Boris de Schlœzer, biographe et critique d’Alexandre Scriabine
p. 9-26
Texte intégral
La « Scriabiniade » de Boris de Schlœzer : 1908-1969
1« Vie. Élan créateur. Tout est en toi et rien qu’en toi. » Ces paroles d’Alexandre Scriabine (1871-1915) datent de 1903-1905, période de la création du Divin poème et du Poème de l’Extase (mais aussi du Poème tragique et du Poème satanique). Elles sont souvent citées par Boris de Schlœzer (1881-1969), philosophe de la musique et critique d’art, qui était aussi le beau-frère et le confident du compositeur1.
2Au fil de leur amitié, le philosophe devient son Eckermann, transmettant leurs entretiens, saisissant les idées et les élans d’inspiration de son interlocuteur au moment de leur naissance. Il affirme dès 1909 dans son deuxième article sur Scriabine, écrit à l’occasion de la première représentation du Divin poème, du Poème de l’Extase et de la 5e Sonate : « la valeur et la signification de ces œuvres ne se limitent pas à leur beauté musicale. Elles marquent, à mon sens, l’avènement d’une nouvelle époque de la culture2 ». La rédaction de la revue où il écrit est beaucoup plus réservée et ajoute dans une note : « Nous publions cet article même si Monsieur Schlœzer, dans sa passion fanatique pour la musique de Scriabine, exagère sans doute. Mais le concert d’aujourd’hui est un grand événement de la vie musicale moscovite, digne d’être abordé selon des points de vue différents. Le regard de Monsieur Schlœzer et son argumentation singulière sont en tout cas dignes d’intérêt. » Leonid Sabanéev, autre critique musical proche de Scriabine, rapporte dans ses Souvenirs la réception très polémique réservée par « nos piliers du conservatisme moscovite » à ce texte3. Lui-même s’exprime alors, reprochant aux commentaires philosophiques de Schlœzer à propos de certains concerts scriabiniens, un « langage incroyablement baroque […] à propos d’une “psyché” et d’un “esprit ludique”4 ».
3La mort du compositeur des suites d’une infection liée à la piqûre d’une mouche charbonneuse en avril 1915 relance la polémique entre « mystiques » et « positivistes ». « Cet homme voulait brûler le monde, et lui-même a brûlé d’un rien. Quelle affreuse moquerie du destin5 ! » : tel est, résumé par Sabanéev, le sentiment de ses contemporains.
4Un an plus tard, lors d’une réunion de la société Scriabine (créée, se souvient Sabanéev, à l’image d’un « salon mystique6 »), Schlœzer intitule sa communication « De l’individualisme à l’unitotalité7 ». Il y résume l’évolution de Scriabine dans son élan vers le Mystère, vers le dépassement du « moi » du créateur jusqu’à sa fusion dans le « tout » cosmique, avec de véritables accents mystiques. Il insiste sur la nécessité de prendre en compte la nature métaphysique de l’œuvre scriabinienne, contre d’autres approches, comme celle de Sabanéev qui délaisse la philosophie du grand compositeur pour décrire seulement sa musique « d’un point de vue strictement objectif ». Schlœzer, lui, cherche dans la vie de Scriabine « une indication du juste chemin » et « l’annonce d’événements possibles », dans un vocabulaire presque initiatique.
5Cette période russe de la « Scriabiniade » (comme on dirait Arthuriade) de Schlœzer s’achève avec la « Note à propos de L’Acte Préalable » dont le texte poétique venait d’être publié dans la revue Propylées russes8. Dans la préface, l’éditeur présentait l’œuvre comme une sorte de « biographie de la pensée si personnelle et profondément organique de Scriabine9 ». C’est bien dans cet esprit que Schlœzer l’aborde, montrant en quoi ce texte brut et néanmoins stimulant est bien plus qu’un maillon dans la réalisation de son Mystère, mais un Mystère en soi, une unité complexe entre musique, poésie et danse dans une synthèse harmonique. De L’Acte Préalable, contrairement à Schlœzer qui a pu en entendre la musique et avoir une description orale de la chorégraphie, nous ne connaissons que ces éclats poétiques publiés, mais ils suffisent à faire entrevoir la marque du génie et sa « personnalité totale », à l’image de l’art total recherché. Il est significatif que cette œuvre inachevée de Scriabine soit publiée dans le même numéro que des inédits de Pouchkine : tous deux représentent, pour les collaborateurs du numéro mais pas seulement, les deux sommets de la culture russe (à propos du poète, les Russes disent encore aujourd’hui « notre tout »). À la même époque, Mandelstam écrit un texte devenu fameux, « Pouchkine et Scriabine » : « deux métamorphoses d’un seul et même soleil, deux métamorphoses d’un seul et même cœur [qui] ont été l’exemple de la mort russe dans la communauté des croyants ; ils sont morts de pleine mort comme on vit de pleine vie10 ».
6Dans le livre Alexandre Scriabine, l’accent est mis sur la personnalité du compositeur, que l’auteur considère comme la clé de compréhension la plus juste et fidèle pour éclairer les mystères de son œuvre. Cette posture intellectuelle mène Schlœzer à livrer un cycle d’ouvrages sur les grands compositeurs et sur les lois de la perception musicale11.
7L’ouvrage, débuté à Yalta, en Crimée, est achevé entre Bruxelles et Paris après l’exil définitif de Schlœzer en 1920, suite au bouleversement de la révolution d’Octobre en 191712.
8La publication a été initialement prévue aux éditions des « Scythes13 » à Berlin, sur la recommandation de Léon Chestov, maître et ami de Boris de Schlœzer, qui suit et encourage la genèse de l’ouvrage14. Dans une lettre, écrite en 1921 au musicologue Pierre Souvtchinsky, Schlœzer parle des négociations avec les « Scythes » (qui s’engagent à publier Scriabine en russe et en allemand) et avec la maison d’édition « Chester » à Londres pour publier le livre en anglais et en français15. Finalement, du vivant de l’auteur, le livre n’a été publié qu’en russe, aux éditions des émigrés « Grani » en mars 192316. Ce changement d’éditeur est peut-être lié à l’orientation politique des « Scythes », très marquée par l’idéologie de « l’eurasisme » qui campait les origines de la Russie (appelée « Europe-Asie ») dans l’empire de Genghis Khan, concevait la révolution russe comme « un mouvement messianique anti-occidental », et qui voyait le salut de l’Europe en crise dans une alliance avec l’Asie, dans laquelle la Russie jouait un rôle central. La position de Boris de Schlœzer, européen par ses convictions, est radicalement différente, comme on peut le constater dans son compte rendu sur l’ouvrage de « l’eurasiate » Nikolaï Troubetskoï L’Europe et l’Humanité17. Dans son Scriabine, Schlœzer montre que même celui qui se déclarait « anti-européen », reste, au fond, un passeur des valeurs de la culture européenne, perçue comme unificatrice et universelle18.
