L’aide ménagère : une employée ou une amie ?
p. 155-167
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Texte intégral
1Elément essentiel de la politique de maintien à domicile des personnes âgées d’après le rapport Laroque (1962), les services d’aide ménagère se sont développés à partir des années soixante-dix. En 1988, d’après le SESI, ce sont 80 000 aides ménagères qui interviennent auprès de 400 000 bénéficiaires (dont la plupart sont des personnes âgées), à raison de quatre heures par semaine en moyenne. Leurs interventions sont financées aux trois-quarts par l’aide sociale des départements et par les caisses de retraite, et sont gérées par les CCAS ou des associations locales (Lebeaupin, 1991 ; Kerjosse et Lebeaupin, 1993).
2Nous nous proposons d’étudier ici les relations qui se nouent entre personnes âgées et aides ménagères. Ces relations ne vont pas de soi, pour au moins deux raisons. D’abord, toute intrusion d’une personne extérieure dans un espace domestique pose un problème de gestion de cette présence : pour la personne âgée qui reçoit chez elle une « étrangère », mais aussi pour l’aide ménagère qui pénètre en « étrangère » dans un espace domestique qui n’est pas le sien. Ensuite, la définition de la tâche de l’aide ménagère est marquée par l’ambivalence : elle effectue un travail ménager, mais dans le même temps, elle « n’est pas une femme de ménage. Son travail ne se limite pas aux tâches domestiques, elle exerce une profession à vocation sociale » (J.O. du 8 juin 1982). Dualité des attributions qui transparaît également en exergue d’un document d’information sur les aides ménagères et destiné aux personnes âgées - « Au-delà des tâches ménagères, le réconfort d’une présence » peut-on y lire-, ou encore dans les propos de cette aide ménagère, qui définit ainsi sa propre activité : « 50 % de relations, 50 % de travail bien fait ». On peut faire l’hypothèse que les personnes âgées comme les aides ménagères vont s’approprier cette définition et la « tirer » du côté technique ou, à l’inverse, du côté relationnel.
3C’est cette piste de réflexion que nous nous proposons de suivre à partir d’un double corpus d’entretiens semi-directifs : le premier auprès de personnes âgées, des femmes essentiellement, de milieux sociaux divers, d’une moyenne d’âge de 82 ans (une vingtaine d’entretiens) ; le second auprès d’aides ménagères (une dizaine d’entretiens). Nous préciserons tout d’abord la nature des problèmes posés par la présence, chez la personne âgée, d’une aide ménagère. Puis, nous verrons de quelle façon ces problèmes se trouvent résolus, en nous plaçant successivement du point de vue de la personne âgée, puis de l’aide ménagère : les solutions adoptées sont en effet différentes suivant que la prestation de service est codée comme « technique » ou comme « relationnelle ». Enfin, en croisant le codage effectué par la personne âgée d’une part, par l’aide ménagère d’autre part, nous montrerons qu’il existe deux modes de construction de la relation entre la personne âgée et son aide ménagère, et nous les comparerons du point de vue de la délégation des activités familiales.
Les difficultés de la co-présence
4La présence régulière, chez la personne âgée, d’une aide ménagère, est susceptible de poser des problèmes de deux ordres : d’appropriation du territoire d’une part, de gestion des informations sur soi-même d’autre part.
5Lorsque l’aide ménagère effectue un travail ménager chez la personne âgée, deux droits concurrents sur le territoire se trouvent confrontés : le droit de la personne âgée de faire ce qu’elle veut chez elle ; le droit de l’aide ménagère de disposer de « l’espace utile » (Goffman, 1973, p. 49) à son travail. C’est ainsi que certaines personnes âgées disent « se planquer dans un coin » pour ne pas gêner l’aide ménagère, et qu’a contrario une aide ménagère déclare : « Elle (la personne âgée) est toujours sur mon dos, c’est agaçant. Elle m’empêche de travailler comme je voudrais le faire ». L’anecdote suivante, rapportée par une autre aide ménagère, montre bien comment cette concurrence de deux droits légitimes peut devenir conflictuelle : « Sa télévision, c’était à fond. Pas possible... Alors moi, je lui ai demandé de baisser sa télévision, bien gentiment, moi j’ai dit : ″Je peux pas rester une heure comme ça″. Elle était pas contente, elle l’a fermée. Je lui dis : ″Je vous ai pas demandé de la fermer, je vous ai demandé de la baisser″. Elle a commencé à rouspéter, pour me dire : ″Oui, vous me comprenez pas. On voit personne, on a que ça pour se distraire″. Je lui dis : ″C’est pas une raison pour la mettre trop fort, vous êtes pas sourde à ce point là″ ».
