Chapitre IV. Notabilité révolutionnée et mobilité politique (1789-1791)
p. 103-130
Texte intégral
1En redéfinissant la notabilité locale sur la base d’une forme revisitée de patriotisme, conférant une légitimité1 politique inédite, la Révolution française crée une brèche dans laquelle s’engouffrent les Payan. Suivre le devenir des Payan à partir de 1789 permet d’appréhender les stratégies d’une famille de robins menacée de déclassement qui tente de se réinventer en profitant des nouveaux horizons ouverts par la Révolution. Les parcours de François et de Joseph-François Payan entre 1789 et 1791 montrent, en effet, combien, en redistribuant les cartes, le processus révolutionnaire autorise une mobilité politique sans précédent. Il s’agit de préciser comment, en mobilisant leurs puissants réseaux, et en adaptant leurs stratégies à la nouvelle culture politique, les Payan parviennent à se renouveler en contrôlant tous les leviers du pouvoir local. En endossant localement le rôle d’intermédiaire politique et culturel2, les Payan amplifient leur audience sur Saint-Paul-Trois-Châteaux et le tout jeune département de la Drôme mais la dégradation de la conjoncture politique, au tournant de l’année 1791, érode rapidement leur pouvoir tandis que leur engagement révolutionnaire cristallise l’hostilité d’une partie de l’opinion publique tricastine tout autant qu’il redéfinit l’identité de la famille.
S’approprier la Révolution
Spectateurs de l’orage qui gronde
2Moins d’un an après l’entrée de Joseph-François à la chambre des comptes, la réforme Lamoignon3 menace de réduire à néant tous les efforts déployés par la famille pour conquérir cette place prestigieuse. Si les chambres des comptes ne sont pas réformées, les lettres écrites par le patriarche des Payan attestent la crainte, partagée par de nombreux officiers, d’une refonte totale des cours souveraines. La perspective que son fils revive le même déclassement brutal que lui, au temps de la réforme Maupeou, le hante tout particulièrement. François encourage Joseph-François à faire une cour assidue à toute personne susceptible de le conserver dans la nouvelle organisation judiciaire. Comme ses collègues, Payan soutient la réforme Lamoignon, sans doute par intérêt, tandis que les parlementaires grenoblois la dénoncent4. Les démarches entreprises par les Payan sont inutiles car la situation évolue rapidement. La résistance du parlement de Dauphiné, soutenu par une partie importante de l’opinion publique grenobloise, débouche le 7 juin 1788 sur une insurrection populaire d’une grande violence, connue sous le nom de journée des tuiles5, qui entraîne, par la suite, l’abandon de la réforme6. Joseph-François, siégeant à Grenoble au moment de la crise, se tient à l’écart d’une effervescence populaire que son père et lui-même réprouvent. Dans une lettre écrite à son ami Charraix, capitaine viguier de Tulette, François n’a pas de mots assez durs pour fustiger le « peuple furieux » qui s’est livré à tous les excès7. Comme de nombreux magistrats grenoblois, Payan se met au vert et vient se réfugier à Saint-Paul-Trois-Châteaux à la mi-juin. Les Payan, père et fils, restent également spectateurs des événements qui s’enchaînent tout au long de l’année 1788. Comme la grande majorité des élites de la sénéchaussée de Montélimar, les Payan se tiennent à l’écart de l’assemblée tenue à Vizille le 21 juillet, au cours de laquelle la restauration des États de Dauphiné est solennellement exigée8. Plusieurs raisons expliquent l’absence de députés provenant du Dauphiné méridional : la concurrence multiséculaire qui oppose Grenoble, chef de file de l’opposition réformiste à Vizille, aux autres villes du couloir rhodanien, Valence, en tête, mais également le soutien apporté à la réforme Lamoignon par une partie de la bourgeoisie robine, favorisée par la création des grands bailliages. Comme en 1771, les Payan se signalent par leur soutien indéfectible – mais non moins intéressé – à la politique réformiste de la monarchie.
3Plus significative est l’absence des Payan aux assemblées de Romans, convoquées du 5 au 28 septembre et du 2 au 8 novembre 1788 pour préparer la réunion des États provinciaux9. Contrairement à l’épisode de Vizille, Saint-Paul-Trois-Châteaux entend, cette fois, participer à l’événement. François Payan est incapable de prouver les 4 degrés de noblesse requis pour représenter le second ordre. Cet honneur est dévolu à Petity-de-Saint-Vincent, une connaissance des Payan. Quant au député du tiers état, ce choix reste le fait du conseil politique, duquel Payan père n’est plus membre depuis 1785. La municipalité tricastine députe Louis-Elzéard Thune, le procureur fiscal de l’évêque, pour représenter le tiers état à Romans. Alors que la plupart des communautés qui députent l’un de ses membres optent le plus souvent pour le maire ou l’échevin, la désignation d’un homme de l’évêque en dit long sur l’influence recouvrée du pouvoir seigneurial sur la maison commune. Si au niveau provincial, la prépondérance de François Payan reste intacte – il a été plébiscité en 1787 par les notables dauphinois pour prendre la présidence de l’assemblée départementale de Montélimar –, son assise locale semble fragilisée par la perte d’une partie de ses soutiens à l’hôtel de ville. Est-ce par dépit qu’il confie à son ami Charraix son « peu d’intérêt à la députation de Romans » et sa crainte de devoir – à presque 70 ans – affronter « le mauvais temps et un long séjour hors de chez moi10 » ? Quant à Joseph-François, fraîchement installé à Grenoble, il ne remplit encore aucune condition pour être éligible. Ces critères draconiens le forcent, une nouvelle fois, à se tenir à l’écart des bouleversements qui s’opèrent malgré son désir d’y participer. Déjà en 1787, il ambitionnait d’intégrer l’assemblée départementale mais avait dû renoncer à ce projet sous la pression de sa compagnie. Lecteur assidu des Affiches du Dauphiné, il se tient néanmoins au courant des travaux des assemblées de Romans11. L’effervescence de l’été 1789 autorise finalement un retour aussi fracassant qu’inattendu de la famille Payan sur le devant de la scène municipale.
Nouvelle forme d’engagement civique et construction d’une notabilité concurrentielle
4La prise de la Bastille, les premiers départs en émigration et les mouvements de troupes se transforment en psychose populaire appelée « Grande Peur12 ». Venue de Lyon, la flambée d’émotion rurale se diffuse selon deux axes en Dauphiné : le long de la route conduisant à Grenoble et la vallée du Rhône. Malgré l’intensité du phénomène, seuls les châteaux du Viennois13 ou de quelques localités isolées, comme Allan14, sont dévastés ou incendiés. En revanche, comme de nombreuses communautés du Dauphiné méridional, Saint-Paul-Trois-Châteaux est touchée par le bref épisode de panique collective annonçant la menace imminente de brigands. Pour faire face à un ennemi imaginaire15 ou à l’attaque des châteaux, les milices bourgeoises sont réactivées tandis que des comités permanents, ouverts aux habitants les plus allivrés, coordonnent la mise en défense des lieux avec les municipalités. La rumeur de l’incursion d’une troupe de 10 000 brigands savoyards atteint Saint-Paul-Trois-Châteaux le 26 juillet 1789. La petite ville se met en état de défense et le commandement des opérations est confié au comte de Castellane. Jusqu’au 30 juillet, nouvelles et contre-nouvelles se succèdent à un rythme effréné tandis que le conseil politique et la milice bourgeoise entretiennent une correspondance très soutenue avec les communautés du canton ou de l’enclave comtadine. Les notables tricastins sont mis à contribution. François Payan et les comtes de la Roche d’Eurre et de Castellane avancent chacun 20 louis d’or afin de pourvoir à l’équipement de la milice bourgeoise16. Ces gages de patriotisme contribuent à rendre ces personnages populaires. Après quatre jours d’angoisse, la petite ville apprend le 30 juillet que la menace savoyarde n’est finalement qu’une rumeur.
5Face à la crise et à la situation alimentaire critique, la municipalité s’adjoint les conseils de 13 notables locaux, parmi lesquels se trouvent François Payan, qui n’avait plus franchi le seuil de la maison commune depuis 1785, et, surtout, Joseph-François qui fait son entrée dans le monde de l’édilité. Cette décision ne constitue pas un précédent. En effet, les administrateurs municipaux ont déjà été amenés, par le passé, à élargir ponctuellement le conseil politique aux habitants les plus imposés. Or, avec la création le 1er août d’un comité permanent de 10 membres, flanquant le conseil politique, le provisoire tend à durer et l’exceptionnel à se normaliser. Ce nouvel organe décisionnel comprend pour moitié des édiles auxquels sont associés cinq notables, sélectionnés parmi les plus forts allivrés, dont Joseph-François Payan. Outre Payan fils, un seul autre habitant, Antide Sibour, n’est pas un ancien administrateur municipal. Cependant, tous les deux sont fils d’édiles, déjà plus ou moins bien insérés dans les dynamiques politiques locales. Par conséquent, contrairement à d’autres espaces méridionaux, ce comité permanent ne constitue pas une rupture politique majeure et ne débouche pas sur une « révolution municipale » qui marginalise ou renverse le conseil politique17.
6Les Payan et leurs amis figurent en bon nombre parmi la première fournée nommée pour piloter ce comité. Sur les cinq membres qui n’appartiennent pas au conseil politique, quatre sont des intimes des Payan. Joseph-François siège ainsi avec le comte de Castellane, à qui la présidence du comité permanent échoit, son cousin Payan-Champié, et Henri-Hyacinthe de Petity de Saint-Vincent, un habitué des réceptions mondaines organisées à l’hôtel Payan. Parmi les édiles nommés au comité permanent se trouve le comte de la Roche d’Eurre, parrain de Joseph-François. François aurait largement pu être nommé à la place de son fils mais il n’en fait rien. Il y a très clairement une volonté du patriarche de pousser en avant son fils aîné afin de consolider la puissance du lignage. L’évêque, quant à lui, compte au moins deux de ses agents parmi les membres du comité permanent : Pierre-Louis Afforty, son vicaire général et Thune, son procureur fiscal. Joseph-François compte parmi les membres du comité les plus assidus. Il ne rate aucune séance entre le 1er août et le 9 novembre, date de son remplacement.