9Dans sa conception initiale, l’ouvrage devait être constitué de deux volumes, le premier étant consacré d’une part à la personnalité du compositeur (sous un triple aspect : « le Penseur », « l’Artiste », « le Mystique »), d’autre part à son grand projet, le Mystère. On peut se faire une idée de celui-ci grâce à deux œuvres synthétiques, l’Opéra et L’Acte Préalable, qui en sont des images lointaines et fragmentaires. Schlœzer, qui en avait une vision bien plus précise grâce à ses entretiens avec Scriabine, en fait une présentation dans le même esprit que celle de L’Acte Préalable dans les Propylées russes : montrer les conditions externes et internes de la création et donner quelques traits formels qui révèlent l’originalité générique de ces œuvres qui tendent à la synthèse des arts, à « l’art total ».
10Le second volume, annoncé à la fin du premier sous l’intitulé « Œuvre musicale », devait, en trois chapitres, éclairer les trois périodes de la création scriabinienne, et être illustré d’une « Annexe musicale ». Il ne verra finalement pas le jour, du moins pas sous cette forme. Au début de l’année 1923, Boris de Schlœzer traverse une période très dure qui le mène, le 21 mars 1923, à une tentative de suicide19. Le rétablissement prend plusieurs mois et Schlœzer, en revenant à la vie, passe à d’autres projets. Celui-ci, qui lui paraît déjà achevé au moment où il termine le manuscrit du premier volume20, se réalise sous forme d’articles variés qui sont désormais concentrés plus sur l’œuvre musicale que sur la personnalité du compositeur.
11Toujours est-il qu’il se tourne alors vers un autre lectorat : à partir de 1921, il est secrétaire de rédaction à La Revue musicale d’Henri Prunières, « passionné d’art russe21 », où l’un de ses premiers articles est consacré à Scriabine22. Il publie par la suite plusieurs autres textes pour le public francophone dans la Revue Pleyel, Le Ménestrel (en 1925, à l’occasion du dixième anniversaire de la mort de Scriabine23), dans le volume « Musique Russe » de la Bibliothèque internationale de musicologie24 à la demande de Pierre Souvtchinsky, enfin dans l’Encyclopédie des musiques sacrées (sous la direction de Jacques Porte) qui deviendra son dernier témoignage à propos de son grand interlocuteur, paru déjà après la mort de Schlœzer25.
12Il est intéressant de remarquer que ce changement de lectorat a entraîné une évolution du discours du philosophe sur le compositeur. Le Scriabine porteur d’une idée messianique de la Russie26 laisse place à un Scriabine purement européen, aussi bien par son vocabulaire sonore27 que par son lien avec la tradition romantique européenne, sa parenté avec Liszt et Chopin, ou sa fascination polémique pour Wagner à propos de la manière de réaliser la synthèse des arts. Schlœzer étudie ce dialogue avec la musique européenne sur la base des partitions, avec un accent mis sur la spécificité du langage scriabinien et les tendances atonales de son style. Ces analyses musicologiques forment, en quelque sorte, le second volume du Scriabine, publié par fragments dans la presse française.
13Les écrits en russe aussi, dans les revues des émigrés Современные записки (Annales Contemporaines) ou Oкна (Fenêtres), placent Scriabine dans un nouveau contexte. Alors que jusque-là, les articles de Schlœzer, presque tous intitulés « Scriabine », étaient centrés sur la personnalité et l’œuvre du compositeur, ils s’attachent désormais à situer Scriabine dans le paysage de la musique russe, que Schlœzer cherche à présenter au public européen en musicologue averti. Cette volonté s’inscrit en réaction aux affirmations provocantes prononcées par Arthur Lourié en avril 1920 lors d’une réunion pour le cinquième anniversaire de la mort du compositeur :
« L’histoire de la musique russe, au sens scientifique, n’existe pas. Elle n’existe que dans la conscience individuelle des musiciens et dans leur création immédiate28. »
14Mais au fond, il s’agit d’une autre manière de saisir ce qu’il y a de plus particulier à la musique scriabinienne, qui est loin de la « ligne mélodique russe » qui a charmé le public occidental, des Champs-Élysées à New York, avec les compositions de Stravinsky notamment. Au contraire, Scriabine et Stravinsky, qu’il a tous deux connu personnellement, sont pour Schlœzer comme « deux pôles de la musique russe29 », même si Scriabine « n’appartint jamais à l’école nationale russe30 ». Ce dernier procède, nous l’avons vu, directement des « Occidentaux », et avec son intention de faire jouer son Mystère en Inde dans un grandiose acte liturgique qui réunirait tous les peuples, il montre qu’il aspire à donner une dimension véritablement cosmique à son art.
15Qui de mieux placé pour démontrer ainsi l’universalité de l’œuvre de Scriabine qu’un passeur bilingue31, traducteur d’une langue à l’autre mais aussi d’un langage artistique (la musique) au langage philosophique ou littéraire ? C’est sur une large période de 60 ans, faite de révolutions politiques et esthétiques radicales, que Boris de Schlœzer transmet à un public de plus en plus large sa vision de Scriabine. Quelles images retient-il de ce « Banquet » musical dont il fut témoin ? Et en quoi ses échanges avec le compositeur ont-ils formé sa propre vision de l’art, lui permettant de « comprendre la musique32 » et de transmettre à ses lecteurs l’élan reçu de l’auteur du Prométhée ?
Scriabine, auteur du Mystère
16Pour ses lecteurs russes de l’Âge d’argent, en quête du Mystère, Schlœzer parle d’un Scriabine mystagogue qui possède et dévoile les mystères de la création33 ; avec ses lecteurs francophones, il utilise le langage plus universel de la mythologie : Scriabine est Orphée ou Amphion34. L’art, en tout cas, est pour lui une théurgie ; l’artiste, affirme Scriabine, crée librement de nouveaux cieux, une nouvelle terre35. À d’autres moments, pourtant, « il avait l’impression non pas d’avoir créé à partir de rien, mais d’avoir seulement soulevé un voile pour rendre [l’œuvre] visible aux hommes, en la faisant passer d’un état caché à un état manifeste », comme le rapporte Schlœzer à partir des paroles de Scriabine prononcées juste après la création du Poème de l’Extase [S., p. 41].
17Pour en arriver là, Scriabine a dû passer par un chemin initiatique où son beau-frère et biographe distingue trois étapes : d’abord, quinze premières années de « création libre » d’où naissent, notamment, les trois premières Sonates, les Études op. 8, les Préludes op. 11, op. 15, op. 17 ; puis, de 1903 à 1909, une période qui culmine avec la Troisième Symphonie ou le Divin poème, exécuté pour la première fois à Paris par Nikish en 1905. C’est également un temps de doute et de désespoir qui s’exprime dans le Poème satanique, op. 36, et le Poème tragique, op. 34, d’où il sort dans le Poème de l’Extase, op. 54 en 1908. Suit enfin la création du Prométhée, op. 60 (1909-1910), le point culminant de son œuvre, avec les Danses pour piano et le poème Vers la flamme, op. 72. Le compositeur passe ainsi de la quête de la liberté absolue à la recherche du jeu extatique pour en arriver à l’intuition de la signification mystique de ce jeu.
