Introduction. Monnet et de Gaulle, de la « grandeur » de la France à la construction de l’Europe
p. 15-28
Texte intégral
« La France ne peut être la France sans la grandeur » (Charles de Gaulle)1.
« Il n’y a de grandeur pour la France que dans les vues universelles. Il ne s’agit pas de prestige. Il s’agit de contribution. Contribution au règlement du problème allemand. Contribution à la réorganisation de l’Europe » (Jean Monnet, 1943)2.
« C’est l’intérêt commun qui crée les solidarités. Il permet des solutions nouvelles qui n’étaient pas possibles dans les formes nationales » (Jean Monnet, 1954)3.
1Si la « grandeur » de la France réunit Jean Monnet et Charles de Gaulle, elle cristallise aussi leur opposition. Dans cette réponse de Jean Monnet à Charles de Gaulle sur la question de la « grandeur » de la France, on distingue en réalité le fond de l’opposition des deux hommes. Le premier voyait dans la « grandeur » de la France la gloire consubstantielle à un vieil État Nation, tandis que le second estimait que le devoir de la France était de se mettre au service de la construction d’une Europe unie, débarrassée des logiques de domination nationale, qui seule permettrait au Vieux continent de se relever. Leur vie durant, Jean Monnet et Charles de Gaulle n’ont cessé d’interagir, de se quereller et de coopérer au service de cette quête de réinvention de la France et de l’Europe, entre le désastre de 1940 qui les a réunis au sommet, jusqu’au décès du Général en 1970. Quel contraste entre le premier, ce militaire de haute stature et au verbe haut, Français le plus célèbre et le plus adulé, et le second, homme discret décrit comme un « Monsieur tout le monde4 » ; entre le patriote farouchement attaché à l’indépendance nationale, et le promoteur inlassable du redressement de la France par l’unité européenne et la coopération avec les Anglo-Saxons.
Des vies enchevêtrées
2Leur étude croisée s’impose car, appartenant à la même génération, Monnet est né en 1888 et de Gaulle en 1890, ils se sont souvent croisés au sommet à des moments dramatiques : à Londres lors de la défaite de 1940, au Comité français de Libération nationale à Alger en 1943-1944, à la naissance de la planification française en 1946, puis lors du lancement de la construction européenne entre 1950 et 1970. Entre affrontement et coopération, leurs relations témoignent de la destinée exceptionnelle de la France, celle que « la Providence [a] cré[é] pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires » selon de Gaulle5, puissance mondiale défaite en un mois en 1940, restaurée comme pôle majeur de croissance, d’influence et d’organisation de l’Europe et du monde dans les années 1960.
3D’un côté, Charles de Gaulle est un personnage célèbre, érigé au rang de mythe6. Dirigeant de la France de 1940 à 1946 puis de 1958 à 1969, il joua un rôle incomparable tant dans l’histoire de France que dans celle du monde contemporain, celui d’un prophète prométhéen, façonnant par la seule force du Verbe la France Libre à partir du 18 juin 1940, alors que le gouvernement de Vichy était reconnu par la plupart des capitales. De Gaulle passe ensuite à la postérité pour avoir rétabli la République dans un certain consensus national en 1945, « lui qui transféra une France encore tout imbibée de vichysme dans le camp des vainqueurs » selon Jean Lacouture7, évitant au pays l’humiliation de l’occupation alliée en 1944. Il récidiva en 1958 en conjurant le spectre de la guerre civile nourrie par la difficile décolonisation de l’Algérie. Enfin, il réinventa la France en puissance post-impériale dans les années 1960, volontiers critique de l’allié américain, proclamant le message de la libération des peuples de Phnom Penh à Québec. En résultent une notoriété incomparable, et surtout un très large consensus en France : dès 1990, plus de 80 % des Français exprimaient une opinion positive sur le personnage (seule l’extrême droite lui reprochait l’opposition à Vichy et à l’Algérie française8).
4D’un autre côté, Jean Monnet est resté dans l’ombre, même si son nom apparaît fréquemment dans la presse de l’après-guerre. Autodidacte, piètre orateur, il ne fut jamais élu. Pourtant, il joua un rôle considérable, lui aussi et souvent en interaction avec le général de Gaulle, dans trois dynamiques majeures : la coopération avec les alliés anglo-saxons, la planification et la construction d’une Europe communautaire. La première se manifesta dès 1914 : alors qu’il était âgé de seulement 25 ans, Monnet rencontra le président du Conseil René Viviani, alors replié à Bordeaux, pour lui proposer de renforcer la coopération franco-britannique en matière d’approvisionnement des troupes. Son seul bagage était son expérience du monde anglo-saxon, qu’il avait fréquenté depuis ses 16 ans pour y vendre le cognac familial. Contre toute attente, il obtint des responsabilités majeures pour optimiser l’effort de guerre franco-britannique, bientôt étendu à l’allié américain en 1917. Il poursuivit cette œuvre au service de la coopération internationale comme secrétaire général adjoint de la toute jeune Société des Nations (SDN), entre sa création en 1920 et la fin de 1922. Revenu aux affaires à Cognac, il s’engagea bientôt dans la finance internationale pour faciliter les investissements américains en Europe, une autre facette de la construction d’un monde pacifié et prospère. Après un passage en Chine auprès de T. V. Soong, le ministre des Finances de Tchang Kai-Chek, toujours pour y attirer les investissements internationaux, il fut chargé en 1938 par le gouvernement français d’une mission d’achat d’avions aux États-Unis, puis en 1939 de la coordination de l’effort de guerre franco-britannique. Refusant la défaite, il se mit au service de Londres qui l’employa à faciliter la coopération britannico-américaine, avant de passer au service de Washington pour amplifier l’effort de guerre américain. Son impulsion aurait permis, selon la formule de l’économiste britannique Keynes, de raccourir la guerre d’une année9. Envoyé en 1943 par le Président Franklin D. Roosevelt dans l’Alger libérée pour réconcilier les Français, il s’opposa dans un premier temps à de Gaulle, qu’il percevait initialement comme un militaire potentiellement dangereux pour la démocratie, avant de s’y rallier10. Au Comité français de libération nationale, il poursuivit son œuvre de rapprochement entre la France et les puissances anglo-saxonnes en négociant des facilités financières. De Gaulle et Monnet agirent alors de concert pour éviter qu’un régime d’occupation ne soit imposé à Paris par Washington. En 1946, le premier nomma le second à la tête du commissariat au Plan, au service d’une ambition commune de modernisation en profondeur des structures économiques du pays.
