Jean Monnet, Charles de Gaulle et l’encombrante alliance américaine
p. 97-116
Texte intégral
« Le problème qu’il y avait entre Monnet et le général de Gaulle, c’étaient les États-Unis, ce n’était pas l’Europe. »
Maurice Couve de Murville.
1Cette formule polémique de Maurice Couve de Murville recouvre la relation très contrastée que les deux hommes ont entretenue avec l’allié américain. Jean Monnet, internationaliste, grand voyageur, découvre les États-Unis dans sa jeunesse, y vit de longues années, entretient des relations amicales avec un grand nombre de leurs dirigeants. Charles de Gaulle, soldat, nationaliste, connaît mal les États-Unis et encore moins la culture américaine, qui ne l’intéresse guère. Pour lui c’est une nation de marchands. L’Amérique est de son point de vue, par essence, impérialiste.
2Dès la Seconde Guerre mondiale, les relations entre les deux hommes sont impactées par leurs liens avec Washington. Monnet, proche du président Franklin Roosevelt, se trouve impliqué dans la lutte entre les généraux de Gaulle et Giraud à Alger pour prendre la tête de la France libre. Mais c’est surtout après la guerre que l’opposition sera la plus forte : tout d’abord autour du projet de Communauté européenne de défense, conçu par Monnet et farouchement combattu par un de Gaulle alors dans l’opposition à la IVe République. Ensuite, après le retour au pouvoir du Général, autour des relations entre la Communauté économique européenne (CEE) et les États-Unis.
3Dans la relation des deux hommes aux États-Unis, ce sont deux conceptions de l’Europe qui s’affrontent : une Europe des nations, indépendante des deux blocs, de conception gaulliste, et une Europe supranationale, ouverte sur l’Atlantique, inspirée par Monnet. Monnet est convaincu de la nécessité d’un partenariat entre l’Europe et les États-Unis, quand, pour de Gaulle, elle doit prendre ses distances avec Washington.
Deux hommes aux relations contrastées avec les États-Unis
L’empreinte des années de formation
4Jean Monnet n’est pas un élève très studieux et à 16 ans, renonçant à passer la seconde partie de son baccalauréat, avec l’autorisation de son père, il commence sa vie de voyage : deux ans à Londres dans une famille de négociants, pour y apprendre l’anglais et s’imprégner de toute une philosophie de la vie, puis le Canada à l’âge de 18 ans et enfin rapidement les États-Unis, mais aussi la Scandinavie, la Russie, l’Égypte, la Chine. Il n’a pas lu les classiques et se fait de ces pays son propre avis : « Jean Monnet aura une vue d’ensemble, mais toujours il partira de l’observation directe et sans a priori des réalités1 », écrit Éric Roussel. Lui-même déclare :
« Les gens de cognac n’étaient pas nationalistes à une époque où la France l’était. Je ne peux pas dire que cela est une influence sur l’action que j’ai menée pour l’Europe plus tard. Je n’y pensais absolument pas. Cela ne m’a pas non plus donné dès ma jeunesses l’idée que je devais m’occuper de problèmes internationaux. Mais sans doute il y avait déjà les conditions qui me rendirent naturelles, un jour, de faire ce qui me parut nécessaire pour mettre au travail, ensemble, des hommes séparés par des obstacles artificiels2. »
5Une jeunesse qui contraste très fortement avec celle de de Gaulle, formé à l’école des Humanités, inspiré par les écrits de Barrès et de Péguy, fortement nationaliste. « Tout pétri de culture latine, d’idée de patrie, de notions de sacrifice et de discipline militaire3 », écrit Hervé Alphand. Significativement, de Gaulle à sa sortie de Saint-Cyr choisit le 33e régiment d’infanterie à Arras. Il ne choisit pas la carrière dans la coloniale et préfère rester en métropole sans doute dans la prévision de la guerre qui menace avec l’Allemagne. Son séjour au Liban et au Moyen-Orient est vécu par lui davantage comme un passage obligé que comme un choix, et ne lui laisse pas une image très positive de ces territoires.
6Au total, deux hommes pour deux lectures du monde : un homme internationaliste constamment ouvert vers l’extérieur, un nationaliste tourné vers la métropole.
La Première guerre mondiale confirme le contraste dans leur vision du monde
7Jean Monnet, qui n’est pas mobilisé en 1914 à cause de ses problèmes de santé, entre dans la vie publique. Il conquiert rapidement du crédit et de la considération, tant chez les dirigeants français que britanniques et américains. C’est à cette époque qu’il commence à construire ses réseaux, notamment aux États-Unis. Mais aussi ses convictions. Parmi les leçons que Jean Monnet tire de la Première Guerre mondiale : l’interdépendance des nations, le rôle de l’État dans l’économie, l’indispensable aide américaine. C’est aussi le début de son image noire : « C’est à partir de l’affaire du prêt de la Hudson Bay Company que l’on bâtira la légende absurde d’un Jean Monnet agent de la City », écrit son biographe, Éric Roussel4. Pourtant, Monnet reste lucide, voire parfois pessimiste, sur la façon dont les États-Unis se conduisent à l’égard de l’Europe5. Il est déjà conscient à cette période que les États-Unis défendent avant tout les intérêts américains, et qu’il faudra en jouer dans les relations avec eux.
8De Gaulle, bien sûr, mène une guerre très différente, sur le front. Lieutenant depuis le 1er octobre 1913, il est nommé capitaine début 1915. Blessé à plusieurs reprises, il s’illustre rapidement dans les combats. Le 2 mars 1916, il participe à la défense de Douaumont lors de la bataille de Verdun. Son régiment est décimé, les survivants encerclés et capturés. Prisonnier, il tente six évasions mais n’est libéré qu’après l’armistice de 1918. Il n’a donc pas vu les troupes américaines arriver sur le front en 1917 et tire de la guerre un fort sentiment d’humiliation et de dépit à cause de sa captivité. Il reçoit néanmoins la croix de chevalier de la Légion d’honneur, le 23 juillet 1919, et la croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze6.
L’entre-deux-guerres
9Durant l’entre-deux-guerres, le parcours de Jean Monnet contraste avec celui de de Gaulle. Secrétaire général adjoint de la Société des Nations, puis de retour aux affaires, Jean Monnet continue d’élargir son cercle de relations. Notamment aux États-Unis. On voit se dessiner les contours de la « galaxie Monnet », autour de personnalités comme John McCloy, croisé dès la fin de la Première Guerre mondiale. Républicain, McCloy sera conseiller de tous les présidents de Roosevelt à Kennedy, président de la banque mondiale puis haut-commissaire en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale ; John Foster Dulles7, le futur secrétaire d’État du président Dwight Eisenhower (1953-1959) ; Donald Swatland, avocat lui aussi ou encore le journaliste Walter Lippman. Autant de figures qui joueront un rôle clé pendant la guerre froide et avec lesquelles Jean Monnet entretient des amitiés solides.