18Ces trois étapes sont celles des métamorphoses et de la croissance du moi du créateur : Scriabine part du moi libre et désintéressé qui, tel un enfant avec un ballon36, joue en démiurge avec le monde qu’il crée, pour arriver jusqu’aux degrés suprêmes de l’auto-affirmation souveraine, en passant par les doutes et la « lutte avec Dieu ». Schlœzer parle ainsi d’un « poème byronien » au sujet de l’op. 32 no 2, et de « héros wagnérien » à la « volonté nietzschéenne » à propos du protagoniste de l’Opéra. Ce processus culmine pourtant dans le renoncement à soi : « c’est Zarathoustra qui aime l’humanité » et qui l’appelle à sa suite vers les sommets qu’il a découverts, comme le résume Schlœzer. C’est dans cet esprit que le compositeur conçoit le Mystère qui devait véritablement mener l’homme et le monde à la transfiguration finale. L’analyse de cette œuvre, cet « acte liturgique » dont Scriabine n’a laissé aucune trace écrite, fait l’essentiel de la seconde partie de l’ouvrage, précisément intitulée « Mystère » et consacrée à l’Opéra et à L’Acte Préalable qui ne sont que le préambule et la forme condensée de ce projet grandiose. De façon générale, « toutes ses œuvres ne sont en fait que des esquisses du Mystère, une série d’approches de ce dernier » [S., p. 126] et « c’est à la lumière de celui-ci qu’il faut étudier sa totalité », affirme le critique qui suit cette progression depuis les premières sonates (op. 18, op. 19) jusqu’aux ébauches de L’Acte Préalable.
19La quête personnelle du compositeur, le chemin qu’il propose aux « mystes » qu’il appelle à sa suite, sont à l’image du mouvement du monde qui prend pour Scriabine des couleurs eschatologiques. L’œuvre d’art, dans sa puissance orphique agissant véritablement sur les destinées du monde37, peut lui donner une qualité nouvelle [S., p. 108]. Chaque œuvre scriabinienne reflète, comme une goutte d’eau reflète le ciel, ce mouvement né du désir, qui passe par le vol et la danse, s’élance vers l’extase où « le petit moi s’identifie avec le grand » et où la « mort » du créateur mène à sa pleine réalisation. Le langage musical se trouve ainsi en « convergence parfaite » avec l’évolution spirituelle du compositeur, comme le souligne Schlœzer dans son dernier essai sur lui38.
20Si l’homme et l’œuvre sont inséparables, Schlœzer met l’accent dans ses premiers écrits sur la personne du créateur. Le biographe semble suivre en cela la pensée du compositeur lui-même pour qui « la destruction de la seconde partie des Âmes mortes est naturellement une grande perte pour l’art, mais le drame vécu par Gogol est plus important et plus valable que n’importe quel chef-d’œuvre et Gogol n’a pas payé un prix excessif pour avoir approfondi et compliqué sa vie intérieure39 ». Schlœzer reprend dans son Scriabine cet exemple éloquent pour le public russe. Scriabine est donc loin de l’idée de l’art pour l’art, tout comme il est étranger à l’idée classique de l’œuvre artistique comme forme cristallisée qui participe à la construction de valeurs éternelles et à leur accumulation. Pour Schlœzer, son romantisme est proche de « l’idéalisme magique » d’un Novalis, et il inspire à sa suite toute la génération des symbolistes russes, que ce soit en poésie (Viatcheslav Ivanov), en philosophie (Vladimir Soloviev), ou en peinture (Natalia Gontcharova, Mikhaïl Larionov)40. Romantique qui ne connaît de frontières ni de nations ni de genres, son élan créatif tend à dépasser les limites même des arts pour tendre vers l’art total, la force vitale et transfiguratrice. C’est au vocabulaire religieux qu’il emprunte le terme « Mystère », avec des références aux cultes de l’antiquité (les Mystères d’Égypte et d’Éleusis) et à l’expérience mystique contemporaine (la doctrine de Helena Blavatsky, l’œuvre de Nikolaï Roerich), mais aussi au courant romantique littéraire, avec les noms de Byron et Lermontov, autant de créateurs de « mystères41 » qui apparaissent comme des « phares » et des points de comparaisons dans les analyses schlœzeriennes.
21Celles-ci se heurtent pourtant à plusieurs paradoxes : soulignant à la fois la veine européenne de l’inspiration de Scriabine42, multipliant les noms de ses « ascendants occidentaux » (Chopin, Berlioz, Liszt, Wagner, Haendel…), sa proximité avec le musicologue français Jules Combarieu (qui le conforte dans l’idée de la puissance orphique de l’art), le critique fait ressortir aussi son irréductible étrangeté face à une culture occidentale « décadente » qui, sous le nom de progrès, propose un formidable projet d’asservissement humain. Il y consacre un long passage à la fin de l’ouvrage et dans ses articles dans les revues des émigrés43, insiste sur le caractère matériel et utilitaire de cette culture qui se retourne contre son créateur, en contradiction apparente avec ces passages dans les « Notes à propos de L’Acte Préalable », en 1919, où il cite Scriabine témoignant de l’« influence très stimulante », de la « joyeuse assurance » qu’il a éprouvée lors de ses séjours en Angleterre et en Amérique qui ont produit un « résultat bénéfique ». L’« esprit anti-européen du scriabinisme » s’appuie sur un « vocabulaire sonore purement européen », suggère-t-il dans Le Ménestrel44 comme pour résoudre cette dissonance, mais cela entre en contradiction avec tout ce qu’il a écrit par ailleurs sur l’unité organique de l’œuvre et de la pensée du compositeur.
22C’est ainsi que le Mystère, œuvre cosmique, lui apparaît « organiquement étranger à l’actuelle civilisation européenne », ne peut exister que « dans la conscience d’un Russe » [S., p. 131]. Scriabine est en cela « le héraut de l’art russe, le porteur d’une idée typiquement russe en Europe45 ». Et pourtant, il n’a « rien à voir », comme nous l’avons vu, avec quelque école de musique russe que ce soit, de Glinka à ses grands contemporains Rachmaninov et Stravinsky.
23On le voit, les jugements paradoxaux, voire contradictoires, de Schlœzer sur Scriabine ne manquent pas. Même concernant l’idée du Mystère, tellement brûlante, le vocabulaire change considérablement : exposée en termes solennels dans le Scriabine, comme exprimant la foi du compositeur dans la « puissance créatrice illimitée de l’homme » [S., p. 126], elle apparaît « irréalisable, fantastique » dans l’article du Ménestrel de 1925, voire comme un rêve « démentiel » même quand il s’adresse au lecteur a priori réceptif de l’Encyclopédie des musiques sacrées. De même, L’Acte Préalable qui, en 1919 pour les lecteurs des Propylées russes, est « le Mystère lui-même, limité et réduit par l’artiste à des dimensions qui en rendent possible la rapide création », n’en est plus que l’« image réduite […] et pour tout dire un compromis » au regard du critique dans la dernière année de sa vie46.
24Serait-ce que le biographe est aux prises avec un génie inclassable qui, dès leurs premières rencontres, le frappe par « le caractère antinomique de sa pensée47 » ? Ou s’agit-il pour lui de prendre en compte le lecteur et de lui faciliter l’accès à l’œuvre du compositeur par l’utilisation du langage et des codes culturels propres à chaque pays ? Ou encore est-ce la vision du critique lui-même qui a évolué au fil de leurs échanges et de leurs controverses ?
