Chapitre VII. Les « proies » et les « rapaces »
La régulation des mœurs et l’affirmation d’un ordre esclavagiste
p. 233-274
Texte intégral
1Lorsqu’en 1741, plusieurs incendies sont déclarés à New York, la rumeur enfle : une gigantesque conspiration aurait été fomentée par la population noire de la ville contre les blancs. Lors des procès qui suivent, un motif récurrent ressort : celui de la façon dont les esclaves comptaient, après avoir tué les maîtres, épouser leurs femmes1. Mary Burton, une engagée au service de John Hughson, un aubergiste blanc considéré comme un des cerveaux de la « conspiration », fait part de ce danger : elle affirme que Cuffee, un esclave et l’un des principaux accusés, menaçait de la prendre pour femme. Son témoignage et d’autres sont résumés par le procureur général, William Smith, Sr., lorsqu’il s’indigne, après avoir rappelé le précédent d’un soulèvement servile en 1712 :
« Que tous les hommes blancs fussent tués, et les femmes devinssent la proie du désir rapace de ces vauriens ! Que ces esclaves puissent par là s’établir en quiétude et liberté sur la richesse pillée de leurs maîtres assassinés2 ! »
2L’image – classique – de la pulsion « rapace » à l’égard des femmes blanches témoigne de l’émergence d’un imaginaire lié à la présence servile à New York, un imaginaire racialisé, informé par le genre, et qui se matérialise dans le besoin d’encadrer la sexualité des habitants de la colonie. S’y ajoute le lieu du complot : une auberge, une parmi toutes celles qui constellent le port de New York, épicentre de tous les vices déplorés par les administrateurs coloniaux, et notamment de la prostitution, par laquelle certains esclaves accèdent au corps des femmes blanches.
3Régulation des mœurs et survie de la colonie sont donc plus que jamais corrélées dans l’effroi relayé par ces témoignages. Reste que ce besoin de régulation est ancien : dès la fin du xviie siècle, le pouvoir britannique tente de resserrer son encadrement de la population coloniale et de ses mœurs. Est-ce une réaction à une dépravation accrue de la population depuis 1664 et le transfert d’autorité politique entre les mains des Anglais ? Cela semble évidemment peu probable, mais cela rappelle que l’événement politique accompagne un processus de fond qui transforme la société coloniale. Le changement de souveraineté implique, d’emblée, une redéfinition de la gouvernance par la nouvelle élite dirigeante. Pendant la période précédente, la famille et le couple marié constituaient le noyau de l’ordre sociogenré de la colonie et une clé de lecture permettant le contrôle des normes et des rapports entre hommes et femmes. Ce contrôle reste déterminant pour le nouveau pouvoir colonial. L’attention portée à la régulation des mœurs relève ainsi d’une reprise en main politique de la province dont les implications sont changeantes au fil du temps et des recompositions de la société coloniale.
4Entre le changement de souveraineté et 1741, alors que la population de New York a été multipliée par six ou sept depuis 1664, les Africains et Afro-descendants réduits en esclavage ont gagné en nombre, mais aussi en visibilité. Hors de Manhattan, la présence servile est également en pleine croissance et doit être articulée à un esclavage autochtone, notamment sur Long Island et à la frontière avec la Nouvelle-France, moins documenté mais pourtant également structurel aux rapports de domination3. Le port de New York est le théâtre d’une angoisse croissante des autorités coloniales quant à cette présence, qui se matérialise par trois épisodes violents : en 1708, lorsqu’un couple de Long Island est assassiné par ses esclaves ; en avril 1712, lorsqu’un groupe d’esclaves incendie un entrepôt de Maiden Lane, conduisant à l’exécution de 21 d’entre eux ; en 1741, avec ce que les autorités d’alors identifient comme un « grand complot nègre ».
5La proportion croissante d’une population d’origine africaine dans la colonie a conduit l’historiographie à identifier la « racialisation » (racial formation) de la société coloniale, c’est-à-dire la construction d’un ordre social bâti sur une hiérarchie de « race4 ». Cet ordre « socioracial » serait observable à New York par la concomitance entre la mise en place d’une loi de régulation des esclaves (souvent décrite comme un « code noir ») et celle d’une loi de naturalisation au tournant du xviiie siècle, définissant les contours d’une citoyenneté blanche5. Le terme de racialisation est toutefois sujet à débats. Élie Haddad et Claude-Olivier Doron ont ainsi souligné que l’usage du terme « race » en tant que « catégorie taxinomique fondée sur des caractères fixes et indélébiles » ne recoupe pas son usage dans la pratique des xviie et xviiie siècles, où le terme désignait plus volontiers le lignage, notamment nobiliaire. En conséquence, la notion y perdrait en valeur heuristique, en occultant une variété de réalités désignant la hiérarchisation et la domination, suivant les contextes locaux et les époques, tout particulièrement avant la deuxième moitié du xviiie siècle, quand les fondements de la sujétion sont repensés et rigidifiés. Frédéric Régent, à propos du terrain antillais, a d’ailleurs recours à la notion de « couleur-statut » plutôt que de « race » pour comprendre l’articulation entre l’institution servile et l’affirmation d’un préjugé de couleur6. Cette invite à la précaution trouve un écho nuancé pour le terrain new-yorkais, où les quatre premières décennies du xviiie siècle donnent à voir l’émergence progressive d’un nouveau langage de la domination, mobilisant peu à peu un langage de la « race », qui trouve son expression dans la taxinomie, mais aussi dans la gestion des rapports de genre, alors même que tout un appareil législatif et administratif est en cours d’élaboration pour réguler la présence servile et la menace qu’elle semble de plus en plus représenter pour le pouvoir.
6Ainsi, le fait colonial ne consiste plus seulement à faire advenir un modèle social bâti sur les mœurs chrétiennes importées d’Europe et censées protéger le corps social de l’ensauvagement : il consiste désormais en la classification des peuples et ce processus va reposer sur des critères de couleur, de statut, mais aussi de genre, ce dernier aspect étant longtemps resté sous-exploré pour le terrain new-yorkais, en dépit de travaux féconds sur d’autres terrains7. Comme le rappellent Jean-Frédéric Schaub et Silvia Sebastiani, « le genre détermine une dimension centrale de la race, à savoir la gestation, la procréation, la reproduction et, en amont, l’alliance8 ». Or c’est précisément sur ces terrains que la législation à l’endroit des esclaves évolue au cours de la période, alors que l’administration provinciale entreprend de comptabiliser les forces reproductrices de la main-d’œuvre servile, et d’en encadrer l’intime et la nuptialité. La politique de réforme morale qui caractérise le New York du premier xviiie siècle ne peut être comprise sans la prise en compte de ce processus de catégorisation. L’attention portée à la régulation des mœurs permet ainsi d’identifier la réévaluation d’un rapport de domination et d’une altérité définie comme dangereuse. Cela contribue à la production d’un imaginaire genré associé à la population noire. Cet imaginaire s’appuie non seulement sur l’attention portée à certaines transgressions morales mais également sur l’exclusion progressive des populations serviles et libres de couleur de l’institution du mariage.
7Outre les archives administratives et judiciaires, les témoignages d’officiers et de dirigeants locaux (quand, précisément, les archives administratives font défaut9) donnent à voir la façon dont droit, pratiques et perceptions construisent, au fil des premières décennies du xviiie siècle, un sentiment de peur. La volonté de contrôle accru sur la population noire qui en résulte témoigne d’une évolution du pouvoir colonial et de ses fondements.
Le recensement des populations, un outil de pouvoir en situation coloniale
8En 1664, la Nouvelle-Néerlande est en plein essor, aussi bien économique que démographique. Si le changement de souveraineté est un frein aux apports migratoires amstellodamois, d’autres foyers migratoires, essentiellement britanniques prennent le relais et contribuent à cet essor.
Graphique 5. – Croissance de la population dans la province de New York de 1664 à 1731.

Sources : DHNY, 1, p. 237-247, 467, 471-472 ; NYCP, vol. 42 doc. 34, 52, vol. 59 doc. 16-19.
9Alors que population de la colonie est estimée à environ 9 000 habitants en 1664, 18 067 habitants sont recensés en 1698, 20 665 en 1703, 40 564 en 1723, 50 289 en 1731 et 60 437 en 173710, une croissance qui s’intensifie en dépit d’épisodes épidémiques dans le premier tiers du xviiie siècle11.
10Cette croissance démographique n’est pas géographiquement uniforme et définit des régions diverses, tant en termes de densité de peuplement que de composition de la population (graphique 6). Cela tient autant à l’apport migratoire, volontaire et involontaire, qu’à des mobilités au sein même de la province. La région d’Albany connaît un dynamisme démographique marqué après 1714 ; à l’inverse, dans le comté de Kings, qui correspond à l’actuelle Brooklyn, la population ne croît que faiblement, du fait d’une occupation intensive précoce.
Graphique 6. – Croissance de la population de trois comtés de la colonie, New York, Kings et Albany dans le premier tiers du xviiie siècle.

Sources : DHNY, 1, p. 237-247, 467, 471-472 ; NYCP, vol. 42 doc. 34, 52, vol. 59 doc. 16-19.
11Premier constat, toutefois : la disponibilité même de ces données est révélatrice d’un contrôle resserré du pouvoir sur une population recensée non seulement par genre mais aussi par couleur.
Une rationalisation des pratiques de dénombrement
12L’évaluation de la composition par genre de la société coloniale est d’autant plus aisée pour la période anglaise qu’au fil du temps, les recensements démographiques menés dans la colonie font figurer des données de plus en plus précises et permettent d’identifier un certain nombre de contrastes régionaux, notamment entre la ville de New York et son hinterland. Ces recensions sont indirectes et non systématiques, dans un premier temps – listes d’imposition et autres pétitions faisant apparaître les chefs de feu, mais masquant la composition sexuée de la société coloniale. Au tournant du xviiie siècle cependant, ces recensements sont formalisés pour le Board of Trade et donnent accès à des données démographiques par région, suivant la réorganisation de la colonie en comtés à partir de 1683 (carte 712), mais aussi en fonction du sexe, de l’âge et du statut.
Carte 7. – Carte des comtés de la province de New York à partir de 1683.

La province de New York compte 12 comtés à partir de 1683. Deux comtés, Cornwall et Duke’s, sont transférés sous la juridiction du Massachusetts dès 1686 et 1692 respectivement.
Source : [http://www.rootsweb.ancestry.com/~nysteube/pg4.html].
13À titre de comparaison, dans l’Empire français, les recensements des populations étaient une pratique courante et suivie dès le xviie siècle visant, outre le dénombrement à distance des territoires ultramarins, à exercer un contrôle plus resserré sur une colonie13. L’objectif était de déterminer les ressources fiscales et humaines d’un territoire, donc d’en rationaliser l’administration centrale et locale, notamment sur les plans économique et défensif, et, ce faisant, de « contourner le morcellement de l’espace14 » qui caractérise les sociétés de plantation. Pour un territoire colonial comme la province de New York, marqué par la diversité des modes d’occupation et d’administration du territoire, un tel besoin est également manifeste.
14Dès 1698, des données précises sont établies pour certains comtés, dont Albany et Kings et un certain nombre de localités de Long Island, mais suivant des méthodologies disparates (dans les catégories dénombrées ou l’échelle territoriale recensée), à l’image des profils de peuplement du territoire15. À partir des premières décennies du xviiie siècle, on observe une rationalisation des pratiques de recensement et des dénombrements de plus en plus rapprochés : en 1703, 1714 (pour les comtés d’Albany, Dutchess, Ulster, Orange et Kings), 1723, 1731, 1737 suivant un intervalle de plus en plus réduit avec le temps, signe d’une volonté d’uniformiser cette comptabilisation de la population, et d’une centralisation de la politique impériale16. Cette rationalisation se traduit également par une démarche de comparaison de l’accroissement de la population avec la table précédente. Cela témoigne, de la part du pouvoir londonien, d’une volonté d’organiser les moyens de subsistance et de défense de la province, mais aussi d’en évaluer les ressources économiques au fil du temps.
15Fanny Malègue évoque, à propos des Antilles françaises, « un rôle performatif du recensement17 », au sens où le fait même d’être inclus dans une population recensée est également une inclusion dans le corps social colonial et dans le projet impérial. L’exclusion, au fil du temps, des populations autochtones de ces tables va dans le sens de cette lecture.
16Si en 1698, les tables locales des villes de Southampton et Southold, sur Long Island, font mention de « Hethen, freemen and servants » et entreprennent de les nommer et de les dénombrer18, cette pratique disparaît à partir de 1703. À Southampton, la mention de 152 « sauvages » est adjointe à la fin d’une liste initiale incluant « chrétiens » et « esclaves noirs », soit 17,4 % du total. La recension repose sur la dénomination des hommes et les informations fournies par ces derniers concernant les femmes et enfants non nommés, tout en ajoutant que « les sauvages sont si éparpillés çà et là qu’ils ne peuvent être convoqués […]19 », évoquant une comptabilisation qui échappe en partie au pouvoir colonial. À Southold, l’agent colonial recense « 40 Indiens libres et servants, hommes, femmes et enfants dont le nom ne peut être connu car il ne correspond pas à un nom20 », ce qui correspond à environ 4,5 % de la population dénombrée. La recension rend ainsi visible l’existence d’une mise au service de la population coloniale d’une partie de ces « Indiens », mais l’ambiguïté est maintenue sur leur statut ; de fait, si l’existence d’un esclavage autochtone est attestée, elle n’est jamais clairement dénombrée par le pouvoir colonial qui tend à superposer, dans ces recensements, le statut servile avec l’origine africaine.
17Une autre recension des peuples autochtones est menée par l’administration Bellomont la même année dans le comté d’Albany, alors concerné par des affrontements intercoloniaux majeurs, consécutifs à la guerre de la Ligue d’Augsbourg en Europe. Ces affrontements mobilisent la Confédération Wabanaki, alliée de la Nouvelle-France et la Confédération Haudenosaunee, alliée aux Anglais. Il faut également prendre en compte les conflits entre les Haudenosaunees et les Hurons de Nouvelle-France pour le contrôle des ressources en pelleteries21. Dans ce contexte, la région fait l’objet de raids qui entretiennent un sentiment de peur pour les populations vivant à proximité de la frontière avec la Nouvelle-France, lesquels quittent massivement le comté. Les effets de ces affrontements sont dévastateurs pour les cinq nations haudenosaunees comme pour les Mohicans de la vallée de l’Hudson qui voient leur nombre diminué de plus de moitié (tableau 10).
Tableau 10. – Évolution démographique des populations amérindiennes du comté d’Albany (1689-1698).
1689 | 1698 | |
Mohoggs [Mohawks] | 270 | 110 |
Onneydes [Oneidas] | 180 | 70 |
Onnondages [Onondagas] | 500 | 250 |
Cajouges [Cayugas] | 320 | 200 |
Sinnekes [Senecas] | 1 300 | 600 |
Indiens de la rivière [Mohicans] | 250 | 90 |
TOTAL | 2 800 | 1 320 |
Source : DHNY, vol. 1, p. 468, rapport du gouverneur Bellomont au Board of Trade, à Londres.
18Le dénombrement vise donc ici à évaluer les pertes d’une séquence guerrière et reste circonstancié : cela se traduit par une séparation de la mention des nations autochtones et de celle des « habitants de la ville et du comté ». Le recensement permet ainsi de délimiter les contours du corps social et d’exclure – après 1698, les populations autochtones ne sont plus du tout dénombrées dans les tables proposées par les gouverneurs au Board of Trade.
19Compter les hommes et les femmes témoigne donc d’une mainmise du pouvoir impérial sur le territoire new-yorkais pendant la période de domination anglaise. À partir de 1703, les recensements étendent cette rationalisation à la recension par sexe et par couleur ou statut.
Une différenciation régionale sexuée
20Si la recherche a insisté sur les recompositions de la société coloniale en termes d’origine géographique et sociale, les dynamiques sexuées ont peu été mises en avant. Pourtant, dès la démarche de recensement, il est significatif de constater une transformation dans l’approche genrée des dénombrements. Les premiers recensements, jusqu’à 1703 inclus, adoptent la base du foyer, nommant le chef de feu suivi de ses dépendants – hommes, femmes, enfants sans distinction de sexe et autres, toujours sans distinction sexuée (figure 5, infra). La pratique qui se systématise à partir des années 1720 dans les tables transmises par les gouverneurs au Board of Trade sont, au contraire, catégorisées en fonction du sexe, de la tranche d’âge et de la couleur – permettant ainsi de voir la répartition sexuée des enfants et des dépendants.
