Chapitre I. (Re)construire l’identité familiale
p. 29-54
Texte intégral
1L’existence d’un fonds important d’archives privées offre l’opportunité d’observer les mécanismes permettant à une famille de nouveaux convertis de reconstruire sa notabilité1 et de redéfinir son identité sociale après le traumatisme provoqué par la révocation de l’édit de Nantes. En s’appuyant sur les renouvellements historiographiques récents de l’histoire sociale2 et de l’histoire de la famille3, il s’agit de mettre en évidence, sur deux générations – Benjamin-François (1682-1752) et François (1720-1794) –, les différents ressorts favorisant les processus ascensionnels d’une dynastie de serviteurs de l’État (mobilité professionnelle, constructions de liens de différentes natures, etc.), sans pour autant passer sous silence les difficultés rencontrées ou les échecs qui participent également à la construction de la trajectoire familiale des Payan4.
Reproduction et mobilité sociales
2Les Payan sont issus d’une très vieille lignée dauphinoise, présente à Saint-Paul-Trois-Châteaux depuis le xve siècle. Un ancêtre signe en 1408 l’acte de pariage établi entre le roi de France et l’évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux5. À la fin du xviie siècle, les ambitions de la famille se heurtent à la politique religieuse du roi de France et à une partie des catholiques de la communauté. Fervents protestants, les Payan n’abjurent que sous la contrainte de la révocation de l’édit de Nantes6. À l’aube du xviiie siècle, les Payan sont en perte de vitesse, exclus de toutes les strates du pouvoir local. Toutefois, les besoins financiers croissants de la monarchie leur permettent de reconstruire leur notabilité par l’acquisition d’offices de judicatures7, posant, dès lors, les bases d’une mobilité sociale plus importante.
La patrimonialisation de la justice locale
3Au xviie siècle, les Payan abandonnent le notariat pour l’office de procureur du roi au bailliage de Saint-Paul-Trois-Châteaux. En effet, l’institutionnalisation progressive de la vénalité des charges pousse de nombreux individus à investir dans les offices, accordant des privilèges fiscaux et honorifiques ou conférant, parfois, la noblesse8. Parce qu’elle offre encore à la fin de l’époque moderne une dignité sociale et une certaine autorité, une magistrature au bailliage reste convoitée par des individus en quête de notabilité9, désireux d’acquérir des offices peu onéreux, malgré l’étroitesse du ressort de celui de Saint-Paul-Trois-Châteaux10. Après la conversion forcée de la famille au catholicisme, les Payan convoitent l’office local de judicature le plus important. Cette stratégie se dessine très nettement au tournant du xviiie siècle lorsque Benjamin-François (1682-1752) fait l’acquisition de la charge de vibailli et juge royal de Saint-Paul-Trois-Châteaux11.
4Après des études classiques en droit à l’université de Valence, Benjamin-François est reçu avocat au bailliage de Saint-Paul-Trois-Châteaux en 1703. D’abord nommé bailli du comte de Grignan en 170912, il achète le 9 novembre 1711 l’office de conseiller du roi, vibailli et juge royal de Saint-Paul-Trois-Châteaux, à Joseph Serre pour 4 999 livres. Cette acquisition offre davantage de stabilité à Benjamin-François que l’exercice de la justice seigneuriale, dont l’attribution dépend uniquement du bon vouloir du seigneur. L’opportunité représentée par la mort de l’ancien vibailli et la baisse du prix des offices au début du xviiie siècle permettent à la famille de gravir une étape dans la hiérarchie des honneurs en captant l’office local le plus prestigieux. Toutefois, en vertu du pariage de 1408, l’exercice de la justice est partagé avec l’évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux, comte et seigneur de la ville. Si les prérogatives de ce dernier ont été partiellement réduites, il demeure une puissance temporelle et spirituelle majeure en Tricastin. Depuis 1408, la justice alterne, tous les deux ans, entre bienne royal et seigneurial, au cours desquels chaque seigneur investit ses propres officiers. Cette particularité et l’étroitesse de la juridiction expliquent le prix, relativement attractif, de l’office de vibailli royal. Pour ne pas se retrouver sans activité lors du bienne épiscopal, Benjamin-François parvient à se faire investir de la fonction de bailli épiscopal en 1715 par l’évêque Maurel du Chaffault (1714-1717). Ses successeurs de Simiane de Gordes (1717-1743) et de Reboul de Lambert (1743-1791) le confirment dans ses fonctions. Ainsi, de 1715, à sa mort en 1752, Benjamin-François cumule sans discontinuité les fonctions de vibailli et de juge épiscopal. Si la justice locale y a certainement gagné en qualité dans le suivi des affaires, les Payan sont devenus en l’espace d’une génération des acteurs locaux majeurs dans le paysage tricastin. Benjamin-François, nouveau converti, a su faire oublier ses racines protestantes et reconstruire une notabilité locale importante en devenant un officier « moyen13 ».
5Benjamin-François parvient à transmettre la fonction de vibailli à son fils François (1720-1794). La patrimonialisation des offices constitue un élément essentiel des stratégies familiales des notables d’Ancien Régime, favorisant ainsi la reproduction sociale14. François Payan a suivi le même cursus classique que son père. Promis au droit, il intègre l’université d’Orange en 1735, malgré sa très mauvaise réputation15 et obtient sa licence de droit en 1739. En août 1740, le jeune licencié est reçu avocat au bailliage de Saint-Paul-Trois-Châteaux16, puis intègre brièvement le très prestigieux corps des avocats consistoriaux de Grenoble en 175117. Ces juristes forment l’élite de l’ordre des avocats. Ils sont soigneusement triés sur le volet, après sept années de pratiques du droit, selon leur talent et leur probité, et, surtout, des logiques claniques, plutôt que selon leur fortune ou leur âge18. L’appartenance à ce corps confère la noblesse personnelle19 et offre de nombreux privilèges. L’agrégation à la sphère consistoriale, véritable antichambre du parlement durant les premières décennies du xviiie siècle, constitue le but de nombreux juristes ambitieux dauphinois20. À la veille de la mort de Benjamin-François, François n’est pas suffisamment inséré dans les réseaux grenoblois pour envisager l’achat d’une charge au parlement. Dès lors, les Payan s’assurent la mainmise sur le bailliage de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Naviguant entre Grenoble et Saint-Paul-Trois-Châteaux, François épaule son père dans ses dernières années et obtient une parfaite connaissance des affaires locales. Pour les Payan, l’enjeu essentiel ne réside pas tant dans la transmission de l’office de vibailli que dans la pérennisation du contrôle de la justice épiscopale, dont l’attribution ne dépend que du bon vouloir du seigneur. C’est là que les excellentes relations construites par le père avec le seigneur-évêque assurent au fils une totale continuité dans les fonctions judiciaires. Ainsi, à la mort de Benjamin-François, en 1752, François parvient à concentrer entre ses mains justice épiscopale et justice royale. Cette passation des pouvoirs, de père en fils, atteste l’importance des Payan et fortifie leurs assises sociales. François conserve une totale mainmise sur la justice locale sans discontinuité jusqu’en 1771. Le capital familial accumulé par Payan ne permet pas seulement la reproduction sociale : il favorise également des formes de mobilités ascendantes.
Subdélégué de l’intendant
6Une belle opportunité s’offre aux Payan avec la création de la subdélégation de Saint-Paul-Trois-Châteaux, détachée du département de Montélimar en 1753. Cette création confirme la prépondérance acquise par la famille. Le monde judiciaire local constitue un vivier de choix pour les subdélégations21. Leur attribution sanctionne à la fois l’appartenance à un réseau de relations, remontant jusqu’à l’intendant, de réelles aptitudes administratives mais également une excellente connaissance du terrain. En effet, le subdélégué a la double tâche d’informer l’intendant et de relayer l’autorité royale dans son ressort22. La fonction est loin d’être une sinécure car elle expose son titulaire aux critiques de l’opinion publique qui peuvent conduire à sa destitution.
7Les quelque vingt années passées à la tête de la subdélégation de Saint-Paul-Trois-Châteaux sont trop mal documentées pour que nous puissions esquisser un bilan de l’œuvre administrative de Payan23. La dégradation des relations franco-pontificales et les velléités expansionnistes françaises en direction des enclaves pontificales, offrent à Payan l’occasion de s’affirmer, en secondant efficacement l’intendant sur le terrain. Ainsi, en décembre 1755, François est nommé commissaire du roi, suppléant l’intendant de la Porte, chargé de régler à l’amiable les délimitations frontalières entre le Dauphiné et le Comtat24. Cheville ouvrière de l’intendance, le subdélégué multiplie les déplacements, à la rencontre des différents acteurs, et inonde le bureau de l’intendant de nombreux mémoires, le renseignant avec précision sur les différents enjeux locaux. Les intendants qui se succèdent en Dauphiné louent les capacités administratives de Payan, sa précieuse expertise et, surtout, sa grande diligence à s’acquitter de ses diverses tâches.
8Après des relations orageuses, ayant débouché sur deux occupations françaises en 1662-1663 et 1688-1689, les rapports entre le roi de France et le pape se tendent à nouveau au xviiie siècle. Sur fond de conflit opposant Louis XV et le souverain pontife au sujet des jésuites et du duché de Parme, le roi de France occupe Avignon et le Comtat en juin 176825. Contrairement aux deux précédentes occupations, la monarchie envisage, cette fois, l’annexion définitive de l’enclave pontificale. La crise de 1768-1774 constitue un moment privilégié pour appréhender la manière dont Payan exploite habilement sa fonction pour se mettre en avant et se rendre indispensable.