6Par ailleurs, du fait de sa présence dans l’espace domestique de la personne âgée, l’aide ménagère peut voir ou entendre un certain nombre de choses. En outre, par la conversation, aide ménagère et personne âgée peuvent apprendre mutuellement l’une sur l’autre. Un problème de contrôle des informations sur soi-même peut donc se poser, tant pour la personne âgée que pour l’aide ménagère. C’est ainsi qu’une personne âgée se plaint de ce que son aide ménagère écoute ses conversations téléphoniques, qu’une autre trouve qu’elle est trop curieuse et pose des questions indiscrètes sur sa famille, sur ses finances, qu’une troisième craint qu’elle ne répète à son médecin qu’elle ne respecte pas scrupuleusement ses consignes. Quant aux aides ménagères, certaines disent « ne pas aimer parler et se raconter », et le règlement d’un service d’aide ménagère précise : l’aide ménagère « doit être d’une grande discrétion et en aucune circonstance ne devra importuner les personnes âgées par ses problèmes personnels ».
Le codage de la relation
7Comme nous l’avons vu, la définition de la tâche de l’aide ménagère est ambivalente et comporte deux aspects : l’un technique (faire le ménage), l’autre relationnel (assurer une compagnie et un soutien moral à la personne âgée). On peut alors considérer qu’il existe, pour chacun des deux protagonistes, deux codages idéaux-typiques de la prestation de service : le codage technique et le codage relationnel. Voyons, pour les personnes âgées tout d’abord, pour les aides ménagères ensuite, de quelle façon ces deux codages sont liés à des solutions différentes aux deux problèmes évoqués précédemment (celui de la territorialisation, celui de la gestion de l’information sur soi).
Le codage des personnes âgées
8Pour les personnes âgées partisans du codage technique, l’aide ménagère est une « femme de ménage » ou une « employée ». A contrario, les tenants du codage relationnel puisent leurs qualificatifs dans le registre de l’amitié, voire de la parenté : « Françoise, j’en ai déjà parlé, c’était une amie qui me parlait de sa famille, qui me donnait des nouvelles de ses enfants, qui me racontait un tas de choses de son ménage. Moi-même, elle savait que j’avais des petits-enfants, et vraiment elle était très très gentille, et c’était un plaisir de la recevoir deux fois par semaine » ; « Une personne... charmante, hein. Ah, pleine d’attention pour moi, c’est... si je serais sa mère, je crois qu’elle n’aurait pas plus d’attention ».
9Pour ce qui est de la territorialisation, le codage technique semble favoriser un positionnement dans des pièces différentes de la maison. Il s’agit, pour la personne âgée, de respecter le travail de l’aide ménagère, de « ne pas la gêner » : « Je la laisse faire son ménage. Quand elle est dans la cuisine, moi je suis dans la pièce à côté. Quand elle va dans la salle, je vais pas être dans ses pieds ou être derrière pour voir ce qu’elle fait. Quand le ménage est bien fait, c’est le principal ». Une solution extrême consiste d’ailleurs à abandonner le territoire domestique, comme cet homme de 83 ans : « La moitié du temps, je m’en vais le temps qu’elle est là. J’aime pas regarder travailler, ça me gêne, moi ». Une trop grande proximité spatiale pourrait en effet être considérée par l’aide ménagère comme un manque de confiance et une défiance par rapport à son travail. A contrario, un codage relationnel permet plus facilement à la personne âgée de se tenir auprès de son aide ménagère lorsque celle-ci travaille, soit pour l’aider (à faire le lit par exemple), soit pour discuter : « Avant, j’avais trois pièces, j’avais plus grand, elle venait l’aide ménagère, j’avais davantage d’heures, il y avait une cloison, c’était le salon d’un côté, la salle de l’autre ; j’allais m’asseoir entre eux, je lui disais : ″N’ayez pas peur, c’est pas pour surveiller, c’est pour causer″ ». La différence entre les deux attitudes apparaît très clairement lorsqu’une personne âgée applique successivement les deux types de codage avec deux aides ménagères : « La nouvelle, l’autre jour, je râlais parce que pendant vingt minutes elle a passé l’aspirateur dans la chambre et essuyé les meubles, j’ai été voir parce qu’elle restait toujours au même endroit. Françoise, c’était différent, je la suivais comme un petit chien ». On voit, sur cet exemple, comment la proximité spatiale est dans le second cas amicale, et intervient dans le premier comme une sanction.