21Cette méthodologie révèle un écart croissant entre la principale ville de la colonie et le reste du territoire. Premier constat, peu surprenant après plusieurs générations d’installation et d’ancrage sur le territoire, la répartition sexuée de la population ne se démarque plus par l’importante surreprésentation masculine qui avait pu caractériser la période néerlandaise. On observe ainsi un rapport hommes/femmes de 1,4 à Albany en 1698 pour la population adulte blanche, correspondant à 380 hommes pour 271 femmes. Une génération plus tard, en 1714, ce rapport s’est équilibré et est de 1,1 environ pour ce même comté, mais aussi pour les autres comtés pour lesquels nous disposons de données démographiques. Les comtés de Kings et de Dutchess se démarquent même par une légère surreprésentation féminine au sein de la population adulte blanche. Dans le comté de Kings, dès 1698, on compte 307 hommes pour 331 femmes, ce déséquilibre étant dû principalement aux populations des villages de Brooklyn (« Brookland ») et Flatbush22.
22Dans le comté de New York, qui correspond à Manhattan, le recensement de 1703 montre que tous les quartiers23 sont caractérisés par une surreprésentation des femmes adultes blanches, contre une répartition sexuée quasiment équitable pour la population de moins de 16 ans (carte 8 et tableau 11).
Carte 8. – Carte des quartiers de New York en 1703.

Source : T. W. Foote, Black and White Manhattan, p. 81.
Une valeur inférieure à 1 signale une surreprésentation masculine, supérieure à 1, une surreprésentation féminine.
Source : DHNY, vol. 1, p. 395-405.
Tableau 11. – Sex-ratio de la population blanche dans la ville de New York d’après le recensement de 1703.
Population adulte (16-60 ans) | Enfants (moins de 16 ans) | TOTAL | |
Quartier est | 0,88 | 0,92 | 0,9 |
Quartier sud | 0,74 | 0,85 | 0,79 |
Quartier nord | 0,74 | 1,13 | 0,95 |
Quartier ouest | 0,75 | 0,92 | 0,82 |
Quartier des docks | 0,75 | 1,04 | 0,87 |
Quartier extérieur | 0,97 | 1,01 | 0,99 |
TOTAL | 0,79 | 0,98 | 0,88 |
Une valeur inférieure à 1 signale une surreprésentation masculine, supérieure à 1, une surreprésentation féminine.
Source : DHNY, vol. 1, p. 395-405.
23Cette surreprésentation féminine est tout à fait courante dans une ville portuaire comme New York, dont la vocation maritime et marchande se traduit par l’absence prolongée d’une partie des hommes, un phénomène observé dans d’autres ports, notamment européens24.
24La répartition sexuée est plus équilibrée dans le « quartier extérieur », zone rurale comprenant tout le reste de l’île de Manhattan au nord du mur, un territoire où des exploitations agricoles justifient la présence maintenue des hommes pour les travaux des champs, par contraste avec les quartiers urbains25. En plus des recompositions ethno-culturelles de la population, occasionnées par le changement de souveraineté, l’analyse de la répartition sexuée fait émerger une différenciation régionale au sein de la colonie, entre la ville et son arrière-pays.
25Le dénombrement par genre permet ainsi de compter, outre des habitants, des moyens de production, de subsistance, et de défense. Dans cette même logique, les tables de recensement font, à partir de 1703, également la distinction entre population « blanche » et « noire et autres esclaves26 ».
Vers un recensement par genre de la population servile
26En 1664, La Nouvelle-Amsterdam compte 300 esclaves et 75 libres de couleur, un chiffre qui représente environ 20 % de la population de la ville27. Deux générations plus tard, environ, en 1702, la « loi régulant les esclaves », promulguée par le gouvernement colonial, précise que « le nombre d’esclaves dans les villes de New York et d’Albany, et aussi dans d’autres villes de cette province, s’accroît quotidiennement28 ». Ce préambule à l’interdiction faite aux esclaves de se réunir souligne, d’une part, la nature principalement urbaine de l’esclavage, par opposition aux colonies situées plus au sud, où domine le système plantationnaire, et d’autre part, l’inquiétude des autorités coloniales quant au potentiel danger que représenterait l’accroissement de cette population.
Figure 5.a. – Extrait de la liste des hommes, femmes et enfants dans la ville et le comté d’Albany en 1697.

Source : NYCP – NYSA A1894 vol. 42 doc. 3.
Crédit photo : V. Adane, novembre 2009.
Figure 5.b. – Extrait de la liste des propriétaires fonciers, de leur femme, enfants, apprentis et esclaves dans le comté de Kings (1698).

Source : NYCP – NYSA A1894 vol. 42 doc. 52.
Crédit photo : V. Adane, novembre 2009.
27Un des premiers marqueurs de l’importance prise par la population servile dans la province, mais aussi de sa hiérarchisation, se trouve dans la systématisation consécutive d’un recensement par couleur et statut de la population. Avant 1703, il n’est pas systématique de faire figurer ces données dans les recensements, ce qui rend plus difficile une évaluation claire de la place occupée par la population noire dans la société coloniale. Ainsi les recensements de 1697 et 1698 pour les comtés d’Albany et de Kings, très comparables dans leur forme, permettent-ils de voir l’importance variable de l’institution sur le territoire29. Si le recensement du comté d’Albany est organisé en trois catégories associées à chaque chef de feu, listant le nombre d’hommes, de femmes, puis d’enfants dans chaque foyer (figure 5, gauche), celui de Kings prend en compte en sus une catégorie « esclaves » et une autre « apprentis » – sans distinction de genre (figure 5, droite).
28Une présence servile africaine est pourtant attestée précocement à Albany : dès les années 1660, la correspondance de Jeremias Van Rensselaer fait état de la présence d’esclaves dans la maisonnée de la famille, à Rensselaerswijck30. Au printemps 1676, Anthony Lespinard est poursuivi par le shérif d’Albany pour avoir eu une liaison et un enfant illégitime avec Mary, une esclave de la maisonnée de Willem Teller. Quelques années plus tard, au printemps 1679, c’est au tour de Cornelis Michielse d’être accusé d’une liaison illégitime avec une esclave d’Abraham Staes, résidant à Claverack31. Quant à la table de recensement de 1697, la dernière page, consacrée à la communauté rurale de Schenectady, fait figurer une évocation de 14 noirs (« negroes », figure 6), surajoutés sous la tabulation.
Figure 6. – Extrait de la liste des hommes, femmes et enfants dans la ville et le comté d’Albany en 1697 avec la mention suivante : « & 14 Negroes att Schanegtade [sic] ».

Source : NYCP – NYSA A1894 vol. 42 doc. 34.
Crédit photo : V. Adane, novembre 2009.
29Installation agricole dans la vallée de la rivière Mohawk, Schenectady a la particularité d’avoir une proportion significative d’esclaves d’origine africaine au sein d’une communauté de taille pourtant réduite. Si le statut, hors de Schenectady, n’est pas systématiquement mentionné comme tel, on peut faire l’hypothèse d’une catégorie jugée non pertinente pour le recensement, et donc de la part négligeable de l’institution particulière dans le comté d’Albany. Ce manque de visibilité témoigne également de ce que ceux-ci sont, dans un premier temps, inclus dans la maisonnée, en tant que subalternes, et leur rôle est médié par cette position. Pour le comté de Kings, en revanche, avec 293 esclaves pour un total de 2 011 habitants, soit 14,6 % de la population, le statut est identifié comme une catégorie pertinente et nécessaire de classification.
30Les recensements de ces mêmes comtés en 1714, 1723 et 1731 permettent d’apprécier la rapidité avec laquelle l’esclavage prend de l’importance dans la colonie, non seulement d’un point de vue numérique, mais aussi en termes d’administration impériale. Dans le comté de Kings, la population noire (« black ») représente près du quart de la population totale à la fin de la période. Dans le comté d’Albany, 1 630 noirs sont recensés comme tels en 1737, soit 15,3 % de la population, un contraste évident avec les 14 esclaves listés, sans doute sans méthodologie systématique, 40 ans plus tôt. Surtout, les tables de recensement opèrent une dichotomie systématique, étendue à tous les comtés, entre « blancs » et « noirs » – la couleur supplantant, mais recoupant dans une large mesure, la référence au statut. Notons ainsi, dans ces recensements, l’absence de toute référence à une forme de métissage ou d’esclavage autochtone – alors même que les textes de lois émanant de la même administration évoquent un esclavage « nègre, indien et mulâtre », notamment dans la législation mise en œuvre dans les premières années du siècle32. Dans ces tables de recensement, aucune mention n’est faite non plus des libres de couleur. Pour la table de 1703 à New York, il n’y a pas de chef de feu mentionné relevant de la catégorie « male negro » (ou même « female negro ») : la population recensée comme noire recoupe donc le statut servile. Il s’ensuit que, soit les foyers libres de couleur sont amalgamés à des foyers blancs – ce qui irait dans le sens d’une « couleur-statut » telle qu’analysée par Frédéric Régent33 – soit, par un rapport de clientèle avec d’anciens maîtres, ils sont inclus dans la population servile (une hypothèse qu’il n’est pas possible de démontrer). Toujours dans l’idée d’un rôle performatif du recensement, cette catégorisation témoignerait d’une compréhension de l’organisation de la société coloniale reposant sur cette distinction de couleur à partir du xviiie siècle.
31L’esclavage à New York contribue, en effet, largement à l’activité commerciale du port, que ce soit pour la main-d’œuvre ainsi fournie ou pour l’importante activité de traite dont il est une des escales majeures en Amérique du Nord. Les chiffres de la traite témoignent de son intensification pendant la période anglaise. Si ce commerce était avéré et gagnait en importance pendant la période néerlandaise, cette activité restait très irrégulière et, jusqu’au début du xviiie siècle, soumise aux aléas de la course et des besoins en main-d’œuvre dans la colonie34. C’est à partir de 1715 que la traite prend de l’importance à New York, lorsque l’Angleterre obtient le monopole de l’asiento après le traité d’Utrecht en 1713 : 4 949 esclaves sont introduits à New York entre 1715 et 1772, venus, de plus en plus, d’Afrique35. Il s’ensuit une forte croissance de la population noire de la province dans le premier tiers du xviiie siècle, mais aussi l’extension de l’institution « particulière » jusque dans ses confins.
32D’après le recensement de 1703, la colonie compte 2 383 noirs, soit 12 % de la population, concentrés à plus de 90 % sur Manhattan et Long Island36, une part qui, combinée à l’importance déterminante du travail servile dans l’économie de ces comtés, a conduit une historiographie récente à considérer New York comme une colonie « esclavagiste », pour reprendre la terminologie proposée par Moses I. Finley et reprise par Ira Berlin37. Vingt ans plus tard, en 1723, on dénombre 6 171 noirs, un chiffre représentant 15,2 % de la population totale (tableau 12). Ceux-ci sont concentrés à près de 75 % sur les îles de Manhattan et Long Island, une concentration qui dénote la progression de l’institution dans les comtés du nord.
Tableau 12. – Évolution de la proportion population noire entre 1698 et 1737.
1698 | 1703 | 1714 | 1723 | 1731 | 1737 | |
Albany | 1,6 % | 8,9 % | 13,8 % | 4,7 % | 14,8 % | 15,3 % |
Kings | 14,6 % | 17,9 % | 17,8 % | 20 % | 22,9 % | 24 % |
New York | 14,2 % | 18 % | 16,7 % | 18,8 % | 18,3 % | 16,1 % |
Orange | 8,7 % | 12,3 % | 12 % | 11,8 % | 9,3 % | 10,3 % |
Queens | 5,6 % | 9,7 % | 9,7 % | 15,6 % | 15,8 % | 14,5 % |
Richmond | 10 % | 19,2 % | 9,6 % | 16,9 % | 16,7 % | 18,5 % |
Suffolk | 20,8 % | 5,6 % | 5,5 % | 15,6 % | 7,8 % | 13,8 % |
Ulster | 11,3 % * | 8,8% | 15,7% | 19% | 19,6% | 17,9% |
Dutchess | “ | N/A | 16,6 % | 4 % | 6,5 % | 7,7 % |
Westchester | 13,8 % | 10,2 % | 11,8 % | 10,2 % | 11,5 % | 12,6 % |
TOTAL | 12 % | 12 % | 12,4 % | 15,2 % | 14,4 % | 14,8 % |
* Chiffre commun aux deux comtés d’Ulster et Dutchess.
Sources : American Population, p. 88-105 ; DHNY 1, p. 237-247, 467, 471-472 ; NYCP, vol. 42 doc. 34, 52, vol. 59 doc. 16-19.
33La part de la population servile noire apparaît donc croissante à l’échelle de la province. New York est le deuxième port après Charleston, en Caroline du Sud, pour sa proportion d’esclaves urbains38. À l’échelle du comté, on compte 802 noirs en 1703, soit 18 % de la population totale de la ville, principalement concentrés dans le quartier des docks – où 84 foyers sur les 124 recensés ont des esclaves – et dans les quartiers où se trouvent les familles les plus fortunées39. Anne-Claire Faucquez remarque ainsi que 57,6 % des propriétaires d’esclaves qu’elle a étudiés sont concentrés à Manhattan, alors même que la population de la ville ne représente qu’environ 20 % de la population blanche de la colonie40. Outre cet esclavage urbain, l’existence d’un esclavage rural est déterminante pour le bon fonctionnement de l’économie coloniale. En témoigne la proportion d’esclaves dans le quartier extérieur, où ceux-ci représentent plus de 21 % de la population, et sont concentrés dans 25 foyers sur les 52 recensés, avec plusieurs exploitations ayant de cinq à dix esclaves. En témoigne également la rapidité de la croissance de la population servile des comtés qui constituent l’hinterland rural de New York, comme le comté de Kings. Les tables de recensements ont recours à une catégorie de couleur (« negro ») qui ne donne pas de visibilité, en revanche, à l’esclavage autochtone, pourtant bien présent dans la colonie. Ainsi, le 5 décembre 1679, sous l’administration d’Edmund Andros :
« Les conséquences néfastes à garder les Indiens en tant que servants ou esclaves, dans ce gouvernement, sont présentées et prises en considération. Il a été décidé que tous les Indiens ici sont libres, et non esclaves, et ne peuvent être forcés à être servants, sauf ceux qui ont été auparavant importés depuis la baie [de Campeche, rayé dans le document original] et d’autres territoires étrangers […]41. »
34La suite du document précise que si l’esclavage amérindien est autorisé pour ceux qui viennent d’autres territoires, il est limité à une durée de six mois, à l’issue de laquelle ils doivent être libérés hors de la colonie ou, plus précisément, remis aux nations locales. Trois décennies plus tard, en 1708, lors de l’assassinat de William Hallett et son épouse par un couple d’esclaves sur Long Island, l’un des deux est un Montauk. Plus tard, le 18 septembre 1711, une pétition soumise au gouverneur Hunter révèle le maintien de cette pratique : Sarah Robinsa, une femme montauk, présente une requête pour retrouver sa liberté et être ramenée à New York après avoir été capturée puis mise au service de plusieurs maîtres successifs sur Long Island, puis vendue en tant qu’esclave par un capitaine de navire à Madeire42. L’esclavage autochtone est donc attesté mais le langage de pouvoir pratiqué par l’administration anglaise semble limiter le besoin de recension à une seule partie de la population servile.