5Le troisième volet de leur action, la construction européenne, exemplifia leurs acceptions différentes de la notion de « Grandeur ». Pour Monnet, elle était une opportunité de restructurer les États pour gérer leurs interdépendances11, alors que pour de Gaulle, elle constituait un levier de puissance au service de la France. Le premier aurait dit du second : « De Gaulle est hostile à l’intégration car il estime qu’il est la France. Or une personne humaine ne peut s’intégrer12… » Au contraire, pour Monnet, les communautés européennes devaient être pleinement intégrées dans le bloc Atlantique et dans les institutions internationales, tout en ayant leur propre dynamique. D’ailleurs, il était prêt à s’éloigner de Londres pour parfaire son ambition : celle de créer une nouvelle forme de relation entre les États et les peuples fondée sur l’entente, le partage de souveraineté et l’interdépendance. Comme il l’affirma en 1965 : « L’union de l’Europe n’est pas une fin en soi. C’est une contribution à l’organisation de la paix du monde13. »
6L’interaction entre Monnet et de Gaulle sur l’Europe commence à Alger dès 194314. Le premier lance le débat. Il y propose déjà une organisation ambitieuse, assez largement centrée autour des problèmes du charbon et de l’acier, alors que le second refusait toute délégation de souveraineté, tout en reconnaissant « le rôle important que la France serait amenée à jouer dans l’organisation et le fonctionnement de l’Union européenne occidentale15 ». Le 9 mai 1950, jour célébré aujourd’hui comme la fête de l’Europe, la Déclaration Schuman, impulsée et largement rédigée par Monnet, invente une nouvelle forme d’organisation internationale, en partie fédérale. Elle débouche sur le Traité de Paris créant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1951, qui inaugure un modèle institutionnel encore au fondement de l’Union européenne actuelle à travers l’équilibre entre les dynamiques interétatiques et fédérales au sein du quadrilatère composé du Conseil, de la Commission, du Parlement et de la Cour16. Après son rôle décisif dans le lancement de la Déclaration Schuman, Monnet continue de jouer un rôle majeur dans la construction européenne, comme négociateur influent des traités créant les Communautés européennes du charbon et de l’acier (CECA, 1951) puis de la défense (CED, 1952), même si cette dernière est rejetée en 1954, puis comme premier président de la première institution européenne supranationale, la Haute Autorité de la CECA, de 1952 à 1955, et, enfin, comme président du Comité d’action pour les États-Unis d’Europe, de 1955 à 1975, une influente association proeuropéenne regroupant dirigeants politiques et syndicaux17. Après sa mort, en 1978, Monnet devient à son tour un « mythe », miroir de celui de Charles de Gaulle, célébré comme « Père de l’Europe » par les institutions européennes puis par les autorités françaises sous l’impulsion de François Mitterrand, qui le panthéonise en 198818.
Contrastes et conflits
7Tout semble donc opposer Monnet et de Gaulle comme le rappelle dans cet ouvrage la contribution de leur plus important biographe, Éric Roussel19. Entre l’homme du Nord, militaire ombrageux, rhéteur redoutable, au patriotisme chevillé au cœur, tourné vers l’Allemagne20, et le marchand de Cognac devenu banquier, négociateur international, anglophile et américanophile, tout paraît diverger. Leurs méthodes étaient également aux antipodes. Monnet excellait par sa capacité à lier les enjeux géopolitiques et économiques, à percevoir au sein de ce magma les points d’articulation décisifs et les leviers d’action, et enfin à proposer des solutions, qui reposaient bien souvent sur la coopération entre des individus n’ayant pas l’habitude de travailler ensemble. Au contraire, si Charles de Gaulle savait se montrer habile et séducteur, il ne dédaignait pas le coup de force, la tension et la rupture. Son influence reposait aussi sur sa capacité à enivrer les foules, à transcender les énergies par un verbe mobilisateur, associant le logos et le pathos, la raison et le cœur21.