9Alors que des commissaires du parlement de Provence font des démarches pour intégrer Avignon et le comtat Venaissin à la Provence, le subdélégué Payan écrit, de sa propre initiative, une longue lettre à l’intendant du Dauphiné, Pajot de Marcheval, au premier président du parlement et au procureur général, pour leur dénoncer ces manigances et les inciter à convaincre le roi de partager équitablement ces territoires entre le Dauphiné et la Provence. Fort de son excellente connaissance du terrain, Payan liste les multiples avantages économiques, judiciaires et fiscaux qui justifient l’incorporation au Dauphiné du Haut Comtat et des communes limitrophes de la principauté d’Orange : « J’ai cru que vous ne trouveriez pas mauvais que j’ai l’honneur de vous proposer pour le bien de la province ces idées générales que je pourrai présenter avec plus de détails et d’étendues relativement à mes connaissances26. » Sensible aux arguments et se remettant entièrement à l’expertise de Payan, le procureur général, Vidaud de La Tour, lui répond favorablement, dès le 18 juin : « Voyez avec quel empressement j’accepte l’offre que vous me faites. Personne n’est plus capable que vous de rédiger les mémoires dont j’ai besoin et ma confiance est si bien établie en vos lumières que je ne me croirais pas bien instruit si je ne l’étais par vous27. » Tout au long de l’automne 1768, Payan s’attelle à la rédaction des mémoires28 qui sont relayés jusqu’à Paris, où ils attirent l’attention des ministres. En réalité, son projet ne voit jamais le jour. Après la dissolution de l’ordre des Jésuites, les relations franco-pontificales se normalisent et le roi de France rétrocède Avignon et le Comtat au pape au printemps 1774.
10Le zèle dont fait preuve Payan « pour cette auguste compagnie et pour le bien de la province29 » est très intéressé. Chapeautant l’une des plus petites subdélégations et le plus petit bailliage dauphinois, François a très rapidement compris l’avantage qu’il pouvait tirer de l’incorporation d’une partie du Comtat au Dauphiné. En mobilisant le parlement et l’intendant, il espère que son dévouement et sa fidélité, très remarqués, soient récompensés par un redécoupage, à son avantage, des circonscriptions judiciaires ou administratives qu’il préside. C’est, en tout cas, ce que lui laisse entrevoir le procureur général Vidaud de la Tour lorsqu’il évoque la possibilité de rattacher à la subdélégation de Saint-Paul-Trois-Châteaux les terres adjacentes de Provence limitrophes ou enclavées dans le Comtat (Mondragon, Grignan, etc.) et, surtout, « de rendre le plus petit bailliage de la province aussi grand qu’il était possible qu’il devrait l’être pour l’homme qu’il a l’avantage d’avoir à sa tête30 ». En élargissant les ressorts de sa subdélégation et de son bailliage, Payan gagnerait en importance et, surtout, réaliserait une excellente affaire puisque ses émoluments augmenteraient sensiblement, ce que sous-entend un correspondant de Payan lui affirmant qu’il « serait injuste d’enrichir des officiers qui n’appartiennent point au roi31 ». Au-delà de cet intérêt matériel, Payan espère surtout s’attirer les faveurs des milieux parlementaires, dont il reste proche, et être remarqué par de hauts personnages, dont l’appui peut s’avérer décisif dans l’évolution de sa carrière. La clairvoyance et la fidélité, sans faille, dont a fait preuve Payan ont été très appréciées par les élites dauphinoises comme l’atteste l’intendant Pajot de Marcheval qui évoque « […] le bon effet que cette marque de zèle a déjà produit ici pour vous. Cela m’a fourni une occasion naturelle de faire part à Monsieur de Bérulle [premier président du parlement de Dauphiné] de ce que je savais de toutes les ressources que M. de la Porte [ancien intendant] avait trouvées en vous dans les occasions et dans celles qu’y trouve son successeur32 ».
11Pour la famille Payan, la subdélégation marque véritablement une étape essentielle de sa reconstruction sociale. La fonction apporte un complément financier loin d’être négligeable tandis qu’elle confère une stature plus importante. Surtout, en intégrant le cercle d’intimes de l’intendant et en entretenant un dialogue constant avec les principales élites grenobloises, les Payan se rapprochent des hautes sphères du pouvoir provincial et des faveurs qui peuvent en résulter, comme l’intégration exceptionnelle à des cours souveraines.
Le parlement Maupeou : une opportunité ascensionnelle inespérée
12Au crépuscule du règne de Louis XV, la réforme Maupeou (1771-1774), donne un formidable coup d’accélérateur à la carrière administrative de François Payan, à une époque où le monde de l’office « moyen » de judicature est traversé par une crise d’identité sévère33. Pour briser la résistance des parlementaires, le chancelier Maupeou restructure en profondeur le monde judiciaire. La vénalité des offices parlementaires est abolie, la justice est déclarée gratuite tandis que les parlements voient une partie de leurs prérogatives réduites. Le parlement de Dauphiné34 est moins durement touché que le parlement de Paris, dont le ressort est fortement réduit et la composition totalement renouvelée. Vingt et un magistrats dauphinois sur 65 sont exilés tandis que 12 autres démissionnent pour témoigner leur soutien à leurs collègues35. Pour remplacer les démissionnaires, le premier président du parlement, Jean-Jacques Vidaud de la Tour36, fait appel à des nobles de race, maintenant l’idéal d’un recrutement nobiliaire et héréditaire partagé par de nombreux parlementaires dauphinois. Face aux pressions du chancelier Maupeou, Vidaud élargit toutefois la sphère parlementaire à des avocats consistoriaux et surtout, à des juges provinciaux, au détriment de la noblesse récente. Les quatre quartiers de noblesse exigés sont abandonnés. Les seules conditions requises sont d’avoir 25 ans et d’avoir exercé pendant cinq ans un office de judicature. L’expérience et le talent supplantent, dans l’esprit de la réforme, le privilège de la naissance. Toutefois, ces roturiers talentueux sont minoritaires (5 sur 13 nouveaux magistrats), d’autant plus que maints parlementaires se montrent particulièrement dédaigneux envers les officiers de juridictions inférieures. Vidaud de la Tour, lui-même, pointe leur manque de lumières, leur difficulté à se démettre de leur office et surtout leur modeste condition matérielle, inconciliable avec l’état parlementaire qu’ils ne sont pas en mesure d’honorer. Néanmoins, Vidaud fait une exception avec Payan. Son important réseau, ses compétences administratives, et la renommée que lui a apportée son ambitieux projet de partage du Comtat « lui donnaient une sorte de crédit et de considération dans son pays37 ». L’excellente réputation professionnelle dont jouit Payan – « le meilleur juge sans contredit de toute la province38 » – pousse Vidaud à intégrer ce magistrat second prometteur, dont il a déjà pu éprouver la fidélité et les qualités administratives. Ainsi, bénéficiant des effets de la politique royale d’ouverture des milieux parlementaires à des familles d’officiers « moyens », Payan est reçu conseiller au parlement le 8 février 1772. Il faut toutefois préciser qu’il ne figurait pas dans la première fournée de parlementaires pressentis. Le fort contingent de démissionnaires favorise le reclassement d’individus qui, en temps normal, n’auraient jamais pu espérer une élévation si rapide39.
13L’entrée au parlement parachève la mobilité familiale que Benjamin-François avait impulsée. En l’espace de deux générations seulement et en sachant tirer profit de circonstances exceptionnelles, les Payan sont parvenus à s’agréger aux plus hautes sphères de la justice provinciale. Si l’on s’en réfère aux parcours des familles ayant intégré le parlement avant la réforme Maupeou, l’élévation de la famille Payan est deux fois plus rapide que pour les autres lignées. Avec ce poste de conseiller au parlement, conférant la noblesse au premier degré, les Payan touchent au but. Fort de l’appui de Vidaud de la Tour, Payan obtient du chancelier Maupeou que, eu égard à son âge avancé – 52 ans –, il puisse transmettre la noblesse à son héritier en cas de décès, sans attendre les vingt années d’exercice normalement requises40. Outre le prestige qu’il confère, la réussite sociale qu’il concrétise, ce nouvel état donne à la famille une envergure provinciale importante41. C’est en ce sens qu’il faut interpréter la délégation municipale venue féliciter François à son domicile au début du mois de mars 177242. Sa nomination au parlement de Dauphiné étant incompatible avec son office de vibailli, il cède la charge et la fonction de subdélégué, à son neveu Paul-François-Joseph d’Audiffret pour 6 000 l. Ainsi, de 1711 jusqu’à la réorganisation judiciaire de 1790, la plus haute magistrature locale reste confisquée par le même lignage.
14Au parlement de Dauphiné, Payan siège parmi les « remanants », partisans du coup de force Maupeou parmi lesquels se trouvent des amis de longue date, tels que les Chièze, les Sauzin, ou Moreau de Vérone – qui l’ont très certainement appuyé auprès de Vidaud de la Tour – et retrouve également certains de ses anciens collègues consistoriaux. Payan figure parmi les parlementaires les plus assidus, présents à la plupart des enregistrements. Comme ses collègues nommés en 1772, Payan s’installe à proximité des parlementaires qui les soutiennent. Ainsi, François loge dans l’hôtel du conseiller Gallien de Chabons, beau-frère du premier président du parlement Maupeou, Vidaud de la Tour, l’un de ses protecteurs. Néanmoins, comme les autres conseillers Maupeou, François est dénigré par les parlementaires exilés ou démissionnaires qui considèrent les nouveaux venus comme des intrus. Les « remanants » sont la cible de libelles ou de placards injurieux qui épinglent particulièrement Payan, dépeint comme « un petit homme bouffi de suffisance et d’orgueil43 ». Ses détracteurs raillent violemment son arrogance : « À peine fut-il assis sur les fleurs de lys qu’il arma son fils d’une longue épée et qu’il le fit conduire au collège dans une chaise à porteur. » Le Journal de la réintégration du Parlement indique, non sans mordant, que « son importance, ses fanfaronnades, lui ont attiré des désagréments, des sarcasmes, des affiches à sa porte44 ».