35La répartition sexuée de la population noire est également documentée à partir des recensements de 1703. Cette démarche de recension, qui coïncide avec la loi de 1702, témoigne d’une évolution dans la gestion de la population servile dans la mesure où la comptabilisation des femmes permet une comptabilisation par le pouvoir colonial des moyens de natalité et de reproduction de cette population. Du reste, les contrastes dans cette répartition sexuée d’un comté à l’autre, et parfois d’une communauté à l’autre, sont révélateurs du type de main-d’œuvre servile mobilisée. Outre les comtés les moins peuplés, où les proportions se trouvent faussées par le faible nombre d’esclaves, et outre une nécessaire dépendance aux approvisionnements de la traite, on peut déjà observer que si, d’une manière générale, la majorité des esclaves de la colonie est masculine, la ville de New York se démarque par la forte proportion d’esclavage féminin, principalement dans les quartiers où vivent les familles aisées urbaines (tableau 13). Les esclaves sont en effet soumis à une division sexuée du travail, qui se ressent dans leur répartition : la plupart des femmes sont des esclaves domestiques en ville, au service des épouses de maîtres dans les maisonnées les plus fortunées. C’est le cas notamment du quartier sud, où vivent les plus vieilles familles de l’époque néerlandaise, ou du quartier des docks, où vivent certaines des familles les plus influentes et où les esclaves domestiques représentent une partie importante de la main-d’œuvre servile. Les hommes, quant à eux, sont la plupart du temps mobilisés dans le port pour faire du travail de manutention – et si hommes comme femmes travaillent dans les exploitations agricoles du quartier extérieur ou de l’arrière-pays, c’est bien une main-d’œuvre masculine qui semble y prévaloir.
Tableau 13. – Sex-ratio de la population noire (« negro ») dans la ville de New York d’après le recensement de 1703.
Population adulte (16-60 ans) | Enfants (moins de 16 ans) | TOTAL | |
Quartier est | 0,99 | 1,68 | 1,14 |
Quartier sud | 0,98 | 0,68 | 0,87 |
Quartier nord | 1,72 | 1,25 | 1,64 |
Quartier ouest | 0,97 | 2 | 1,17 |
Quartier des docks | 0,86 | 0,92 | 0,88 |
Quartier extérieur | 2,54 | 2,71 | 2,1 |
TOTAL | 1,07 | 1,23 | 1,11 |
Source : DHNY, vol. 1, p. 395-405.
36L’esclavage féminin à New York est plus visible avec le temps : lors du recensement de 1723, c’est le seul comté où il y a plus d’esclaves femmes que d’esclaves hommes, une situation qui joue sur la formation de familles afro-descendantes et sur leur concentration à proximité du port. Cette présence féminine et sa documentation mettent ainsi en évidence l’émergence d’une nouvelle forme d’inquiétude. La présence d’esclaves hommes est considérée comme une menace dans une situation de surreprésentation féminine de la population, aussi bien blanche que noire. La menace est posée non seulement vis-à-vis des femmes blanches mais aussi vis-à-vis des femmes noires et de l’autorité des maîtres sur celles-ci. En effet, comme le montrent les témoignages lors des procès consécutifs à la révolte de 1741, il est courant de voir des esclaves de deux maisonnées différentes avoir formé un lien amoureux ou intime, et cette situation est de plus en plus perçue comme une menace par les maîtres. La mixité genrée très présente de l’esclavage new-yorkais rend donc plus visible la formation des familles noires ou métissées.
37L’accroissement de la population servile dans la province à partir de la fin du xviie siècle n’est pas sans effets sur les rapports sociaux, tout particulièrement dans la ville de New York. Concrètement, l’esclavage urbain se traduit par la grande proximité entre blancs et noirs. Les esclaves dorment sous le même toit que leurs maîtres, dans la cuisine ou dans un grenier et se divertissent dans les mêmes lieux que les blancs, au grand dam des autorités, qui émettent des sanctions toujours plus lourdes43. La rudesse de leurs conditions de vie, d’une manière générale, transparaît à plusieurs reprises. Les cas de vols commis dans les maisonnées soulignent leur dénuement. Le 3 juillet 1716, une esclave métisse, Hannah, est entendue par les autorités coloniales pour avoir volé des vêtements dans le quartier des docks, « car elle se trouvait à moitié nue et sa maîtresse ne voulait pas lui donner de vêtements44 ». Si les pratiques administratives tendent à séparer les populations, la réalité sociale est ainsi bien plus complexe et cause des tensions quotidiennes.
38La simple émergence, rationalisation et systématisation de ces données démographiques dans le premier tiers du xviiie siècle donne à voir l’importance prise par l’institution et la population serviles dans la colonie, ainsi que la volonté d’en resserrer la régulation, non seulement du travail, mais aussi de la sexualité. Dans l’empire espagnol, les travaux de Jean-Paul Zuñiga invitent à prendre la mesure des « usages changeants » d’une paroisse à l’autre, d’une région à l’autre dans les catégories mobilisées pour recenser les populations au xviiie siècle. Il est en effet nécessaire d’être vigilant et de se garder de toute généralisation du point de vue des usages, malheureusement invisibles sur la seule base de ces tables synthétiques émanant de l’administration des gouverneurs coloniaux. Celles-ci permettent néanmoins d’identifier une pratique du pouvoir anglais qui, sur l’ensemble des comtés de la province, entend uniformiser une catégorisation de la population45. Ce processus trouve écho dans la façon dont ces catégories de population sont prises en charge par le pouvoir britannique, notamment au regard de la formation de liens intimes ou familiaux d’un territoire à l’autre.
39Le changement de souveraineté va de pair avec l’imposition d’un nouveau pouvoir et de nouveaux rapports de domination. La domination liée à l’esclavage apparaît repensée et vient s’adjoindre à une domination politique et sociale anglaise, en pleine période d’affirmation du pouvoir impérial anglais sur ses colonies pendant la Restauration Stuart et sous les règnes successifs de Guillaume III et Marie II, puis de la reine Anne. Ce pouvoir passe notamment par une politique de réforme morale et s’appuie sur l’affirmation de normes de genre à travers la prise en charge de la censure morale.
Une régulation repensée des transgressions morales
40La situation démographique de la colonie est donc transformée par rapport à la période néerlandaise : désormais prévaut un équilibre sexué après plusieurs générations d’installation, voire une surreprésentation féminine en milieu portuaire. Par ailleurs, le brassage de populations d’origines diverses et les apports migratoires conséquents au cours de ces décennies correspondent à une période de régulation morale accrue dans le monde britannique, dans la foulée de la restauration Stuart. Dès 1665, les « lois du duc », instaurées au nom du duc d’York et d’Albany à Manhattan, Long Island et Staten Island, adaptent le droit anglais au nom de la « préservation d’une règle décente » en tenant compte de la situation locale – par exemple l’absence de justice ecclésiastique dans l’application des provisions relatives au mariage46. Si les crimes moraux poursuivis sont classiques – adultère, régulation des unions dysfonctionnelles, prostitution, agressions sexuelles et viols – ils sont également l’occasion d’affirmer un rapport de pouvoir. La régulation de la prostitution et des agressions sexuelles intervient surtout à partir des premières décennies du xviiie siècle, en lien avec la présence servile croissante et avec la formulation d’une inquiétude croissante des autorités à ce sujet.
41À l’échelle de l’Amérique du Nord anglaise, la régulation des mœurs et de la sexualité a été identifiée comme un outil d’affirmation d’un rapport symbolique de pouvoir47, variable d’un territoire à l’autre. Un traitement différencié de cette régulation entre les colonies de la Chesapeake, où les cours de justice refusent de monitorer le comportement sexuel, par opposition à un contrôle par la justice bien plus important en Nouvelle-Angleterre, témoigne de compréhensions différenciées de l’exercice du pouvoir et du projet de société qui y est associé48. Par rapport à cette dichotomie, le cas new-yorkais permet d’envisager, dans le cadre du changement de souveraineté, la façon dont l’arsenal institutionnel de régulation des mœurs est repensé, et mis au service de l’inclusion de New York dans l’empire britannique.
Une « réforme morale » à New York ?
42Le 7 mai 1707, le gouvernement colonial de New York, dirigé alors par Edward Hyde, Lord Cornbury, demande la mise en place d’un bridewell, une prison de droit commun et dépôt de mendicité, ayant pour vocation l’enfermement mais aussi le redressement moral des détenus49. La demande du shérif de New York à la court of sessions est celle d’une institution visant à « supprimer le vice50 », avec pour modèle l’établissement similaire qui existe à Londres depuis 1554, première maison de correction visant à lutter contre le vagabondage et les filles de joie (« idle vagabonds » et « harlots51 »). La création de cette institution combine, dans son projet initial, une volonté d’enfermement et de rééducation, étendue à l’Europe moderne – dès 1597, les Spinhuis et Rasphuis amstellodamoises remplissent la même fonction, et il en va de même pour les hôpitaux généraux de la France classique, outils de la politique de « grand renfermement » analysée par Michel Foucault52. Par le travail et la discipline, les détenus sont supposés réformer leur comportement. Pour les populations concernées, Bridewell Palace incarne une intrusion du pouvoir dans la vie quotidienne et la mort sociale pour celles et ceux qui y sont enfermés ou qui y ont passé du temps53. L’historien Paul Griffiths décrit les invectives, au sein des milieux populaires, ayant trait à du temps passé au bridewell : celles-ci témoignent, non seulement de la violence de l’institution, mais aussi du sceau d’infamie sociale qui frappait ceux qui y étaient conduits54. Si les bridewells évoluent dans le sens de prisons classiques, surtout à partir du xviiie siècle, la dimension morale associée au terme persiste et témoigne d’une volonté, en jeu dans la requête de 1707, de réappropriation par le pouvoir du contrôle des mœurs. À la même période, le bridewell londonien connaît un pic de fréquentation (avec 1 474 détenus en 1702), en lien avec une campagne de réforme morale consécutive à l’avènement de Guillaume et Marie. Si, eu égard à cette lecture, le bridewell vise à matérialiser un ordre social par une institution enfermant celles et ceux qui le transgressent, ce projet à New York, en situation portuaire et coloniale, dit également une réaction face à une configuration jugée menaçante pour les bonnes mœurs – du fait de circulations accrues et surtout d’une présence servile non seulement plus marquée mais aussi de plus en plus documentée.
43Cette proposition témoigne ainsi d’une attention particulière du pouvoir colonial aux mœurs. Si elle n’aboutit qu’en 1775 (et il s’agit alors d’une prison pour dettes), la nature même de la requête de 1707 témoigne d’une volonté de réguler les mœurs, érigée en enjeu central pour le shérif de la ville. Du reste, à partir de la fin du xviie siècle, on observe une fragmentation et une spécialisation des instances judiciaires à New York. À partir de 1684, la court of sessions est en charge des affaires pénales, notamment de mœurs. Quelques années plus tard, en 1691, la tenue des sessions est étendue à chaque comté de la province suivant un rythme semestriel ou trimestriel55.
44Pendant la période néerlandaise, les offenses morales mineures étaient entendues par la justice locale, et les crimes les plus graves (incluant l’adultère et le viol) étaient régulés directement par le directeur général et son conseil. Avec le changement de souveraineté, le système judiciaire évolue graduellement vers une spécialisation et un feuilletage des instances judiciaires, notamment entre tribunaux de common law (court of common pleas, notamment56) et tribunaux d’équité. Si les cours municipales restent chargées de la justice civile, la justice pénale revient à la court of sessions et les crimes capitaux à la cour d’assises (devenue court of oyer and terminer après 1683)57. Enfin, dans le cas d’arbitrages problématiques ou importants le gouverneur et son conseil sont sollicités. Si, en vertu du droit anglais, les offenses morales sont traditionnellement gérées par des cours ecclésiastiques, l’absence de tribunal de ce type à New York se traduit par le transfert de cette compétence à la court of sessions. Cette fonction est confirmée après la rébellion de Leisler avec le Judiciary Act de 1691, qui uniformise les institutions judiciaires sur l’ensemble du territoire colonial, avec une injonction faite aux shérifs et aux juges de poursuivre les offenses morales, qui nuisent à « l’accroissement de la vertu58 ». Dès la fin du xviie siècle, la législation se trouve, comme ailleurs dans l’Amérique continentale anglaise59, renforcée sur les questions d’adultère et de prostitution.
45Cette évolution institutionnelle répond également à des inquiétudes morales formulées par une partie des élites dirigeantes. Le motif n’a, en soi, rien de nouveau : dès 1626, Isaac de Rasière avait déploré la débauche des colons, puis Stuyvesant, en 1647, avait fustigé le « comportement déréglé » des habitants de La Nouvelle-Amsterdam60. À chaque fois, le constat de dépravation accompagne un changement de personnel supposé apporter une forme de renouveau moral. Avec le changement de souveraineté, ces préoccupations reviennent au premier plan. Dès le printemps et l’été 1666, les poursuites se multiplient contre des femmes accusées de prostitution à New York et d’avoir « conduit à la mauvaise réputation de la nation chrétienne61 ». Si l’objectif affiché est le rétablissement de la moralité dans le port, le sous-texte justifie la conquête anglaise par la débauche des Néo-Néerlandais. Sous le gouvernement de Thomas Dongan, en octobre et novembre 1685, alors que New York a changé de statut pour devenir une colonie royale, plusieurs lois visant à réguler les mœurs témoignent d’une volonté de reprendre en main les rapports sociaux : les régulations prises contre l’ivresse publique visent ainsi à enrayer « bien d’autres péchés énormes tels les effusions de sang, coups de couteau, meurtre, blasphème, fornication, adultère et autres au grand déshonneur de Dieu et de cette province62 ». Une dizaine d’années plus tard, le révérend John Miller, en visite à la colonie, décrit la ville principale de la colonie dans ce qu’il perçoit comme toute sa dépravation et son impiété. La fréquentation des tavernes y détournerait les hommes de leur famille et de la protection de celle-ci63. « Il est assez ordinaire avec les vices que l’un entraîne l’autre », ajoute-t-il, attribuant à la fréquentation des tavernes la dépravation des mœurs sexuelles de la population, et notamment l’importance de l’adultère et de la « fornication », des péchés aussi dangereux que « préférés » à l’amour conjugal d’après lui64. Ce sont là les propos d’un homme d’Église soucieux de justifier, auprès du pouvoir royal et de l’Église d’Angleterre, la nécessité d’une couverture ecclésiastique resserrée, peu après l’effondrement d’un pouvoir catholique. Ces occurrences témoignent de la façon dont la volonté de régulation des mœurs correspond à une reprise en main plus ferme de la colonie par le pouvoir royal. Et du fait que, dans le second xviie siècle, New York change de modes de souveraineté à diverses reprises.
46Il y a là, par le resserrement du contrôle des mœurs par le droit et les institutions, une appropriation par le pouvoir anglais du monopole de la violence légitime. Cette volonté de prise en main répond mouvement de réforme morale en Angleterre à partir de la fin du xviie siècle. Dans la foulée de la Glorieuse Révolution, des sociétés comme la Society for the Reformation of Manners ont pour but de promouvoir une rigueur morale et notamment d’éradiquer maisons closes, prostitution et comportements dissolus65. Le lien entre ces campagnes et le besoin d’affirmer ou réaffirmer une autorité politique a été mis en avant par l’historiographie, qui a longtemps insisté sur la volonté du pouvoir et de l’élite de supprimer la culture populaire. Des travaux plus récents invitent à envisager ce projet de réforme morale à tous les niveaux de la société et suivant des priorités variables selon les territoires. L’essor du puritanisme s’inscrirait dans cette démarche en Nouvelle-Angleterre66. Dans le cas de New York, en dépit de l’absence d’une justice ecclésiastique, certains crimes ayant trait à la sexualité, et qui faisaient auparavant l’objet d’un contrôle social par la communauté, par le biais de la mise en cause de la réputation, sont, ainsi, de plus en plus criminalisés par le pouvoir.
La régulation des transgressions sexuelles et des mariages dysfonctionnels : la morale comme terrain d’affirmation du pouvoir politique
47Outre ce renforcement institutionnel, la régulation des transgressions sexuelles témoigne, dans un premier temps, de l’adaptation du nouveau pouvoir aux pratiques de la population néo-néerlandaise et surtout, à partir du début du xviiie siècle, de la poursuite de transgressions liées à une présence servile de plus en plus encadrée et surveillée.
48À New York, la régulation des mœurs d’une manière générale apparaît comme un outil politique. Celui-ci est manipulé avec une forme de conciliation avec les pratiques néerlandaises dans les décennies qui suivent le changement de souveraineté, comme en témoignent la régulation de l’adultère et des mariages dysfonctionnels. Durant la période néerlandaise, au niveau de la justice locale, il s’agissait de réguler une circulation de rumeur : trois affaires de ce type ont été jugées par les bourgmestres et échevins de La Nouvelle-Amsterdam entre 1653 et 1664. Il revenait, en revanche, au directeur général et à son conseil, au nom de la WIC, de sanctionner les adultères avérés, ce qui est arrivé à neuf reprises entre 1638 et 1665 ; les punitions variaient d’une amende assortie d’un châtiment corporel (pilori ou coups de fouet) jusqu’au bannissement quand, dans la Nouvelle-Angleterre voisine, il s’agissait d’une offense capitale67. Quant aux unions dysfonctionnelles, le pouvoir néerlandais n’en permettait la dissolution qu’en cas d’adultère – ce qui est arrivé à trois reprises seulement68 ; toutes les autres demandes étaient soldées par une injonction à la recherche d’une entente entre les époux, tant le mariage était conçu comme un garant d’ordre social devant être préservé.
