conquérir par les urnes les municipalités méridionales, la défaite des patriotes tricastins s’inscrit dans une dynamique micro-régionale plus importante de confiscation des pouvoirs locaux par les forces conservatrices, transcendant les anciennes frontières comtadines. Bastions patriotes et pôles « aristocrates », plus ou moins actifs, cohabitent en contiguïté régionale ou infrarégionale dans le midi de la France46. Cette géopolitique particulière joue à plein régime dans la structuration et la radicalisation des options politiques.
La bataille de l’opinion
21Bien que marginalisés, les patriotes tricastins poursuivent le combat sur le terrain de l’opinion, aussi stratégique que la lutte électorale. Pour les Payan, la bataille de l’opinion revêt un enjeu supplémentaire : il s’agit de laver le discrédit jeté sur la famille par les manœuvres des « aristocrates » dans leur pétition du 16 novembre 1791. En mettant à profit les nouvelles fonctions de Joseph-François et le réseau familial, les frères Payan s’affirment comme les véritables maîtres d’œuvre de la résistance des patriotes tricastins.
22Dans un premier temps, l’objectif des Payan est de se justifier et de neutraliser, au niveau des instances administratives supérieures, les manigances des « aristocrates ». Ainsi, Joseph-François épluche les lois et prépare activement sa défense car les « aristocrates » attaquent également son bilan municipal. Dans ses notes sur mon compte à rendre comme maire47, Payan se décrit avant tout comme un administrateur consciencieux, désintéressé et au service de la commune, ouvrant sa « maison à tout le monde à chaque heure du jour », ou n’hésitant pas à faire « un emprunt personnel de 1 600 l. », puis met en avant son efficacité et sa grande réactivité face à l’avalanche de nouvelles lois et mesures prises par le pouvoir central. Sur les points les plus critiques (schisme religieux, maintien de l’ordre public), Joseph-François revendique un bilan tout aussi positif : modération dans l’application des lois religieuses, souplesse face aux contrevenants. Si l’historien peut nuancer légèrement le propos, force est de constater que Joseph-François est assez lucide quant à ses actions municipales. Pour renforcer sa défense, Payan compile divers témoignages corroborant ses dires, comme la « déclaration des deux Favier en ma faveur48 », et peut même présenter au directoire de département un éloge de la mairie de Payan fils par le district de Montélimar49. L’aura de Payan est intacte auprès de nombreux acteurs du district, comme l’atteste cette lettre d’un habitant de Pierrelatte écrite au marchand Thune au sujet de l’entrée de Joseph-François au conseil d’administration du département de la Drôme : « Bien des gens croyaient que la destinée le mènerait encore plus loin, mais ce qui est différé peut se réparer50. » Avec de tels soutiens, la pétition des « aristocrates » est balayée par les administrateurs du département de la Drôme.
23Après s’être lavé de toute accusation, Joseph-François coordonne la lutte contre la municipalité « aristocrate ». La correspondance échangée entre le père et le fils ne laisse aucun doute quant au rôle occulte joué par Joseph-François Payan dans la planification de la stratégie : « La Valette ou moi exécuterons tout ce que tu nous mandes par tes lettres51. » Les notes rédigées par Payan révèlent tous les stratagèmes employés pour remporter la bataille de l’opinion. La documentation montre comment Payan s’est constitué un important réseau d’informateurs qui le renseignent sur les moindres faits et gestes de ses adversaires pour mieux les dénoncer. Malgré ses nombreux déplacements, entre Montélimar, où siège le conseil d’administration de la Drôme, et Valence, où se trouve le directoire du département, Payan suit les intrigues tricastines dans ses moindres détails grâce aux édiles patriotes qui l’informent sur les décisions prises à l’hôtel de ville et, surtout, sur les positionnements idéologiques de chacun. Grâce à ses précieux collaborateurs, Joseph-François Payan peut ainsi avoir une copie de toutes les délibérations prises depuis novembre 1791, recopiées soigneusement par le menuisier Craisson, premier officier municipal. Les diverses informations glanées ici et là offrent à Payan une réelle connaissance du terrain et des dynamiques politiques tricastines, comme en attestent les marginalia, présentes en grand nombre dans ses agendas politiques, renseignant le positionnement de tel individu, les prises de parole de tel autre, et jusqu’au moindre fait et geste suspect. Son réseau d’informateurs lui permet enfin de savoir quels sont les individus politiquement fiables et ceux dont le patriotisme est douteux. Pour preuve, Joseph-François précise quels sont les 18 citoyens actifs (sur 64) qui votent pour des patriotes lors du renouvellement des officiers de la 3e compagnie de la Garde nationale en février 1792, sans qu’il ait lui-même participé au scrutin52.
24Fort de ces renseignements, Payan recense tous les manquements à la loi commis par la municipalité « aristocrate » dans l’optique de la faire destituer par le département. Il renseigne plus particulièrement le comportement de son chef, le comte de Castellane, dans un « rapport sur la conduite du comte de C. ». Joseph-François est assuré du soutien du district de Montélimar – où siègent des proches de la famille, tels que Rouvière de Pierrelatte, un ami de son père, et surtout Ansillon, le représentant de Saint-Paul-Trois-Châteaux, largement acquis aux Payan, ou des patriotes drômois qui partagent les mêmes conceptions politiques, comme Joseph Boisset53 – qui « surveille la municipalité et épie ses fautes54 ». Afin de donner une plus grande visibilité aux patriotes marginalisés, Joseph-François conseille, en parallèle, de multiplier les pétitions adressées au district de Montélimar et au directoire de département de la Drôme. Ainsi, la minorité patriote de l’hôtel de ville, « animée d’un autre esprit que le reste de la municipalité55 », rédige une adresse aux administrateurs du département pour désavouer l’attitude de ses collègues et pour afficher clairement son attachement à la Révolution. Relais essentiel entre le local et le département, Joseph-François joue sa partition à merveille, appuyant personnellement les adresses tricastines auprès de ses collègues ou profitant de ses déplacements pour transmettre les doléances des patriotes.