10Le problème de la gestion des informations sur soi-même est également résolu de façon différente suivant le type de codage effectué par la personne âgée. D’abord, parce que peu importe l’opinion d’une « femme de ménage » : « Quelquefois, quand je suis pas d’accord avec mon mari, elle l’entend forcément. Mais je vais pas la prendre à témoin, je vais pas... » explique une personne âgée, qui ne ressent pas de gêne à ce que son aide ménagère soit le témoin de leurs petites querelles conjugales. Comme le rappelle Michelle Perrot (1987, p. 182), la marquise du Châtelet ne voyait aucun problème à être baigné par son valet, Longchamp : la gêne n’apparaît que lorsque les maîtres commencent à considérer les domestiques comme des personnes. Ensuite parce que, dans le cas du codage technique, la conversation est peu valorisée : parler est une perte de temps, qui réduit d’autant celui qui pourra être consacré au ménage. « Vous savez, on parle pas beaucoup, il est très difficile de faire son travail en parlant. Y’en a beaucoup qui parlent, qui parlent et qui s’arrêtent de travailler, alors ils font pas de travail pendant ce temps-là ». Et il n’est pas question de chercher à pénétrer les territoires d’informations de l’aide ménagère ou d’ouvrir les siens — « La vie privée, c’est privé, hein. Elle ne me parle pas de sa vie privée, hein. Ça ne me regarde pas ! ». A l’inverse, lorsque la personne âgée réalise un codage relationnel, la conversation est recherchée : les aides ménagères « pas parlantes », « qui ne disent rien » sont alors peu appréciées ; le sont celles qui, au contraire, ne craignent pas de parler d’elles-mêmes, de leur famille, n’hésitent pas à montrer des photos de leurs enfants, voire à les amener parfois avec elles ; en retour, la personne âgée peut se raconter, se confier, et trouver une oreille attentive. En effet, avec une amie, les frontières de l’intime reculent : il devient alors plus facile de parler de soi.
11Précisons que codage technique et codage relationnel ne sont pas symétriques : alors que la prestation de service peut être considérée comme purement technique, il semble qu’elle puisse difficilement comporter le seul aspect relationnel de soutien moral et affectif : celui-ci va plutôt se développer sur un substrat technique qui ne peut, sauf dans des cas très exceptionnels, disparaître. L’aspect technique peut exister de façon indépendante, le relationnel est comme subordonné au technique.
Le codage des aides ménagères
12Le codage réalisé par les aides ménagères peut prendre les deux mêmes formes : technique ou relationnelle. Pour certaines d’entre elles, « il y a l’employeur, il y a l’employée, ils ont leur vie, j’ai la mienne. C’est : ″Je suis là deux heures pour du travail. Sortie de ça, terminé″ ». Alors que, pour d’autres, ce sont encore les registres de l’amitié et du familial qui sont mobilisés pour désigner les personnes âgées chez qui elles travaillent : « Mme Dubois, que j’appelle mamy, c’est une mamy pour moi, parce que ça fait quand même longtemps que je suis avec elle, je connais sa petite-fille. C’est vraiment un bon contact, de l’amitié, une bonne amitié, c’est vrai. Et le cas de Mme Loiseau, elle n’a pas d’enfants, bon ça, Mme Loiseau, c’est... c’est absolument pareil hein, une bonne amitié, je l’appelle Chantai même, elle me confie plein de choses Mme Loiseau. C’est vraiment une personne... je peux même dire, je la considère comme quelqu’un de ma famille ».
13Pour certaines aides ménagères, leur tâche est essentiellement technique, et elles cherchent à limiter les conversations avec les personnes âgées. Pour pouvoir faire leur ménage le plus rapidement et le plus efficacement possible : « Elle prend le journal, comme ça, elle me laisse tranquille. Bah, oui, parce que sinon... faut qu’elle me laisse faire mon travail, hein, sinon, après, c’est bourre, et pis faut le faire quand même ». Ou pour ne pas se raconter et maintenir la distance affective avec la personne âgée : « J’essaie au minimum d’en dire, qu’il y en ait un minimum qui passe » ; « J’essaie de ne pas faire trop attachée, mais bon, je fais ce que je peux, je fais mon travail sérieusement. C’est pas de ma faute si les personnes s’attachent à moi. Je ne cherche pas à ce qu’elles s’attachent à moi ».
14D’autres, sans pour autant délaisser les tâches ménagères (on retrouve l’asymétrie, déjà évoquée dans le cas des personnes âgées entre codage technique et codage relationnel) insistent sur l’aspect relationnel de leur tâche. Elles jugent important d’écouter et de parler avec la personne âgée : « On sent qu’elles ont besoin... d’être entourées, d’être écoutées, d’être entourées, pis d’avoir une confiance aussi, une honnêteté ; faut être honnête avec elles, faut..., et c’est ça qui me touche le plus hein, pas spécialement le travail. Si, j’aime bien le travail bien fait, mais je trouve que ça laisse un petit peu... Elles aiment beaucoup qu’on discute avec elles. Beaucoup, beaucoup. Mais des fois, c’est qu’il y a quand même le ménage, on peut pas toujours laisser les choses... ». Et la présence de la personne âgée dans la pièce dans laquelle l’aide ménagère travaille n’est pas considérée comme une entrave à son activité ménagère. « Je vois le cas de Mme Briand, quand je fais la chambre, elle vient avec moi dans la chambre. Elle s’assoit, elle me regarde faire le lit : ″Ça ne vous gêne pas, Fabienne, que je reste avec vous ? ″. Oh, je lui dis : ″Non, non, non″... C’est pas la question qu’elle me surveille travailler, pas du tout. La compagnie... elle cherche la compagnie, elle reste avec moi ».