15Si les Payan sont aux portes du second ordre, ils n’en franchissent jamais le seuil. En effet, leur expérience parlementaire reste éphémère. La disgrâce de Maupeou en 1774 s’accompagne du rappel des parlementaires exilés. Le parlement de Dauphiné est rétabli en 1775 et les conseillers Maupeou sont remerciés. Ses détracteurs ne manquent pas de souligner avec quel dépit François accueille la restauration du parlement, torpillant ses ambitions45. Contrairement à de nombreux partisans du roi déchus, Payan n’est pas oublié par la monarchie46. Grâce aux sollicitations de Vidaud de la Tour, une gratification de 5 000 l. lui est versée en guise de dédommagement tandis qu’en juillet 1775, Payan reçoit une indemnité, sous forme d’une pension de 1 500 l., bientôt portée à 2 500 l., pour avoir été vibailli de Saint-Paul-Trois-Châteaux47. Si son passage au parlement est bref, il est toutefois suffisant pour consacrer la notabilité de François Payan qui se fait désigner dans tous les documents officiels comme « ancien conseiller au parlement ». Cette titulature lui permet surtout d’entretenir l’ambiguïté de son appartenance à la noblesse.
La construction de la maison Payan
16Pour de nombreuses familles bourgeoises, la noblesse constitue encore au xviiie siècle un idéal de promotion sociale. Divers travaux ont révélé l’existence de multiples stratégies déployées par les individus pour intégrer le second ordre48. Suivre l’itinéraire de la famille Payan permet d’apporter un regard neuf sur les ressorts de ces tentatives d’intégration passant par l’assimilation et l’adoption des codes et des modes de consommation du second ordre, mais également par des pratiques plus frauduleuses pour fonder une maison49.
Concentration foncière et identité nobiliaire
17L’un des éléments importants de la stratégie d’assimilation des Payan au second ordre réside dans la concentration foncière50, constituant encore l’un des idéaux de la noblesse d’Ancien Régime. L’étude des actes notariés et des papiers de famille révèle la concomitance de l’accroissement du patrimoine avec l’acquisition de l’office de vibailli faite par Benjamin-François. Ce dernier multiplie les achats de terres sur le terroir de Saint-Paul-Trois-Châteaux ou dans les paroisses voisines. Ainsi, en 1713, il achète à l’une de ses parentes la grange de La Valette, ainsi que son tènement, composé d’un peu plus de neuf salmées (environ 9 ha51). Pendant presque trente ans, Benjamin-François agrandit progressivement le domaine par le remembrement de plusieurs parcelles voisines. En 1739, le domaine de La Valette s’étend sur presque 14 hectares de bonnes terres. À ce dernier se greffent d’autres propriétés de moindre importance, comme celle située au quartier des Lones, dont elle prend le nom. Ce petit domaine, acheté en 1723, s’étale sur presque deux hectares. Enfin, il faudrait rajouter quelques parcelles éparpillées dans le terroir, comme la terre de Freycinet et celles, non comptabilisées, possédées sur des terroirs voisins, pour prendre toute la mesure du poids grandissant de la famille. Au soir de sa vie, Benjamin-François compte parmi les plus importants propriétaires fonciers du terroir, possédant plus de 20 ha en bien-fonds. L’enrichissement du vibailli se perçoit également à travers l’évolution de sa cote de capitation. Taxé pour 34 l. en 1711, il doit verser 68 l. en 1746 et 123 l. (vingtième compris) en 1751.
18À la mort de son père, François bénéficie d’une situation familiale exceptionnelle. N’ayant pas eu d’autres fils, Benjamin-François est parvenu à transmettre à son héritier un patrimoine foncier intact. En outre, trois des cinq sœurs de François sont entrées en religion. Les deux sœurs restantes ont été mariées à des « officiers moyens ». Ces alliances endogamiques n’ont pas trop affaibli les finances de la famille. Payan transforme habilement l’héritage paternel et le fait fructifier. Les renseignements fournis par le registre des contribuables soumis au vingtième en 1756-1758 révèlent la hiérarchie foncière tricastine52. Sur un total de 327 contribuables, la moyenne de la propriété foncière s’élève à 4,65 saumées, soit presque 5 ha. La médiane (2 saumées) atteste l’écrasante surreprésentation des micropropriétaires. Avec des bien-fonds estimés à environ 22 saumées, les Payan figurent parmi les 4,5 % de contribuables qui se partagent presque la moitié du terroir.
19En l’espace d’une quarantaine d’années, François triple son patrimoine foncier de départ. Cet accroissement se déroule en deux temps. Les années 1750-1771 sont les plus fastes. C’est au cours de ces deux décennies que les achats sont les plus nombreux et les plus importants. Comme son père, il agrandit les parcelles familiales par petits achats successifs qui excèdent rarement les 300 à 400 l. En premier lieu, il augmente le domaine de La Valette qui avoisine les 30 ha à la veille de la Révolution française. C’est l’un des plus grands fonds du terroir de Saint-Paul-Trois-Châteaux. En parallèle, Payan constitue trois autres domaines d’importance variable. En 1758, il fait l’acquisition d’un moulin et son tènement au quartier de l’Urre pour 29 000 l. Comme pour le fonds de La Valette, le domaine de l’Urre est peu à peu agrandi par remembrements pour atteindre presque 16 ha. Deux autres domaines plus petits sont agrandis (des Lones, environ 7 ha) ou constitués (L’Étang, un peu plus de 8 ha).
20L’élévation de François au parlement de Dauphiné suspend un temps ses acquisitions foncières dans le terroir. Sans doute, envisageait-il de se constituer un autre patrimoine aux alentours de Grenoble mais la disgrâce de Maupeou l’oblige à retourner à Saint-Paul-Trois-Châteaux. Les registres de notaires indiquent une reprise des achats fonciers autour de 1776-1779. En revanche, la décennie 1780 s’avère beaucoup plus calme. En 1780, Payan est sexagénaire. Il prépare de plus en plus Joseph-François, son fils aîné, à lui succéder dans les affaires familiales et cherche à lui transmettre un patrimoine intact. Surtout, c’est à cette époque qu’il songe acquérir un office supérieur pour Joseph-François. Cet objectif suppose de réduire les acquisitions foncières pour économiser une partie du capital. Fort de son imposant patrimoine, François Payan peut transmettre un très confortable héritage à ses enfants, comme l’atteste l’hoirie de Joseph-François. Le 8 août 1787, Payan lègue à son fils plusieurs fonds de terre (10 éminées au quartier de l’Étang, 14 éminées au quartier des Lones, 2 salmées d’oliviers et de vergers, et un petit domaine à la Garde-Adhémar d’environ 9 éminées) estimés à presque 6 000 l. À sa mort en 1794, Payan laisse à sa femme des biens immobiliers et fonciers d’une valeur d’environ 46 000 l. et un patrimoine foncier estimé à plus de 60 ha53. Si François Payan est devenu l’un des trois plus gros propriétaires fonciers du Tricastin, il reste encore loin derrière la plupart des parlementaires dauphinois, dont les plus riches possèdent jusqu’à plusieurs centaines d’hectares54.
21Outre un accroissement sensible du patrimoine économique, la poursuite de la concentration foncière impulsée par Benjamin-François participe à la stratégie familiale de construction nobiliaire de la maison Payan. En effet, la constitution de différents domaines sur le terroir de Saint-Paul-Trois-Châteaux s’accompagne par l’ajout au patronyme, de chaque enfant, d’un tènement qui façonne peu à peu l’identité de chaque rameau des Payan et, surtout, ajoute un vernis supplémentaire de noblesse à une famille qui n’a pas pu faire l’acquisition d’une seigneurie55. Ainsi, Joseph-François prend dans les actes notariés le nom de Payan-Dumoulin, les jumeaux, Claude-François et Charles-Joseph, sont respectivement désignés sous le nom de La Valette et de Valeton tandis que le benjamin de la fratrie, Esprit-Joseph, répond au nom de Payan Deslones. François Payan renforce ainsi l’identité nobiliaire de sa famille56. Cette dernière passe également par la maîtrise ostentatoire des codes et des modes de consommation du second ordre.
Paraître noble
22Contrairement à son père qui n’a jamais usurpé la noblesse – sans doute parce que son niveau social ne le lui permettait pas –, François tente par tous les moyens de s’agréger au second ordre, y compris en empruntant des voies buissonnières. Une rupture dans la construction et dans la représentation idéologique de la famille semble s’opérer autour de la décennie 1760 lorsque Payan tente de forger une nouvelle image de la lignée en lui inventant une origine aristocratique57. L’existence d’une branche cousine, les Payan de la Garde, anoblie au début du xviie siècle et maintenue dans sa noblesse en 1670, lui permet d’entretenir une certaine ambiguïté et de revendiquer ostensiblement son appartenance au second ordre. Payan abuse de la particule dans les actes officiels et se qualifie volontiers de « noble » ou d’« écuyer58 », ce que l’on ne retrouve dans aucun document concernant ses ancêtres, dont son propre père, désigné comme « maître Payan » dans son dernier testament en 1752. Il en est de même pour son grand-père, lors de son émancipation en 1675. Il n’y a aucune once de noblesse parmi ses ascendants directs.
