Chapitre 9. Syndicalisme et management en crise
p. 219-239
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Texte intégral
1Le management a transformé le sens du travail en monopolisant son organisation et, ce faisant, il a contribué à altérer de façon significative la portée et le sens du syndicalisme. La période de l’après-guerre 1939-1945, qualifiée de « glorieuse », est aussi celle de la résolution de cette contradiction, née avec le mode de production capitaliste, entre la sphère privée de la production et le reste de la société, entre l’asservissement propre à l’organisation capitaliste et la liberté bourgeoise. De cette contradiction première ont découlé celles entre la création de la richesse et sa distribution, entre le travail comme capital et le travail comme moyen de subsistance, entre la production et la consommation. Le fordisme (tel qu’analysé par Aglietta 1976) représente le processus par lequel ces contradictions seront dissoutes dans la société privatisée. Le syndicalisme américain, tel qu’organisé dans les années 1930, y jouera un rôle significatif.
2Le Wagner Act de 1935 sera amendé en 1947 par la loi Taft-Hartley (Labor-Management Relations Act) qui réduira considérablement la capacité d’action imprévisible des travailleurs et des syndicats et augmentera celle des employeurs. Cette loi vise à rétablir les droits du management que l’on considérait avoir été affaiblis ou niés par le Wagner Act et par les vagues de grèves successives après l’entrée en guerre des États-Unis ; on y rétablit le droit du management de résister à la syndicalisation comme étant l’équivalent du droit reconnu au syndicat de la susciter (il s’agit, dit-on, de rétablir l’équilibre dans les labor-management relations). La loi Taft-Hartley est adoptée suite à une vague de grèves sans précédent en 1946-1947. Cette loi interdit toute action solidaire des syndicats, i.e. toute action non orientée vers l’entreprise (tels que les grèves de solidarité et les boycotts secondaires), ainsi que l’allégeance au parti communiste ; elle restreint le droit de grève et de piquetage, refavorise le recours aux injonctions pour mettre fin aux grèves ; elle interdit aux grévistes de participer aux élections du NLRB1 (droit transféré aux briseurs de grève) et redonne au patron la « liberté de parole », i.e. le droit de s’exprimer sur le syndicat qui tente de susciter l’adhésion des employés (qui lui avait été retirée parce qu’il s’exprime généralement par l’intimidation, le chantage et les menaces); de moins en moins de tactiques patronales pour contrer la syndicalisation sont jugées illégales. Cette loi permet également aux états d’interdire l’atelier syndical fermé2 (l’interdiction du closed shop au nom du rightto-work) et interdit la syndicalisation des contremaîtres3. La loi identifie des politiques syndicales illégales et accorde à l’employeur le droit de poursuivre le syndicat pour des actions entreprises par ses membres. Cela aura pour effet de renforcer la centralisation des syndicats et leur discipline interne. La loi Taft-Hartley représente un support institutionnel central pour l’organisation corporative en ce qu’elle acculera les syndicats à leur dimension organisationnelle, rendant illégale l’expression intersubjective du travail dans la société (celle qui sort de l’atelier). Cette loi réduit véritablement l’action syndicale à des labor-management relations à l’intérieur de l’entreprise.
3Le Labor-Management Relations Act établit donc le cadre dans lequel la convention collective sera négociée et appliquée, considérée comme la constitution régissant le « gouvernement interne » à l’entreprise4. Dans les années 1940, les délégués d’atelier se trouveront paralysés dans leur action par ce principe et ils seront acculés à l’« illégalité » pour agir localement : dans la mesure où la convention collective sert la dimension organisationnelle de l’entreprise, les travailleurs qui voudront s’exprimer subjectivement et intersubjectivement devront la transgresser. Dans les grandes corporations, ce sera désormais par les grèves illégales que s’exprimera l’intersubjectivité des travailleurs, les grèves légales étant organisées par le syndicat en fonction d’une stratégie de négociation arrêtée au niveau national. L’organisation syndicale ne sera légitime que dans la mesure où elle parviendra à faire respecter par ses membres ce caractère sacré de la convention collective comme « constitution » locale (en imposant des sanctions aux sections locales récalcitrantes pouvant aller jusqu’à l’expulsion du syndicat). Le syndicalisme responsable est celui qui contrôle ses membres sinon rien ne va plus dans l’organisation qui ne craint rien tant que l’imprévisibilité. Pour que la fonction organisationnelle de la négociation et de la convention collectives soit effective, il fallait que le management reconnaisse des « droits » aux travailleurs qui présentent une certaine permanence5. Ainsi, la convention collective aura pour effet de réduire à la fois l’imprévisibilité propre à l’action des travailleurs (l’action directe) et à celle du management (l’arbitraire patronal). La convention collective distribue les « droits » des travailleurs et ceux des managers selon la capacité de chaque partie de les négocier.
4Les « droits » inscrits dans la convention collective sont des règles qui visent à uniformiser certains fonctionnements, à rendre prévisibles certains comportements et à médiatiser les rapports conflictuels entre travailleurs et management afin d’empêcher l’éclatement de l’organisation par des initiatives locales intempestives. Mais dans le cadre des rapports sociaux d’organisation, il arrive que des principes destinés à sauvegarder l’organisation se tournent contre elle suite à l’action des travailleurs et ce, dans le cadre même de l’institution localisée que représente la convention collective. Je prendrai ici l’exemple des principes de l’ancienneté, de la classification des tâches et de la sécurité salariale, trois principes actuellement remis en cause par les réorganisations du travail et de la production.
5Ces trois principes ont été, à l’origine, inventé par le management pour établir une certaine régularité de fonctionnement de l’entreprise, ainsi que pour concrétiser l’avènement de l’entreprise comme « marché du travail interne ». Le principal outil de l’entreprise comme « marché du travail interne » est le principe de l’ancienneté – le nombre d’années de service continu – qui régit les déplacements, promotions, mises à pied, rappels, vacances, etc. des employés : c’est un principe essentiellement individualiste et exclusif qui ne fonctionne que dans le circuit fermé du « marché interne ». Les syndicats ont commencé à l’adopter plus volontiers dans les années 1930 pour ordonner les mises à pied et éviter les décisions arbitraires du management : le chômage étant un problème social, non de production, il n’y a pas de raison pour que les travailleurs les moins efficients soient les premiers à en faire les frais, estiment alors les représentants syndicaux. Slichter (1941) impute aussi ce nouvel intérêt pour le principe de l’ancienneté au phénomène de la sécurité d’emploi créé par les entreprises qui limite de plus en plus la mobilité des travailleurs sur le marché du travail.
« The growing interest in job security is partly a result of long-term trends in the American labor market and partly a result of the depression. Until 1920, the American labor market was a market of movement, in which the behavior of men was dominated by the ideal of opportunity – a market in which there was a considerable number of men ready to give up one job in the hope of getting a better one. […] Throughout the twenties, personnel administration endeavored to promote the idea of continuous service. […] In a market of diminishing movement, and therefore diminishing hiring, a man once displaced has trouble in quickly finding a suitable opening. In such a market layoffs become matters of vital concern, and employees fight hard to keep their jobs6. » (Slichter 1941 : 100.)