Les raisons du codage
15Pourquoi personnes âgées et aides ménagères codent-elles leur relation comme technique ou comme relationnelle ? Précisons tout d’abord que le codage se construit dans l’interaction, et qu’il faut le distinguer des attentes par rapport à la relation ; les attentes étant, en quelque sorte, le codage initial de la relation. Ces attentes renvoient à un grand nombre de facteurs imbriqués qu’il est difficile de démêler dans une approche qualitative. Citons-en cependant quelques-uns : du côté de l’aide ménagère, le rapport qu’elle entretient avec son activité (considérée comme une solution d’attente, ou vécue sur le mode de la vocation : « j’aime bien travailler avec des personnes âgées ! »), le nombre d’heures totales qu’elle effectue (un grand nombre d’heures chez plusieurs personnes différentes semble favoriser un codage technique [Bascoul, 1991]) ; du côté de la personne âgée, l’importance de son réseau relationnel, son milieu social (chez certaines personnes âgées de milieu plus favorisé, l’aide ménagère vient « naturellement » prendre la place de la femme de ménage).
16Si le codage est technique, c’est soit parce que la personne âgée (ou l’aide ménagère) avait une attente exclusivement technique, soit parce que son attente relationnelle n’a pu être satisfaite dans le cadre de cette relation, et s’est transmuée en codage technique. Réciproquement, le codage est relationnel si les attentes relationnelles peuvent se développer grâce à des « affinités » existant entre les deux protagonistes. Dit autrement, si des attentes purement techniques débouchent sur un codage technique, des attentes relationnelles ne débouchent sur un codage relationnel que si « le courant passe » entre les partenaires.
17Ce dernier point apparaît clairement lorsqu’une même personne âgée entretient (simultanément ou successivement) des relations très différentes avec deux aides ménagères : « Moi je vous dis, là vraiment, j’apprécie la personne qui vient le lundi, le mercredi et le jeudi... Oh, elle est charmante. Bof, l’autre qui vient, elle n’est pas désagréable non plus. (...) Son travail, ça va, mais voyez je ne suis pas liée intimement comme avec l’autre personne... (...) Je ne me sens pas attirée par elle. Il n’y a pas de sympathie. Ça va bien, hein, on n’a jamais un mot ni l’une ni l’autre et... je ne sais pas, je ne me sens pas attirée vers elle ».
18Cette absence d’affinités qui peut transformer une attente relationnelle en un codage technique peut naître d’une incompatibilité des habitus – qui se traduit d’abord par une faible attirance ou une répulsion physique – ou d’une différence dans les attentes par rapport à la relation. C’est le cas lorsque l’aide ménagère ne peut répondre aux attentes relationnelles de la personne âgée, soit qu’elle ne le désire pas, soit qu’elle ne dispose pas des atouts lui permettant de le faire. Par exemple, le fait de ne pas être mariée et de ne pas avoir d’enfants constitue un sérieux handicap pour le développement d’une relation dans laquelle est souvent privilégié le « parler famille ». Ecoutons Mme Delmas : « Il y a une question de physique, parce que Françoise était une femme très élégante, moderne, très vive et tout ça... les autres, physiquement sont moins bien, et puis celle que j’ai actuellement n’est pas mariée, sans enfants, donc on n’a pas grand chose à se dire, à parler, alors que Françoise, dès qu’elle avait un enfant de malade, elle me disait : ″Bon, il a ceci, il a cela″, elle était beaucoup plus famille que les deux autres ».
La construction de la relation
19Voyons maintenant quels types de relation peuvent progressivement se construire entre la personne âgée et son aide ménagère. Erving Goffman écrit que « si deux individus veulent se réunir par quelque lien social que ce soit, il faut bien qu’ils renoncent pour cela à quelques-unes des limites et des barrières qui les séparent ordinairement » (1973, p. 69). On peut appeler ce mode de construction d’une relation la construction par familiarisation. Cependant, et contrairement à ce qu’écrit Erving Goffman, le lien social peut exister sans partage de territoires personnels et se construire plutôt à partir d’un ensemble d’habitudes qui progressivement s’accumulent : appelons ce mode de construction d’une relation la construction par habituation, et notons que si la construction par habituation exclut, par définition, le partage de territoires, la construction par familiarisation est en général consolidée par la formation d’habitudes.
20Personne âgée et aide ménagère disposant chacune de deux manières idéales-typiques de coder leur relation (codage technique et codage relationnel), on aboutit à quatre cas de figure. Dans trois d’entre eux, la relation se construit par habituation. Dans le quatrième, que nous étudierons un peu plus longuement, il y a construction par familiarisation. Pour terminer, nous verrons quelles sont les conséquences du mode de construction de la relation sur la délégation des activités familiales.
