Chapitre IV. Holisme, christianisme et tradition
p. 237-310
Texte intégral
1Le vaste paysage du holisme médical des années d’entre-deux-guerres peut également être perçu comme constitué d’une quatrième composante majeure, le holisme médical « officiel », qui se caractérise par les positions occupées par ses membres au sein des institutions académiques et dans la vie intellectuelle médicale de l’époque. Bien sûr, les frontières de cette classification sont poreuses et n’excluent pas pour autant certains médecins naturistes, homéopathes ou réflexothérapeutes. Les principales figures de la Société de médecine naturiste de Marseille, par exemple, qu’il s’agisse des docteurs Beltrami, Casabianca ou Poucel, peuvent également être rattachées au holisme médical officiel, tout comme certains médecins proches de L’Homœopathie moderne, ainsi de Charles Mondain et de Marcel Martiny, directeur de La Vie médicale à la fin des années trente. Même Jules Regnault, figure respectée du milieu médical varois, pourrait, par certains égards, s’y voir associé. De plus, l’essor du holisme médical officiel va de pair avec celui des médecines précédemment évoquées, au point qu’ils se confondent parfois, comme l’illustre le cas de la médecine dite néo-hippocratique. George Weisz, nous l’avons évoqué, a proposé de distinguer le holisme pragmatique du holisme doctrinaire Selon lui :
« Les holistes pragmatiques se considéraient comme partie prenante de la science médicale conventionnelle. Ils étudiaient ou traitaient des problèmes spécifiques de manière systémique et contextuelle, soit parce que c’était la manière traditionnelle de faire les choses, soit parce que cela semblait être la meilleure façon de traiter certains problèmes. Les holistes doctrinaires ou idéologiques, en revanche, rejetaient les valeurs médicales supposées dominantes au nom d’une perspective holistique totale qui était censée revitaliser et même révolutionner la médecine. Dans cette version, le holisme est devenu la meilleure voire la seule façon d’étudier le corps et de pratiquer la médecine1. »
2Néanmoins, il note qu’un rapprochement entre pragmatiques et doctrinaires s’opère à partir de 1925, à tel point que, durant les années trente, « le holisme idéologique s’est largement répandu dans la médecine conventionnelle2 ». Selon Weisz, le holisme idéologique des années vingt est principalement représenté par les médecins naturistes et homéopathes, mais aussi par le vitalisme isolé du Dr Albert Vilar (1884-1936) et l’humanisme médical chrétien du Dr René Biot (1889-1966) et de ses confrères lyonnais. Le holisme médical est alors loin de former un courant majoritaire au sein de la médecine de l’époque, mais son influence s’agrandit autour de la redéfinition de la notion de terrain chez les holistes pragmatiques, notion qui passe d’un concept opérationnel à une véritable doctrine. Weisz s’attache ainsi à détailler cet essor et à l’analyser dans son contexte historique, celui d’une médecine et d’une société française en crise, réclamant plus d’humanité face à l’avancement des technologies.
3Les travaux de Weisz constituent une référence incontournable dans nos recherches et en particulier pour le présent chapitre, mais si sa distinction entre holistes pragmatiques et doctrinaires se montre utile pour séparer le naturisme médical de la physiothérapie, ce que nous comprenons par holisme médical officiel ne se confond pas avec ce qu’il nomme holisme pragmatique. La première partie de ce chapitre explore bien ce qu’il entend par holisme pragmatique, mais la seconde évoque les médecins catholiques, qu’il considère comme doctrinaires, et aborde une problématique centrale dans nos recherches : celle des relations entre holisme médical, christianisme et courants ésotériques. Enfin, il sera question du développement du mouvement néo-hippocratique, principale force du holisme médical à la fin des années trente et point de rencontre entre pragmatiques et doctrinaires, notamment en raison de leur promotion commune d’une médecine synthétique riche, depuis l’initié Hippocrate, d’une longue tradition.
Du holisme au sein des spécialités
4Dans ses articles sur le holisme médical français, Weisz ne s’attarde pas sur le « holisme pragmatique » du début des années vingt. Il évoque son développement dans les domaines de l’endocrinologie, de la physiologie du système nerveux central et de l’immunologie, « qui ont tous encouragé des orientations systémiques et ont déplacé l’attention des agents causaux de la maladie vers les réponses de l’organisme à ces agents3 ». La diffusion des thérapies naturelles, particulièrement dans les sanatoriums et les stations balnéaires et thermales, est également soulignée, mais l’auteur en reste là puisqu’il ne s’agit pas du sujet central de son enquête. Comme Delphine Benoit ne manque pas de le remarquer, il faut dire en plus que « la période qui va de la fin de la Première Guerre mondiale au début de la Seconde Guerre mondiale est une période relativement délaissée par les historiens de la médecine française4 ». Si Weisz et quelques autres font figure d’exception, beaucoup reste à faire, et la nature des échanges tenus à cette période entre les divers domaines médicaux mentionnés demande encore à être étudiée plus en détail. Sans pouvoir prétendre à être exhaustif sur la question, nous souhaitons aborder ici certaines de ces spécialités médicales, censées accueillir en leur sein des perspectives holistes pragmatiques.
Endocrines et sympathique
5L’endocrinologie et la physiologie du système nerveux figurent parmi les champs de recherche médicaux évoqués par Weisz. Ils méritent une attention particulière pour notre propos. L’endocrinologie est une science jeune : l’action physiologique et pathologique des glandes endocrines ne s’est révélée aux médecins que sur le tard. Si le terme en lui-même n’apparaît qu’en 1912, à l’initiative du médecin italien Nicolas Pende (1880-1970), l’endocrinologie aurait pour date fondatrice l’année 1855 et les travaux de Claude Bernard sur la fonction glycogénique du foie. L’éminent scientifique y développe l’idée de sécrétions internes transmises directement par un organe dans le sang, ainsi du glucose par le foie. Cette idée s’ajoute aux concepts de milieu intérieur et de régulation, « fondateurs en endocrinologie » selon l’historienne Christiane Sinding (1945-2008)5. Le sang et les liquides intracellulaires forment ce milieu intérieur « dans lequel vit l’individu tout entier et qui contient toutes les substances qui doivent le nourrir6 ». Ce milieu rend solidaires les différentes parties de l’organisme, tout en étant soumis à des régulations, comme l’illustre la fonction glycogénique du foie. Il faut toutefois attendre plusieurs décennies pour que l’étude de l’endocrinologie ne connaisse un nouveau bond par l’intermédiaire de Charles-Édouard Brown-Séquard (1817-1894), successeur de Bernard à la chaire de médecine expérimentale du Collège de France.
6La série de conférences qu’il prononce devant la Société de biologie en 1889 contribue d’abord au développement de l’organothérapie. En affirmant avoir observé sur son propre organisme un véritablement rajeunissement intellectuel et physique consécutif à l’injection sous-cutanée d’extraits testiculaires animaux, Brown-Séquard donne naissance à une mode thérapeutique controversée mais qui amènera certains résultats, notamment dans le cas d’insuffisance thyroïdienne grâce aux injections d’extraits thyroïdiens pratiquées par le Dr George Redmayne Murray (1865-1939)7. Surtout, il développe quelques années plus tard une théorie de la fonction des sécrétions internes, qui contient en germe les principes de l’endocrinologie. Arguant que de nombreux organes agissent sur d’autres organes par le biais de produits solubles spéciaux, il affirme :
« Ces produits solubles spéciaux pénètrent dans le sang et viennent influencer, par l’intermédiaire de ce liquide, les autres cellules des éléments anatomiques de l’organisme. Il en résulte que les différentes cellules de l’économie sont ainsi rendues solidaires les unes des autres et par un mécanisme autre que par des actions du système nerveux8. »
7Sur cette base, un vaste programme de recherche se met alors en place et conduira, entre autres découvertes, à l’isolation de l’insuline à partir d’extraits pancréatiques et à son administration aux malades atteints de diabète sucré par des médecins canadiens à partir de 19229. La Revue française d’endocrinologie est lancée l’année suivante et marque l’émergence de cette discipline au sein de la médecine française.
8La lecture des numéros publiés jusqu’aux débuts de la Seconde Guerre mondiale se révèle néanmoins décevante pour l’historien à la recherche d’un holisme médical clairement exprimé. Point de déclarations fracassantes sur la place à accorder au malade et son organisme dans ces colonnes, mais une succession d’études ou de comptes rendus bibliographiques sur les différentes recherches cliniques et expérimentales menées concernant l’action physiologique, pathologique et thérapeutique des glandes endocrines. Plusieurs médecins que l’on retrouve dans d’autres domaines du holisme médical se distinguent néanmoins dans cette discipline, au nombre desquels les Dr Rémy Collin (1880-1957), Léopold Lévi (1868-1933), René Biot et Maxime Laignel-Lavastine. Tous contribuent, avec plusieurs autres confrères, à l’essor de l’endocrinologie durant les années d’entre-deux-guerres, qui se caractérise, entre autres avancements, par la création d’une chaire de « Morphologie expérimentale et Endocrinologie » au Collège de France en 1938 et par la fondation de la Société d’endocrinologie un an plus tard10. Cet essor n’est cependant pas isolé, et il s’accompagne d’études nouvelles sur le système nerveux, qui rend lui aussi solidaires les différentes cellules de l’organisme humain.
9La Revue neurologique témoigne de cette proximité. À l’instar de la Revue française d’endocrinologie, elle ne s’aventure pas dans le domaine de la philosophie médicale. Fondée en 1893 par deux disciples de Charcot, les Dr Édouard Brissaud (1852-1909) et Pierre Marie (1853-1940), elle bénéficie de la création de la Société de neurologie de Paris en 1899, dont elle devient l’organe officiel, ce qui fait d’elle la revue française de référence pour les études concernant le système nerveux11. Du fait de cette prééminence, et après avoir parcouru un siècle de publications à l’occasion du centenaire de la Revue neurologique, d’importants contributeurs de la revue s’autorisent ainsi à affirmer, en 1993, qu’en ce qui concerne les années d’entre-deux-guerres : « L’endocrinologie était étroitement liée à la neurologie12. » Ce lien est d’ailleurs si fort qu’il pousse Gustave Roussy (1874-1948), pionnier de la lutte contre le cancer et membre de la Société de neurologie, à publier au sortir de la Seconde Guerre mondiale un Traité de neuro-endocrinologie (1946) dans lequel il fonde les bases de cette discipline nouvelle13. La formalisation de cette union ne sort certes pas de nulle part, car dans la connaissance du système nerveux comme dans celle des glandes endocrines, les grands physiologistes du xixe siècle que sont Bernard et Brown-Séquard ont encore joué leur rôle. La rencontre entre neurologie et endocrinologie doit néanmoins beaucoup au développement plus spécifique des études sur le système nerveux dit sympathique, mis en valeur par certains réflexothérapeutes.
10Le terme semble apparaître pour la première fois dans Exposition anatomique de la structure du corps humain (1732) de Jacques-Bénigne Winslow (1669-1760), qui évoque à cette occasion le « petit nerf sympathique », le « nerf sympathique moyen » et le « nerf sympathique universel » pour désigner différents nerfs du corps humain assurant des interactions mutuelles entre les organes, des « sympathies » selon le vocabulaire de son temps. Cependant, il faut attendre le tournant du xxe siècle pour que l’étude du système nerveux sympathique connaisse son plein essor. S’appuyant entre autres sur les travaux de Walter Holbrook Gaskell (1847-1914) concernant les nerfs viscéraux14, le médecin anglais John Newport Langley (1852-1925) introduit une division, toujours acceptée de nos jours, au sein de ce qu’il nomme le « système nerveux autonome », entre le système sympathique, le système parasympathique et la partie entérique. L’attention est ainsi portée sur cette partie du système nerveux, « autonome » car elle semble échapper au contrôle de la conscience humaine, que les médecins français de l’époque ont tendance à englober sous le terme de système nerveux sympathique. En France, le Dr Laignel-Lavastine se distingue par ses travaux sur la question qui touchent également à l’endocrinologie15. Dans son sillage, les rapports du sympathique et des glandes endocrines en pathologie sont notamment mis à l’étude du XVIIe Congrès français de médecine de 1923. À cette occasion, les Dr Maurice Perrin (1875-1956) et Alfred Hanns (1882-1966) citent notamment Laignel-Lavastine quand celui-ci affirme :
« Tantôt le sympathique agit sur les sécrétions internes, tantôt les sécrétions internes agissent sur le sympathique, tantôt sympathique et sécrétions internes se remplacent comme facteurs de coordination ; dans certains cas, la coordination humorale remplace la coordination nerveuse qui lui est équivalente16. »
11Le chirurgien René Leriche (1879-1955), qui jouit d’une renommée mondiale, témoigne également de cette proximité en s’imposant comme le spécialiste de la chirurgie du sympathique, qui vise à « domestiquer » les régulations nerveuses organiques par la diminution ou la suppression de sécrétions glandulaires particulières consécutive à certaines sections nerveuses17. Tous ces travaux collaborent à une meilleure appréciation du rôle joué par l’organisme dans le développement et la résorption des maladies. Ils constituent à ce titre un bon terreau pour le holisme médical en dirigeant l’attention des praticiens sur le corps humain. Cette attention est également portée par l’étude des particularités propres à chaque individu, objet de la morphologie humaine et de la biotypologie.