8Plusieurs conflits en résultèrent. Dès le 17 juin 1940, les deux hommes dînèrent ensemble à Londres puis choisirent des stratégies opposées de résistance. En mai 1943, Monnet voulut « éliminer », non pas physiquement mais politiquement, un de Gaulle qu’il percevait comme un danger pour la restauration de la démocratie libérale22. En 1953, de Gaulle dénonça en Monnet « l’Inspirateur » d’une Communauté européenne de défense honnie, qui subsumerait l’armée française en une troupe aux ordres de Washington. Dans les années 1960, le Général stigmatisait une Europe atlantique, que Monnet voulait au contraire renforcer. Le dirigeant français provoqua de multiples crises, proposant en 1962 un second Plan Fouchet menaçant les Communautés, rejetant deux fois la candidature britannique au Marché commun de manière unilatérale, puis provoquant en 1965-1966 la crise de la Chaise vide23. Les critiques envers Washington, qui culminèrent dans le retrait du commandement intégré de l’OTAN en 1966, heurtèrent Monnet qui avait fondé beaucoup d’espoir dans une approche atlantiste de la question nucléaire24. Dès lors, la rupture était consommée : si l’homme d’Houjarray avait voté « oui » au référendum de 1958 sur la nouvelle constitution, ses suffrages sont allés à Jean Lecanuet puis à François Mitterrand lors de l’élection présidentielle de 196525.
Des convergences multiples
9Pourtant, la commune exigence de « Grandeur » par la gestion de l’interdépendance internationale, les réunit. Volontiers réduit à une caricature nationaliste, de Gaulle était en réalité pleinement conscient de l’impératif de renforcer considérablement la puissance et la compétitivité du pays s’il voulait tenir son rang26. Le Général avait combattu lors des deux guerres mondiales, qui avaient démontré la dépendance de la France envers ses alliés, surtout après l’humiliante défaite de 1940. Ainsi, il réfléchit à l’organisation future de l’Europe dès 1943 avec Jean Monnet27. Si, à la différence de ce dernier, il n’accepte aucune délégation de souveraineté substantielle, il envisageait la nécessité d’une réorganisation du continent européen, parlant tantôt de « fédération » tantôt de « confédération », ces concepts restants labiles à l’époque28. Comme Monnet, il pensait d’abord organiser l’Europe autour de l’axe franco-britannique, avant de se tourner vers l’Allemagne lors du discours de Bordeaux du 25 septembre 1949 lors duquel il proposa un référendum européen en faveur d’une « confédération des peuples29 ». Il y développait sa conception d’une Europe intergouvernementale, alliée mais indépendante des États-Unis, sous prééminence française, à rebours de la vision plus égalitaire, fédérale, et atlantiste de Monnet. La construction européenne n’est donc pas imposée à de Gaulle, ou immanente chez Monnet, elle est une exigence de l’après 1940. Finalement, les deux hommes partageaient une même conception assez réaliste des relations internationales, respectivement « réal-romantique » et « réal-idéaliste » pour Robert Frank30. Chez les deux, l’Allemagne est un « partenaire de raison » (Georges-Henri Soutou), entre intégration européenne et relation bilatérale privilégiée comme le souligne Guido Thiemeyer31.
10Un autre point commun était un certain pragmatisme par rapport à l’économie, conçue comme un moyen et non comme une fin. Tous deux étaient attachés aux mécanismes de marché, même si de Gaulle, séduit par une forme de catholicisme social32, était instinctivement plus méfiant envers les milieux d’affaires que Monnet. Ce dernier partageait toutefois le reproche de « malthusianisme » du premier envers des milieux économiques français accusés, dans les années quarante, de se complaire dans un protectionnisme atrophiant33. Monnet associa les syndicats à la planification puis au Comité d’action afin de forger un large consensus34. De Gaulle, de son côté, n’a jamais ignoré « l’intendance », contrairement à la légende urbaine qu’il dissipa de son vivant35. Plongé au cœur de deux guerres industrielles, dirigeant d’un pays dépendant de financements extérieurs en 1945 comme en 1958, le Général était pleinement conscient des fondements économiques de la puissance, même s’il laissa volontiers à ses collaborateurs le détail de leur gestion. Comme le souligne Nicolas Baverez, de Gaulle et Monnet portaient un projet modernisateur fondé à la fois sur la planification et sur l’exportation, et ce dès 1946, même si « pour le général de Gaulle, la politique est première et la liberté comme le redressement sont indissociables de la souveraineté nationale ; [alors que] pour Jean Monnet, le retour de la prospérité et de la paix passe par le dépassement des nations36 ».
11Enfin, un dernier point commun est leur œuvre institutionnelle : « Rien n’est possible sans les hommes, rien n’est durable sans les institutions » affirmait Monnet, qui passa sa vie à construire de nouvelles organisations internationales, de la Société des Nations de 1919 jusqu’au Conseil européen de 1975, dont il fut l’un des inspirateurs principaux37. Nouveau Solon, de Gaulle édifia la Ve République. Il voulut aussi créer de nouvelles institutions atlantiques, avec un plan de réforme de l’OTAN proposé dès 1958, et européennes, avec les Plans Fouchet de 1961-1962, revisités dans cet ouvrage par Jenny Raflik et par Frédéric Gloriant. Plus malicieusement, Michel Mangenot révèle même la convergence des deux hommes vers une conception commune de l’administration européenne fondée sur l’agilité et le minimalisme38. Par la suite, les deux dirigeants se rejoignirent pour soutenir une Communauté économique européenne qui n’était initialement pas leur priorité, mais qui les séduisit par son libéralisme régulé favorable aux intérêts français, et par sa flexibilité institutionnelle39. L’agriculture symbolisa ce rapprochement : c’est Monnet qui insista, au Commissariat général au Plan, pour que l’agriculture française se modernise radicalement afin de procurer des revenus au pays par des exportations massives, et c’est de Gaulle qui assura ses débouchés en imposant la Politique agricole commune (PAC) après d’âpres négociations en 1960-196240.