Construction par habituation
21Envisageons les trois cas de figure annoncés. Du double codage technique, nous dirons peu de chose, sinon que la relation est limitée au domaine des tâches ménagères, et qu’elle ne fait pas problème tant que le travail effectué par « l’employée » donne satisfaction à « l’employeur ».
22Deuxième cas de figure : la personne âgée peut avoir une demande relationnelle, et l’aide ménagère contenir l’extension de la relation, soit qu’elle tienne à effectuer avant tout son travail ménager, soit qu’elle se refuse à mélanger vie professionnelle et vie privée. Une aide ménagère raconte ainsi : « Ah ! Elle me suit partout pour discuter. Et quelquefois, elle me dit : ″Moi, j’en ai marre, tu es toujours en train de gesticuler, vas-tu me foutre la paix, t’asseoir ? Pose ton cul là″, qu’elle me fait. C’est son langage, je parle comme ça, mais c’est son langage. Bon, alors : ″Assieds-toi, on va discuter !″. Alors j’ai déjà qu’une heure pour travailler chez elle... ».
23Troisième cas de figure : la personne âgée peut réaliser un codage technique, et l’aide ménagère insister sur son rôle relationnel. C’est ainsi que certaines aides ménagères sont jugées trop bavardes, trop peu discrètes, posant trop de questions personnelles. Une personne âgée affirme par exemple : « Oui, elle cause. J’ai besoin de rien, moi, je suis assise là-bas, dans mon fauteuil, et ben elle vient me trouver pour causer. Ah, elle perd son temps, du temps ». Une autre apprécie peu les propositions d’aide de son aide ménagère, qu’elle considère comme de la curiosité mal placée : « C’est une personne qui aime bien se mettre dans les affaires des autres, c’est tout simplement ça (...) Je m’en suis aperçue, la preuve, à mes papiers qui traînaient. Alors elle arrivait : ″Mais, y a-t-il quelque chose à remplir là-dedans, y a-t-il quelque chose ?″. Ça ne la regarde pas ! Une supposition que s’il y avait quelque chose qui m’embêtait, je pouvais lui demander, lui dire : ″Pouvez-vous me remplir ça ?″, ou quelque chose ! Mais elle a pas besoin de se mêler de ce qu’il y a ! Alors depuis ce temps-là, y’a rien sur le buffet ! ». Ainsi, trop de sollicitude et d’empressement et une trop bonne volonté relationnelle peuvent être ressentis comme une agression. C’est toute l’ambiguïté de la déférence qu’a soulignée Erving Goffman : « s’enquérir de la santé de quelqu’un, de sa famille ou de l’état de ses affaires, c’est lui manifester un signe de sympathie et d’intérêt ; mais d’une certaine façon, c’est aussi empiéter sur ses réserves » (1974, p. 65).
24Dans ces trois cas de figure, même s’il n’est pas fondé sur le partage de territoires personnels, le lien existe cependant et repose sur un système d’habitudes progressivement sédimentées, pour reprendre une formulation proche de celle de Jean-Claude Kaufmann lorsqu’il décrit la construction du lien conjugal (1992). On le voit bien lorsque certaines personnes âgées, bien qu’insatisfaites de leur aide ménagère, ne souhaitent pas en changer : « Je suis habituée avec elle. Moi, ça me gênerait de changer (...) Parce que on se connaît, on se connaît... » dit l’une d’elle qui, pourtant, se plaint de la propension au bavardage de son aide ménagère.
Construction par familiarisation
25Voyons maintenant le cas où les deux protagonistes réalisent un codage relationnel, et observons alors la construction de leur relation par familiarisation. Il y a tout d’abord extension des domaines de la relation au-delà des simples tâches ménagères, et souvent en dehors de ce qui est autorisé par le règlement. C’est ainsi qu’on se rend des petits services : l’aide ménagère peut, en-dehors de ses heures rémunérées, faire une course pour la personne âgée, lui acheter le journal, emmener pour elle un colis à la poste. En échange de quoi, la personne âgée donnera une pièce à l’aide ménagère : on n’est plus alors dans le cadre de la prestation de service rémunérée, mais dans une logique du don/contre-don. Des cadeaux circulent également, la personne âgée pouvant offrir des vêtements à son aide ménagère, voire tricoter un pull-over pour ses enfants, et l’aide ménagère apporter des fleurs pour l’anniversaire de la personne âgée ou lui ramener « un petit quelque chose de vacances ». Des contacts peuvent également s’établir en dehors des heures rémunérées : par des coups de téléphone pour prendre des nouvelles, une carte postale envoyée de vacances, une visite à l’hôpital. Ces contacts peuvent d’ailleurs survivre à la prestation de service. Par la conversation s’échangent des confidences : « Même un moment, je lui avais raconté que j’étais ennuyée parce que une de mes petites-filles avait une déception amoureuse, et elle-même m’avait raconté que ça lui était arrivé, qu’elle avait été un an, étant jeune fille, faisant dépression sur dépression, et chose bizarre, elle dit : ″Je suis mariée, très heureuse et je ne regrette pas parce que si je m’étais mariée avec ce jeune homme-là, ça n’aurait pas marché″ ». Circulent également des conseils, parfois très personnels, comme ceux dispensés par Mme Jean : « On discute travail, pour les gosses. On discute mariage quand je lui dis qu’elle devrait se remarier et trouver quelqu’un de bien » ; « Je lui ai dit : ″Vous auriez mieux fait de prendre la pilule″ ».