Morphologie humaine et biotypologie
12Le Dr Claude Sigaud (1862-1921) joue un rôle fondateur dans la constitution d’une école française de morphologie humaine. En clinicien, Sigaud s’intéresse d’abord à la fonction digestive, à laquelle il attribue une importance pathologique fondamentale, puis en vient à développer une doctrine médicale dans laquelle la maladie est tout entière liée à un déséquilibre entre l’organisme et son milieu. Dans la perspective du médecin lyonnais, l’homme « se constitue et doit se constituer suivant le milieu où il vit18 ». Il emprunte et restitue à ce milieu suivant un « double mouvement de circulus moléculaire », d’entrée et de sortie, qui se traduit de la sorte :
« nos poumons empruntent à l’atmosphère extérieure son oxygène et lui restituent l’acide carbonique qui résulte de nos combustions ; notre tube digestif emprunte à la terre ses produits végétaux et animaux et lui restitue les résidus de notre élaboration fonctionnelle ; notre système musculaire emprunte au monde physique les formes de sa cinétique, qu’il transforme en sensations internes, et les restitue en mouvements particuliers qui modifient cette cinétique ; notre cerveau enfin emprunte au milieu social des images auditives et visuelles qu’il transforme en idées et les restitue en directions imprimées à toute la variété des éléments qui composent ce milieu social19 ».
13Sigaud résume par-là les quatre grandes fonctions – respiratoire, digestive, musculaire et cérébrale – constitutives des échanges entretenus par l’organisme humain avec son milieu, qu’il soit atmosphérique, alimentaire, physique ou social. Elles correspondent respectivement aux quatre grands systèmes anatomiques de l’organisme humain groupés autour du noyau central, le système cardio-rénal. Il s’agit du système broncho-pulmonaire, du système gastro-intestinal et ses glandes annexes, du système musculo-articulaire et son vêtement cutané, et du système cérébro-spinal et ses émanations périphériques20.
14De plus, Sigaud émet l’idée que suivant le milieu dans lequel il se développe et évolue, l’individu voit l’un ou l’autre de ces systèmes prendre le pas sur les autres, ce qui influe sur sa morphologie globale. Il en résulte une différenciation des individus en types morphologiques : le type respiratoire, le type digestif, le type musculaire et le type cérébral (fig. 22). Le type respiratoire, caractéristique du montagnard, se distinguerait ainsi par son thorax imposant, tandis que le cérébral, l’intellectuel, serait doté d’une énorme tête. Ces quatre morphologies illustrent chacune un équilibre fonctionnel entre un organisme sain et son milieu. Néanmoins, un changement d’environnement peut entraîner un déséquilibre, un défaut d’adaptation, qui se caractérise par un état d’hyperexcitabilité, une réaction exagérée de l’organisme par rapport à l’action du milieu, ou d’hypoexcitabilité, c’est-à-dire une réaction qui au contraire se trouve diminuée. De ces déséquilibres peuvent résulter des types pathologiques, soit respectivement les types plat et bossué, ou bien les types rond et cubique. Charge alors au médecin morphologiste de soigner son patient en le réaccordant à son milieu de référence par une hygiène alimentaire, respiratoire, musculaire ou cérébrale adaptée.
Fig. 22. – Jacquin J. et Chatellier L., Un novateur, Claude Sigaud et la morphologie humaine, Paris, Gojard, 1923, p. 63-66.

Les proportions des quatre types morphologiques distingués par Sigaud apparaissent clairement dans cet ouvrage publié par deux de ses disciples.
15On le voit, cette doctrine possède des affinités avec le naturisme médical, d’autant plus qu’elle rejette les médicaments et s’accompagne d’un holisme marqué affirmant la « synergie absolue entre toutes les fonctions de l’organisme » et l’interdépendance des forces musculaires et morales21. Cependant, même si Sigaud est un médecin ne possédant ni service hospitalier, ni laboratoire, et qu’il se félicite d’évoluer « hors du domaine classique22 », la réception de son œuvre nous permet de le classer dans le champ du holisme médical « officiel », à la différence de la typologie homéopathique d’un Vannier.
16Sigaud parvient tout d’abord à fidéliser un nombre restreint mais fervent de disciples. Le Dr Léon Vincent (1860-1926), son plus proche collaborateur, figure au premier rang, mais c’est surtout le groupe parisien, emmené par les Dr Auguste Chaillou (1866-1915) et Léon Mac-Auliffe (1876-1935), qui assure la diffusion de la doctrine. Fait surprenant, Chaillou dirige les services antirabiques de l’Institut Pasteur. Il appuie l’installation en 1912 d’un Laboratoire morphologique et biologique de l’armée dont la direction est confiée au Dr Alfred Thooris (1876-1956), initié à la morphologie sigaudienne depuis 1911. Le décès de Chaillou durant la Grande Guerre l’empêche de diffuser davantage la méthode de Sigaud, mais Mac-Auliffe, avec qui il avait publié une Morphologie médicale (1912), parvient à assurer le relais. À la mort de Sigaud, il fonde en 1921 une Société de morphologie humaine qui bénéficie de l’appui de la société « l’Assistance familiale » dans laquelle Chaillou tenait un rôle important avant-guerre. Cette dernière change même de nom pour devenir la Société d’étude des formes humaines et se diviser en deux sections : l’Assistance familiale et la Société de morphologie humaine. Cette assise assure à cette dernière un succès spontané. Un dispensaire de médecine morphologique dirigé par les Dr Paul Chailley-Bert (1890-1973), Mac-Auliffe et Thooris accueille 1 560 malades dès la première année, tandis que 200 membres rejoignent la Société de morphologie humaine23. En 1923, la Société d’étude des formes humaines change ses statuts et écarte l’Assistance familiale dont les activités étaient à l’arrêt, absorbées par celles de la Société de morphologie. Elle se donne alors pour but :
« l’étude de la forme humaine dans son identité, son orientation, et d’en déterminer les apports soit avec son milieu immédiat, soit avec les autres formes humaines. Elle se propose de définir et fixer les principes de la morphologie humaine, base de la physiologie et de la psychologie, par des conférences, des travaux de laboratoire, des observations cliniques, et, en général, par tous moyens mis à sa disposition24 ».
17À ce titre, un Bulletin paraît jusqu’en 1932 dans lequel des conférences et des traductions sont publiées qui dépassent le simple cadre des travaux de Claude Sigaud pour aborder d’autres recherches liées à la morphologie, à l’hérédité et aux races. Les proximités sont également fortes avec le mouvement en faveur des sports et de l’éducation physique.
18À la fin de l’année 1923, le Dr Chailley-Bert, secrétaire général adjoint de la Société, se distingue en étant nommé chargé de cours de physiologie appliquée à l’éducation physique à la faculté de médecine de Paris. De 1928 à 1963, avec un détour durant la guerre par la chaire de physiologie de l’université de Nancy, il dirige l’Institut régional d’éducation physique de l’université de Paris dans lequel sont formés les futurs enseignants d’éducation physique25. Si Thooris et Mac-Auliffe suivent une carrière universitaire moins prestigieuse, ce dernier, qui préface lui aussi un ouvrage de chiroscopie de Mangin-Balthazard26, est tout de même le directeur adjoint du laboratoire de psychologie pathologique de l’École pratique des hautes études dirigé par le Dr Auguste Marie (1865-1934), lui-même président de la Société d’étude des formes humaines et médecin en chef de l’Asile clinique Saint-Anne. Thooris, quant à lui, est le médecin-chef de l’Hôpital militaire Villemin27. En octobre 1921, il est nommé à la tête de la commission scientifique de la Fédération française d’athlétisme, à laquelle participe également Mac-Auliffe28. Il dirige à ce titre un laboratoire au sein de l’institut Marey dans lequel les études morphologiques sont à l’honneur29. Par la suite, à partir des années trente, il déplace son Institut de morphologie au sein de l’Institut prophylactique d’Arthur Vernes (1879-1976)30. La figure de l’auteur de La Médecine morphologique (1937), qui se réclame également de Raoul Baron (1852-1908), Frédéric Houssay (1860-1920) et Ivan Pavlov (1849-1936), mérite que l’on s’y attarde, car Thooris se montre à la fois un fervent défenseur de l’hébertisme depuis sa rencontre avec Georges Hébert à l’occasion du Congrès international d’éducation physique de 191331, intéressé par la réflexothérapie et le yoga32, mais aussi proche du mouvement homéopathique, puisqu’il donne un cours de morphologie au sein du programme d’enseignement homéopathique de l’hôpital Léopold-Bellan33. Or, l’intérêt des homéopathes pour la morphologie, à laquelle un numéro spécial de L’Homœopathie moderne est consacré en mai 1934, se combine, sous la houlette de Marcel Martiny, avec un intérêt marqué pour une discipline connexe de la morphologie humaine : la biotypologie de l’école italienne, dont le Dr Nicola Pende se trouve être le chef de file.
19Cette école italienne semble avoir pour origine la fin du xixe siècle et les travaux du Dr Achille de Giovanni (1838-1916), professeur à l’université de Padoue. Comme l’école française, elle se distingue par l’importance qu’elle accorde à la clinique et au caractère individuel, particulier à l’organisme, de la maladie. Toutefois, tandis que Sigaud distingue quatre types morphologiques, de Giovanni n’en distingue que trois : un type normal et deux déviations, que le Dr Giacinto Viola (1870-1943) nomme par la suite le type bréviligne, plutôt gros et court, et le type longiligne, plutôt grand et fin. Viola développe en effet cette typologie en affirmant, sur des bases statistiques, que la forme humaine évolue selon deux directions antithétiques : un développement de la masse du corps ou de sa morphologie, le premier entraînant un accroissement du tronc au dépens des membres (mégalosplanchnie) et le second une extension des membres aux dépens du tronc (microsplanchnie). Un nouveau virage est pris, en 1912, avec les recherches endocrinologiques de Nicola Pende, l’assistant de Viola.
20Pende explique cette évolution bidirectionnelle par les tendances anaboliques (de conservation d’énergie) ou cataboliques (de dépense d’énergie) de l’organisme. Ces tendances seraient conditionnées par la prédominance de certaines glandes endocrines par rapport à d’autres. La glande thyroïde ayant par exemple tendance à stimuler le catabolisme, tandis que le pancréas ou le cortex surrénal encourage l’anabolisme. Le type longiligne se trouve ainsi expliqué par une tendance au catabolisme sans doute liée à un hyperthyroïdisme constitutionnel, tandis que le type bréviligne et son anabolisme peuvent être reliés à une insuffisance thyroïdienne ; la thyroïde n’étant au demeurant qu’un facteur ajustant parmi d’autres. Après l’aspect morphologique et l’aspect endocrinien, Pende aborde également l’aspect psychologique, qu’il lie au développement du système nerveux autonome. Il affirme devoir « envisager le rôle important que les recherches modernes assignent aux deux sections du système nerveux végétatif, la section parasympathique et la section sympathique, dans notre vie somatique et psychique34 ». Selon lui, le parasympathique favoriserait l’anabolisme et donnerait satisfaction à l’instinct de conservation tandis que le sympathique favoriserait le catabolisme et l’instinct de lutte. Il lui paraît également « légitime de supposer que l’organisme pourvu d’abondantes réserves nutritives et satisfait dans son instinct sexuel, réalise l’euphorie, la bonne humeur et le besoin de répandre au-dehors, de reverser autour de soi l’excès des réserves d’énergie dont il est riche », tandis que celui qui souffre d’une « dépense exagérée d’énergie dans la lutte avec l’entourage, nous offre habituellement l’exemple d’une humeur déprimée, la tendance au pessimisme35 ». De plus, l’auteur évoque l’influence des glandes endocrines sur les réactions psychiques et distingue le tachypsychique, caractérisé par la rapidité de ces réactions, et le bradypsychique, plus lent.
21L’individu se trouve ainsi considéré selon trois aspects qu’il s’agit d’étudier afin d’avoir une connaissance complète de l’individu, de son biotype, « c’est-à-dire l’ensemble des valeurs fonctionnelles et des valeurs psychologiques36 ». Ce biotype global se trouve être une combinaison des 32 différents sous-types, composés de quatre sous-types par tendance dans chacun de ces trois aspects. En effet, l’anabolique n’est pas toujours bradypsychique, car ces trois aspects constituent une pyramide à la base de laquelle se trouve une quatrième face, un quatrième aspect constitué par l’hérédité individuelle et plus ou moins influencé par le milieu. L’hérédité joue de fait un rôle plus déterminant que le milieu dans cette perspective, ce qui vient la distinguer de l’école française mais la rapproche de l’école allemande et des travaux du Dr Ernst Kretschmer (1888-1964). Ces écoles se rejoignent toutefois dans l’intérêt médical qu’elles accordent à cette connaissance précise de l’individu, qui permettrait au médecin d’anticiper les maladies auxquelles son patient pourrait être sujet compte tenu de son profil et d’adapter ses recommandations en fonction.
22Pour conclure sur l’école italienne, il faut encore mentionner ses affinités avec le Parti national fasciste italien avec lequel elle partage un même désir de réformer l’homme et la société, en l’orientant selon les prédispositions de chacun37. Ces proximités idéologiques se retrouvent également en France, puisque Marcel Martiny, principal disciple français de Pende et de sa biotypologie38, se montre actif, nous l’avons dit, dans la revue fascisante Plans de Philippe Lamour (1903-1992), une revue dans laquelle se retrouve également Thooris39. Aussi intéressant qu’il soit, cet aspect-là de la question biotypologique, à l’image de la dimension politique du holisme médical et de son rapport à l’eugénisme, déborde toutefois le cadre de cette étude. Il nous semble préférable de nous recentrer ici sur la réception de cette approche dans les milieux médicaux français.