6Gersuny et Kaufman (1984-1985) ont montré comment le retour des vétérans après la guerre 1939-1945, à la recherche d’emplois devenus rares, a provoqué de vives tensions au sein des syndicats locaux de l’industrie de l’automobile7 – entre les hommes et les femmes, les Blancs et les Noirs, les vétérans et les non-vétérans, les femmes célibataires et les femmes mariées – ainsi qu’entre les sections locales et le syndicat international8. Ce principe individualiste était interprété par chaque groupe dans le sens de ses propres intérêts et les syndicats se trouvaient devant un dilemme lorsqu’ils devaient trancher quant à son application à telle catégorie de travailleurs et de travailleuses ou à telle autre. Ces difficultés ne s’aplaniront que lorsque le « marché interne » se sera stabilisé dans chaque établissement (au prix d’un renforcement de la discrimination contre les femmes et contre les Noirs). Ce principe présente un caractère neutre et équitable sur le « marché interne du travail » (tout en y prolongeant les effets de la discrimination, les derniers admis en étant les premiers expulsés) et il est une condition de son existence et de son maintien. Le principe de l’ancienneté, d’abord conçu pour renforcer l’organisation, sera transformé en un « droit » syndical par les travailleurs américains : le principe de l’ancienneté et la classification des tâches seront utilisés par les travailleurs américains pour se donner une forme de liberté sur le « marché interne » du travail, c’est-à-dire dans l’entreprise.
7L’application du principe de l’ancienneté liée à la classification des tâches, qui prend ses origines dans l’American Plan des années 1920, est l’illustration la plus probante du caractère gestionnaire de la convention collective et du syndicalisme dans l’entreprise managériale. Ce principe individualisant fut d’ailleurs contesté à l’origine par les travailleurs soucieux de conserver une action solidaire face au capital (cf. Slichter 1941 et Lichtenstein 1988). Par la suite, les syndicats élargiront l’application de ce principe, qui deviendra éventuellement le symbole d’un nouveau collectif ouvrier formé à l’école de la guérilla contre le management. Dans cette optique syndicale, l’ancienneté ne constitue pas seulement une règle interne servant à régir les mouvements dans l’entreprise comme « marché du travail interne »; il s’agit également d’un droit de propriété sur un poste de travail qui vient graduellement supplanter le droit de propriété sur sa force de travail, puisque la qualification est désormais liée au poste de travail et non plus au travailleur. Si l’attachement à un poste de travail devient une politique syndicale, c’est non seulement pour assurer une place au travailleur dans l’organisation, mais aussi pour fixer une limite (par la description de la tâche) à ce que le management peut exiger de lui, pour conserver une part de subjectivité dans le travail organisé. Avec la fonction de contrôle du management, ce n’est plus seulement une plus-value économique qu’on cherche à soutirer au travailleur ou à la travailleuse ; c’est aussi cette part de lui-même ou d’elle-même qui refuse d’être expropriée et organisée. C’est cette part-là que le courant des relations humaines essaie d’aller chercher. C’est pourquoi le syndicalisme américain, au niveau local, sert d’abord à codifier les rapports des travailleurs avec le management : il s’agit de sauvegarder les derniers remparts subjectifs des travailleurs et des travailleuses contre le contrôle total. Les rapports sociaux d’organisation manifestent leur ambivalence en ce que le syndicalisme d’entreprise sert à la fois à sauvegarder la capacité subjective des travailleurs dans l’organisation et à renforcer celle-ci. Cette dialectique des labor-management relations à l’américaine est issue de l’application de principes marchands à la production (qui a toujours eu pour effet d’engendrer une compétition-coopération entre les travailleurs). La concurrence entre travailleurs liée à la création du « marché du travail interne » a été neutralisée par les syndicats américains en tournant à l’avantage des travailleurs le principe de l’ancienneté tel qu’appliqué à la distribution des tâches9. L’accès aux postes réputés plus faciles, plus intéressants, moins soumis au rythme imposé des machines, etc. se fait par ancienneté puisqu’aucune compétence professionnelle particulière n’est exigée des travailleurs industriels.
8Le principe de l’ancienneté est l’un des premiers à être remis en cause par le management actuel (ce principe à la fois individualisant et collectivisant sied mal aux équipes de travail autonomes créées par le management où les individus sont co-responsables et où les compétences « comportementales » se substituent aux années de service comme critère d’évaluation). Cela reflète également l’érosion du « marché du travail interne » remplacé par la dualisation noyau central/périphérie où l’inclusion ou l’exclusion ne dépend pas des années de service mais de la plus ou moins grande proximité de ce qui est essentiel à la survie de l’organisation. Dans ces conditions, l’application du principe de l’ancienneté représente un frein intolérable à l’intensification de l’organisation. Le principal moyen de rendre le principe de l’ancienneté inopérant est la réduction draconienne de l’importance de la classification des tâches, extensive, détaillée et hiérarchisée. Les systèmes de classification des tâches, leur définition, leur évaluation pour déterminer les niveaux de salaire ont été développés, on s’en souvient, à l’initiative des employeurs dans un effort de réduction de la maîtrise des ouvriers de métier de leur travail, ainsi que pour créer une mobilité sur le « marché du travail interne ». Ces systèmes répondaient aussi à une volonté de rationalisation des salaires dans la production de masse10 ; la classification patronale des postes de travail et leur évaluation salariale sont une conséquence du transfert de la qualification, dans la production capitaliste, du travailleur au poste de travail. Ces systèmes de classification étaient reliés au principe de l’ancienneté appliqué de façon rudimentaire et très restreinte par l’entreprise ; les travailleurs industriels en feront une nouvelle forme de « propriété », ayant été dépossédés de toute compétence individuelle.