7L’entrée de Joseph-François au sein du comité permanent, à seulement 30 ans, constitue une étape décisive dans sa carrière administrative. Le fils aîné des Payan n’est pas totalement inconnu de la maison commune. C’est lui, poussé par son père, que le conseil avait choisi en septembre 1785 pour accompagner le subdélégué d’Audiffret, son beau-frère, et se rendre à Montélimar afin de rencontrer l’intendant pour lui porter diverses doléances18. Malgré sa courte expérience dans une cour souveraine, son passage à la chambre des comptes de Dauphiné lui confère une aura toute particulière dans la cité tricastine, comme son père en son temps. Ses compétences administratives, ses dispositions littéraires, sa rigueur et sa culture constituent autant de qualités appréciées qui lui permettent de s’imposer face à des collègues plus âgés, dont plus de la moitié appartient à la génération de son père. Dès le 3 août, il participe à la rédaction d’une adresse à l’Assemblée nationale, présentée devant une assemblée générale réunissant la plupart des habitants. Joseph-François fait montre de ses qualités oratoires en prononçant son premier discours public, dans lequel il invite les participants à maintenir l’union et l’harmonie dans la petite ville. Ce discours, très convenu, lui permet de professer hautement son patriotisme et de se distinguer dans l’opinion publique.
8Au cours de cette période, Payan s’initie à diverses pratiques administratives et de gestions locales, comme la question de l’approvisionnement de la communauté en blé, ou celle des travaux de purgation du canal de la Roubine, objet récurrent de contestation avec la communauté de Bollène. En l’espace de quatre mois, Joseph-François a accumulé de nouvelles compétences administratives et a développé de réelles aptitudes dans la gestion des affaires locales.
9La réactivation des milices bourgeoises, rapidement transformées en Gardes nationales19, offre à la famille Payan une nouvelle occasion de réinvestir l’espace public. La milice tricastine est officiellement formée le 8 août 1789. Son commandement est confié à un gentilhomme – le comte de Castellane, chevalier de Saint-Louis et ex-capitaine d’infanterie au régiment de Conti –, naturellement rompu aux pratiques militaires et au maniement des armes20. À presque 70 ans, son expérience et son autorité en imposent. Le commandement en second échoit à Antide Sibour, un ancien militaire également membre du comité permanent. À l’origine, seules deux compagnies de miliciens, comptant chacune 50 hommes, sont formées. Leurs commandants se recrutent parmi les nobles, de Genton fils, capitaine commandant de la première compagnie, de Girard aîné, capitaine en second de la deuxième, ou parmi les plus gros propriétaires fonciers, Sibour père, capitaine commandant de la deuxième compagnie, une caractéristique partagée par de nombreux villages ou petites villes du royaume21. Lors de la première distribution des postes clefs, les Payan n’obtiennent aucun commandement, sans doute eu égard à leur inexpérience militaire. Joseph-François offre tout de même ses services et obtient d’être « volontaire attaché » au commandement de la porte de l’Esplan, suppléant Henri-Hyacinthe de Petity de Saint-Vincent, le capitaine-commandant titulaire22. Seul le benjamin de la fratrie, Esprit-François, dit Deslones, est nommé officier porte-drapeau, grâce à l’appui de son parrain, le comte de Castellane. L’obtention de cette sinécure offre aux jeunes Payan l’opportunité de mettre, une nouvelle fois, leur patriotisme en avant.
10Commandé à un négociant avignonnais le 9 août, le nouveau drapeau de la Garde nationale, aux couleurs de la Nation, doit arriver à Saint-Paul-Trois-Châteaux le 15. Comme il incombe à Deslones d’aller le réceptionner, Joseph-François en profite pour accompagner son frère et les deux jeunes gens se portent à bride abattue sur la route de Bollène à la rencontre du drapeau. Les deux frères rapportent la nouvelle bannière à la maison commune sous les acclamations du public. Le lendemain, le drapeau est béni par l’abbé Afforty, assisté par l’abbé Payan – Valeton –, devenu acolyte23. Au-delà de l’anecdote, cet événement renforce dans l’opinion publique la popularité des Payan qui multiplient les gages de leur patriotisme. Peu de temps après cette mise en scène de la famille, le comité permanent obtient de la municipalité la création d’une troisième compagnie de Gardes nationales, dont le commandement est confié à Joseph-François Payan24. L’attribution de ce poste à un trentenaire dépourvu de la moindre expérience dans le maniement des armes marque très clairement un tournant par rapport aux précédentes nominations dans la mesure où les deux autres compagnies sont encadrées par des cinquantenaires, tous militaires aguerris. Surtout, cette promotion atteste la capacité d’adaptation de la famille face au bouleversement révolutionnaire qui la menace de déclassement. En effet, la suppression de la vénalité des offices en août 1789, posant clairement la question de la pérennité de l’état de Joseph-François, oblige les Payan à reconsidérer leur stratégie familiale. La mise en vacances forcée des cours souveraines par le décret du 3 novembre 1789 confirme la nécessité de se recentrer sur Saint-Paul-Trois-Châteaux. Ainsi, en parvenant à se recycler rapidement dans le processus révolutionnaire tricastin, par l’obtention d’un poste important au sein de la Garde nationale et dans le comité permanent, les Payan font montre d’une formidable réactivité face au changement des règles du jeu impulsé par le pouvoir central, une caractéristique que tous les officiers déclassés ne partagent pas25.
11Signe de sa popularité et de son influence grandissantes, Joseph-François est régulièrement député pour représenter la Garde nationale tricastine dans les diverses fédérations qui se multiplient au cours du second semestre 1789. Ainsi, le 13 décembre, accompagné par son second, l’apothicaire Mourard, il participe à la fédération de Montélimar. Cette dernière, moins importante que celle qui se tient à Étoile le 29 novembre et impulse le mouvement de fédération à une échelle régionale ou suprarégionale, réunit presque 6 000 individus provenant du Languedoc, du Dauphiné ou de la Provence. Les rencontres fédératives se multiplient par la suite dans la vallée du Rhône jusqu’au début de l’année 179026. Cette dynamique festive, mêlant désirs d’union nationale et fraternisation, s’explique à la fois par l’intensité des soulèvements populaires de l’été 1789 et la crainte grandissante que la Savoie, où se sont réfugiés le comte d’Artois et plusieurs émigrés, ne devienne un foyer dangereux de Contre-révolution27.
12L’engagement de Joseph-François dans la Garde nationale lui ouvre de nouveaux horizons. En premier lieu, cette forme de sociabilité militaire est propice au rapprochement d’individus au parcours et au profil complètement différents. Que ce soit dans le cadre du service quotidien, au cours duquel les officiers et les fusiliers se côtoient en dehors des lieux traditionnels de sociabilité masculine, ou dans celui, plus formel, des fédérations régionales, la Garde nationale constitue autant de moments privilégiés permettant de resserrer les amitiés, d’en forger de nouvelles ou de tisser des liens de solidarité politique28. Ainsi, Joseph-François semble nouer d’étroits rapports avec les officiers qui servent dans sa compagnie : son second, l’apothicaire Mourard, son lieutenant, Claude Charaud et son sous-lieutenant, le notaire Marbaud. Une nouvelle forme d’amitié se constitue, reposant sur le partage d’idéaux politiques et une même foi dans les changements opérés par les Constituants : l’amitié révolutionnaire. En parallèle, les différentes députations qui conduisent Joseph-François hors de Saint-Paul-Trois-Châteaux lui confèrent une nouvelle dimension politique, en contribuant à le faire connaître bien au-delà de sa ville natale et de ses environs immédiats. C’est l’occasion de renforcer ou de tisser de nouveaux liens de solidarité intercommunautaire que la Révolution aura l’occasion d’éprouver.
13Enfin, la grande refonte administrative, judiciaire et religieuse projetée par les Constituants fournit une dernière occasion à Joseph-François de se distinguer auprès de ses concitoyens. Dès l’automne 1789, l’Assemblée nationale s’attelle à la rationalisation et à la simplification de la carte religieuse. Les diocèses les plus petits sont incorporés dans des espaces jugés plus cohérents et, surtout, les établissements religieux en crise ou les moins rentables sont supprimés. Cette politique amplifie les mesures prises dans les dernières décennies du xviiie siècle par la Commission des réguliers (1766-1780) qui avait déjà supprimé plusieurs centaines de petits monastères ou d’abbayes en déclin29. Les députés de la Constituante envisagent de fusionner le diocèse de Saint-Paul-Trois-Châteaux, l’un des plus petits de France, avec celui d’Orange. Outre son évêché, Saint-Paul-Trois-Châteaux risque également de perdre son chapitre et son petit couvent de frères prêcheurs que la communauté était parvenue à sauver de la dissolution lorsque la Commission des réguliers était en activité. De plus, avec la disparition programmée des circonscriptions judiciaires d’Ancien Régime, le même sort attend le minuscule bailliage de Saint-Paul-Trois-Châteaux. La régénération du royaume s’annonce douloureuse pour la petite ville, dépouillée de nombreux équipements dont s’enorgueillissaient ses habitants. Dans son étude consacrée à la formation des départements, Marie-Vic Ozouf-Marignier a montré comment ces suppressions génèrent un fort sentiment de déclassement, prélude à la ruine de la ville, partagé par de nombreux acteurs pour qui la présence d’équipements variés est consubstantielle à la viabilité économique, sinon à la survie même, du lieu30. Pour éviter ce « malheur très préjudiciable31 », le conseil politique se tourne vers Joseph-François, « qui dans toutes les occasions s’est montré avec tant de zèle pour tout ce qui intéresse nos intérêts », et le prie de rédiger un mémoire plaidant la cause de la ville. Il est aidé dans sa rédaction par deux religieux, Afforty, vicaire général, représentant l’évêque, et Colomb de Seillans, prévôt du chapitre, ainsi que par le premier échevin, le procureur fiscal et le comte de Castellane, commandant de la Garde nationale. La sollicitation de la municipalité atteste l’importance acquise par le fils aîné des Payan qui paraît, à la fin de l’année 1789, s’être rendu totalement indispensable auprès des notables tricastins. Administrateur et gestionnaire très compétent, patriote reconnu, son engagement en faveur de la cause et des intérêts de la ville forge une nouvelle image, celle du défenseur des populations locales face au pouvoir central, qui renforce sa popularité32. Pour preuve, son aura est telle que ce n’est plus au patriarche de la famille à qui l’on s’adresse désormais. En redéfinissant la notabilité locale sur la base du patriotisme et d’une nouvelle forme d’engagement civique, la Révolution française court-circuite les canaux traditionnels d’accès au pouvoir et propulse Joseph-François Payan sur le devant de la scène tricastine.