25Au-delà du terrain judiciaire et administratif, la bataille de l’opinion passe également par une vaste campagne de dénigrement de la municipalité « aristocrate » via les principaux canaux de diffusion et de soutien de l’idéologie politique patriote : la presse et les clubs. Profitant de l’effervescence journalistique56, les frères Payan, et plus particulièrement Claude-François, secondés par leurs alliés, comme les Favier, adressent à la presse provinciale et nationale des notes qui brossent, en mobilisant un vaste répertoire doloriste, la situation des patriotes. L’exagération des faits vise, selon une stratégie du verbe, éprouvée avec succès, à susciter l’émotion de l’opinion publique jacobine et à convaincre dans la recherche de soutiens et d’appuis extérieurs57. Dans l’ex-Comtat, les journalistes patriotes, soumis à la même conjoncture politique, prennent fait et cause pour les patriotes tricastins. Ainsi, Paul Capon58, dans le très virulent Journal des ecclésiastiques constitutionnels59, dépeint la ville comme le repaire d’une « foule de chanoines et autres prêtres réfractaires qui se sont coalisés avec deux ou trois nobles contre le bonheur du peuple60 » et vante la résistance des patriotes. En relayant à une plus grande échelle leur combat, le journaliste légitime et amplifie leur action. Les frères Payan mobilisent également des journalistes parisiens très engagés, comme Brissot, dont le journal est lu régulièrement au club, ou Jean-Louis Carra, le rédacteur des Annales patriotiques et littéraires, auxquelles de nombreuses sociétés politiques de province sont abonnées. De la même manière, Claude-François Payan se livre à une véritable guerre de plumes, attaquant et condamnant les journalistes qui se félicitent du revers des patriotes, comme le Grenoblois Giroud, imprimeur des Affiches du Dauphiné, et dont la « feuille aristocratique » est particulièrement dénoncée au Journal patriotique de Grenoble, organe des jacobins locaux61.
26Enfin, les frères Payan tentent d’élargir l’audience de la société politique au début de l’année 1792. Si le club est créé en mars 1790 – soit une fondation précoce au cours de la première grande phase de création des clubs entre 1789-179162 dans un département où le maillage clubiste est l’un des plus denses de France63 –, la société n’est fréquentée, à l’origine, que par une vingtaine d’individus. Ce n’est qu’à partir de novembre 1790, que le club commence véritablement à se développer. Jusqu’en juin 1791, le nombre d’adhésions augmente rapidement, puis la Constitution civile du clergé marque une rupture profonde. Plusieurs sociétaires quittent le club, devenant l’organe du clergé constitutionnel. Après la victoire des « aristocrates », le club devient le centre névralgique de la résistance patriote. Cette dernière s’intensifie à la fin de l’année 1791. Si, avant novembre 1791, Claude-François Payan invite les clubistes à « plonger les prêtres non conformistes dans l’oubli et le mépris qu’ils méritent et ils ne pourront plus troubler la tranquillité publique64 », une telle posture modérée n’est plus possible après les élections municipales. Ainsi, moins d’un moins plus tard, Claude-François exhorte les patriotes à chasser les prêtres réfractaires. Pour contrecarrer les « aristocrates », les clubistes tissent d’étroites relations avec d’autres sociétés politiques ou avec différents pouvoirs locaux voisins. Ainsi, la municipalité de Tulette propose de mettre à disposition des patriotes tricastins 80 gardes nationaux, prêts à intervenir au moindre appel à l’aide65. Ces solidarités politiques sont cimentées par des demandes d’affiliation réciproques et par l’organisation, dans le local du club tricastin, d’une petite fédération de sociétés politiques méridionales. Le 22 janvier 1792, des députés des clubs de Nyons, Bourg-Saint-Andéol, Pont-Saint-Esprit, Montélimar, Viviers, Pierrelatte, Saint-Restitut et Tulette réaffirment solennellement leur soutien aux clubistes de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Parmi les députés invités, certains sont de zélés patriotes, comme Durepaire, de Bourg-Saint-Andéol ou Joseph Boisset, de Montélimar. Ainsi, les frères Payan sont en passe de gagner la bataille de l’opinion publique. La plupart des administrations supérieures, les municipalités voisines et les principales sociétés politiques de la région leur sont acquises. De plus, la presse patriote médiatise leur combat en leur offrant une visibilité décisive.
La (re)conquête des âmes
27La stratégie des patriotes repose également sur un effort important de séduction politique, visant à raffermir les convictions des indécis tout en jouant sur les divisions qui fragilisent le « parti aristocrate ». Il s’agit, en premier lieu, de reprendre en main la société politique et d’y raviver la flamme patriotique après la crise profonde suscitée par le schisme religieux. Dans l’un de ses nombreux discours, Claude-François Payan révèle l’extrême précarité dans laquelle se trouve le club, végétant tout au long de l’automne 1791 et confronté à de nombreuses défections. Les Payan s’attellent à relever la société politique : un fonds permanent, alimenté par une cotisation fixée à 5 sous par mois et par adhérent, vise à maintenir la trésorerie à flot tandis qu’un nouveau règlement réorganise le club et redéfinit ses finalités patriotiques. Une grande partie des séances est consacrée à la lecture des nouvelles dans la presse. La plupart de ces périodiques se retrouvent dans de très nombreux autres clubs : le Moniteur, apprécié en province pour la qualité et la fiabilité de ses informations, la très pédagogique Feuille villageoise66, et le Journal des laboureurs de Lequinio. Ces journaux très généralistes sont complétés par des lectures d’une presse patriote bien plus offensive, Brissot et le Gardois Capon, en tête. En outre, chaque séance est animée par un discours politique, discuté par la suite. Les frères Payan figurent systématiquement parmi les orateurs du jour, lisant, commentant ou éclairant l’auditoire. Au printemps 1792, la société politique de Saint-Paul-Trois-Châteaux n’est pas très nombreuse – moins d’une centaine d’adhérents, et encore moins de participants réguliers – mais elle compense par son importante activité politique (correspondances, fédérations, entraides). Revivifiée et reprise en main par les frères Payan, elle correspond au modèle des « sociétés politiques de combat », défini par Martine Lapied pour caractériser les petits clubs comtadins offensifs évoluant dans un environnement hostile67.