10De ces années de jeunesse, puis de ses années aux États-Unis, Jean Monnet sort impressionné par l’efficacité américaine, fondée sur la confiance, exempte de formalisme. Le système politique le séduit. Il s’installe à New York en 1936 et y vivra pratiquement sans interruption jusqu’en 1944.
« Les principes de Monnet, précise Louis Joxe, étaient simples. C’étaient ceux qu’aurait défendu un jeune démocrate élevé en Angleterre et surtout aux États-Unis. Sa lecture constante et sa réflexion porte davantage sur la pensée de Washington, Jefferson ou Lincoln que sur celle des écrivains et des hommes d’action européen8. »
11Georges Berthoin confirme :
« L’expérience américaine a été je crois décisive pour Jean Monnet. Il avait parfaitement bien compris la psychologie américaine. C’était un homme qui pouvait participer à l’élaboration intellectuelle de certaines politiques en Amérique, je ne dis pas comme un Américain mais aussi bien qu’un Américain, ce qui lui permettait de faire entrer l’intérêt européen dans les mécanismes américains. Il n’avait pas compris l’Amérique de façon théorique mais de façon pratique. Avant et après la Grande guerre, lorsqu’il était allé aux États-Unis pour ses affaires, il avait observé le fonctionnement du système et noué des liens profonds. […] L’Américain est de plain-pied avec chacun, et Monnet était comme cela, ce qui le rendait singulier par rapport aux habitudes de pensée européenne. Aussi était-il devenu un Français un peu différent des autres9. »
12Philippe Lamour livre un témoignage similaire :
« Le français des Charentes était en fait américain par le raisonnement. C’était un homme avant tout pratique. […] Ce qu’il avait appris en Amérique, c’était l’absence de préjugés10. »
13En un mot, Monnet s’américanise. Il prend l’habitude d’employer l’anglais comme langue de travail, même avec ses collaborateurs français. Il l’utilise en famille, au point que sa fille Anna doit apprendre le français lorsqu’elle revient à Paris en 1944. Et pourtant, le même Jean Monnet se bat pour faire accepter l’emploi du français lors des réunions franco-américaines de l’Administration du secours de la reconstruction.
14De Gaulle, lui, perfectionne son allemand, la « langue de l’ennemi », qu’il a appris très tôt. Il découvre la Pologne, mais n’est guère impressionné. Il sert auprès de Pétain, à l’État-major, où les relations entre les deux hommes se dégradent rapidement. Il écrit, beaucoup. Il réfléchit à l’utilisation des blindés. Des réflexions similaires à celles que développent les généraux Eisenhower ou Patton aux États-Unis, mais ce sont les généraux allemands que lit d’abord de Gaulle. La stratégie de l’ennemi, toujours…
De la rencontre aux rancœurs
De Londres à Alger, de malentendus en tensions
15Quand les deux hommes se rencontrent, à Londres, en 1939, écrit Éric Roussel :
« Monnet et De Gaulle, en vérité, semblent habiter des planètes différentes, leurs cultures sont si antagonistes qu’ils ne peuvent se parler. L’un vit dans l’Histoire et pour l’Histoire, attaché avec passion au pays où il est né ; l’autre ne pense qu’à l’avenir, convaincu que l’Amérique peut apporter beaucoup, sur tous les plans, aux vieilles nations occidentales. Tous deux, en dernière analyse, sont des rebelles, mais les références communes entre eux ne sont pas assez nombreuses pour que, ayant largué les amarres, ils puissent discuter utilement. Seule les réunit leur intransigeance, un sens élevé de leur devoir, un même désintéressement ; car Monnet, s’il évolue dans l’univers des affaires, ne s’y laissera jamais engluer11. »
16Jean Monnet et de Gaulle ont néanmoins un point commun : ils voient tous les deux le caractère mondial du conflit qui commence. Mais ils ne regardent pas dans la même direction. Jean Monnet regarde vers les États-Unis, de Gaulle vers l’empire.
17C’est fort de cette conviction qu’après l’armistice Jean Monnet offre ses services à la Grande-Bretagne et part aux États-Unis avec ce statut étonnant pour un Français de haut fonctionnaire britannique. Dans cette nouvelle mission, le réseau américain de Jean Monnet ne cesse de s’élargir. Y entrent notamment Félix Frankfurter, juge à la Cour suprême et George Ball, le futur sous-secrétaire d’État des présidents John F. Kennedy et Lyndon B. Johnson (1961-1966). Souvent des hommes de droit.
18Monnet évolue dans un cercle très proche du pouvoir américain, ce qui le conduit à intervenir du côté de Giraud dans la querelle entre Giraud et de Gaulle. De Gaulle lui en tiendra rigueur. Le 12 novembre 1953, lors d’une conférence de presse consacrée entre autres à la CED, le Général évoque cet épisode et celui du projet d’Union franco-britannique de 1940, sans nommer Jean Monnet, mais en le désignant du nom qu’il lui a donné, l’Inspirateur :
« On voit donc, quelques retards que le gouvernement ait mis à promouvoir une véritable organisation européenne, que la question du réarmement allemand leur en offrait encore l’occasion. Mais c’était la voix claire et droite. Ils ont malheureusement tâché de trouver la solution de l’astuce. L’astuce d’ailleurs était prête et l’Inspirateur était prêt lui aussi, avec sa panacée qu’on appelle la fusion. Déjà, en d’autres circonstances, il avait proposé, pour sortir de graves difficultés, sa panacée. En 1940, me trouvant membre du dernier gouvernement de la IIIe République et envoyé à Londres par Paul Reynaud, je tâchais in extremis de ranimer une alliance qui était en train de se rompre quand l’Inspirateur m’apporta un projet de fusion de la France avec la Grande Bretagne que je fis accepter par M. Churchill et son gouvernement. Mais bien sûr, Churchill et moi nous ne voyions dans ce projet qu’une ultime manifestation de solidarité franco-britannique et un simple argument donné aux ministres français pour qu’ils se soustraient à l’ennemi et s’en aillent à Alger continuer la guerre. Mais l’Inspirateur croyait que l’on pouvait intégrer le roi Georges VI avec le président Lebrun, la Chambre des Lords avec le Sénat, la Home Guard avec la Garde républicaine. Trois ans après, comme les États-Unis avaient institué à Alger une organisation concurrente de la France libre et que cela ne marchait pas très bien, l’Inspirateur vint à leur aide en proposant de noyer ensemble le général Giraud et le général de Gaulle dans un même gouvernement. Cette fois encore j’acceptai le mélange, parce que je me doutais bien de ce qui allait arriver12. »
19Pour Monnet, de Gaulle semble constituer un danger pour la démocratie. Il s’y rallie pourtant progressivement, tant le Général est incontournable, et tant Giraud le déçoit par son conservatisme. Influence-t-il le regard américain sur de Gaulle ou est-il influencé par ce regard : sans doute un peu des deux. Cet épisode contribue à nourrir la légende noire d’un Jean Monnet agent des Américains. Et la rancœur des gaullistes va nourrir cette légende par des attaques permanentes.
Jean Monnet, l’éminence grise de Washington ?
