L’usine vue par son médecin du Travail
p. 53-60
Remerciements
Nous remercions son petit-fils, Erwan Pointeau-Lagadec, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Panthéon-Sorbonne, de nous avoir mis en relation et ainsi permis de recueillir ce témoignage exceptionnel d’une cadre ayant été en position de « neutralité », par ailleurs appréciée des ouvrières. Il enrichit et précise les souvenirs de ces dernières. Les intertitres ont été introduits par nous pour ce document du 21 septembre 2021, publié in extenso.
Texte intégral
1Je suis arrivée à Saint-Brieuc en 1962 après mes études à Paris. Mon mari venait d’y intégrer un cabinet de radiologie en association et concourait pour le poste d’assistant à l’hôpital.
2Mes parents habitaient la ville, nos séjours de vacances dans la région nous avaient donné l’envie d’y poser nos valises avec nos jeunes enfants, et, à plusieurs propositions d’installation à Paris, nous avions préféré la Bretagne.
3Je cherchai aussitôt du travail. J’avais le certificat d’études spéciales de médecine du travail et pensais que cette voie me permettrait, au moins dans un premier temps, de concilier travail et vie de jeune mère de famille. Mon père, ingénieur en chef des Ponts et chaussées, me signala l’ouverture d’une usine nouvelle : Le Joint français dont il avait suivi les dossiers techniques préalables à l’installation1. J’envoyai aussitôt ma candidature, mais on me répondit que l’usine était en période de démarrage et que le service médical autonome prévu ouvrirait ultérieurement, à une date indéterminée.
4Au bout de deux ans, je reçus des nouvelles, sous forme d’une convocation de la direction de Bezons, l’usine « mère ».
5Je m’y rendis pour passer des entretiens, puis accomplir les formalités d’embauche. J’y rencontrai le Directeur général. Il m’assura de la liberté totale et de l’indépendance qui seraient les miennes dans l’exercice de mes fonctions, à condition de ne pas perturber le bon fonctionnement des ateliers.
6On me fit visiter l’usine (au pas de course). Elle se situait dans un environnement industriel de la banlieue parisienne. Très compacte, elle me parut sombre, bruyante, en proie à une activité intense.
7On m’expliqua les fonctions de chaque atelier, les grandes étapes de la fabrication des joints d’étanchéité qui allaient de pièces microscopiques pour l’industrie de l’horlogerie par exemple, à des pièces volumineuses pour l’aéronautique ou les trains. On y travaillait du caoutchouc naturel et des matières plastiques.
8Je pus prendre contact avec le service médical, prélude à des relations en cas de besoin.
L’usine de Saint-Brieuc
9Après la visite de Bezons, ma première visite à l’usine briochine me parut un autre monde : dans un cadre verdoyant et fleuri, à la sortie de la ville. À l’arrière, quelques employées, assises sur la pelouse mangeaient leur casse-croûte à la pause.
10L’intérieur, vaste, clair était divisé en quatre grands halls affectés aux différentes activités. Il y avait de l’espace, c’était même encore un peu vide par endroits. Sur le côté, une longue passerelle donnait accès aux bureaux abritant tous les services de direction. De la passerelle, on avait une vue d’ensemble sur les ateliers. Seul, le service du personnel se situait à l’extérieur près de l’entrée, dans un bâtiment à part.
11L’usine comptait alors environ 300 personnes, mais je devais rapidement contribuer à en augmenter le nombre par des visites d’embauche continues.
12Dans le premier hall, plusieurs dizaines de femmes assises à de petites tables munies de lampes et de loupes, triaient et contrôlaient les pièces finies : c’était l’atelier des vérificatrices. Pas de bruit ici, sauf le ronronnement de quelques bavardages. Quand quelqu’un passait à proximité, toutes les têtes se tournaient et on n’échappait pas à un examen collectif, suivi visiblement de commentaires !
13Par contraste, le Hall 3 où travaillaient les mouleurs sur de grosses presses, résonnait du choc des machines et des sifflements de l’air comprimé. Il y faisait très chaud. Seuls les hommes travaillaient sur les grosses presses. Ils fonctionnaient en horaires des 3 × 8.
14Les autres halls contenaient des petites machines, dont l’ébarbage, postes féminins, et autres travaux.