9La définition et l’évaluation des tâches deviendront le principal outil des travailleurs servant à poser des limites à ce que le management peut exiger d’eux. En effet, lorsqu’on n’a plus de métier ou de compétences à échanger contre salaire, il devient difficile de démarquer ce que le travailleur vend et ce que l’employeur achète. « L’incertitude, inhérente au contrat de travail salarié, ne se limite pas aux conditions imprévues de réalisation pouvant advenir, mais à la nature même des “capacités de travail” que l’on voudrait pouvoir acheter comme des marchandises, alors qu’elles ne peuvent l’être. » (Freyssenet 1995 : 241.) Dans le cadre de l’antagonisme inhérent aux rapports travailleurs-management, les travailleurs et leur syndicat utiliseront les systèmes de classification comme un bouclier contre les exigences théoriquement sans limites du management dans la prestation de travail ; ce faisant, ils ne défendent pas le travail parcellisé que ces définitions de tâche semblent sanctionner mais y puisent ce qui peut permettre aux travailleurs de s’aménager un espace autonome de l’autorité managériale. Quand ces systèmes compliqués sont remis en cause par ce même management, parce que considérés trop rigides dans le cadre de la flexibilité aujourd’hui exigée des travailleurs et des travailleuses, et quand les travailleurs et leur syndicat s’opposent à leur disparition par la réduction drastique du nombre de classifications, il ne s’agit pas davantage pour ces derniers de défendre le travail divisé et parcellisé qui s’y rattache, mais de s’opposer à l’élargissement des exigences managériales que leur réduction signifie (i.e. que les travailleurs deviennent disponibles pour plusieurs tâches parcellisées plutôt qu’une seule, au nom de la flexibilité11). Ces systèmes, qui faisaient partie du processus de création de l’entreprise comme « marché du travail interne » et représentaient la distribution interne des places, les possibilités de promotion qu’elle permettait et l’établissement d’une « carrière » interne, sont aujourd’hui remis en cause dans la foulée de la dissolution du « marché interne » et de la création de la dualité inclusion/exclusion propre à la dualisation noyau central/périphérie : l’appartenance au noyau central exige une adhésion consensuelle aux objectifs de l’entreprise et donc le démantèlement des rapports travailleurs-management fondés sur leur caractère antagonique. Les systèmes de classification, comme le principe de l’ancienneté, ont été récupérés par les travailleurs qui ont réussi à donner à ces deux principes un sens subjectif et intersubjectif qu’ils n’avaient pas à l’origine ; on peut ainsi déceler, dans les conventions collectives marquées par le caractère organisationnel de l’entreprise et du syndicat, des clauses et des principes qui trahissent la présence de vestiges institutionnels du syndicalisme puisqu’ils reconnaissent la possibilité que les pratiques de base transforment la « totalité » qui leur donne sens. Ces « droits » syndicaux ont permis aux travailleurs de se distancier et de se différencier de la fonction organisatrice du management et c’est en ce sens que l’on peut dire qu’ils en sont venus à être considérés comme intouchables par les travailleurs : parce qu’ils représentent les derniers vestiges d’expression subjective dans l’organisation. Suivant le credo de la flexibilité, la destruction des « droits » ayant acquis une certaine permanence est liée au principe de la convention flexible (i.e. qui s’adapte constamment aux changements dans l’environnement). Ce sont des tentatives pour annihiler ce qui restait d’institution dans l’organisation, qui permettait aux travailleurs de se manifester comme agents sociaux indépendants du management, contre son organisation.
10Un troisième exemple de « droits » inscrits à la convention collective a eu pour effet de renforcer la dimension organisationnelle du syndicalisme, de la corporation et de la société sans qu’aucune dimension institutionnelle ne vienne en infléchir le sens organisationnel : il a trait aux clauses salariales et est encore emprunté à l’industrie de l’automobile. La convention de 1948 entre General Motors et les UAW établissait une sécurité salariale par l’indexation au coût de la vie (cost-ofliving adjustment ou COLA12) et un enrichissement suivant la hausse de la productivité (annual improvement factor ou AIF). Alfred Sloan, alors pdg de GM, rappelle que « the entire formula represented an effort to introduce an element of reason, and of predictability, into our wage program ; especially it aimed to end at least in part the contests of strength in which our wages had often been set in the past13 » (Sloan 1963 : 395-396). Sloan ajoutait par ailleurs : « It is my belief that the improvement factor should reflect the long-term productivity increase of the U. S. economy as a whole14 » (ibid. : 399) et non la productivité de l’entreprise ou de l’industrie. Le War Labor Board dans une publication de 1945 avait déjà recommandé : « It is not desirable to increase hourly earnings in each industry in accordance with the rise of productivity in that industry,… The proper goal of policy is to increase hourly earning generally in proportion to the average increase of productivity in the economy as a whole15. » (Lichtenstein 1991, cité pp. 526-527.) Alors que la mobilité sur le « marché du travail interne » suit une logique individualisante, l’évolution du salaire est non seulement détachée de la production de l’individu, mais de celle de l’entreprise et de l’industrie. Le salaire du travailleur, qui sert à l’intégrer à l’organisation de l’entreprise, est devenu comme celle-ci d’intérêt national puisqu’il sert aussi l’organisation de la société.
11Le pairage des salaires à la productivité serait une convention servant à pallier le caractère incomplet du contrat de travail – qui ne stipule pas la manière dont la force de travail sera utilisée dans l’atelier – et l’insuffisance de la logique économique génératrice d’incertitudes chez les agents économiques16. L’économie des conventions reprend, en d’autres mots, l’analyse de Sloan : en tant que convention, le pairage des salaires à la productivité sert à assurer une certaine prévisibilité de comportement des agents, c’est un « repère collectivement reconnu qui permet aux agents d’échapper à la logique spéculaire des anticipations croisées » (Orléan 1994 : 22). Grâce à cette convention du salaire à la productivité, les grandes corporations pourront ainsi profiter de coûts salariaux prévisibles et avantageux (car leur productivité dépasse généralement la moyenne nationale) qui les délivreront des incertitudes liées au marché du travail et aux rapports de force, aux résultats aléatoires. Ce type de convention doit recevoir l’aval de la société pour être effectif et ne peut être décrété par un individu ou une seule entreprise. Boyer et Orléan (1994) donnent l’exemple de la politique des 5 $ par jour de Ford qui n’a pas survécu à la guerre, à l’inflation et à la situation du marché ; ce n’est que lorsque la hausse des salaires reliée à la productivité fut nationalement négociée qu’elle réussit à s’implanter et à devenir conventionnelle, i.e. partie de l’économie générale de l’organisation de la société. Un postulat de base de l’économie des conventions est que l’économie a besoin d’un support « institutionnel17 » pour fonctionner adéquatement. Dans le cadre du capitalisme corporatif-managérial, c’est plutôt l’organisation managériale qui a besoin, dans un premier temps, d’un support institutionnel localisé pour étendre sa logique à l’économie et à la société. La convention collective – qui dépend de l’institution syndicale – est nécessaire à l’organisation capitaliste à cause de l’interdépendance du moment productif (organisation) et de celui de l’échange (marché comme institution). L’incomplétude du contrat de travail, imputée par Garnier (1986) au caractère fictif du travail-marchandise, est plutôt un phénomène qui lui est inhérent, une condition de sa réalisation comme le sont l’organisation et la domination managériale. L’organisation du moment productif est l’affaire privée du capitaliste et c’est pourquoi l’usage effectif de la force de travail n’est pas stipulé par le contrat de travail : il ne fait pas partie de l’échange. Le salaire à la productivité est une convention qui affecte à la fois le moment productif et le moment de l’échange, liant augmentation de salaire (du pouvoir d’achat), augmentation de la productivité et changements technologiques. Se référant à nouveau à la convention collective de 1948 entre GM et les UAW, l’ancien pdg de cette corporation rappelle :
« Section 101 (a) of the contract, which deals with the improvement factor, states “that a continuing improvement in the standard of living of employees depends upon technological progress, better tools, methods, processes and equipment, and a cooperative attitude on the part of all parties in such progress […] to produce more with the same amount of human effort is a sound economic and social objective […]” In other words, the real source of income is productivity. The union’s acceptance of these sensible words was surely a milestone in labor relations18. » (Sloan 1963 : 398-399.)