20« Monnet, dès les origines, a voulu réaliser une Europe bien unie aux États-Unis et par conséquent bien dépendante d’eux. Il ne s’en est jamais caché. C’était l’essentiel », déclare Couve de Murville13.
21C’est en effet aux États-Unis que Jean Monnet commence à réfléchir à l’avenir de l’Europe. Il ne s’en cache pas. Lors de son arrivée à Washington, la question est discutée au département d’État, mais aussi parmi les réseaux d’Européens émigrés aux États-Unis14. C’est à Washington en 1941 que Jean Monnet rencontre notamment Paul Henri Spaak, qui fut plusieurs fois chef du gouvernement belge. Jean Monnet s’entretient également à plusieurs reprises avec Clarence Streit, le président d’Union Now, qui défend l’idée d’une union fédérale atlantique.
22Il n’en faut pas plus à Michel Debré, qui fut Premier ministre du Général de Gaulle (1959-1962), pour dénoncer l’inspiration américaine du projet de CECA dans ses mémoires :
« L’origine de cette affaire est à Washington dont Monnet se fait le porte-parole. C’est d’ailleurs le mot anglais “pool” qui sera employé dans les premiers temps. Mais du “pool” est née une idéologie inspirée par la thèse fédéraliste15. »
Le plan : l’indispensable aide américaine
23Et pourtant, de Gaulle et Monnet tombent d’accord sur le caractère indispensable de l’aide américaine. Lorsqu’ils se rencontrent, à l’occasion du voyage de de Gaulle à Washington, en août 1945, Monnet lui dit :
« Vous parlez de grandeur, mais les Français sont petits aujourd’hui. Il n’y aura de grandeur que lorsque les Français assumeront la stature qui justifie la grandeur. Ils sont ainsi faits. Pour cela il est nécessaire qu’ils se modernisent, car ils ne sont pas modernes. Il faut donc davantage de production, de productivité, il faut transformer le pays du point de vue matériel16. »
24De Gaulle lors de son voyage aux États-Unis est effectivement impressionné par le dynamisme économique qui se montre à lui. Lui aussi veut moderniser la France. Sur ce point les deux s’entendent dans la grande aventure du Plan.
25Le crédit dont Jean Monnet jouit aux États-Unis est un élément capital pour la réussite du Plan, qui a besoin à la fois du financement, mais aussi de l’inspiration américaine. Jean Monnet encourage les missions d’étude aux États-Unis, pour que les entrepreneurs et fonctionnaires français s’inspirent des méthodes américaines17. Pour autant, il reste lucide sur les motivations américaines. Il sait que l’Amérique défend ses intérêts, notamment économiques, dans sa promotion du libre-échange. Mais il est pragmatique : chacun trouve son compte à cette coopération.
26La différence, à ce moment, entre de Gaulle et Monnet semble surtout être le calendrier envisagé. C’est ce que sous-entend Jean-François Poncet :
« Jean Monnet et le général De Gaulle étaient tous deux très désireux de voir l’Europe prendre son autonomie par rapport aux États-Unis. Simplement, à la différence du général, Monnet pensait qu’il n’était pas possible de tout faire immédiatement, donc dans un premier temps, compte tenu des difficultés terribles de l’après-guerre, on ne pouvait faire autrement que d’agir de concert avec l’Amérique18. »
27Jean Monnet est surtout persuadé que l’aide américaine dépendra des efforts accomplis par les Européens eux-mêmes. Il écrit à René Mayer le 18 avril 1948 :
« De l’enjeu que nous sommes, allons-nous devenir des associés maîtres de leur propre destinée ? C’est la question. De notre effort viendra la réponse. De cette réponse dépendra la continuité de l’attitude américaine19. »
28C’est une des raisons qui poussent Jean Monnet à amorcer l’union européenne. Il y a donc chez lui une double influence des États-Unis : le conditionnement de ce soutien américain, et le modèle américain qui est une source d’inspiration. En cela, il rejoint les vues de quelqu’un de pourtant fort éloigné : Georges Bidault, un personnage considérable de la IVe République, plusieurs fois président du Conseil, atlantiste mais suspicieux envers l’Europe intégrée20.
Les deux Europe, l’affrontement
La CED : l’opposition totale entre de Gaulle et Monnet
29Le 25 juin 1950, la Corée du Nord envahit la Corée du Sud. Immédiatement Jean Monnet comprend ce que cela implique : « Rarement au cours de ma vie j’ai entendu avec autant de netteté le signal du changement qu’en cette année qui partageait le siècle21 », écrit-il dans ses mémoires.
30Le déclenchement des hostilités en Corée surprend les décideurs français en pleine crise ministérielle. La veille, le gouvernement Bidault a été renversé par une offensive socialiste. Les événements de Corée n’accélèrent pas pour autant la résolution de la crise politique française. Le 26 juin, Queuille, pressenti, doit renoncer à former un gouvernement, la SFIO lui refusant son soutien. Le 27, ce sont René Pleven et René Mayer qui refusent. Après avoir rencontré Vincent Auriol, Georges Bidault consulte Guy Mollet le 28 et renonce à son tour. Devant l’insistance du président de la République, Queuille accepte de retenter l’investiture, avec cette fois le soutien socialiste. Il est investi, mais pas son gouvernement. Empêché par la pratique de double investiture, il doit renoncer. Dans ce contexte, faute de ministre français, la réunion prévue pour le 5 juillet entre les ministres de la Défense du pacte de Bruxelles est ajournée. Finalement, désigné par le président de la République, René Pleven obtient l’investiture, le 11 juillet. Les socialistes acceptent de participer au gouvernement.
31Alors que la peur panique d’une nouvelle guerre mondiale traverse l’Occident, les députés français se montrent incapables de dépasser l’horizon des querelles partisanes et électoralistes. Car du côté des militaires, on réagit très vite. Le général Brohon souligne avec ironie la multiplication des demandes d’affectations au Groupe permanent de l’OTAN : « Jamais on n’a vu en France autant de gens qui avaient si bien compris la situation de 1940. […] Il y avait, on peut le dire, un nombre considérable de de Gaulle au petit pied22. »
32Car aux États-Unis, la perspective d’une agression soviétique n’est désormais plus une lointaine hypothèse de travail. On se demande à Washington si l’agression des forces nord-coréennes n’est pas une simple diversion pour préparer une attaque soviétique de grande envergure en Europe. Même si ce n’est pas le cas, il s’agit d’un test. Or, le Traité de Washington créant l’alliance atlantique a été signé en avril 1949. Mais le pacte en est à ses balbutiements. La session du Conseil de Londres s’était terminée le 18 mai 1950, conférant à l’Alliance atlantique une organisation qui pouvait sembler stable, mais n’était qu’une esquisse à concrétiser. C’est toujours dans le cadre du Traité de Bruxelles que sont organisés, en 1950, les principaux exercices militaires interalliés, et notamment l’exercice Triade. La guerre de Corée indique qu’il faut accélérer les choses. D’autant que sur le terrain militaire, les premiers bilans sont négatifs. Les renforts américains sont longs à arriver. Les troupes mettent du temps à s’organiser. L’évidence s’impose : les nations atlantiques doivent accélérer leur mise en défense, ce qui passe d’abord par un réarmement général23. Aussi les États-Unis distribuent-ils un questionnaire à leurs alliés, le 25 juillet, sur l’état de leur production et de leur programme de réarmement. La réponse est attendue début août. Il n’y a plus de temps à perdre.