15Derrière les grands halls, un peu isolés, existaient des ateliers plus pollués : « les mélanges » où se préparait la substance des joints dans des mélangeurs formés de gros cylindres ; on y versait les différents composants, dont le noir de carbone, colorant qui était très volatil et salissant.
16Autre atelier qui concentrait à lui seul le plus de risques, « l’adiant » : on y utilisait alors des solvants chlorés toxiques et de l’amiante. C’était poussiéreux et à l’entrée, les vapeurs de solvants vous saturaient le nez et vous brouillaient un peu la tête ! Cet atelier qui exigeait une surveillance spéciale, hématologique et pulmonaire, devait d’ailleurs disparaître assez rapidement pour des raisons de sécurité et techniques.
Le service médical
17Les locaux du service médical et infirmier se trouvaient à l’écart des ateliers, séparés par un large couloir du Hall 1. Ils donnaient sur le jardin et avaient donc un double accès : usine et extérieur, côté jardin. Ils avaient été construits selon tous les principes réglementaires en vigueur.
18Trois grandes pièces très claires : l’infirmerie où se faisait l’accueil et les soins courants ; les dossiers médicaux y étaient conservés sous clé. À côté, une salle de repos avec un lit, une douche, des WC, permettait d’isoler les cas qui le nécessitaient et d’avoir plus d’intimité pour certains soins. Enfin le cabinet médical où j’officiais, avec le matériel indispensable aux examens ; il était précédé de quatre cabines de déshabillage dont il fallut augmenter l’isolation phonique pour la confidentialité des examens médicaux. Je disposais aussi d’une salle de radioscopie.
19En 1964, il y avait une seule infirmière qui donnait les soins courants et m’aidait à préparer les visites médicales : embauches, systématiques, de reprise, surveillance spéciale ou demandées par le personnel. Puis, rapidement deux infirmières couvrirent les 2 × 8. La nuit, des secouristes formés spécialement pouvaient donner les premiers soins et si besoin, diriger un malade ou un blessé vers l’hôpital.
20À nos tâches médicales s’ajoutaient des tâches plus sociales et psychologiques. Les conflits d’ateliers finissaient souvent à l’infirmerie, ou bien il s’agissait de problèmes plus personnels.
21La fréquence des passages à l’infirmerie pour un cachet ou un bobo sans importance, cachait souvent un besoin de parler et de demander de l’aide pour un problème personnel, familial ou une crainte pour sa santé.
22… À nous trois, nous formions « le bureau des pleurs », un refuge en cas d’orage. Plus tard, je pense que c’était après 1972, une assistante sociale, voisine immédiate de l’infirmerie, compléta le service médico-social.
Les rapports avec direction et ateliers
23Je faisais partie des cadres et je les rencontrais souvent à des réunions. Le Directeur venait de temps en temps faire une visite à l’infirmerie au cours de ses tournées, assez rarement en fait, et périodiquement, il était accompagné de membres de la direction générale de Bezons. J’ai connu plusieurs directeurs au cours de mon activité et chacun, avec sa personnalité, influait plus ou moins sur le climat de l’entreprise.
24La personne de la hiérarchie avec qui j’avais le plus de contacts professionnels était le chef du Personnel (le DRH d’aujourd’hui). Nous échangions des fiches à l’embauche : lui, avec la mention du poste destiné au postulant, et moi je répondais par une fiche d’aptitude ou d’inaptitude au poste indiqué, et éventuellement les possibilités pour un autre poste.
25Je rencontrais aussi fréquemment les chefs d’atelier et les chefs d’équipe. Comme je passais une partie de mon temps dans les ateliers, c’est souvent avec eux que je concoctais mes fiches de poste car, mieux que personne, ils connaissaient les machines, les risques et les qualités nécessaires pour ces postes. Ils me faisaient remonter aussi des problèmes qu’ils remarquaient concernant l’hygiène ou la sécurité.
26Enfin, je rencontrais aussi les syndicats, un peu embryonnaires au départ ; je pense qu’ils étaient en contact avec leurs homologues de Bezons.
27Nous avions des problèmes communs, lors de changement de poste demandé par un ouvrier, d’inaptitude à certains travaux ou également, de problèmes non liés au travail.
28Je pense qu’au début ils se méfiaient de moi : « le médecin du travail ne pouvait qu’être au service du patron », puis peu à peu nos relations se sont normalisées, l’un ou l’autre venait fréquemment discuter à l’infirmerie. Nous réglions pas mal de petits problèmes.