Schlœzer et l’artiste
25Le chemin vers le Mystère, avec toutes ses difficultés et ses ambiguïtés, est en effet un chemin partagé. Boris de Schlœzer le parcourt à travers les différentes étapes de l’évolution scriabinienne. Leur rencontre correspond à la période du « surhomme » de Scriabine, pendant laquelle il s’oppose au monde et ne le voit que comme un matériau pour l’artiste48. À partir de là, Schlœzer est témoin du « processus de renforcement, d’élargissement et d’approfondissement progressif de [la] personnalité [de Scriabine] » [S., p. 70]. Les échanges quotidiens, les « instants d’extase créatrice » vécus ensemble [S., p. 48] font naître chez lui une approche qui privilégie la « valeur vitale » de la personnalité et de l’œuvre plutôt que l’analyse académique, comme il l’explique lui-même dans une communication en 1916 devant la société Scriabine. Cela lui permet de rester au plus près de la sensibilité du compositeur – « bouillonnante, toujours en mouvement, en quête de soi », selon le témoignage de Leonid Sabanéev49, lui aussi aux prises avec les difficultés que présente l’étude de cette œuvre. Scriabine raconte à Schlœzer sa crise religieuse ; partage ses révélations mystiques ; il apprécie particulièrement les connaissances philosophiques de son interlocuteur qui lui permettent d’affiner sa pensée et l’aident à « créer consciemment », comme il en exprime le souhait dans ses Carnets. « L’incarnation verbale de l’activité exceptionnelle de sa vie spirituelle présentait pour lui, sans doute, une difficulté particulière », note délicatement Schlœzer [S., p. 58] qui participe sans nul doute à une meilleure formulation et qui cite plusieurs exemples de la façon dont telle ou telle théorie « s’est cristallisée dans [leurs] entretiens » [S., p. 111].
26En fait d’entretiens, il semble s’agir le plus souvent de controverses et de débats [S., chap. i] qui permettent au critique, toujours prêt à reconnaître ses erreurs, d’avancer dans son interprétation et d’affiner son approche, qui ne cherche certes pas à rapprocher Scriabine de telle ou telle philosophie ou conviction religieuse – ce qui ne peut conduire qu’à une polémique stérile tant l’univers du compositeur est singulier, mais « s’efforce d’analyser, de comprendre l’image qu’il a devant lui, c’est-à-dire de la relier par un système de rapports à d’autres rapports qu’il connaît déjà, et qui ont pris leur place dans la série » [S., p. 125].
27C’est grâce à ses entretiens avec Schlœzer que Scriabine prend conscience du fait que sa pensée est teintée par la philosophie de Nietzsche et de Schopenhauer ou qu’elle est en rapport direct avec les idées du philosophe religieux Sergeï Troubetskoï dont, « sans le savoir, il [se] rapprochait » [S., p. 128]. Cela lui permet également d’atteindre de nouvelles hauteurs de l’esprit : Sabanéev souligne que la pensée de Scriabine était « malléable comme de l’argile […], il était possible de [l’]orienter, et il ne fait aucun doute que Schlœzer, tentant de [la] connaître, ne faisait qu’éveiller en lui quelque chose de semblable à la sienne propre, et moi ensuite j’en faisais de même tout à fait involontairement50 ». Non que le compositeur fût versatile, mais il attrapait au vol l’idée de son interlocuteur, l’intégrait au cours de ses pensées, au risque de contradictions qui n’étaient pas un obstacle mais une dialectique qui le faisait avancer. Au point que Sabanéev avoue : « nous, chroniqueurs scrupuleux, restions parfois tout à fait perplexes, et chacun essayait d’élaguer l’une part ou l’autre de ce que entendions51 ». Pour Schlœzer, au contraire, c’est un appel à une collaboration qui ouvre l’horizon pour un nouveau type de critique, participant actif, à l’image du spectateur que Scriabine envisageait pour son Mystère. Le critique devient ainsi mieux capable de défendre les ambiguïtés de l’artiste là où ce dernier lui-même baisse les bras, oscillant entre des réponses contradictoires [S. chap. i]. Cela permet également à Boris de Schlœzer de présumer la réponse de Scriabine par exemple au sujet de sa place dans la lignée des mystiques depuis Plotin et Denys l’Aréopagite52. Il peut même préciser une idée qui est restée floue53, révéler une pensée jetée sur le papier (comme la plupart des notes du compositeur qui ne restent compréhensibles qu’aux rares « initiés » qui étaient à ses côtés). Grâce à ses commentaires, on peut presque assister à des fragments de représentation de L’Acte Préalable dont il fut un des rares témoins54. Quant à sa partie intitulée « Mystère », c’est sans doute la seule trace de l’œuvre portée par Scriabine, jamais réalisée, mais qui peut ainsi passer de l’imagination du compositeur à celle du lecteur. Cela n’est pas rien si on se souvient quelle puissance créatrice attribuaient à l’imaginaire le compositeur et son biographe philosophe55.
28L’élan créateur de Scriabine est communicatif, et Schlœzer reconnaît que sa personnalité et son œuvre lui ont servi de « matériau précieux » plus encore que son discours56 pour sa propre réflexion sur la valeur philosophique et culturelle de la musique et des arts en général. Par exemple, les premiers éléments de sa théorie du « moi mythique » (développée, sous sa forme la plus élaborée, dans son Introduction à J.-S. Bach et dans la deuxième version de son Gogol57) semblent naître au moment où il écoute Scriabine en train de composer – cet instant que tant de peintres (Leonid Pasternak, Boris Koustodiev, Robert Hermann Sterl…) et de poètes (Constantin Balmont, Boris Pasternak, Ossip Mandelstam…) ont essayé de saisir : il s’y produit une métamorphose du moi remarquée par Schlœzer (« Il semblait parfois qu’une volonté supérieure l’habitait qui l’obligeait à tendre toutes ses forces58 ») et commentée à partir des propres paroles du compositeur :
« Scriabine avait lui-même tendance à expliquer ce fait à l’aide de sa théorie sur les deux “moi” : le petit “moi” empirique, conscient d’être l’un des contenus particuliers de la Conscience universelle, et le grand “Moi” divin, conscience de cette Conscience universelle. Il pensait que dans l’extase, le petit “moi” s’identifiait au grand » [S., p. 70].
29Le dédoublement a ici une nature proprement religieuse et cela peut expliquer l’expression « moi mythique » qui deviendra un élément central du vocabulaire schlœzerien et qu’il emploiera à propos d’autres artistes, la chargeant de significations nouvelles, découvertes avec chaque nouveau génie créateur. Le terme est employé dans un sens proche de ce qu’écrit Proust dans Contre Sainte-Beuve : « un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices59 » (conception avec laquelle se solidarise un des « moi » du roman Mon Nom est personne60). Dans Nicolas Gogol. L’Homme et le Poète ou les Frères ennemis, le moi créateur dépasse le moi biographique et devient la cause de la tragédie de l’écrivain. Après de multiples études sur des auteurs et leur œuvre, cette dernière idée (née des entretiens avec Scriabine61) sera cependant nuancée, et la tragédie apparaîtra d’autant plus déchirante que l’œuvre par laquelle Gogol aspire à devenir un homme nouveau ne peut exister en ce monde.