28Les Payan manœuvrent également pour faire revenir les « brebis égarées » et jouent sur les divisions pour fragiliser le « parti aristocrate ». En premier lieu, les Payan tentent de court-circuiter la pétition des « aristocrates » en poussant certains signataires à se rétracter. Pression ? Séduction ? Faveurs ? Échange de services ? Peut-être que la stratégie s’adapte selon le profil de chaque individu. Ainsi, le cas du clocheton Thomas Bonnefoy, en conflit avec le curé réfractaire au sujet de traitement non versé, est soigneusement étudié par Joseph-François pour qu’il obtienne gain de cause. L’entremise de Payan est-elle un retour de service après la rétractation de Bonnefoy ? C’est une hypothèse à envisager sérieusement. Reste qu’en février 1792, une dizaine d’individus se rétracte, officiellement, dans l’étude du notaire Rocher. La stratégie inquiète les ténors « aristocrates » qui font pression sur les signataires, comme le note Joseph-François : « Observations et menaces de M de P (s’agit-il de Petity de Saint-Vincent ?) et d’A (d’Audiffret) à Antoine Jullien sur son projet de rétractation du serment68. » En parallèle, les patriotes multiplient les entrevues visant à éclairer les indécis et à les rallier à leur cause. Ainsi, le marchand Deville « convertit un peu les sieurs Joseph Mery et Bonnefoy, bourrelier69 ». Le verbe « convertir » est employé à bon escient par Payan : il s’agit d’une véritable reconquête des âmes. Enfin, la minorité patriote entend jouer sur les divisions qui irriguent le « parti aristocrate » pour l’affaiblir. Elle avait déjà tenté, sans succès, de désunir leurs chefs peu avant les scrutins de novembre 1791. Pourtant, derrière l’apparente union des « aristocrates », de réelles divergences se font jour au lendemain de leur victoire. Outre d’indéniables rivalités personnelles, la distribution des postes clés suscite bien des déceptions, exploitées habilement par Joseph-François Payan, résolu à « travailler le sieur J. André Sibour père mécontent70 ». Une rencontre est secrètement organisée à l’hôtel particulier des Payan : « Présenter le s. J. A. S père chez M. Payan71. » De tous les ténors « aristocrates », Sibour est certainement celui qui est le moins lié au pôle épiscopal et à Gayte, le chef de file des réfractaires. Surtout, il s’est brouillé avec Marie-Gabriel-Laurent Arnaud de Lestang, le commandant en second de la Garde nationale tricastine, dont la fonction était occupée à l’origine par son fils. Dans la nouvelle distribution des places, les Sibour n’obtiennent que des postes subalternes. En outre, le chevalier d’Arnaud de Lestang est loin de faire l’unanimité dans son propre camp. Âgé d’à peine 28 ans, ce militaire ne cache guère son rejet de la Révolution et oblige les nouveaux élus de la Garde nationale à jurer solennellement « de maintenir la religion72 ». Son intransigeance, son orgueil et sa rapide ascension politique suscitent bien des animosités : Louis-Elzéard Thune « dit au district de Montélimar beaucoup de mal de Gayte et d’Arnaud de Lestang73 ». Les patriotes profitent de ces divisions et exploitent les failles des acteurs les plus malléables, comme Louis-Elzéard Thune, clairement ciblé par Payan : « ramener L. E. Thune ». Le personnage est particulièrement ambigu. Officiellement rallié aux « aristocrates », Thune ne partage pas la même ligne politique que son propre père, son frère Jean-Jacques, et les principaux alliés de la famille, comme les Solier. Son inscription dans la mouvance « aristocrate » semble, en réalité, être à la fois le fait d’une certaine pression familiale conjuguée à un orgueil personnel contrarié. En effet, Thune aurait confié « que s’il eut été président du club, il n’eût pas abandonné le parti des patriotes74 ». Cette note confirme l’extrême complexité et la forte plasticité des positionnements partisans. Soit par opportunisme, soit par réel sens tactique, Thune louvoie entre les patriotes et les « aristocrates » et n’abandonne jamais réellement la société politique, même s’il n’y paraît plus depuis l’été 1791. Il offre d’ailleurs secrètement un petit écu visant à subvenir aux besoins du club mais les patriotes refusent : « On répond qu’on prend l’argent que de ceux qui viennent au club75. » Le message est clair : Louis-Elzéard Thune doit choisir son camp mais les transfuges « aristocrates » sont accueillis, pour peu qu’ils aient fait amende honorable. C’est très probablement ce qu’il fait dans les premiers mois de l’année 1792 et prête allégeance aux Payan. Il fournit ainsi à Joseph-François toutes les pièces relatives à la pétition du 16 novembre 1791, à laquelle il a fortement contribué, qui lui sont indispensables pour établir sa défense devant les administrations supérieures. Enfin, Joseph-François relève le retour de Thune au club le 19 février 1792. Pour qu’une information aussi précise – la seule de ce genre du reste – soit soigneusement consignée dans ses cahiers personnels, c’est que l’événement est perçu comme une petite victoire pour les patriotes. Le pôle « aristocrate » commence à se fissurer mais il tient encore bon. Face à la lenteur des réactions de l’administration du département de la Drôme et face aux injonctions, non respectées, du district de Montélimar, les patriotes tricastins, bénéficiant d’un réel soutien de l’opinion publique et de l’appui de nombreux acteurs extérieurs, passent à l’action pour neutraliser le « parti aristocrate ».
Effusions patriotiques et normalisation politique
29Les patriotes tricastins planifient en avril 1792 une brève démonstration de force qui décapite le pôle « aristocrate ». Cette crise et sa rapide régulation confortent la prééminence politique des Payan et forgent une nouvelle image de la famille. Les événements d’avril permettent également de préciser comment se reconfigure l’arène politique tricastine et comment se normalisent les rapports entre les deux « partis ».
« Nous avons abbatu [sic] l’aristocratie qui ne lèvera plus jamais la tête »
30Soutenus par de nombreux alliés extérieurs, les patriotes tricastins se montrent plus offensifs dans les premiers mois de l’année 1792. En février, douze clubistes occupant des fonctions d’officiers ou de sous-officiers dans la Garde nationale remettent leur démission en bloc76. Ces défections, orchestrées au sein du club afin de délégitimer les « aristocrates », inquiètent l’état-major de la Garde nationale qui multiplie les pressions à l’encontre des démissionnaires. Toutefois, les Payan s’assurent personnellement que la consigne soit respectée, quitte à remobiliser, en aparté, les individus défaillants, ce que suggère Joseph-François lorsqu’il note sobrement : « Représentation à Paul Abon sur la rétractation de sa démission77. » Ce dernier se ravise et maintient sa démission. De leurs côtés, les « aristocrates » ne sont pas en reste. Ils tiennent tête au juge de paix et refuseraient d’obéir à ses mandats d’amener. La tension est palpable dans la petite ville. Le dialogue est rompu entre les chefs de file des deux « partis », comme l’atteste cette délicieuse note de Joseph-François : « Chapeau refusé par M. P. fils à M. C., ci-devant comte de78. » Ce dernier ne sort plus de chez lui sans être accompagné par une garde prétorienne de 8 hommes. Le 23 mars 1792, François Payan sollicite le département de la Drôme pour qu’il installe provisoirement une garnison de volontaires afin de maintenir l’ordre dans la petite ville, à moins que cela ne soit une autre manœuvre de diversion, justifiant le coup de force à venir79.