23Pour donner plus de crédit à ses prétentions, Payan obtient un serment de son cousin Payan de la Garde qui, en 1761, atteste devant notaire qu’ils appartiennent à deux rameaux différents provenant d’une même tige nobiliaire remontant au xve siècle59. Cette déclaration est contresignée par deux nobles issus d’une noblesse immémoriale, le comte de Castellane et son beau-frère, Jean-Louis d’Anglejean, choisis comme témoins et dont la présence vise à apporter une caution supplémentaire à la stratégie des Payan. Dix ans plus tard, un bref passage par le parlement Maupeou renforce les prétentions nobiliaires des Payan. En outre, bénéficiant de la complaisance de son ami, le notaire Béraud, François tente de falsifier les actes notariés de ses ancêtres. Si cette ambigüité a trompé plusieurs érudits locaux qui ont trop rapidement classé cette branche de la famille parmi les nobles dauphinois, le généalogiste du roi Chérin ne se laisse pas abuser. Son acuité d’expert décèle rapidement la supercherie, comme l’atteste le commentaire lapidaire concluant ses recherches en novembre 1787 : « Les actes marqués d’une croix rouge sont suspects60. » Payan est sommé « de faire la recherche des protocoles » mais le déclenchement du processus révolutionnaire enterre définitivement ses prétentions nobiliaires.
24Le paraître noble repose également sur d’importantes dépenses somptuaires qui permettent aux Payan de tenir le rang auquel ils prétendent. En premier lieu, Payan multiplie les achats symboliques, matérialisant dans le paysage urbain la réussite de la famille et ses prétentions. En 1761, après avoir vendu à l’apothicaire Joseph Solier pour 4 900 l. l’hôtel particulier hérité de son père, comprenant une maison bourgeoise, des écuries, un grenier et un four61, François rachète le très imposant hôtel des Narbonne-Pelet-Fritzlar, ainsi que deux bancs d’église et un caveau pour 6 000 l. Cette acquisition prestigieuse permet à la famille de rivaliser avec les meilleures lignées du cru qui, possédant toutes leur propre hôtel particulier, étalent leur richesse avec ostentation62. L’achat de l’hôtel particulier ennoblit les Payan avant leur anoblissement par charge, dernière étape de la stratégie familiale.
25Le train de vie des Payan n’a rien à envier à celui d’autres familles nobles provinciales. S’ils ne roulent pas carrosse et n’affichent pas un luxe tapageur, l’inventaire après décès des biens détenus par Marthe Isoard, veuve Payan, atteste tout de même une certaine aisance. Cette source très postérieure (1822), utilisée en l’absence de documents plus anciens, ne prétend pas recenser avec exactitude l’intégralité du patrimoine des Payan à la fin du xviiie siècle. En effet, ce dernier a été amoindri par la Révolution au cours de laquelle la famille a vu ses biens confisqués et, en partie, vendus. Reste que cet inventaire permet d’entrer dans l’univers matériel des Payan. La porcelaine et la vaisselle en argent63 sont réservées pour les services d’apparat. La faïence blanche, très nombreuse, est utilisée pour l’ordinaire. Un important linge de maison usagé (60 serviettes, 7 nappes), de nombreux ustensiles de cuisine diversifiés et les vestiges d’un abondant et raffiné mobilier de salon ramènent à un passé, désormais révolu, marqué par les réceptions et les soirées mondaines. S’il confirme l’appartenance des Payan aux élites provinciales, l’ensemble des biens est loin d’égaler le luxe de nombreux parlementaires grenoblois (44 nappes à la Venise et 40 douzaines de serviettes assorties pour le conseiller de Chaléon)64. La présence d’une domesticité nombreuse est également un bon indicateur du niveau de richesse des individus. En octobre 1783, Payan engage un quatrième domestique, ce qui le rapproche davantage du train de vie des présidents à mortier du parlement de Besançon (4,6 domestiques en moyenne) que des simples conseillers (3,1)65.
26À la veille de la Révolution française, les Payan ont réussi à construire de manière purement fictive une « maison » en affublant le rameau familial d’une ascendance noble qu’ils ont totalement usurpée. Cette construction identitaire repose également sur l’élaboration d’un réseau tentaculaire de relations de différentes natures qui concourent à renforcer la notabilité et la puissance de la famille.
Aux sources de la notabilité : un enchevêtrement de liens et de réseaux
27Les renouvellements historiographiques ont montré toute la pertinence de l’utilisation de l’analyse réticulaire en histoire sociale66. Néanmoins, les études mobilisant le concept de réseaux se sont surtout bornées à inventorier leurs différentes composantes pour, in fine, tracer des liens, parfois un peu superficiels, entre les acteurs. Les travaux les plus récents invitent à dépasser cette approche, en précisant la densité des liens générés par les individus, et à croiser les sources pour mieux appréhender les formes de réciprocité qui structurent et donnent tout leur sens aux réseaux. La qualité et la grande variété de la documentation conservée autorisent une telle démarche pour notre enquête et lui donnent plus de profondeur, en révélant les différents réseaux dans lesquels s’imbrique la famille67. Au-delà des différents « fronts de parenté68 », les écrits du for privé et les registres de notaires69 dévoilent l’existence d’une nébuleuse complexe d’individus, au profil très hétéroclite, qui gravite autour des Payan et avec lesquels ils construisent et entretiennent des rapports plus ou moins étroits qui renforcent la notabilité, la puissance de la famille et son identité nobiliaire. Surtout, la correspondance échangée entre François et Joseph-François, son fils aîné, révèle les usages et les stratégies qui sous-tendent la construction de ces liens70.
Stratégies matrimoniales, compérages et amitiés : mobilité et identité sociales en construction
28L’analyse de l’évolution de la politique matrimoniale et des stratégies de compérage déployées par les Payan ainsi que des amitiés nouées par François permet d’appréhender les mécanismes de la mobilité sociale et la construction de la nouvelle identité qu’ils tentent de donner à leur famille.
29Benjamin-François, huitième enfant de Gédéon Payan et de Louise de Sibert de Montières (fille d’un procureur général du parlement d’Orange), doit se contenter d’un mariage bourgeois. Il épouse en 1708 Élisabeth Niel, une nouvelle convertie originaire de Vinsobres. Cette alliance témoigne de la volonté de rapprochement de deux familles qui partagent les mêmes trajectoires sociales et religieuses. En revanche, Benjamin-François parachève la stratégie matrimoniale de son père (mort en 1689) qui consiste à contracter des alliances avec les différentes familles officières du bailliage de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Deux de ses sœurs, Christine et Marie-Rose, épousent respectivement Daniel Niel (fils du procureur du roi au bailliage) en 1696 et Paul Arnaud (procureur au bailliage) en 1704. Ces unions renforcent la présence des Payan dans la sphère officière locale. La stratégie matrimoniale de Benjamin-François favorise plus particulièrement le rapprochement avec les d’Audiffret, une famille d’officiers en voie d’anoblissement. À la fin du règne de Louis XIV, les d’Audiffret comptent parmi les lignages les plus importants du terroir. Esprit d’Audiffret, riche doyen des avocats du bailliage, a fait l’acquisition de l’office de maire perpétuel de la ville et de celui de lieutenant-général de police de Saint-Paul-Trois-Châteaux, charge transmise après sa mort en 1740 à son neveu, l’écuyer Paul d’Audiffret. Les d’Audiffret constituent, par conséquent, un très bon parti pour les Payan. Le 28 août 1742, les deux familles s’unissent par le mariage de Paul d’Audiffret avec Thérèse-Gabrielle Payan. Cette dernière apporte 10 000 l. de dot à son époux, somme sans commune mesure avec les dots des plus grandes familles dauphinoises mais qui surclasse très nettement la dot moyenne tricastine. L’autre fille de Benjamin-François, Marie-Rose, épouse en 1734 Aymard Charbonnier, conseiller au baillage de Montélimar. Ce mariage homogamique conforte l’appartenance des Payan au monde des officiers « moyens ».
30Lorsque Benjamin-François meurt en 1752, son fils n’est pas encore marié. Cependant, la considération dont jouit la famille lui permet de réaliser un bien meilleur mariage que son père. François s’unit le 9 février 1753 à Marthe Isoard, fille d’un trésorier de France et juge mage de l’évêque de Die. Cette dernière lui apporte en dot la coquette somme de 26 000 l.71. Si une telle dot confirme l’importance grandissante des Payan qui se distinguent très nettement du commun des habitants de la province72, elle reste en dessous des apports des épouses des grandes élites provinciales, notamment parlementaires73. Ce mariage hypergamique conforte l’ascension sociale de la famille tout autant qu’il renforce son identité en l’assimilant davantage encore au monde des officiers « moyens74 ». Surtout, en s’alliant aux Isoard, les Payan s’ouvrent davantage aux élites provinciales. En effet, Marthe Isoard est liée aux puissants Lagier-Vaugelas, de Die, ayant donné un vicaire général de l’évêque de Die et plusieurs juges mage, et aux Moreau de Vérone, dont l’un de ses membres est président de la chambre des comptes de Grenoble. La création de ces nouveaux liens constitue un préalable à l’élévation de François vers des cours souveraines, intégration accélérée et favorisée par la conjoncture très particulière de la période Maupeou.
31L’importance grandissante de la famille Payan se perçoit très clairement dans une politique de compérage plus ambitieuse au tournant des années 1760.
Tableau 1. – Compérage et mobilité sociale.
Enfant | Date de naissance | Parrain | Marraine |
Étienne-François* | 26 décembre 1753 | Étienne Isoard (beau-frère de François, officier « moyen ») | Élisabeth Niel (mère de François) |
Louis-François* | 31 octobre 1755 | Paul d’Audiffret (beau-frère de François, officier de justice) | Élisabeth Niel (mère de François) |
Jeanne-Françoise | 8 février 1757 | Niel (cousin, officier de justice) | Payan-Champié (cousine) |
Charles-François* | 24 janvier 1758 | Aymard Charbonnier, avocat (neveu) | d’Audiffret (nièce) |
Joseph-François | 19 février 1759 | Louis-Joseph-François de la Roche d’Eurre (gentilhomme), ami de la famille Payan se fait désigner comme noble dans le registre | Anne d’Anglejean, épouse du comte de Castellane |
Henri-Laurent-François* | 26 avril 1760 | Arnaud de l’Estang (gentilhomme, cousin éloigné) | sans |
Philibert-François* | 24 janvier 1763 | Payan-Champié | Magdeleine d’Agoult, épouse du comte de la Roche d’Eurre (amie de la famille) |
Claude-François | 4 mai 1766 | Claude Thomé (receveur des gabelles et maire de Pierrelatte, ami) | Mme Gleyze d’Orange |
Charles-Joseph | 4 mai 1766 | Béraud (officier de justice et ami) | Payan (fille de François) |
Marthe-Françoise* | 9 août 1768 | François-Laurent Charraix (capitaine viguier de Tulette, ami) | Payan (fille de François) |
Élisabeth-Françoise* | 19 septembre 1769 | sans | Payan (fille de François) |
Esprit-François | 22 février 1772 | Esprit-Joseph de Castellane (ami) | Payan (fille de François) |
* Enfants morts en bas âge.