12Le maintien du pouvoir d’achat par l’indexation des salaires au coût de la vie (COLA) et son augmentation suivant la hausse de la productivité (AIF) créent le travailleur-consommateur. Par la même occasion, le management s’assurait le monopole de l’organisation du moment productif puisque l’acceptation du jumelage hausse de salaire/hausse de productivité impliquait aussi celle des changements technologiques planifiés par la corporation. Nous avons là la teneur du compromis fordiste d’organisation de la société : le salaire à la productivité a avantageusement remplacé le salaire à la soumission au mode de vie imposé par Ford comme forme de contrôle social ; il s’agit également de la généralisation du principe du taux différentiel de salaire de F. W. Taylor, fondé sur le contrôle managérial du travail. La convention de 1948 entre GM et les UAW a été présentée par Sloan (1963) comme une victoire de la corporation et par les historiens critiques du travail comme une défaite syndicale. Si l’association augmentation du salaire/du coût de la vie/de la productivité est devenue une convention, contrairement à la politique des 5 $ par jour de Ford, ce n’est pas seulement parce qu’elle a été avalisée par la société mais aussi parce qu’elle présentait un caractère organisationnel plus large que la politique de Ford (limitée à ses intérêts particuliers d’entrepreneur), ce qui, justement, promettait son extension à l’ensemble du secteur corporatif (et non pas à la société). Ce n’est pas cette convention particulière (limitée aux grandes entreprises) qui s’étend à la société, mais le sens qu’elle véhicule : le travailleur devient le bénéficiaire de la hausse de productivité (imputée aux ingénieurs, aux organisateurs, etc.), il est payé non plus en tant que producteur mais en tant que consommateur (cf. Mottez 1966); il ne vend plus sa force de travail pour satisfaire ses besoins (limités), ni même d’abord pour produire : il la lie à une entreprise qui dépend, pour sa reproduction, de sa capacité de consommation. Le revenu (qui comprend plus que le salaire) est lié à l’emploi, i.e. à l’appartenance à une entreprise ; il n’est plus lié au travail. La sécurité du revenu des salariés dépend désormais de l’entreprise. La rupture du lien entre revenu et travail a ainsi été effectuée il y a quelques décennies par le « pacte fordiste » américain.
13La convention collective organise donc le travail par le biais du marché (par le principe de la productivité relié au rendement économique), et organise le marché par le biais du travail (en transformant le producteur en consommateur). Le travailleur-consommateur est inséparable de l’entreprise-organisation et il fait partie du pacte privé-public d’extension du « marché interne » (organisé) pour la production de masse (par le plein emploi assuré par le gouvernement). Ce rapport salarial a été l’instrument par excellence de l’extension de la logique organisationnelle du capitalisme dans l’ensemble de la société. Le salaire à la productivité et ses corollaires, en faisant du producteur un consommateur, l’ont lié de façon décisive au sort de l’entreprise et renforcé la centralité de celle-ci dans la société.
14Ce « droit syndical » de bénéficier de la hausse de la productivité comprenait cependant son contraire : subir l’effet de sa baisse. Aujourd’hui, économistes et sociologues du travail et de l’entreprise admettent, près d’un siècle après les experts en organisation, que la productivité n’est plus le fait des travailleurs mais des organisateurs du travail, de la production et du marché. La productivité comme concept managérial doit être distinguée de la production (qui, elle, était le fait des travailleurs19). Les syndicats qui ont adhéré au salaire à la productivité après la guerre ont lié leur sort à celui des entreprises : logiquement et pragmatiquement, les dirigeants syndicaux américains doivent maintenant se transformer en rationalisateurs du travail.
15L’examen de ces trois principes illustre ce que j’entends par le mode localisé d’institutionnalisation et la portée générale de l’organisation. Les principes de l’ancienneté et les systèmes de classification des tâches font partie du « compromis institutionnel » localisé en ce sens qu’ils ont été conçus pour les fins de la « totalité organisationnelle » qui, dans un premier temps, exigeaient ce compromis institutionnel au plan local à cause de l’antagonisme travail leurs-management inhérent à l’accomplissement du capitalisme corporatif managérial. Cet antagonisme est lié à la monopolisation du travail productif par le management organisateur qui engendre, au plan local, une guérilla des groupes informels (intersubjectifs) contre l’organisation productive. Le salaire à la productivité et ses corollaires (le compromis fordiste) représentent par contre la manifestation organisationnelle à portée générale (nationale) qui visaient à annihiler ce qui restait de rôle productif aux travailleurs pour en faire de simples consommateurs dépendants de leur lien d’emploi avec l’entreprise. Les tiraillements entre le niveau local « institutionnalisé » et le national organisé correspondent à la lutte des travailleurs pour conserver les derniers vestiges de subjectivité liée au travail contre son organisation totale.
Les derniers remparts contre l’organisation
16Les syndicats sont censés être des institutions démocratiques mais leur dimension organisationnelle exige une régularité et une prévisibilité d’action et de comportement peu compatibles avec un fonctionnement démocratique. John L. Lewis du syndicat des mineurs et fondateur du CIO ajoutait que la démocratie est nuisible au fonctionnement du syndicat car elle n’est d’aucune efficacité pour améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs, premier objectif du syndicalisme que seule une organisation bien dirigée est en mesure d’atteindre (cf. Lewis 1960). Cette pratique du syndicalisme – appelée syndicalisme d’affaire – est censée avoir provoqué une relative harmonie dans les relations industrielles américaines, qualifiée de règne du pluralisme par les spécialistes. Une opposition et une résistance constantes, tant du côté des entreprises que des travailleurs, marqueront toutefois les années 1950-1960. Du côté des entreprises, les tactiques anti-syndicales continuent : déménagements des établissements industriels dans des zones peu ou pas syndiquées, nouvelles pratiques de gestion destinées à tenir les syndicats à distance, utilisation de toutes les possibilités de la loi Taft-Hartley pour neutraliser les campagnes de syndicalisation sont choses courantes tout au long de la période de prospérité dite du « compromis fordiste ». Du côté des travailleurs, des grèves spontanées non autorisées par le syndicat national, des refus des conventions négociées par le syndicat, le désavouement de décisions prises par les dirigeants syndicaux se poursuivront jusque dans les années 1970 dans les syndicats locaux20. À partir de la fin des années 1960, une contestation interne s’organise dans plusieurs syndicats contre les directions nationales21. Cette contestation interne se confond avec le conflit qui oppose les travailleurs et le syndicat local au management de l’établissement : les grèves « sauvages » défient à la fois les autorités syndicale et managériale, ce qui reflète le dilemme où se trouvent les pratiques de base quand elles sont confinées dans l’organisation. L’inféodation de l’organisation syndicale à l’organisation corporative et la consommation de masse, censées endormir les velléités de résistance des travailleurs et des travailleuses, n’ont donc pas été synonymes de consensus entre travailleurs et managers ; la prévisibilité recherchée pour le bon fonctionnement de l’organisation n’a pas été complètement atteinte. L’organisation de la société par le capitalisme corporatif-managérial et le compromis fordiste n’ont pas réussi à faire taire complètement les travailleurs et les travailleuses américains de la production de masse, qui ont continué à résister à leur façon, comme ils le pouvaient.