29Nous participions aussi ensemble avec la hiérarchie concernée, aux comités d’hygiène et de sécurité trimestriels au cours desquels étaient étudiés les accidents de travail de la période et tous les problèmes importants de sécurité.
30On dit que ce fut une grève de femmes, mais je n’ai rencontré que des délégués hommes à cette période et d’ailleurs aussi par la suite. Je ne me souviens que d’une ou deux femmes déléguées. Ce devait être après la grève.
31Tous les ans je lisais au CHS le compte rendu annuel de mon activité : compte rendu chiffré mais aussi, j’y notais ce qui allait et ce qui n’allait pas, et donnais mon opinion personnelle.
32Je pense que c’était utile à tous.
33Lors de mes visites dans les ateliers, j’étais scrutée avec curiosité ; le fait que le médecin soit une femme surprenait mais dans l’ensemble l’accueil était plutôt sympathique.
34J’eus à expliquer souvent au personnel que mon rôle était préventif, que je n’étais pas là pour remplacer leur médecin traitant, sauf urgence. En cas de dépistage d’une affection médicale, je prenais contact avec leur médecin pour la prise en charge.
35En cas de suspicion de maladies professionnelles, c’est à Rennes que je les adressais, à la consultation dédiée du centre hospitalier. Son avis évitait les difficultés en cas de contestation.
Un regard original sur le monde salarié
36Comme je l’ai déjà dit, mes premiers mois furent surtout occupés par des visites d’embauche.
37Beaucoup des postulants venaient de la campagne alentour. Ces ruraux étaient parfois très jeunes, à la fin de la scolarité obligatoire. Les filles étaient destinées à la vérification, les postes sur machine nécessitaient la majorité légale.
38L’autre partie des postulants était plutôt citadine, habitant pour une bonne part « le Plateau » voisin, quartier des HLM. Ces filles et ces femmes étaient plus délurées, plus à l’aise. Certaines avaient déjà travaillé en entreprise, chez Chaffoteaux-et-Maury, l’autre usine importante de la ville de Saint-Brieuc, ou aux « Pinceaux Raphaël » et n’étaient nullement dépaysées.
39Ce que je retiens de ces embauches, c’est qu’il y avait un important turnover, en particulier chez les ruraux qui avaient plus de mal à s’adapter. Je les revois arrivant à plusieurs en voiture, ils faisaient du ramassage dans les bourgs alentour : du covoiturage, en somme. Les deux roues, vélos ou solex étaient nombreux aussi. Il n’y avait pas à cette époque de transports en commun.
40Les ruraux et d’autres supportaient assez mal le confinement, le bruit, la chaleur… que de disputes au sujet de l’ouverture des aérations, trop chaud… trop froid… manque d’air… courants d’air. Cela alimentait les querelles d’ateliers. Il y avait aussi des gens pas très motivés, qui se présentaient à l’embauche « pour voir » et qui ne revenaient plus au bout d’un ou de quelques jours.
41Même chez les ruraux, je n’ai jamais rencontré de problème linguistique. Tous parlaient français, pour certains en plus du breton. À l’hôpital, mon mari avait parfois besoin d’un interprète, mais ce ne fut pas mon cas.
42L’alcoolisme était présent, mais je parlerai plutôt de « buveurs habituels ». Je n’ai pas vu souvent de cas d’ivresse avérée. Une certaine imprégnation, pourrait-on dire, faisait parfois partie du profil type de ces travailleurs fournissant de gros efforts dans une atmosphère chaude et sèche ; hormis le fait que l’alcoolisme était proscrit à l’embauche à cause du risque des machines, les suspects savaient que le renvoi serait immédiat s’ils se présentaient au travail dans cet état. Comme il faisait chaud dans certains ateliers, des points d’eau étaient répartis, les boissons alcoolisées étaient interdites sur le lieu de travail.
43Si j’ai dépisté chez quelques femmes des signes d’alcoolisme, c’est à l’extérieur que ça se passait, de toutes façons elles niaient toujours, signe typique de l’alcoolisme féminin.