Source : AD 356 J, papiers de la famille Payan.
32Entre 1753 et 1758, le couple Payan choisit les parrains et les marraines de leurs premiers enfants au sein de la famille proche. Ces pratiques visent à raffermir les solidarités familiales ou à conforter des alliances fraîchement nouées75, comme avec les d’Audiffret76. L’union des Payan-d’Audiffret, consolidée par deux mariages sur deux générations, en 1742 et en 1775 (Jeanne-Françoise, la fille de François, épouse son cousin Joseph-Paul-François d’Audiffret), est renforcée par la portée symbolique que revêt la parenté spirituelle. À partir de 1759, le tableau révèle une rupture dans la désignation des parrains et des marraines. Les Payan ont pris de l’importance dans leur petite ville et c’est à cette époque que François usurpe la particule. Dès lors, pour renforcer l’identité noble que les Payan tentent de s’inventer, leurs choix de parrains et marraines se portent davantage sur des membres du second ordre. Les cousins, plus ou moins éloignés, comme les Arnaud de Lestang ou les Payan-Champié, dont la noblesse très récente est encore encrassée de roture, sont sollicités autant que les vieilles familles de gentilshommes, telles que les de Castellane et les de la Roche d’Eurre. Ainsi, les prénoms donnés aux enfants parrainés par ces derniers tendent à la fois à assurer la perpétuation du prénom paternel – et par la même à renforcer l’importance de la lignée – et à concrétiser, par l’union symbolique des prénoms des deux amis, le rapprochement entre les deux familles77. Si ces unions nobiliaires visent à resserrer les liens avec les élites locales, la réciproque est-elle exacte ?
33La réciprocité des liens, préalable à une alliance forte78, n’est avérée que dans le cercle familial proche. Les Payan ne sont véritablement parvenus à construire une relation symétrique qu’avec les d’Audiffret, les Payan-Champié et les Arnaud de l’Estang. Ces trois parentèles forment le cœur du sociogramme des Payan. Les liens matrimoniaux ont été renforcés par de multiples liens de compérage. En revanche, le peu de liens tissés entre ces trois familles tendrait à démontrer que les Payan constituent la clef de voûte de l’édifice. En revanche, lorsque l’on s’intéresse aux veilles familles nobles que François courtise, les relations sont asymétriques, voire à sens unique. Alors que deux de ses enfants comptent parmi leurs parrains et marraines le puissant comte de Castellane, ce dernier préfère se conformer aux pratiques aristocratiques consistant à choisir les parents spirituels de ses enfants parmi ses propres domestiques. Dans le cas du comte de la Roche d’Eurre, Payan doit le solliciter à deux reprises (1759, 1763) avant d’avoir le privilège d’être lui-même choisi comme parrain en 1774, et ce, après avoir épuisé le cercle nobiliaire local. Même si Payan n’est pas le premier parrain désigné par le couple de la Roche d’Eurre, ce choix témoigne de la capacité d’intégration de la famille parmi les lignages aristocratiques tricastins. Outre le compérage, l’agrégation au vivier nobiliaire local passe également par la création de liens amicaux personnels79. Ces derniers sont plus difficiles à déceler mais ils peuvent se traduire par la présence en tant que témoin lors d’un mariage ou dans la rédaction d’un testament. Enfin, Payan est désigné à deux reprises comme témoin de mariages nobles : en 1761, aux noces du comte de la Roche d’Eurre, et en 1785, à celles de Fargier de Saint-André.
34La correspondance familiale reste la meilleure source pour retracer les liens amicaux tissés par les Payan, à une période charnière dans l’évolution de la notion d’amitié80. Les lettres écrites par François à son fils aîné entre 1781 et 1789 révèlent l’existence d’une sociabilité nobiliaire tricastine importante, animée en grande partie par les Payan. Comme Saint-Marcellin, la petite ville de Saint-Paul-Trois-Châteaux constitue une anomalie nobiliaire (2 % à 3 % de la population) dans une province où la noblesse se concentre surtout à Grenoble et dans une moindre mesure à Vienne ou à Valence81. Maîtrisant parfaitement les codes aristocratiques du xviiie siècle, les Payan tiennent salon dans leur hôtel particulier et convient régulièrement les lignages les plus prestigieux de la contrée, comme les de la Roche d’Eurre ou les Petity de Saint-Vincent. Ainsi, dans une lettre de 1781, François se flatte de recevoir « toute la ville les après-dîners de chaque dimanche82 ». Toutes les familles nobles sont invitées et assistent fréquemment aux mondanités offertes par le couple Payan. Ces réceptions donnent régulièrement lieu à des entrevues informelles au cours desquelles Payan est consulté sur des notions juridiques ou sollicité pour différents services qu’il s’empresse souvent de rendre.
35Les écrits du for privé révèlent une plus grande proximité avec deux familles nobles en particulier : les de Pontbriant et les de Castellane. François-Laurent de Pontbriant (1723-1785) et Esprit-Joseph de Castellane (1720-1797) appartiennent à la même génération que François Payan. Ce sont tous deux des gentilshommes : François-Laurent de Pontbriant termine sa carrière comme maréchal de camp tandis qu’Esprit-Joseph de Castellane est capitaine d’infanterie au régiment de Conti. Ces puissantes et anciennes familles aristocratiques ont leurs entrées à Versailles, plus particulièrement les de Castellane qui ont droit aux honneurs de la cour. Ces deux hommes sont incontestablement, à en croire la correspondance intime, les meilleurs amis de François. Ce dernier tente de se rapprocher au maximum d’eux, comme il le confesse à son fils : « L’étroite liaison entre nos deux maisons subsiste toujours83. » C’est dans cette logique que le couple de Castellane est intégré à la galaxie des parents spirituels des enfants Payan. En se fondant étroitement dans ce vivier aristocratique et en adoptant ses codes, les Payan renforcent l’identité nobiliaire qu’ils tentent de se forger. De plus, les liens tissés par les Payan avec de nombreux gentilshommes de la contrée, dont certains fréquentent la cour et ont parfois l’oreille d’un ministre ou d’un secrétaire d’État, servent les ambitions familiales84. L’appui d’un allié de haut rang peut s’avérer décisif en cette fin de siècle marquée par une fermeture de plus en plus importante de certains corps d’armée85. La famille, comptant placer l’un de ses rejetons dans les armes, cultive avec un souci tout particulier ces diverses relations.
« Ces messieurs ont besoin de moi »
36L’importance de son patrimoine, ses aptitudes professionnelles et les étroites relations qu’il cultive avec des personnalités proches du pouvoir lui assurent une telle notoriété que François Payan devient, à la veille de la Révolution française, une personnalité de premier plan, sachant se rendre absolument indispensable par la conciliation qu’il peut offrir, les conseils qu’il peut apporter, ou l’emploi qu’il peut procurer. En devenant incontournable par les nombreux services qu’il entend apporter, François se constitue un important réseau d’obligés, pouvant être mobilisés lorsque ses intérêts, ou ceux de la famille, sont en jeu, selon le principe classique du don et du contre-don86.
37Le vibailli exerce une influence toute particulière au sein du bailliage de Saint-Paul-Trois-Châteaux jusqu’en 1771. Les différentes alliances nouées avec des familles d’officiers ont progressivement contribué à faire glisser le petit bailliage tricastin, peuplé par leurs parents ou par leurs relations, dans l’escarcelle des Payan. Plusieurs lettres échangées attestent la mainmise de ces derniers sur la justice bailliagère. En 1764, lorsque l’office du procureur du roi devient vacant, à la mort de son oncle, Paul-François de Niel, François tente de le faire racheter par l’un de ses neveux, l’avocat montilien Charbonier87. S’il y a, certes, une forme classique de solidarité familiale et professionnelle, cette tentative, infructueuse, révèle également l’ambition de maintenir un certain monopole sur les instances judiciaires locales88. Payan bénéficie, par ailleurs, du soutien des huissiers qui lui sont dévoués et surtout du greffier du bailliage, qui est également son secrétaire particulier. La mainmise des Payan sur la justice royale est presque totale au tournant des années 1770. Après 1772, la charge de vibailli est vendue à Paul-Joseph-François d’Audiffret, son neveu, qui devient son gendre en 1775. Si les relations sont ombrageuses entre les deux hommes, Payan exerce malgré tout un ascendant sur le nouveau vibailli qui le consulte régulièrement avec le procureur du roi, Delubac. Par conséquent, même si François a officiellement quitté le monde judiciaire local, son ombre plane encore sur le baillage de Saint-Paul-Trois-Châteaux.