12En allant plus loin, il est même possible de discerner dans la vie de ces deux personnages un romantisme picaresque. Tous les deux ont commencé en dehors des élites établies, ont pris des chemins de traverse pour se hisser au sommet au prix de mille aventures. L’affaire est entendue pour de Gaulle, mais qui sait que le discret Jean Monnet commença sa carrière en vendant du Cognac aux trappeurs canadiens alors âgé d’une vingtaine d’années, qu’il géra des dossiers financiers majeurs non seulement dans les pays anglo-saxons, mais aussi en Autriche, en Pologne ou en Chine, et qu’il enleva sa femme des griffes de son premier mari. Ils durent se cacher puis se marier à Moscou, au pire moment des purges staliniennes, l’URSS étant le seul pays où la peintre italienne Silvia de Bondini pouvait divorcer et se marier pour devenir Silvia Monnet. Enfin, et surtout, les deux Hommes étaient guidés par un même humanisme, celui qui inspira à de Gaulle l’épitaphe de sa tombe, « Un seul combat qui vaille : l’Homme41 », et à Monnet sa réflexion sur son action : « On trouve ainsi constamment […chez moi] la recherche d’une solution permanente d’entente entre les hommes42. »
13Finalement, ces deux personnalités antithétiques représentent deux manifestations du génie français, comme le suggérait le président Valéry Giscard d’Estaing pour qui ils représentaient « deux aspects, deux versants de notre tempérament43 ». De Gaulle incarne la France militaire, de la réaction désespérée de Jeanne d’Arc face à la déliquescence du pays, à la consolidation des frontières entreprises par Richelieu. Pétri d’histoire, il s’inscrit dans une généalogie ancienne de dirigeants lettrés, sachant parler aux tréfonds de l’âme de leur vieux pays en associant gouaille malicieuse et culture classique. Monnet représente une autre France, souvent négligée mais tout aussi importante, celle des marchands, diplomates et entrepreneurs. Elle aussi s’inscrit dans un héritage pluriséculaire, des foires de Champagne du xiie siècle réunissant des produits de toute l’Europe, jusqu’aux échanges massifs du xixe siècle, lorsque les industriels du Nord importèrent machines et travailleurs britanniques pour moderniser leur production textile, sidérurgique et charbonnière. S’y rattachent aussi les pérégrinations des savants, ingénieurs et explorateurs. Monnet n’était pas un intellectuel mais sa réflexion sur les ressorts du modèle américain s’inscrit dans l’héritage tocquevillien, tandis que son attention portée à l’articulation entre les besoins de l’économie moderne et l’organisation des États poursuit l’œuvre de Claude de Saint-Simon44. Enfin, il s’inscrit dans un milieu de dirigeants Français de la IIIe République soucieux d’organiser le monde industriel sur des bases pacifiques et démocratiques, à l’image de Léon Bourgeois, inlassable promoteur du droit international et Prix Nobel de la Paix en 1920 pour sa contribution à la création de la Sociétés des Nations, ou d’Albert Thomas, premier directeur du Bureau international du travail en 192045. Ce cosmopolitisme n’interdit pas un attachement au terroir, à Cognac bien sûr, mais aussi à la nation, à ces « constantes historiques des Gaulois et des Français, des Germains et des Allemands » dont il parlait en 195046. Surtout, comme le rappelle Michel Albert, Monnet était un « marchand, [un] homme de commerce qui croit à la vertu pacificatrice des échanges47 ». L’activité économique n’était donc pas une fin en soi, mais un moyen pour apporter paix, prospérité et harmonie.
14Aujourd’hui, le débat entre de Gaulle et Monnet structure encore en partie l’actualité, même si l’on doit se garder de toute illusion rétrospective. Le retour de la planification en offre un exemple édifiant, comme le souligne Christian de Boissieu dans cet ouvrage. Même si les problématiques ont évolué, à l’heure du changement climatique et de la décentralisation, la méthode de la planification souple reste d’actualité. Plus dramatiquement, la guerre en Ukraine nous rappelle l’urgence du renforcement de la défense européenne, et de la difficile articulation entre l’effort national, la solidarité continentale, et l’indispensable parapluie américain qui continue de structurer largement la dynamique militaire continentale. De Gaulle avait d’ailleurs soutenu le Pacte Atlantique en 1949, avant de constamment chercher à y accentuer le poids de la France et de l’Europe. Faute de voir ses requêtes satisfaites, le Général quitta le commandement intégré de l’OTAN en 1966, au grand désespoir de Monnet, avant qu’un président néogaulliste ne le rejoigne de nouveau en 200948. Le dernier débat contemporain porte sur l’articulation entre souveraineté nationale et souveraineté européenne. Si le paysage européen a bien changé depuis les temps des pionniers, les lignes de force du débat entre de Gaulle et Monnet restent présentes, autour de l’articulation entre poids des États et logiques collectives. Leurs projets préfigurèrent certaines évolutions de la construction européenne, référendums et coopération politique, diplomatique et culturelle pour de Gaulle, union économique et monétaire et élection du Parlement européen au suffrage universel pour Monnet, même si leurs réflexions ne correspondaient pas exactement à ce qui fut appliqué des dizaines d’années plus tard.