44À ce sujet, j’eus à me pencher sur une demande des syndicats : la fourniture de lait aux ouvriers de « l’Adiant » qui manipulaient des solvants, comme « contre-poison » supposé. Comme je n’étais pas d’accord sur cette demande inutile et scientifiquement dangereuse, les matières grasses du lait facilitant l’absorption des solvants toxiques, je reçus l’aide inattendue et massive des ouvriers en question dont ce n’était pas la boisson habituelle…
45Un des problèmes récurrents fut celui du travail en équipes postées : si le travail en 2 × 8 ne posait en général pas de problème, le travail en 3 × 8 devint vite un sujet épineux, le changement continu du rythme de vie et surtout du sommeil était très perturbant et par certains, mal supporté avec demandes de changement de poste. La solution fut trouvée par un compromis : on institua un travail permanent de nuit (22 heures/6 heures du matin) effectué par des volontaires et les autres firent les 2 × 8. Par la suite on n’entendit plus parler du problème. Quand je voyais annuellement ces ouvriers de nuit pour leur examen systématique, ils étaient satisfaits de leur sort et ne voulaient surtout pas changer de rythme, celui-là leur permettant, après le repos nécessaire, d’assumer d’autres tâches, cultiver leur jardin ou autre… par exemple, et ils appréciaient l’ambiance nocturne, plus calme, plus détendue, dans une usine aux trois quarts vide.
La montée des revendications
46Les premières années, je n’entendis pas trop de contestations, sauf, bien sûr, sur les salaires.
47Les vérificatrices étaient en majorité jeunes, célibataires. Elles avaient les préoccupations de leur âge : les garçons, les sorties, ne pas grossir… ce sont les conversations que me rapportaient les infirmières qui discutaient fréquemment avec elles.
48C’est surtout après Mai 68 qu’il y eut un petit raidissement, des mouvements de mauvaise humeur : un petit incident, banal, me fit penser après réflexion que l’ambiance changeait.
49Si à l’époque les TMS (troubles musculo-squelettiques) n’étaient pas reconnus, les dorsalgies dues à la station assise permanente dans des attitudes vicieuses, étaient la plainte la plus fréquente chez les vérificatrices.
50Je m’en ouvris à la Direction et on mit à ma disposition un mécanicien qui devait m’aider à adapter à chacune personnellement, son siège réglable selon les critères ergonomiques.
51À notre arrivée dans l’atelier, les visages étaient fermés ce qui n’était pas leur habitude. Nous fîmes notre travail de réglage, assorti de conseils personnalisés, mais dès le lendemain, elles avaient toutes remis leur siège dans sa position antérieure… et repris les positions défectueuses. Je réalisai alors qu’elles considéraient cela comme une atteinte à leur liberté, imposée par le patron. Ce n’était qu’un détail, mais il y en eut d’autres, dans différents secteurs. De toute façon, les moyens de protection imposés étaient souvent mal acceptés car un peu gênants ; je pense aux bouchons d’oreilles, aux gants…
52À la pause, il y avait plus souvent des conciliabules dans les couloirs. Moi, à la place qui était la mienne, je voyais souvent des femmes angoissées par les bruits qui couraient, craignant la violence et les répercussions sur leur travail, et d’autres, sûres de leur bon droit qui expliquaient qu’il fallait se mobiliser pour obtenir de meilleurs salaires, comme à Bezons : les nouvelles voyageaient vite d’un hall à l’autre.
53Je pense qu’à tous les niveaux au cours des mois qui passaient, on était conscient que la situation se durcissait. Il y avait sans doute des négociations en cours, mais je n’y participais pas, les revendications soulevées, surtout économiques, n’étaient pas dans mon domaine de compétence. Les cadres et la Direction gardaient des airs impassibles et ne communiquaient pas. Personne ne voulait sans doute céder. L’ambiance était anxiogène, mais le travail continuait. J’appris que des querelles éclataient, les gens discutaient, s’énervaient et se suspectaient, certains en vinrent aux voies de fait : graffitis sur les maisons, pneus crevés… Mais nous ne savions pas ce qui se passait à l’arrière plan entre les Directeurs et les Syndicats.
54Et puis, un matin de 1972, en arrivant, je trouvai les grilles fermées ; devant, beaucoup de monde du personnel. Les délégués syndicalistes de l’usine, que je connaissais bien, me dirent leur détermination et il était évident que la grève pouvait durer. Je ne pensais pas à ce moment là que cela serait deux mois ! Le piquet de grève me laissa passer avec l’infirmière, nous pensions devoir assurer les soins éventuels en cas de besoin, mais les syndicalistes me dirent qu’ils avaient leur propre service de sécurité.