31Au début du mois d’avril 1792, Saint-Paul-Trois-Châteaux est le théâtre d’une « journée révolutionnaire » planifiée par les Payan80. Prétextant des violences commises contre le curé constitutionnel, les patriotes battent le rappel de leurs alliés dans la nuit du 1er au 2 avril. Au moins 22 communes voisines répondent à l’appel et mobilisent plusieurs centaines de Gardes nationaux. L’insurrection du 2 avril suit un schéma classique, mêlant pratiques festives politisées et réappropriation de l’espace public. La violence est mesurée, n’excédant pas le seuil des destructions matérielles d’objets, ciblés pour leur valeur cathartique extrêmement prononcée81. En premier lieu, les portes de la ville sont solennellement dégondées et brûlées en place publique. C’est tout un symbole qui est livré aux flammes : celui de la liberté de circulation entravée et, surtout, celui de la pression que les « aristocrates » maintenaient sur les patriotes en les réduisant dans un état de quasi-enfermement. L’église des Jacobins, lieu de culte des réfractaires, est également dévastée : l’autel est brisé, les bancs sont fracassés mais les objets liturgiques sont transférés vers l’église des ecclésiastiques jureurs. Il s’agit de châtier les réfractaires, non pas de mener une action antireligieuse. Enfin, les demeures des principaux chefs-de-file « aristocrates » sont ravagées, à commencer par l’hôtel particulier du comte de Castellane, dont les meubles sont défenestrés et brûlés82. Les caves bien garnies du perruquier Genton et de Joseph Solier sont pillées. Solier assiste d’ailleurs au pillage sans qu’il soit lui-même violenté, bien qu’il soit menacé d’être pendu à la potence érigée en place publique pour l’occasion. Les chefs contrôlent parfaitement l’émeute qui ne glisse à aucun moment vers la violence aveugle ni vers une justice sommaire. Le but n’est pas de mettre à mort l’adversaire mais de le réduire à l’impuissance. L’objectif est pleinement atteint. Les prêtres réfractaires, Gayte en tête, sont dispersés. L’état-major du « parti aristocrate » est décapité. Ses principaux chefs, comme le comte de Castellane, Arnaud de Lestang ou Sibour, prennent la route de l’exil. Enfin, les édiles « aristocrates » les plus zélés, Martin, Lassaigne et le procureur Sermand, démissionnent discrètement. Au soir du 2 avril, Claude-François Payan peut haranguer la foule en place publique : « Les patriotes doivent être contents. Nous avons changé la municipalité, chassé tout ce qu’il y avait d’impur dans le pays et abbatu [sic] l’aristocratie qui ne lèvera jamais plus la tête83. »
32Les frères Payan sont, avec une étroite poignée de militants, les véritables cerveaux de l’opération. Chacun joue, en famille, son propre rôle dans le déroulement des opérations. Joseph-François ne s’expose pas car ses fonctions administratives au département l’obligent à rester en retrait. Cependant, ses agendas politiques ne trompent guère quant au rôle d’éminence grise qu’il joue à la perfection. C’est bien lui qui, dans l’ombre, est aux commandes. Ses frères cadets se compromettent davantage. Esprit-Joseph Payan, le plus jeune, participe aux dévastations avec d’autres Gardes nationaux de sa compagnie. Plusieurs témoins rapportent l’avoir vu, armé d’une hache, enfoncer la porte du perruquier Genton. Claude-François Payan, quant à lui, s’impose au terme de cette journée, comme l’un des principaux ténors du « parti » patriote. La veille de l’insurrection, il passe une partie de la nuit à rédiger des lettres qu’il distribue le lendemain en courant les villages avec Caudeiron pour mobiliser la force armée. Pendant l’émeute, il dirige personnellement les opérations, assurant la logistique et encadrant les attaques. L’insurrection du 2 avril 1792 parachève la brusque mutation politique d’un jeune homme mélancolique et immature que les premiers instants de la Révolution laissent presque indifférents. Les quelques brouillons de lettres adressées à une jeune femme qu’il courtise – en vain – attestent même un certain détachement vis-à-vis des événements. Claude-François ironise sur certaines expéditions patriotiques des premiers temps de la Révolution, notamment l’intervention des Gardes nationales drômoises contre le deuxième camp de Jalès en février 1791. Le bataillon drômois a juste le temps de prendre position à Pont-Saint-Esprit que la nouvelle de la dispersion rapide des insurgés se diffuse. Si la propagande patriote célèbre le courage et le civisme des soldats-citoyens, Claude-François raille vertement l’équipée drômoise qui a davantage fait un sort aux auberges locales qu’aux contre-révolutionnaires : « Grignan s’est distingué bien plus que ma patrie. Votre détachement a bu un tonneau de plus que le nôtre. Je vous invite à aller prier Dieu tous les matins pour les âmes de ceux qui mourront de peur ou de vin84. » La virulence de la crise religieuse et des luttes constitue un véritable choc qui précipite son engagement politique. En l’espace d’une année, la Révolution a fait vieillir et mûrir précocement ce vingtenaire dont l’insouciance et l’indifférence se sont brisées sur les récifs de la radicalisation politique. Quid du vieux patriarche ? Comme Joseph-François, sa position d’élu – juge de paix – lui interdit de participer directement aux journées d’avril. Partage-t-il pour autant les mêmes positions que ses fils ? Rien n’est moins sûr. Si François professe le même patriotisme que ses enfants, il rejette le recours à la violence. Sans doute, s’est-il assagi avec l’âge mais, surtout, ce fin connaisseur des rouages administratifs et judiciaires redoute les effets négatifs des violences sur l’opinion des administrateurs. Quelques jours avant les journées d’avril, il met en garde le médecin Caudeiron : « Si vous faites venir du monde, vous allez perdre Saint-Paul85. » Mis devant le fait accompli, il propose tout de même que les frais générés soient pris en charge par la municipalité. Ainsi, face aux reniements de la parenté élargie et face aux reconfigurations de leur schéma relationnel, les Payan se replient sur leur famille nucléaire formant une sorte de réduit, autour duquel les membres font bloc, étroitement soudés par les épreuves politiques. Ces dernières renforcent également des liens de germanité faiblement normés86 et traditionnellement moins forts par rapport au lien de filiation direct qui auraient tendance à s’estomper progressivement à l’âge adulte87.