30Cela ouvre une nouvelle perspective sur les desseins que Scriabine a laissés inachevés ou qu’il n’a pas réalisés. « Le point faible de l’œuvre scriabinienne : la méconnaissance de la nature concrète de la forme », note Schlœzer en 195362. On reconnaît dans cette observation l’auteur de l’ouvrage sur Bach (1947) dont l’œuvre lui fait découvrir la puissance de la forme qui ne fait qu’un avec le sens, d’où il tire toute une conception de la musique63. Avec ce nouvel éclairage, la forme, chez Scriabine, apparaît comme étant « distincte de la substance musicale, étrangère à celle-ci, […] imposée de l’extérieur64 ».
31Pour le critique, qui garde une « extraordinaire disponibilité à l’égard du nouveau », selon le mot de Gaëtan Picon65, la musique de Scriabine reste celle de l’avenir, conformément à ses premières intuitions, mais désormais dans des termes musicologiques précis. Nuançant ce qu’il avait développé dans son Scriabine, il précise alors que si l’œuvre est à l’image de l’auteur, elle prend au même titre sa source « dans la vie autonome des formes », dans l’histoire du langage qui a « sa logique propre66 ».
32Les analyses des trois périodes de l’œuvre du compositeur sont complétées dans ce sens. Si son langage propre est caractérisé dans l’article de 1925 comme révolutionnaire, avec son « chromatisme exaspéré […] et ses tendances atonales », Schlœzer précise, dans l’une de ses premières présentations de Scriabine au public français :
« Si au point de vue de la forme, de la construction sonore, Scriabine nous apparaît plutôt comme un conservateur, dans le domaine de l’harmonie au contraire il innove avec une audace extrême et un gout sûr qui ne l’abandonne jamais. […] Or, les agrégations de quartes de Scriabine, basées sur l’emploi systématique des harmonies supérieures, ont précédé les réalisations de Schönberg et des jeunes français : Honegger, Milhaud67. »
33L’apport de ces innovations, dont les exemples se multiplient, est résumé dans l’analyse du Prométhée qui « instaurera un nouveau système harmonique68 » et qui révèle, tout comme les cinq dernières sonates, « des possibilités ultra chromatiques infinies69 ».
34Le ton de ses derniers écrits est mesuré et précis. Et si Boris de Schlœzer reconnaît dès 1921 : « mes propres goûts m’orientent aujourd’hui vers un art plus objectif, vers un art inhumain70 », il ne laisse jamais oublier que le compositeur qu’il dépeint croit que la présence même de l’œuvre d’art dans le monde participe à son harmonisation, prenant au sens littéral l’expression de Dostoïevski « la Beauté sauvera le monde ».
Le feu prométhéen
35L’art agissant, l’œuvre comme totalité organique qu’il faut saisir « dans son unité », selon les concepts schlœzeriens tardifs, renvoient dans les écrits sur Scriabine toujours à sa personnalité, perçue comme une triade : « le musicien, le poète, le philosophe ». C’est dans cette triple identité que Scriabine apparaît dès sa première œuvre synthétique, l’Opéra, et son biographe y est particulièrement sensible par sa propre culture multidisciplinaire et par l’appartenance, qui leur est commune, au mouvement de « l’Âge d’argent » en quête du Gesamtkunstwerk. Le compositeur, qui a cherché l’art total, s’est rapproché de l’homme total par son désir d’élargir jusqu’à l’infini les profondeurs du « moi », de devenir universaliste au sens des artistes de la Renaissance, ce que Sartre définira comme le « nouvel humaniste », l’homme de l’avenir71. C’est dans ce sens que Boris de Schlœzer, qui s’inscrit dans le mouvement général des différentes théories de la totalité (Ganzheit), indique que ce sont précisément les éléments extra-musicaux (psychologiques, littéraires, philosophiques) qui prépareront la voie à la musique scriabinienne. Car « la poésie et la peinture ne firent-elles pas beaucoup pour le succès du debussysme72 ? ».
36Lectrice enthousiaste du livre de son oncle, Marina Scriabine, chargée de recherches au CNRS et attachée à l’Institut d’Esthétique et des Sciences de l’Art de Paris73, qui a repris le rôle de passeur de l’œuvre de son père en France et en Europe, situe elle aussi la place de sa musique dans l’avenir. « Scriabine vivait déjà dans ce futur qu’il appelait de toute son âme » [S., Préface], de même son œuvre a anticipé et condensé toutes les tendances de l’art moderne, tous les courants de pensée de notre temps [S., ibid.]74. Cela justifie à ses yeux la publication en français du Scriabine de Schlœzer au début des années 1970, à une époque où, selon ses dires, l’œuvre du compositeur russe reste peu connue ou, bien pire, est mal interprétée, en l’absence d’un ouvrage qui pourrait guider le public francophone dans cette œuvre complexe75. Dans ce contexte, le choix de la monographie de Boris de Schlœzer, servant de référence aux études sur Scriabine en Russie soviétique ou dans l’émigration, s’impose d’une part pour l’exactitude de l’information et de l’interprétation apportée par un témoin musicologue, et d’autre part et surtout pour l’« autorité [qui est reconnue à l’auteur] dans le domaine de l’esthétique musicale, tant en France qu’à l’étranger ».
37Ce projet né en 1971 (date du centenaire de la naissance de Scriabine, deux ans après la mort de Boris de Schlœzer) ne se réalisera qu’en 1975 quand le livre sera publié à la Librairie des Cinq Continents à Paris, après l’échec en 1971 de l’édition d’un numéro spécial « Scriabine » dans La Revue musicale dont il fut un collaborateur régulier. Il devait former le second volume d’un double numéro consacré à « Scriabine – Obouhow – Wyschnegradsky ». Claude Ballif, compositeur français, directeur de la publication, explique dans l’introduction du premier numéro ce choix de compositeurs russes. Ils représentent, selon lui (et Scriabine en particulier), « l’émancipation de la dissonance » et passent dans leur quête métaphysique par le dépassement du moi afin d’« atteindre véritablement à la signification, à la grâce qui habite ici et là notre planète et marque parfois les heures de ce quotidien76 ». On reconnaît derrière ces arguments un lecteur du Scriabine de Schlœzer dont des extraits devaient être publiés dans ce numéro, de même que la « Note à propos de L’Acte Préalable » de 1919, dans une traduction de Marina Scriabine.
38C’est en un sens ce projet, inspiré par « l’extraordinaire actualité » de l’œuvre de Scriabine, que nous réalisons un demi-siècle plus tard (quand son actualité n’est en rien amoindrie) en réunissant dans un même volume l’ouvrage et des écrits77 de tonalités diverses qui mettent l’accent sur différents aspects de la personnalité et de l’œuvre de Scriabine avec « une imagination philosophique et une exactitude terminologique exemplaires », selon les mots de Pierre Souvtchinsky78.