La consécration : premier maire de Saint-Paul-Trois-Châteaux
14Afin de régénérer les administrations municipales, les Constituants reprennent à leur compte le projet uniformisateur de Laverdy en le perfectionnant par la loi du 14 décembre 1789 qui définit l’organisation des municipalités françaises. Chaque commune est dirigée par un maire, élu pour une durée de deux ans, flanqué d’un conseil municipal composé d’officiers municipaux et de notables, élus pour deux ans mais renouvelables par moitié chaque année33. Le pouvoir central est représenté par un procureur, élu pour deux ans mais n’ayant pas voix délibérative.
15À Saint-Paul-Trois-Châteaux, l’assemblée primaire se tient le 24 janvier 1790. Dès le début de la séance, Joseph-François Payan est élu président avec plus des deux tiers des voix, ce qui est un excellent indicateur de sa popularité. Marbaud fils est élu secrétaire tandis que l’apothicaire Mourard, le praticien Jean-Joseph Rocher et le géomètre Ansillon sont élus scrutateurs, à qui échoit la fonction d’encadrer le vote des illettrés. La municipalité d’Ancien Régime est complètement désavouée : Mourard est le seul rescapé de l’ancienne équipe. Les autres sont des néophytes qui gravitent tous dans des cercles proches des Payan. On se souvient que Marbaud et Mourard servent comme officiers dans la même compagnie que Joseph-François tandis que Rocher et Ansillon, eux-mêmes parents, sont des intimes de François. Par conséquent, en contrôlant étroitement le bureau électoral, ayant une influence considérable sur l’assemblée primaire et sur le déroulement du scrutin, les Payan et leurs affidés s’assurent une large victoire : Joseph-François est élu maire avec 242 voix sur 302 votants (soit 80 % des présents et 61 % des citoyens actifs)34. À seulement 30 ans, il devient le plus jeune dirigeant tricastin de tout le xviiie siècle. Entre 1768 et 1790, la moyenne d’âge des premiers consuls s’élevait à 59 ans. Comme Payan, d’autres officiers dauphinois déclassés compensent la perte de leur état par la première place dans leur commune : Dauphin, ex-lieutenant criminel au présidial à Valence, Barbier de Villecroze, ex-juge royal et seigneurial au Buis, etc.35.
16Cette victoire est celle d’un jeune homme populaire porté par une parentèle et un réseau puissant. Populaire, Joseph-François l’est assurément en 1790. Il dispose de réels atouts qui ont pu séduire les citoyens actifs : compétences administratives, engagement civique, défense des intérêts de la ville. Enfin, longtemps éloigné de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Joseph-François ne s’est pas – officiellement du moins – compromis dans les affrontements partisans qui ont émaillé les dernières décennies de l’Ancien Régime. Derrière l’homme consensuel et rassurant, se trouvent de nombreux alliés, les véritables artisans du succès électoral de Joseph-François dans un système politique dans lequel l’absence de candidature et de réglementation de la compétition favorise les minorités organisées faisant main basse sur le contrôle de l’assemblée primaire. Le poids des réseaux dans les élections des premiers maires n’est plus à démontrer36. Joseph-François a su mobiliser les ressources familiales. Le patriarche effectue d’ailleurs son retour officiel à l’hôtel de ville. Le père et le fils siègent ensemble pour la première fois. Néanmoins, en occupant la fonction subalterne de notable, qui ne nécessite pas une présence permanente à la municipalité, François ne s’expose pas trop afin de favoriser son fils. Ce dernier habitant encore chez son père, il n’est guère difficile d’imaginer que le véritable centre d’impulsion de la politique municipale ne se trouve pas à l’hôtel de ville. Les intimes de la famille figurent en bonne place parmi les nouveaux élus : le comte de Castellane ou le procureur du roi Delubac. D’autres l’ont côtoyé et l’ont soutenu à la maison commune, tels que Jean-Joseph Craisson ou le maître tailleur André Méry. Enfin, trois des édiles sont des voisins proches des Payan (Ansillon, Louis Chautard et André Gourjon), un autre, Antoine Guynet, a signé, en tant que témoin, l’acte d’achat de l’office de Joseph-François en 1787 tandis que le marchand Deville est régulièrement invité aux bals et aux soupers organisés par le couple Payan. En définitive, le nouveau maire est proche, sinon intime, d’au moins 12 édiles sur 17 (soit 70 %).
L’usure du pouvoir (1790-1791)
17Les Payan et leurs alliés profitent de leur retour aux affaires pour renforcer leur emprise sur la ville. La multiplication des élections jusqu’à l’automne 1791 constitue autant de tests permettant de jauger l’influence de la parentèle. Par ailleurs, la refonte du système judiciaire et la création d’une nouvelle structure administrative offrent une opportunité supplémentaire à la famille de conforter sa notabilité et sa domination. Cette dernière connaît néanmoins une rapide usure, inhérente à la dégradation de la conjoncture politique et à la montée des oppositions.
Administrer une petite ville en Révolution
18Alors que les problèmes anciens restent en suspens, comme la question récurrente de l’approvisionnement alimentaire, s’ajoutent des problématiques inédites engendrées par le nouvel ordre révolutionnaire que la jeune équipe doit traiter avec habileté et diligence au risque de prouver l’incapacité du nouveau régime à apporter une solution aux problèmes structurels ou plus conjoncturels, et conforter ainsi, dans l’opinion publique, les critiques des nostalgiques de l’Ancien Régime.
19La question de la sécurité alimentaire de la ville et la lutte contre la pauvreté constituent deux problématiques majeures léguées par l’administration d’Ancien Régime. Les mesures alimentaires prises par le comité permanent au cours de l’été 1789 ont permis d’éviter une crise de subsistance en fournissant la population en céréales jusqu’à la prochaine récolte. Or, la moisson de l’été 1790 s’avère particulièrement décevante et déjà le spectre de la pénurie se profile à l’horizon. Au début du mois de septembre 1790, la situation est telle que la municipalité doit de nouveau faire appel à la générosité des habitants les plus aisés et convoque une assemblée générale pour récolter des fonds37. Elle parvient à récolter 6 000 l. et plusieurs dizaines de saumées de grains qui permettent aux habitants de subsister jusqu’à la prochaine récolte. Joseph-François et son père offrent 8 saumées de blé et de seigle tandis que le très riche comte de Castellane en cède 12 quand les dons des autres habitants, nettement moins aisés, ne dépassent pas 2 saumées. Cet évergétisme, mêlant étroitement charité chrétienne et engagement civique, est l’occasion de prouver une nouvelle fois le patriotisme des Payan par un sacrifice qui se veut désintéressé. Bien que Joseph-François n’innove pas en la matière, cette mesure épargne à Saint-Paul-Trois-Châteaux les violentes émotions populaires causées par la rareté ou la cherté des grains qui affectent d’autres localités drômoises, comme Livron38. Enfin, une autre thématique commune aux administrations d’Ancien Régime et à la municipalité Payan, est le combat perpétuel contre la pauvreté auquel se heurtent de nombreuses administrations révolutionnaires, souvent sans grand succès. Parmi les réponses aux questionnaires envoyés par les districts ou le département afin de mieux cerner les communes de leur ressort, il résulte que 163 individus, soit un peu moins de 10 % de la population tricastine, requièrent une assistance municipale. Pour stimuler l’économie locale et offrir du travail aux pauvres, Joseph-François imagine la création d’une filature de coton ou de draps39. Si la sériciculture est particulièrement bien développée dans le canton – les Payan possèdent eux-mêmes des mûriers –, les cotonnades le sont nettement moins dans le département de la Drôme40. Néanmoins, pour des raisons que nous ignorons, le projet n’aboutit pas. Si les problèmes structurels de pauvreté persistent, les crises conjoncturelles sont mieux traitées. Au printemps 1790, les mauvaises conditions climatiques retardent les travaux agricoles, privant de nombreux journaliers d’un complément économique vital. Face à la dégradation brutale de leur condition matérielle, Joseph-François propose l’ouverture d’atelier de charité, « double objet d’utilité et de bienfaisance » afin d’employer les journaliers désœuvrés à la rénovation des chemins de la commune, dégradés par les pluies torrentielles41. Si les effets de la crise ne sont enrayés que pour une durée temporaire, ces mesures attestent la réactivité dont fait preuve la municipalité, soucieuse de lutter contre la précarité.