23Le Bulletin de la Société d’étude des formes humaines se fait bien entendu le relais des travaux italiens comme des divers travaux internationaux concernant la médecine « constitutionnelle ». Pende comme Viola figurent parmi les membres de la Société et leurs travaux sont traduits dans les colonnes de son Bulletin. Une certaine distance est toutefois maintenue, compte tenu des différences théoriques séparant les deux écoles, notamment en ce qui concerne la place réservée au milieu entourant l’individu. De plus franches affinités sont entretenues avec la Société de biotypologie, qui reprend le néologisme de Pende, bien que les écoles françaises et allemandes soient également mises à l’honneur. Fondée le 8 juillet 1932, la Société de biotypologie se donne pour mission « d’établir les bases d’examens biotypologiques, d’étudier les corrélations entre les caractères biologiques, pathologiques et psychologiques et d’encourager les efforts d’applications pratiques dans les diverses branches de l’activité humaine40 ». D’importants médecins figurent parmi ses membres fondateurs. Si Mac-Auliffe est bien présent, de nombreux professeurs de faculté le sont également, ainsi des Dr Alphonse Baudoin (1876-1957), Christian Champy (1885-1962), Antonin Gosset (1872-1944), André Latarjet (1877-1947) et Charles Richet fils (1882-1966). La présidence est tout aussi prestigieuse puisqu’elle est assurée par Charles Achard (1860-1944), le secrétaire général de l’Académie de médecine, tandis que le psychiatre Édouard Toulouse (1865-1947) occupe la vice-présidence avec le psychologue Henri Wallon (1879-1962). Le couple Martiny figure parmi les premiers membres et introduit de nombreux confrères liés aux milieux homéopathiques, ainsi des Dr Balland, Barishac, Morlaas et Subileau. Toutefois, le contenu de la revue traite peu de médecine et plus de psychologie, de criminologie ou d’orientation professionnelle, soit les autres applications de la biotypologie recommandées par Pende. Il reste que la revue participe à la diffusion de la biotypologie, qui vient lier ensemble les études physiologiques endocrino-sympathiques et les études psychologiques, qui constituent, là encore, un terreau fertile au développement du holisme médical.
Psychothérapie et physiothérapie
24Il serait vain d’entamer ici une histoire de la psychologie française durant l’entre-deux-guerres41, ou de discuter l’état de la psychiatrie à la même époque42. De même, les relations entre psychanalyse, holisme médical et courants ésotériques, illustrées par la personne de René Allendy qui vient à elle seule unir ces trois milieux, mériteraient une étude entière43. Le vaste champ des recherches menées sur le fonctionnement de l’activité mentale contient toutefois au moins un domaine, plus restreint, sur lequel il est possible de se pencher : il s’agit là de la psychothérapie, telle qu’elle est diffusée à l’École de psychologie du Dr Edgar Bérillon. La postérité de Bérillon a été logiquement desservie par son idéologie raciste, illustrée par son texte sur La Bromidrose fétide de la race allemande (1915) et son rejet du métissage. Sa Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, déjà mentionnée au moment d’évoquer Pierre Vachet et la culture humaine, n’en constitue pas moins un médium de choix dans la diffusion d’un holisme médical plus ou moins « officiel ».
25Bérillon s’inscrit dans la lignée de ces médecins intéressés par l’hypnose thérapeutique à la fin du xixe siècle et dont la figure la plus célèbre est celle de Jean-Martin Charcot. Il obtient d’ailleurs le soutien du chef de file de l’École de la Salpêtrière lors du lancement, en 1886, de sa Revue de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique. Disciple de Victor Dumontpallier (1826-1899), chef de service à la Pitié, Bérillon joue un rôle majeur dans la diffusion de l’hypnose médicale. En plus de la publication de sa revue, il donne en effet, dès 1888 et durant 18 ans, un cours théorique sur l’hypnotisme à l’École pratique de la faculté de médecine de Paris. Cette année-là, il ouvre également une clinique de psychothérapie qui devient l’Institut psycho-physiologique, puis l’École de psychologie en 1900. Malgré cet enseignement, Bérillon n’est pas à proprement parler un représentant de la médecine académique, et ce d’autant moins durant les années d’entre-deux-guerres où la pratique de l’hypnose n’intéresse presque plus les médecins44. Nonobstant, ses activités reçoivent le soutien d’importantes personnalités médicales jusque dans les années trente. Il faut dire que Bérillon élargit assez vite ses intérêts au-delà de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique, au sujet duquel il organise deux congrès internationaux en 1889 et 1900, pour englober le champ plus large de la psychologie appliquée ; ce qui se traduit, dès 1889, par la fondation de la Société d’hypnologie et de psychothérapie45, puis, en 1910, par le changement du titre de sa revue.
26En 1922, la Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée se donne pour but « d’établir les bases d’une éducation positive du caractère et d’une thérapeutique psychique des maladies de l’instinct, du jugement, de l’intelligence et de la volonté46 ». À la suite du Dr Pierre Janet (1859-1947), le grand médecin-psychologue du Collège de France, elle ne comprend pas les maladies mentales comme des maladies lésionnelles et indépendantes, mais comme des « manifestations particulières de toutes les autres maladies de l’organisme, d’une expression de l’affaiblissement et de toutes les perturbations de son évolution vitale47 ». La revue met en valeur les influences psychiques qui peuvent s’exercer sur les fonctions de l’organisme, puisque c’est bien là la base de la psychothérapie, qui entend être employée dans le cadre des maladies mentales mais également dans celui des maladies organiques ; les deux étant liées dans cette perspective. En 1938, Bérillon définit en effet la psychothérapie comme « l’ensemble des moyens psychiques et physiques qui permettent, en agissant sur l’esprit du malade, d’exercer une action thérapeutique48 ». La revue ne méconnaît pas non plus l’influence du milieu puisqu’elle lui reconnaît un rôle dans le terrain constitutionnel49, dont Bérillon déplore l’omission dans les traités cliniques contemporains50. De plus, la création d’un milieu favorable à l’action psychothérapique directe par l’hypnose, ou aux diverses rééducations psychologiques (du sommeil, de la sensibilité, de la mémoire, de la volonté, etc.) et pédagogiques (rééducation du caractère, correction des habitudes vicieuses) constitue la première phase de la psychothérapie51. En ce sens, et pour toutes ces raisons, la Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée relève du holisme médical, ce qui se confirme à la vue des différents collaborateurs qui prennent part à sa rédaction.
27Comme nous l’avons évoqué, Pierre Vachet et Marcel Viard, les deux médecins proches de Louis Gastin puis de « Vivre », deviennent les principaux acteurs du mouvement initié par le vieillissant Edgar Bérillon. Vachet était entré en contact avec Bérillon dès le début des années vingt, mais c’est à partir de 1928 qu’il se distingue comme le continuateur de son œuvre. Il donne des consultations au dispensaire annexe de l’École de psychologie et des cours dans cette dernière, tout en assurant, dès 1929, la rédaction en chef de la revue. Hygiène mentale et hygiène physique font alors bon ménage, tandis que la réflexothérapie est également mise à l’honneur. Regnault et Leprince participent en effet aux activités de la Société et publient dans sa revue. Le premier mentionne les travaux d’Abrams52, alors que le second évoque ceux de Bonnier et Asuero53. Vachet lui-même se fait le fervent promoteur de la réflexothérapie, et sous son action, des consultations gratuites de réflexothérapie, associée à la psychothérapie, sont menées chaque mardi à la clinique de psychothérapie par le Dr Georges Schoengrun54. Une dispute semble néanmoins l’opposer à Bérillon au cours de l’année 1934, puisque son nom disparaît de la revue et du mouvement, mais le relais avait auparavant pu être transmis à Marcel Viard, qui devient professeur à l’École de psychologie, puis secrétaire général de la revue et secrétaire adjoint de la Société en 193255, avant d’être nommé rédacteur en chef de la revue et secrétaire général de la Société en 1934. Il donne également à cette date des consultations de psychothérapie et de réflexothérapie, ainsi que des cours sur les applications de l’autosuggestion. Viard et Vachet ne sont en outre pas les seuls médecins à donner une teinte naturiste au mouvement de Bérillon, qui était d’ailleurs déjà sensible à la question en 1922 comme en témoigne l’article de Monteuuis sur l’« insuffisance alimentaire chez les nerveux », puisque le Dr Louis Chauvois (1881-1972), collaborateur de Vivre et d’Hygie, est nommé professeur à l’École de psychologie à l’été 1932.
28Le mouvement de Bérillon est particulièrement intéressant pour notre propos, car il associe psychothérapie, naturisme médical et réflexothérapie dans un cadre où évoluent de nombreux médecins exerçant des responsabilités académiques et dans lequel s’exprime un fort intérêt pour les recherches psychiques. Charles Richet, Prix Nobel de médecine en 1913 et cofondateur de l’Institut métapsychique international en 1919, dont les travaux sur la métapsychique et les réflexes psychiques constituent selon Bérillon « les éléments fondamentaux de la psychologie appliquée », illustrait déjà cette proximité entre holisme médical officiel et recherches psychiques56. Il soutient d’ailleurs les activités de Bérillon, puisqu’il préside la réunion annuelle de la Société de psychothérapie en 1926, publie des articles dans la revue et figure parmi les présidents d’honneur du IIIe Congrès international de psychothérapie, d’hypnologie et de psychologie appliquée organisé en septembre 1931. Il n’est cependant pas la seule sommité à présider les réunions annuelles de la Société : Pierre Janet préside la réunion annuelle de la Société en 1921, ainsi que son quarantenaire en 1929. Il patronne également les cours de l’École de psychologie en 1929 et 1937, ainsi que le IVe Congrès de psychothérapie de 1937, s’affirmant là encore comme le partisan convaincu de l’hypnose thérapeutique et de la psychothérapie57.
29Si Janet n’a jamais été élu à l’Académie de médecine, des membres de la prestigieuse institution, suivant en cela l’exemple de Victor Dumontpallier et d’Albert Robin, regardent eux aussi d’un œil favorable les travaux menés par la Société de psychothérapie, comme en témoignent les diverses présidences d’honneur qu’ils exercent lors des réunions annuelles de la Société ou lors des séances de réouverture de l’École de psychologie. Parmi eux, Gabriel Petit (1870-1945), Gustave Roussy, Henri Martel (1870-1957), Marcel Labbé (1870-1939) et Maxime Laignel-Lavastine, mais aussi Paul Carnot (1869-1957), professeur de thérapeutique à la faculté de Paris, qui affirme, en 1925 :
« Les études sur l’hypnotisme et la suggestion ont rendu plus évident le retentissement que les influences psychiques pouvaient exercer sur toutes les fonctions de l’organisme.
Votre Société, non seulement en enregistrant les observations, mais aussi en les soumettant au contrôle scientifique, joue un rôle des plus utiles. Elle incite les médecins à tenir un compte de plus en plus grand des rapports du moral avec le physique58. »
30En parallèle, les recherches psychiques les plus variées sont à l’honneur dans les colonnes de la revue, perpétuant de ce fait les relations entre le champ de la psychologie et celui de la métapsychique alors même que celles-ci sont de plus en plus tumultueuses59. Cette proximité n’a d’ailleurs pas manqué d’interroger Marcel Boll (1886-1971), l’un des fondateurs de l’Union rationaliste. Ce dernier la dénonce fermement dans L’Occultisme devant la science (1944), en regrettant que « Laignel-Lavastine, qui enseigne l’histoire de la médecine à la faculté de Paris, n’a pas craint de présider à l’ouverture des cours », alors que « le docteur Thooris traite de la psychologie par la main ; le docteur C. Streletski de la psychologie par l’écriture ; Lucie Bérillon, de l’éveil des facultés latentes ; Gilbert de Chambertrand de la cosmopsychologie, etc.60 ».
31En effet, outre un intérêt marqué pour la graphologie dont le Dr Pierre Ménard (1880-1952)61, proche du mouvement « Vivre », est le principal promoteur, les collaborateurs de la revue se montrent, à l’image de La Côte d’Azur Médicale et de la Revue métapsychique, très intéressés par la question des radiations humaines. Cette question leur semble constituer un champ de recherche délicat mais néanmoins abordable, susceptible d’expliquer l’action hypnotique. En 1929, l’École de psychologie organise ainsi une série d’expériences concernant le magnétiseur lyonnais Joanny Gaillard qui n’aboutit sur aucune conclusion, la revue se contentant d’affirmer son attitude, qui est celle des membres de l’Institut métapsychique international : « Nous ne sommes ni des croyants, ni des sceptiques systématiques. En face de ce problème, comme en face de tous les autres, nous restons des chercheurs avides de toutes les vérités démontrées62. »
32Il n’est alors pas surprenant de constater que certains membres de la Société de psychothérapie se montrent en parallèle très actifs dans le champ des recherches psychiques, ainsi de René Warcollier, de Louis Favre (1868-1938 ?)63, et du Dr Eugène Osty. Ce dernier signe un article dans lequel il rappelle les origines communes de la psychothérapie et de la métapsychique, c’est-à-dire l’intérêt pour l’hypnose, et où il affirme : « Viendra un moment où la direction métapsychique de la recherche rejoindra la psychothérapie, lui apportant le renfort considérable de l’utilisation d’un plan du psychisme autre que le subconscient classique64. » Jules Bois (1868-1943), un ancien occultiste reconverti dans les recherches psychiques65, vient également lier ce domaine à celui de la psychothérapie, car ce professeur à l’École de psychologie est chargé de diffuser les travaux de l’école aux États-Unis66.