39Ces textes continueront, peut-être, à enflammer de nouveaux créateurs, sensibles à l’appel de l’auteur du Prométhée (« Poème du feu ») aussi bien sur le plan musical que personnel. C’est dans ce sens que le compositeur a souhaité « à tout et à tous un plein épanouissement. Car tout est votre œuvre, car tout est mon œuvre » [S., 66]. Boris de Schlœzer pousse jusqu’au bout cette idée sur la puissance créatrice de l’homme : « Tous tant que nous sommes, et ceux-là mêmes qui n’ont jamais tenu une plume, ceux-là même surtout peut-être, nous sommes des romanciers, des poètes », écrit-il dans son roman79 où il tente de créer, à son tour, un genre synthétique, une œuvre-somme. Son titre même, Mon nom est personne, laisse entrevoir un mouvement créateur proche dans son esprit de son grand interlocuteur qui voulait pousser ses recherches audacieuses, par le « creuset du doute », jusqu’au renoncement à soi. Le feu de la création ainsi transmis embrase Schlœzer et le pousse à essayer des rôles toujours nouveaux, jusqu’à devenir romancier à l’âge de 88 ans. Il transmet à son tour ce feu à de nouveaux créateurs, nombreux à témoigner de la fécondité de sa pensée, « vivante, toujours vécue, inquiète et interrogative80 ».
40« Mon embouchure est plus haut que ma source ». C’est avec ces paroles, attribuées à Maître Eckhart, souvent mentionnées à propos de l’évolution spirituelle de Scriabine, que Boris de Schlœzer achève son dernier portrait pour l’Encyclopédie des musiques sacrées. Entre la source et l’embouchure, le fleuve s’est gonflé de tous les orages, a parcouru de multiples méandres, pour s’ouvrir et se jeter dans la mer commune, « cherchant ce qui est autre que soi, plus vrai que soi81 ».
41En proposant à nos lecteurs, pour clore la publication de ses œuvres complètes dans la collection « Æsthetica », ce premier ouvrage de Schlœzer, nous pouvons mesurer tout le chemin parcouru par ce « chroniqueur-témoin-participant […] de la vie musicale82 » et de son temps.
Notes de bas de page
1Sa sœur Tatiana, élève de Scriabine, devient en 1904 la seconde épouse du compositeur. Elle sera la Muse du Poème de l’Extase et c’est à elle que Boris de Schlœzer dédiera son livre Scriabine (1923). Voir sur l’alliance créative entre Alexandre Scriabine et Tatiana de Schlœzer leur correspondance : Дословно. Переписка А.Н. Скрябина с В. И. Скрябиной и Т. Ф. Шлёцер – Скрябиной, rééd. de V. Popkov et O. Doubrovina, Musée Scriabine, 2018.
2[« A. N. Scriabine et sa musique »], in Русские ведомости (Bulletins russes), 1909, no 42, 21 février, p. 4. Cet article développe les idées exprimées dans son premier texte « A. N. Scriabine », in Русская музыкальная газета (Le journal musical russe), no 5, 1908, p. 113-120 ; no 6, p. 145-157 ; no 7, p. 177-187. Nous traduisons.
3Précisons que le terme de « conservateurs » n’a rien chez lui de péjoratif, mais désigne des auteurs à la pensée « positive » (ou « positiviste » ?).
4Leonid Sabanéev, Воспоминания о Скрябине (Souvenirs sur Scriabine), Moskva, Klassika XXI, 2000, p. 31-32.
5Ibid., p. 360.
6Ibid., p. 367.
7« От индивидуализма к всеединству », in Apollon, 1916. no 4-5, p. 48-63. Voir la traduction de ce texte en annexe.
8« Записка о Предварительном Действии », in Русские Пропилеи, sous la dir. de M. Gerchenzon, vol. 6, Moscou, 1919, p. 99-119. Voir la traduction de ce texte en annexe.
9Préface de Mikhaïl Gerchenzon, ibid., p. 97.
10Trad. de Gérard Conio, en ligne, [http://abatonsrompus75.unblog.fr/category/non-classe/].
11Igor Stravinsky (1929, rééd. établie par Christine Esclapez en 2012) ; Introduction à J.-S. Bach (1947, rééd. par Pierre-Henry Frangne en 2009) ; Comprendre la musique (articles de presse de 1921 à 1956 réunis et présentés par Timothée Picard en 2013) ; Problèmes de la musique moderne, en collaboration avec Marina Scriabine (1959, rééd. par Bernard Sève en 2016).
12Yves Bonnefoy, ami et lecteur passionné de Schlœzer, rapporte son témoignage à propos de sa fuite, au milieu d’une foule, hors de Russie : dans cet exode chaotique, « il avait vu, distinctement vu, à côté de lui, qu’une certaine charrette était tirée par le Christ », entretien avec Tatiana Victoroff du 23 décembre 2015. Cela peut rappeler les dernières lignes de son Scriabine où il parle du compositeur qui « s’est souvenu du Christ », non pas « le rédempteur », mais « le maître sage, plein d’amour ». L’image du Christ humilié, si russe, qui se trouve aux côtés des souffrants et partage leur fardeau, accompagne le compositeur et son biographe dans les épreuves traversées. D’ailleurs, Schlœzer était certain que Scriabine « aurait été parmi les émigrés », in « Alexandre Scriabine », Le Ménestrel, 8 mai 1925, p. 205. Voir ce texte en annexe.
13Le nom de « Scythes » renvoie au célèbre poème d’Alexandre Blok de 1918. Les anciens socialistes révolutionnaires russes font renaître à Berlin dans les années 1920 cette maison d’édition, initialement fondée en Russie au début de la révolution d’Octobre. Elles ont publié plusieurs œuvres de Léon Chestov dont Schlœzer est devenu, de son vivant, le principal traducteur en français.
14Natalia Baranoff-Chestov, Жизнь Льва Шестова, Paris, La Presse libre, vol. I, p. 188-189, p. 250. Voir l’éd. française : La Vie de Léon Chestov, trad. de Blanche Bronstein-Vinaver, Paris, La Différence, 1991.
15Boris de Schlœzer à Pierre Souvtchinsky, (1921), Archives Pierre Souvtchinsky, BnF, département de la musique, RES VM DOS-92 (50), fo 5-6.
16Б. Ф. Шлецер, Александр Скрябин, Berlin, Grani, 1923. L’édition française a paru en 1975, dans la traduction de Maya Minoustchine : Boris de Schlœzer, Alexandre Scriabine, avec une introduction de Marina Scriabine, Paris, Librairie des Cinq continents, 1975. (Toutes les citations de la version française de Scriabine renvoient à cette traduction, republiée dans la présente édition, sous l’abréviation S. et avec le numéro de page entre crochets.) La version anglaise est éditée en 1987, dans la traduction de Nicolas Slonimsky : Boris de Schlœzer, Scriabin: artist and mystic, Oxford, Oxford University Press, 1987.
17« Que la culture européenne soit malade ne fait aucun doute ; elle traverse une crise dangereuse, mais même si l’Europe s’effondre et que l’hégémonie sur terre passe à l’Amérique ou l’Australie, ce qui constituera le fondement de cette nouvelle civilisation sera une culture européenne et non hottentote », in « Prince N. S. Troubetskoï, “L’Europe et l’humanité” », Современные записки (Annales Contemporaines), Paris, no 4, 1921, p. 380-381.