33La réponse française au questionnaire américain tient en deux documents, deux mémorandums, datés des 5 et 17 août24. Ils comprennent des demandes d’aides très précises aux États-Unis. Côté réarmement, ils soulignent deux idées essentielles : la nécessité d’un budget commun et d’une standardisation des équipements. C’est le signe d’un nouvel état d’esprit : après avoir demandé aux Américains de s’engager toujours plus, les dirigeants français commencent désormais à s’inquiéter de leur dépendance toujours accrue vis-à-vis de leur allié outre-Atlantique. L’aide américaine commence à revêtir des formes oppressantes. Les demandes de contreparties américaines sont de plus en plus insupportables. Face à cette situation, loin de s’éloigner de l’Alliance atlantique, les Français commencent à y voir une alternative multilatérale, un facteur possible de stabilisation de la relation franco-américaine. Mais la réponse américaine ne va pas dans ce sens. Le 12 septembre 1950, le secrétaire d’État américain Dean Acheson demande officiellement le réarmement de l’Allemagne et son entrée dans l’OTAN25. C’est la contrepartie de l’intégration militaire demandée par les Français. Il reçoit deux jours plus tard l’approbation de tous les membres de l’Alliance. Tous… sauf un : la France. Isolé, le gouvernement français se trouve au pied du mur : il lui faut accepter les propositions américaines ou proposer une alternative valable.
34Cette alternative, c’est Jean Monnet qui l’offre au gouvernement français : une armée européenne, conçue sur le modèle supranational de la CECA. Monnet a anticipé la question. Le 3 septembre 1950, il écrit à René Pleven :
« Nous allons combattre en Asie sous le nom de communisme, un mouvement asiatique, et nous nous interdisons de faire l’effort rapide de défense en Europe, où se trouve le vrai danger, et en voulant malgré tout le faire, ce qui dépasse nos ressources, nous allons ouvrir plus grande la porte au communisme chez nous. À mon avis, tout ceci est à contresens… et périlleux. […]
Mais dans cette voie, nous sommes avec des associés. Il se trouve que ces associés sont les plus puissants et qu’ils nous ont aidés et que sans eux, nous ne serions pas sortis des difficultés “matérielles” d’après-guerre. Mais leur aide si importante a fait prendre de mauvaises habitudes à tout le monde, à eux-mêmes et à nous. Leur aide a été matérielle. Ils continuent à penser en termes matériels. Ce dont ils ont besoin, et nous avec eux, c’est d’une politique positive, c’est-à-dire spirituelle et morale. […] La psychologie créée, le rythme établi, les économies ajustées, l’Allemagne de l’Ouest intégrée, non pas comme nous l’aurions voulu et comme c’est encore possible, par la paix et sous la conduite de la France, mais intégrée par l’armement, rapidement, sous la conduite des militaires. […] Je ne vous propose ni abandon de nous-mêmes dans une neutralité illusoire et absurde, ni un Munich fatal auquel d’ailleurs, peut-être allons-nous par nos méthodes actuelles. Je vous propose d’apporter à nos associés la contribution d’une pensée forte, constructive, déterminée à créer en même temps notre défense extérieure en Europe, notre développement social intérieur, la paix en Orient, la constitution organisée de notre monde libre, atlantique, sous les formes diversifiées qui correspondent aux trois mondes qui le composent : les États-Unis, l’Empire britannique, l’Europe continentale de l’Ouest, fédérée autour d’un plan Schuman développé26. »
35Dans cette lettre il critique la politique du containment et de façon générale la politique américaine. Mais les choses se précipitent. Les indices montrent que Monnet ne s’attendait pas à la brutalité de la demande américaine. Il avait notamment rédigé un mémorandum à l’attention de Robert Schuman, dans la perspective de son voyage à Washington pour le Conseil atlantique du 12 septembre. Dans ce texte, Jean Monnet écrivait :
« L’aggravation de la situation internationale a mis le réarmement au premier plan. Par là même, la nécessaire participation de l’Allemagne à la défense commune et la révision, en conséquence de son statut actuel, appellent des décisions urgentes. Elles vont être examinées à Washington. Il ne faut pas qu’elles soient prises indépendamment de la réalisation du Plan Schuman27. »
36Monnet envisageait donc la participation de l’Allemagne à la défense occidentale non par un réarmement de l’Allemagne, mais par la participation de celle-ci à une « organisation fédérale du réarmement de l’Europe de l’Ouest28 ». De toute évidence, il ne s’attendait donc pas à ce qu’Acheson place le ministre français devant une décision immédiate. Neuf jours après, dans un nouveau mémorandum, pour Pleven, Monnet est plus précis : il faut, lui conseille-t-il, « organiser la défense de l’Europe selon la formule supranationale du Plan Schuman29 ».
37Le 23 septembre, alors que les discussions se poursuivent à New York, il revient à la charge auprès du président du Conseil : la France, explique-t-il, doit s’affirmer le guide dans l’édification des États-Unis d’Europe, dont l’apparition contribuera à modifier les politiques de l’Amérique comme de la Russie. Puisque le réarmement allemand ne peut pas être évité, il doit servir la cause européenne30. Il faut prendre les décisions nécessaires dans un cadre européen, celui d’un plan Schuman élargi, seule alternative acceptable au cadre atlantique. Le président du Conseil René Pleven est bientôt séduit. Il tient là au moins une contre-proposition à opposer aux États-Unis. Massigli dit de lui dans ses mémoires qu’il « était un Européen fervent, davantage encore peut-être un admirateur de Jean Monnet, dont il avait été le collaborateur dans sa première jeunesse, puis au début de la guerre31 ». Un contact quotidien s’établit entre Monnet et Pleven32. En revanche, Jules Moch (le ministre de la Défense) et Robert Schuman (le ministre des Affaires étrangères) ne sont pas prévenus immédiatement. Aussi, à son retour Moch est-il surpris lorsque Pleven lui propose de « devancer » les Américains par un « projet original » qui consiste à former des divisions européennes par juxtaposition de bataillons nationaux parmi lesquels des allemands33. Les États-majors seraient internationaux eux aussi. Le commandant en chef de l’OTAN, une fois désigné, aurait ainsi sous ses ordres des divisions nationales, dont aucune ne serait allemande, et les divisions européennes à participation allemande, relevant d’un ministre européen de la Défense. Pleven lui précise également qu’une telle armée européenne comporterait 100 000 hommes approximativement, soit une demi-douzaine de divisions34. Le plan Pleven est modéré et prudent. Il ne recueille pas pour autant l’approbation immédiate du gouvernement. Le Conseil des ministres du 6 octobre ne tranche pas. Le plan d’armée européenne n’est accepté par le gouvernement que le 21 octobre, et approuvé par les députés par 343 voix contre 220 le 24. Les alliés sont tout aussi réticents. L’ambassadeur de Belgique en France, le baron Guillaume, présente à son ministre le plan français avec une évidente bienveillance. Pour lui, la proposition française d’armée européenne constitue une suite logique au plan charbon-acier :
« L’organisation atlantique prévoyant une force unifiée comprenant des effectifs fournis par les États-Unis, par le Canada, par la Grande-Bretagne et par le continent européen, la France propose l’unification de ces dernières. En fait, la force européenne sera à peu près à l’organisation militaire atlantique ce que fut le Traité de Bruxelles au Pacte atlantique35. »
38En Grande-Bretagne, en revanche, Ernest Bevin, le pugnace ministre des Affaires étrangères britannique, dans un entretien avec son homologue belge, Paul Van Zeeland, le 25 octobre, au Foreign Office, résume sa position avec ironie « en disant que dans les circonstances actuelles, il lui semblait que la paix mondiale risquait d’être plus menacée par les Français que par les Russes eux-mêmes36 ». Aux Pays-Bas, le plan Pleven est seulement considéré comme une simple manœuvre visant à rejeter, sous une forme nouvelle, le projet américain37.