20En accroissant les domaines d’actions des municipalités, les Constituants donnent aux Payan et à leurs alliés toute latitude pour solder d’anciens contentieux, et plus particulièrement celui avec l’évêque. La question de l’encadastrement des biens du seigneur-évêque, ayant empoisonné la vie politique locale durant plusieurs décennies, n’a jamais été vraiment réglée, malgré divers arrêts du parlement de Dauphiné. Les agents de l’évêque et ses partisans à la maison commune sont parvenus à retarder leur application ou à les contourner. Le retour des Payan à l’hôtel de ville, dans une conjoncture marquée par le triomphe de l’égalité fiscale, sonne le glas de l’indépendance de l’évêque. La toute première délibération prise par Joseph-François concerne la reprise de l’encadastrement des biens épiscopaux, laissé en suspens par les municipalités précédentes42. L’opération de recensement de toutes les propriétés est terminée au début du mois d’avril 1790. Si de Reboul de Lambert tente de gagner du temps, la suppression du diocèse de Saint-Paul-Trois-Châteaux, actée au cours de l’été 1790, permet la confiscation des propriétés épiscopales, malgré l’opposition acharnée du prélat. En réactivant la lutte contre l’évêque, Joseph-François lave l’affront subi par ses proches en 1782 et en 1787, et surtout, en rabaissant la puissance d’un prélat impopulaire, son combat mené au nom de l’égalité fiscale renforce son image de maire patriote. Il n’y a guère que le petit noyau qui gravite autour de l’évêque et qui profite des retombées économiques du système féodal, comme ses fermiers ou ses agents de justice, qui s’émeut du démantèlement de la puissance épiscopale. Ainsi, en janvier 1791, lorsque la municipalité vient prendre possession du palais épiscopal, confisqué comme bien national, elle est accueillie très froidement par Pierre Gayte, secrétaire particulier et vicaire général de l’évêque, présent à l’état des lieux « pour obéir à la force43 ». Une dizaine d’années en arrière, le même Gayte, appuyait les projets de François Payan et contribuait, par son influence sur le prélat, à obtenir la tonsure pour son fils. De nombreux ponts semblent rompus par la Révolution.
21La conquête de la mairie offre aux Payan la possibilité d’étendre davantage leur réseau en développant de nouveaux patronages, notamment avec la minorité protestante. Malgré la révocation de l’édit de Nantes qui contraint de nombreux protestants à abjurer, une minorité religieuse, comprenant une soixantaine de familles, soit environ 10 % de la population tricastine, survit dans la clandestinité. Privés de toute visibilité jusqu’en 1789, la reconnaissance de leurs droits et de leur existence par la Constituante favorise la réapparition des protestants dans le débat public et, pour les plus riches d’entre eux, un réinvestissement du champ politique. Dans la nouvelle municipalité, au moins trois nouveaux administrateurs sont protestants : les frères Bérard, dont l’un, Paul, est premier officier municipal, et le notable Favier44. À ces derniers s’ajoutent quelques catholiques récents, fils ou petit-fils de nouveaux convertis, comme les Payan, les Ansillon, qui, on peut l’imaginer, peuvent ne pas rester insensibles à la question protestante. Les religionnaires, désirant recouvrer une partie de leurs biens confisqués depuis 1685, sollicitent l’aide de Joseph-François pour la rédaction d’une adresse à l’Assemblée nationale. En jouant les intermédiaires, Payan renforce son influence et s’attache de nouvelles fidélités. L’aide apportée aux protestants s’inscrit dans le combat mené par Joseph-François au service de la tolérance religieuse, tant vantée dans ses recueils de réflexion. La Révolution française lui offre ainsi les moyens de concrétiser par des actes la lutte contre un fanatisme religieux abondamment dénoncé dans ses cahiers personnels.
22Le déclenchement des troubles avignonnais et comtadins45, dégénérant en guerre civile au cours du premier semestre 1791, offre à Joseph-François la possibilité de jouer un rôle politique à une échelle plus importante. Les divisions comtadines affectent la stabilité des territoires français périphériques et poussent de nombreux acteurs à s’engager46. Saint-Paul-Trois-Châteaux, dont le territoire jouxte le Haut Comtat, figure parmi ces communes directement menacées par l’embrasement de l’enclave pontificale. Au début de l’année 1791, « les bruits les plus alarmants sur les suites de la fermentation qui agite le Comté Venaissin » incitent Payan à se rapprocher des municipalités du canton afin de se concerter et de surveiller la région47. Moins d’une semaine plus tard, l’amplification de la crise comtadine force la municipalité à agir. Les Avignonnais, résolus à mettre Carpentras à la raison, lancent leurs forces vers la capitale comtadine à la mi-janvier 1791. La marche des troupes provoque un mouvement de panique dans de nombreuses municipalités du Haut Comtat qui cherchent à se placer sous la sauvegarde de la France pour se soustraire à la vindicte de leurs adversaires. Ainsi, les administrateurs municipaux de Bollène et de Lapalud implorent la protection des édiles tricastins. Le 20 janvier 1791, Payan, Mourard et le médecin Caudeiron se rendent à Bollène pour assister, avec une députation des villes de Suze, Pont-Saint-Esprit et Mondragon, à la cérémonie au cours de laquelle aux armes du Pape sont symboliquement substituées celles de la France, en guise de l’adhésion de la commune au projet avignonnais d’union à la France révolutionnaire. Le 22, Payan assiste à la même cérémonie à Lapalud48. Ces différentes missions amplifient le rayonnement du jeune maire de Saint-Paul-Trois-Châteaux, dont la renommée transcende largement les frontières de sa commune.
Élections et construction d’une nouvelle légitimité politique
23En soumettant l’attribution de la moindre fonction locale au principe électif, réaffirmé comme socle de la représentativité locale et nationale, la Révolution multiplie le nombre d’élections au cours des années 1790-179149. Ces différents scrutins confortent l’assise des Payan et de leurs alliés qui prennent le contrôle des principales fonctions mises en jeu et leur offrent, en outre, l’occasion de réaffirmer, de manière symbolique, leur légitimité politique. Comme l’atteste le tableau suivant, les citoyens actifs sont invités à se rendre à sept reprises aux urnes entre janvier 1790 et novembre 1791, date à laquelle Joseph-François quitte ses fonctions municipales (tableau 3).
Tableau 3. – Les assemblées primaires tricastines (janvier 1790-novembre 1791).
Date | 24-28 janvier 1790 | 13-14 mai 1790 | 14 novembre 1790 | 12 décembre 1790 | 23 avril 1791 | 23 juin 1791 | 13 novembre 1791 |
Nature de l’élection | Élection municipale | Élection des électeurs du second degré | Élection municipale | Élection du juge de paix | Élection de 2 assesseurs du juge de paix | Élection des électeurs du second degré | Élection municipale |
Nombre de votantsa | « plus des 2/3 » des présentsb | 123/397 | 155/397 | 216/397 | ? | ? | ? |
Président | Joseph-François Payan | Joseph-François Payan | Joseph-François Payan | Joseph-François Payan | Joseph-François Payan | Louis-François Caudeiron | Joseph-François Payan |
Secrétaire | Marbaud fils | Jean-Baptiste Favier | Marbaud fils | Rocher | Marbaud fils | Joseph-François Payan | Marbaud fils |
Scrutateursc | – Mourard – Rocher – Ansillon | – Caudeiron – Marbaud fils – Charaud fils | – Delubac – Caudeiron – Mourard | – Mourard – Marbaud fils – Vernet | – Chautard – Craisson – Vernet | – Craisson – Ayasse – Rocher | aucund |
a. Face à la trop grande versatilité du corps électoral, n’ont été comptabilisés ici que les citoyens participant à l’élection du président de l’assemblée primaire. Ce nombre est systématiquement rapporté au total des citoyens actifs (397). Nos relevés, établis à partir des décomptes des procès-verbaux de chaque élection, diffèrent légèrement de ceux avancés par Pierre Andrieu, estimant le nombre de citoyens actifs à seulement 350, Andrieu Pierre, « Pratiques électorales et activité politique à Saint-Paul-Trois-Châteaux à travers les procès-verbaux de six assemblées primaires des citoyens actifs en 1790-1791-1792 », Revue drômoise, t. LXXXVI, no 450, 1988, p. 285.
b. Le secrétaire ne renseigne pas le nombre de participants au début de l’élection.
c. Les noms en italique correspondent aux élus membres de la municipalité Payan.
d. L’assemblée est dissoute avant l’élection des scrutateurs.
Source : AD 26, L 159, L 160 ; AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 5.
24Le tableau est particulièrement éclairant quant à la mainmise des Payan et de leurs alliés sur les principales assemblées primaires tricastines. La stratégie, somme toute classique, consiste à contrôler le bureau électoral, organe décisionnel et outil d’influence majeur50. Dans 6 scrutins sur 7, la présidence de l’assemblée primaire revient à Joseph-François Payan. La seule fois où il n’est pas élu président, il siège tout de même au bureau en occupant la fonction de secrétaire. Outre les logiques partisanes et les intrigues électorales souterraines qui ont pu lui assurer une plus grande visibilité politique, l’omniprésence de Joseph-François peut aussi s’expliquer par d’autres facteurs. On peut très bien arguer qu’en tant que premier administrateur de la ville, certains citoyens actifs considèrent, presque naturellement, que la présidence de l’assemblée primaire lui revient de droit, comme une sorte d’honneur rendu par ses administrés. On peut aussi y voir une marque de confiance ou de popularité, au regard de sa politique municipale. Enfin peut-être s’agit-il également d’une forme de politesse, sinon de déférence. Lors de chaque élection, Payan est secondé dans ses fonctions par des proches : Caudeiron, Ayasse, son voisin, et plusieurs administrateurs municipaux. La tutelle de la municipalité sur le bureau électoral est telle que les deux sphères se confondent étroitement. Dès lors, l’assemblée primaire perd sa principale raison d’être, un espace indépendant de formation et d’apprentissage de la citoyenneté, et se transforme en chambre d’enregistrement, soumise à la volonté d’un « parti » hégémonique51. Jusqu’en novembre 1791, chaque élection conforte la prééminence de la famille, tirant désormais sa légitimité des nouvelles pratiques politiques révolutionnaires. L’analyse de chaque scrutin permet d’identifier les stratégies déployées par la famille et ses alliés pour investir les différentes échelles du nouveau champ politique.