Normalisation patriote
33Après ce déferlement, très ciblé et très limité, de violences, la préoccupation principale des patriotes est de favoriser une prompte sortie de crise par la normalisation de la vie politique locale88. Les frères Payan jouent un rôle essentiel dans la régulation du conflit en légalisant l’illégal.
34Après avoir torpillé l’opposition « aristocrate », les patriotes doivent convaincre, à présent, les administrations supérieures d’entériner le nouvel état de fait tout en pacifiant l’arène politique locale. L’important travail de communication politique mené par Joseph-François dans les mois qui précèdent le coup de force assure aux patriotes le soutien d’une partie de l’administration du département de la Drôme. De plus, l’économie de la violence autorise un dénouement favorable aux patriotes. Les notables Caudeiron et Clauzon remplacent les deux officiers municipaux ayant démissionné tandis qu’une élection partielle doit pourvoir au poste de procureur de la commune, dont la fonction est vacante depuis la démission de Sermand. L’assemblée primaire se tient le 8 avril dans un nouveau contexte totalement favorable aux patriotes. Au terme d’un scrutin rapide, Claude-François Payan est facilement élu, obtenant « plus que la pluralité des suffrages89 ». La victoire du cadet des Payan sanctionne à la fois l’intense activité politique qu’il a déployée au sein du club et sa gestion de la crise des 1er et 2 avril, au cours de laquelle Claude-François, âgé d’à peine 26 ans, a largement conquis l’estime des patriotes. Surtout, en se drapant dans un légalisme constitutionnel, les patriotes légitiment par les urnes un coup de force politique totalement illégal90. De son côté, Joseph-François invoque la légitime défense auprès du département pour justifier le recours à la violence. Dès le 10 avril 1792, le directoire de la Drôme absout totalement les patriotes tricastins : « Nous vous exhortons de prendre tous les moyens que vous croirez nécessaires pour propager l’esprit public, faire triompher la constitution et maintenir le bon ordre dans votre ville91. » Libéré de ses entraves locales, le club tricastin réintègre le concert jacobin départemental et participe, de nouveau, aux différents congrès politiques chapeautés par la Société des surveillants de Valence. Ainsi, dès le 9 avril, les frères Payan et Jean-Baptiste Favier représentent Saint-Paul-Trois-Châteaux à la réunion de 40 sociétés politiques organisée à Valence92.
35Une fois l’absolution arrachée, les patriotes négocient finement, au niveau local, la sortie de la crise. Pour apaiser l’arène tricastine après les journées d’avril et maintenir un équilibre qui reste somme toute précaire, les nouveaux maîtres du jeu optent pour un compromis, favorisant la réintégration dans la cité des individus faisant amende honorable. Le péril « aristocrate » ayant été écarté, la fièvre patriotique retombe et laisse place à des comportements politiques plus modérés. Cette orientation se perçoit très nettement dans les discussions qui animent la société politique dans les jours qui suivent la crise. Ainsi, dans la séance du 19 avril, Louis Caudeiron, l’un des principaux acteurs de l’insurrection, plaide pour « l’indulgence des patriotes93 ». Cette dernière se traduit concrètement par l’acceptation du retour des chefs de file « aristocrates » ayant, au préalable, fait leur soumission. Pour autant, les patriotes ne désarment pas – « surveiller les chefs », note Payan – mais tolèrent leur retour : « recevoir au besoin excuses et repentir, recommandations et avis de bonnes conduites, cessations de tous propos, abdication d’air effronté94 ». Pour réintégrer Saint-Paul-Trois-Châteaux, les « aristocrates » doivent faire acte de contrition et de ne plus se mêler des affaires publiques. À ce titre, la lettre écrite par le comte de Castellane est particulièrement éclairante. Retiré sur ses terres de Saint-Maurice, où les patriotes locaux lui réservent un accueil hostile, il retourne à Saint-Paul-Trois-Châteaux dans les derniers jours d’avril après avoir fait montre de sa soumission : « Je serai toujours occupé dans la vie privée, où je désire me borner, de convaincre des compatriotes des sentiments du patriotisme le plus pur, dont je n’ai jamais cessé d’être animé95. » Un retour aussi rapide du chef du « parti aristocrate », tout comme son facile exil le 2 avril, a très certainement été favorisé par son amitié passée avec le patriarche du clan Payan. Il est évidemment impossible de le prouver formellement mais il semble très probable que les liens, particulièrement forts et anciens, unissant les deux hommes ne soient pas totalement rompus. Même au plus fort du Gouvernement révolutionnaire, de Castellane n’est pas inquiété outre-mesure. S’il est « naturellement » suspect en tant qu’ex-noble et parent d’émigré, il n’est pas lui-même directement attaqué ni menacé pour son passé d’activiste « aristocrate ». Cette protection – dont d’autres individus présentant le même profil ne bénéficient pas – est probablement l’œuvre de François Payan. Quant aux autres, Joseph-François résume la stratégie des patriotes en une formule lapidaire : « subalternes à accueillir96 ». Si les patriotes se réservent les fonctions clefs à l’hôtel de ville ou au sein de la Garde nationale, les transfuges et les seconds couteaux sont réintégrés ou conservés dans le nouvel ordre politique. C’est ainsi que Louis-Elzéard Thune reste notable de la municipalité et obtient une place d’assesseur de la justice de paix. Lors de la réorganisation de la Garde nationale, des gages sont également donnés aux « aristocrates » les plus malléables : si le commandement en chef est confié à Joseph Favier, flanqué d’un second partageant le même positionnement idéologique, le poste d’adjudant major, no 3 de l’état-major de la Garde nationale, reste confié, comme avant avril 1792, à l’« aristocrate » Joseph Mery. Les autres « aristocrates » sont conservés au prix d’un réel déclassement : Reverchon, capitaine de la 3e compagnie de la Garde nationale, est relégué à la fonction subalterne de sous-lieutenant de la même compagnie, Jean-Baptiste Genton, lieutenant de la 4e compagnie est rétrogradé à la sous-lieutenance. Par conséquent, la normalisation patriote se traduit par une inversion des rapports de force au sein de la Garde nationale et par une réintégration des « aristocrates » dans l’espace politique, bien qu’ils soient considérés comme des citoyens à part. Ainsi, si leur retour au sein du club est fortement encouragé, ils ne peuvent accéder aux fonctions clefs, réservées aux militants actifs avant avril 1792. La réception au club du maire Delubac, le 19 avril, sanctionne symboliquement la transition politique que vient de vivre la petite ville. Les frères Payan renforcent leur emprise sur le club, dont ils restent les principaux animateurs. L’importante publicité donnée à leur combat, et à la victoire qui s’en suit, forge une nouvelle image de la famille. Pour de nombreux contemporains, la figure du militant politique s’impose et surpasse désormais celle de l’administrateur. La réputation et la renommée des Payan transcendent largement les horizons tricastins.