39Mais Jean Monnet ne ménage pas ses efforts pour convaincre les Américains. Il active tous ses réseaux. Il organise une rencontre entre René Pleven (président du Conseil), Robert Schuman (ministre des Affaires étrangères) et John McCloy (haut-commissaire américain en Allemagne38) et réussit à le convaincre d’être leur avocat auprès du gouvernement américain. Il convainc David Bruce, l’ambassadeur des États-Unis en France, qui recommande au Département d’État d’étudier sérieusement le projet Pleven39. Ces initiatives semblent de bon augure pour le plan français. L’hostilité des communistes au projet le sert. Si Moscou s’en inquiète, c’est que le projet représente un danger pour l’URSS. C’est un bon point pour convaincre le gouvernement américain. Il faut néanmoins plusieurs mois, à Jean Monnet, pour convaincre ses partenaires américains. Il en faudra autant pour convaincre les Allemands. Mais l’acharnement de Jean Monnet paye : les Américains se rallient finalement au projet de Communauté européenne de défense.
40À l’invitation du gouvernement français, pour explorer la proposition Pleven du 24 octobre 1950, la conférence de Paris sur l’Armée européenne s’ouvre le 15 février 1951. Elle réunit comme participants la France, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne de l’Ouest, et comme observateurs les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, le Danemark, les Pays-Bas et la Norvège. Les travaux de la conférence durent six mois40. Deux changements interviennent et favorisent les négociations. Tout d’abord, la « conversion » d’Eisenhower est essentielle. Monnet a activé tous ses réseaux pour le convaincre. Relancée, la conférence de Paris établit un rapport provisoire le 24 juillet41. À la fin de l’été doit s’ouvrir à Paris la conférence sur l’Armée européenne, pour mettre au point le Traité définitif. Il est signé le 27 mai 1952. Pendant ces dernières négociations, Jean Monnet est peu intervenu sur le fond. Il a mobilisé ses réseaux pour convaincre les principaux partenaires, mais ensuite, président de la Haute autorité de la CECA, il ne s’est pas investi dans les détails. Il ne participe pas plus à la campagne qui commence, en France, autour de la ratification du Traité.
41Entre-temps, les élections générales françaises marquent une poussée du parti gaulliste, le RPF, et un affaiblissement du MRP et de la SFIO. Et si l’opposition au Traité de Communauté européenne de défense émane de tous les camps (socialistes et radicaux sont divisés), les opposants les plus virulents sont les communistes et les gaullistes. Le 6 juin 1952, de Gaulle dénonce les protocoles d’abandon. Jean Monnet fait l’objet d’attaques personnelles de plus en plus importantes.
42Michel Debré s’en fait écho dans ses mémoires : à qui la responsabilité, sous-entendu de cette catastrophe qu’est la CED, demande-t-il ? c’est « celle d’un homme, Jean Monnet », répond-il. Et il demande : « Comment est-il entré en scène à propos des affaires militaires dont il ne connaissait rien, ainsi que plus tard il en fit l’aveu ? À l’historien de répondre à la question. La réponse doit se trouver dans les archives de Washington42. » La thèse première est donc celle d’une commande américaine. Thèse ironique, si l’on considère le mal que Jean Monnet a eu à convaincre ses amis américains du bien-fondé du projet…
43Le soutien américain, durement négocié par Jean Monnet, devient central dans les principales critiques adressées au projet de CED :
« Sa coopération avec l’organisation atlantique est consacrée dès les premiers paragraphes. […] Il y a intégration militaire et stratégique au sein de l’organisation atlantique, dont le commandement supérieur, nommé par le président des États-Unis, a la charge de s’assurer que la structure, l’équipement et l’instruction des forces ainsi que leur affectation correspondent à la stratégie dont il a la responsabilité. […] Pour ce qui concerne les Européens, le mécanisme est orienté vers la construction d’un État fédéral. C’est l’apparence dont il est fait grand usage à des fins de propagande. Pour ce qui concerne la réalité militaire, le Traité a pour objet de placer les armées préalablement dénationalisées sous la dépendance totale du commandement américain dont il est précisé qu’en temps de guerre il exerce les pleins pouvoirs. Plusieurs articles ont été rédigés avec le concours de diplomates américains, pour ne pas dire selon leurs instructions, et l’on comprend l’acharnement de la diplomatie de Washington à assurer le triomphe d’un texte qui assure au président des États-Unis le commandement de l’ensemble des forces dites européennes en raison de la nationalité des hommes qui la constituent, non de la responsabilité militaire des États signataires qui n’en disposent d’aucune43. »
44Ce n’est pourtant pas un rejet de toute unité européenne qui se trouve dans cette opposition. Le 11 novembre 1952, aux assises du RFP, le Général déclare :
« Quelque forme que revête l’alliance atlantique, une autre condition commande l’avenir. Cette condition, c’est l’unité de l’Europe, et par là même l’accord des peuples français et allemand. Mais pour construire à cet égard, quelque chose qui tienne, il faut que l’édifice ait pour base des réalités. Or, celle-ci sont nationales. La fusion franco-allemande en une série d’entités économiques ou militaires, nées d’obscurs conciliabules et gouvernées par des technocraties, n’est que le projet de funambules, à moins qu’elle n’aboutisse à l’hégémonie germanique44. »
45Le rejet de la CED, le 30 août 1954, ne remet pas en cause l’engagement de Jean Monnet. Il a déjà entamé l’étape suivante : la mise en place de son comité d’action pour les États-Unis d’Europe. Grâce à l’action patiente de Jean Monnet, les dirigeants américains sont de plus en plus favorables à l’idée d’intégration européenne, ce qui facilite l’avancée du projet de Marché commun. Jean Monnet ne joue néanmoins pas les premiers rôles dans ce dossier. Sans être hostile au marché commun, il doute de son opportunité immédiate. En revanche, il appuie et soutient le projet d’Euratom et ne ménage ni son temps ni son énergie pour le faire aboutir.