49Dans les quelques années qui suivent le changement de souveraineté, toutefois, six divorces ou séparations sont prononcés par le nouveau gouvernement anglais, entre le 5 avril 1669 et le 9 octobre 167569. Ces décisions témoignent du pragmatisme de ces premiers gouverneurs : en l’absence d’un tribunal ecclésiastique, l’octroi d’un divorce n’aurait pas d’assise légale en vertu du droit anglais ; ces séparations ainsi accordées s’ancrent ainsi dans un héritage néo-néerlandais que Matteo Spalletta avait qualifié de « droit commun de la colonie70 ».
50Ces divorces sont ainsi obtenus en mettant en avant une liaison adultérine – plus généralement de l’épouse71. Seule celle de Rebekah et Eleazar Leveridge s’appuie sur un motif différent, à savoir l’impuissance de l’époux, constatée par chirurgien et permettant une annulation. Mais Rebekah Leveridge est également accusée d’adultère, l’argument de l’impuissance lui permet d’échapper à une condamnation72. La mention d’adultère peut englober plusieurs formes de déviance : en octobre 1675, le divorce de Daniel et Katherine Lane est ainsi obtenu grâce au motif d’adultère, qui s’avère être la relation incestueuse abusive entre Daniel Lane et la fille du couple73. La dimension morale de l’adultère n’est pas seulement une circonstance aggravante : la tromperie devient rupture de contrat et justifie un divorce civil, permettant ainsi de contourner un flou institutionnel par rapport aux pratiques légales anglaises. Le divorce accordé le 24 octobre 1672 à Thomas Petit et à son épouse, dans la communauté de Newtown, permet de voir comment les magistrats tentent de s’accommoder du droit en l’absence de cour ecclésiastique :
« puisqu’il est conforme aux lois de notre gouvernement ainsi qu’aux pratiques du droit civil et du droit de notre nation d’Angleterre dans de tels cas, je déclare le contrat matrimonial brisé par ladite Sarah, l’épouse, qui a commis le très grave crime d’adultère74 ».
51L’infidélité de Sarah Petit brise le contrat que représente son mariage avec Thomas Petit en vertu des pratiques du droit civil tel qu’appliqué jusqu’alors dans cette région. Ce motif reste toutefois le seul permettant la dissolution d’une union – en continuité avec la période précédente.
52En témoignent d’autres cas d’unions dysfonctionnelles où, en dépit de la mésentente d’un couple et surtout en dépit de violences conjugales, les magistrats enjoignent les époux à trouver un terrain d’entente. Cela se produit à trois reprises au cours des années qui suivent 1664. C’est le cas notamment pour Beletje, fille de Lodowyck Post, qui, malgré des plaintes répétées contre les mauvais traitements de son époux, Arent Juriaensen Lantsman, ne parvient jamais à obtenir de séparation. L’union, datée du 25 mars 1660, fait l’objet de plaintes de la part de Beletje mais aussi des parents de celle-ci à propos des brutalités et des abus répétés de Lantsman jusqu’en 167375. Alors même que la cour reconnaît ce comportement brutal, et propose un arbitrage confié aux pasteurs Megapolensis et Drisius, les époux sont contraints de maintenir une vie commune marquée par les violences conjugales et les plaintes de Lodowyck Post76. D’une manière générale, la cour municipale, toujours en charge de ces arbitrages dans les années 1660, maintient un fonctionnement similaire à celui de la période néerlandaise et tente au maximum de réconcilier les époux en conflit – voire ferme les yeux sur certaines séparations de facto, tant qu’elles ne troublent pas l’ordre public. L’octroi de séparation est également possible lorsqu’il en va d’une spoliation économique, ce qui arrive à deux reprises. La querelle, déjà évoquée, entre Nicasius de Sille et son épouse, Catarina Croegers, remonte à la fin des années 1650 : sans avoir obtenu de séparation formelle, ils vivent de facto séparés. Toutefois, leur litige sur une maison à New York et d’autres biens les empêche de rembourser certaines dettes. La cour leur octroie une séparation de biens le 2 avril 1670, afin de dédommager les créanciers du couple77. Semblablement, en 1674, Jacob Fabritius, pasteur luthérien, est poursuivi pour ses mauvais traitements contre sa femme, Annetje Cornelis. En l’absence de séparation ratifiée par le pouvoir, les époux font chambre à part, au désavantage d’Annetje, forcée par son époux à dormir avec les enfants du couple dans le grenier de la maison – qui pourtant appartient à cette dernière. Si ce traitement est réprouvé par la cour, c’est surtout la spoliation d’un bien dû au fils d’Annetje qui conduit à l’octroi d’une séparation de corps et de biens78. Reste qu’après 1675, et jusqu’à une loi légalisant le divorce après la révolution en 1787, plus aucun divorce n’est octroyé dans le New York anglais. À une attitude de conciliation initiale du nouveau pouvoir succède donc une nouvelle politique morale.
53Par ailleurs, la reprise en main du pouvoir impérial à partir de Guillaume III et Marie II s’accompagne d’une articulation entre politique, réputation et morale au contenu genré. Cette articulation est particulièrement symbolisée par le sort réservé à Lord Cornbury, gouverneur honni : entre 1707 et 1709, trois de ses ennemis politiques – Robert Livingston, Elie Neau et Lewis Morris – l’accusent de travestissement dans le but de le discréditer, démontrant l’importance d’une « politique de réputation » ayant recours au genre dans les jeux de pouvoir factionnels qui caractérisent alors la vie politique de New York79. Cet outil politique s’inscrit également la mentalité de réforme morale qui gagne alors l’Angleterre et ses colonies, se traduisant par une appréciation de plus en plus transgressive du travestissement en ce qu’il brouille les frontières entre masculinité et féminité80 : le discours sur la transgression morale et sa nécessaire régulation sert donc ici une volonté de rétablissement de l’autorité politique.
54La criminalisation des liaisons extraconjugales reste un enjeu important de régulation morale, en justice civile, à la cour d’assises comme à la court of sessions. À Albany, les trois affaires d’adultère qui touchent la justice locale entre 1668 et 1685 témoignent d’une véritable commotion sociale ; leur règlement va toutefois dans le sens d’une restauration de l’ordre préexistant plutôt qu’une dissolution des unions81. Avant 1685, huit affaires sont présentées au gouverneur et à la cour d’assises, en général assorties de demandes de divorce, sans toutefois aboutir systématiquement. Après 1685, la court of sessions et la cour d’assises prennent en charge ce crime à l’échelle de la province : dans ce contexte, le motif d’adultère témoigne d’arrangements informels entre conjoints ayant de facto cessé de vivre ensemble – à défaut d’obtenir un divorce – et parfois refait leur vie avec un ou une autre partenaire. En 1709, lorsqu’Ariaentje Delamontagne est condamnée pour sa liaison avec Henry Cordus avec qui elle est désormais en ménage, la cour leur impose à elle et son époux, Vincent Delamontagne, de continuer à vivre sous le même toit afin d’éviter une situation de dénuement pour Ariaentje et ses enfants. L’affaire témoigne de la séparation informelle du couple, mais ne permet plus d’obtenir un divorce82. C’est surtout l’attitude du pouvoir vis-à-vis des crimes sexuels qui semble infléchie. Si la préservation du corps social reste toujours au cœur des préoccupations des magistrats, on voit émerger une nouvelle inquiétude face à une altérité interne au corps social. Entre 1685 et 1741, six cas d’adultères sont ainsi présentés à la court of sessions qui, cumulés avec d’autres offenses, quatre poursuites pour concubinage, huit poursuites pour agression sexuelle et enfin 11 poursuites pour enfant naturel, contribuent à faire émerger le rôle de justice morale de cette cour. Certains crimes moraux peu présents dans les archives au siècle précédent sont également poursuivis : c’est le cas notamment de la prostitution et des poursuites de femmes à la « vie dissolue » – un terme qui englobe le concubinage et la naissance d’enfants naturels. Ces poursuites témoignent de l’attention portée par le pouvoir colonial aux transgressions liées à la situation portuaire et atlantique de New York, l’entretien de débits de boissons étant toujours régulièrement poursuivi.
55Dans la période qui va de la révolte d’avril 1712 à 1741, sur 32 affaires liées à des violences sexuelles ou à de la prostitution, poursuivies au sein de la court of sessions, 23 évoquent explicitement un danger associé à la présence servile. Il peut s’agir d’une agression sexuelle d’esclave sur femme blanche (cinq cas), de « divertissement » d’esclaves (18 cas), dont dix femmes se rendent responsables, la prostitution étant explicitement citée à trois reprises. Si le nouveau pouvoir assoit sa légitimité via la régulation des rapports sociaux, ces régulations répondent de plus en plus, à partir de ces années, à l’affirmation d’une conscience socioraciale dans la colonie. L’outil politique que constitue la gestion des transgressions morales témoigne donc, au cours du premier xviiie siècle, d’une gestion nouvelle de la population noire.
L’identification progressive d’une menace liée à la sexualité interraciale
56La question des rencontres sexuelles interraciales, ponctuelles ou non, ouvre sur de nombreux questionnements, relatifs au statut, au métissage, et à la racialisation de la société. Si la faible régulation de ces rencontres frappe au premier abord pour le terrain new-yorkais, un changement de paradigme dans cette prise en charge a lieu dans les premières années du xviiie siècle. Une volonté de contrôle social face au danger d’une émeute servile passe par l’identification de ces liaisons comme remettant en question l’ordre « socioracial » de la colonie.
57D’une manière générale, les silences des sources en rendent ardue l’appréciation, et notamment les rencontres sexuelles que les acteurs de l’époque cherchent à dissimuler ou qui échappent à toute forme de documentation. C’est le cas notamment des relations sexuelles entre maître et esclave, manifestation d’un rapport de domination sur les corps identifié de longue date par l’historiographie, alors même que la question du consentement des femmes concernées n’entre pas en considération dans les régulations existantes alors83. Bien souvent, le seul moyen pour que ce genre de liaison soit documenté serait qu’un maître (ou une maîtresse) soit à l’origine de d’une action judiciaire – ce qui pouvait être le cas si la liaison d’un autre que le maître avec une esclave impose une figure d’autorité concurrente sur l’esclave en question. La loi, cependant, évoque en creux un phénomène courant. En 1706, une loi fixe la transmission matrilinéaire de la condition servile, signalant ainsi clairement que des relations entre hommes blancs et femmes esclaves sont courantes, à défaut d’être documentées, au point de créer un flou sur le statut des enfants qui en sont issus.
58Avant cela, au début de la période anglaise, la législation sur les relations sexuelles avec d’autres peuples reste inchangée depuis 1638 : une interdiction légale mais peu de poursuites avérées et des condamnations qui restent légères84. Dans l’ensemble, nous n’avons relevé aucune poursuite de ce type dans les archives judiciaires de New York avant 1675 ; nous en avons relevé trois en dix-sept ans dans les archives judiciaires d’Albany, entre 1668 et 1685. Il ressort de ces procès que ces liaisons ne représentent pas de transgression morale en raison du franchissement d’une barrière raciale. Les affaires qui trouvent le chemin de la justice ne le font que lorsque l’autorité d’un maître est en jeu, par une forme de résistance servile ou bien lorsqu’un rapport de force oppose un maître et un individu de rang social inférieur.
59Le 2 mai 1676, Anthony Lespinard, un meunier d’origine huguenote, est poursuivi pour avoir séduit et mise enceinte l’esclave de Willem et Maria Teller – ce dont il se défend en inférant qu’« aucune sauvagesse ou négresse ne mérite d’être crue85 », exprimant ainsi un préjugé de couleur manifeste. Quelques années plus tard, en 1678-1679, Cornelis Michielse, engagé chez Abraham Staes à Claverack, une ferme à proximité d’Albany, est également poursuivi pour une liaison suivie avec une esclave, Mary, avec qui il a eu plusieurs enfants. Lorsqu’elle est interrogée sur l’identité du père d’un de ses enfants pendant l’accouchement, elle déclare : « Oh mes enfants ! Celui qui est le père de l’un est aussi le père de l’autre86. » Michielse, malgré ses contestations, est emprisonné avant un jugement au cours duquel les magistrats lui reprochent d’avoir enfreint « les lois de Dieu et des hommes », un jugement moral qui porte avant tout sur l’aspect extraconjugal de la liaison. Il est finalement acquitté par jury après avoir prêté serment, mais condamné à se tenir éloigné de la ferme d’Abraham Staes et de Mary87. S’il est impossible de savoir si Mary était consentante à cette liaison, leur appartenance à la même maisonnée a pu en favoriser la survenue et le maintien pendant plusieurs années.
60Le 8 septembre 1684, une affaire plus sérieuse agite la petite communauté agricole de Schenectady, à la lisière du territoire mohawk. Jacob Sanders Glen, magistrat de Schenectady, comparaît en raison des menaces faites par un « vagabond français », Matthys Boffie, sur la vie de son esclave, Pey. Interrogé, Boffie explique avoir entretenu depuis deux ans une relation intime et sexuelle avec ladite esclave, avoir eu deux enfants avec elle et vouloir l’acheter pour soixante pelleteries afin de l’épouser. Devant le refus de Sanders, Boffie en vient aux menaces : « si tu ne me vends pas ton esclave, alors j’irai dans les bois déterrer une racine, je la casserai en deux, j’en donnerai une moitié à la négresse et j’en consommerai l’autre moitié et ainsi nous mourrons devant ta porte88 ». La menace est confirmée par plusieurs témoins oculaires venus accréditer la plainte de Sanders. Une liaison suivie et la formation d’une famille métissée ont été possibles, probablement avec une forme de tolérance du maître, tant que cette liaison ne remettait en cause ni le statut de l’esclave, ni son autorité à lui. Évidemment, la menace change cette situation : Boffie est mis en prison jusqu’à son jugement, le 11 avril 1685. Lors du procès, l’accusation portée sur Boffie change la nature de son crime. Une autre femme réduite en esclavage à Albany, Francyn, accuse Boffie de séduction et d’avoir voulu l’inciter à fuir au Canada. Pey et Francyn offrent des témoignages concordants et affirment avoir refusé son offre : ce qui pouvait passer pour une relation suivie entre une esclave et un homme libre apparaît dès lors comme une tentative répétée de retirer des esclaves, « hommes comme femmes89 » est-il précisé, à la vigilance de leur maître, soit pour les libérer effectivement, soit pour les vendre en Nouvelle-France, alors même que l’esclavage africain y est rare et recherché90. L’on reproche donc à Boffie ses tentatives répétées de priver des propriétaires de leur bien – possiblement pour les revendre pour son profit personnel, les sources ne disent rien de l’objectif ainsi recherché91. Si la gravité de l’accusation conduit Boffie devant la cour d’assises, nous n’avons plus la trace de son jugement ; en revanche, les éléments disponibles de cette affaire permettent de voir que l’origine du litige entre Sanders et Boffie n’est pas tant le franchissement d’un tabou moral que représenterait une liaison interraciale, ni même le métissage qui s’en était suivi. Le crime initial de Boffie réside dans l’interférence avec l’autorité d’un maître, puis de plusieurs, de surcroît des notabilités locales – et la liaison sexuelle lui avait fourni les moyens de ces interférences.
61Dans ces affaires, le point de vue des femmes concernées est entendu par la justice, mais n’est jamais pris en considération, la question du consentement d’une esclave n’étant pas jugée pertinente et celle-ci ne pouvant initier d’action judiciaire. On pourrait pourtant voir se dessiner des stratégies d’accommodement employées par ces femmes pour gérer la condition servile qui leur est imposée ainsi qu’à leurs enfants : dans le cas de Pey et de Francyn, on voit clairement l’existence d’une sociabilité entre ces femmes qui communiquent entre elles et entretiennent une forme de solidarité. Quant à la proposition de Boffie, elle peut ressembler à l’opportunité d’une fuite pour celles-ci, dont le rapport bénéfice-risque n’aurait pas été jugé avantageux, surtout vu le profil de Boffie, justifiant un choix de loyauté à l’égard des maîtres – d’autant plus que Pey est mère de deux enfants en bas âge qu’elle risquait de mettre en danger. Mais ces considérations restent extérieures, in fine, à la transgression de Boffie.