Plan de l’ouvrage
15Ainsi s’explique l’économie générale de cet ouvrage, le premier à porter sur ce sujet majeur, issu d’un colloque organisé par l’Institut Jean Monnet49. Il ne vise ni à réconcilier ni à héroïser l’un ou l’autre, mais à restituer la complexité de leurs interactions, sans dissimuler leurs échecs ou les contradictions de leur action. Débutant par une fresque croisée de leur biographe Éric Roussel, il se poursuit par une analyse historique serrée, fondée sur la synthèse des meilleures études et, parfois, sur l’apport d’archives nouvelles. L’histoire des interactions au sommet entre de Gaulle et Monnet débute avec la Seconde Guerre mondiale, évoquée par Éric Roussel dans sa dimension interalliée, avec un intense conflit entre les deux hommes, et par Gérard Bossuat dans sa dimension européenne. Il nous rappelle les éléments de continuité entre les idées formulées par Monnet, dans l’entourage de de Gaulle, en 1943, et l’après-guerre, tant avec le conflit autour des premières communautés, en 1950-1952, que le temps d’un éphémère rapprochement avec le projet gaullien d’union politique européenne, le fameux Plan Fouchet (1960-1962). Par la suite, Laurent Warlouzet et Michel Mangenot dégagent les éléments de convergence ambigües entre les approches gaulliennes et monnetistes en matière européenne, le premier autour de la Communauté économique européenne, et le second avec la question de l’administration européenne, sans négliger leurs profonds désaccords. La querelle atlantique est ensuite traitée par Jenny Raflik et Frédéric Gloriant, la première par une étude transversale reconstituant toutes les strates de la profonde mésentente entre les deux hommes sur ce sujet, le second insistant sur sa dimension nucléaire. Il y restitue le projet gaullien dans toute sa nuance, soulignant son aspect coopératif mais aussi son incompatibilité avec la vision plus atlantiste de Monnet. Nicolas Baverez et Christian de Boissieu explorent ensuite la question planificatrice, le premier dans une réflexion historique et le second dans une dimension plus prospective, avant que Robert Frank ne conclue la partie historique par une réflexion sur la conception des relations internationales des deux hommes.
16Suivent deux tables rondes liant histoire et actualité, et portant sur les deux grands débats entre Monnet et de Gaulle, la relation transatlantique et la souveraineté. Leur ambition n’est pas de ressusciter les deux grands hommes, mais d’éclairer les débats contemporains à l’aune de leur action, tout en tenant compte de la différence de contexte. La première, consacrée à la défense européenne et atlantique, réunit, autour de Samantha de Bendern : Hélène Conway-Mouret, Jean-Paul Palomeros, Florence Parly, et Jean-Louis Bourlanges. Elle revient sur l’articulation entre les échelles nationales, européennes et atlantiques, sur la coopération dans le domaine des équipements militaires, notamment avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, ainsi que sur la question du parapluie nucléaire. La seconde, sur l’articulation entre souveraineté nationale et souveraineté européenne associe, autour de Gilles Gressani, Céline Spector, Arnaud Teyssier, Sylvie Goulard, et Joseph de Weck. Elle revient à la fois sur les controverses théoriques, depuis l’apparition du concept moderne de souveraineté nationale au xvie siècle, et sur leur application lors des différentes étapes de la construction européenne, à l’époque de Charles de Gaulle et de Jean Monnet mais aussi au moment du Traité de Maastricht et jusqu’à aujourd’hui.
17Que soient ici remerciés, au nom de l’Institut Jean Monnet, puissance organisatrice, toutes celles et ceux qui ont pu rendre possible la publication de cet ouvrage, Monsieur le président du Sénat Gérard Larcher et Madame la sénatrice Sonia de la Provoté, qui nous a accueilli au Sénat pour la première journée du colloque, l’École normale supérieure de la rue d’Ulm pour nous avoir accueilli lors de la deuxième journée du colloque, la Fondation Charles de Gaulle pour la participation au colloque du président de son conseil scientifique, Arnaud Teyssier, et son soutien iconographique, la Fondation Jean Monnet pour l’Europe de Lausanne (qui recueille les précieuses archives de Jean Monnet et de ses proches), et, enfin, la faculté des lettres de Sorbonne Université et l’UMR SIRICE pour leur appui dans la publication.
Notes de bas de page
1Gaulle Charles de, Mémoires de guerre, t. I : L’appel : 1940-1942, Paris, Plon, 1954, p. 2.
2Monnet Jean, « Note, Tipaza, Algérie, 12 juillet 1943, “programme général” », in Rieben Henri, Camperio-Tixier Claire et Nicod Françoise, À l’écoute de Jean Monnet, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 2004, p. 87-88.
3Monnet Jean, Discours de Strasbourg, 20 mai 1954.
4Devant l’accueillir à la gare de Metz où il travaillait, Georges Berthoin demanda à Antoine Pinay à quoi ressemblait Jean Monnet, qu’il n’avait jamais vu. Pinay le décrivit de la sorte : « vous verrez, il ressemble à tout le monde » (Berthoin Georges, Un destin d’Européen : de l’utopie à l’espérance. Entretiens, Paris, Albin Michel, 2014, p. 87).
5Gaulle Charles de, Mémoires de guerre, t. I : L’appel : 1940-1942, Paris, Plon, 1954, p. 2.
6Agulhon Maurice, De Gaulle. Histoire, symbole, mythe, Paris, Plon, 2000, p. 99 : une figure mythique désigne un personnage « dont se souviennent vaguement même les gens qui ont tout oublié de l’Histoire, ceux dont le nom évoque des images fortes, des locutions familières, voire des exemples moraux ».
7Lacouture Jean, De Gaulle, t. III : Le souverain (1959-1970), Paris, Seuil, 1986, p. 313.