18Nous réfléchissons à ce paradoxe dans l’article « Boris de Schlœzer et Alexandre Scriabine : dialogue d’un européen et d’un anti-européen », in Pierre-Henry Frangne et Bernard Sève (dir.), Boris de Schlœzer, un intellectuel européen. Le philosophe, le traducteur, le musicologue, le critique, Rennes, PUR, collection « Æsthetica », 2023, p. 111-122.
19Il écrit le même jour dans une lettre d’adieu à Léon Chestov : « Je quitte Paris avec la ferme intention de mourir. On verra bien si “la mort est la vie”, ou bien si ce n’est pas pour tous ? » La citation d’Euripide (« la mort est la vie »), souvent citée par Chestov, est la suite de leur dialogue autour de son œuvre. Voir Переписка Льва Шестова с Борисом Шлецером (Correspondance de Léon Chestov avec Boris de Schlœzer), publ. d’Olga Tabatchnikova, Paris, YMCA-Press, 2011, p. 24. Un des rares témoignages sur cet épisode tragique de la vie de Boris de Schlœzer appartient à un compositeur qui le fréquente à cette époque, Nicolas Slonimsky dans son ouvrage Perfect pitch: a life story, Oxford/New York, Oxford University Press, 1988, p. 93.
20« Maintenant que j’ai fini mon livre, je reviens à la vie et j’ai de multiples projets » (Lettre de Boris de Schlœzer à Léon Chestov, Bruxelles, 05.12.1920), in Correspondance Chestov-Schlœzer, op. cit., p. 22. Après cet événement et la parution de Scriabine en mars 1923, il lui écrit : « Avez-vous vu mon livre sur Scriabine ? J’ai peur d’y porter les yeux. En fait, je me suis beaucoup éloigné de cet ouvrage », ibid., p. 30.
21C’est ainsi que Boris de Schlœzer caractérise son nouveau chef à Pierre Souvtchinsky dans sa lettre du 4 mars 1921, Archives Pierre Souvtchinsky, BnF, op. cit., fo 52.
22[« Alexandre Scriabine »], in La Revue musicale, no 9, juillet 1921, p. 28-46.
23[« Scriabine »], in Revue Pleyel, 15 avril 1925, p. 16-19 ; « Alexandre Scriabine » in Le Ménestrel, 8 mai 1925, no 19, p. 205-206. Voir le deuxième texte en annexe.
24« Alexandre Scriabine », in Gisèle Brelet (dir.), Musique russe, études réunies par Pierre Souvtchinsky, Paris, PUF, Bibliothèque internationale de musicologie, vol. II, 1953, p. 229-248. Voir ce texte en annexe.
25« Scriabine et l’extase », in Encyclopédie des musiques sacrées, Paris, Labergerie, 1968-1973, vol. III, 1971, p. 293-298. Voir ce texte en annexe.
26« Deux pôles de la musique russe », in Annales Contemporaines, 1921, no 7, p. 341-350. Voir la traduction de cet article en annexe.
27Le Ménestrel, op. cit.
28Arthur Lourié, Scriabine et la musique russe, Saint Pétersbourg, Maison d’édition publique, 1921, p. 4.
29Voir l’article de 1921 portant ce titre en annexe. Ces idées sont développées dans les textes [« La musique en Russie »], in Annales Contemporaines, no 20, 1924, p. 394-403 ; « Deux courants de la musique russe », in Окна (Fenêtres), Paris, 1923, livre II, p. 237-260.
30[« Alexandre Scriabine »], in La Revue musicale (1921), op. cit., p. 29.
31Boris de Schlœzer est né à Vitebsk d’un père Russe et d’une mère Belge. Il est le descendant d’un des premiers historiens russes, Schlözer, émigré d’Allemagne au xviiie siècle, et a fait ses études secondaires en Russie, puis ses études supérieures à Bruxelles et à Paris (où il a soutenu une thèse de doctorat en sociologie intitulée L’Égoïsme, 1901).
32Cf. le titre de son article de 1935 où il exprime son credo de critique musical, in Atti del primo congresso internazionale di musica, Firenze 30 aprile-4 maggio 1933, Florence, Felice Le Monnier, 1935, p. 250-255.
33« De l’individualisme à l’unitotalité », op. cit.
34« Scriabine et l’extase », op. cit., XII.
35« Alexandre Scriabine » (1953), in Musique russe, op. cit.
36Cette métaphore, que Boris de Schlœzer attribue à Scriabine lui-même, a fait couler beaucoup d’encre : « Les contemporains disaient que c’était du Schiller mal transposé », rapporte Sabanéev dans ses Souvenirs sur Scriabine, op. cit., p. 196.
37Schlœzer insiste particulièrement sur cette idée dès ses premiers écrits sur Scriabine (article « De l’extase et de l’art agissant », in Музыкальный современник (Le Contemporain musical), 1916, no 4-5, p. 145-156) et la considère dans le contexte de la sensibilité eschatologique russe qui s’exprime aussi bien dans la pensée laïque (l’art des peintres-ambulants du xixe siècle) que religieuse (Tolstoï, Dostoïevski). « Qu’est-ce qui les unit tous ? L’affirmation que l’art peut agir. La reconnaissance de sa force réelle, la découverte de la valeur esthétique de l’objet dans sa capacité de susciter l’action » (voir l’article « Deux pôles de la musique russe » en annexe).
38« Scriabine et l’extase », op. cit.
39« Deux pôles de la musique russe », op. cit.
40L’essai « Scriabine et l’extase » publié dans l’Encyclopédie des musiques sacrées (1971) est accompagné de la reproduction d’un tableau de Natalia Gontcharova qui illustre le mouvement artistique appelé le « Rayonnisme » inspiré, en peinture, de l’élan créatif initié par Scriabine. Il marque le début de l’avant-garde russe.
41Voir, sur le Mystère dans la culture de l’Âge d’argent russe, la monographie collective Renaissances du Mystère en Europe, fin xixe-début xxie siècle. Quel Mystère pour la modernité ? (sous la dir. d’Anne Ducrey et Tatiana Victoroff), Strasbourg, Fondation P.U.S., 2015. Elle contient l’étude sur Scriabine « Faute du Mystère, il reste l’extase » du musicologue Benjamin Lassauzet (p. 273-291).
42« L’exemple de Scriabine, celui de Stravinsky prouvent qu’au moins dans le domaine de la musique nous ne sommes pas des eurasiates, mais de vrais européens », Boris de Schlœzer, [« Musique en Russie »], in Annales Contemporaines, no 20, 1924, p. 403, rubrique « Culture et vie ».
43Voir par exemple la conclusion de l’article « Deux pôles de la musique russe » où le critique reprend à son compte l’idée d’une crise européenne mais la conteste peu après dans son article consacré aux commentaires des philosophes russes sur l’ouvrage de Spengler. Boris de Schlœzer, [« Le déclin de l’Europe »], Annales Contemporaines, no 22, 1922, p. 339-348.