26Dans le cas du double codage relationnel, il arrive souvent que la relation entre la personne âgée et son aide ménagère déborde la simple relation personnelle pour s’étendre à certains de leurs proches : la personne âgée demande à son aide ménagère de lui présenter son mari, d’amener ses enfants ou son chien ; de son côté, l’aide ménagère rencontre les enfants ou les petits-enfants de la personne âgée. Des liens forts peuvent se développer avec ces proches : « Ses enfants m’avaient admis, pas comme une étrangère, pour eux j’étais une amie, parce qu’ils me faisaient confiance aussi. Ils voyaient que leur père était bien, qu’il était heureux d’avoir une compagnie, pis jeune en plus, parce que voilà, en plus, il aimait la jeunesse. Il aimait beaucoup mes filles. Je me faisais disputer si j’avais le malheur d’aller chez lui sans mes filles. Alors, il adorait mes filles, ça c’est... elles seraient là, elles vous le diraient, elles adoraient d’ailleurs papy Delâtre, et il leur faisait tout le temps des petites gâteries, des bonbons... ».
27La relation qui se construit ainsi entre la personne âgée et son aide ménagère devient-elle pour autant une relation amicale ou familiale ? C’est là une question difficile car si les termes de parenté, et surtout d’amitié, ne sont pas rares dans les discours, il faut se montrer très prudent dans l’interprétation. Ainsi, Mme Leborgne déclare que « la petite qui vient là [il s’agit de la remplaçante de son aide ménagère], je la prends déjà en amitié », et précise un peu plus loin : « j’ai de l’amitié pour le travail ». Quant à Mme Louis, elle affirme : « je suis très bien tombée, sur un caractère qui s’accorde avec le mien, bien qu’elle soit très différente de moi. Et nous sommes passées petit à petit des bons rapports aux rapports amicaux », mais, à une question directe, elle répond : « J’emploierais pas le mot ″amie″, parce que d’abord, il y a quand même... trop de différence entre nous, trop de différence d’âge... Notre passé n’est pas le même, on n’a pas tellement de points communs entre nous, pas tellement... Alors euh, évidemment, moi j’ai une amie d’enfance, alors vous vous rendez compte, une amie d’enfance, alors ça..., quelqu’un que je connais, qui est dans ma vie, depuis 60 ans, alors ça c’est quelque chose..., c’est pas comparable ce que je ressens pour Dominique, hein, c’est pas comparable (...) Ah, entre nous, je vous dirais quand même que je l’aime bien. C’est pas pareil. Je l’aime bien ». Si les registres de l’amitié (et de la parenté) sont si fréquemment sollicités, on peut faire l’hypothèse que c’est d’abord parce qu’ils sont à disposition pour dire et penser les relations de proximité nouvelles - c’est le cas pour la relation de beau-parenté, comme le montrent les travaux de Didier Le Gall (1994), et d’Irène Théry et Marie-Josèphe Dhavernas (1993). Tentons de mieux saisir ces utilisations métaphoriques.
28L’amitié n’est pas facilement saisissable : comme l’a montré Claire Bidart (1991), la définition générale qu’en donnent les acteurs sociaux ne coïncide pas complètement avec les descriptions qu’ils font de relations d’amitié réelles. Cependant, si l’on se réfère aux grandes catégories généralement retenues pour décrire l’amitié et qu’a dégagées Claire Bidart on constate que nombre d’entre elles sont présentes lorsque se développent les relations entre les personnes âgées et leur aide ménagère, à commencer par ce qui constitue, selon elle, « le terme englobant, général, qui résume et concentre la condition de relation d’amitié » : la confiance. Par ailleurs, au niveau des descriptions de relations d’amitié concrètes, ce sont « l’affectif, la proximité interindividuelle, la confidence et la présence » qui dominent, caractéristiques toutes susceptibles d’apparaître dans la relation entre la personne âgée et son aide ménagère. Enfin si l’on considère que « d’une façon extrêmement majoritaire, les amis se sont connus dans un moment où l’un des deux traversait un moment difficile » (Bidart, 1991, p. 36), on conçoit que le vieillissement doublé pour certains du sentiment de solitude puisse être l’un de ces moments difficiles propice à la naissance d’une amitié.