25Les élections visant à désigner les électeurs du second degré, députés à l’assemblée électorale du département, fournissent un premier indicateur permettant de mesurer la mainmise de la famille sur la cité et son ambition de jouer un rôle politique plus important. Le nouveau système politique révolutionnaire fonctionne par paliers. Au niveau local, les citoyens actifs désignent les électeurs du second degré. Il incombe à cette poignée d’électeurs de désigner les députés élus à Paris et les membres composant les tribunaux ou le conseil d’administration du département. Il est attribué à chaque localité – ou canton, en milieu rural – un nombre d’électeurs proportionnel à son importance démographique. Saint-Paul-Trois-Châteaux, avec ses 2 000 habitants, dispose de 4 électeurs. Sont députés, à deux reprises, à l’assemblée départementale : Joseph-François et son père, ainsi que le médecin Caudeiron et le protestant Paul Bérard. Les mêmes personnes, dont 3 sur 4 appartiennent à la même parentèle, monopolisent la fonction en 1790 et en 1791, ce qui est particulièrement exceptionnel au regard du renouvellement massif du corps électoral observé au niveau national52. Si les intrigues ont, sans doute, contribué au succès des Payan, ces derniers offrent certaines garanties qui ont pu rassurer et conforter les citoyens actifs dans leur choix. Ils possèdent une solide expérience administrative – parlementaire et au service de l’intendant pour l’un, chambre des comptes, comité permanent et municipalité pour l’autre –, et de réelles qualités oratoires qui en imposent. De plus, ils se sont régulièrement montrés soucieux de défendre les intérêts tricastins. Du reste, Joseph-François affiche clairement la volonté de plaider la cause de la petite ville en réclamant des « établissements publics qui seront déterminés par l’administration du département53 ». Enfin, leur important réseau de connaissances est un atout incontestable, permettant d’appuyer les doléances locales. Les Payan, père et fils, ont clairement la stature pour représenter la commune à l’assemblée électorale, voire davantage.
26Les deux dernières élections de l’année 1790 consolident la mainmise des Payan sur Saint-Paul-Trois-Châteaux. Le renouvellement partiel de la municipalité en novembre prive Joseph-François de soutiens précieux, sortis par le sort, comme son propre père ou le comte de Castellane. En revanche, le scrutin favorise l’entrée du médecin Caudeiron, étoile politique montante et principal allié des Payan. Ce renouvellement appelle une remarque importante. L’entrée d’un plus grand nombre d’artisans ou de commerçants que par le passé montre clairement que les Payan ont su capter l’adhésion d’un public assez large et recrutent leurs partisans au sein d’une population très hétéroclite, allant des notables aux classes moyennes et descendant jusqu’aux couches sociales les plus humbles. L’élargissement de la sphère politique à de nouveaux acteurs favorise la constitution de factions très étoffées, ayant souvent à leur tête des individus appartenant à l’élite sociale et économique du lieu qui s’appuient sur une clientèle populaire54. La même proximité – sociale ou géographique – unit encore Joseph-François aux nouveaux édiles : Révolte et Clauzon sont des voisins tandis que d’autres ont servi dans la Garde nationale avec Payan. La cohésion de cet ensemble disparate est renforcée par la création du club des Jacobins à l’issue de cette élection. Les Payan sont probablement à l’initiative de la création de la société politique, avec d’autres patriotes comme Caudeiron et les frères Favier. Tous les administrateurs municipaux se retrouvent au club.
27Les lois des 16-24 août 1789 réorganisant la justice abolissent définitivement la vénalité des fonctions judiciaires et instaurent les justices de paix. Institution de proximité, le juge de paix, élu pour deux ans parmi les citoyens payant une contribution égale à dix journées de travail, juge et arbitre les conflits mineurs55. En érigeant le principe électif comme fondement de l’ossature judiciaire, les Constituants aiguisent bien des ambitions et amplifient la compétition pour les places dans le monde de la justice. Les Payan saisissent l’occasion au vol. Le 12 décembre 1790, François est élu juge de paix de Saint-Paul-Trois-Châteaux. La technicité de la fonction et les compétences requises expliquent que les juristes expérimentés, surtout les ex-officiers « moyens », se recyclent facilement dans les nouvelles institutions révolutionnaires56. En revanche, le personnel de la justice seigneuriale est complètement désavoué. Le vieux bailli Solier, infirme et presque aveugle, est disqualifié d’office, tout comme Louis-Elzéard Thune, l’ex-procureur fiscal député à Romans en 1788, bien trop marqué par ses relations avec l’évêque. La marginalisation du personnel judiciaire seigneurial ne constitue pas une spécificité tricastine57, mais, au regard des décennies de conflits ayant émaillé la vie politique locale, ce fait méritait d’être souligné. Arranger les individus, offrir sa médiation dans les querelles de voisinages et de familles ou arbitrer les litiges de faible importance : la justice de paix est un rôle sur mesure pour le patriarche des Payan, déjà rompu à toutes ces problématiques. La Révolution française institutionnalise et formalise des pratiques dont il était coutumier par le passé. En ce qui concerne les assesseurs, secondant le juge de paix, les électeurs ne plébiscitent aucun juriste : le comte de Castellane, Favier, trésorier de la municipalité – qui refuse son élection pour conserver ses fonctions municipales –, l’architecte Ayasse, et le ménager Jean Volle, membre de la société politique. Trois proches des Payan et une de leurs connaissances suppléent François Payan. La confusion des sphères publique et privé n’a probablement jamais été aussi forte. La victoire de François Payan donne lieu à une nouvelle démonstration de mise en scène de la parentèle lors de l’installation solennelle des juges, au cours de laquelle le père et le fils pavoisent aux couleurs de la Nation. Au cours de l’intronisation, Joseph-François célèbre ostensiblement la puissance de sa famille :
« Vous, Monsieur le premier juge, vous à qui les liens de la piété filiale m’attachent plus étroitement encore qu’aucun des nombreux citoyens qui m’entourent, recevez le tribut d’un hommage qui échappe aux mouvements de mon cœur et que me dicte le rapprochement de nos fonctions58. »
28À la fin de l’année 1790, les Payan sont parvenus à investir la moindre fonction locale d’importance. Seul l’état-major de la Garde nationale leur échappe mais il reste entre de bonnes mains, sous la houlette du comte de Castellane, tandis que nombre de leurs affidés occupent également des postes de sous-officiers, ou d’officiers. Forts de leur assise tricastine, les Payan peuvent envisager une place plus importante dans la nouvelle pyramide des pouvoirs forgée par la Révolution. La nouvelle réorganisation départementale leur offre l’opportunité de renforcer leur influence sur la commune en exerçant une nouvelle forme de patronage.
Une forme de patronage révolutionné : la présidence du département de la Drôme
29Députés à l’assemblée électorale de Chabeuil du 19 au 29 mai 1790, les Payan, père et fils, rejoignent les 396 électeurs du second degré à qui il incombe d’élire les administrateurs départementaux. Les Payan ne brillent pas particulièrement par leurs interventions. Ils se retrouvent noyés dans la masse des députés et ne sont pas désignés pour remplir la moindre fonction au bureau électoral. Pire, la principale mission que s’était assignée Joseph-François est un échec. Lorsque chaque ville d’importance propose sa candidature pour accueillir le conseil de département ou le directoire de département, les députés tricastins peinent à convaincre : seuls 54 électeurs (soit 14 %) des 369 votants opinent en faveur de Saint-Paul-Trois-Châteaux59.
30Malgré leur incapacité à promouvoir leur ville, les Payan tirent un succès important de leur présence à Chabeuil par l’élection de François au conseil de département. Ce dernier est composé de 36 administrateurs, représentant chacun un canton du département de la Drôme. 334 électeurs sur 396, soit 84 % des votants, plébiscitent François Payan. Son grand âge – 70 ans en 1790 – et la grande expérience acquise au cours de ses différentes carrières correspondent parfaitement aux stéréotypes de l’administrateur idéal brossé par les contemporains. Au conseil de département, Payan retrouve des notables dauphinois avec qui il est particulièrement lié comme Freycinet, de Montélimar, le chevalier de Rouvière, de Pierrelatte, l’ancien subdélégué Sibeud, de Crest, et surtout le marquis de Veynes, de Valence, à l’origine de sa désignation à l’assemblée des notables de 1787. Il existe sans doute d’autres connexions que nous n’avons pu établir mais il est certain que Payan connaît déjà une partie importante de ses collègues. Ces connivences favorisent par la suite sa plus belle – mais non moins difficile – victoire : son élection à la présidence du tout jeune département de la Drôme. Au terme d’un scrutin très indécis, Payan est élu le 4 août 1790 au troisième tour par 20 voix contre 16 pour Sibeud60. Pilotant le directoire de département, composé de 8 membres, en lien direct avec le roi, les ministres et la Constituante, Payan est devenu l’un des hommes les plus influents de la Drôme. Une fois de plus, la Révolution se contente d’entériner une situation de fait. Les multiples relations et son aisance matérielle faisaient déjà de Payan un homme puissant et influent sous l’Ancien Régime. À l’annonce des résultats, la municipalité tricastine honore le nouveau président en se portant en députation à son domicile, comme ce fut le cas lors de son élévation au parlement Maupeou en 1771. Les Payan brillent de mille feux à Saint-Paul-Trois-Châteaux.