62Avant même la menace de meurtre, la tentative d’achat de Pey constituait, d’ores et déjà, une transgression de l’ordre social établi, non tant par la liaison sexuelle, mais par la tentative d’interférer avec la possession d’esclaves. Les témoins venus soutenir l’accusation de Sanders suggèrent l’existence d’une communauté solidement structurée autour d’une élite constituée depuis la période néerlandaise, que ce soit à Schenectady ou à Albany. Boffie, en revanche, le « Français et vagabond sans habitation connue » navigant entre Nouvelle-France et territoire mohawk, suggérant de recourir à une « racine » déterrée dans les bois pour tuer une esclave qu’il était prêt à payer un nombre conséquent de pelleteries, pourrait être un coureur de bois, un groupe social au cœur de la « mobilité pelletière » dont Gilles Havard a mis en évidence la marginalisation sociale, associée à des représentations d’ensauvagement et de dépravation92. Si une barrière est franchie dans cette affaire, elle est ainsi moins « raciale » que sociale.
63Il ne s’agit là que de trois affaires, relativement isolées dans une région où la présence servile reste réduite. Elles sont néanmoins révélatrices de la complexité de ces relations franchissant les limites du statut, et du danger pour l’ordre social qu’elles peuvent en venir à constituer pour les maîtres.
64En revenant plus au cœur de la société esclavagiste, à Manhattan, on observe un tournant dans la prise en charge de ces liaisons et de la présence servile d’une manière générale au début du xviiie siècle, avec une série de lois entre 1702 et 1719, en réaction à la crainte de plus en plus présente d’un soulèvement d’esclaves93. Ce durcissement législatif inclut la question du métissage, notamment, avec une loi « encourageant le baptême des esclaves nègres, indiens et mulâtres », en 1706. À ce stade, la législation vise uniquement à réguler le statut des enfants nés d’unions mixtes, en fonction de leur christianisation et de leur ascendance : il est alors établi que les enfants baptisés nés de mère esclavisée (noire, « mulâtre », etc.) ne verront pas leur statut servile affecté par leur christianisation. Alors que la loi porte sur la question du baptême, c’est la première vois qu’apparaît dans la législation une taxinomie de la population servile – listant ici les catégories « nègre », « indien », « mulâtre » (mulatto) et « métis » (mestee). On voit ainsi émerger un besoin nouveau de classification, et s’opérer un glissement dans le langage de la différence, où la couleur et l’ethnicité sont associés à la filiation, qui, si le terme n’apparaît pas encore tel quel dans les sources, peut dénoter une catégorisation racialisée94. De nouvelles régulations visant explicitement la population servile sont passées à partir de 1712 : parmi celles-ci, le viol des femmes blanches est considéré comme une offense capitale95. Ces restrictions font suite à la nuit du 6 avril 1712, au cours de laquelle des esclaves mettent le feu à un bâtiment de Maiden Lane, au cœur de Manhattan, et s’en prennent à ceux qui tentent de l’éteindre, ainsi que le relate le gouverneur Hunter dans un courrier adressé au Board of Trade96. Dans les mois qui suivent, en février et en mars 1713, de nouvelles restrictions sont apportées à la circulation des esclaves, « noirs et autres », la nuit. L’évocation du viol, alors même qu’aucun crime de ce type n’est présent dans les sources, témoigne d’une inquiétude de voir un ordre socioracial inversé et une situation de domination par la prise de possession du corps des femmes blanches97. Ni les rapports sexuels ni les mariages mixtes ne sont cependant interdits par la loi.
65À titre de comparaison, un panorama des régulations visant les esclaves dans 11 colonies nord-américaines entre 1630 et 1725 montre que seules quatre interdisent les rapports sexuels interraciaux ; sept interdisent les mariages et quatre régulent le statut des « mulâtres ». Le droit ne suffit cependant pas à rendre compte de la racialisation, puisque deux colonies esclavagistes dont le fonctionnement social est fortement racialisé, la Virginie et la Caroline du Sud, ont deux approches radicalement opposées quant à la régulation en droit de la sexualité interraciale : la Virginie a un système légal très restrictif sur ce sujet, tandis que la Caroline du Sud ne dispose d’aucune loi interdisant les unions interraciales ou légiférant sur le statut des « mulâtres98 ». Un appareil législatif a priori réduit ne dit donc pas tout.
66Cela ne signifie pas, en effet, que les unions consenties, ponctuelles ou non, ne soient pas perçues comme une menace, à défaut d’être explicitement poursuivies comme telles. À New York, dans la pratique, la régulation des mœurs d’une manière générale, notamment l’appareil législatif condamnant l’adultère et toute forme de sexualité extra-maritale, concerne la population coloniale noire comme blanche, sans préjugé de couleur ; mais les populations les plus susceptibles d’être exposées à des poursuites sont néanmoins celles qui échappent également le plus fréquemment au cadre marital99 – parmi lesquelles les populations noires, esclaves comme libres, nous y reviendrons.
67La législation concernant la prostitution vise également à réduire les occasions de rencontres sexuelles entre hommes noirs et femmes blanches. Alors que nous avons vu la prostitution n’être que marginalement poursuivie au cours de la période néerlandaise, avec la prise en main anglaise de la colonie et le développement du port de New York, cette activité est de plus en plus régulièrement condamnée. Une des raisons de cette condamnation plus marquée de la prostitution est liée à l’existence d’une clientèle servile. L’accusation de « divertissement d’esclaves » est en effet souvent accompagnée – plus ou moins tacitement – de celle de prostitution au tournant du xviiie siècle. Alors que dans les années 1690, le « divertissement d’esclaves » était condamné par une amende, les sanctions deviennent plus sévères dans les décennies qui suivent. Le 2 mai 1693, Katherine Marchand, John Hutchins et Lydia Rose sont condamnés chacun à une amende allant de 30 shillings à 3 livres. En revanche, en 1710, Elizabeth Green, veuve de Richard Green, passe une semaine en prison pour avoir accueilli régulièrement « plusieurs esclaves noirs assemblés pour festoyer le soir venu100 ». La sévérité de la punition répond aux restrictions dont font l’objet les réunions entre esclaves et libres de couleur après 1708. La transgression n’est pas seulement sexuelle et morale, elle est associée à une forme de résistance servile, posant le problème du franchissement des barrières de la couleur et du statut par la sexualité. La régulation des mœurs se trouve, sans surprise, au cœur d’un enjeu d’ordre social et d’affirmation d’une autorité politique, mais où l’esclavage « noir et autre » devient un paramètre de plus en plus structurel.
68Avec l’intensification d’une inquiétude vis-à-vis de la population servile, les liaisons mixtes, tout comme la fréquentation de tavernes, lieux de sociabilités entre noirs et petits blancs, matérialisent la crainte d’une alliance de classe et de couleur contre l’élite coloniale blanche. Ainsi, s’il existe, en Europe, une hiérarchisation dans la prostitution amstellodamoise et si être vue comme une « prostituée pour juifs » était considéré comme particulièrement infâmant101, à New York, être réputée « prostituée pour noirs » était tout aussi choquant. En témoigne la liaison entre Caesar, l’esclave du pâtissier John Vaarck, et Margaret Sorubiero, dite « Peggy, la beauté irlandaise », une prostituée officiant dans la taverne de John Hughson au moment du « Grand Complot » de 1741. Au total, lors des procès pour cette supposée conspiration, 160 esclaves et noirs libres ainsi que 21 blancs sont arrêtés ; parmi ces esclaves et noirs libres, 17 sont pendus, 13 sont brûlés vifs et 72 sont bannis de la colonie. Jill Lepore compare ce moment à la frénésie qui s’était emparée de Salem en 1692 pour souligner à quel point les procès témoignent avant tout de l’angoisse collective blanche liée à la présence servile qu’une réelle menace d’une telle ampleur102. Peggy et Caesar comptent parmi les principaux accusés. Peggy est décrite par le juge Horsmanden comme une prostituée « de la pire engeance » en raison de sa clientèle noire ; sa liaison avec Caesar est suivie, comme en témoigne le fait qu’il dort régulièrement chez elle, dans l’auberge Hughson, et qu’ils ont un enfant ensemble. Caesar va jusqu’à se faire appeler « John Gwin », un nom à consonance irlandaise sans doute inspiré par sa maîtresse, qui sème la confusion quant à son identité. Quelques mois plus tôt, son nom avait été mentionné à propos d’une affaire de vol chez une marchande des docks : cette dernière ne comprend pas initialement que « John Gwin » est en réalité un esclave103. Soit que l’anecdote soit avérée soit qu’il y ait là un choix narratif opéré par Horsmanden pour diaboliser un peu plus Caesar, la liaison que ce dernier entretient avec Peggy est accompagnée d’une confusion semée quant à l’identité de l’esclave et, donc, quant à sa place dans la hiérarchie socioraciale de la colonie. La liaison avec une femme asservie est un tel symbole de pouvoir et d’autorité que l’inverse, à savoir la liaison d’un esclave avec une femme blanche, constitue une transgression d’autant plus grave. Si la crainte était déjà en jeu dans l’appareil législatif proposé après la révolte de 1712, elle est encore plus en explicite lors des procès de 1741. En effet, lors des procès, le complot est explicitement décrit comme « racial » dans le récit de Horsmanden qui, dès sa préface, rédigée en 1744, indique, pour asseoir sa conviction : « l’Ethiopien devrait changer de peau [pour me convaincre du contraire]104 ». Certains des témoignages retranscrits révèlent également des peurs collectives de la société blanche new-yorkaise, comme dans les réquisitoires du procureur Smith qui dénonce « la monstrueuse ingratitude de cette tribu noire » et sa peur de « ne jamais être en sécurité tant que cette race maléfique n’est pas restreinte105 ».
69La peur d’une émeute servile joue ainsi doublement dans la volonté du pouvoir colonial de réguler la moralité des rapports sociaux : au-delà de la vertu, il s’agit plus pragmatiquement de veiller à prévenir toute alliance menaçant l’ordre socioracial de la colonie. Cette angoisse collective vient s’ajouter à une mise à l’écart de plus en plus marquée des populations noires du cadre social que constitue le mariage, autre marqueur de racialisation par le genre.
Esclavage et nuptialité : de l’inclusion à la marginalisation
70Au tournant du xviiie siècle, l’importance prise par l’esclavage et la traite, notamment dans la ville de New York, rendent de plus en plus visible la population noire, le contrôle et l’encadrement exercés sur celle-ci sont resserrés, notamment concernant la nuptialité. En plus des registres de mariages – quand ils existent – les archives des gouverneurs et le témoignage de Daniel Horsmanden, à l’issue des procès relatifs à la « grande conspiration » de 1741, renseignent sur la façon dont ces unions sont perçues par les dirigeants coloniaux et les maîtres.
71L’historiographie pour d’autres terrains coloniaux a souligné l’existence de mariages et de formations familiales plus ou moins formelles, voire parfois l’influence du modèle patriarcal sur les familles serviles. Cette possibilité, facilitatrice de reproduction, n’empêche pas une forme de méfiance ou du moins une volonté de contrôle de la population réduite en esclavage106. Si la famille, sa définition, ses délimitations et les conditions de sa fondation sont une clé pour comprendre la société coloniale, l’exclusion graduelle des populations noires du mariage est révélatrice des enjeux de pouvoir qui s’affirment à New York suivant des lignes tant de couleur que de genre. Les limitations dans la possibilité de fonder une famille, et notamment dans l’accession au rôle de chef de feu pour les hommes noirs, signalent des conflits d’autorité de plus en plus présents dans la société coloniale.
Une diminution de la nuptialité des populations noires au tournant du xviiie siècle
72Lors de la période néerlandaise, la WIC permettait le mariage de la population asservie, voire l’encourageait. Les unions entre esclaves apparaissaient ainsi comme un moyen de les contrôler et de les intégrer dans la population coloniale. Famille et esclavage n’étaient alors pas incompatibles. Après le changement de souveraineté, la proportion de mariages des populations « noires », asservies ou libres diminue, tout particulièrement après 1700. S’il n’y a pas d’interdiction explicite du mariage entre esclaves dans le droit, l’impossibilité pour celles et ceux-ci de contracter dans le système légal anglais pose de facto un empêchement à la reconnaissance juridique du mariage en tant que contrat à la base de la fondation d’une famille. Ainsi les lois relatives à la nuptialité ne mentionnent-elles pas explicitement la population servile et, réciproquement, les lois régulant le statut des esclaves n’évoquent-elles pas la question du mariage107. Reste que cela n’empêche pas ces unions d’avoir une valeur sociale et émotionnelle. Ceci explique qu’elles ne disparaissent pas totalement.
73Après 1664, dans les archives de l’Église réformée néerlandaise, nous recensons une quinzaine de mariages impliquant des noirs, leur statut étant parfois précisé, parfois maintenu dans l’implicite – le patronyme « Angola » reste fréquent, parfois lui est substitué la précision explicite du terme « nègre » dans l’identification d’un ou des deux époux108. La plupart de ces unions sont célébrées dans le dernier tiers du xviie siècle, dans la continuité de la période précédente. Dans un cas, la précision de « nègres libres » permet de comprendre que la qualification de « nègre » maintient cette tension entre la couleur et le statut – ainsi que la pérennité de la subalternité après l’affranchissement.
74Dans les autres Églises, désormais autorisées, l’existence de mariages impliquant des esclaves est attestée mais variable. Nous en recensons quatre dans les archives luthériennes entre 1704 et 1730. L’Église luthérienne est ainsi réputée pour son attitude inclusive vis-à-vis des populations noires : le premier luthérien d’origine africaine est converti en 1669 et plusieurs familles luthériennes ont pour origine des esclaves arrivés d’Angola dès 1626109. Dans chaque cas, il est précisé que les concernés sont baptisés et convolent avec l’autorisation de leur maître. Deux de ces cas sont des unions mixtes, le marié est un esclave ou un esclave récemment affranchi, et la mariée est désignée comme allemande (« Paltser », en référence au Palatinat, et « German »). Ces unions, datées du 30 [sic] février 1716 et du 8 janvier 1726, témoignent de l’ouverture de l’Église luthérienne à cette mixité, même lorsqu’elle inclut un esclave masculin et une femme blanche – d’autant moins impossible si celle-ci était une engagée sans famille, ou alors si le marié, bien que désigné comme esclave, était affranchi par son maître, au moment de son mariage110. Néanmoins, ces unions requièrent une licence du gouverneur, ce qui n’est pas le cas, par exemple, du mariage recensé à Albany, le 26 décembre 1728, unissant Tobyas et Marytje, tous deux esclaves cette fois-ci, le premier de Hannes Symoense Veder, la deuxième d’Elsje Ebberse111. L’Église anglicane, conformément à la loi anglaise, ne reconnaît pas formellement les mariages entre esclaves. Leur statut de « marchandise » ne leur donne pas la possibilité de contracter et les soumet intégralement à la volonté du maître : non seulement un mariage ne pouvait en aucun cas avoir d’effet sur ce statut – notamment en termes de prérogatives maritales et parentales ou de séparation d’un couple ou d’une famille en cas de vente ; en outre, une union entre esclaves nécessitait l’accord explicite du ou des maîtres. Cette pratique reflète avant tout l’emprise de ces derniers sur la vie de leurs esclaves.
75Adoptant une temporalité plus longue, Vivienne Kruger a recensé, dans les archives ecclésiastiques, tous les mariages impliquant au moins une personne « noire » sur l’ensemble de la période au cours de laquelle l’esclavage a existé à New York – de 1641 à 1827. Sur un total de 813 mariages, elle en relève 72 au cours de la période allant de 1641 à 1770, attribuant cette très faible proportion, d’une part aux archives très lacunaires pour les périodes les plus anciennes, d’autre part au fait que les mariages d’esclaves étaient vus d’un mauvais œil par les maîtres – une appréciation qui est, à vrai dire, variable suivant les époques, même si ce n’est qu’en 1809 que les mariages d’esclaves font l’objet d’une législation officielle. Sur ces 72 mariages recensés, 45 datent d’avant 1697 contre 27 pour la période allant de 1709 à 1770, une période où, pourtant, la population noire de la colonie a démographiquement explosé112. En affinant cette analyse d’ensemble à partir des archives ecclésiastiques (tableau 14), trois conclusions s’imposent quant à la nuptialité des esclaves.