17Au début des années 1960, quelques voix minoritaires ont commencé à se faire entendre qui faisaient une critique radicale du syndicalisme américain. Boggs (1963) et Swados (1966) par exemple affirment qu’il faut désormais mettre les énergies ailleurs que dans les syndicats pour transformer la société. D’autant plus qu’avec l’automation, le travail humain est de moins en moins nécessaire, ce qui accentue la dualisation de la société entre les intégrés au « marché interne » et ceux et celles qui n’y ont jamais été admis ou en sont rejetés par la hausse de la productivité. Les syndicats, qui continuent de défendre le travail et la création d’emplois, représentent désormais une force réactionnaire, écrit Boggs (1963), un travailleur de l’industrie de l’automobile qui conteste l’idée que le rôle productif matériel soit le seul qui accorde une humanité aux êtres humains. « Within a few years, man as a productive force will be as obsolete as the mule22. » (Boggs 1963 : 46.) La société sans travail qui respecte les droits humains ne pourra être obtenue que par des luttes hors du procès de travail et hors des syndicats23. Cette critique radicale du syndicalisme américain, inspirée par l’automation qui amorçait le déclin du secteur manufacturier, mais surtout par l’émergence de nouveaux mouvements sociaux, était peu commune à cette époque (et l’est toujours). La contestation interne aux syndicats visait plutôt, on l’a vu, à les transformer pour accorder plus d’autonomie aux pratiques, à l’intérieur du cadre institutionnel-organisationnel existant. On a beaucoup parlé du blue-collar blues qui menait à la drogue, à l’absentéisme, au sabotage, etc, imputé à un ras-le-bol des travailleurs face à leur travail ; on a moins parlé des organisations militantes, qui remettaient davantage en question le type de syndicalisme développé depuis la guerre que le travail insensé de la production de masse.
18Face à cette contestation interne et aux premières manifestations de la crise économique, les organisations syndicales américaines prôneront dès le début des années 1970 une participation des sections locales à la mise sur pied de programmes managériaux de qualité de vie au travail. Cette tendance ne fera que s’accentuer avec l’approfondissement de la crise économique et l’invasion du marché américain par des entreprises étrangères24. Cette vague de collaboration reflète un affaiblissement du syndicalisme américain dans le compromis institutionnalisé qui se manifeste, entre autres, par la poursuite du déclin du taux de syndicalisation25 et par l’inefficacité du National Labor Relations Act devenu quasiment inopérant à cause des avocasseries des employeurs ; les efforts des syndicats (en 1977-1978) pour obtenir une réforme de cette loi seront déployés en vain ; un retour de la vague d’open shop pour éviter la syndicalisation s’effectue, les entreprises déménageant vers le sud non syndiqué (cf. Brody 1980 et U. S. Department of Labor 1984). Le syndicalisme tente de compenser cet affaiblissement par l’accentuation de sa dimension organisationnelle, i.e. en se concentrant sur le terrain qu’il partage avec l’entreprise-organisation. Les United Automobile Workers of America (UAW), à partir de 1979, vont reculer sur la plupart des clauses salariales (réduction de salaire, perte de l’AIF et du COLA) en échange d’une représentation syndicale à tous les échelons du management, y compris au conseil d’administration des « trois grands » de l’automobile. Parallèlement à ce démantèlement au niveau national du pacte organisationnel fordiste, les UAW feront la promotion au niveau local d’une intégration syndicat local-management orientée vers des réorganisations du travail et des révisions des conventions collectives locales qui auront pour but, nous le verrons, d’en extraire les vestiges institutionnels qui permettent aux travailleurs de s’exprimer collectivement. Les discours sur le partenariat, la coopération syndicale-patronale, la participation à la gestion sont désormais associés à un renouvellement nécessaire du syndicalisme. Depuis le début des années 1980, les syndicats qui se sont ainsi impliqués avec des entreprises n’ont généralement réussi qu’à cogérer des mises à pied et des fermetures d’usine (ou à les faire rouvrir à coup de subventions gouvernementales, de prêts sans intérêt, etc.). Dans l’industrie de l’automobile nord-américaine, cela se faisait souvent en même temps que le syndicat national négociait la convention collective d’une usine en construction, sans la participation des travailleurs, qui n’avaient pas encore été embauchés26. Le fait qu’une convention collective puisse être signée entre un syndicat et un employeur en l’absence de travailleurs et être sanctionnée légalement en dit long sur la victoire de l’organisation sur l’institution27.
19La vague de concessions syndicales qui déferle à partir de 1979 découle directement du Chrysler Loan Guarantee Act, une loi négociée par les partenaires impliqués pour éviter la banqueroute de cette corporation28. Par la suite, GM et Ford, dont la situation financière n’était pas menacée, exigeront les mêmes sacrifices de la part de leurs salariés que ceux imposés par la loi aux travailleurs de Chrysler. On voit que la contractualisation du droit (les lois négociées), malgré son caractère particularisant, a un effet généralisant qui renforce la puissance de l’organisation (qui dépend du consensus entre les acteurs qu’elle lie). La dimension organisationnelle du syndicalisme se renforcera dans la mesure où sa dimension institutionnelle locale sera de plus en plus réduite par la « négociation » de l’élimination des vestiges institutionnels encore présents dans les conventions collectives locales. Cela correspond au credo, qui s’est affirmé à partir des années 1980, de l’adaptation constante au changement qui motive l’adoption du principe de la négociation continue, de la « convention dynamique », i.e. flexible, de l’abandon des règles et pratiques de travail établies dans la convention collective, jugées trop rigides, etc. Je citerai à nouveau en exemple l’industrie de l’automobile. Le Team Concept est le nom donné par General Motors à la réorganisation des rapports sociaux dans les usines et entre elles, devenu politique corporative en 1986. Son adoption, qui signifiait la réouverture de toutes les conventions collectives locales, était présentée comme une condition du maintien en opération des usines dans le cadre d’une restructuration comprenant des dizaines de fermetures d’usines ; cela a engendré une concurrence entre les sections syndicales locales qui prenait la forme de concessions syndicales, i.e. l’abandon, suite aux exigences patronales, de règles établies dans la convention collective ; en échange, la direction établissait une structure syndicale-managériale devant assurer la participation syndicale à la gestion tout au long de la chaîne hiérarchique, rendant moins nécessaire une convention collective dite rigide. La négociation continue et le traitement des griefs à l’amiable devaient assurer une flexibilité des relations de travail propice aux décisions changeantes imposées par le « marché ». Qualifiées de concessions par la frange critique des syndicats29, célébrées comme la réalisation de la démocratie industrielle par leurs partisans, ces transformations représentent une diminution de la formalisation des règles de fonctionnement au profit d’un règlement substantialiste des problèmes (règlement des griefs à l’amiable, affectation des personnels selon les besoins de l’organisation plutôt que selon des classifications prédéterminées, etc.) qui réintroduit l’imprévisiblité dans l’organisation du milieu de travail, sous le contrôle et selon la logique du management (à son avantage)30. La convention collective comme « constitution », devenue trop rigide, cède toute la place à la négociation, processus continu de l’organisation.