Le retour de de Gaulle au pouvoir
46Après le retour de de Gaulle au pouvoir, en 1958, Jean Monnet est rapidement rassuré sur la pérennité des projets européens. Le cadre institutionnel de l’Europe communautaire désormais en place en garantit, de toute façon, la protection. La CECA est entrée dans sa phase définitive en 1957, la mise en œuvre de la Communauté économique et celles d’Euratom sont bien avancées lorsque le Général revient.
47Mais, de nouveau, c’est autour de l’alliance américaine que les deux hommes s’affrontent : Le 25 octobre 1957, le partnership anglo-américain a été rétabli par une « Déclaration de buts communs » du président américain Dwight Eisenhower et du premier ministre britannique Harold Macmillan, à la suite de leur rencontre du 23 au 25 octobre à Washington. Le rétablissement du directoire anglo-américain est très mal vécu en France. Le premier objectif de de Gaulle est de se faire accepter, à la suite de l’Angleterre, dans le directoire occidental. Il envoie, le 24 septembre 1958, au président Eisenhower et au Premier ministre Macmillan, un mémorandum dans lequel il demande la mise en commun des secrets atomiques et la constitution de commandements combinés sur les divers théâtres d’opérations de la planète45. Les États-Unis voient dans la proposition française un danger pour la communauté atlantique et cherchent une alternative46.
48Le projet de l’Association économique atlantique de Jean Monnet en est une. Il propose de réunir les délégués des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne et de la CEE et deux délégués des autres États européens, où les décisions seraient prises à la majorité. Précisé le 12 juin 1959, le projet est libre-échangiste mais inclut aussi des politiques communes pour l’aide au développement et la stabilité du dollar. Le 25 juin, Monnet remet un mémorandum intitulé « A new Era of Transatlantic relations » à Douglas Dillon, secrétaire d’État aux Affaires économiques et à Walter Hallstein, président de la Commission du Marché commun47. Monnet estime que la solution des problèmes économique et monétaires mondiaux passe par une entente transatlantique : « Aucun de ces problèmes ne peut être réglé sans la participation de l’Amérique, mais aucun ne peut être réglé par l’Amérique seule », écrit-il dans une autre note le 28 septembre48. L’action de Monnet porte ses fruits, même s’il n’est pas le seul à réfléchir à la nouvelle architecture de la coopération Atlantique à l’heure où l’OECE, créée en 1948 dans le cadre du Plan Marshall, a largement perdu sa vocation avec le retour à la libération des échanges en Europe en 1959. En janvier 1960, les représentants des États membres de l’OECE et les États-Unis confient à quatre personnalités la charge de rédiger un rapport sur une nouvelle association économique qui engagera les États-Unis « dans une collaboration avec l’Europe sur un pied d’égalité ». Monnet ne triomphe que partiellement : la Commission ne représentera pas les six dans l’organisation nouvelle. La convention créant l’OCDE est signée le 14 décembre 1960 et entre en vigueur le 30 septembre 1961.
49Mais parallèlement à ces propositions pour transformer la relation transatlantique, de Gaulle propose une refonte des structures européennes en proposant une confédération indépendante de six pays (France, FRA, Italie et les trois du Benelux) qui travaillerait à l’élaboration de politiques communes dans les domaines de la défense, de l’économie, des affaires culturelles et des relations étrangères49. Ce faisant, il poursuit deux objectifs : limiter le caractère supranational des institutions européennes, qu’il perçoit comme une menace à la survie de l’État nation, et établir une confédération européenne suffisamment puissante pour traiter sur un pied d’égalité avec les États-Unis et l’URSS. Si les Belges et les Hollandais sont méfiants, Adenauer y voit une occasion de renforcer la cohésion politique de l’Europe de l’Ouest dans la guerre froide, alors que la Grande-Bretagne et les États-Unis tendent à la Détente. Entre juillet et septembre 1960, de Gaulle lance une vaste consultation de ses partenaires européens, qui aboutit, en février 1961, à la création par les Six d’une commission d’études, présidée par le gaulliste Christian Fouchet (« commission Fouchet »), dont la fonction est de rédiger des propositions vouées à donner « un caractère statutaire à l’union de leurs peuples ». En fait, le seul projet présenté l’est unilatéralement par la France. Une première version du plan Fouchet est rendue publique le 3 novembre 1961. Une deuxième version est ensuite officieusement transmise aux Allemands, Italiens et membres du Benelux, et enfin, une troisième version, en retrait par rapport aux précédentes, est publiée le 18 janvier 1962. Le plan Fouchet est finalement rejeté, la rupture définitive entre la France et ses partenaires européens s’effectuant le 17 avril 1962.
50En écho aux propositions françaises, à l’été1962, le président Kennedy lance son idée d’un « grand dessein » atlantique, politique d’ensemble des États-Unis à l’égard de l’Europe occidentale. Le 25 janvier 1962 dans un message au congrès, Kennedy propose la création d’une association commerciale entre les États-Unis et la CE. Le corollaire logique est l’adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun, moyen de réduire l’influence française en Europe.
« Le président du comité d’action pour les États-Unis d’Europe a-t-il directement inspiré le grand dessein de Kennedy, demande Éric Roussel ? S’il est difficile de le prouver de manière formelle, il est en revanche certaine que, sur les relations Europe États-Unis, l’échange d’idées entre les deux hommes est permanent et que leurs positions respectives coïncideront souvent50. »
51Même si le grand dessein procède de l’intérêt des États-Unis tout d’abord. Monnet, depuis toujours, estime que la construction de l’Europe doit se faire non pas contre mais avec les États-Unis. Pour autant il n’est pas tout à fait sur la même longueur d’onde que le président Kennedy. Il tient à ce que le dialogue soit égal entre les deux partenaires. Mais les États-Unis tiennent à leur leadership.
52Le « grand dessein » de Kennedy est accueilli favorablement en Grande-Bretagne, chez les cinq partenaires de la France, et dans les milieux communautaires et européens. Mais son interprétation montre l’étendue des ambiguïtés : alors que Jean Monnet y lit l’amorce d’un processus évolutif, établissant des rapports de confiance et permettant à l’Europe, si elle parlait d’une seule voix, d’influencer les États-Unis, le général de Gaulle y voit un moyen habile pour Kennedy de perpétuer le leadership américain. En réalité, le « grand dessein » est une vision d’avenir plus qu’un programme précis. Le seul élément concret en est le Trade Expansion act, effectivement adopté par le congrès le 11 octobre. Il pourrait y avoir des relations entre partenaires égaux dans le domaine économique. Mais sur le plan politique et militaire, il n’est pas question pour les États-Unis de partager leur leadership, tout en laissant jouer à l’Europe un rôle plus important.