33Sur le thème des radiations humaines, la revue accueille en outre les contributions de Georges de Dubor (1848-1931), l’auteur des Mystères de l’hypnose (1920), un ouvrage dédié à Hector Durville. Cet auteur se donne le titre de docteur dans un article où il présente le traitement magnétique, qu’il pratique67, comme « un adjuvant, un aide précieux de la médecin ordinaire » dont l’union avec celle-ci « sera un bienfait pour l’humanité souffrante68 ». Cet intérêt pour le magnétisme semble se conjuguer avec celui qui concerne l’hypnotisme, comme en témoigne Foveau de Courmelles, lui aussi actif dans le mouvement de Bérillon, quand il déclare : « Qu’on appelle la science du sommeil provoqué, plus ou moins complet, l’hypnotisme, magnétisme, suggestions, psychothérapie, c’est en somme toujours la même chose à des degrés divers69. » Sans surprise, un intérêt marqué pour la radiesthésie se mêle également à ces considérations70.
34Le Dr Camille Savoire (1869-1951), franc-maçon réputé, et Jacqueline Chantereine, disciple du radiesthésiste Henri Mager (1859-?) – promoteur de la « radio-physique » et proche des Durville –, sont les auteurs d’un ouvrage intitulé Ondes et radiations humaines (1933). Ils participent tous deux à une réunion de la Société de psychothérapie qui se déroule sous la présidence d’honneur du professeur Arsène d’Arsonval et qui aborde le thème des radiations humaines71. Un article de leur plume, publié quelques temps auparavant dans la Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, incitait déjà leurs lecteurs à l’étude de la « radio-physique » et affirmait : « L’existence au voisinage de l’être humain d’un élément fluidique plus ou moins dense, entourant tout ou partie du corps ou émanant d’une de ses parties a été soupçonnée, entrevue et même affirmée depuis la plus haute antiquité72. » Cette citation, qui témoigne d’une adhésion au récit de l’ancienne sagesse, rejoint ce qu’ils déclaraient déjà dans la préface de leur ouvrage, où l’un confie avoir « parfois fait appel aux lumières intuitives, aux méthodes initiatiques et aux connaissances renfermées dans les ouvrages qui nous sont venus de l’Extrême-Orient », tandis que l’autre rend « hommage à la mémoire de ceux qui furent nos grands devanciers, les Alchimistes et les Rose-Croix73 ».
35Pour conclure cette présentation de l’école de Bérillon, deux points méritent encore d’être soulignés. D’une part, cet intérêt pour les radiations humaines se retrouve également à la Société de pathologie comparée, cofondée par Bérillon en 1901 et patronnée par les mêmes sommités du monde médical. Entre de nombreux travaux classiques publiés par des médecins et des vétérinaires, la Revue de pathologie comparée, organe de la Société, se distingue par l’accueil qu’elle fait aux articles de Regnault et Foveau de Courmelles. Surtout, en juillet 1935, elle rend compte de la séance dédiée à la question des radiations. Parmi les communications reproduites, se retrouvent celle que Samuel Abravanel Aysoy (1885-1959), professeur à la faculté vétérinaire d’Ankara, consacre à l’influence des rayons médicamenteux et métalliques sur les plantes, celle de Camille Savoire sur les applications de la radiesthésie et de la radiophysique à la physiologie, au diagnostic et à la thérapeutique, et celle de Louis Favre à propos du rayonnement humain74. Par la suite, plusieurs articles de Gabriel du Puy-Sanières (1894-1965) sont également très intéressants pour notre propos. Le titre de l’exposé qu’il publie, en juillet 1937, sur « Les phénomènes électriques dans l’organisme humain, d’après la doctrine secrète et selon la science d’aujourd’hui » est en effet explicite. À cette occasion, l’auteur explique en quoi les travaux actuels sur les radiations humaines correspondent à ce qui est « connu et enseigné sous le manteau depuis un nombre respectable de siècles par certaines associations mystiques », citant notamment des occultistes comme Papus, Sédir, ou Stanislas de Guaita75.
36D’autre part, il ne faudrait pas croire que les professeurs prestigieux qui accordent leur patronage à la Société de psychothérapie, ou à la Société de pathologie comparée, soient unanimement convaincus par les diverses hypothèses énoncées par certains de leurs membres, mais un intérêt reste perceptible, comme en témoigne cette remarque du Dr Gabriel Petit, professeur d’anatomie pathologique à l’École vétérinaire d’Alfort :
« J’ignore si les opinions de MM. Artault de Vevey et Bérillon, relatives à l’émission par les êtres vivants de radiations susceptibles d’influencer plus ou moins profondément d’autres organismes, si leurs hypothèses sont entièrement justifiées ; au regard exactement de ce que les physiciens dénomment radioactivité, si elles s’accordent avec les notions qui nous sont, à cet égard, familières ? Je suis, quant à moi, convaincu de la radioactivité qui s’élabore dans ces minuscules et mystérieux laboratoires, siège de tant de réactions merveilleuses, que nos cellules représentent76. »
37La psychothérapie de Bérillon combine différents traitements physiothérapiques, qu’il s’agisse d’hygiène alimentaire ou d’hygiène physique, mais elle se distingue du naturisme médical, car ses perspectives, comme celles des revues physiothérapiques, ne débordent pas du champ strictement médical. Weisz, pour sa part, considère le développement des thérapies « naturelles » et de l’hydrothérapie comme un aspect du holisme médical pragmatique des années vingt. Le dépouillement très sommaire des revues physiothérapiques de l’époque nous confine pourtant sur un terrain technique qui laisse peu de place au développement de théories explicitement holistes sur le corps humain, la maladie et son traitement. Le survol de La Presse thermale et climatique, la plus importante revue d’hydrologie de l’époque, et celui du Bulletin de la Société française de physiothérapie, qui inclut la kinésithérapie, l’hydrothérapie, l’héliothérapie, l’électrothérapie, la radiologie, la radiumthérapie, l’éducation physique et la diététique, confirme cet état de fait ; et la même remarque peut être faite à propos de la Revue d’actinologie et de physiothérapie77. Son contenu est une succession d’observations cliniques sur les applications de telle ou telle thérapeutique, qui ne semblent pas prendre en compte une quelconque dimension holiste, si ce n’est dans le cadre de la radiologie fonctionnelle qui est dite réveiller les réactions de l’organisme en agissant sur le sympathique et les glandes endocrines78.
38La revue Physis du Dr James-Edward Ruffier (1875-1965), centrée sur la kinésithérapie et l’éducation physique à son lancement en 1919, pourrait faire figure d’exception. Initialement financée par l’industrie pharmaceutique, elle s’en écarte en 1936 pour développer les principes d’une médication naturelle aux perspectives holistes qu’elle entend néanmoins distinguer du naturisme médical, sans que cette distinction ne soit très nette79. Son évolution semble liée à l’influence grandissante de ce que Weisz appelle le holisme idéologique, qui se développe effectivement sur le terreau de ce qu’il nomme le holisme pragmatique, bien que ce terreau ne semble pas le plus fertile dans le cadre de la physiothérapie. Cet holisme pragmatique se retrouve plus nettement entre les limites des travaux sur l’endocrinologie et le sympathique, et la frontière est mince avec le holisme idéologique dans le cas de la morphologie, de la biotypologie et de la psychothérapie. Concernant le holisme idéologique, justement, Weisz en perçoit un aspect dans ce qu’il nomme l’humanisme médical chrétien, aspect qu’il s’agit désormais d’aborder, d’autant plus que son étude nécessite de dissiper quelques zones d’ombre concernant les relations entre christianisme et courants ésotériques.
Holisme, christianisme et ésotérisme
39Dans l’article qu’elle consacre au courant holiste ayant marqué la médecine française des années 1930 aux années 1960, Isabelle von Bueltzingsloewen relève la forte implication des médecins catholiques dans ce mouvement uni par une même critique de la médecine de laboratoire, jugée réductionniste et incapable de prendre en compte la complexité de l’organisme humain80. Selon elle, ces médecins catholiques auraient « donné une inflexion particulière à la médecine holiste que l’on ne retrouve pas, ou moins nettement, dans les pays à dominante protestante », en mettant l’accent « sur la déshumanisation qui menace la médecine, une médecine matérialiste qui, cédant au vertige de la technique, ne place plus l’homme dans son intégrité (corporelle mais aussi spirituelle) au centre de ses préoccupations81 ». Parmi ces médecins, l’historienne relève les noms de René Biot et Pierre Delore (1896-1960), et elle regrette qu’aucune enquête approfondie ne leur ait été consacrée. Cette remarque rejoint celle exprimée par Émile Poulat (1920-2014) dans l’article qu’il rédige sur le Dr Paul Carton :
« Comme le Docteur René Biot ou le Docteur Alexis Carrel, chacun à leur manière, le Docteur Paul Carton était un de ces médecins catholiques qui ne se contentaient pas d’exercer leur art avec conscience et dévouement, mais qui puisaient dans leur foi chrétienne les raisons d’une critique devant la médecine officielle, jugée trop “naturaliste”, sinon même “matérialiste” et les principes d’une recherche fondée sur une conception intégrale de l’homme. Il nous manque une étude d’ensemble, comparative, sur ces médecins, qui n’ont jamais formé une école, ni même une association, mais qui étaient mus par une même préoccupation (partagée par des médecins protestants)82. »
40Une différence oppose toutefois les deux historiens. Von Bueltzingsloewen n’interroge pas la présence des courants ésotériques, tandis que Poulat, qui inclut les médecins protestants dans sa remarque, consacre son article aux rapports de la doctrine cartonienne avec l’occultisme et va même jusqu’à se demander : « La science occulte cartonienne, est-ce une récupération catholique et une rectification doctrinale d’une tradition hermétiste qui a toujours suivi sa voie propre, ou une réaction orthodoxe contre une déviation tardive – moderne, dix-neuviémiste – de cette même tradition83 ? » Cette interrogation est posée dans une perspective qui n’est pas la nôtre, car nous ne considérons pas qu’il existe « une » tradition hermétiste orthodoxe et d’éventuelles déviations. Elle a toutefois le mérite d’aborder un point qu’il convient d’éclaircir avant d’évoquer cet humanisme médical chrétien tel qu’il a pu être jalonné par Weisz, von Bueltzingsloewen et d’autres, et qui constitue effectivement un aspect important du holisme médical de l’entre-deux-guerres ; ce point, c’est celui des relations entre christianisme et courants ésotériques.
Ésotérisme et christianisme : une longue histoire, de brèves remarques
41Aborder le thème des relations entre christianisme et courants ésotériques revient à ouvrir la porte à une réflexion qui dépasse largement le cadre de notre étude. Au risque d’enfoncer cette porte ouverte, il convient de préciser, en amont d’un développement sur la médecine chrétienne, que conjuguer ésotérisme et christianisme ne constitue en rien la résolution d’une antinomie. Le premier va souvent de pair avec le second. Dans les premiers écrits d’Antoine Faivre, pionnier du champ de recherche, les courants ésotériques sont d’abord perçus comme des développements particuliers au sein de l’Occident chrétien, qui donnent à ce dernier certaines teintes et nuances spirituelles particulières. Les ésotéristes chrétiens dont il retrace le développement sont avant tout des chrétiens, bien que leurs spéculations ne soient certainement pas du goût de la papauté. Bien sûr, tous les ésotéristes ne sont pas chrétiens. En 1972, Faivre présentait déjà René Guénon comme celui qui restera peut-être « le plus grand penseur ésotérique du xxe siècle », bien qu’il « ne se rattache nullement au christianisme84 », lui qui était d’héritage catholique mais qui avait été initié au soufisme dès 1910. Dans le même article, Faivre remarque les concurrences d’influences que subit l’ésotérisme chrétien depuis le xixe siècle. L’orientalisme, le déclin de la foi, l’essor de la science et de l’athéisme viennent en effet réduire le nombre des ésotéristes chrétiens, mais n’altèrent pas, au contraire même, le dynamisme des courants ésotériques, qui ont alors tendance à remplacer les inévitables références chrétiennes par des concepts orientaux, antiques, ou encore d’autres modèles personnels. À l’inverse, ils sont nombreux au sein de ces courants à conserver une foi chrétienne, qu’ils agrémentent, par exemple, d’un intérêt pour le magnétisme, l’astrologie, ou encore par l’adhésion au récit de l’ancienne sagesse. En outre, les relations entre l’Église catholique et les courants ésotériques sont loin d’être inexistantes et ont fait l’objet de plusieurs travaux qui ont contribué à préciser l’imbrication de leurs rapports85. En somme, le fait qu’un médecin se prétende chrétien ou catholique n’exclut pas son adhésion aux courants ésotériques et encore moins son intérêt pour les thématiques privilégiées par ces courants. Il faut en outre considérer les évolutions que les vies spirituelles de chacun peuvent rencontrer. Dans un cas comme dans l’autre, l’exemple de Paul Carton, un médecin assurément catholique à la fin de sa vie mais jadis proche des courants ésotériques et dont la pensée est restée marquée par ces derniers, vient illustrer ce point de vue. À ce sujet, Jules Bois, un ancien occultiste, ne manquait pas de remarquer en son temps :
« Il est étrange de constater que si le spiritisme éloigne du catholicisme, l’occultisme y ramène, quoique par des chemins longs, difficiles et détournés. Le plus grand des occultistes modernes, j’ai nommé Éliphas Lévy [sic], dans ses derniers moments adhéra de toute son intelligence et en pleine liberté à l’Église dont il avait reçu les ordres mineurs et qu’il avait ensuite désertée. Son disciple, M. Stanislas de Guaita en a fait autant. Dans les douloureuses journées qui précédèrent sa mort, il fit appeler un prêtre et reçut les derniers sacrements. Un autre mage, Albert Jounet, s’est converti et Jules Doinel qui fut patriarche de l’Église gnostique, s’est éteint en bon chrétien, un chapelet entre les doigts86… »
42La référence au parcours d’Éliphas Lévi nous rappelle enfin que le fait même d’avoir reçu les ordres n’exclut pas l’appartenance aux courants ésotériques, comme les parcours des abbés Lacuria et Julio (de son vrai nom Ernest Houssay, 1844-1912) viennent également l’attester87.