8Rioux Jean-Pierre, « Tour d’horizon », in Institut Charles de Gaulle (dir.), De Gaulle en son siècle, vol. 1 : Dans la mémoire des hommes et des peuples, Paris, Plon, 1991, p. 295.
9Témoignage d’Emmanuel Monick cité in Roussel Éric, Jean Monnet, Paris, Fayard, 1996, p. 271. Éric Roussel cite d’autres éléments corroborant ce jugement aux pages 271-274.
10Tout cet épisode complexe est décrit dans la contribution d’Éric Roussel dans le présent ouvrage. Notons que de nombreux autres français hésitèrent également comme Maurice Couve de Murville, futur inamovible ministre des Affaires étrangères et dernier Premier ministre du Général, qui fit des offres de services à la fois à de Gaulle et à Giraud lorsqu’il arriva à Alger en mars 1943 (Roussel Éric, Jean Monnet, op. cit., p. 318).
11Duchêne François, Jean Monnet: the first statesman of interdependence, New York, Norton, 1994.
12Propos rapportés par Jean-Baptiste Duroselle, in Fondation Jean Monnet pour l’Europe, Témoignages à la mémoire de Jean Monnet, Lausanne, Cahiers rouges, 1989, p. 192.
13Monnet Jean, note, « confidentiel », janvier 1965, in Rieben Henri, Camperio-Tixier Claire et Nicod Françoise, À l’écoute de Jean Monnet, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 2004, p. 105.
14Cet épisode est analysé par Gérard Bossuat dans le présent volume. Le site web de la Fondation Charles de Gaulle débute son chapitre consacré à l’Europe par l’évocation du lien entre Monnet et de Gaulle : « Dès 1943, influencé par Jean Monnet, le général de Gaulle se rallie à la nécessité de construire une Europe pour assurer la paix future du continent. Le passage au pouvoir des années 1944-1945 est déjà marqué par des initiatives en ce sens, notamment en direction du Bénélux. Cependant, la conception que le général de Gaulle se fait de la construction de l’Europe est confédérale : celle d’une Europe des nations, qui y conserveraient leur souveraineté » ; site web [https://www.charles-de-gaulle.org/lhomme/dossiers-thematiques/de-gaulle-europe/], accès le 4 novembre 2023 ; voir aussi Roussel Éric, Jean Monnet, Paris, Fayard, 1996, p. 392-396 ; Roussel Éric, Charles de Gaulle, Paris, Gallimard, 1996, p. 561-562.
15Archives de la Fondation Jean Monnet de Lausanne (ci-après AFJM), AME 33/1/8, note sur la conversation du 17 octobre 1943, Jean Monnet, Charles de Gaulle, André Diethelm, René Mayer, Hervé Alphand, citée in Lefort Bernard (documents des archives Jean Monnet réunis et introduits par), Une Europe inédite, Lille, Septentrion, 2011, p. 49.
16À l’époque de la CECA, la Haute Autorité assurait la fonction d’animation, alors que la Commission européenne n’a été créée qu’avec le Traité de Rome de 1957. Les deux institutions ont fusionné en 1965 sous le seul nom de « Commission européenne ». Le Parlement européen était désigné à l’origine sous le nom d’« Assemblée parlementaire européenne ». Quant au Conseil, il est aujourd’hui bicéphale, avec le Conseil des ministres créé dès l’époque de la CECA pour gérer les affaires courantes, et le Conseil européen formé en 1975 pour donner une impulsion politique. Pour une synthèse sur les institutions européennes, voir Warlouzet Laurent, Histoire de la construction européenne depuis 1945, Paris, La Découverte, 2022, p. 33-48 ; plus en détail : Bitsch Marie-Thérèse, La construction européenne : enjeux politiques et choix institutionnels, Bruxelles, Peter Lang, 2007 ; pour une réflexion sur l’originalité de ces institutions : Middelaar Luuk van, Le passage à l’Europe. Histoire d’un commencement, Paris, Gallimard, 2012.
17Grin Gilles, « Jean Monnet, le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe et la genèse des traités de Rome », Relations internationales, 2008, no 4, p. 21-32.
18Ce mythe a lui-même fait l’objet d’interprétations contradictoires. Voir une excellente synthèse : Vayssière Bertrand, « La citoyenneté par l’exemple ? Jean Monnet entre mémoire communautaire et histoires nationales », in Catala Michel, Jeannesson Stanislas et Lamblin Gourdin Anne-Sophie (dir.), L’Europe des citoyens et la citoyenneté européenne. Évolutions, limites et perspectives, Bruxelles, Peter Lang, 2016, p. 51-67 ; parmi les références les plus citées dans ce débat : Joly Marc, Le mythe Jean Monnet, Paris, CNRS Éditions, 2007 ; Chevènement Jean-Pierre, La faute de M. Monnet, Paris, Fayard, 2006 ; Schirmann Sylvain (dir.), Robert Schuman et les Pères de l’Europe. Cultures politiques et années de formation, Bruxelles, Peter Lang, 2008 ; Cohen Antonin, « Le “père de l’Europe”. La construction sociale d’un récit des origines », Actes de la recherche en sciences sociales, no 166, 2007/1, p. 14-29 ; Calligaro Oriane et Foret François, « La mémoire européenne en action », Politique européenne, 2012, no 37, p. 18-43.
19Voir la contribution d’Éric Roussel dans le présent volume intitulée « Deux grands hommes en miroir » et les biographies qu’il leur a consacrées : Roussel Éric, Jean Monnet, Paris, Fayard, 1996 ; Roussel Éric, Charles de Gaulle, deux volumes, Paris, Gallimard, 2002.