20Les militants syndicaux qui protestent contre ces changements au nom d’un retour au véritable syndicalisme ont été qualifiés de « dinosaures », de rétrogrades, d’empêcheurs de changer par bond par les tenants de la participation syndicale aux réorganisations du travail. L’abolition des règles établies par le syndicalisme d’après-guerre (que les travailleurs avaient réussi tant bien que mal, par leurs pratiques, à tourner à leur avantage), leur remplacement par des décisions ad hoc, conjoncturelles, ainsi que les réorganisations du travail inspirées par la flexibilité tous azimuts, provoquent des déchirements et des conflits au sein des syndicats locaux qui, souvent, laissent les travailleurs et les travailleuses démunis et isolés face à (et non plus à l’intérieur de) un syndicat devenu le partenaire du management. Le partenariat organisé est d’ailleurs le corollaire de la dé-formalisation des pratiques et de la disparition des règles ; ces vestiges institutionnels sont remplacés par la création d’équipes syndicat-management à tous les niveaux hiérarchiques, pour régler les problèmes à mesure qu’ils se présentent. Bien sûr, la participation des syndicats à la gestion de la production n’est pas nouvelle. C’est ce que Touraine et Mottez (1962) appelaient le « syndicalisme de contrôle », nécessaire à partir du moment où l’organisation du travail est appropriée par le management car dès lors, les syndicats ne peuvent plus entreprendre une action véritablement autonome et il devient « nécessaire de parler de participation, c’est-à-dire d’intervention dans un domaine commun et non d’action dans un domaine propre » (Touraine et Mottez 1962 : 266). Ce contrôle étant le fait du syndicat (et non des travailleurs) cela produit des tensions entre les ouvriers de la base et l’action syndicale qui expliquent, selon ces auteurs, les « grèves sauvages ». Sur celle des ouvriers de la Régie Renault en 1947, les auteurs écrivent :
« Mais ces mouvements ne sont pas, non plus, seulement une réaction immédiate et violente, matière première que forgent les syndicats. Ils marquent les limites du syndicalisme de contrôle, le développement, à mesure que celui-ci remporte des succès qui font de lui, en un certain sens, un gestionnaire, d’un syndicalisme anti-syndical, d’une volonté de contrôle direct, qui menace son unité, mais aussi qui lui impose le respect de sa double nature dans les pays industriels évolués : expression de la revendication ouvrière et disposition d’un certain pouvoir de gestion et de contrôle de l’emploi. » (Ibid. : 272.)
21Cette « double nature » du syndicalisme correspond à ce que j’ai appelé l’institution localisée à l’intérieur de l’organisation généralisée, propre au syndicalisme américain. Tant que le syndicalisme-institution subsiste, l’expression de ce caractère dialectique de l’action des travailleurs demeure possible. La collaboration actuelle, dans des organismes de concertation, dans des comités conjoints, dont les actions ne se fondent plus sur des règles établies mais sur des ententes conjoncturelles constamment revues, est une suite logique du syndicalisme de contrôle quand les syndicats perdent le contrôle. En fait, le syndicalisme comme organisation n’a eu de contrôle que dans la mesure où il se fondait dans la logique organisationnelle de l’entreprise. Or, dans la crise actuelle, ce contrôle échappe de plus en plus à l’entreprise elle-même ; on ne parle plus d’entreprise d’ailleurs mais de groupes industriels qui tendent à se « financiariser » dans leur appétit de rendement le plus grand, le plus rapidement possible : les groupes industriels secondarisent leur fonction de production au profit de transactions sur les marchés financiers qui n’ont de marché que le nom. Comme souligne Piot (1995), ces marchés s’envolent dans des « bulles financières » qui s’éloignent à la vitesse de la lumière de l’économie réelle. Que signifie, dans ces conditions, l’inféodation des syndicats à la structure de l’entreprise (qui garde, pour cette fin, un caractère régional) ? C’est que, dans ce contexte, la fonction productive des entreprises et des groupes industriels est surveillée de très près par les agents financiers qui y ont investi (surtout les investisseurs institutionnels comme les fonds de retraite, fonds mutuels,…) et qui réclament un rendement maximal rapide : d’où les rationalisations en cascades depuis les années 1980. Les entreprises organisées ont besoin de la collaboration du syndicat afin de mener à bien ces rationalisations et elles peuvent arguer de l’environnement mondial menaçant (qu’elles contribuent elles-mêmes à créer) pour le convaincre de se lier à elles et ainsi sauver l’entreprise et sauver des emplois.
22Boggs (1963) avait raison : le syndicalisme de participation nord-américain (i.e. le syndicalisme de contrôle qui a perdu le contrôle) est une organisation obsolète comme le travail dont il se réclame, et en déclin comme les emplois qu’il réclame. Ses partisans, qui traitent les militants « traditionnels » de dinosaures, font eux-mêmes preuve d’anachronisme en associant participation à la gestion et pouvoir ouvrier, auto-organisation des travailleurs et démocratisation du milieu de travail. Les « innovateurs » du syndicalisme et de son rôle dans l’entreprise se leurrent de la même façon que les nostalgiques du « vrai » syndicalisme. Pouvoir ouvrier et démocratisation n’ont plus cours dans l’organisation et le syndicalisme gestionnaire fonctionne comme elle à la dualisation et à l’exclusion : le discours syndical qui dit le contraire n’est pas différent du discours néolibéral qui s’appuie sur l’idéologie du marché pour légitimer l’intensification de l’organisation de la société et sa mondialisation.
23Que l’une des premières critiques de la société de travail ait été faite aux États-Unis par un travailleur noir de l’industrie de l’automobile (J. Boggs) n’est pas une coïncidence. Comme l’avait déjà noté Friedmann (1950) et comme le constatera Rifkin (1995), l’expérience des Noirs américains annonce ce qui attend la majorité de la population dans une société qui demeure centrée sur l’emploi alors que le travail socialement nécessaire est en baisse constante. « With the onset of automation the Negro moves out of his historical state of oppression into one of uselessness. Increasingly, he is not so much economically exploited as he is irrelevant31… » Que J. Boggs (et quelques autres) aient pu voir venir ce phénomène dès le début des années 1960 indique qu’il ne s’agit pas là des effets d’une « crise du fordisme » (à moins que celui-ci ne soit entré en crise dès sa naissance), de la mondialisation de l’économie ou d’autres événements récents ; c’est un phénomène inhérent au capitalisme (qui vise la réduction constante du travail nécessaire à sa reproduction). Les questionnements sur le travail sont en bonne partie le résultat de cette création capitaliste de la superfluité du travail et des travailleurs. Le chômage structurel croissant a été à l’origine d’une critique radicale de la place du travail dans la société. Le caractère superflu d’un nombre grandissant de travailleurs ne provient pas seulement des technologies de production mais du fait que l’emploi appartient à l’entreprise : autant l’entreprise a su créer la sécurité lorsque cela lui était bénéfique, autant elle prône maintenant la flexibilité (i.e. l’insécurité pour les travailleurs) qui repose sur la superfluité en même temps qu’elle la crée. Le travail, absorbé par l’organisation, qui disparaît dans ses replis, est en voie de devenir un privilège réservé à ceux qui consentent à produire et reproduire l’organisation et donc aussi à produire et reproduire le phénomène d’inclusion-exclusion qui la caractérise.
24L’emploi, rappelons-nous, a été créé comme lien stable et durable avec l’entreprise qui octroie non seulement un revenu et tous ses à-côtés mais aussi une place dans la société d’organisations. Ce « privilège » est désormais réservé à un noyau dur qui se rétrécit sans cesse, pour lequel les vieux principes syndicaux doivent céder la place aux incitations à la participation, au partenariat, au consensus, à la concurrence. Le privilège de conserver un lien d’emploi se paie par l’inféodation au management et à l’organisation, c’est-à-dire par une intensification de la dimension gestionnaire du travail. Le discours sur l’emploi s’adresse aux exclus du travail ainsi entendu (synonyme d’enrichissement, de démocratisation, de participation,…) depuis que le lien stable et durable entre employés et entreprise a perdu sa pertinence organisationnelle. Que l’emploi s’applique aux exclus du travail ne devrait pas nous étonner puisque l’emploi a été construit par l’entreprise sur les ruines du travail-marchandise et sur l’absence d’un sens-social-politique conféré au travail, pour ne retenir que celui d’activité organisée par le management. Les travailleurs syndiqués de l’époque fordiste se plaçaient eux-mêmes à la périphérie de l’organisation pour se tenir aussi éloignés que possible du management ; l’exposition au grand jour du caractère précaire et exclusif de l’emploi révèle son lien indissoluble avec l’organisation managériale : l’emploi comme lien stable et durable a servi à assurer une certaine sécurité à l’entreprise ; aujourd’hui, cette sécurité passe par la flexibilité, c’est-à-dire par le transfert aux employés des effets des aléas et incertitudes liés à l’environnement.