Tableau 14. – Nombre de mariages impliquant des Noirs (1641-1741).
Type de mariage | 1641-1664 | 1664-1702 | 1703-1741 |
Entre esclaves | 1 | 0 | 9 * |
Esclave/Libre | 0 | 0 | 1 |
Entre libres | 0 | 2 | 1 |
Statut non spécifié | 25 | 15 | 3 |
Total | 26 | 17 | 14 * |
* Les données collectées par Vivienne Kruger font état de 20 mariages entre esclaves entre 1709 et 1770 ; nous en avons relevé cinq, dont trois après 1741. Cela tient au fait qu’elle a consulté les archives d’églises locales, quand nous avons centré notre dépouillement sur les institutions ecclésiastiques les plus importantes et les plus centralisées. Sans les données pour déterminer si les 15 autres ont lieu avant ou après 1741 nous avons réparti équitablement ce chiffre de part et d’autre de la césure 1741, conformément à ce qui est observé pour les mariages identifiés, afin de ne pas fausser notre analyse.
Sources : Theodore M. Banta (éd.), Some Early Records of the Lutheran Church ; V. L. Kruger, « Born To Run », p. 316 ; S. S. Purple, Records of the Reformed Dutch Church, op. cit., p. 29-152.
76Tout d’abord, on observe, en effet, une nette baisse de la nuptialité au cours de la période anglaise, tout particulièrement après 1703. Au-delà des données absolues, en prenant en compte le fait que la population noire, asservie comme libre, a plus que décuplé au cours de la période, le nombre de mariages enregistrés n’en apparaît que plus dérisoire. D’ailleurs, les mariages d’esclaves et de noirs libres disparaissent des registres de l’Église réformée hollandaise après 1703 et ce jusqu’à la fin de la période coloniale, en 1765-1769. Il y a donc un changement dans la pratique, lié aussi bien à l’attitude des maîtres que des esclaves eux-mêmes.
77Le statut des mariés devient, à partir du xviiie siècle, une donnée de plus en plus explicitement fournie. Pendant la période néerlandaise, le statut n’est explicitement mentionné qu’à une reprise – ce qui n’empêche pas une forme de différenciation dans les registres par la mention de l’origine ou du terme neger. La situation reste vraie dans les décennies qui suivent le changement de souveraineté. Après 1703, en revanche, le statut des Africains et Afro-descendants convolant en noces est quasi systématiquement précisé (tableau 14). Cette mention témoigne d’une volonté des maîtres de garder le contrôle sur leurs esclaves, non seulement à titre individuel – car le mariage ne peut se faire sans l’accord du maître de chaque esclave – mais aussi à titre collectif : en signalant ce statut, les autorités coloniales rappelleraient que l’union n’émancipe en aucune manière les époux d’une allégeance à leur maître.
78Si rupture dans la pratique il y a, celle-ci intervient donc au tournant du xviiie siècle, et non avec le changement de souveraineté, ce qui coïncide avec la croissance de la population asservie, la décision de la recenser systématiquement et les lois en régulant le statut113. Une autre rupture d’un siècle à l’autre réside dans la quasi-disparition des mariages parmi les noirs libres. Avant 1703, la plupart des époux recensés dans les archives de l’Église réformée hollandaise vivent dans des villages d’esclaves ou d’anciens esclaves constitués depuis la période néerlandaise et perpétuent des pratiques antérieures à 1664. Le mariage devant pasteur passe alors pour une forme d’assimilation encadrée, encouragée par les autorités coloniales et acceptée par les populations noires, asservies comme libres. En témoigne, par exemple, le testament de Solomon Pieters, noir libre résidant dans la bouwerie, la ferme de Stuyvesant. L’existence même du document révèle l’adoption d’une culture néerlandaise : rédigé en néerlandais, il y lègue son patrimoine à son épouse, Maria Antonis Portugues, une démarche qui fait écho à une pratique successorale similaire dans les familles néerlandaises114.
79Après 1703, le mariage devant pasteur n’est plus une pratique culturellement ou socialement ancrée dans les communautés noires asservies ou même libres de la colonie, ne serait-ce que parce que celui-ci ne protège plus la constitution d’un lien intime – matrimonial, affectueux ou familial. Entre cette date et 1741, une seule union impliquant des noirs libres est recensée, quatre si l’on fait l’hypothèse que ceux dont le statut n’est pas précisé sont libres, une proportion qui tranche avec la période néerlandaise et d’autant plus infime en la rapportant, à nouveau, à la croissance démographique de la population noire. D’autres formes concurrentes d’unions restent possibles, qu’il s’agisse de rencontres ponctuelles ou de concubinage de long terme, à défaut d’être documentées – sauf, naturellement, en cas d’objection des maîtres ou des autorités coloniales. Anne-Claire Faucquez propose ainsi de confronter ce taux de nuptialité aux recensements pour faire l’hypothèse de la constitution de liens familiaux informels ou « théoriques » qui conserveraient, pour les concernés, une valeur sociale et émotionnelle, à défaut d’être formellement reconnus. Certains s’unissent avec des esclaves appartenant à des propriétaires différents. En témoigne, en 1697, le cas de Dick, un esclave fugitif retrouvé dans une maisonnée autre que la sienne où il vivait en compagnie d’une femme noire qu’il appelait son épouse – et probablement la raison de ce petit marronnage115. Enfin, certains ecclésiastiques font état, pour la déplorer, de la polygamie des esclaves. Selon le catéchiste Elie Neau, c’est un frein à leur conversion ; quant au révérend John Barrow, il remarque en 1725 qu’« ils se marient de leurs façons païennes, divorcent et prennent d’autres partenaires aussi souvent que cela leur plaît116 ».
80Dans les Antilles françaises, la recherche a montré que le célibat permanent restait très prononcé au sein de la population libre de couleur car le mariage supposait un niveau de fortune rarement atteint par celle-ci, que ce soit pour financer l’achat puis l’affranchissement d’une fiancée esclavisée ou pour procurer une qualité de vie à une femme libre qui privilégierait ainsi être la concubine d’un blanc plus fortuné. Du reste, ce célibat permanent n’est que le signe d’une absence de mariage formel mais n’exclut en rien la possibilité d’unions libres au sein des populations de couleur, attestées par des naissances illégitimes117. Si le terrain new-yorkais est différent du terrain antillais, des dynamiques comparables peuvent opérer sur la nuptialité de la population noire libre. À partir du xviiie siècle, le dénuement de celle-ci et son exclusion des privilèges dont jouissent les blancs conduisent au démantèlement graduel des fermes de Stuyvesant et de Bloemendaal où la plupart vivaient, en communauté solidaire118. Dans ce contexte nouveau de précarité et de séparation de cet ancrage, le mariage n’est plus nécessairement un moyen privilégié de fondation de famille.
L’évolution de l’attitude des maîtres à l’égard du mariage des esclaves et anciens esclaves
81Deux tiers des unions recensées à New York à la fin du xviie siècle concernent en effet deux fermes situées à Manhattan, la « bouwerie » et Bloemendaal. La bouwerie, désormais connue par son orthographe anglaise « bowery », est le terrain de Pieter Stuyvesant, ancien directeur général de la WIC. Après 1664, il conserve ce terrain, une vaste ferme polyculturelle mobilisant une quarantaine d’esclaves, lesquels devaient être évangélisés et mariés, selon ses exigences119. Le village d’anciens esclaves affranchis par la WIC, dont certains le sont lors de la cession de la colonie aux Anglais, y est également attenant120. L’existence de ce village témoigne de la politique d’encadrement de la population africaine menée par la WIC – une politique qui n’est pas maintenue par les Anglais puisque dans les deux premières décennies du xviiie siècle, au gré des difficultés financières rencontrées par les noirs libres, ces terrains sont vendus et la communauté libre de couleur est ainsi démantelée121. Il en va de même à Bloemendaal, vaste ferme établie à l’ouest de Manhattan en 1667 par Isaac Bedlo, devenue plantation de tabac ; si cette vie en communauté a pu y encourager un fonctionnement familial encadré, celle-ci est progressivement démantelée et un tel fonctionnement s’avère bien plus difficile à maintenir dans les situations d’esclavage urbain.
82En ville, la plupart des maisonnées n’ont qu’un ou deux esclaves, et la plupart des propriétaires d’esclaves n’encouragent pas la constitution de familles noires, et ce en dépit d’une politique d’évangélisation mise en place notamment à partir de 1704 par Élie Neau avec le soutien de la Société pour la propagation de la foi, organe missionnaire de l’Église anglicane créé en 1701 :
« Que des milliers de personnes puissent rester dans cet état de paganisme obscur sous un gouvernement chrétien et parmi des familles chrétiennes, après avoir été, auparavant, dans leur pays sauvage, est un grand affront au christianisme122. »
83En dépit de cette injonction, les maîtres s’avèrent, d’une façon générale, rétifs à tout ce qui pourrait échapper à leur contrôle : seuls 21 % des propriétaires d’esclaves envoient leurs esclaves au catéchisme de Neau dans les deux premières décennies du siècle123, un refus de coopérer que celui-ci attribue à leur crainte de « ruiner les plantations qui ne subsistent que par le travail des esclaves124 ».
84Certains maîtres entravent la formation de couples parmi leurs esclaves. Dans les années 1720, le botaniste et conseiller colonial Cadwallader Colden décide ainsi de séparer un couple de ses esclaves, en vendant l’homme. La justification de Colden auprès du capitaine Van Pelt, son intermédiaire pour cette transaction, laisse entendre que le lien entre les deux esclaves représentait un danger ou une nuisance.
« Depuis votre départ, ma Négresse me dit que Gabriel compte revenir s’il n’aime pas l’endroit mais une des raisons pour lesquelles je l’ai vendu était de le tenir éloigné de cette Négresse à laquelle j’accorde de la valeur. Vous ne devez pas lui permettre de revenir, mais le vendre au meilleur profit possible, à moins de le prendre pour vous-même, auquel cas j’exigerai le prix mentionné125. »
85La conversation que Colden semble avoir eue avec son esclave féminine permet de voir une relation de confiance entre celle-ci et son maître ; sans doute ce dernier craint-il de voir son autorité remise en question par une allégeance matrimoniale ou intime de la part de cette esclave. Cette précaution de Colden fait écho à une démarche similaire de sa part quelques années plus tôt lorsqu’en mars 1717, il avait décidé de vendre une de ses esclaves à la Barbade, arguant qu’il « aurait pu la vendre avantageusement [à Philadelphie] mais ayant plusieurs de ses enfants ici, [il savait] que si elle restait dans ce pays, elle les gâterait126 ». L’existence d’un lien intime interférant avec l’autorité du maître est, pour Colden, une nuisance qui justifie le choix de la distance entre la mère et ses enfants.
86Ainsi, le contrôle du maître sur ses esclaves s’exerce aussi sur les rôles spécifiques liés à leur genre. Une esclave femme peut se voir refuser un rôle de mère ; semblablement, le refus du mariage souligne l’impossibilité pour les hommes noirs d’accéder au rôle de chef de feu, marqueur de virilité blanche. Le cas de Colden est isolé mais il souligne à quel point les rôles de genre au sein d’une famille patriarcale influent sur les liens intimes établis par les esclaves. Quelques années plus tard, lors des procès du « grand complot » de 1741, cette non reconnaissance des mariages d’esclaves par les maîtres et la peur par ceux-ci de voir des liens intimes unir la population asservie sont des sources de frustration auprès de celle-ci. Un des principaux accusés, Quack, esclave d’un nommé Roosevelt, est décrit comme éprouvant du ressentiment pour le gouverneur George Clarke. Une des raisons de ce ressentiment a trait à l’interdiction faite à Quack de voir son épouse, au service de Clarke, dans les cuisines127.
87Les minutes du procès montrent que Quack est désigné par les autres conspirateurs pour allumer l’incendie dans le fort car sa femme y vit. Cuffee, un des principaux condamnés avec Quack, révèle ainsi :
« Cuffee dit [à Arthur Price] dit que Quack était marié à une négresse qui est cuisinière dans le fort, chez le gouverneur, de ce qu’il avait compris ; qu’ils allaient tous se retrouver chez Hughson [un aubergiste blanc, désigné comme l’un des principaux cerveaux de la conspiration] ce dimanche après le serment de Quack […] Quack devait [démarrer l’incendie] et le fit bel et bien128. »
88Quelques jours plus tard, alors qu’il est sur le bûcher, Quack lui-même confirme qu’il a été désigné par les autres conspirateurs en raison de la présence de son épouse dans le fort :
« Un dimanche après-midi, un mois avant l’incendie du fort, alors qu’ils étaient réunis chez Hughson à boire du punch, les confédérés (parmi lesquels les susnommés Albany et Tickle, alias Will, Jack et Cook, esclaves de Comfort, le vieux Butchell, Caesar et Guy, esclaves de Horsfield, Tom, esclave de Van Rants, Caesar, esclave de Peck, Worcester, et d’autres) le désignèrent lui, Quack, parce qu’il avait une épouse dans le fort, comme la personne qui devrait mettre le feu au fort, Sandy, et Jack (esclaves de Codweis), Caesar et Guy (esclaves de Horsfield) devraient l’assister129. »
89Le traitement de Quack dans les témoignages est ambivalent. Certains, dont celui du jeune esclave Sawney, le présentent comme animé d’une haine des blancs, qu’il « maudirait » constamment ; à l’inverse, le maître de Quack, Roosevelt, un artisan-peintre de la ville, assure qu’il n’aurait pas pu avoir le temps d’aller commettre ce crime, occupé qu’il était à les assister, lui et son fils130. Savoir si Quack est coupable ou non n’est pas tant la question : chacun de ces témoignages est motivé par d’autres enjeux – pour Sawney, l’injonction d’un maître, pour Roosevelt et son fils, la perte financière que représente la condamnation à mort de leur esclave, conjuguée peut-être à un réel attachement entre un petit maître et celui qui devait être son seul esclave. L’élément le plus incriminant pour Quack tient, in fine, à la présence de son épouse dans le fort. Celle-ci n’est jamais nommée, est rapidement disculpée par Quack et n’est pas poursuivie par la suite ; le danger pour les blancs – et pour Horsmanden – vient plutôt de ce que le lien ainsi constitué entre les époux représente une brèche et rend le fort facilement accessible à une population jugée menaçante. Ainsi l’on peut voir que les mariages d’esclaves ne sont pas seulement perçus d’un mauvais œil en raison de leur possible interférence avec le statut de propriété meuble des esclaves. Il y a un enjeu de pouvoir plus général : ces unions sont également perçues comme une menace en ce qu’elles sont porteuses d’un lien social et intime qui peut échapper aux maîtres. Si de plus en plus de régulations visent à restreindre le droit de réunion des esclaves, l’existence d’un lien intime peut, dans la pratique, représenter un angle mort à ces restrictions.
90En un siècle, on est donc passé d’un encouragement à une diabolisation de la formation de liens matrimoniaux impliquant les esclaves et les noirs libres. À la période néerlandaise, le mariage pouvait être un outil d’encadrement de la population servile, tout en maintenant une différenciation, par un partage de valeurs et de normes, même à un rang de subalternes. Au xviiie siècle, le mariage et la famille sont perçus comme des formes d’autorité concurrente, d’un mari sur son épouse, d’une mère sur ses enfants, par rapport à l’autorité du maître sur sa propriété. La possibilité ou non du mariage et de la fondation de famille au sein des populations noires relève donc d’un enjeu de pouvoir majeur lié à la situation coloniale et témoigne du contrôle resserré exercé sur la population noire de la colonie. En y ajoutant l’encadrement par le travail et l’évangélisation, ces régulations contribuent à façonner une masculinité et une féminité distinctes des normes de genre associées à la population blanche. En plus des restrictions du droit, la perception des mariages d’esclaves et d’anciens esclaves s’est inversée : les témoignages – principalement blancs – comme le compte-rendu qu’en fait Horsmanden vont dans le sens d’une perception des unions d’esclaves comme une menace à l’autorité des maîtres et à la société coloniale. La population noire et sa nuptialité donnent ainsi à voir des conceptions variables de la famille et des rôles associés à chacun en fonction de leur genre, en tant que base de l’ordre colonial. Il faut voir dans ces approches différentes de la nuptialité noire des compréhensions variables du contrôle et de l’encadrement de cette population par le pouvoir néerlandais puis anglais – mais le maintien, nonobstant, d’une intention de contrôle et d’encadrement, et la compréhension d’outils variables pour garantir la sujétion.