38La fonction de subdélégué de l’intendant, que Payan exerce de 1753 à 1772, et son passage au parlement lui permettent d’étoffer son réseau et lui procurent une visibilité plus importante. Les déplacements réguliers du subdélégué dans les différentes communautés de son ressort lui offrent l’opportunité de nouer des liens avec les élites locales ou de renforcer ses relations avec les notables provinciaux. De ce fait, certains parents spirituels sont choisis au sein du monde des officiers ou des élites municipales du département de la subdélégation de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Ainsi, Claude Thomé, maire perpétuel de Pierrelatte, porte Claude-François sur les fonts baptismaux le 5 mai 1766 tandis que François-Laurent Charraix, capitaine viguier de Tulette, qualifié de « cher compère » dans la correspondance des Payan, est le parrain de Marthe-Françoise en 1768. Surtout, le contrôle de la subdélégation ancre la famille dans des réseaux de pouvoir plus importants. Créer un lien particulier avec l’intendant du Dauphiné assure aux Payan une réelle influence. Ainsi, François noue une étroite relation avec Pierre-Jean-François de la Porte, intendant de la province de 1744 à 1761, avec qui il correspond très fréquemment, même après son remplacement par Pajot de Marcheval.
39Pour resserrer les liens avec les notables provinciaux, Payan multiplie les visites de courtoisie. Cette forme très classique de sociabilité permet d’entretenir ou de renforcer les liens avec un cercle plus ou moins large d’amis ou de parents éloignés89. Ainsi, au début du mois d’août 1781, il accompagne Esprit-Joseph de Castellane dans les baronnies. Le voyage dure dix jours et conduit finalement Payan bien au-delà de l’itinéraire de départ. Après Saint-Maurice et Vinsobres, où il est reçu chez le président Moreau de Vérone, il pousse jusqu’à Vaison, dans le Comtat, où il descend chez l’évêque avec lequel il s’entretient longuement90. Les lettres envoyées à son fils permettent de prendre toute la mesure de sa mobilité géographique, notamment transnationale, consubstantielle au rôle important que Payan entend jouer. En plus de Grenoble, il fréquente les élites des principales villes du Dauphiné (Die, Crest, Valence, Orange), du Languedoc (Viviers, Bourg-Saint-Andéol) ou même étrangères (Avignon, Vaison). Chaque voyage est une succession de visites : « J’ai été toujours en affaires ou dans des grands repas91. » Quelles que soient leurs finalités, ces déplacements ouvrent de nouveaux horizons aux Payan et renforcent localement leur importance.
40La suppression du parlement Maupeou et la vente de son office de vibailli laissent François sans état mais pas sans activités. La correspondance familiale révèle une très grande activité professionnelle, attestant l’existence d’une multitude de liens, plus faibles et plus diffus, tissés par cet avocat réputé avec de nombreux individus. La notoriété de François Payan est telle qu’il est fréquemment sollicité pour offrir son expertise judiciaire. Ainsi, ses conseils avisés permettent au médecin Caudeiron, cousin par alliance des Payan, de régler une vieille affaire lui rapportant 2 000 l.92. La renommée acquise par François Payan se mesure véritablement par les demandes de conseils émanant de personnalités provinciales importantes et éloignées géographiquement de Saint-Paul-Trois-Châteaux, comme le vicaire général de l’archevêque de Vienne qui évoque « la grande réputation que vous vous êtes acquise dans la magistrature et la facilité avec laquelle vous voulez bien aider de vos lumières ceux qui en font la demande […]93 ».
41L’importance grandissante de la famille se perçoit également à travers les nombreuses demandes affluant de divers particuliers recherchant l’aide, la conciliation et l’arbitrage que Payan peut apporter dans des querelles familiales ou de voisinage. Ainsi, en octobre 1781, il accepte d’arranger la famille Delubac, déchirée par une question d’héritage. Si le recours à un arbitre dans la régulation des litiges n’a rien d’exceptionnel dans la société d’Ancien Régime, et si passer par Payan est plus rapide et moins onéreux que d’emprunter le circuit judiciaire traditionnel, le fait qu’il s’entremette régulièrement montre que son influence reste intacte à une période où il n’est plus vibailli. Forte de son patrimoine, la famille aide également des parents dans la gêne, comme les Arnaud de l’Estang, cousins germains des Payan. À la mort précoce d’Henri-Laurent Arnaud de l’Estang, sa veuve se retrouve quasiment sans ressources avec trois enfants en bas-âge qui « font pitié par leur situation94 ». Dès lors, Payan multiplie les services, subvient aux besoins élémentaires et use de son influence pour que les garçons puissent rapidement trouver un état, et plus particulièrement Gabriel-Marie-Laurent, promis au métier des armes.
42Au-delà de son arbitrage, de nombreux habitants recherchent la protection sinon le patronage de François Payan. Comme il l’indique à son fils, entretenir des relations avec de grandes familles, souvent proches de la Cour et des ministères, le « mette à porter de rendre bien des services95 ». Ainsi, lors d’un voyage à Valence en février 1782, François Payan obtient un emploi dans le bureau des traites pour Gaidan – « un homme que je protège96 » – ancien secrétaire particulier du comte de Pontbriant97. Ce service rendu lui attache la fidélité de la famille Gaidan et oblige le comte de Pontbriant. Le patriarche des Payan apporte volontiers son concours à qui le sollicite. Ainsi, son voisin Arnaud, fait-il l’objet d’une attention toute particulière : « tu sais – écrit-il à son fils – l’intérêt que nous prenons à cette famille98 ».
43Les importants domaines des Payan procurent du travail à des salariés agricoles ou à des ménagers qui prennent à ferme les différents fonds de terre. De plus, Payan multiplie les prêts pour aider des individus à acheter un bien ou à constituer une dot, renforçant ainsi son influence99. Les actes notariés permettent de se faire une idée assez précise du réseau de prêts dominé par les Payan. Si la majeure partie des débiteurs provient de la contrée, ou d’un espace géographique proche (Tulette, Chamaret-le-Maigre, etc.), certains viennent d’horizons plus éloignés, comme les frères Boyer, négociants de Lyon. Entre 1754 et 1788, Payan a prêté plus de 25 000 l. à une vingtaine de particuliers. Il s’agit pour la plupart de prêts qui ne descendent pas en dessous des 300 l. et n’atteignent que très rarement les 10 000 l. Sa participation au marché du crédit, comme de nombreux autres notables, tel que son ami le comte de Castellane, lui permet de se constituer de nombreuses rentes annuelles qui lui apportent régulièrement des liquidités. Le prêt constitue également une forme de dépense somptuaire, visant à afficher la puissance du prêteur100. En multipliant les services rendus, les Payan se constituent une importante constellation de débiteurs et d’obligés, une caractéristique des lignages les plus puissants. Cette forme de clientélisme101, dont les contours ne sont pas toujours aisés à mettre en évidence102, accentue l’emprise de la famille sur la petite ville et contribue à rendre François indispensable : « Ces messieurs ont besoin de moi », confie-t-il à son fils103.
La réforme administrative de 1787 : notabilité reconnue ou puissance des réseaux ?
44Dans les dernières décennies du xviiie siècle, plusieurs ministres de Louis XVI inspirés par les principes physiocratiques, élaborent des projets de réforme des administrations territoriales. Reprenant le projet élaboré par Necker en 1778-1779, Loménie de Brienne obtient du roi, par l’édit de juin 1787, la création d’une nouvelle pyramide administrative, composée d’assemblées provinciales, départementales et municipales104. L’une des fonctions principales des assemblées provinciales est de répartir les impositions. La réforme de 1787 constitue un moment privilégié pour esquisser un bilan de la stratégie déployée par les Payan pour reconstruire leur notabilité et redéfinir leur identité sociale.
45L’assemblée provinciale du Dauphiné entre en activité dès le mois d’octobre 1787. Payan ne figure pas parmi les 28 premiers membres, nommés par le roi, parmi les personnalités les plus importantes de la province, pour constituer un premier cercle de notables dauphinois, ni parmi les 29 autres, cooptés par les premiers105. Toutefois, Payan fréquente assidûment certains d’entre eux, comme Colomb de Seillans, prévôt du chapitre de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Lagier de Vaugelas, vicaire général de l’évêque de Die et parent de son épouse, ou encore le marquis de Veynes, un influent et très riche aristocrate l’ayant consulté et reçu à plusieurs reprises dans son château. Il échoit à ces 57 notables provinciaux la tâche de nommer les 52 membres qui doivent composer les 6 assemblées de départements (Grenoble, Vienne, Gap, Romans, Valence et Montélimar). Le département de Montélimar, correspondant à un espace géographique situé au sud d’une ligne Die-Montélimar, est représenté par 16 notables : 4 pour le clergé, 4 pour les seigneurs laïcs et 8 pour les villes et les communautés, parmi lesquels siège François Payan. Pour prétendre à siéger parmi la noblesse, il faut pouvoir justifier cent ans de noblesse et quatre degrés, ce que Payan est évidemment incapable de prouver106. Le paraître noble atteint ici ses limites.
46Payan n’est pas le premier choix de l’assemblée provinciale qui lui préfère le comte de Castellane, son ami intime. Ce dernier, d’une noblesse immémoriale et possédant un patrimoine très imposant, correspond, bien plus que Payan, à la représentation du puissant notable d’Ancien Régime. Son refus profite à Payan, dont les nombreux soutiens sont parvenus à plaider la cause, comme l’indique le marquis de Veynes en lui apprenant sa nomination : « Mon collègue y a mis tout le zèle et l’entendement nécessaire pour que ce département vous eu pour un de ses membres107. » En d’autres termes, François doit moins sa présence aux stratégies entreprises pour doter sa famille d’une nouvelle identité nobiliaire qu’à son réseau qui pallie davantage les imperfections sociales de sa naissance.
47À l’assemblée du département de Montélimar, Payan retrouve des visages familiers, comme Pellapra, conseiller en l’élection de Montélimar et subdélégué de l’intendant. Ses connivences avec une partie des notables provinciaux permettent à François d’occuper la présidence de l’assemblée départementale de Montélimar, fonction prestigieuse lui octroyant le pouvoir de coopter les autres membres devant intégrer l’assemblée. Cette place, ardemment désirée, traduit à elle seule l’envergure de la famille à la veille de la Révolution et constitue un nouveau levier permettant de construire davantage la notabilité des Payan. Néanmoins, l’assemblée du département de Montélimar ne voit jamais le jour car le parlement de Dauphiné, hostile à la nouvelle organisation municipale, torpille la réforme qui n’est pas appliquée dans la province, comme dans à peu près un cinquième du royaume visé par l’édit de juin 1787108.