29Il n’y a pas solution de continuité entre le registre métaphorique de l’amitié et celui de la parenté puisque, comme l’indique encore Claire Bidart (1991, p. 29-30), « la comparaison entre l’amitié et la relation familiale est souvent proposée », parfois au détriment de la famille. On retrouve cette caractéristique dans notre corpus, la relation avec l’aide ménagère pouvant prendre le pas sur les relations familiales « biologiques » : « Je m’entends peut-être mieux avec elle qu’avec des membres de ma famille. Ça, je le dis carrément » ; « Le jour que vient Delphine, j’aime pas beaucoup avoir quelqu’un. Je lui dis : ″J’aime bien vous voir toute seule″. J’aime bien être avec elle, parce que ça fait comme si c’était une amie qui venait me voir. Je dis même à ma sœur de ne pas venir quand Delphine est là. J’ai pris un parti : j’ai Delphine, pour moi c’est le principal, c’est important. J’aurais une petite-fille, je ne pourrais pas être plus heureuse ». De telles affirmations renvoient au constat de Claudine Attias-Donfut et Alain Rozenkier, qui observent « le rôle de premier plan que joue l’environnement immédiat, quotidien, du quartier, dans le moral et l’insertion de la personne, rôle qui semble supplanter celui de la famille » (1984, p. 21).
30Pour en terminer avec la construction par familiarisation, notons que cette relation rencontre, dans son développement, trois limites. La première renvoie au cadre institutionnel dans lequel prend place la relation qui, s’il est souvent tu dans le discours des personnes âgées, n’en est pas moins susceptible de réapparaître. Lorsqu’une aide ménagère doit, par exemple pour une question d’horaires, quitter le service de la personne âgée, celle-ci peut vivre ce départ comme une véritable trahison, et l’amertume alors exprimée montre que l’aspect financier et technique n’avait pas disparu, mais restait tapi à l’arrière-plan, de la même façon que, dans les récits d’après-séparation conjugale, des actions vécues autrefois, au temps de l’amour, comme désintéressées prennent la coloration du sacrifice, aujourd’hui amèrement regretté : « Une fois elle m’a dit : « Madame Barrière, est-ce que je peux aller chercher des chaussures pour mon petit gars, pour la rentrée d’école ? » Je lui dis : ″Allez-y, allez-y″. Une demi-heure partie avec sa voiture ! Elle a été une demi-heure sans travailler, elle a compté deux heures, j’ai marqué deux heures, j’ai signé deux heures, je suis pas à une demi-heure près, moi... Elle avait un quart d’heure de retard, jamais je lui ai fait la remarque ! »
31La seconde limite réside dans le sentiment, éprouvé même par les aides ménagères les plus désireuses d’insister sur l’aspect relationnel de leur tâche, qu’il n’est pas souhaitable et qu’il peut être dangereux d’aller « trop loin » dans la relation avec la personne âgée. Tout d’abord, parce que certaines confidences sont très lourdes à porter. Celle-ci par exemple : « Quelquefois, moi, ça m’est arrivé de dire : ″Ça ne me regarde pas, vous avez pas de raison de me dire ça″. ″Si, si, je vous aime bien, faut que vous sachiez ça″. Il y a une dame, je savais où elle cachait... elle avait un magnifique diamant, et j’étais la seule à savoir où elle le cachait, tout comme j’étais la seule à savoir où elle cachait son argent ». Ensuite parce qu’elles souhaitent contenir les empiètements sur leur vie privée ; or les demandes de menus services et les coups de téléphone des personnes âgées angoissées peuvent vite devenir envahissants. Enfin, parce que la mort de la personne âgée peut être vécue comme un drame personnel dans le cas où le lien était devenu particulièrement fort : « C’était... je m’attache beaucoup et c’était très dur. Ah oui, pendant quinze jours, je n’arrivais plus à... plus à dormir parce que j’avais l’habitude tellement d’y aller tous les jours chez elle et... là, le lien s’est coupé par la mort, et... c’est dur, ah oui, c’est dur, hein ».
32La troisième limite est posée par les services d’aide ménagère, qui veillent à éviter les « dérapages » que rendent possible une relation trop étroite : prêts d’argent, cadeaux de valeur, voire héritage en faveur de l’aide ménagère. Certains organismes prennent même les devants en changeant régulièrement la répartition des aides ménagères entre les personnes âgées, afin d’éviter l’approfondissement de la relation.
La délégation des activités familiales
33Dans le cas où la relation entre la personne âgée et son aide ménagère se construit par habituation et reste confinée dans le domaine technique, la délégation est simple et concerne un certain nombre de tâches ménagères. Dans le cas où se construit une relation de familiarité, la délégation d’activités familiales est alors double : délégation technique de tâches ménagères d’une part ; délégation relationnelle d’autre part, l’aide ménagère assurant un soutien affectif à la place ou en complément de la famille. Demandons-nous alors quelle conséquence la double délégation (technique et affective) a sur les tâches ménagères déléguées. On peut l’observer tant au niveau quantitatif que qualitatif.