25En sociologie du travail, on fait rarement cette distinction entre travail et emploi parce que travail et management n’y sont généralement pas liés. La plupart des sociologues analysent le travail comme s’il demeurait l’affaire des seuls travailleurs, ou devait le redevenir. Le prochain chapitre est consacré à un examen critique du discours sociologique sur le travail depuis les années 1950 jusqu’à aujourd’hui ; ce discours va servir de révélateur de la transformation radicale de la société à travers celle du travail et de notre difficulté à en saisir le sens.
Notes de bas de page
1 La perte de ce droit peut signifier la disparition du syndicat.
2 L’atelier syndical fermé signifie que tous les travailleurs doivent devenir membres du syndicat majoritaire pour demeurer à l’emploi d’une entreprise.
3 Voir Bakke et al. (1967); Zieger (1986); Boris et Lichtenstein (eds) (1991).
4 Ainsi, le syndicat des travailleurs de l’automobile présentait comme suit aux délégués syndicaux la façon d’aborder la convention collective : « The contract is a constitution governing union-management relationships. No one can hope to handle grievances successfully without a full knowledge of its provisions. A lawyer must know something of the law before he is allowed to plead cases in court. You must know your plant law before you handle grievances. […] The contract is your constitution, and the settlement of grievances under it are the decisions of an industrial supreme court. A complete record of such decisions is sometimes more important than the contract itself […] In practically all cases where a worker has a legitimate complaint it will be possible to find some clause of the contract which, with a little pulling and hauling, can be made to cover the situation. Lawyers have been able to use a Constitution written over 150 years ago to cover the complex issues of modern life. A bright steward should be able to do just about as well with his contract. » (How to Win for the Union : A Discussion for UAW Stewards and Committeemen, 1941, cité par Boris et Lichtenstein (eds) (1991) : 370 et 371.)
5 Après le Wagner Act, les employeurs se sont graduellement ralliés à l’atelier syndical fermé (i.e. à l’adhésion obligatoire au syndicat choisi par la majorité) dans le but de promouvoir un syndicalisme responsable de la part des représentants syndicaux locaux. En effet, ceux-ci, lorsqu’ils devaient solliciter personnellement l’adhésion de chaque individu, favorisaient l’action directe et le rapport de force constant dans l’atelier afin d’obtenir des avantages immédiats qui convainquent les travailleurs du bien-fondé d’adhérer au syndicat. Un représentant syndical local qui continuait de recourir aux méthodes fortes plutôt que de s’en remettre à la convention collective, alors que l’employeur avait accepté le principe de l’atelier syndical fermé, pouvait être expulsé du syndicat par ses hauts dirigeants (cf. Boris et Lichtenstein, eds, 1991).
6 « L’intérêt croissant pour la sécurité d’emploi est en partie le résultat de tendances à long terme du marché du travail américain et en partie le résultat de la dépression. Jusqu’à 1920, le marché du travail américain était un marché de mouvement où le comportement des hommes était dominé par l’idéal des chances – un marché sur lequel il y avait un grand nombre d’hommes prêts à abandonner un job dans l’espoir d’en trouver un meilleur. […] Pendant les années vingt, l’administration du personnel s’est appliquée à promouvoir l’idée du service continu. […] Sur un marché en mouvement décroissant, et donc d’embauche décroissante, un homme déplacé a des difficultés à trouver rapidement une place convenable. Sur un tel marché, les mises à pied deviennent une question qui présente un intérêt vital et les employés se battent durement pour conserver leur emploi. »
7 Les United Automobile Workers of America (UAW) représenteront le fer de lance du syndicalisme américain pendant toute cette période et les conventions collectives signées entre les « trois grands de l’automobile » et les UAW feront école dans les relations industrielles d’après-guerre. Pour cette raison, mais aussi parce que l’industrie de l’automobile est une représentante privilégiée de la période dite fordiste qui, en 1970, fournissait, directement ou indirectement, son emploi à un travailleur américain sur six (cf. Serrin 1973 : 5) ; parce qu’elle a été parmi les secteurs les plus étudiés de la période et parce que je connais mieux ce secteur que d’autres, je l’utiliserai davantage pour illustrer mon analyse.
8 Une politique des UAW interdisait les pratiques discriminatoires dans les sections locales, comme l’établissement de listes d’ancienneté séparées pour les hommes et les femmes, pour les Blancs et les Noirs. Des représentants régionaux ou nationaux du syndicat étaient alors appelés à intervenir auprès des sections locales qui enfreignaient cette politique pour y mettre bon ordre (cf. Gersuny et Kaufman 1984-1985).
9 Le succès des méthodes japonaises de production dans les années 1980 est en partie imputable au fait que les syndicats japonais (formés à l’école américaine après la guerre 1939-1945) n’ont pas réussi de la même façon à neutraliser la concurrence entre travailleurs propre au « marché interne » (cf. Kumazawa et Yamada 1989 et Lillrank 1995).
10 H. Ford a fait procéder à des analyses minutieuses des tâches et à leur évaluation en termes salariaux avant de lancer sa politique des 5 $ par jour en 1914.
11 Par exemple, dans l’industrie de l’automobile, les transformations dans les conventions collectives exigées par General Motors au milieu des années 1980, sous la menace des fermetures d’usines, comprenaient dans l’usine de montage québécoise, une réduction du nombre de classifications de 56 à 4 pour les travailleurs à la production, dans le cadre de la création d’équipes de travail sur la chaîne (les travailleurs à la chaîne étant regroupés sous le titre de « technicien de montage »). Cette réduction draconienne souligne le caractère éminemment interchangeable des travailleurs dont le syndicat réussissait à contrôler certains effets par le principe de l’ancienneté.
12 Les UAW étaient contre l’indexation des salaires au coût de la vie car cela signifiait une réduction en périodes de déflation, ce qui n’était pas rare avant les années 1950 (cf. Jacoby 1987).
13 « toute la formule représentait un effort pour introduire un élément de raison et de prévisibilité dans notre politique des salaires ; surtout, elle visait à mettre un terme, au moins en partie, aux épreuves de force qui avaient décidé, dans le passé, de nos salaires. » A. P. Sloan avait probablement ici en tête la grève de 113 jours des travailleurs de GM en 1946-1947 pour obtenir une augmentation de salaire de 30 % sur la base de la capacité de payer de l’entreprise ; les UAW considéraient que GM pouvait accorder une telle hausse de salaire sans augmenter le prix des voitures. Le syndicat demandait que l’entreprise ouvre ses livres de comptes au public afin de prouver le contraire si tel était le cas ; les UAW avaient invité diverses personnalités publiques à former un comité pour évaluer la capacité de GM à accorder une telle augmentation.