43Ces proximités viennent complexifier notre travail autant qu’elles enrichissent la remarque de von Bueltzingsloewen concernant l’inflexion donnée par les médecins catholiques à la médecine holiste. Les médecins catholiques ne sont pas les seuls à accorder une place prépondérante à l’intégrité corporelle et spirituelle de l’homme. Les courants ésotériques, c’est bien là tout le cœur de notre propos, jouent également leur rôle dans cette influence. Il devient alors délicat de départager l’influence catholique de l’influence ésotérique dans les théorisations et les pratiques médicales qui nous concernent, d’autant plus qu’il est entendu que celles-ci peuvent se croiser et s’entremêler ; l’influence unique et directe, dans ce contexte comme dans un autre, tenant de la chimère plus que de la réalité historique. Cela étant dit, il nous reste à détailler cet aspect du holisme médical de l’époque représenté par la médecine catholique, sans omettre de souligner les éventuelles proximités entretenues avec les courants ésotériques.
La médecine catholique et le Groupe lyonnais d’études médicales, philosophiques et biologiques
44Les rapports entre l’Église catholique et les médecins français durant la période contemporaine ont déjà fait l’objet de plusieurs études. Dans Médecins, Église et foi, Pierre Guillaume évoque les évolutions de cette relation complexe, tandis qu’Hervé Guillemain poursuit ce travail dans Diriger la conscience, guérir les âmes en insistant sur le traitement des maladies psychiques88. Tous deux dépeignent la naissance d’une médecine catholique liée au projet d’une science catholique évoqué par Félicité Robert de Lamennais (1782-1854) dès les années 183089. Avec ce projet, comme le remarque Guillemain, « il s’agit de montrer le bon accord de la science et de la foi, en réaction à la science anti-chrétienne des Lumières90 ». En médecine, comme dans d’autres domaines, les savants catholiques sont invités à se mettre au service de l’Église face aux attaques anticléricales des années 1880. En France, cela se traduit par l’organisation des Conférences Laënnec, puis par la fondation de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien en 1884. La même année, le Bureau des constatations de Lourdes est créé afin de faire le tri entre les fausses et les authentiques guérisons miraculeuses. La question est toujours d’actualité, en 1932, quand le Dr Édouard Le Bec (1851-1941) déclare dans le Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien : « La démonstration de la réalité du miracle médical peut aider puissamment à faire accepter par nos confrères incrédules la grandeur sublime de nos croyances religieuses91. »
45Les médecins de la Société Saint-Luc sont particulièrement nombreux durant les années d’entre-deux-guerres : ils sont 1 500 en 1927, puis 2 810 à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, ce qui représente plus d’un médecin français sur douze92. Outre la question des miracles, les débats qui animent ce milieu, de manière similaire aux années d’avant-guerre, concernent principalement des questions de société entraînées par l’apparition de nouvelles techniques médicales et l’évolution des mœurs93. Quelle attitude adopter face aux techniques de fécondation artificielle ou devant l’avortement thérapeutique ? Tels sont les « dilemmes » déontologiques du médecin catholique auquel le Bulletin essaye de répondre, dans la direction que l’on devine. Il est aussi question de lutter contre l’immoralité publique, ce qui s’accompagne d’un mépris pour le nudisme et le mouvement en faveur du naturisme médical, malgré des positions communes.
46Comme l’affirme le Dr Charles Gimbert, si les amateurs d’essais naturistes « veulent laisser entendre que les soins du corps peuvent avoir une heureuse influence morale, nous n’y contredirons certes pas, tant au point de vue des exercices physiques que de l’hygiène corporelle de chaque jour94 ». L’union étroite de l’âme et du corps, leurs influences réciproques et l’égale prise en compte de l’une comme de l’autre dans le traitement, constitue en effet l’un des grands axes développés par les médecins catholiques du Bulletin. Les sports et les activités de plein air, centrées autour du mouvement scout, sont encouragés, mais l’hygiène doit être spirituelle avant d’être physique. Les effets de l’action morale sont reconnus dans le traitement des maladies95, mais plus encore, c’est l’observation d’une vie en accord avec la loi de Dieu et de l’Église, une vie en dehors du péché, qui préserve l’homme de la maladie.
47Un médecin au nom mal choisi, le Dr Sexe, affirme en effet : « Le péché capital est le fourrier zélé qui fournit le billet de logement au microbe et lui aplanit les voies96. » Il appuie alors son propos en citant Joseph de Maistre (1753-1821) dans Les Soirées de Saint-Pétersbourg, un penseur qui conjugue lui aussi catholicisme et ésotérisme – bien que ce ne soit pas du temps des Soirées97 : « S’il n’y avait point de mal moral sur la terre, il n’y aurait point de mal physique […]. » Pour Sexe : « Il nous faut façonner des âmes chrétiennes dont la force de résistance aux puissances du mal moral détourneront du même coup les sanctions physiques inévitables qui frappent les réfractaires aux lois divines et naturelles, émanées du même Auteur98. » Cette idée est également soutenue par le Dr Henri Bon (1885-1958), l’un des principaux animateurs de la Société de Saint-Luc, dans un discours délivré lors d’une assemblée générale. Il l’assimile à des théories relevant du holisme médical et qui mettent en lumière le rôle joué par le terrain et le milieu dans les maladies :
« Et voici que la bactériologie nous apprend les variations des races microbiennes dans leur morphologie et leurs propriétés ; nous savons que leurs virulences ne sont pas des qualités permanentes, mais susceptibles d’apparaître et de disparaître suivant toutes sortes de conditions. La science vient nous dire, il n’y a pas de microbe de la tuberculose, de la peste, du choléra, etc., il y a des microbes qui, dans certaines conditions de leur existence, dans certaines conditions de milieu, dans certaines conditions du corps humain peuvent donner lieu à des maladies appelées tuberculose, peste, choléra, etc. La science nous permet de concevoir un monde où les microbes n’étaient pas virulents, où toutes les créatures étaient saines, où il n’y avait en elles rien de contagieux ni de mortel, et où la maladie et la mort sont entrées par l’inobservation des règles données par Dieu à ses créatures99. »
48Le même Henri Bon se distinguera par la suite en publiant un volumineux Précis de médecine catholique (1935) qui en appelle, pour ce qui est de la physiologie, à un principe vital qui a pu recevoir les noms de forme vitale et d’âme100. Les médecins catholiques de l’entre-deux-guerres se rattachent par là à une forme de la tradition vitaliste de l’école de Montpellier, à laquelle l’Église a donné son soutien dans la lutte qui l’opposa au matérialisme médical parisien101, et qui, au xxe siècle, ne semble plus être soutenue avec vigueur que par le Dr Albert Vilar, plus proche quant à lui de L’Écho des sciences mystérieuses que de la Société de Saint-Luc102.
49Cette filiation se retrouve lors de l’inauguration, en 1929, du monument à la gloire du Dr Joseph Grasset (1849-1918), membre de la Société de Saint-Luc et de l’Académie de médecine, professeur de thérapeutique puis de pathologie générale à la faculté de Montpellier. Ce neurologue reconnu est alors dépeint comme l’homme qui ranima « la flamme du naturisme d’Hippocrate et du vitalisme de Barthez », lui qui n’avait jamais « perdu de vue que la médecine est l’art de guérir ; que la maladie, comme la vie, est une lutte ; que la nature, l’énergie vitale, pour ne pas dire encore le principe vital, sont les leviers des forces nécessaires103 ». Un ton similaire se retrouve dans l’ouvrage Humanisme et médecine (1936) du Dr Joseph Okinczyc (1879-1952). Ce professeur agrégé à la faculté de médecine de Paris, contributeur régulier au Bulletin et lecteur attentif de Jacques Maritain (1882-1973), y déclare notamment :
« C’est cette âme incarnée que le médecin trouve aux prises avec la maladie. C’est ainsi que la maladie prend dans chaque malade une réalité concrète, si différente parfois du type abstrait qui sert de guide au praticien, que force est bien de faire intervenir pour tout ordonner dans les modalités, les variations et les conséquences, l’individualité des corps, mais aussi l’action personnelle des âmes. Si la maladie atteint le corps, l’âme n’est pas indifférente à cette atteinte104. »
50Le holisme des médecins catholiques ne fait aucun doute, mais ces derniers se gardent bien d’afficher dans leur Bulletin une quelconque attirance pour les autres aspects du holisme médical de l’époque, qu’il s’agisse de naturisme, de réflexothérapie ou d’homéopathie. De l’homéopathie ou de la réflexothérapie il n’en est d’ailleurs tout simplement pas question, à notre connaissance, dans les colonnes du Bulletin, tandis que le naturisme médical, nous l’avons vu, n’est pas préconisé malgré d’évidentes proximités. Les influences païennes de « la religion nouvelle du nudisme » sont notamment dénigrées en ce qu’elles oublient le « vieil enseignement qu’il existe une concupiscence de la chair et une concupiscence des yeux105 ».
51Un dénigrement similaire se retrouve dans leurs perceptions des divers courants ésotériques. Un article est notamment consacré à une critique en règle de la Société théosophique par le Père Léonce de Grandmaison (1868-1927)106, suivant en cela la condamnation de ladite Société par décret du Saint-Office en 1919107. Le traitement réservé aux occultistes n’est pas meilleur dans une conférence faite sur « La sorcellerie et les sciences maudites devant les temps modernes108 ». À l’instar des miracles, cependant, les médecins catholiques font preuve d’un intérêt marqué pour le vaste domaine des études psychiques. Henri Bon consacre notamment une large partie de son Précis aux phénomènes psycho-physiques, ainsi des facultés de télépathie, de télesthésie ou de radiesthésie dont il reconnaît volontiers l’existence. Il accorde à la métapsychique un rôle utile dans l’étude de ces capacités, car « en jetant la clarté sur maints faits mal connus, mal classés, troublants, elle diminue le champ d’action des esprits mauvais, dissipe les superstitions et nous fait mieux connaître l’œuvre de Dieu109 ». Cette attitude positive n’est toutefois pas partagée par tous. Le Dr Robert Rendu, organisateur d’une expérience non-concluante sur les capacités de détection des sourciers110, se montre très critique de la radiesthésie sur les plans scientifiques et moraux et s’indigne qu’« une bonne partie de la presse lue par les catholiques semble avoir actuellement partie liée avec la radiesthésie en raison du fait que beaucoup d’ecclésiastiques la pratiquent111 ». De son côté, le Dr Roger Proust a tendance à voir dans ces facultés spéciales, dont la réalité n’est pas discutée dans certains cas, l’œuvre du diable112. D’une manière générale, l’intérêt pour ces phénomènes demeure cependant la règle, suivant en cela une habitude déjà ancrée dans les milieux catholiques depuis le xixe siècle. Outre les travaux de Grasset113, évoquons à ce propos la Société des sciences psychiques fondée en 1895 par le chanoine Fernand Brettes (1837-1923), ou les publications déjà mentionnées de la Revue du monde invisible dirigée par Élie Méric, prêtre de l’Oratoire et professeur de théologie en Sorbonne.
52Un autre médecin actif dans la Société de Saint-Luc et son Bulletin, le docteur René Biot, mérite le détour au regard de ses nombreuses publications. Un ouvrage collectif entier, fruit d’un colloque organisé en 1989, a pu être consacré à ce personnage, son œuvre et ses relations114. Outre son intérêt pour les recherches psychiques et la question des phénomènes surnaturels115, Biot est à l’origine de la création, en 1924, de la section médicale et biologique du Secrétariat social fondé par Marius Gonin (1873-1937)116 ; l’un de ces organismes issus du catholicisme social, ce vaste mouvement cherchant à orienter la société selon les principes chrétiens117. Le Groupe lyonnais d’études médicales, philosophiques et biologiques fonctionne alors comme un groupe de réflexion unissant médecins, philosophes, théologiens et autres intellectuels. Il cherche dans un premier temps à définir le champ d’extension de la médecine, qu’il élargit à tout ce qui touche de près ou de loin la santé de l’homme. Ce domaine n’est donc pas mince, surtout au regard de la conception de l’homme que se font les membres du groupe, celle d’un être vivant compris comme un tout, dont « aucun de ses détails anatomiques ou physiologiques ne peut être compris que s’il est intégré dans le tout118 ». De même, « ses fonctions et ses formes corporelles ne seront pleinement intelligibles que si on ne néglige pas leur liaison avec l’esprit », sans oublier les relations qu’il entretient avec son milieu auquel il est « tellement associé119 ». Cet holisme médical pleinement affirmé se retrouve dans les ouvrages écrits par Biot au sujet de sa conception de la médecine humaine120, et se développe également à l’occasion de discussions thématiques annuelles publiées par le Groupe lyonnais à partir de 1931.