53En ce qui concerne l’arme nucléaire, Kennedy propose le 17 mai 1961 de constituer une force multilatérale (MLF) de sous-marins de différentes nationalités dotés d’armes nucléaires, dans le cadre de l’OTAN, afin de faire participer les Européens à l’emploi de ces armes, mais sous un contrôle américain51. À Nassau, le 18 décembre, Macmillan accepte l’offre de Kennedy de doter la défense britannique de fusées américaines Polaris, susceptibles d’être munies de têtes nucléaires anglaises. Macmillan demande que la même offre soit faite à la France, offre qui s’oppose au refus catégorique de de Gaulle, irrité par l’attitude britannique : Macmillan a accepté les conditions américaines sans le consulter, choisissant donc les États-Unis plutôt que l’Europe. Il y voit la conformation que si la Grande-Bretagne entrait dans la Communauté européenne, elle serait le relais de l’influence américaine. Le 14 janvier 1963, il dit non à l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, et non au « grand dessein » de Kennedy pour l’Europe. À la fin du mois, les négociations pour l’adhésion britannique prennent fin. Dans l’intervalle, le 22 janvier, de Gaulle et Adenauer signent le Traité de l’Élysée. Après la conférence de presse de de Gaulle le 14 janvier 1963, la MLF apparaît comme un antidote à la politique gaulliste, un moyen de contrôler la construction européenne, tout en l’encourageant. Pendant la crise de la Chaise vide (1965-1966), les attaques françaises contre la MLF se font encore plus virulentes. Les partisans de la MLF préfèrent finalement abandonner le projet, pour que la France ne lie pas son sort à la crise de la CEE. À la fin de l’année 1965, la MLF et la force nucléaire Atlantique (ANF) sont abandonnées.
54Le dossier commercial, au GATT, serait-il alors un meilleur moyen d’établir un partenariat atlantique ? Avant l’affaire de la force multilatérale, Monnet se heurtait déjà au nationalisme économique américain au GATT. En dépit de leurs positions en faveur de l’unité européenne, les États-Unis réclament au Marché commun un abaissement significatif de son tarif extérieur et critiquent les préférences agricoles communautaires. La PAC pose de réels problèmes dans la relation euroatlantique. Les États-Unis veulent obtenir la suppression complète des tarifs sur les produits industriels qui sont exportés massivement vers l’Europe. Mais ce serait discriminer le Japon et justifier les demandes de traitement préférentiel du Commonwealth.
55Le Dillon Round aboutit, en juillet 1962, à un petit abaissement tarifaire de 6,5 % en moyenne entre la CEE et les États-Unis. Le Trade expansion Act, voté le 1er octobre 1962, sans aucune concertation avec l’Europe, permet d’aller plus loin. En vue de la 6e session du GATT (Kennedy Round) qui s’ouvre en mai 1964, le Conseil des ministres du Marché commun fixe les positions communes qui doivent être défendues52. Il demande une réduction linéaire des tarifs et une réduction des disparités entre les tarifs de la CEE et des États-Unis. Il donne son accord pour ouvrir une négociation sur les produits agricoles qui prendra en compte les pratiques non tarifaires ou paratarifaires. L’adoption par la Communauté des mesures organisationnelles des marchés agricoles en décembre 1963 facilite ce mandat. Mais l’administration américaine ouvre la bataille contre les préférences communautaires, réclamant immédiatement la négociation d’arrangements agricoles permanents et mondiaux. Au cours de la session plénière du Kennedy round de mai 1964, la CEE fait une proposition d’abaissement de 50 % des tarifs des produits industriels. Mais les États-Unis veulent aussi aborder la question agricole. Des possibilités d’accords se dessinent : abaissement des tarifs industriels de 35 % sur cinq ans et conclusion d’un accord agricole provisoire pour trois ou quatre ans, pour gagner du temps. L’accord se fait sur les produits industriels en 1967 à la clôture de la session. Mais ce n’est pas un succès du partenariat euroatlantique, puisque ni les produits agricoles ni les relations avec les territoires d’Outre-mer n’ont pu donner lieu à un accord.
56Monnet remet donc à l’ordre du jour, de façon récurrente, le Comité d’entente Europe communautaire-États-Unis. Le Comité d’action ne renonce pas à institutionnaliser ce partenariat atlantique. En 1972, le Comité d’action insiste toujours sur l’égalité de l’Europe unie avec les États-Unis et la création d’une institution atlantique. Van Helmont évoque la création d’une commission paritaire États-Unis-Europe, chargée de « faire un rapport indépendant au gouvernement des États-Unis, au conseil et la commission de la Communauté ». Ce regain d’intérêt pour l’institutionnalisation de la relation transatlantique s’explique par l’effondrement du Système monétaire international. Monnet pousse les communautés européennes à gérer cette question à la place des États nationaux. Mais l’accueil fait par Nixon, président depuis janvier 1969, au dialogue avec les communautés est contradictoire. Nixon soutient l’Europe communautaire mais veut aussi négocier avec chacun des États européens. Le projet de Comité États-Unis-Communauté européenne recueille finalement des avis défavorables à Paris, Bonn, Londres. De plus, Washington ne veut pas donner l’impression de préférer l’Europe au Japon et s’en tient à des rencontres régulières entre les communautés et les États-Unis.
Conclusion
57Ces débats des années 1960 illustrent le conflit entre deux conceptions de l’Europe, une Europe européenne, de conception gaulliste, et une Europe atlantique, de conception américaine, ou inspirée par Monnet… En filigrane, ce sont bien les relations contrastées que les deux hommes, Charles de Gaulle et Jean Monnet, ont entretenues avec l’allié américain qui transparaissent.
58Il faut bien sûr aller au-delà des caricatures polémiques qui ont trop souvent voulu opposer un Jean Monnet « agent des Américains » au général de Gaulle patriote. La réalité historique est toute autre, et les deux sont conscients de l’indispensable alliance transatlantique. Ils la conçoivent différemment, mais jamais le général de Gaulle ne remet en cause son intérêt.
59Le poids de leurs années de formation et leurs expériences différentes de la guerre pèsent sur leur lecture du monde. Le général de Gaulle se méfie, instinctivement, de cette Amérique qu’il ne connaît pas, et dans laquelle il voit une rivale, quand Jean Monnet y trouve une source d’inspiration, politique et culturelle.
60De ces regards différents, naissent deux conceptions de la France, deux conceptions de l’Europe, deux conceptions du monde.
Notes de bas de page
1Roussel Éric, Jean Monnet, Paris, Fayard, 1996, p. 36.
2Entretien de Jean Monnet avec Allan Watson, BBC, 1971, cité in Roussel Éric, op. cit., p. 25.
3Alphand Hervé, L’Étonnement d’être, Paris, Fayard, 1977, p. 305.
4Roussel Éric, op. cit., p. 55.
5Ibid., p. 67.
6Fondation Charles de Gaulle, Charles de Gaulle, la jeunesse et la guerre, 1890-1920, Paris, Plon, 2001.
7David François, John Foster Dulles, Secrétaire d’État, « Cold Warrior » et père de l’Europe, Paris, PUPS, 2011.
8Roussel Éric, op. cit., p. 131.