44« Alexandre Scriabine » (1925), Le Ménestrel, op. cit.
45« Deux pôles de la musique russe », op. cit.
46« Scriabine et extase », op. cit.
47« De l’individualisme à l’unitotalité », op. cit., II.
48Ibid., V.
49Leonid Sabanéev, Souvenirs sur Scriabine, op. cit., p. 245.
50Ibid., p. 246.
51Ibid., p. 245, 246.
52« De l’individualisme à l’unitotalité », op. cit., XII.
53« мысль, бродящую как неустоявшееся вино », dit Sabanéev, Souvenirs sur Scriabine, op. cit., p. 246.
54Voir l’article « Note à propos de L’Acte Préalable » et le dernier chapitre de l’ouvrage Scriabine.
55À la fin de sa vie, Boris de Schlœzer se tourne vers la fiction et note dans son premier et dernier roman : « Poètes, musiciens, peintres nous ont toujours révélé un autre monde, celui de la liberté. Imaginaire donc irréel, dira-t-on. Je l’appellerais plutôt surréel, mais d’autant plus enchanteur qu’il est notre œuvre, d’autant plus précieux qu’il n’a ni poids ni consistance, qu’il ne nous contraint pas », in Mon nom est personne, Paris, Seghers, 1969, p. 23. Il existe un enregistrement sonore de ce passage, dicté par l’auteur à sa femme. L’auteur a presque perdu la vue, mais il continue à écrire, et la puissance créatrice de l’imaginaire est révélée ici par le ton assuré de sa voix. Voir la photo « Boris de Schlœzer plongé dans le livre » (archives de Boris de Schlœzer, Mairie de Monaco/Médiathèque communale).
56« De l’individualisme à l’unitotalité », op. cit., I.
57Nicolas Gogol. L’Homme et le Poète ou les Frères ennemis, Paris, L’Herne, 1972.
58« Note à propos de L’Acte Préalable », op. cit., IV.
59Marcel Proust, Contre Sainte-Beuve, éd. de Pierre Clarac et Yves Sandre, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1971, p. 221-222.
60« Je suis toujours anti Sainte-Beuve », confesse le personnage Jean, réaffirmant la conception du roman de Schlœzer, mais pourtant « on ne peut pas détacher entièrement [le roman] de celui qui l’a écrit », Mon Nom est personne, op. cit., p. 152.
61[S., 47]. Voir également le passage cité de l’article « Deux pôles de la musique russe ».
62« Alexandre Scriabine », in Musique russe, op. cit. Une lettre à Pierre Souvtchinsky du 24 juin 1950 à propos de cet article montre qu’il a toujours « vraiment besoin d’élucider, et avant tout pour [lui]-même, le cas Scriabine », comme c’était le cas au début des années 1920. Voir un extrait de cette lettre dans la première note de cet article destiné au recueil Musique russe, en annexe.
63« En musique, le signifié est immanent au signifiant, le contenu à la forme, à tel point que rigoureusement parlant la musique n’a pas un sens, mais est un sens : elle signifie, veux-je dire, en tant que sons ». Introduction à J.-S. Bach, PUR, coll. « Æsthetica », 2009, p. 22.
64« Alexandre Scriabine » (1953), in Musique russe, op. cit.
65Gaëtan Picon, « La pensée de Boris de Schlœzer », Le Monde, 7-8 décembre 1969.
66« Alexandre Scriabine » (1953), in Musique russe, op. cit.
67[« Scriabine » (1925)], Revue Pleyel, op. cit., p. 18.
68« Alexandre Scriabine » (1953), in Musique russe, op. cit.
69« Deux courants dans la musique russe », op. cit., IV.
70[« Scriabine » (1925)], in Revue Pleyel, op. cit., p. 19.
71Voir son essai « Qu’est-ce que la littérature ? » publié en 1947 dans la revue Les Temps modernes qu’il dirige et à laquelle Boris de Schlœzer a collaboré.
72[« Scriabine » (1925)], in Revue Pleyel, op. cit., p. 16.
73Marina Scriabine (1911-1998), musicologue, coauteur avec Boris de Schlœzer du livre « Problèmes de la musique moderne » (1959) est également l’auteur de plusieurs travaux sur l’œuvre de son père. Voir : Cahiers canadiens de la musique, 1971, p. 13-33 ; Encyclopédie de la musique, Paris, Fasquelle, 1961, vol. III, p. 688-691.
74Voir son introduction pour l’édition française de Scriabine, reprise dans la présente édition.
75Lettre de Marina Scriabine à M. Lesier, le 15 mai 1971 (archives de Marina Scriabine, Mairie de Monaco/Médiathèque communale). En France, à ce moment-là, il n’existe qu’un des premiers articles de Manfred Kelkel, « Les esquisses musicales de L’Acte Préalable de Scriabine » (Revue de musicologie, 1971, tome LVII, no 1, p. 40-48) où il partage sa découverte de cette musique considérée comme non-conservée par les musicologues, y compris par Schlœzer. Manfred Kelkel souligne le caractère novateur de ces esquisses, « en raison de l’emploi fréquent d’accords de douze sons, […] ceci plusieurs années avant Schönberg ou Webern » (ibid., p. 45). Kelkel publie un fac-similé de 53 pages d’esquisses dans l’annexe de sa thèse, « Alexandre Scriabine. Éléments biographiques, l’ésotérisme et le langage musical dans ses dernières œuvres (depuis Prométhée) », soutenue en 1974. Elle a paru sous le titre « Alexandre Scriabine : sa vie, l’ésotérisme et le langage musical dans son œuvre » en 1978 aux éd. Honoré Champion. Sur la base de L’Acte Préalable, Kelkel a composé une pièce intitulée Le Tombeau de Scriabine (1972-1973).
76Claude Ballif, « Idéalisme et matérialisme », La Revue musicale, no 290-291, 1972, p. 12. Les documents conservés dans les archives de Marina Scriabine (Mairie de Monaco/Médiathèque communale) permettent de reconstituer le projet du numéro « Scriabine » grâce à la correspondance entre Marina Scriabine, initiatrice, et Claude Ballif, « maître d’œuvre » de ce numéro.
77Selon l’idée initiale de Marina Scriabine, exprimée dans la première version de son introduction pour Scriabine, l’édition française devait être complétée par d’autres études de Boris de Schlœzer sur Scriabine (Archives de Marina Scriabine, Mairie de Monaco/Médiathèque communale).
78Pierre Souvtchinsky, « Boris de Schlœzer », in Allgemeine Enzyklopädie der Musik, Kassel, Basel/Paris, Bärenreiter-Verlag, 1963.
79Boris de Schlœzer, Mon Nom est personne, op. cit., p. 154.
80Pierre Souvtchinsky, op. cit. Voir, notamment, le volume collectif en hommage à Boris de Schlœzer avec les témoignages de Michel Vinaver, Yves Bonnefoy, Jean Starobinsky et Georges Poulet… : Cahiers pour un temps. Boris de Schlœzer, op. cit., 1981.
81Gaëtan Picon, ibid., p. 66.
82Pierre Souvtchinsky, op. cit.
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