31La courte session du conseil de département de la Drôme, se tenant à Romans du 3 novembre au 5 décembre, est particulièrement éprouvante. Quelques fragments de correspondances intimes, dévoilant l’atmosphère de l’assemblée départementale, croisés avec des sources administratives plus classiques (registres de délibérations du conseil de département et registre de délibérations municipales de Saint-Paul-Trois-Châteaux) livrent une vision très fine des nouveaux rapports de forces qui s’établissent dans le département de la Drôme au terme de l’année 1790. De l’aveu même de son président, la cacophonie ambiante ralentit les travaux : « On a tant d’affaires générales et chacun pense si fort à sa communauté qu’il n’est guère possible de venir à bout de rien. C’est une confusion étonnante61. » L’esprit de clocher, particulièrement prononcé, divise et fragilise le conseil de département. François Payan est, du reste, très lucide sur ce point : « Cette assemblée n’opérera peu de bien. Les campagnes dominent et l’on ne pense qu’à critiquer et contrarier : mauvaises compositions62. » Les rivalités campanilistes se perçoivent plus particulièrement dans la question classique de la délimitation des cantons ou de l’attribution de leur chef-lieu63. Chaque petite ville ou bourg d’importance réclame son propre canton, susceptible de lui apporter quelques équipements supplémentaires64. Ces querelles de voisinage fournissent l’occasion d’analyser les relations entre le pouvoir local et les nouvelles administrations départementales au prisme du nouveau type de patronage que les Payan édifient à Saint-Paul-Trois-Châteaux. Les citoyens actifs – Joseph-François en tête – saisissent parfaitement l’avantage que leur offre l’élection de l’un des leurs à la présidence du département. Le maire escompte sur la position de son père pour plaider la cause de sa commune. « Ton agenda est bien difficile à remplir. J’y travaillerai successivement et à mesure que les occasions se présenteront », signale François à son fils65. Ces dernières ne tardent pas à arriver.
32Le 14 novembre 1790, François Payan alerte son fils, par voie privée, que la municipalité de Suze, ville voisine de Saint-Paul-Trois-Châteaux, a présenté un mémoire au directoire de département dans lequel elle sollicite la conservation de son canton, risquant d’être refondu dans celui de Saint-Paul-Trois-Châteaux, et menace, dans le cas contraire, de se réunir au district voisin d’Orange66. La demande divise : le Montilien Job-Aymé, procureur général syndic du département, est favorable à la sauvegarde du canton de Suze quand Payan, prêchant pour sa paroisse, plaide pour son incorporation dans celui de Saint-Paul-Trois-Châteaux. La correspondance intime dévoile toute la stratégie dont usent les Payan pour contrer la demande de Suze. Pour gagner du temps, le président de la Drôme renvoie le mémoire au district de Montélimar, laissant toute latitude à son fils pour organiser la résistance. Pellapra, son ancien collègue subdélégué de Montélimar et devenu procureur syndic du district de Montélimar, est mis dans la confidence. Il doit suspendre l’avis du district le temps que Joseph-François entre en jeu. À ce dernier incombe la mission de courir les villages voisins afin de convaincre les populations de rejeter le projet de Suze et de soutenir la candidature de Saint-Paul-Trois-Châteaux pour la conservation du chef-lieu du canton. Tous les individus susceptibles de favoriser le succès de la cause tricastine sont mobilisés : le comte de Castellane est député à la Garde-Adhémar où, de l’avis de François Payan, il peut influer sur l’avis des citoyens actifs, Charaud, un autre proche des Payan, parcourt les communes adjacentes. Joseph-François, enfin, est invité à se mettre en relation, à titre officieux, avec les maires de Donzère et des villages voisins. En parallèle, la municipalité tricastine rédige un mémoire très formel dénonçant la cabale menée par la commune de Suze67. Les velléités de la municipalité de Suze sont balayées. La mobilisation des réseaux dans lesquels s’insère la famille a fait toute la différence. Ce succès renforce localement le patronage de la famille. Au département, François passe pour une sorte de sage défendant les intérêts des Tricastins. Pour preuve, la ville obtient le rétablissement des quatre foires annuelles qu’elle revendiquait depuis plusieurs années68.
33Cette querelle de clocher livre plusieurs enseignements. Elle montre à quel point la présence d’un appui dans les administrations départementales est décisive dans la nouvelle redéfinition des rapports de force en situation révolutionnaire. Elle atteste surtout que la présidence du département fournit à Payan l’occasion de recycler des stratégies bien rodées, reposant sur la culture du secret et la mobilisation de réseaux, déjà éprouvées lors de son passage à la subdélégation de Saint-Paul-Trois-Châteaux, à la seule différence que ses compétences et son domaine d’action sont aujourd’hui beaucoup plus importants. En somme, le cadre institutionnel change mais la méthode employée et les acteurs restent foncièrement les mêmes. Malgré ce succès, la prééminence des Payan n’est pas sans limites. Le développement d’une nouvelle notabilité départementale favorise la mise en concurrence de plusieurs familles d’importance, possédant chacune leurs propres réseaux et leur propre agenda politique, qui entendent s’imposer. À plus de 70 ans, François Payan s’épuise rapidement et ne peut plus tenir la distance. Au bout d’un mois de session, il confie déjà à son fils envisager sérieusement sa démission. L’annonce de son élection à la tête de la justice de paix tricastine est une véritable aubaine. C’est sans regret qu’il abandonne la présidence du département de la Drôme à la fin de la session. En quittant son poste, Payan prend également le risque de perdre un levier important permettant d’asseoir l’influence de sa famille. À la fin de l’année 1790, la prééminence locale des Payan semble bien assurée tandis que la cacophonie régnant au sein de l’administration départementale est telle qu’en assurer la présidence semble apporter des avantages finalement assez limités au regard des contrariétés et de la fatigue suscitées par la fonction.
34Municipalité, justice de paix, Garde nationale, société politique, présidence de l’administration départementale : en contrôlant, directement ou par le biais de leurs alliés, les principaux leviers du nouvel ordre révolutionnaire, les Payan semblent détenir toutes les cartes en main. Toutefois, endosser le rôle d’intermédiaires politiques et culturels n’est pas sans risque. Parce qu’ils incarnent localement la Révolution, la famille Payan cristallise l’hostilité de ses adversaires les plus acharnés et des nostalgiques de l’ancien temps. Alors que la dégradation de la conjoncture amenuise leur capacité à fédérer autour d’eux, la nationalisation de la vie politique locale fracture la société tricastine et accélère l’usure du pouvoir des Payan et de leurs alliés.
Une usure rapide du pouvoir
35La régénération du royaume entreprise par les Constituants éprouve la concorde politique de la petite ville et accentue les divisions. Un courant d’opposition hétéroclite se fait jour dans la cité, fédérant déclassés, nostalgiques de l’Ancien Régime et tous ceux qui ne se reconnaissent plus dans l’évolution du processus révolutionnaire. De l’aveu même du patriarche des Payan, les raisons du divorce ne manquent pas : « misère, défaut de grains, contribution foncière, serment du clergé », autant de sujets sensibles propices à favoriser les divisions et les récriminations, rendant pénible le « fardeau » représenté par la fonction de maire69. Portant localement les couleurs du nouvel ordre révolutionnaire, les Payan se retrouvent rapidement sous les feux de la critique et connaissent une érosion particulièrement rapide de leur capital politique. Si la carte du patriotisme, abattue dès le premier tour de jeu, s’est révélée être l’atout décisif de la famille pour s’imposer dans la nouvelle donne politique, elle cristallise désormais l’animosité d’une partie de la population. « On compte critiquer ton administration. On dit que tu ne t’es occupé que de minuties et que tu as négligé les affaires essentielles », écrit François à son fils aîné en novembre 179170. Certes, la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté ont considérablement endetté la municipalité mais le cœur du problème réside ailleurs.
36Après la suppression du diocèse et la fermeture annoncée de tous ses établissements religieux, Saint-Paul-Trois-Châteaux perd son bailliage. Dès février 1790, la municipalité courtise les Constituants afin que la ville puisse être chef-lieu de district, ce qui implique l’obtention d’une administration permanente et d’un tribunal d’importance. Joseph-François s’implique personnellement dans les négociations et entretient une correspondance soutenue avec le député Bignan de Coyrol, avec la fille duquel François avait songé à marier son fils. Néanmoins, les réseaux de la famille ne peuvent rien contre la politique d’harmonisation et de cohérence territoriales voulue par l’Assemblée nationale. Saint-Paul-Trois-Châteaux ne peut pas rivaliser avec Montélimar, ville plus peuplée et mieux équipée. Il ne peut y avoir deux districts dans un espace aussi réduit. Saint-Paul-Trois-Châteaux a beau inonder les administrations supérieures de pétitions, rien n’y fait71. Bien qu’une minorité d’habitants soit réellement touchée par la perte des équipements administratifs, judiciaires ou religieux – une poignée de juristes, une vingtaine d’ecclésiastiques et leurs agents, fermiers ou clients –, le traumatisme semble affecter une plus grande partie de la population en suscitant une sorte de crise d’identité. Le déclassement est en partie imputé à la municipalité, et plus particulièrement à son maire, impuissant à enrayer le déclin de la petite ville quand d’autres ne l’accusent pas de le favoriser. Ce faisant, les Payan s’aliènent une partie de l’opinion publique.
37L’érosion de la popularité des Payan s’amplifie lors de la crise religieuse de 1791 qui fracture la commune72. À Saint-Paul-Trois-Châteaux, où la population cléricale – 2 % à 3 % de la population masculine – est particulièrement nombreuse, la crise religieuse avive les tensions récentes. Votée le 12 juillet 1790, la Constitution civile du clergé érige les clercs en fonctionnaires élus par les citoyens actifs73. Pour mieux lier l’Église à l’État, les Constituants soumettent les ecclésiastiques à la prestation d’un serment de fidélité74. Si la Constitution civile du clergé répond à de nombreuses attentes exprimées dans les cahiers de doléances, l’obligation de prêter un serment, qui n’a pas l’aval du Pape, divise aussi bien les clercs que l’ensemble des Français.