⁂
91Entre 1664 et 1741, la province désormais britannique de New York connaît d’importantes transformations, tant démographiques que sociales et culturelles. La croissance de la population s’accompagne de sa recomposition, liée tant aux itinéraires migratoires européens qu’à l’insertion de New York dans la traite atlantique. Ces recompositions contribuent à redéfinir l’exercice du pouvoir colonial et la régulation des relations de genre. Si, dans un premier temps, il en va d’une adaptation du nouveau pouvoir aux pratiques en vigueur pendant la période néerlandaise, le tournant du xviiie siècle marque un point de rupture dans l’exercice de la souveraineté coloniale. Une rupture dans les pratiques de dénombrement de la population, déjà, avec la systématisation d’un recensement par comté, par genre et par couleur dans l’ensemble de la province dès les premières années du siècle, quand la période précédente était caractérisée par des initiatives plus ponctuelles et locales. Une rupture dans la régulation des mœurs également : si le droit change finalement assez peu sur ce sujet et s’il est difficile de chiffrer les poursuites pour transgressions sexuelles avec des archives inégalement conservées sur l’ensemble de la période, la toute fin du xviie siècle est marquée par une volonté politique de réforme morale. Celle-ci est le signe à la fois d’une reprise en main circonstanciée du pouvoir colonial au sortir de la crise leislerienne qui frappe New York au début des années 1690 mais aussi d’une transformation structurelle de la société coloniale, alors que la présence servile s’accroît. L’outillage moral élaboré depuis les premières décennies de la présence néerlandaise, et réorganisé par les Anglais depuis 1664, est alors mis au service de la prise en charge de cette présence qui inquiète de plus en plus. Si rupture il y a d’une souveraineté à l’autre dans la gestion des rapports sociaux, celle-ci tient ainsi moins aux effets des conflits anglo-néerlandais de la deuxième moitié du xviie siècle qu’à la place croissante occupée, dans les premières décennies du xviiie siècle new-yorkais, par l’institution servile, tant dans la démographie que dans les esprits.
92S’il est vrai que le terme de « race » n’est mobilisé qu’à la toute fin de notre période dans les archives pour parler de la population « noire » ou « servile », les premières décennies du xviiie siècle sont caractérisées par une tension croissante liée à la présence de cette population, de plus en plus importante en nombre dans le port de New York, mais aussi progressivement essentialisée comme un danger par les autorités coloniales. On observe ainsi un changement progressif d’attitude du pouvoir, jalonné par des épisodes violents – en 1708, en 1712, en 1741 – mais aussi par une volonté d’encadrement – de taxinomie, de christianisation. On voit ainsi un processus graduel de redéfinition et de catégorisation de cette présence servile, identifiée en fonction de son statut, de son altérité par rapport à un corps social blanc dont elle est de plus en plus séparée dans les archives à défaut de l’être dans le quotidien d’un esclavage urbain. L’esclavage autochtone s’en trouve graduellement invisibilisé dans les sources administratives, tout comme la présence des libres de couleur, non explicite dans les recensements. Au cours des quatre premières décennies du xviiie siècle, l’attention portée au genre, aux normes de masculinité et de féminité, à la façon de les définir et aux rapports sociaux informés par ces normes, permet de voir la racialisation progressive de la société new-yorkaise. À l’émergence d’un appareil législatif régulant la présence servile vient s’ajouter la poursuite plus récurrente de certains crimes moraux – notamment la prostitution – en fonction des rencontres sexuelles entre esclaves et femmes blanches. L’attention portée à la nuptialité permet également de voir une transformation dans l’attitude des autorités coloniales vis-à-vis de la population noire, graduellement mise à distance. Alors que l’accession à la vie de famille et au mariage étaient vus comme un outil d’encadrement de cette population par la WIC et les autorités religieuses néerlandaises, au début du xviiie siècle, la réticence des maîtres à l’égard des relations intimes ou familiales entretenues par la population servile témoignent de l’émergence progressive d’un imaginaire associé à cette altérité où l’intime constitue un point aveugle au contrôle. Les relations et les normes bâties sur le genre contribuent ainsi à créer l’imaginaire de la « race » et les outils de la domination.
Notes de bas de page
1La révolte de 1741 a fait l’objet d’une abondante littérature dès le xviiie siècle, à commencer par le récit qu’en a fait Daniel Horsmanden, un des principaux juges siégeant lors des procès qui ont suivi les incendies. Daniel Horsmanden, The New-York Conspiracy: Or, a History of the Negro Plot, with the Journal of the Proceedings Against the Conspirators at New-York in the Years 1741-2, New York, Negro Universities Press, 1969, p. 73. Jusqu’aux années 1960-1970, l’historiographie sur la question a été dominée par une lecture conspirationniste, préoccupée surtout par la véracité de la rumeur ; plus récemment, l’historiographie interroge surtout les problématiques raciales mises en lumière par ce moment. Peter Hoffer, The Great New York Conspiracy of 1741: Slavery, Crime, and Colonial Law, Lawrence, University Press of Kansas, 2003 ; Jill Lepore, New York Burning: Liberty, Slavery, and Conspiracy in Eighteenth-Century Manhattan, New York, Vintage Books, 2006, p. 159-186.
2D. Horsmanden, New-York Conspiracy, op. cit., p. 91.
3Brett Rushforth, Bonds of Alliance: Indigenous and Atlantic Slaveries in New France, Chapel Hill, UNC Press, 2013.
4Jean-Frédéric Schaub et Silvia Sebastiani, Race et histoire dans les sociétés occidentales (xve-xviiie siècle), Paris, Albin Michel, 2021, p. 3. Entendue comme une catégorie de classification des individus en fonction de caractères supposément naturels, « inventée pour conforter la domination politique ».
5Thelma Wills Foote, Black and White Manhattan: The History of Racial Formation in New York City, 1624-1783, Oxford, Oxford University Press, 2004.
6Claude-Olivier Doron et Élie Haddad, « Race et histoire à l’époque moderne (suite) », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 68/3, 2021, p. 7-36 ; Frédéric Régent, « Du préjugé de couleur au préjugé de race, le cas des Antilles françaises », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 68/3, 2021, p. 64-90.
7Sur le rôle du genre et de l’intime dans la construction raciale, Kathleen M. Brown, « Brave New Worlds: Women’s and Gender History », The William and Mary Quarterly, 50/2, 1993, p. 311-328 ; Kathleen M. Brown, « Beyond the Great Debates: Gender and Race in Early America », Reviews in American History, 26/1, 1998, p. 96-123 ; Ann Laura Stoler, Race and the Education of Desire: Foucault’s History of Sexuality and the Colonial Order of Things, Durham, Duke University Press, 1995 ; Kathleen Wilson, The Island Race: Englishness, Empire and Gender in the Eighteenth Century, New York, Routledge, 2003.
8J.-F. Schaub et S. Sebastiani, Race et histoire dans les sociétés occidentales, op. cit., p. 7.
9L’ensemble des cartons concernant les archives des gouverneurs Burnet, Montgomerie et Rip Van Dam (qui couvrent les années 1721 à 1730) ont été détruits lors de l’incendie de 1911.
10La plupart de ces données démographiques sont reproduites dans Evarts Boutell Greene et Virginia Draper Harrington (éd.), American Population Before the Federal Census of 1790, Baltimore, Genealogical Publishing Company, 1993, p. 88-105 ; Edmund Bailey O’Callaghan, The Documentary History of the State of New-York: Arranged Under Direction of the Hon. Christopher Morgan, Secretary of State, vol. 1, Albany, Weed, Parsons and Co., 1849, p. 237-247, 395-405, 465-475. Il est toutefois nécessaire de rappeler les limites de ces recensements : quand ceux-ci étaient accessibles, les originaux ont été privilégiés, disponibles dans les archives du Conseil colonial (abrégés en NYCP – NYSA série A1894). Les données de O’Callaghan sont cependant tout ce qu’il reste pour les recensements de 1703, 1723 et de 1731, en raison des dégradations liées à l’incendie du Capitole d’Albany en 1911 – avec des probables erreurs de copie pour le recensement de 1731.
11John Duffy, A History of Public Health in New York City, 1625-1866, New York, Russell Sage Foundation, 1968, p. 53-54.
12« An Act to divide this province & dependences into shires and Countyes », 1/11/1683, Charles Zebina Lincoln, William H. Johnson et Ansel Judd Northrup (éd.), The Colonial Laws of New York from the Year 1664 to the Revolution: Including the Charters to the Duke of York, the Commissions and Instructions to Colonial Governors, the Duke’s Laws, the Laws of the Dongan and Leisler Assemblies, the Charters of Albany and New York and the Acts of the Colonial Legislatures from 1691 to 1775 Inclusive, vol. 1, Albany, J. B. Lyon, state printer, 1894, p. 121-123.
13Fanny Malègue, « L’empire en tableaux. Recenser et gouverner les colonies antillaises après la guerre de Sept Ans », Histoire & mesure, 33/2, 2018, p. 93-114.
14Ibid., p. 106.
15NYCP – NYSA A1894 vol. 42 doc. 34, 52-62 ; vol. 59 doc. 16-19. Les autres recensements sont accessibles via leur édition dans DHNY1, p. 237-247, 395-405, 471-472.
16Jusqu’à la guerre d’indépendance, la population new-yorkaise est également recensée en 1746, 1749, 1756 et 1771.
17F. Malègue, « L’empire en tableaux », art. cité, p. 109.
18NYCP – NYSA vol. 42 doc. 61-62 ; DHNY, op. cit., p. 437-456.
19Ibid., p. 447.
20Ibid., p. 456.
21Jose Antonio Brandão, « Your Fyre Shall Burn No More »: Iroquois Policy Toward New France and Its Native Allies to 1701, Lincoln, University of Nebraska Press, 1997 ; Francis Jennings, The Ambiguous Iroquois Empire: The Covenant Chain Confederation of Indian Tribes with English Colonies from Its Beginnings to the Lancaster Treaty of 1744, New York, Norton, 1984 ; Jon Parmenter, The Edge of the Woods: Iroquoia, 1534-1701, East Lansing, Michigan State University Press, 2010 ; Daniel K. Richter, « War and Culture: the Iroquois Experience », William and Mary Quarterly, 40/4, 1983, p. 528-559 ; Daniel K Richter, The Ordeal of the Longhouse: The Peoples of the Iroquois League in the Era of European Colonization, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1992.
22Les comtés d’Albany et de Suffolk sont marqués par une baisse significative de la population féminine entre 1723 et 1731, mais vu les chiffres de 1737, il s’agit probablement d’une erreur de saisie, soit de O’Callaghan, soit de l’original (non consultable en raison de sa dégradation).
23Ces quartiers, ou wards, ont été organisés, comme les comtés, en 1683, dans la charte de Thomas Dongan.
24Doug Catterall et Jodi Campbell (éd.), Women in Port: Gendering Communities, Economies, and Social Networks in Atlantic Port Cities, 1500-1800, Leyde, Brill, 2012 ; Nicole Dufournaud, Rôles et pouvoirs des femmes au xvie siècle dans la France de l’Ouest, thèse de doctorat, Paris, EHESS, 2007 ; Bernard Michon, Le port de Nantes au xviiie siècle. Construction d’une aire portuaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011 ; Lotte Van de Pol, The Burgher and the Whore: Prostitution in Early Modern Amsterdam, trad. Liz Waters, Oxford, Oxford University Press, 2011.
25La seule variation par rapport à cette norme concerne la population de moins de 16 ans du quartier nord, un quartier d’artisans où la mise en apprentissage de jeunes gens rend compte de leur surreprésentation par rapport au reste de la ville.
26La mention « negroes » est adoptée dès les recensements de 1702 et 1703, celle de « slaves » pour 1714, ou encore la locution « negroes and other slaves » pour le recensement de 1723 ; pour les suivants, c’est la dichotomie « white » et « black » qui est adoptée. DHNY1, p. 237-247, 395-405, 471-472 (originaux détruits ou trop endommagés).
27T. W. Foote, Black and White Manhattan, op. cit., p. 40.
28Colonial Laws of New York, op. cit., p. 520.
29NYCP – NYSA A1894 vol. 42 doc. 34, 52 (archives du gouverneur Bellomont, 1698-1699).
30Jeremias Van Rensselaer, Correspondence of Jeremias van Rensselaer, 1651-1674, Albany, University of the State of New York, 1932, p. 152, 167-168, 255.
31DHNY3, p. 467 ; Arnold J. F. Van Laer (éd.), Minutes of the Court of Albany, Rensselaerswijck and Schenectady (1673-1680), vol. 2, Albany, University of the State of New York, 1926, p. 97, 118, 414-415.
32Colonial Laws of New York, op. cit., p. 597-598.
33F. Régent, « Du préjugé de couleur au préjugé de race, le cas des Antilles françaises », art. cité, p. 83.
34T. W. Foote, Black and White Manhattan, op. cit., p. 63-70.
35Ibid., p. 72.
36Chiffres calculés par Anne-Claire Faucquez, en prenant en compte les comtés de New York, Richmond, Kings, Queens, Suffolk et Westchester. Anne-Claire Faucquez, De la Nouvelle-Néerlande à New York : naissance d’une société esclavagiste, Paris, Les Indes Savantes, 2021, p. 97.
37Ira Berlin, Many Thousands Gone – The First Two Centuries of Slavery in North America, Cambridge, Harvard University Press, 1998 ; A.-C. Faucquez, De la Nouvelle-Néerlande à New York, op. cit. ; T. W. Foote, Black and White Manhattan, op. cit. ; Nicole Saffold Maskiell, Bound by Bondage: Slavery and the Creation of a Northern Gentry, Ithaca, Cornell University Press, 2022 ; Andrea C. Mosterman, Spaces of Enslavement: A History of Slavery and Resistance in Dutch New York, Ithaca New York, Cornell University Press, 2021.
38J. Lepore, « The Tightening Vise », art. cité, p. 60.
39T. W. Foote, Black and White Manhattan, op. cit., p. 79-88. Nos données numériques ont été établies à partir du recensement de New York de 1703 reproduit in DHNY1, p. 395-405.
40A.-C. Faucquez, De la Nouvelle-Néerlande à New York, op. cit., p. 129.
41NYCP – NYSA A1894 vol. 28 doc. 174 ; édité in Peter R. Christoph et Florence A. Christoph (éd.), The Andros Papers: Files of the Provincial Secretary of New York During the Administration of Governor Sir Edmund Andros, 1674-1680, Syracuse, Syracuse University Press, 1989 vol. 3 p. 174.
42NYCP – NYSA A1894 vol. 56 doc. 96.
43J. Lepore, « The Tightening Vise », art. cité, p. 72-78.
44NYCP – NYSA A1894 vol. 60 doc. 117.
45Jean-Paul Zuñiga, « Recensements et proto-démographie impériale en Amérique espagnole au xviiie siècle : racialisation précoce ou biais historiographiques ? », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 68/3, 2021, p. 59.
46Colonial Laws of New York, p. 45.
47Ruth H. Bloch, Gender and Morality in Anglo-American Culture, 1650-1800, Berkeley, University of California Press, 2003, p. 40.
48Richard Godbeer, Sexual Revolution in Early America, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2002 ; Mary Beth Norton, Founding Mothers & Fathers: Gendered Power and the Forming of American Society, New York, Knopf, 1996 ; Carolyn B. Ramsey, « Sex and Social Order: The Selective Enforcement of Colonial American Adultery Laws in the English Context », Yale Journal of Law & the Humanities, 10/1, 1998, p. 191-228.
49NYMA – MN#10001 Court of General Sessions Minutes, 7/05/1707 (support microforme).
50Ibid.
51Leonard A. Roberts, « Bridewell: The World’s First Attempt at Prisoner Rehabilitation Through Education », Journal of Correctional Education, vol. 35, no 3, 1984, p. 83.
52Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975 ; Jean-Pierre Gutton, « Enfermement et charité dans la France de l’Ancien Régime », Histoire, économie & société, 10/3, 1991, p. 353-358 ; L. Van de Pol, The Burgher and the Whore, op. cit., p. 106-112.