53Le premier volume concerne la question de la sexualité et inclut les rapports présentés au groupe durant l’hiver 1928-1929, qui ont pu être imprimés grâce à l’aide d’Auguste Lumière (1862-1954). Il faut dire que le co-inventeur du cinématographe participe également au mouvement en faveur du holisme médical. Bien qu’il ne soit pas médecin, il développe dès les années vingt la « théorie colloïdale » et se présente comme le rénovateur de la médecine humorale. Cette théorie se résume ainsi : « L’état colloïdal conditionne la vie ; la destruction de cet état, c’est-à-dire la floculation, détermine la maladie et la mort121. » À partir de ses recherches en laboratoire, Lumière pense avoir trouvé la cause humorale des maladies dans la destruction de l’état colloïdal de certains matériaux plasmatiques et la formation de substances solides dans les liquides humoraux de l’organisme. Cette floculation peut être causée par des chocs émotifs qui se traduisent ensuite, par son biais, en troubles fonctionnels. Ses travaux mettent ainsi l’accent sur la notion de terrain et intéressent les autres tenants du holisme médical, mais la reconnaissance officielle de ses théories lui sera toujours refusée, malgré son statut de membre correspondant de l’Académie de médecine. Ce rejet l’enfonce dans un rôle de « génie incompris » qui le pousse à soutenir d’autres théories allant dans son sens, ainsi des travaux de Leprince sur les radiations humaines auxquels il accorde une préface122. Auguste Lumière n’est cependant pas le seul acteur de ce milieu à collaborer avec le Groupe lyonnais.
54Léon Mac-Auliffe participe au deuxième volume édité par le groupe, sur le thème de l’hérédité et des races ; par la suite, dans le troisième volume intitulé Formes, vie et pensée (1934), une partie entière est consacrée à la morphologie humaine. Cette partie se compose d’articles écrits par les Dr Léonie Jacquin-Chatellier (1895-1936), Alfred Thooris et Louis Corman (1901-1995). Ce dernier développe à cette occasion les prémices de sa morphopsychologie, qui concerne l’étude des rapports entre les formes du visage et les traits du caractère et qui connaît une belle postérité après-guerre. La même année, le groupe publie son quatrième volume sur Les Rythmes et la vie, lequel comporte une étude de l’homéopathe Henry Duprat sur les influx cosmiques, ainsi qu’une autre de Laignel-Lavastine sur « l’activité nerveuse sympathique et endocrine au point de vue des rythmes individuels ». Ce dernier conclut d’ailleurs son propos en affirmant que dans le cas d’endocrino-névrose « les procédés homéopathiques sont à même, à côté de nos procédés classiques, de rendre de grands services123 ». Les rapports sont également nombreux avec l’endocrinologie du fait des intérêts particuliers du Dr Biot, qui fonde en 1935 l’Institut lyonnais d’endocrinologie et de psychologie afin d’avoir une meilleure connaissance du rôle des facteurs endocriniens dans la psychologie humaine124. Rémy Collin, par ailleurs auteur d’ouvrages de philosophie spiritualiste125, évoque ainsi la question des glandes endocrines dans le volume consacré aux formes126. Enfin, Alexis Carrel est un autre acteur notable du holisme médical à entretenir des liens rapprochés avec René Biot, avec qui il partage la même foi chrétienne revendiquée.
Alexis Carrel et quelques autres
55La relation entre les deux hommes a déjà pu être étudiée par Alain Drouard, biographe de Carrel127. Attiré en premier lieu par la biologie expérimentale, Biot devient, en 1915, le collaborateur de Carrel à l’ambulance-laboratoire du Rond-Royal, alors que ce dernier avait obtenu le prix Nobel de médecine trois années auparavant pour ses travaux sur la suture vasculaire et la transplantation de cellules sanguines et d’organes. C’est le début d’une relation qui s’étendra, de même que leur correspondance, sur plusieurs décennies. Au-delà de certaines divergences, tous deux partagent une même critique de la spécialisation et du matérialisme dominant la médecine de leur temps, critique liée à un holisme médical qui refuse de séparer la matière et l’esprit, le physique et le moral.
56L’ouvrage le plus fameux d’Alexis Carrel demeure sans conteste L’Homme, cet inconnu. Publié en 1935, en même temps que sa version américaine Man the Unknown – Carrel ayant construit sa carrière aux États-Unis, il est parfaitement bilingue –, l’ouvrage suscite un fort intérêt dans les milieux du holisme médical, bien qu’homéopathes et naturistes ne manquent pas de faire remarquer qu’ils tiennent un discours similaire depuis de nombreuses années. Son contenu est difficile à résumer en une phrase, mais retenons que Carrel y appelle à régénérer la société par une science moins aveugle et plus sensible à toutes les dimensions, notamment spirituelles, qui composent l’homme et la vie. Victime d’un grand succès – 204 600 exemplaires de sa version française sont vendus en 1939 – et acclamé par la critique, L’Homme, cet inconnu résonne avec son temps, mais l’ouvrage traîne une odeur particulièrement aigre depuis les années 1990 et la (re)mise en lumière des positions défendues par Carrel en faveur de « l’eugénisme négatif » à la suite de sa récupération politique par Jean-Marie Le Pen ; des enjeux mémoriels qui ont déjà été traités en profondeur et avec finesse128.
57Pour notre propos, il s’agit surtout de relever que Carrel connaît une véritable crise spirituelle au tournant du siècle qui le voit écrire dans son journal intime, peu de temps avant la soutenance de sa thèse sur Le Goître cancéreux en 1900 : « Si Dieu voulait de moi, entièrement, je me précipiterais vers Lui, et sans mesure, je me consacrerais entièrement à Son service, parce qu’Il est le seul Maitre vraiment grand, le seul qui soit digne d’un dévouement absolu, parce qu’Il est le Beau, le Vrai, l’Absolu129. » Cette ardente foi chrétienne, renforcée par son voyage à Lourdes et une guérison à laquelle il assiste, ne le quittera plus et se retrouve jusqu’avant sa mort en 1944, dans son ouvrage sur La Prière et ses effets curatifs130. De plus, cette foi s’accompagne d’un fort intérêt pour la question des recherches psychiques et du magnétisme.
58Le fond Carrel détenu par l’Académie de médecine possède un dossier intitulé « parapsychologie et pseudosciences » dans lequel sont notamment consignées les observations d’Alexis Carrel sur les expériences de magnétisme animal réalisées en juillet 1925 avec sa femme, à qui il reconnaît certaines facultés mystérieuses131. L’Homme, cet inconnu se fait le reflet de cet intérêt au moment où Carrel affirme que la clairvoyance et la télépathie « constituent une activité normale, quoique rare, de l’être humain132 ». Selon lui, « ils expriment un aspect mal connu de l’être humain133 », de ce « tout indivisible d’une extrême complexité » dont Carrel recommande l’étude plus poussée134. Il n’est alors pas surprenant de voir les courants ésotériques réserver un accueil très favorable à l’ouvrage du Prix Nobel 1912. L’Astrosophie publie même, avec l’accord des éditeurs, un extrait du livre concernant l’âme et le corps que Carrel perçoit comme « des vues prises du même objet à l’aide de méthodes différentes, des abstractions faites par notre esprit d’un être unique135 ». En raison de la complexité qu’il reconnaît à l’être humain, Carrel préconise une médecine « humaine », centrée sur le médecin généraliste. Ce dernier doit connaître « à la fois la physiologie et la médecine, les lois de l’hérédité et l’influence du milieu, de la psychologie et la mystique », et diriger le traitement, au détriment du spécialiste, nécessaire mais subalterne136.
59D’autres praticiens pourraient encore être rattachés à cet holisme médical chrétien. Pierre Delore et Maxime Laignel-Lavastine manifestent eux aussi une foi chrétienne marquée, tout comme de nombreux homéopathes, dont certains, nous l’avons indiqué à propos de Fortier-Bernoville, sont d’ailleurs reçus par le pape Pie XI à la suite de leur participation au congrès homéopathique de Rome. De plus, les relations entre holisme médical et grandes religions ne se confinent pas au christianisme, comme l’illustre l’exemple du Dr Arnault Tzanck (1896-1954). Pour ce pionnier dans le domaine de la transfusion sanguine, la notion de terrain relève d’une importance capitale en ce que « les symptômes et les lésions sont en quelque sorte créés par le terrain et non point subis par lui137 ». L’individualité de l’organisme intervient donc nécessairement, guidant les réactions des cellules et des tissus qui seraient eux-mêmes animés d’une « conscience ». Dans la nécrologie que lui consacre le professeur Henri Baruk (1897-1999), Tzanck est dépeint comme le promoteur d’un spiritualisme biologique pour lequel il n’y a pas d’opposition entre l’âme et le corps, mais ce spiritualisme est juif, comme l’est Arnault Tzanck. Pour Baruk, cela ne fait pas de doute :
« par une intuition géniale appuyée par des recherches précises, Tzanck redécouvrait aussi le nefesh hébraique, et allant plus loin cherchant le support de cette âme, il allait encore instinctivement porter ses investigations vers le sang. Sans le savoir, il retrouvait la vieille notion Biblique Nefesh basar bedamo et sur les données de la science moderne la plus précise et la plus sûre, il rouvrait, sans le savoir, le chapitre du Talmud138 ».
60Émile Téchoueyres (1878-1954) se distingue de son côté par son intérêt pour l’hindouisme, qui lui semble se conjuguer avec les tendances contemporaines de la science occidentale et du holisme médical139. La pensée du directeur de l’École de médecine et de pharmacie de Reims, au front de la lutte contre le cancer, se révèle en effet tout imprégnée d’un « néo-hindouisme » dont le principal promoteur en France se trouve être Jean Herbert (1897-1980), traducteur de Vivekananda (1863-1902) et Aurobindo Ghose (1872-1950). Or, les courants ésotériques jouent eux aussi un rôle notable dans la diffusion de cette approche de l’hindouisme en France140, et leur présence se révèle également plus visible dans la médecine néo-hippocratique des années trente. Ce courant du holisme médical est en effet relativement distinct de cette médecine catholique dans laquelle, il faut bien le dire, les courants ésotériques n’apparaissent guère, malgré leur intérêt partagé pour les recherches psychiques.
Le holisme et la médecine néo-hippocratique des années trente
61Le mouvement en faveur de la médecine néo-hippocratique vient unir de nombreux acteurs du holisme médical et symboliser son essor grandissant durant les années trente. Il se concrétise en juillet 1937, à Paris, par l’organisation du premier Congrès international de médecine néo-hippocratique, qui réunit professeurs de facultés spécialisés en endocrinologie, psychologues, morphologistes, naturistes et homéopathes. Afin de préciser les conditions ayant conduit à l’organisation de cet évènement, il semble nécessaire de commencer par présenter l’homme qui le préside, le professeur Maxime Laignel-Lavastine, déjà mentionné à plusieurs reprises.
Maxime Laignel-Lavastine, figure de proue du néo-hippocratisme
62Laignel-Lavastine se spécialise en neuropsychiatrie sous la tutelle des professeurs Joseph Babinski (1857-1932) et Louis Landouzy (1845-1917). Étudiant brillant, il défend en 1903 une thèse intitulée Recherches sur le plexus solaire qui ouvre la voie à ses importants travaux sur le sympathique. En 1908, il formule le concept de « psychiatrie endocrinienne », établissant un lien entre psychiatrie neurologique et endocrinologie qui fera date. Chef de service et chargé de cours dans divers hôpitaux parisiens, il est nommé en 1931 à la Chaire d’histoire de la médecine et de la chirurgie, ce qui lui laisse le loisir de développer sa passion pour l’histoire de la médecine et les arts. En 1933, il fonde Hippocrate, une « revue d’humanisme médical ». Cet humanisme, il le perçoit comme « la pénétration de la nature profonde de l’homme par l’étude de la médecine », une « étape vers les hauteurs, pour y saisir la primauté du spirituel » et préparer les médecins à remplir leur rôle social de directeur de santé et de conseiller familial141. La figure d’Hippocrate, le « père de la médecine », est alors choisie pour servir de guide aux médecins dans leur quête pour élever leur âme ; une quête que Laignel-Lavastine souhaite promouvoir et qui s’accompagne d’une affection marquée pour les différentes médecines holistes de l’époque.
63Un intérêt prononcé pour la réflexothérapie s’exprime notamment dans la revue à partir du mois de janvier 1934, avec un article en trois parties sur « Acupuncture et médecine chinoise vérifiées au Japon » écrit par un certain Dr Tyotoku Nakayama, mais traduit par Yukikazu Sakurazawa/Georges Ohsawa et annoté par Soulié de Morant. Cet intérêt est à relier aux sympathies personnelles de Laignel-Lavastine pour la réflexothérapie, exprimées dès 1924 dans son importante Pathologie du sympathique, où il évoque la réflexothérapie nasale de Bonnier et la spondylothérapie d’Abrams142. Ces sympathies ne se démentent pas par la suite, puisqu’il préside le jury d’une thèse qui se présente comme une Contribution à l’étude de la réflexothérapie nasale (1935)143, et qu’il préface l’étude historique de Klotz-Guérard sur la Centrothérapie (1938)144. Il n’est alors pas surprenant de voir Jules Regnault se distinguer comme un important contributeur d’Hippocrate, où il signe une chronique régulière intitulée « Biodynamique et radiations » qui donnera lieu à la publication de l’ouvrage du même nom en 1936. De plus, comme nous l’avons dit, Laignel-Lavastine patronne également le mouvement en faveur de la biodynamique et de la cosmobiologie depuis ses débuts. Il adhère à la Société de biodynamique de Regnault, puis à l’Institut international d’étude des radiations solaires, terrestres et cosmiques de Maurice Faure, et c’est encore lui qui présente les objectifs de la revue dans le premier numéro de Cosmobiologie. Enfin, sans détailler pour l’instant l’étendue de ses relations avec les médecins homéopathes, soulignons que Laignel-Lavastine parraine le mouvement « Vivre » de Kienné de Mongeot du fait de l’amitié qu’il entretient avec son disciple, Marcel Viard. Il préside en effet le banquet de « Vivre » en décembre 1932, puis celui organisé par Calme et santé quatre ans plus tard, au cours duquel il déclare que l’œuvre de la revue et son naturisme psychique lui semblent « ressembl[er] étrangement à l’œuvre des anciens philosophes tels que Pythagore, Démocrite, Socrate, Antisthène », et être « fortement inspirée d’Hippocrate, le père de la Médecine145 ».