38Dans un premier temps, le curé Solier et ses deux vicaires acceptent de prêter le serment imposé par la loi. Afin de rendre ce dernier plus officiel et de lui conférer une dimension symbolique et pédagogique toute particulière, les édiles obtiennent que les clercs s’exécutent au terme du service dominical du 30 janvier 1791 – soit une date précoce au regard de la plupart des serments prêtés au cours du printemps 1791 –, devant les fidèles réunis. La municipalité Payan se tient en grande pompe autour des trois hommes d’Église. L’unité de la commune et sa soumission aux lois sont très clairement mises en scène lors de cette cérémonie. Néanmoins, dès les semaines suivantes, une opposition virulente à la politique religieuse conduite par les Constituants, et portée localement par la municipalité, se révèle au grand jour. Les édiles dénoncent la circulation d’« écrits séditieux, de lettres circulaires » et « le fanatisme et la mauvaise foi » de certains habitants qui détournent « les fonctionnaires publics de leur résolution et de leur empressement à obéir à la loi75 ». L’existence d’une solide opposition et la diffusion du bref Quod Aliquantum de Pie VI en mars 1791, condamnant la Constitution civile du clergé, encouragent les ecclésiastiques à renier leur serment le 9 mai. Cette rétractation s’inscrit dans un ensemble géographique plus ample de rejet de la Constitution civile du clergé, touchant surtout le sud du district de Montélimar, à la frontière d’un Haut Comtat qui y est majoritairement hostile76, mais isolé dans un quart Sud-Est, largement favorable au serment77. Le curé et ses vicaires sont soutenus par de nombreux chanoines déclassés et par certains proches de l’évêque, comme son ancien vicaire général et secrétaire particulier, Gayte. Ce dernier prend la tête de la défense de l’Église réfractaire quand la municipalité arrache presque le serment au vieux prélat sur son lit de mort. Le simultaneum, tolérant les offices réfractaires célébrés dans des lieux de culte secondaires dans l’optique d’apaiser les esprits, provoque l’effet inverse et renforce une opposition réfractaire qui se montre plus hardie. À partir de juin 1791, l’élection du curé constitutionnel, André Figeat, et l’annonce de son arrivée prochaine amplifient les manifestations d’hostilité des partisans du curé Solier.
39En soutenant publiquement le curé constitutionnel, la municipalité Payan se coupe d’une partie de la population tricastine. Les Payan incarnent tout particulièrement cette notabilité provinciale favorable à la Révolution. Charles-Joseph, le frère jumeau de Claude-François – l’abbé Payan –, vicaire de la Baume de Transit prête serment à la Constitution civile du clergé. Contrairement à ce qui a pu être affirmé par certains érudits locaux abusés par le piège de l’homonymie, aucun membre de la famille Payan n’a rejeté la Constitution civile du clergé. Joachim Payan, clerc réfractaire identifié par certains historiens78 comme l’un des enfants de François Payan, n’est, en réalité, absolument pas apparenté avec les Payan de Saint-Paul-Trois-Châteaux. C’est le frère d’un boulanger de Pierrelatte, sans liens directs avec la dynastie tricastine. Les Payan sont de sincères partisans de la cause révolutionnaire, à laquelle la famille paye son tribut, ce que ses adversaires ne peuvent que lui reprocher. La politisation de la crise religieuse favorise l’affirmation d’un « parti » structuré à la fois par le rejet de la nationalisation de la vie religieuse et par la convergence des oppositions au sein d’une fronde hostile aux hommes de l’hôtel de ville, Payan en tête. En assumant localement la défense de la religion traditionnelle, le petit noyau contestataire, formé autour de l’évêque déchu, saisit l’occasion inespérée d’élargir son audience et offre une nouvelle caisse de résonance à leur combat contre la municipalité. Le maire se retrouve désormais exposé sous le feu nourri des critiques ou des insultes qui attestent la célérité avec laquelle s’érode le pouvoir des Payan et de leurs alliés. Les femmes jouent les premiers rôles79. La question religieuse est un critère décisif de leur engagement politique80. Elles poussent parfois leurs époux à s’investir davantage dans le conflit religieux, quand elles ne prennent pas la défense de leur curé81. Ainsi, en juin 1791, Margueritte Volle s’emporte en pleine rue contre la venue du curé constitutionnel qu’elle entend chasser et « mettre la municipalité à la lanterne si elle s’en mêle et que le maire y passerait tout comme les autres82 ». Une autre, Marie Chaix, insulte Payan, s’estimant « plus instruite que le maire sur la Constitution civile du clergé83 ». À la fin du mois, les édiles sont contraints de dépêcher une cinquantaine de Gardes nationaux pour mater un tumulte orchestré par plusieurs femmes tentant de faire libérer l’une des leurs, jetée en prison pour rébellion et outrage à magistrats. L’opposition conduite par le « parti » réfractaire revêt également des formes plus organisées. Ainsi, l’administration Payan fait l’objet d’une procédure judiciaire, relative à une plainte déposée devant le tribunal du district de Montélimar. Joseph Solier, père du curé réfractaire et l’un des recteurs laïcs de la confrérie, lieu d’expression et de résistance des réfractaires et de leurs partisans84, accuse les édiles d’avoir dégradé volontairement l’église lors de l’enlèvement des bancs et des armoiries. Cet épisode fait grand bruit et « excite dans la ville à cette occasion des calomnies et de la rumeur contre la municipalité ou contre ses membres85 ». En agitant le spectre du sacrilège ou de l’athéisme – qui justifierait le zèle avec lequel les administrateurs font appliquer les lois religieuses –, le « parti » réfractaire tente de discréditer les édiles, tout en les délégitimant pour leur positionnement religieux. Si l’engagement des Payan au service de l’Église révolutionnée concrétise leur combat contre le fanatisme qu’ils abhorrent, il cristallise l’hostilité d’une partie de l’opinion publique qui songe fortement à les remplacer. À la veille du renouvellement d’une partie de la municipalité, dont le maire et le procureur, la ville est au bord de l’affrontement.
40En suivant de près les Payan, l’enquête montre que le bouleversement sans précédent que représente la Révolution n’est pas une fatalité. La grande réactivité des Payan leur permet de se réinventer rapidement en adaptant leur stratégie familiale à la nouvelle culture politique révolutionnaire. En changeant les règles du jeu, la Révolution crée un nouvel espace politique, totalement investi par les Payan et leurs alliés, mettant en concurrence deux modèles de notabilité : celle d’Ancien Régime, fondée sur la naissance et la fortune, et sa version révolutionnée, dont la légitimité émane des nouvelles formes d’engagement civique et de la capacité à être élu. En incarnant ces deux modèles et en mobilisant avec beaucoup d’habileté les individus qui gravitent autour d’eux, les Payan surclassent largement leurs concurrents et contrôlent, directement ou par le biais de leurs partisans, les principaux leviers du pouvoir local. Cette propension à fédérer autour d’eux – du moins jusqu’à la crise religieuse du printemps 1791 – et à jongler avec leurs différents réseaux autorise la famille à connaître une puissante mobilité politique. En l’espace d’un peu plus de deux ans, les Payan passent par le comité permanent, la municipalité, la Garde nationale, le département de la Drôme, la justice de paix et plusieurs fonctions électives (électeur du second degré). Ces diverses expériences fournissent aux Payan de multiples occasions de tisser de nouveaux liens qui confortent leur puissance et leur confèrent une envergure départementale plus importante. Néanmoins, la dégradation de la conjoncture politique érode le capital politique des Payan, s’affirmant comme les émissaires d’une Révolution qu’ils portent localement et dont ils défendent la politique religieuse. L’épreuve du serment clive la société tricastine, fracturant même la coalition qui a conduit Payan au pouvoir et provoquant une grave crise d’identité familiale. Au cours de l’été 1791, l’arène politique locale se recompose tandis que Saint-Paul-Trois-Châteaux est au bord de l’explosion.
Notes de bas de page
1Bouquet Brigitte, « La complexité de la légitimité », Vie sociale, no 8, 2014/4, p. 13-23.
2Les intermédiaires culturels, colloque du Centre méridional d’histoire sociale, des mentalités et des cultures (juin 1978), Aix-en-Provence, université de Provence, 1981.
3Les édits de mai 1788 réduisent les compétences des juridictions inférieures et des parlements, au profit de la restauration d’une cour plénière et de la création de 47 grands bailliages, Barbiche Bernard, « Réforme de Lamoignon (1788) », in Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime, Paris, Presses universitaires de France, 2010, p. 1056-1058.
4Chianéa Gérard, « Le parlement et la Chambre des comptes de Grenoble au xviiie siècle », in Jacques Poumarède et Jack Thomas (dir.), Les parlements de province. Pouvoirs, justice et société du xve au xviiie siècle, Toulouse, FRAMESPA, 1996, p. 453-467.
5Pour s’opposer à l’exil des parlementaires, les émeutiers se rendent chez les magistrats pour empêcher leur départ tandis que l’hôtel du gouvernement est mis à sac.
6Egret Jean, La pré-Révolution française, 1787-1788, Paris, Presses universitaires de France, 1962.
7BM Avignon, ms 4454, fo 77, lettre du 11 juin 1788.
8Chagny Robert, « De Vizille à Romans », in Vital Chomel (dir.), Les débuts de la Révolution française en Dauphiné, 1788-1791, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1988, p. 112-113.
9Egret Jean, Les derniers États de Dauphiné. Romans (septembre 1788-janvier 1789), Grenoble, Impr. Allier, 1942.
10BM Avignon, ms 4454, fo 84, lettre du 11 janvier 1789.
11Sgard Jean, « La Révolution dauphinoise dans la presse de 1788 », in Robert Chagny (dir.), Aux origines provinciales de la Révolution, textes réunis par, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1990, p. 245-254.
12Lefebvre Georges, La Grande Peur de 1789, Paris, Armand Colin, 2014 (1932).
13Cavard Pierre, La Grande Peur en Viennois, Vienne, Blanchard, 1988 ; Chomel Vital, « La Grande Peur et la Révolution des paysans dauphinois », in Vital Chomel (dir.), Les débuts de la Révolution française en Dauphiné, 1788-1791, op. cit., p. 175-200.