48Esquissons un premier bilan au terme de ce chapitre. François a su faire fructifier le patrimoine familial qui constitue un préalable à toute mobilité sociale. Cette dernière repose sur des choix tactiques assumés par la famille : patrimonialisation de la justice locale – et plus généralement investissement dans les offices –, redéfinition de l’identité familiale afin d’accélérer son intégration au second ordre, et, surtout, l’inscription pleine et totale des Payan dans des réseaux de relations, de différentes natures, dans l’optique, clairement avouée, de se rendre indispensables pour obtenir, en retour, un appui dans leurs projets. Ces stratégies portent leurs fruits, comme en témoigne la présidence acquise par François Payan à l’assemblée départementale de 1787. Un seul échec, néanmoins – et non des moindres –, l’agrégation à la noblesse constitue un plafond de verre que Benjamin-François et François Payan ne parviennent jamais à fissurer et restent cantonnés dans un entre-deux social et identitaire inconfortable. Si l’idéal familial n’est pas concrétisé, les Payan sont parvenus tout de même à reconstruire la notabilité de leur famille en l’espace de deux générations. Si au soir de sa vie, Benjamin-François peut s’enorgueillir d’avoir relevé les Payan après le traumatisme de la révocation de l’édit de Nantes en leur offrant un nouveau rang social, François donne à sa famille l’envergure provinciale qui leur faisait encore défaut. À la veille de la Révolution française, le rayonnement des Payan transcende largement les frontières du Tricastin. Grâce à ses relations et à son influence, François est devenu, en l’espace d’une génération, un acteur majeur des dynamiques politiques locales et provinciales. Il peut ainsi fonder de grands espoirs sur l’avenir de ses enfants.
Notes de bas de page
1Laurence Jean-Marie (éd.), La notabilité urbaine xe-xviiie siècle, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, coll. « Histoire urbaine », no 1, 2007.
2Malaprade Sébastien, Des châteaux en Espagne. Gouvernement des finances et mobilité sociale au xviie siècle, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2018.
3Ruggiu François-Joseph, L’individu et la famille dans les sociétés urbaines anglaise et française (1720-1780), Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2007 ; Luther Viret Jérôme, « L’histoire de la famille et la démographie historique. Nouvelles approches », in Nicolas Le Roux (dir.), Faire de l’histoire moderne, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 13-37.
4Bellavitis Anne, Croq Laurence et Martinat Monica (dir.), Mobilité et transmission dans les sociétés de l’Europe moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2009.
5Andrieu Pierre, « Sur deux familles tricastines », Études drômoises, no 4, 1991, p. 22.
6Arnaud Eugène, Histoire des protestants du Dauphiné aux xvie, xviie et xviiie siècles, Genève, Slatkine Reprints, 1970.
7Mousnier Roland, « La vénalité des offices et la mobilité sociale en France au xviie et au xviiie siècles », in Adolf. M. Birke et Iljia Mieck, Ämterkäuflichkeit: Aspeckte sozialer Mobilität im europäischen Vergleich (17. und 18. Jahrhundert), internationales Colloquium in Berlin, 1-3 november 1978, Berlin, Colloquium Verlag, 1980, p. 33-52.
8Bluche François et Durye Pierre, L’anoblissement par charges avant 1789, Paris, l’Intermédiaire des chercheurs et des curieux, 1965.
9Le Trong Caroline, « Les institutions judiciaires et administratives moyennes : bailliage et sénéchaussées en Dauphiné », in Olivier Cogne (dir.), Rendre la justice en Dauphiné de 1453 à 2003, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2003, p. 35-40.
10Son ressort ne comprenait que trois localités : la petite ville de Saint-Paul-Trois-Châteaux et le village de Saint-Restitut en première instance, et la Baume-de-Transit en appel.
11Ce bailliage n’est composé que de six officiers : un vibailli, faisant les fonctions de juge royal, un procureur du roi et son substitut, deux huissiers et un greffier.
12Tranduy Luc, La justice à Grignan sous l’Ancien Régime. Recherche sur le maintien d’une justice seigneuriale dans le bas-Dauphiné (1660-1790), thèse d’histoire, codir. de Michel Bottin et Yann Delbrel, université de Nice, 2008.
13Cassan Michel (dir.), Les officiers « moyens » à l’époque moderne : pouvoir, culture, identité, actes du colloque de Limoges, 11-12 avril 1997, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 1999.
14Descimon Robert, « La vénalité des offices et la construction de l’État moderne. Des problèmes de la représentation symbolique aux problèmes du coût social du pouvoir », in Robert Descimon, Jean-Frédéric Schaub et Bernard Vincent (dir.), Les figures de l’administrateur. Institutions, réseaux, pouvoirs en Espagne, en France et au Portugal, Paris, Éditions de l’EHESS, 1997, p. 77-93.
15Vidor-Borricand Mireille, Une université méconnue. L’université d’Orange, Aix-en-Provence, Éditions Borricand, 1977.
16Archives départementales (désormais AD) 26, 356 J 91, carrière de François Payan.
17Bibliothèque municipale (désormais BM) de Grenoble, R 9838, cahier des avocats consistoriaux, xviiie siècle.
18Royer Casimir, « Les avocats consistoriaux au parlement de Grenoble. Discours de réception à l’Académie delphinale », Bulletin de l’Académie delphinale, 4e série, t. VI, 1892, p. 423-437.
19Escallier Émile, « La noblesse des avocats consistoriaux au parlement de Dauphiné », Bulletin de la société d’études des Hautes-Alpes, 1973, p. 49-59.
20Gerin Bernard, « Plaider sous l’Ancien Régime. Les avocats consistoriaux au Parlement de Grenoble au xviiie siècle », in René Favier (dir.), Le Parlement de Dauphiné des origines à la Révolution, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2001, p. 133-151.
21Meyzie Vincent, Les illusions perdues de la magistrature seconde. Les officiers « moyens » de justice en Limousin et en Périgord (vers 1665-vers 1810), Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2007, p. 84-90.
22Ricomard Julien, « Les subdélégués de l’intendant aux xviie et xviiie siècles », L’information historique, 1962, p. 139-148, 190-195, 1963, p. 1-7.
23Didier Sébastien, Subdélégués et subdélégations dans l’espace atlantique français. Étude comparative des intendances de Caen, Lille, Rennes, Québec et Fort-royal (fin xviie-fin xviiie siècle), thèse d’histoire sous la dir. de Philippe Hamon et Thomas Wien, université Rennes 2 et université de Montréal, 2019.
24BM Avignon, ms 5571, Collection de pièces originales relatives à la délimitation du Dauphiné avec le Comtat Venaissin et la Provence, 1755-1756.
25Dubled Henri, Histoire du comtat Venaissin, Raphèle-lès-Arles, Marcel Petit, 1990, p. 122-124.
26BM Avignon, ms 5571, lettre du 13 juin 1768.
27Ibid., lettre du 18 juin 1768.
28Ibid., mémoires sur le partage du Comtat, 9 novembre 1768.
29Ibid., lettre du 29 juin 1768.
30Ibid., lettre du 18 juin 1768.
31Ibid., lettre du 30 novembre 1769.
32Ibid., lettre du 4 juillet 1768.
33Meyzie Vincent, « Malaise dans l’institution : les représentations du déclassement chez les officiers “moyens” de justice au xviiie siècle », in Gilles Chabaud (dir.), Classement, DÉclassement, REclassement de l’Antiquité à nos jours, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2011, p. 195-228.
34Favier René (dir.), Le Parlement de Dauphiné des origines à la Révolution, op. cit.
35Coulomb Clarisse, Les pères de la patrie. La société parlementaire en Dauphiné au temps des Lumières, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2006, p. 407.
36Coulomb Clarisse, « L’échec d’un serviteur du roi. Vidaud de la Tour, premier président du parlement de Maupeou à Grenoble », Annales. Histoire, économie & société, no 25-3, 2006, p. 371-383.
37BMG, U 1116-1117, Journal de la réintégration du Parlement de Grenoble, 1774, p. 16.
38BMG, Q 5, lettre de Vidaud de la Tour au chancelier Maupeou, 15 janvier 1772.
39Egret Jean, Le Parlement de Dauphiné et les affaires publiques dans la deuxième moitié du xviiie siècle, vol. 1, Roanne, Éditions Horvath, 1942, p. 290-303.
40BMG, Q 5, lettre de Vidaud de la Tour au chancelier Maupeou, 17 janvier 1772.
41Chaussinand-Nogaret Guy, La noblesse au xviiie siècle. De la féodalité aux Lumières, Bruxelles, Éditions Complexe, 1984 (1976), p. 43.
42AD 26, 356 J 97, délibération municipale du 3 mars 1772.
43BMG, U1116-1117, Journal de la réintégration du Parlement de Grenoble, p. 16.
44Ibid., p. 16.
45Ibid., p. 17.
46Chaline Olivier, « Les infortunes de la fidélité. Les partisans du pouvoir royal dans les Parlements du xviiie siècle », Annales. Histoire, économie & société, no 25-3, 2006, p. 335-353.
47AD 26, 356 J 98, brevet accordant une pension à François Payan, 27 juillet 1775.
48Pontet Josette, Figeac Michel et Boisson Marie (dir.), La noblesse de la fin du xvie siècle au début du xxe siècle un modèle social ?, Bordeaux, Atlantica, 2002.
49« Une personne morale détentrice d’un domaine composé à la fois de biens matériels et immatériels qui se perpétue par la transmission de son nom, de sa fortune et de ses titres en ligne réelle ou fictive », Lévi-Strauss Claude, La Voie des masques, Paris, Presses Pocket, 1988, p. 48.