64En toute logique, la psychothérapie est également à l’honneur dans Hippocrate, sous l’impulsion notable du Dr Jean Vinchon (1884-1964). Avec Laignel-Lavastine, dont il était l’assistant au service de psychiatrie de la Pitié, les deux hommes publient Les Maladies de l’esprit et leurs médecins du xvie au xixe siècle (1930). Dans cet ouvrage, le magnétisme de Mesmer est notamment présenté comme le précurseur de l’hypnotisme, de la Christian Science et de la psychanalyse, autant de thérapeutiques qui retiennent leur attention146. À ce titre, Vinchon se trouve être « un grand ami de l’Institut métapsychique », dont les conférences et articles sont ponctuellement publiés dans la Revue métapsychique147 ; et la porosité est forte avec les courants plus franchement occultistes, puisque sa conférence sur « La Psychothérapie dans l’œuvre de Mesmer » donnée devant l’Ordre eudiaque d’Henri Durville fait l’objet d’une publication dans Eudia148. De manière générale, la revue Hippocrate entretient un certain nombre de rapports, ou du moins d’intérêts communs, avec les courants ésotériques.
65La figure de Paracelse est saluée en juillet 1933 par un article laudatif de Gaston Baissette (1901-1977) vantant les prédictions exactes de ce dernier, qui sont même publiées sur 25 pages149. Une gravure de Paracelse par l’illustrateur Henry Chapront (1876-1965) est également reproduite. Chapront, qui avait illustré le roman sataniste Là-Bas de Joris-Karl Huysmans (1848-1907), publie d’ailleurs dans le premier numéro de la revue un article sur l’occultisme où il reconnaît « parmi ces amateurs du bric-à-brac scientifique qu’est l’occultisme, […] de réels savants, d’incontestables érudits ». Selon lui, « de nombreux médecins ont été des adeptes de la Science occulte : ils y ont apporté leurs méthodes d’investigation rigoureuse, et, s’ils ont rétréci le domaine du mystère, ils ont élargi celui des possibilités de l’esprit, c’est-à-dire du cerveau de l’homme150 ». Une position similaire est partagée par un certain Gabriel Laurenger à propos de la mystique catholique Thérèse Neumann (1898-1962), un sujet qui est développé sous plusieurs perspectives par différents auteurs, dont le Dr Édouard Le Bec, un médecin catholique de la Société Saint-Luc, président du Bureau des constatations de Lourdes de 1920 à 1923151, qui affirme que « les médecins qui croient au surnaturel sont d’excellents médecins, très instruits, et très dignes de ce nom152 ».
66L’astrologie constitue également un sujet que la revue ose aborder, que ce soit sous un angle historico-critique avec Émile Nourry (1870-1935)153, président de la Société du folklore français, ou d’un point de vue nettement partisan avec Henri Candiani, contributeur de la revue Eudia et directeur de l’École des sciences astrologiques. Hippocrate se distingue ainsi par l’éclectisme qui anime ses colonnes. Les opinions les plus diverses sont acceptées154, et la porte est même ouverte aux travaux occultistes, comme en témoignent les articles du compositeur Théodore Terestchenko (1888-1950) intitulés « Vers une renaissance de la médecine hermétique (de la synthèse à l’analyse) ». Dans cette contribution, publiée de janvier à juin 1936 puis rassemblée dans une monographie éditée par Chacornac sous le titre Principes astrologiques de la médecine hermétique155, l’auteur opère ce qui ressemble à une synthèse entre les données du symbolisme planétaire et celles de la biotypologie. Son système thérapeutique ressemble à celui de Bretéché : les tempéraments hippocratiques et planétaires sont mis en correspondance avec les glandes endocrines et les deux systèmes nerveux, le sympathique et le parasympathique (ou vague), dont la relation d’équilibre doit être maintenue, car « le fond de la maladie réside dans la lutte entre le sympathique et le vague156 ». Ainsi, à une malade chez laquelle le vague l’emporte, Terestchenko conseille de donner en remède de l’extrait de glandes génitales masculines parce qu’elles correspondent à Mars et au système nerveux sympathique. Pour illustrer un tableau où il synthétise ces correspondances (fig. 23), qui incluent également « la correspondance des couleurs aux tonalités musicales et les corrélations entre ces dernières et la pathologie humaine », Terestchenko donne l’exemple d’un ami médecin qui préconise de faire un abcès de fixation à un malade, et non à sa sœur souffrant du même mal, car le jeune homme serait, de par sa physionomie, « d’un tempérament lymphatique lunaire […] prédisposé aux maladies longues », tandis que la sœur, du fait de son « tempérament marsien », ferait une réaction violente et localisante par elle-même157. Or, la même année, le directeur d’Hippocrate, Laignel-Lavastine donc, est élu membre de l’Académie de médecine, ce qui tend à prouver que la publication de tels écrits n’entraîne pas forcément une mise au ban dans les milieux médicaux officiels de l’époque et qu’une certaine tolérance autorise visiblement leur diffusion sous couvert d’humanisme médical.
Fig. 23. – Le « tableau de synthèse » de Théodore Terestchenko.

En haut, les quatre tempéraments fondamentaux et les six tempéraments mixtes, ainsi que le symbole des planètes auxquelles ils correspondent ; en bas, à gauche et à droite, les glandes endocrines et le symbole des planètes qui leur sont rattachées selon que cette glande soit en hyperactivité ou en hypoactivité.
Terestchenko Théodore, « Vers une renaissance de la médecine hermétique (de la synthèse à l’analyse) », Hippocrate, avril 1936, p. 235.
67Enfin, profitons de retrouver le Dr Octave Béliard (1846-1951) parmi les contributeurs d’Hippocrate pour s’attarder sur son cas158. Béliard se distingue comme une figure de ces revues médico-littéraires qui prospèrent durant l’entre-deux-guerres159. Auteur de nombreux romans160, sa préférence va au stylo plutôt qu’au stylet et son œuvre témoigne de l’intérêt intime qu’il développe pour l’occultisme. Selon Dominique Clairembault, il aurait été initié au martinisme et fréquenterait la loge « Les Temps nouveaux » de Nantes à partir de 1896161. Deux lettres adressées à Papus vers la fin de ses études nous renseignent alors sur ses aspirations. On y apprend que « le spiritisme a été l’éveil de [s]on esprit », que « depuis [s] on baccalauréat, l’occultisme seul a pu fixer [s]on esprit, parce qu’il est synthèse », et que « la Théosophie est donc [s]on but », car il sait qu’en le poursuivant, il obtiendra « en surcroît les jouissances mystiques162 ». Papus lui conseille alors d’étudier Karl Christian Friedrich Krause (1871-1832), puis Louis-Claude de Saint-Martin et Jacob Böhme (1575-1624), ainsi que les alchimistes Paracelse, Jean-Baptiste Van Helmont (1579-1644), Robert Fludd (1574-1637) et Michael Maier (1568-1622). En 1921, accompagné de James Chauvet (1885-1955) et de ses confrères Auguste-Édouard Chauvet (1863-1946), confident de Saint-Yves d’Alveydre, et Léo Gaubert, coauteur du roman occultisant Le Périple (1907)163, Béliard caresse l’idée de fonder un Ordre du Saint Graal composé de « chevaliers du Christ » et chargé de travailler à l’avènement du Règne de Dieu, mais cette forme d’ésotérisme chrétien ne s’est finalement jamais concrétisée164. Sa participation au renouveau du martinisme par le biais de l’association « Les Amis de Claude de Saint-Martin », qui deviendra l’Ordre martiniste traditionnel en 1931, est quant à elle plus notable165. De plus, Béliard se trouve en parallèle être assez proche de Louis Gastin, puisqu’il figure dans le comité de rédaction scientifique de La Science de l’âme166, ainsi que de Paul Le Cour, comme en témoigne sa conférence sur « L’Immortalité en Égypte » donnée au banquet d’Atlantis en 1932167. Ces affiliations venant d’un médecin à la plume reconnue viennent confirmer le constat dressé à propos des articles de Terestchenko et de leur relative acceptation dans le monde médical. Toutefois, Octave Béliard ne se place pas sur un terrain médical l’unique fois où il écrit dans Hippocrate168, et un rationaliste comme Marcel Boll à lui aussi ses entrées dans la revue169. Répétons-le, la revue est éclectique, mais sans être une revue d’occultisme, elle accorde une place aux thèmes de référence des courants ésotériques parmi les arts divers et les sciences variées dont elle entend entretenir ses lecteurs médecins.
68Pour conclure sur Laignel-Lavastine, puisque c’est de lui qu’il s’agissait en premier lieu, son intérêt personnel pour les courants ésotériques s’affiche sans trop de crainte. La préface qu’il accorde à Philippe Encausse (1906-1984), continuateur de l’œuvre de son père, dans la seconde édition de Sciences occultes et déséquilibre mental (1943), un ouvrage tiré de la thèse de médecine qu’il avait lui-même présidée en 1935, vient le confirmer. Laignel-Lavastine cite notamment Papus et sa définition de l’occultisme comme « l’étude de la tradition antique concernant les forces cachées de la nature, de l’homme et du plan divin », et affirme avec l’auteur de l’ouvrage que « beaucoup plus que l’étude de l’occultisme, c’est la pratique du spiritisme qui peut entraîner des troubles mentaux chez les prédisposés170 ». Cette bienveillance pour les études occultistes se retrouve d’ailleurs approfondie chez son fils, Philippe Lavastine (1908-1999), un sanskritiste actif dans les cercles de Georges Gurdjieff (1866-1949), qui se distingue notamment par sa traduction de l’ouvrage de Piotr Ouspenski (1878-1947), Fragments d’un enseignement inconnu, en 1949171.
Pierre Delore et les Tendances de la médecine contemporaine
69Laignel-Lavastine n’est toutefois pas le seul médecin issu des rangs de la faculté à avoir contribué à l’essor de la médecine néo-hippocratique. Il n’est pas non plus le seul de ces médecins à se montrer intéressé par certaines thématiques abondamment diffusées par les courants ésotériques. À ce titre, le cas du Dr Pierre Delore mérite aussi que l’on s’y attarde, d’autant plus que son ouvrage Tendances de la médecine contemporaine (1936) est considéré par George Weisz comme « la déclaration la plus influente du holisme médical français172 ».
70Sa thèse laissait déjà deviner pareilles inclinations en 1926, car il soutenait alors que « le problème de la tuberculose ne se réduit pas uniquement à des notions bactériologiques, que le facteur microbien n’est pas tout en tuberculose, et que le facteur “terrain”, avec ses caractères physico-chimiques, intervient aussi173 ». En déclarant cela, Delore s’inscrit à la suite d’éminents spécialistes de cette maladie, tels les Dr Émile Sergent (1867-1943), Fernand Bezançon (1868-1948) et Raoul Brunon (1854-1929), qui mettaient eux aussi en avant le rôle du terrain dans la tuberculose. Ensemble, comme le relève Weisz, ils constituent un aspect de cet holisme médical pragmatique qui se concrétise dans la multiplication des sanatoriums174. En conclusion de son travail, Delore ne craint d’ailleurs pas de faire cette remarque : « nous refusera-t-on que le sanatorium avec sa triade : repos, bon air, bonne alimentation, traite la tuberculose comme un déséquilibre de la nutrition qu’il s’agit de rétablir, bien plus que comme une maladie infectieuse175 ? » Une décennie plus tard, l’année d’obtention de son agrégation de médecine, Delore publie ainsi Tendances de la médecine contemporaine. Dans cet ouvrage, il n’est plus seulement question d’accorder au terrain la place qui lui est due dans diverses pathologies. Son propos dépasse le simple cadre médical, et le médecin lyonnais introduit son texte de la sorte :
« Une époque finit, qui a nié les valeurs véritablement humaines, qui a donné la primauté aux valeurs matérielles, qui n’a vu les choses de la vie que du dehors ; époque qui aboutit à un des plus grands drames de l’histoire, parce que les acquisitions de la science pure n’ont pas été accompagnées ou plutôt précédées d’un progrès correspondant dans le monde de l’esprit. La science seule entraîne la société à des cataclysmes. Si l’homme ne reprend pas ses droits, si la réorientation ne s’opère, c’en est fait d’une civilisation dont nous étions si fiers ; d’ailleurs bien des civilisations ont péri déjà de la sorte. “Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles”, écrit P. Valéry. La nôtre est menacée176. »
71Delore note qu’en réponse à ce constat, largement relayé à cette époque comme nous l’évoquerons par la suite, un nouvel humanisme voit le jour, et que la médecine contemporaine, elle aussi en crise, ne saurait l’ignorer. Inspiré par l’écrivain Matila C. Ghyka (1881-1965), il souscrit à son interprétation, partagée par certains courants ésotériques et au-delà, de la nouvelle physique comme d’un retour aux antiques conceptions pythagoriciennes et alchimiques de l’analogie entre le macrocosme et le microcosme. Il remarque qu’un pareil retour aux sources s’effectue également dans le domaine médical en évoquant, tour à tour, la plupart des composantes du holisme médical que nous venons de détailler.