14Jones Peter, Liberty and Locality in Revolutionary France, Six Villages Compared, 1760-1820, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 100.
15Tackett Timothy, « La Grande Peur et le complot aristocratique sous la Révolution française », AHRF, no 335, 2004/1, p. 1-17.
16Chevalier Jules, Saint-Paul-Trois-Châteaux pendant la Révolution française, Valence, Jules Céas, 1910, p. 20.
17Ligou Daniel, « À propos de la Révolution municipale », Revue d’histoire économique et sociale, no 38, 1960/2, p. 146-177.
18AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, BB 19, délibération du 26 septembre 1785.
19Dupuy Roger, La Garde nationale, 1789-1872, Paris, Gallimard, 2010.
20Rance Karine, « Les nobles victimes de la Révolution ? », in Michel Biard (dir.), La Révolution française. Une histoire toujours vivante, Paris, Tallandier, 2010, p. 214.
21Bianchi Serge, La Révolution et la Première République au village. Pouvoirs, votes et politisation dans les campagnes d’Île-de-France, 1787-1800, Paris, CTHS, 2003, p. 387-393.
22AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, BB 19, délibération municipale du 8 août 1789.
23Ibid., 15 et 16 août 1789.
24Ibid., 22 août 1789.
25Meyzie Vincent, « Un temps d’orages et de Révolution à l’aune d’écrits du for privé : les anciens magistrats présidiaux confrontés à l’événement politique (1789-1799) », in Hugues Daussy et Frédérique Pitou (dir.), Hommes de loi et politique (xvie-xviiie siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2010, p. 179-200.
26Vovelle Michel, La découverte de la politique. Géopolitique de la Révolution française, Paris, La Découverte, 1993, p. 38-41.
27Alpaugh Micah, « Les émotions collectives et le mouvement des fédérations (1789-1790) », AHRF, no 372, 2013/2, p. 49-80.
28Bianchi Serge et Dupuy Roger (dir.), La Garde nationale entre nation et peuple en armes. Mythes et réalités, 1789-1871, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2006.
29Blondy Alain, « La commission des Réguliers (1766-1784). Un joséphisme à la française ? », in Stéphane-Marie Morgain (dir.), Libertas Ecclesiæ. Esquisse d’une généalogie (1650-1800), Toulouse, Parole et silence, 2010, 281-295.
30Ozouf-Marignier Marie-Vic, La formation des départements. La représentation du territoire français à la fin du 18e siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1992.
31AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, BB 19, délibération municipale du 29 novembre 1789.
32Christin Olivier, La cause des autres. Une histoire du dévouement politique, Paris, Presses universitaires de France, 2021.
33Godechot Jacques, Les institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, Paris, Presses universitaires de France, 1951, p. 105.
34AD 26, L 159, procès-verbal de l’assemblée primaire de Saint-Paul-Trois-Châteaux, 24-28 janvier 1790.
35Pierre Roger (dir.), 240 000 Drômois. Aux quatre vents de la Révolution, Valence, Notre Temps, 1989, p. 25.
36George Jocelyne, Histoire des maires, 1789-1939, Plon, Paris, 1989, p. 20.
37AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 5, délibération du 5 septembre 1790.
38Pierre Roger, 240 000 Drômois. Aux quatre vents de la Révolution, op. cit., p. 65.
39AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 5, délibération du 22 octobre 1790.
40Deschanel Boris, Commerce et Révolution. Les négociants dauphinois entre l’Europe et les Antilles (années 1770-années 1820), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2018.
41AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 5, délibération du 28 avril 1790.
42Ibid., 6 février 1790.
43AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 6, délibération municipale du 13 janvier 1791.
44Bolle Pierre, « Les protestants du Dauphiné et la Révolution », Bulletin historique et littéraire de la Société de l’Histoire du Protestantisme français, no 135, octobre-décembre 1989, p. 689-706.
45Moulinas René, Histoire de la Révolution d’Avignon, Avignon, Aubanel, 1986 ; Lapied Martine, Le Comtat et la Révolution française. Naissance des options collectives, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 1996.
46Soulas Nicolas, « Conflits, circulations et construction du politique : le midi de la France au prisme de la crise comtadine (1790-1792) », AHRF, no 398, 2019/4, p. 1-22.
47AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 5, délibération, 13 janvier 1791.
48Ibid., 20 et 22 janvier 1791.
49Aberdam Serge et al., Voter, élire pendant la Révolution française (1789-1799). Guide pour la recherche, Paris, CTHS, 2006.
50Gueniffey Patrice, Le nombre et la raison : la Révolution française et les élections, Paris, Éditions de l’EHESS, 1993, p. 335-343.
51Peyrard Christine, « Partis, factions, lignées et pouvoir local », Rives nord-méditerranéennes, no 1, 1998, p. 19-23 ; Peyrard Christine (dir.), Minorités politiques en Révolution, Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 2007.
52Edelstein Melvin, La Révolution française et la naissance de la démocratie électorale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2013, p. 382.
53AD 26, L 159, procès-verbal de l’élection des députés du second degré, 14 mai 1790.
54Belmonte Cyrile, Les patriotes et les autres : l’arrière-pays marseillais en révolution, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2011.
55Follain Antoine (dir.), Les justices locales dans les villes et les villages du xve au xixe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2006.
56Bianchi Serge, « La justice de paix pendant la Révolution. Acquis et perspectives », in Jacques-Guy Petit (dir.), Une justice de proximité : la justice de paix (1790-1958), Paris, Presses universitaires de France, 2003, p. 42-43 ; Métairie Guillaume, Justice et juge de paix de Paris (1789-1835). Étude institutionnelle et biographique, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2014, p. 157-160 ; Coquard Claude et Durand-Coquard Claudine, Société rurale et justice de paix : deux cantons de l’Allier en Révolution, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2001.
57Soulas Nicolas, « De la justice du seigneur à celle de la Nation ? Le personnel judiciaire seigneurial dans la tourmente révolutionnaire et au-delà », in Anne-Marie Cocula et Michel Combet (dir.), Châteaux et justice (xe-xxie siècles), Châteaux et justice, Ausonius Éditions, coll. « Scripta Mediaevalia », Bordeaux, 2019, p. 139-152.
58AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 6, délibération municipale, 22 décembre 1790.
59AD 26, L 165, procès-verbal de l’assemblée électorale de Chabeuil, 1790.
60AD 26, L 32-33, procès-verbal de l’assemblée électorale de Romans, 4-5 août 1790.
61AD 26, 356 J 126, lettre de François à Joseph-François, 13 novembre 1790.
62Ibid.
63Margadant Ted W., Urban Rivalries in the French Revolution, Princeton, Princeton University Press, 1992.
64Tanguy Jean-François, Le Bihan Jean et Lagadec Yann (dir.), Le canton. Un territoire du quotidien ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2009.
65AD 26, 356 J 126, lettre de François à Joseph-François, 13 novembre 1790.
66Le district d’Orange, correspondant à l’ancienne principauté d’Orange, a été intégré au département de la Drôme. Rapidement, les habitants protestent et sollicitent leur rattachement au département des Bouches-du-Rhône, ce qu’ils obtiennent en octobre 1790.
67AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 6, délibération municipale du 26 novembre 1790.
68AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 5, délibération municipale du 24 novembre 1790.
69AD 26, 356 J 126, lettre de François à Joseph-François, 26 novembre 1791.
70Ibid.
71Chaque ville d’importance tente de conserver, à défaut d’être promue, l’équivalent de ce qu’elle possédait auparavant, Bonnin Bernard, « De la province au département : problèmes, étapes », in Vital Chomel (dir.), Les débuts de la Révolution…, op. cit., p. 259-276.
72Duport Anne-Marie (dir.), Religion, Révolution, Contre-révolution dans le Midi, Nîmes, Éditions Jacqueline Chambon, 1990.
73Martin Jean-Clément, Religion et Révolution, Paris, Anthropos-Economica, 1994.
74Tackett Timothy, La Révolution, l’Église, la France. Le serment de 1791, Paris, Éditions du Cerf, 1986.
75AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 6, délibération municipale du 8 février 1791.
76Chevalier Jules, L’Église constitutionnelle et la persécution religieuse dans le département de la Drôme pendant la Révolution (1790-1801), Valence, Jules Céas et fils, 1919, p. 127.
77Cousin Bernard, Cubells Monique et Moulinas René, La pique et la croix. Histoire religieuse de la Révolution française, Paris, Centurion, 1989, p. 137.
78Eude Michel, « La commune robespierriste. L’arrestation de Pache et la nomination de l’agent national Claude Payan », AHRF, mars-avril 1935, p. 160.
79Martin Jean-Clément, La révolte brisée. Femmes dans la Révolution et l’Empire, Paris, Armand Colin, 2008.
80Mabo Solenn, Les citoyennes, les contre-révolutionnaires et les autres : participations, engagements et rapports de genre dans la Révolution française en Bretagne, thèse d’histoire sous la dir. de Dominique Godineau, université Rennes 2, 2019 ; Lapied Martine, « La fanatique contre-révolutionnaire, réalité ou représentation ? », in Luc Capdevilla, Sophie Cassagnes, Martine Cocaud, Dominique Godineau, François Rouquet et Jacqueline Sainclivier (dir.), Le genre face aux mutations. Masculin et féminin du Moyen Âge à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2003, p. 255-364.
81Lapied Martine, « Les Comtadines et la Révolution française : une défense prioritaire de l’identité religieuse ? », in Gabriel Audisio (dir.), Religion et identité, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 1998, p. 172.
82AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 9, affaires de police municipale, 9 juin 1791.
83Ibid.
84Chopelin Paul, Ville patriote et ville martyre. Lyon, l’Église et la Révolution, 1788-1805, Paris, Letouzey & Ané, 2010, p. 181 et suiv.
85AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 6, délibération municipale du 9 novembre 1791.

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