20De Gaulle y séjourne dès 1908 pour apprendre la langue de l’ennemi et possède une ascendance allemande par son arrière-grand-mère née Kolb.
21Dans son essai sur la politique extérieur du Général de Gaulle, Maurice Vaïsse souligne que ce dernier utilisait beaucoup les discours et les conférences de presses pour contourner certains ministres et un Quai d’Orsay qu’il savait méfiant : Vaïsse Maurice, La Grandeur. Politique étrangère du général de Gaulle (1958-1969), Paris, Fayard, 1998, p. 299-300.
22Ce conflit est analysé en détail dans la contribution d’Éric Roussel et dans sa biographie : Roussel Éric, Jean Monnet, op. cit., p. 306-340.
23Ces épisodes forment le cœur de ce que l’historien britannique Piers Ludlow appelle le « Gaullist Challenge » (Ludlow Piers, The European Community and the Crises of the 1960s: Negotiating the Gaullist Challenge, Londres, Routledge, 2006). Ils sont évoqués dans les contributions de Gérard Bossuat et de Jenny Raflik dans le présent ouvrage.
24Voir la contribution de Frédéric Gloriant dans le présent ouvrage.
25Roussel Éric, Jean Monnet, op. cit., p. 724.
26Warlouzet Laurent, De Gaulle, un libéral méconnu ?, site web The Conversation, 8 novembre 2020 ; voir également la contribution de Nicolas Baverez dans le présent volume.
27Voir la contribution de Gérard Bossuat dans le présent ouvrage, ainsi que Dumoulin Michel (éd.), Plans des temps de guerre pour l’Europe d’après-guerre : 1940-1947, Bruxelles, Bruylant, 1995 ; Belot Robert et Preda Daniele (éd.), Visions of Europe in the Resistance. Figures, Projects, Networks, Ideals, Bruxelles, Peter Lang, 2022.
28Dans la vaste littérature consacrée à de Gaulle et à l’Europe, signalons l’intérêt des grands classiques : Jouve Edmond, Le général de Gaulle et la construction de l’Europe (1940-1966), Paris, LGDJ, 1967 ; Institut Charles de Gaulle, De Gaulle en son siècle, vol. 5 : L’Europe, Paris, Plon, 1992. Plus récemment, voir les deux ouvrages de références : Vaïsse Maurice, La Grandeur. Politique étrangère du général de Gaulle, 1958-1969, Paris, Fayard, 1998 ; Soutou Georges-Henri, La guerre froide de la France. 1941-1990, Paris, Tallandier, 2018 ; et plus synthétique : Howorth Jolyon, « Europe », in Andrieu Claire, Braud Philippe et Piketty Guillaume (dir.), Dictionnaire de Gaulle, Paris, Robert Laffont, 2006, p. 462-466 ; Anceau Éric, « De Gaulle et l’Europe », Encyclopédie EHNE, [https://ehne.fr/fr].
29Gloriant Frédéric, « Essai sur le référendum européen, entre Europe des États, Constituante européenne et démocratie postnationale (1949-2006) », in Catala Michel, Jeannesson Stanislas et Lamblin-Gourdin Anne-Sophie (éd.), L’Europe des citoyens et la citoyenneté européenne. Évolutions, limites et perspectives, Berne, Peter Lang, 2016, p. 269-285.
30Voir la contribution de Robert Frank dans le présent volume.
31Soutou Georges-Henri, « L’émergence du couple franco-allemand : un mariage de raison », Politique étrangère, 2012/4, p. 727-738 ; Soutou Georges-Henri, L’alliance incertaine. Les rapports politico-stratégiques franco-allemands, 1954-1996, Paris, Fayard, 1996 ; voir la contribution de Guido Thiemeyer dans le présent volume.
32Grondeux Jérôme, « Charles de Gaulle, un catholique social ? », in Fondation Charles de Gaulle (éd.), Charles de Gaulle. Chrétien, homme d’État, Éditions du Cerf, 2011, p. 216 ; voir aussi Ory Pascal, « “Troisièmes voies” à la Française », in Ory Pascal (éd.), Nouvelle histoire des idées politiques, Paris, Hachette/Pluriel, 1987, p. 578. Jérôme Grondeux souligne que de Gaulle n’était pas un catholique social au sens strict mais qu’il était influencé par certaines de ses valeurs, notamment la critique de l’individualisme, et l’aspiration à une société organisée. Son soutien à la planification, au renforcement de l’État-providence, ou à la participation, témoigna de cette orientation.
33L’expression « malthusianisme » était utilisée par Jean Monnet dans le Rapport général du premier Plan de modernisation et d’équipement, Paris, novembre 1946, paragraphe 24.
34Monnet Jean, Mémoires, Paris, Pluriel, 2022, p. 306 ; sur la vision sociale de Monnet : Mioche Philippe, « Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe, Jean Monnet et “l’Europe sociale”. Visions et révisions », in Fondation Jean Monnet pour l’Europe, Une dynamique européenne. Le comité d’action pour les États-Unis d’Europe, Paris, Economica, 2011, p. 131-157.
35Warlouzet Laurent, « De Gaulle, un libéral méconnu ? », site web The Conversation, 8 novembre 2020 ; sur l’opposition de Charles de Gaulle au protectionnisme, voir notamment son entretien avec Michel Droit du 15 décembre 1965, [http://www.ina.fr] ; voir aussi l’ouvrage pionnier de son ancien conseiller économique : Prate Alain, Les batailles économiques du Général de Gaulle, Paris, Plon, 1978.