34Au niveau quantitatif, tout d’abord : le temps consacré au soutien moral et affectif et à l’entretien de la relation ne peut l’être aux tâches ménagères. « Les remplaçantes, elles font deux fois plus de boulot que quand c’est ma Françoise. Parce que, avec elle, on discute. Quand elle est fatiguée, elle me dit : ″Qu’est-ce que vous lisez-là ?″, et on bavarde » dit, pour s’en réjouir, Mme Delmas. La personne âgée peut aussi fermer les yeux sur certains retards de l’aide ménagère ou sur une moins bonne qualité de son travail : « Quand elle est revenue de vacances l’année dernière, oh, vous savez, elle travaillait pas, elle m’en laissait la moitié à faire et tout ça. Pis, il y avait d’autres gens qu’avaient envie de la laisser. Moi je... Oh, j’ai dit : ″Oh, si ça va comme ça... je suis obligée de repasser derrière elle″. Oh pis, j’en ai eu pitié, j’ai dit : ″Quand même, elle fait pas comme elle veut″, et pis je m’entends bien avec elle, je l’aime bien depuis le temps qu’elle est là, hein ». A contrario, il est possible de demander des petits services à une amie, et il est normal, lorsque l’on est une amie, de rendre de tels services. Comme l’explique une personne âgée : « Ce n’est plus une aide ménagère, je la considère comme une amie. Puis elle m’aide des fois en dehors de ses heures, des fois le midi, le jeudi : ″Est-ce que vous pouvez venir m’aider pour faire mon marché, ne serait-ce qu’un quart d’heure, parce que c’est férié ?″ ». Et une aide ménagère reconnaît : « Il y en a, ça m’est arrivé, je me disais : ″Ah, bon sang, et dire que je vais chez elle !″ On fait avec... On fait nos deux heures, et puis c’est tout, on est bien contents de partir. Et d’autres, bon ben, ça nous fait rien de faire un petit peu de rab, il y a à faire, et puis c’est tout ».
35Au niveau qualitatif, ensuite. D’une amie, en qui l’on a confiance, on peut accepter une aide pour de légers soins corporels ou médicaux : « Un moment, j’ai eu mal aux yeux, bon, elle me mettait des gouttes dans les yeux, elle était vraiment... dès que j’avais un problème, elle savait tout faire... quand je me suis blessée, aussi, j’ai tombé une fois dans ma cuisine, j’ai eu une jambe très abîmée où j’ai été obligée d’avoir cinq points de suture, elle me faisait mes pansements, ce que maintenant, avec celle que j’ai tout de suite, j’aurais pas tellement envie qu’elle m’aide à faire ces choses-là ». Il peut d’autre part devenir difficile de confier à une amie certaines tâches considérées comme avilissantes : « J’aime mieux faire le dessus de mes toilettes. Parce que c’est comme si je lui donnais une saleté à faire. Si vous voulez, ça me paraisserait comme l’abaisser. C’est bête hein, c’est bête vous allez me dire, mais c’est comme ça ».
36Les services d’aide à domicile ont-ils un caractère social ou sont-ils seulement domestiques ? Les aides ménagères sont-elles un soutien moral pour les personnes âgées ou essentiellement une femme de ménage ? Nous avons pu voir que l’aspect relationnel ne se décrète pas : il se construit dans l’interaction entre les deux protagonistes (interaction préparée, et parfois canalisée, par les salariés des organismes gestionnaires, dont il conviendrait d’étudier précisément le rôle). Cependant, certaines conditions semblent en favoriser l’émergence : une attente relationnelle des deux parties, par exemple.
37De ce point de vue, il est intéressant de noter l’essor d’une autre forme d’aide à domicile : les « emplois familiaux », encouragés par les mesures successives prises dans le cadre de la politique de l’emploi (exonération des charges pour les personnes de plus de 70 ans en 1987 ; réductions d’impôt en 1992, dont le plafond a considérablement augmenté en 1995). Alors que les employeurs des aides ménagères sont les organismes gestionnaires, ce sont les personnes âgées qui sont les employeurs directs des « employées familiales », nommées « assistantes de vie » dans la nouvelle convention collective des employeurs particuliers d’employés de maison de 1991 (Croff, 1994). Même si ces deux types d’offre de service sont très imbriqués sur le terrain (des associations mandataires se développent, qui jouent le rôle d’intermédiaires entre personnes âgées et employées, et qui sont souvent liées aux organismes gestionnaires des services d’aide ménagère, si bien que certaines aides ménagères effectuent une partie de leur service comme assistante de vie), on peut se demander si le passage du statut de bénéficiaire (de la prestation d’aide ménagère) au statut d’employeur (de l’assistante de vie) ne joue pas sur la construction de la relation en renforçant les attentes techniques au détriment des attentes relationnelles. Les assistantes de vie sont-elles plus souvent des employées, et les aides ménagères plus fréquemment des amies ? C’est là une question pour de futures recherches, mais aussi un enjeu pour la politique de maintien à domicile des personnes âgées.
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
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