36Cette immersion dans les intrigues tricastines est riche en enseignements. Dans une arène politique en mutation, les schémas relationnels établis par les Payan sont profondément remis en question par la radicalisation des options politiques. Le durcissement de la Révolution marque véritablement un tournant relationnel : les amitiés nobiliaires s’effacent tandis que, comme dans maintes familles, la parentèle est fracturée par la crise religieuse. Néanmoins, les Payan parviennent une fois de plus à s’adapter à un retournement de situation qui les fragilise. La reconfiguration des alliances partisanes se traduit, en effet, par un repli de la famille sur son espace proche et par la superposition de liens politiques à des relations préexistantes de voisinage que la bipolarisation politique revivifie. Cette proximité géographique structure la minorité patriote et renforce sa cohésion dans un environnement qui lui est devenu hostile. Ainsi, les luttes politiques favorisent, peu à peu, l’agrégation des Payan à une nouvelle famille d’adoption, composée d’individus partageant les mêmes idées et une expérience combattante commune, et dont les liens, indissolubles et sacrés, ont pu surpasser, peut-être un temps, ceux du mariage ou du sang, offrant ainsi une alternative à la famille traditionnelle qui leur permet de surmonter la crise d’identité qu’ils traversent.
37En suivant l’évolution de l’échiquier politique tricastin sur une très brève période, l’enquête donne également à voir la grande plasticité des positionnements partisans. En effet, les lignes de clivage politiques qui fracturent la commune ne sont pas aussi tranchées que la documentation ne donne à le penser. Certes, l’émergence de « partis » antagonistes fragmente l’espace politique tricastin. Néanmoins, les positionnements de certains individus s’avèrent extrêmement instables, comme en attestent les revirements observés, notamment celui de Thune. Le « cas » Payan montre enfin que la Révolution ne crée pas toujours des ruptures politiques irrémédiables. L’évolution des rapports entre François Payan et le comte de Castellane est, à ce titre, particulièrement éclairante. Les puissants liens qui unissaient les deux hommes jusqu’en 1791 se distendent à l’extrême, sans toutefois jamais se rompre véritablement. Même quand leurs options politiques les séparent et les jettent dans des camps opposés, un timide dialogue reste possible au nom d’intenses solidarités passées – mais pas totalement révolues.
38Par ailleurs, le croisement des cahiers de réflexions de Joseph-François avec les sources administratives, judiciaires ou produites par le club dévoile les ressorts de la résistance des patriotes, pilotée, à différentes échelles, par les frères Payan. Dans cette lutte politique, les Payan font montre de leur capacité à mobiliser toutes les ressources disponibles (humaines, administratives, judiciaires) pour mener le combat sur tous les terrains (opinion publique, administration supérieure, justice, presse, clubs). En parfait tacticien, Joseph-François s’impose comme une véritable éminence grise, ciblant les individus à convertir ou à soustraire de l’influence des chefs « aristocrates », et surtout, coordonnant, sans s’exposer, la résistance patriote tandis que l’administrateur adopte une posture publique bien plus mesurée, en se drapant dans une apparente neutralité. En maîtrisant à la perfection ce périlleux exercice d’équilibriste, Joseph-François révèle tout son génie politique et sa parfaite appropriation de la culture politique révolutionnaire et des nouveaux canaux de circulation de l’information et de la communication politiques. Les journées d’avril 1792 consacrent l’avènement des « volcaniques » frères Payan et redéfinissent les liens de la fratrie. En éprouvant leur patriotisme fervent, l’expérience combattante, conjointement partagée, donne une dimension inédite à la complicité fraternelle qui unissait déjà par le passé Claude et Joseph. Au terme des journées d’avril, les Payan sont incontestablement devenus bien plus que de simples frères liés par le sang, incarnant les multiples facettes de la fraternité, de son sens le plus restrictif jusqu’à sa nouvelle déclinaison révolutionnaire. Cette double dimension fraternelle (frères de sang, frères de luttes) s’affirme davantage lors de la crise « fédéraliste » au cours de laquelle les deux frères sont indissociablement liés pour empêcher la Drôme de basculer dans la contestation provinciale.
Notes de bas de page
1Pour ne pas trahir la sémantique révolutionnaire, nous utiliserons ce terme utilisé par les contemporains pour désigner les opposants aux idées nouvelles : Guilhaumou Jacques, « aristocrate/aristocratie », Dictionnaire des usages socio-politiques. Fascicule no 1, Limoges, Éditions Lucien Souny, 1985, p. 9-31.
2Rolland-Boulestreau Anne, « Entrer en guerre civile en Anjou. Les notables à l’heure des choix (1792-1793) », in Jean-Claude Caron et Nathalie Ponsard (dir.), La France en guerre. Cinq « années terribles », Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2018, p. 65-76.
3Il s’agit de rassemblements de Gardes nationales, chapeautés par des contre-révolutionnaires notoires, qui se tiennent dans le château de Banne, dans la plaine ardéchoise de Jalès, Jouvenel François de, « Les camps de Jalès (1790-1792), épisodes contre-révolutionnaires ? », AHRF, no 337, 2004/3, p. 1-20.