36Voir la contribution de Nicolas Baverez au présent ouvrage.
37Sur Monnet et le Conseil européen, Monnet Jean, Mémoires, op. cit., p. 360. Voir la contribution de Michel Mangenot dans le présent volume.
38Voir la contribution de Michel Mangenot dans le présent ouvrage. Sur la conception institutionnelle de Monnet au Plan, voir Rousso Henry, « Le Ministère de l’Industrie dans le processus de planification : une adaptation difficile (1940-1969) », in Rousso Henry (dir.), De Monnet à Massé. Enjeux politiques et objectifs économiques dans le cadre des quatre premiers Plans (1946-1965), Paris, Éditions du CNRS, 1986.
39Nous renvoyons à notre propre contribution dans cet ouvrage. Poussant cette logique plus loin encore, l’historien britannique Alan Milward affirma même que Jean Monnet était motivé plus par la défense des intérêts économiques français que par l’idéalisme européen lorsqu’il promut la CECA puis la CEE (Milward Alan, The European Rescue of the Nation-State, Londres, Routledge, 1992).
40Thiemeyer Guido, « The Failure of the Green Pool and the success of the CAP: long term structures in European Agricultural integration in the 1950s and the 1960s », in Patel Kiran Klaus (éd.), Fertile Ground for Europe? The History of European Integration and the Common Agricultural Policy since 1945, Baden-Baden, Nomos Verlag, 2009, p. 47-60 ; Lynch Frances, France and the international economy. From Vichy to the Treaty of Rome, Londres, Routledge, 1997.
41Agulhon Maurice, De Gaulle. Histoire, symbole, mythe, Paris, Plon, 2000, p. 12.
42Jean Monnet parlant de lui-même dans une note de réflexion personnelle daté de septembre-octobre 1961, reproduite in Rieben Henri, Camperio-Tixier Claire et Nicod Françoise, À l’écoute de Jean Monnet, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 2004, p. 68.
43Giscard d’Estaing Valéry, Le pouvoir et la vie, t. I, Paris, Compagnie L2, 1988, p. 126 ; voir la citation complète en exergue de l’article d’Éric Roussel.
44Tocqueville Alexis de, De la démocratie en Amérique, 2 tomes, 1835 et 1840 ; Arcidiacono Bruno, « Un précurseur de l’Union européenne ? Le comte de Saint-Simon et la réorganisation de l’Europe en 1814 », in Liebich André et Germond Basil (dir.), Construire l’Europe. Mélanges en hommage à Pierre du Bois, Paris, Presses universitaires de France, 2008, p. 55-70.
45Guieu Jean-Michel, « Léon Bourgeois et la “diplomatie du droit” à l’épreuve des faits (1900-1914) », 2022, [https://hal.science/hal-03754884/] ; Guieu Jean-Michel, « Albert Thomas et la paix, du socialisme normalien à l’action internationale au BIT », Les cahiers Irice, no 2, 2008, p. 65-80. Ces deux personnages sont issus du milieu dit de la « nébuleuse réformatrice » (Topalov Christian [dir.], Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France [1880-1914], Paris, Éditions de l’EHESS, 1999).
46Note de Jean Monnet, 3 mai 1950, citée in Roussel Éric, Jean Monnet, op. cit., p. 571.
47Albert Michel in Témoignages à la mémoire de Jean Monnet, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, p. 26.
48Bozo Frédéric Deux stratégies pour l’Europe : De Gaulle, les États-Unis et l’Alliance atlantique, 1958-1969, Paris, Plon/Fondation Charles de Gaulle, 1996 ; Forcade Olivier (dir.), La France et l’OTAN depuis 1989, Paris, PUPS, 2023.
49L’Institut Jean Monnet est présenté dans la préface de Jean-Marc Lieberherr. Les relations entre de Gaulle et Monnet n’ont pas fait l’objet d’études complètes, n’étaient-ce les contributions courtes et pionnières de Jean-Baptiste Duroselle et de Pierre Gerbet (Duroselle Jean-Baptiste, Deux types de grands hommes : le général de Gaulle et Jean Monnet, Genève, Institut universitaire de hautes études internationales, 1977, p. 24 ; Gerbet Pierre, « Jean Monnet – Charles de Gaulle. Deux conceptions de la construction européenne », in Bossuat Gérard, Wilkens Andreas [dir.], Jean Monnet, l’Europe et les chemins de la Paix, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 411-433). À propos des seuls aspects européens, une thèse a été soutenue mais n’a pas été publiée : Su Hungdah, Jean Monnet face à la politique européenne du général de Gaulle de 1958 à 1969, thèse de doctorat, dir. Georges-Henri Soutou, université Paris 4-Sorbonnne, 1999.
Auteur
Sorbonne université (Sirice).
Laurent Warlouzet est professeur d’histoire à Sorbonne université (Sirice) et président du Conseil scientifique de l’Institut Jean Monnet. Il a publié en 2022 un manuel – Histoire de la construction européenne depuis 1945 (Repères, 2022) – et un essai sur l’histoire de l’intégration européenne de 1945 à nos jours intitulé : Europe contre Europe. Entre liberté, solidarité et puissance (CNRS Éditions, 2022, qui a reçu le prix Mayrisch). Il a été postdoctorant à l’Institut universitaire européen de Florence et à la London School of Economics (LSE).

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