50Le Mao Caroline et Marache Corinne (dir.), Les élites et la terre du xvie siècle aux années 1930, Paris, Armand Colin, 2010.
51Miquet Catherine et Mollaret Martine, Les mesures agraires d’Ancien Régime dans la Drôme d’après les documents du cadastre dit « napoléonien », Valence, Archives départementales de la Drôme, 1994, p. 184.
52AD 26, C 186, Vingtième, élection de Montélimar, 1756-1758.
53AD 26, 356 J 139, séquestre des biens de François Payan, 1794.
54Coulomb Clarisse, Les pères de la patrie…, op. cit., p. 171.
55Descimon Robert, « Un langage de la dignité. La qualification des personnes dans la société parisienne à l’époque moderne », in Fanny Cosandey (dir.), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, Éditions de l’EHESS, 2005, p. 69-123.
56Chevé Joëlle, « L’être et le paraître nobles en Périgord en 1789 », in Jean-Marie Constant (dir.), L’identité nobiliaire. Dix siècles de métamorphoses (ixe-xixe siècles), Le Mans, Publication du Laboratoire d’histoire anthropologique du Mans, 1997, p. 313-326.
57Ruggiu François-Joseph, « Ancienneté familiale et construction de l’identité nobiliaire dans la France de l’Ancien Régime », in Josette Pontet, Michel Figeac et Marie Boisson (dir.), La noblesse de la fin du xvie siècle…, op. cit., p. 309-325.
58Clarke de Dromantin Patrick, Lestang Gaston de, « Les qualifications nobles sous l’Ancien Régime : définition et utilisation », in Jean-Marie Constant (dir.), L’identité nobiliaire…, op. cit., p. 180-188.
59AD 26, 2 E 26571, acte passé devant le notaire Béraud, 13 décembre 1761.
60BNF, Français 31715 (Chérin 153), dossier Payan.
61AD 26, 356 J 106, vente de l’hôtel Payan, 1761.
62Figeac Michel (dir.), L’habitat des élites urbaines en Europe (début du xviie-1848), Bordeaux, Centre d’études des mondes moderne et contemporain, 2020.
63Gage d’un certain niveau de richesse : Baulant Micheline, « L’appréciation du niveau de vie. Un problème, une solution », Histoire & Mesure, vol. 4, no 3-4, 1989, p. 271.
64Coulomb Clarisse, Les pères de la patrie…, op. cit., p. 227.
65Étude de Maurice Gresset citée par Leuwers Hervé, La justice dans la France moderne. Du roi de justice à la justice de la Nation (1498-1792), Paris, Ellipses, 2010, p. 96.
66Castellano Juan-Luis, Dedieu Jean-Pierre (dir.), Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l’Ancien Régime, Paris, CNRS Éditions, 1998 ; Lemercier Claire, « Analyse de réseaux et histoire de la famille : une rencontre encore à venir ? », Annales de démographie historique, no 1, 2005, p. 88-112.
67Bellavitis Anna, Casella Laura et Raines Dorit, Construire les liens de famille dans l’Europe moderne, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013.
68Lévi Giovanni, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviie siècle, Paris, Gallimard, 1989 (1985).
69Ruggiu François-Joseph, Beauvalet Scarlett et Gourdon Vincent (dir.), Liens sociaux et actes notariés dans le monde urbain en France et en Europe, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2004.
70Weber Florence, Le sang, le nom, le quotidien : une sociologie de la parenté pratique, La Courneuve, Éditions Aux Lieux d’être, 2005.
71AD 26, 356 J 124, extrait du contrat de mariage de François Payan et Marthe Isoard, 29 janvier 1753. Payan se situe exactement dans la même tranche que les officiers royaux rennais : Jarnoux Philippe, Les bourgeois et la terre. Fortunes et stratégies foncières à Rennes au xviiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 1996, p. 107-153.
72Deux tiers des dots dauphinoises ne dépassent pas 500 l., Favier René, Les villes du Dauphiné aux xviie et xviiie siècles, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1993, p. 313.
73Elle se situe au bas du classement des dots des parlementaires dauphinois : Coulomb Clarisse, Les pères de la patrie…, op. cit., p. 134.
74Figeac Michel, « Être trésorier de France à Bordeaux au xviiie siècle : une simple sinécure ou un tremplin sur les chemins de l’ascension sociale ? », in Michel Cassan (dir.), Les officiers « moyens »…, op. cit., p. 233-246.
75Fine Agnès, Parrains, marraines. La parenté spirituelle en Europe, Paris, Fayard, 1994 ; Mouysset Sylvie et Thomas Jack, « Livres de raison, livres de réseaux ? Parenté spirituelle et hiérarchie urbaine : Toulouse et Rodez aux xvie et xviie siècles », in Michel Bertrand (dir.), Pouvoirs de la famille, familles de pouvoir, actes du colloque des 5-7 octobre 2000, Toulouse, CNRS/université de Toulouse-Le Mirail, 2005, p. 405-420.
76Burguière André, « Cher cousin. Les usages matrimoniaux de la parenté proche dans la France du xviiie siècle », Annales HSS, no 6, novembre-décembre 1997, p. 1339-1360.
77Burguière André, « Un prénom pour soi. Le choix du nom de baptême en France sous l’Ancien Régime (xvie-xviiie siècles) », L’Homme. Revue française d’anthropologie, no 20/4, octobre-décembre 1980, p. 25-42.
78Rolland-Boulestreau Anne, Les notables des Mauges. Communautés rurales et Révolution (1750-1830), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2004, p. 65-96.
79Castan Yves, Honnêteté et relations sociales en Languedoc (1715-1780), Paris, Plon, 1974.
80Vincent-Buffault Anne, L’exercice de l’amitié. Pour une histoire des pratiques amicales aux xviiie et xixe siècles, Paris, Seuil, 1995 ; Daumas Maurice, Des trésors d’amitié de la Renaissance aux Lumières, Paris, Armand Colin, 2011.
81Favier René, Les villes du Dauphiné aux xviie et xviiie siècles, op. cit., p. 261.
82AD 26, 356 J 126, lettre de François à son fils Joseph-François, 26 juin 1781.
83Ibid., 26 mai 1782.
84L’amitié nobiliaire ne repose pas tant sur l’expression de l’intimité que sur l’entraide : Kühner Christian, « Amitiés et politique en France au Grand Siècle », in Nicolas Le Roux et Martin Wrede (dir.), Noblesse oblige. Identités et engagements aristocratiques à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2017, p. 93-103.
85Cadilhon François, « Les amis des amis : les cercles du pouvoir et de la réussite en France au xviiie siècle », Revue historique, 1993, no 1, p. 115-130.
86Mauss Marcel, Sociologie et anthropologie, Paris, Presses universitaires de France, 1966, p. 143 et suiv.
87AD 26, 356 J 90, lettres écrites par Charbonier à son oncle François Payan, 1764.
88Chatelain Claire, Chronique d’une ascension sociale. Exercice de la parenté chez des grands officiers (xvie-xviie siècles), Paris, Éditions de l’EHESS, 2008.
89Jouanna Arlette, « Des réseaux d’amitiés aux clientèles centralisées : les provinces et la Cour (France, xvie-xviie siècle) », in Charles Giry-Deloison et Roger Mettam (dir.), Patronages et clientélismes 1550-1750 (France, Angleterre, Espagne, Italie), Lille, Publications du Septentrion, 1995, p. 23-24.
90AD 26, 356 J 126, lettre de François à son fils Joseph-François, 7 août 1781.
91Ibid., 21 novembre 1782.
92Ibid., 16 juillet 1782.
93AD 26, L 1309, lettre du vicaire général de Vienne à François de Payan, 7 novembre 1776.
94Ibid., 3 juin 1781.
95Ibid., 9 février 1782.
96Ibid., 11 janvier 1782.
97Ibid., 9 février 1782.
98Ibid., 26 juin 1781.
99Lévi Giovanni, Le pouvoir au village…, op. cit., p. 87.
100Postel-Vinay Gilles, La terre et l’argent. L’agriculture et le crédit en France du xviiie au début du xxe siècle, Paris, Albin Michel, 1998.
101Portalez Christophe, Alfred Naquet et ses amis politiques. Patronage, corruption et scandale en République (1870-1898), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2018, p. 112-119.
102Durand Yves, « Clientèles et fidélités dans le temps et l’espace », in Yves Durand, Hommage à Roland Mousnier. Clientèle et fidélité en Europe à l’époque moderne, Paris, Presses universitaires de France, 1981, p. 3-24 ; Lécrivain Valérie, « Le rapport de clientèle dans la perspective comparative », in Valérie Lécrivain (dir.), Clientèle guerrière, clientèle foncière, clientèle électorale. Histoire et anthropologie, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2007, p. 13-31.
103AD 26, 356 J 126, lettre de François à son fils Joseph-François, 11 novembre 1782.
104Bordes Maurice, L’administration provinciale et municipale en France au xviiie siècle, Paris, SEDES, 1972, p. 160-172.
105AD 26, L 1309, procès-verbal de l’assemblée des notables, 1787.
106Tanchoux Philippe, « Savoir-faire et renouveau électoral : l’expérience des assemblées provinciales de 1778 et 1787 », in Christophe Le Digol, Virginie Hollard, Christophe Voilliot, Raphaël Barat, (dir.,) Histoire d’élections. Représentations et usages du vote de l’Antiquité à nos jours, Paris, CNRS éditions, 2018, p. 131.
107AD 26, 356 J 101, lettre du marquis de Veynes, 6 octobre 1787.
108Renouvin Pierre, Les assemblées provinciales de 1787. Origines, développement, résultats, Paris, Picard et Gabalda, 1921, p. 132.

Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008