9Témoignage de Georges Berthoin à Éric Roussel, 22 septembre 1989, cité in Roussel Éric, op. cit., p. 131.
10Témoignage de Philippe Lamour à Éric Roussel, ibid., p. 449.
11Roussel Éric, op. cit., p. 242.
12Archives nationales, Allocutions et discours de Charles de Gaulle (1944-1969), conférence de presse du général de Gaulle, hôtel Continental, 12 novembre 1953.
13Témoignage de Couve de Murville, Fondation Jean Monnet, cité in Roussel Éric, op. cit., p. 734.
14Dumoulin Michel (dir.), Plans des temps de guerre pour l’Europe d’après-guerre, 1940-1947, Bruxelles, Bruylant, 1995.
15Debré Michel, Trois Républiques pour la France, Mémoires, t. II, Albin Michel, 1988, p. 172.
16Monnet Jean. Mémoires. Paris, Librairie générale française, 1988, p. 270.
17Raflik Jenny, La République moderne, la IVe République, Paris, Seuil, 2018, p. 92-98.
18Roussel Éric, op. cit., p. 485.
19Archives nationales, fond René Mayer, 363 AP 37, cité in Roussel Éric, op. cit., p. 487.
20Raflik Jenny, « Georges Bidault, les diplomates du Quai d’Orsay et la négociation du Pacte atlantique », Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, no 20, hiver 2004, p. 35-47.
21Monnet, Mémoires, op. cit., p. 494.
22Shaa, histoire orale, interview du général Brohon, Bande 20A, face 2, séance du 17 février 1982.
23Raflik Jenny, La IVe République et l’Alliance atlantique, Influence et dépendance, Rennes, PUR, p. 159-188.
24OTAN, IS001, mémorandum du gouvernement français au gouvernement des États-Unis, D-D-14, confidentiel, 5 août 1950 ; OTAN, IS001, mémorandum additionnel du gouvernement français, D-D-34, confidentiel, très secret, 17 août 1950.
25OTAN, IS001, compte rendu de la réunion du Conseil atlantique, C5-R/6, très secret, 19 septembre 1950.
26Cité in Vial Philippe, « Jean Monnet, un père pour la CED ? », in Bossuat Gérard et Girault René, Europe brisée, Europe retrouvée. Nouvelles réflexions sur l’unité européenne au xxe siècle, Paris, Éditions de la Sorbonne, 1994, p. 197.
27Mémorandum de Jean Monnet à Robert Schuman, 9 septembre 1950 (pas « remis », mais Jean Monnet a parlé sur la base de ce mémo à Robert Schuman le dimanche avant son départ pour New York), in Fondation Jean Monnet pour l’Europe (éd.), Jean Monnet-Robert Schuman, correspondance, 1947-1953, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 1986, p. 53-54.
28Ibid.
29Melandri Pierre, « Les États-Unis et le plan Pleven, octobre 1950-juillet 1951 », Relations internationales, no 11, 1977, p. 207.
30Vial Philippe, « De la surenchère atlantiste à l’option européenne : Monnet et les problèmes du réarmement occidental durant l’été 1950 », in Bossuat Gérard et Wilkens Andreas (dir.), Jean Monnet, l’Europe et les chemins de la paix, Actes du Colloque de Paris du 29 au 31 mai 1997, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 307-342.
31Massigli René, Une Comédie des erreurs, 1943-1956, souvenirs et réflexions sur une étape de la construction européenne, Paris, Plon, 1978, p. 243-244.
32Monnet Jean, op. cit., p. 487-510.
33Moch Jules, Histoire du réarmement allemand depuis 1950, Paris, Robert Laffont, 1965, p. 93-94.
34Ibid.
35MBAE, dossier CED, 15397, 1948-octobre 1951, folio 004329, télégramme de l’ambassadeur Guillaume, Paris, pour Cabinet-chiffre, no 613 (chiffré), 25 octobre 1950.
36MBAE, dossier CED, 15397, 1948-octobre 1951, folio 6535, rapport d’ordre du vicomte Obert de Thieusis, ambassadeur de Belgique à Londres, à Paul Van Zeeland, ministre des Affaires étrangères, no 2915, secret, 26 octobre 1950.
37MBAE, dossier CED, 15397, 1948-octobre 1951, folio 004335, télégramme de Graeffe, La Haye, no 160 (chiffré), 28 octobre 1950.
38Monnet Jean, op. cit., p. 507.
39Melandri Pierre, « Les États-Unis et le plan Pleven… », op. cit., p. 210.
40Clesse, Armand, Le projet de CED du Plan Pleven au « crime » du 30 août. Histoire d’un malentendu européen, Baden-Baden, Nomos, 1989.
41MAEF, Cabinet du ministre, Robert Schuman, 1948-1953, 149, rapport intérimaire des délégations aux gouvernements participants à la conférence de Paris, très secret, 24 juillet 1951.
42Debré Michel, op. cit., p. 187-188.
43Debré Michel, op. cit., p. 178-179.
44Gaulle Charles de, Discours et messages, t. IV, Paris, Plon, 1970, p. 232.
45L’Année politique 1958, Paris, Presses universitaires de France, 1959, p. 372.
46Kitstkis Dimitri, « L’attitude des États-Unis à l’égard de la France de 1958 à 1960 », Revue française de science politique, vol. 4, 1966.
47Bossuat Gérard, « Jean Monnet le partenariat atlantique », Relations internationales, no 119, 2004, p. 285-301.
48Ibid.
49Bozo Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe. De Gaulle, les États-Unis et l’Alliance atlantique, Paris, Fondation Charles de Gaulle, 1996 ; Soutou Georges-Henri, « Le général de Gaulle et le Plan Fouchet » in Institut Charles de Gaulle (éd.), De Gaulle en son siècle, t. V, Paris, Plon, 1992.
50Roussel Éric, op. cit., p. 762.
51Giauque Jeffrey Glen, Grand Design and Vision of Unity. The Atlantic Powers and the Reorganization of Western Europe 1955-1963, Londres, The University of North Carolina Press, 2002 ; Giauque Jeffrey, « The United States and the Political Union of Western Europe, 1958-1963 », Contemporary European History, vol. 9, no 1, 2000, p. 93-110.
52Coppolaro Lucia, The making of a world trading power: the European Economic Community (EEC) in the GATT Kennedy round negotiations (1963-1967), Londres, Routledge, 2016.
Auteur
Université de Nantes (Centre de recherche en histoire internationale et atlantique, CRHIA).
Jenny Raflik, professeur d’histoire des relations internationales contemporaines à l’université de Nantes (Centre de recherche en histoire internationale et atlantique, CRHIA), est spécialiste des questions de sécurité et de défense. Elle est membre des conseils scientifique de l’Institut Jean Monnet et de la Fondation de Gaulle, mais aussi de l’Institut Pierre Mendès-France, du Service historique de la Défense et de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense. Elle a notamment publié Une République moderne. La IVe République, 1946-1958. (Seuil, 2018, 388 p.), et La Quatrième République et l’Alliance atlantique (Rennes, PUR, 2013).

Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008