4Alzas Nathalie, « La représentation du noble, enjeu de la mobilisation patriotique pendant la Révolution », in Philippe Bourdin (dir.), Les noblesses françaises dans l’Europe de la Révolution, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2010, p. 563-570.
5AD 26, L 39, 8e cahier de notes de Joseph-François Payan, 1792.
6Vacher Marc, Voisins, voisines, voisinages. Les cultures du face-à-face à Lyon à la veille de la Révolution, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2007 ; Rainhorn Judith et Terrier Didier (dir.), Étranges voisins. Altérité et relations de proximité dans la ville depuis le xviiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2010.
7Pour une relecture des liens de voisinage en temps de crise, Foa Jérémie, Tous ceux qui tombent. Visages du massacre de la Saint-Barthélemy, Paris, La Découverte, 2021.
8Mazeau Guillaume, « Émotions politiques : la Révolution française », in Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (dir.), Histoire des émotions, t. II : Des Lumières à la fin du xixe siècle, Paris, Seuil, 2016, p. 98-142 ; Wahnich Sophie, Les émotions, la Révolution française et le présent. Exercices pratiques de conscience historique, Paris, CNRS Éditions, 2009.
9Serna Pierre, « Radicalité et modération en Révolution. Postures, pratiques théories. Naissance du cadre politique contemporain », AHRF, no 357, 2009/3, p. 3-19.
10Biard Michel, Gainot Bernard, Pasteur Paul et Serna Pierre (dir.), « Extrême » ? Identités partisanes et stigmatisation des gauches en Europe xviiie-xxe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2012.
11AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 7, délibération municipale du 5 juillet 1791.
12Ibid., délibération municipale du 14 juillet 1791.
13Sainclivier Jacqueline et Pitou Frédérique (dir.), Les affrontements. Usages, discours et rituels, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2008.
14AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, 18 Z 456, lettre de Latuilliers à Louis-Elzéard Thune, 16 septembre 1791.
15AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 7, délibération municipale du 10 novembre 1791.
16Ibid.
17Petiteau Natalie, « Violence verbale et délit politique, 1800-1830 », Revue d’histoire du xixe siècle, no 36, 2008/1, p. 75-90.
18Vovelle Michel, Les métamorphoses de la fête en Provence de 1750 à 1820, Poitiers, Aubier/Flammarion, 1976.
19AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 4, séance du 10 novembre 1790.
20Bourdin Philippe, Caron Jean-Claude et Bernard Mathias (dir.), L’incident électoral de la Révolution française à la Ve République, Clermont-Ferrand, Presses de l’université Blaise-Pascal, 2002.
21AD 26, L 160, élection municipale de Saint-Paul-Trois-Châteaux, 13 novembre 1791.
22AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 7, délibération municipale du 16 novembre 1791.
23AD 26, L 1309, papiers Payan, sans date.
24AD 26, 356 J 126, lettre de François à Joseph-François, 26 novembre 1791.
25Ibid., 28 novembre 1791.
26Nicolas Jean, La Révolution française dans les Alpes, Dauphiné et Savoie, Toulouse, Éditions Privat, 1989, p. 121 et suiv.
27AD 26, 356 J 126, lettre de François à Joseph-François, 28 novembre 1791.
28Ibid.
29AD 26, 356 J 149, brouillon de poème prononcé au club, novembre 1791.
30Sampoli Fabio, Politics and Society in Revolutionary Arles: Chiffonistes and Monnaidiers, Ann Arbor, University Microfilms International, 1983, p. 203 et suiv.
31AD 26, 356 J 126, lettre de François à Joseph-François, 30 novembre 1791.
32Ibid., sans date.
33Tackett Timothy, Anatomie de la Terreur. Le processus révolutionnaire, 1787-1793, Paris, Seuil, 2018 (2015), p. 152-156.
34Sottocasa Valérie, Mémoires affrontées. Protestants et catholiques face à la Révolution dans les montagnes du Languedoc, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2004.
35AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 5, délibération municipale du 29 décembre 1791.
36Wilson Warren, Les réseaux contre-révolutionnaires en Provence sous la Révolution française (1787-1797), thèse d’histoire sous la dir. de Michel Vovelle, Aix-en-Provence, 1985.
37La fracture religieuse, aggravée par les tensions économiques et sociales, conduit à un affrontement violent entre catholiques, en partie instrumentalisés par les princes émigrés, et protestants pour le contrôle du pouvoir local du 13 au 15 juin 1790 : Duport Anne-Marie, Journées révolutionnaires à Nîmes, Paris, Éditions Chambon, 1988.
38Ancien échevin de Lyon, il représente le comte d’Artois dans la région lyonnaise. Au cours de l’année 1790, il tente, sans grand succès, de mettre sur pied un projet d’évasion de Louis XVI : Trenard Louis, La Révolution française dans la région Rhône-Alpes, Paris, Perrin, 1992, p. 225-231.
39Procureur du Pays de Provence à la fin de l’Ancien Régime, l’avocat Pascalis est approché par les émigrés pour organiser la Contre-révolution provençale. Suspecté, il est lynché par la foule le 14 décembre 1790 : Cubells Monique, « De la défense du tiers état à la Contre-révolution : l’itinéraire d’un juriste provençal, J.-J. Pascalis », in Mélanges Michel Vovelle. Volume aixois. Sociétés, mentalités, cultures France (xve-xxe siècles), op. cit., p. 173-182.
40Martel Philippe, La Révolution française et le Midi. L’invention du Midi. Représentations du Sud pendant la période révolutionnaire, Aix-en-Provence, Édisud, 1987 ; Péronnet Michel, « Naissance révolutionnaire d’un Midi de toutes les couleurs », Provence historique, no 37, 148, 1987, p. 147-157.
41Pierre Roger, 240 000 Drômois. Aux quatre vents de la Révolution, op. cit., p. 42-50.
42Soulas Nicolas, « La frontière politique intérieure : réalités géopolitiques complexes ou représentations fantasmagoriques partisanes ? L’exemple de la vallée du Rhône en Révolution », in Jean Soumagne (dir.), Mondes réels, mondes virtuels, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2021, [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.cths.15945].
43BM Grenoble, U 2192, Rapport fait à la société des Amis de la Constitution de Valence par MM. Corbeau et Trie de leur députation dans le ci-devant Comtat Venaissin, 4 mars 1791. Ce rapport a été diffusé à grande échelle dans le sud de la France.