55Je suis venue ainsi trois ou quatre jours dans une usine vide. J’avoue que je craignais un peu pour mes dossiers médicaux (mais rien ne fut touché). Puis un matin, lorsque je me présentai à l’entrée, les syndicalistes de la maison n’étaient plus là ; ils étaient remplacés par d’autres, inconnus, qui, assez brutalement nous interdirent l’entrée.
56Nous partîmes et la situation persistant, nous n’avons plus tenté un retour.
57J’ai donc suivi ensuite les évènements dans les journaux comme tout le monde. Personne ne m’a contactée, je ne faisais pas partie du dispositif de négociations. Je suivais de loin les différents épisodes, les manifestations. J’étais assez anxieuse, je connaissais si bien les difficultés de certains ouvriers que je devinais sans peine leurs problèmes financiers ! Je me demandais comment ils tenaient le coup. Mais ils recevaient des aides, de la solidarité locale mais aussi régionale.
58Je pense que les Bretons comprenaient la frustration des locaux qui avaient l’impression d’être moins bien considérés que d’autres Français quant au salaire, mais on en n’imaginait pas le retentissement national à ce moment-là.
59N’ayant jamais été politisée et étant toujours restée dans la réserve due à mes fonctions, je ne ferai pas de commentaires sur le ressenti des uns et des autres vis-à-vis de la grève. Quand, au bout de deux longs mois, le conflit a pris fin, et que j’ai repris mes fonctions, je m’attendais à une atmosphère plus joyeuse en raison des résultats, mais ce n’était pas évident. Le personnel dans son ensemble était las, pressé de reprendre une vie normale. Et surtout, l’ambiance était toujours morne, tendue entre grévistes et non grévistes et il y eut, parait-il, des règlements de comptes.
L’après 1972
60Je ne me souviens pas exactement de la date du changement de direction ni de l’ordre chronologique des améliorations, mais peu à peu des nouveautés firent sentir que la vie sociale de l’entreprise existait à travers le CE de façon plus visible : réunions de fin d’année, fête des mères, voyages organisés, jobs d’été pour les enfants du personnel.
61Sur le plan syndical il y eut un… ou des permanents (?). Je me souviens qu’il y eut dans leurs rangs un prêtre ouvrier. Dans les mois ou les années qui ont suivi, la question d’un restaurant d’entreprise fut réglée : des locaux aménagés, un contrat avec une entreprise de restauration collective pris. J’y faisais des visites régulières ainsi que l’inspection du travail.
62Les risques les plus graves, solvants, amiante, disparurent tant pour des raisons techniques que sanitaires. La lutte contre les accidents du travail se fit plus visible ; plus tard, il y eut même un affichage très visible à l’entrée de l’usine du décompte des accidents pour viser le zéro accident.
63On put aussi organiser chez les vérificatrices des moments de détente : pauses gymnastique pour les volontaires. La manutention s’améliora. L’embauche de l’assistante sociale doit aussi dater de ces années. Pour ma part, j’ai demandé et obtenu du matériel que je souhaitais pour améliorer mes investigations.
64Je ne sais pas si la Direction locale avait acquis davantage d’autonomie, mais je pense que c’était le cas, bien que dans la pratique courante, chacun ait conservé ses positions. Il est certain qu’à partir de 1973, on savait que la situation était défavorable pour l’activité de l’usine et l’ombre du chômage commençait à planer. C’était un sujet très angoissant et tout le personnel, d’après ce que j’entendais, en était conscient, pour lui et pour l’avenir de ses enfants.
65Mais ceci est une autre période et la vie au Joint français n’a jamais été « un long fleuve tranquille ».
Notes de bas de page
1Mon père, monsieur Jacques Pouliquen, a été ingénieur en chef des P&C de 1954 à 1970 dans les Côtes-du-Nord. Il venait du Finistère où il était auparavant ingénieur en chef adjoint » (précision du 6 oct. 2021).
Auteur
Joint français (Saint-Brieuc).
Marie-Antoinette Pointeau est ancienne médecin du travail à l’usine du Joint français (Saint-Brieuc).

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