14 « Je crois que le coefficient d’enrichissement devrait refléter la hausse à long terme de la productivité de l’ensemble de l’économie des États-Unis. »
15 « Il n’est pas souhaitable d’augmenter les salaires horaires dans chaque industrie selon la hausse de la productivité de cette industrie,… Le vrai but de la politique est d’augmenter les gains horaires généralement en proportion avec la hausse moyenne de la productivité dans l’ensemble de l’économie. »
16 Voir l’économie des conventions selon R. Salais et L. Thévenot, éds (1986) et A. Orléan, éd. (1994).
17 En fait ces économistes ne font pas référence à des institutions comme telles mais voient plutôt la convention comme une règle informelle communément admise, qui va de soi et à laquelle tout le monde se plie (cf. Salais 1992). Jacot (1994) souligne cette absence de recours au concept d’institution dans l’économie des conventions et l’impute au fait que ses tenants s’intéressent aux comportements plutôt qu’aux structures.
18 « La section 101 (a) de la convention, qui traite du coefficient d’enrichissement, “établit qu’une amélioration continue du standard de vie des employés dépend du progrès technologique, de meilleurs outils, méthodes, processus et équipements, ainsi que d’une attitude coopérative de la part de toutes les parties vers un tel progrès […] produire plus avec la même quantité d’efforts humains est un sain objectif économique et social […]” En d’autres mots, la source réelle du revenu est la productivité. L’acceptation par le syndicat de ces mots sensés représente certainement une étape décisive dans les relations de travail. »
19 Rappelons-nous que le taux différentiel de salaire de Taylor était un salaire à la productivité calculée par lui pour remplacer le salaire à la production (aux pièces) décidée en partie par le travailleur.
20 En 1967, plus d’un millier d’ententes entre syndicat et patron sont refusées par le membership (soit 14,2 % des ententes pour l’année); le nombre de grèves en cours de convention (qui sont illégales) double entre 1960 et 1969 ; dans l’automobile, l’absentéisme double au cours de la même période. Entre 1970 et 1980, il y eut plus de plaintes déposées par des travailleurs contre leur syndicat que par des employeurs (Taplin 1990 : note 18, p. 274). Voir aussi Brody (1980) : 209 et Zernan (1974).
21 Dollar-An-Hour-Now Movement, 30-And-Out committee chez les UAW ; Teamsters United Rank and File chez les Teamsters ; Miners for Democracy chez les mineurs. Les Noirs s’organisent également au sein des syndicats : ils forment des revolutionary union movements, la League of Revolutionary Black Workers ; le Black Panther Party forme un caucus chez GM à Fremont en Californie (qui deviendra NUMMI, une coparticipation GM/Toyota, en 1984).
22 « D’ici quelques années, l’homme comme force de travail sera aussi dépassé que la mule. »
23 J. Boggs, travailleur chez Chrysler, oppose tout au long de son livre the union et the worker. Chrysler est le constructeur d’automobiles qui embauche la plus grande proportion de travailleurs noirs. Au cours des années 1960, ces travailleurs (Boggs était l’un d’eux) furent très actifs au sein des syndicats et dans le reste de la société. Cette critique générale se joignait à celle d’autres mouvements sociaux contre l’AFL/CIO réactionnaire qui collaborait avec le gouvernement américain contre les syndicats communistes et socialistes, notamment au Vietnam et en Amérique du Sud (Cf. Zieger 1986, ch. 6). Serrin (1973) écrit : «When the issues of the 1960s and early 1970s arose – the Vietnam war, the black riots, automobile safety, pollution, consumerism – the union seemed out-of-touch, old-fashioned, old-hat. There are a handful of liberals on the executive board, but most members are conservatives. The UAW became a right-of-center union with a left-of-center reputation. » (pp. 147-148)
24 Dans U. S. Department of Labor (1984) qui présente 17 textes syndicaux, 13 sont en faveur des programmes de QVT et autres formes de participation des travailleurs et des syndicats à la gestion, deux syndicats se prononcent contre (celui des machinistes et celui des travailleurs de l’électricité, ces derniers associant les programmes de QVT aux méthodes utilisées par les syndicats de boutique des années 1930) et deux présentent aux sections locales, sans prendre position, les avantages et les inconvénients de ce type d’initiative.
25 Revenu aujourd’hui à celui de 1900, inférieur à 10 %.
26 Ce fut le cas par exemple de l’usine CAMI en Ontario, une coparticipation GM/Suzuki.
27 Avant le Wagner Act, les syndicats de métier de l’AFL avaient aussi une telle pratique, mais elle véhiculait un sens différent : le syndicat établissait alors les prérogatives du métier pour les uniformiser d’une entreprise à l’autre. Dans le cas de l’industrie de l’automobile, aujourd’hui, il s’agit d’asseoir le principe organisationnel (managérial) de la flexibilité, combattu (avec plus ou moins de succès) dans la plupart des sections locales par les travailleurs syndiqués.
28 Après des tractations entre les dirigeants de la corporation Chrysler, les banquiers, le Congrès et les United Automobile Workers (UAW), le gouvernement américain adopta le Chrysler Loan Guarantee Act qui spécifiait les sacrifices à consentir par les travailleurs (462,2 millions $ de la part des travailleurs syndiqués (salaires et avantages sociaux), 125 millions $ de la part des employés non syndiqués); ce plan de redressement était administré par un Loan Guarantee Board (qui exigea, en 1980, une diminution supplémentaire du salaire horaire des travailleurs de l’ordre de 1,15 $ – cf. Moody 1988).
29 À partir de la fin des années 1970, un mouvement anti-concessions apparaît dans plusieurs syndicats ; en 1979, un organisme est créé pour unir les voix des contestataires – Labor Notes, basé à Détroit ; un mouvement qui se nomme New Directions for Labor est lancé par des dissidents des UAW. Parker (1985) et Parker et Slaughter (1988) sont deux ouvrages critiques publiés par Labor Notes (J. Slaughter est une ex-travailleuse de l’automobile). En 1989, j’ai participé à une conférence à Détroit organisée par Labor Notes qui avait pour thème « New Directions for Labor »; le mouvement avait alors acquis suffisamment d’importance pour que les directions de plusieurs syndicats organisent une manifestation contre les dissidents réunis à cette conférence.
30 Crozier et Friedberg (1977) soulignent que l’imprévisibilité est un atout pour les acteurs qui peuvent en jouer dans l’organisation tout en rendant l’action des autres groupes plus prévisibles.
31 Sidney Willhelm, Who Needs the Negro ? (Cambridge, MA : Schenkman, 1970), p. 162, cité par Rifkin (1995) : 79. « Avec l’assaut de l’automation, le Noir sort de sa condition historique d’oppression pour entrer dans celle de l’inutilité. De plus en plus, il n’est pas tant économiquement exploité que superflu… »
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La révolution du travail
Ce livre est cité par
- Freitag, Michel. (2002) L'oubli de la société. DOI: 10.4000/books.pur.24135
- Francequin, Ginette. (2008) Le vêtement de travail, une deuxième peau. DOI: 10.3917/eres.franc.2008.01.0263
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La révolution du travail
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