44AD 26, 356 J 126, lettre de François à Joseph-François, 30 novembre 1791.
45Soulas Nicolas, Révolutionner les cultures politiques…, op. cit., p. 148-151.
46Vovelle Michel, La découverte de la politique. Géopolitique de la Révolution française, op. cit., p. 336-338.
47AD 26, L 39, 7e cahier de réflexions, sans date, fo 55.
48Ibid., fo 6.
49Ibid., fo 78.
50AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, 18 Z 456, fonds Thune, lettre du 16 septembre 1791.
51AD 26, 356 J 126, lettre de François à Joseph-François, 26 novembre 1791.
52AD 26, L 39, 8e cahier de réflexions, sans date, fo 87.
53Joseph Boisset (1748-1813) occupe des fonctions municipales (procureur de Montélimar), au district et joue un rôle important au club des Jacobins avant d’être élu à la Convention en 1792. C’est un adversaire zélé des « aristocrates ».
54AD 26, L 39, 7e cahier de réflexions, sans date, fo 78.
55Ibid., 8e cahier de réflexions, sans date, fo 42.
56Popkin Jérémy, La presse de la Révolution. Journaux et journalistes (1789-1799), Mesnil-sur-l’Estrée, Odile Jacob, 2011 ; Wauters Éric, « La naissance d’un “quatrième pouvoir” ? », in Michel Biard (dir.), La Révolution française. Une histoire toujours vivante, op. cit., p. 109-136.
57Soulas Nicolas, « Rhétorique révolutionnaire et appropriation d’une nouvelle culture politique durant la Révolution française : l’exemple du couloir rhodanien », in Sophie-Anne Leterrier et Olivier Tort (dir.), Rhétorique révolutionnaire et politisation : de la fin des Lumières au printemps des peuples, Arras, Artois Presses Université, 2021, p. 159-170.
58Moulinas René, « Le journaliste Paul Capon et ses journaux publiés à Avignon et Orange », in Roland Andréani, Henri Michel et Élie Pélaquier (dir.), Des moulins à papier aux bibliothèques, le livre dans la France méridionale et l’Europe méditerranéenne (xvie-xxe siècles), Montpellier, Publications de l’université de Montpellier, 2003, t. II, p. 479-491.
59Soulas Nicolas, « La plume et la pique. Approche de la presse jacobine provinciale à travers le Journal des ecclésiastiques constitutionnels de Paul Capon », Études vauclusiennes, no 80-81, 2013-2014, p. 7-17.
60BM Avignon, P 574 (3), Journal des ecclésiastiques constitutionnels, no 22, 29 janvier 1792.
61AD 26, L 39, 7e cahier de réflexions de Joseph-François Payan, fo 60.
62Boutier Jean et Boutry Philippe, « Géographie politique du jacobinisme. L’implantation des sociétés populaires en France (1789-1795) », Hérodote, 50-51, 1988, p. 189.
63Boutier Jean et Boutry Philippe, « La diffusion des sociétés politiques en France (1789-an III). Une enquête nationale », AHRF, no 266, 1986/4, p. 365-398 ; Pingué Danièle, « Les sociétés politiques : des laboratoires de démocratie », in Michel Biard, La Révolution française. Une histoire toujours vivante, op. cit., p. 97.
64AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV4, séance du 10 novembre 1791.
65Ibid., 18 décembre 1791.
66Edelstein Melvin, La Feuille villageoise. Communication et modernisation dans les régions rurales pendant la Révolution, Paris, Bibliothèque nationale, 1977.
67Lapied Martine, Le Comtat et la Révolution française…, op. cit., p. 249.
68AD 26, L 39, 7e cahier de réflexions de Joseph-François Payan, fo 83.
69Ibid., 8e cahier de réflexions de Joseph-François Payan, fo 125.
70Ibid., fo 122.
71Ibid., fo 136.
72Ibid., fo 8.
73Ibid., fo 128.
74Ibid., fo 128.
75Ibid.
76AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 7, délibération municipale du 12 février 1792.
77AD 26, L 39, 8e cahier de réflexions de Joseph-François Payan, fo 122.
78Ibid., fo 127.
79Ibid., fo 11.
80Au sens entendu par Boulant Antoine : « Directement dirigée contre les détenteurs de la puissance publique […], la journée revêt une dimension éminemment politique et profondément populaire », La journée révolutionnaire. Le peuple à l’assaut du pouvoir 1789-1795, Paris, Passés composés, 2021, p. 10.
81Martin Jean-Clément, Violence et Révolution. Essai sur la naissance d’un mythe national, Paris, Seuil, 2006.
82Fureix Emmanuel, Iconoclasme et révolution de 1789 à nos jours, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2014.
83AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 41, information sur l’affaire d’avril 1792, thermidor an III.
84AD 26, 356 J 149, brouillon de lettre, sans date.
85AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 41, information sur l’affaire d’avril 1792, thermidor an III.
86Crenner Emmanuelle, Déchaux Jean-Hugues et Herpin Nicolas, « Le lien de germanité à l’âge adulte. Une approche par l’étude des fréquentations », Revue française de sociologie, no 41/2, 2000, p. 211-239.
87Déchaux Jean-Hugues, « La place des frères et sœurs dans la parenté au cours de la vie adulte », Informations sociales, no 173, 2012/5, p. 103-112.
88Caron Jean-Claude, Chauvaud François, Fureix Emmanuel et Luc Jean-Noël (dir.), Entre violence et conciliation. La résolution des conflits sociopolitiques en Europe au xixe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2008 ; Grévy Jérôme (dir.), Sortir de crise. Les mécanismes de résolution des crises politiques (xvie-xxe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2010.
89AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 7, délibération municipale du 8 avril 1792.
90Déloye Yves et Ihl Olivier, L’acte de vote, Condé-sur-Noireau, Presses de Sciences Po, 2008.
91AD 26, L 39, 8e cahier de réflexions de Joseph-François Payan, fo 23.
92AN, T528-529, brevet de participation à la réunion de 40 sociétés politiques, Valence, 9 avril 1792.
93AD 26, L 39, 8e cahier de réflexions de Joseph-François Payan, fo 37.
94Ibid., fo 22.
95AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 7, lettre écrite à la municipalité, 18 avril 1792.
96AD 26, L 39, 8e cahier de réflexions de Joseph-François Payan, fo 22.

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