53Lee Beier, « Foucault Redux?: The Roles of Humanism, Protestantism, and an Urban Elite in Creating the London Bridewell, 1500-1560 », Crime, Gender and Sexuality in Criminal Prosecutions, Westport, Greenwood Press, 2002, p. 33-60 ; Paul Griffiths, Lost Londons: Change, Crime and Control in the Capital City 1550-1660, Cambridge, Cambridge University Press, 2008 ; William G. Hinkle, A History of Bridewell Prison, 1553-1700, Lampeter, Edwin Mellen, 2006.
54Paul Griffiths, « Contesting London Bridewell, 1576-1580 », Journal of British Studies, vol. 42, no 3, 2003, p. 283-315.
55Colonial Laws of New York, p. 226-228.
56Très endommagés, une partie a été éditée in Peter R. Christoph et Florence A. Christoph, New York Historical Manuscripts: English ; Books of General Entries of the Colony of New York 1664-1673, Baltimore, Genealogical Pub. Co., 1982 ; Peter R. Christoph et Florence A. Christoph, New York Historical Manuscripts, English: Books of General Entries of the Colony of New York, 1674-1688, Balitmore, Genealogical Pub. Co., 1982.
57Colonial Laws of New York, p. 125-128.
58« An Act for the Establishing Courts of Judicature for the Ease and benefitt of each respective Citty Town and County within this Province », ibid., p. 226-231.
59R. H. Bloch, Gender and Morality in Anglo-American Culture, op. cit. ; Cornelia Hughes Dayton, Women Before the Bar: Gender, Law, and Society in Connecticut, 1639-1789, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1995 ; C. B. Ramsey, « Sex and Social Order », art. cité ; Roger Thompson, Sex in Middlesex: Popular Mores in a Massachusetts County, 1649-1699, Amherst, University of Massachusetts Presss, 1986, p. 5-15.
60Edmund Bailey O’Callaghan (éd.), Laws and Ordinances of New Netherland, 1638-1674, Baltimore, Weed, Parsons & Co., 1868, p. 60 ; Arnold J. F. Van Laer (éd.), Documents relating to New Netherland, 1624-1626, in the Henry E. Huntington library, San Marino, The Henry E. Huntington library and art gallery, 1924, p. 171-251.
61NYMA RNA Box 1. 2.5 doc. 203b ; trad. RNA, vol. 6, p. 10.
62Colonial Laws of New York, p. 173-175.
63John Miller, « New Yorke Considered and Improved A.D. 1695 », Faculty Publications. UNL Libraries 17, 2005, p. 56.
64Ibid., p. 59-62.
65E. J. Burford, Wits, Wenchers and Wantons - London’s Low Life: Covent Garden in the Eighteenth Century, Londres, Robert Hale Ltd, 1986 ; Faramerz Dabhoiwala, « Sex and Societies for Moral Reform, 1688-1800 », Journal of British Studies, 46/2, 2007, p. 290-319 ; Alan Hunt, Governing Morals: A Social History of Moral Regulation, Cambridge, Cambridge University Press, 1999 ; Martin Ingram, « Reformation of Manners in Early Modern England », in Paul Griffiths, Adam Fox et Steve Hindle (éd.), The Experience of Authority in Early Modern England, Londres, Macmillan Education UK, 1996, p. 47-88 ; Joanna Innes, « Politics and Morals: The Reformation of Manners Movement in Later Eighteenth-Century England », The Transformation of Political Culture: England and Germany in the Late Eighteenth Century, Oxford/New York, Oxford University Press, 1990, p. 57-118 ; M. J. D. Roberts, Making English Morals: Voluntary Association and Moral Reform in England, 1787-1886, Cambridge, Cambridge University Press, 2004 ; Robert B. Shoemaker, « Reforming the City: The Reformation of Manners Campaign in London, 1690-1738 », Stilling the Grumbling Hive: The Response to Social and Economic Problems in England, 1689-1750, Stroud/New York, Sutton Publishing, 1992, p. 99-120 ; M. Spufford, « Puritanism and Social Control », in Anthony Fletcher et John Stevenson, Order and Disorder in Early Modern England, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, p. 41-57.
66Richard P. Gildrie, The Profane, the Civil, and the Godly: The Reformation of Manners in Orthodox New England, 1679-1749, University Park, Pennsylvania University Press, 1994.
67NYCP – NYSA A1809, 4:39, 103, 195, 196, 365 ; 5:343, 362 ; trad. : Arnold J. F. Van Laer (éd.), Council Minutes 1638-1649, Baltimore, Genealogical Publishing Co., 1974, p. 46-47, 122, 227-228, 231, 486-488 ; Council Minutes 1652-1654, Baltimore, Genealogical Publishing Co., 1983, p. 172-173, 180-181, 196. NYMA RNA Box 1.2.1 doc. 323c, Box 1.2.2 doc. 46c, 68c, 79a, 91c, 93e, 98b, 100b, 116c, 127b-c, 130c, 271b ; trad. RNA, vol. 1, p. 298 ; vol. 2, p. 200-201, 221, 231, 243, 244, 248-250, 259-260, 275, 277, 281, 282, 407.
68NYCP – NYSA A1809 vol. 6 doc. 49b ; vol. 8 doc. 415 ; vol. 10 doc. 291-292.
69Peter R. Christoph et Florence A. Christoph, New York Historical Manuscripts: English; Books of General Entries of the Colony of New York 1664-1673, Baltimore, Genealogical Pub. Co., 1982, p. 323, 325-326, 335-336, 380-381 ; Peter R. Christoph et Florence A. Christoph, New York Historical Manuscripts, English: Books of General Entries of the Colony of New York, 1674-1688, Balitmore, Genealogical Pub. Co., 1982, p. 82, 104-105, 107 ; Peter R. Christoph et Florence A. Christoph, Records of the Court of Assizes for the Colony of New York (1665-1682), Baltimore, Genealogical Publishing Co., 1983, p. 155-156, 161.
70Matteo Spalletta, « Divorce in Colonial New York », New-York Historical Society Quarterly, 39/4, 1955, p. 435.
71General Entries 1664-1673, p. 235, 323, 325-326, 335-336, 380, 488, 511 ; General Entries 1674-1688, p. 82, 104-105, 107.
72General Entries 1664-1673, p. 323-325-326-335-336-380.
73Court of Assizes, p. 155-156, 161.
74General Entries 1664-1673, p. 511.
75Samuel S. Purple, Collections of the New-York Genealogical and Biographical Society, vol. 1: Records of the Reformed Dutch Church in New Amsterdam and New York, New York, Printed for the Society, 1890, p. 58.
76NYMA RNA Box 1.2.4 doc. 566b, 630a, 631e ; Box 1.2.5 doc. 11a, 20a, 35a, 297b ; Box 1.2.6 doc. 120a, 225b ; trad. RNA vol. 5 p. 265-266, 279-282.
77NYMA RNA Box 1.2.5 doc. 448a, 572a ; trad. RNA vol. 6 p. 227-228 ; General Entries 1664-1673, p. 322, 326-327, 333.
78NYMA RNA Box 1.2.6 doc. 309f, 310a, 317b, 318b, 324g, 327d, 342b, 343a, 381c, 387c, 414a, 446b ; trad. RNA vol. 7 p. 43-44, 47-48, 52, 107.
79Patricia U. Bonomi, The Lord Cornbury Scandal: The Politics of Reputation in British America, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2000, p. 166.
80Ibid., p. 129-130.
81Arnold J. F Van Laer (éd.), Minutes of the Court of Albany, Rensselaerswyck and Schenectady 1680-1685, Albany, University of the State of New York, 1932, vol.3, p. 296-301, 318-319.
82Court of general sessions of the peace of the City of New York 1684-1760. Voir Kenneth Scott (éd.), New York City Court Records 1684-1760: Genealogical Data From the Court of Quarter Sessions, Washington, National Genealogical Society, 1982, p. 23-24.
83Susan Brownmiller, Against Our Will: Men, Women, and Rape, réédition, New York, Ballantine Books, 1993 ; Gerda Lerner, Black Women in White America: A Documentary History, réédition, New York, Vintage, 1992 ; Jennifer Morgan, Laboring Women: Reproduction and Gender in New World Slavery, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2004.
84NYCP – NYSA A1809, vol. 4 doc. 1, p. 2b-3a. Trad. LO, p. 12.
85MCARS, vol. 2, p. 97, 118.
86Ibid.., p. 417.
87Ibid.
88MCARS, vol. 3, p. 480-481.
89Ibid., p. 526-527.
90Brett Rushforth in Paulin Ismard, Benedetta Rossi et Cécile Vidal (éd.), Les mondes de l’esclavage, une histoire comparée, Paris, Le Seuil, 2021, p. 182-184.
91Notons qu’une vingtaine d’années plus tard, en 1705, les autorités new-yorkaises entreprennent de légiférer sur la « fuite d’esclaves du Comté d’Albany vers les Français du Canada ». Colonial Laws of New York, p. 582-584.
92Gilles Havard, Histoire des coureurs de bois, Paris, Les Indes Savantes, 2016.
93T. W. Foote, Black and White Manhattan, op. cit., p. 124-158. Concernant cet appareil législatif : Colonial Laws of New York, p. 519, 582, 588, 597, 598, 631, 761, 884, 1023.
94Ibid, p. 597-598.
95Ibid., p. 761-767.
96Edmund Bailey O’Callaghan, Documents Relative to the Colonial History of the State of New-York: Procured in Holland, England, and France, vol. 5, Albany, Weed, Parsons & Co., 1853, p. 341-342.
97Un motif étudié, en situation coloniale, par Kathleen Brown, et dont on trouve une récurrence jusqu’au xxe siècle, ainsi que le démontre Lisa Lindquist Dorr. K.M. Brown, « Brave New Worlds », art. cité ; Kathleen M. Brown, Good Wives, Nasty Wenches and Anxious Patriarchs: Gender, Race, and Power in Colonial Virginia, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1996 ; Lisa Lindquist Dorr, « “Another Negro-Did-It Crime”: Black-on-White Rape and Protest in Virginia, 1945-1960 », in Merril D. Smith (éd.), Sex Without Consent: Rape and Sexual Coercion in America, New York, New York University Press, 2002, p. 293-313.
98Kevin Mumford, « After Hugh: Statutory Race Segregation in Colonial America, 1630-1725 », The American Journal of Legal History, 43/3, 1999, p. 305.
99Colonial Laws of New York, p. 35, 47, 151, 175 ; Ruth H. Bloch, Gender and Morality in Anglo-American Culture, 1650-1800, Berkeley, University of California Press, 2003 ; C. H. Dayton, Women before the bar, op. cit.
100NYMA – MN#10001 – Court of General Sessions Minutes, 2/05/1693 et 8/11/1710 (support microforme).
101L. Van de Pol, The Burgher and the Whore, op. cit.
102J. Lepore, New York Burning, op. cit.
103D. Horsmanden, New-York Conspiracy, op. cit., p. 1-40. La partialité d’Horsmanden ainsi que des procédés utilisés pour obtenir les témoignages des esclaves (en les faisant boire) a fait l’objet d’une abondante littérature, notamment : J. Lepore, New York Burning, op. cit.
104D. Horsmanden, New-York Conspiracy, op. cit., p. 11.
105Ibid., p. 91-93.
106Trevor Burnard, « Evaluating Gender in Early Jamaica, 1674-1784 », History of the Family: an International Quarterly, 12/2, 2007, p. 81-91 ; Charlotte de Castelnau, « La liberté du sacrement. Droit canonique et mariage des esclaves dans le Brésil colonial », Annales Histoire Sciences Sociales, 65/6, 2010, p. 1349-1383 ; Myriam Cottias, La Famille antillaise du xviie au xixe siècle : étude anthropologique et démographique: enracinements créoles, thèse de doctorat, Paris, EHESS, 1990 ; Vincent Gourdon et François-Joseph Ruggiu, « Familles en situation coloniale », Annales de démographie historique, 122, 2011, p. 5-39 ; Jennifer Morgan, Laboring Women, op. cit. ; Philip Morgan, Slave Counterpoint: Black Culture in the Eighteenth-Century Chesapeake and Lowcountry, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1998.
107Colonial Laws of New York, p. 45-46, 92, 123, 150-151.
108Records of the Reformed Dutch Church, op. cit., p. 29-152.
109Graham Russell Hodges, « The Pastor and the Prostitute: Sexual Power among African Americans and Germans in Colonial New York », Sex, Love, Race: Crossing Boundaries in North American History, New York, New York University Press, 1999, p. 60-71.
110Ibid. D’après Hodges, qui évoque le premier mariage, entre Pieter Christiaan et Elizabeth Brandemoes en 1716, Christiaan était originaire de Madagascar, où il était né en 1680, avait été l’esclave de Jan Van Loon, le propriétaire terrien le plus important de cette zone, et avait été affranchi par celui-ci au moment de son mariage.
111Theodore M. Banta (éd.), Some Early Records of the Lutheran Church in New York (1704-1772) as Presented in the Yearbook of the Holland Society of New York, Rhinebeck, Kinship, 1903, p. 12-15.
112Vivienne L. Kruger, Born To Run: the Slave Family in Early New York, 1626 to 1827, thèse de doctorat, New York, Columbia University, 1985, p. 303-395.
113La périodisation adoptée par Vivienne Kruger, 1641-1697 puis 1709-1776, va dans un sens similaire.
114New York Surrogate’s Court, Collection of the New-York Historical Society for the Year 1892. Abstract of Wills on File in the Surrogates Office, City of New York, Vol. 2 (1708-1728), New York, Printed for the New York Historical Society, 1894, p. 293.
115NYCP – NYSA A1894 vol. 41 doc. 23a ; A.-C. Faucquez, De la Nouvelle-Néerlande à New York, op. cit., p. 287-290, 305-306.
116Elias Neau to Secretary, 2 mai 1718, William Wilson Manross, The Fulham Papers in the Lambeth Palace Library, Oxford, Clarendon Press, 1965, vol. 13, p. 397-398 ; F. J. Klingberg, Anglican Humanitarianism in colonial New York, Philadelphie, Church Historical Society, 1940, p. 155, cités par ibid., p. 305.
117Vincent Cousseau, Population et anthroponymie en Martinique (xviie s.-première moitié du xixe s.). Étude d’une société coloniale à travers son système de dénomination personnel, thèse de doctorat, Pointe-à-Pitre, université des Antilles et de la Guyane, 2009 ; Frédéric Régent, « Structures familiales et stratégies matrimoniales des libres de couleur en Guadeloupe au xviiie siècle », Annales de démographie historique, 122, février 2011, p. 69-98.
118T. W. Foote, Black and White Manhattan, op. cit., p. 149-150.
119Joyce D. Goodfriend, « Black Families in New Netherland », Journal of the Afro-American Historical and Genealogical Society, 5/3-4, 1984.
120Peter R. Christoph, « The Freedmen of New Amsterdam », Journal of the Afro-American Historical and Genealogical Society, 5/3-4, 1985, p. 148-149 ; I. N. Phelps Stokes, The Iconography of Manhattan Island, 1498-1909; Compiled from Original Sources and Illustrated by Photo-Intaglio, Reproductions of Important Maps, Plans, Views and Documents in Public and Private Collections, vol. 6, New York, Robert H. Dodd, 1915, p. 73-76.
121P. R. Christoph, « The Freedmen of New Amsterdam », art. cité.
122David Humphreys, An Account of the Endeavours used by the Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts, to instruct the Negro Slaves of New York Together with Two of Bishop Gibson’s Letters on that Subject, Londres, 1730, p. 3-4.
123A.-C. Faucquez, De la Nouvelle-Néerlande à New York, op. cit., p. 215-223.
124« [Elias] Neau to Treasurer, New York, 15 Apr. 1704 », SPG Papers (13), Correspondence, New York, 1700-1706, p. 45 ; cité in ibid., p. 219.
125Cadwallader Colden, The Letters and Papers of Cadwallader Colden… 1711-[1775], New York, Printed for the New York Historical Society, 1918, p. 59.
126Ibid., p. 39.
127D. Horsmanden, New-York Conspiracy, op. cit.
128Ibid., p. 94.
129Ibid., p. 97. Confession finale de Quack sur le bûcher, le 30 mai 1741.
130Ibid., p. 73-74.

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