72Il souligne les récents travaux de météoropathologie et de cosmobiologie qui remettent en lumière les relations, affirmées jadis, entre l’homme et la nature, la maladie et le milieu. Il évoque également « l’aurore d’un renouveau de la médecine de l’esprit » avec l’examen des constitutions individuelles et des phénomènes de suggestion177. Il considère d’ailleurs que « l’homme total […] est un complexe psycho-physiologique » et juge artificielle la séparation du corps et de l’esprit178. La biotypologie attire particulièrement son attention, car elle met l’accent sur cette notion de terrain qu’il affectionne et dont il note la progression dans le discours des élites médicales. De plus, la thérapeutique s’oriente elle aussi vers de nouveaux horizons. Il relève en passant les « acquisitions de la thérapeutique moderne », avec la vaccination anti-variolique et anti-diphtérique, l’asepsie et l’antisepsie, mais salue surtout le recours aux moyens simples et naturels, comme l’hygiène alimentaire, et l’individualisation des traitements. Pour lui, la thérapeutique est amenée à faire davantage appel aux agents naturels et aux influences nerveuses. Dans cette perspective, la médecine ne doit pas hésiter à explorer des « terrains incertains, douteux, qui sont à ses confins », et Delore appuie l’idée, chère à Martiny, d’un Institut de contrôle et de recherches scientifiques sur les pratiques traditionnelles et empiriques179. L’astrologie, la réflexothérapie, mais surtout l’homéopathie, constituent des champs d’études qu’il s’agit alors de vérifier. Reconnaissant la justesse de certains de ses principes, il appelle de ses vœux à une homéopathie scientifique, détachée de son aspect doctrinaire actuel. D’après lui, l’homéopathie « doit se soumettre honnêtement au contrôle clinique et expérimental, pour prendre enfin un caractère scientifique et devenir un des chapitres de la thérapeutique clinique générale180 ». Enfin, il fait référence en conclusion de son propos à l’humanisme médical promu par Laignel-Lavastine et se félicite qu’en revenant à la conception de l’homme complet, de l’unité de l’être et des rapports entre le corps et l’esprit, « la médecine s’oriente vers un néo-hippocratisme » à même de remplir son devoir de « défense de la véritable civilisation » et de « reconstitution des élites181 ».
73Ce manifeste retentissant ne sort pas de nulle part. Delore constate les tendances qui se développent en faveur du holisme médical et les appuie. Ces tendances, détaillées par nos soins, s’expriment avec l’essor de l’homéopathie et du naturisme médical, l’intérêt croissant pour les radiations humaines et cosmiques, la réflexothérapie, la biotypologie, etc. Autant de sujets dont les revues de vulgarisation scientifique et les périodiques médicaux généralistes se font l’écho autour de la notion de terrain. Delphine Benoit a bien montré l’évolution en faveur de cette notion dans une publication comme la Revue générale des sciences pures et appliquées. Selon elle, cette thématique est même « récurrente dans les revues de haute vulgarisation », qui recentrent leur propos sur le malade182. Elle constitue l’étendard de l’une de ces deux conceptions de la médecine qui, selon Benoit, s’affrontent durant l’entre-deux-guerres : « celle qui dépeint la médecine comme un art qui s’intéresse à l’individu et sa constitution » face à « celle qui conçoit la médecine comme une science qui cherche les lois qui gouvernent l’évolution des maladies et les remèdes qui permettent de guérir le plus grand nombre en vue de soigner la société183 ». Dans une perspective plus technique, La Presse médicale, une importante publication bihebdomadaire tirant à plusieurs milliers d’exemplaires, diffuse également cette première conception sous l’impulsion de son principal rédacteur, le Dr Paul Desfosses (1869-1944)184.
74En 1930, Delore publie lui-même dans cette revue un article sur la tuberculose et les oxydations internes dans lequel il se félicite de voir « l’analyse du terrain organique préoccuper de nouveau les chercheurs185 ». Ce constat est partagé deux ans plus tard par Fernand Bezançon, professeur de clinique médicale à l’hôpital Saint-Antoine, dans son discours d’ouverture au XXIIIe Congrès français de médecine. À ce propos, il affirme assister « depuis quelques années à un remaniement profond des doctrines du passé186 », qui doit beaucoup aux travaux sur l’anaphylaxie et les réponses allergiques mettant en évidence la variation des réponses symptomatiques individuelles à une même cause187. C’est ce qu’affirme également Arnault Tzanck, toujours dans La Presse médicale, au moment de détailler « l’enchaînement des acquisitions modernes » ayant amené « l’orientation actuelle des doctrines médicales » en faveur de la notion de terrain et de facteur individuel188. Dans un article sur « Les espoirs de la pharmacothérapie », Maurice Loeper (1875-1961), professeur de thérapeutique à la faculté de Paris, appuie dans le même sens quand il évoque toute l’importance de l’équilibre physicochimique et des influences de l’âge, de l’hérédité, du climat ou encore de l’alimentation sur le terrain189. Ce sympathisant de l’homéopathie appelle notamment à une collaboration plus poussée de la clinique et du laboratoire190, position que partage Pierre Delore, qui critique plutôt la place excessive donnée à ce dernier que son intérêt intrinsèque.
75Tendances de la médecine contemporaine vient ainsi incarner la rencontre qui s’effectue durant les années trente entre ce que Weisz nomme le holisme pragmatique et le holisme idéologique. Favorisé par les travaux sur le sympathique et les glandes endocrines, la remise en lumière de la notion de terrain, telle qu’elle est relayée par plusieurs sommités médicales dans La Presse médicale et ailleurs, s’articule avec l’essor de l’homéopathie, de la médecine naturiste et de la réflexothérapie, qui mettent toutes trois en avant l’importance du facteur individuel et du milieu qui l’entoure. Dans son ouvrage, Delore lie ensemble ces différentes tendances dans un même mouvement qu’il associe à une réponse à l’ultra-matérialisme dominant, cause selon lui de la crise sociétale et médicale actuelle. En ce sens, son ouvrage illustre les dynamiques à l’œuvre dans la constitution du mouvement néo-hippocratique et dans l’organisation du congrès de 1937.
Les congrès de médecine néo-hippocratique
76Les conditions ayant permis l’organisation du congrès de 1937 ont déjà été retracées par nos soins dans un article publié, nous en reprenons ici les grandes lignes et certains passages191. Ce congrès se déroule du 1er au 5 juillet 1937 et consacre la rencontre entre le holisme médical officiel et la médecine homéopathique des années trente. Il suffit pour s’en convaincre de constater que le comité scientifique est présidé par Maxime Laignel-Lavastine alors que le secrétariat général est géré par Marcel Martiny. De la même manière, le comité de patronage du congrès réunit les principales figures de la médecine académique, parmi lesquelles le président de l’Académie de médecine, le doyen de la faculté de médecine de Paris, neuf professeurs de faculté et six professeurs agrégés, tandis que le comité d’organisation comporte de nombreux homéopathes, qu’il s’agisse des docteurs Allendy, Renard, Chiron ou Fortier-Bernoville. Enfin, le congrès occupe deux endroits distincts, la faculté de médecine de Paris et l’hôpital Léopold-Bellan.
77Nous l’avons vu, en France, comme à l’étranger, l’homéopathie connaît un essor important qui l’amène à intéresser de nombreux médecins parmi les plus réputés de leur temps. C’est le cas du docteur Alexander Polycleitos Cawadias (1884-1971), spécialisé en endocrinologie et membre du Royal College of Physicians depuis 1924. L’article qu’il publie dans L’Homœopathie moderne du 1er avril 1934 est un texte fondateur, car il inaugure une collaboration entre médecine officielle et médecine homéopathique. Dans cet article, Cawadias commence par dévoiler à ses lecteurs la trajectoire suivie par ce qu’il nomme « l’école néohippocratique ». Pour lui, cette école « est née au sein de l’école officielle dans les années qui ont immédiatement suivi la Grande Guerre. Elle a réuni ceux des médecins “académiques” qui n’étaient pas satisfaits du nihilisme thérapeutique dans lequel la médecine du xixe siècle avait sombré192 ». À ce propos, Lawrence et Weisz ont également relevé que le développement de la médecine à cette période se caractérise notamment par une prolifération de produits pharmaceutiques nouveaux et non-testés qui amène certains médecins à penser que « toute cette activité a eu un rendement relativement limité, notamment dans le domaine thérapeutique193 », à une époque où la découverte des antibiotiques n’est qu’à ses prémices et qu’aucune substance pharmaceutique ne permet de soigner la tuberculose. Toutefois, plus que cela, ce mouvement constitue pour Cawadias une « révolte contre les principes étroits de la science positiviste du xixe siècle », et il voit en Albert Robin, un professeur à la faculté de médecine qu’il a lui-même connu lors de son internat à Paris, le « grand précurseur de cette école ».
78Il évoque ensuite les travaux des physiologistes anglais de l’école de Cambridge, qui montrent que « l’homme n’est pas un ramassis d’organes ni une colonie de cellules, mais un “tout” intégré », ainsi que ceux des écoles morphologiques française et italienne, sans oublier ce qu’il nomme l’école anthropologique allemande. Il relève que ces écoles ont insisté sur « l’importance de l’étude de la forme pour la compréhension et la guérison du malade » et mentionne, en outre, les noms de Freud, Jung et Adler, dont les théories révèlent « l’intérêt pour la thérapeutique de la considération de la personnalité psychique du malade194 ». À la suite de l’historien de la médecine Arturo Castiglioni (1874-1953), qui évoque ce qu’il perçoit être un retour actuel à Hippocrate, dès 1925, dans son ouvrage Il volto di Ippocrate195, Cawadias nomme donc « école néohippocratique » ce qui correspond globalement à certains aspects du holisme médical officiel que nous venons de détailler. À ce moment, le mouvement néo-hippocratique n’existe pas encore en tant que tel, mais c’est la rencontre de Cawadias avec les homéopathes français qui permettra au qualificatif « néo-hippocratique » de se populariser et au néo-hippocratisme de constituer un courant central mais déterminé parmi le holisme médical de l’époque196.
79Avant de s’exprimer devant les homéopathes français, Cawadias avait déjà présenté les « tendances néo-hippocratiques de la médecine contemporaine » devant les homéopathes de la British Homeopathic Society en 1932197. Cette conférence intervient un an après la publication de Modern Therapeutics of Internal Disease, un livre dans lequel il émettait des réserves à l’égard de l’homéopathie198. S’il reconnaît Hahnemann comme étant « l’un des plus grands médecins de tous les temps », et s’il rend grâce à la valeur du principe d’individualisation prévalent dans la pratique homéopathique, il considère en effet sa méthode de diagnostic incomplète et ses résultats décevants. Aussi n’est-il pas étonnant de voir les homéopathes anglais orienter la discussion sur les positions de Cawadias vis-à-vis de l’homéopathie. Cawadias se défend alors en répétant que sa critique s’adressait plutôt aux hahnemanniens stricts et dogmatiques, et non aux éclectiques. Il détaille les points communs aux conceptions néo-hippocratiques et homéopathiques : « le concept d’homme comme unité intentionnelle, la conception dynamique de la maladie [qui] sont les mêmes », ainsi que « la stricte individualisation, l’importance attribuée aux sentiments subjectifs du patient, aux causes constitutionnelles, [et] le rejet du point de vue exclusivement organique ou bactériologique199 ». Il insiste en outre sur leur désapprobation commune des doctrines médicales officielles en vigueur et affirme même qu’il est possible au médecin néo-hippocratiste d’utiliser, parmi d’autres traitements, les médicaments homéopathiques. Il reconnaît toutefois en savoir trop peu sur le sujet, en conséquence de quoi l’enthousiasme consécutif à sa conférence n’est pas débordant chez les homéopathes anglais et le concept de néo-hippocratisme n’est guère repris par la suite dans le British Homeopathic Journal.
80Tout autre est le résultat de sa rencontre avec les homéopathes français. Il faut dire que les médecins de L’Homœopathie moderne, enclins à l’union avec les allopathes, apparaissent bien disposés à adhérer aux conceptions néo-hippocratiques de Cawadias, d’autant plus que ce dernier a entre-temps changé d’avis sur l’homéopathie. Il l’affirme : « Une nouvelle phase du mouvement néohippocratique commence lorsque les Néohippocratistes s’aperçoivent qu’inconsciemment ils s’étaient approchés de l’Homœopathie200. » S’il évoque l’intérêt de médecins allemands « néo-hippocratistes » pour l’homéopathie, tels August Bier (1861-1949), Hugo Schulz (1853-1932) et Hans Much (1880-1932)201, Cawadias parle bien ici en premier lieu de lui-même. Il présente alors le néo-hippocratisme comme un mouvement « en train de submerger l’école officielle et d’effectuer une synthèse de la médecine dans laquelle l’Homœopathie aura une grande place ». Il insiste sur la similitude entre le diagnostic des médecins homéopathes et celui des médecins néo-hippocratistes, qui prennent chacun en compte les facteurs psychiques et constitutionnels du patient, et se trouve stupéfait de voir que « ces deux groupes de médecins aient travaillé sans contact l’un avec l’autre » alors qu’il aurait « évité beaucoup d’efforts et d’erreurs [s’il avait] été au courant plus tôt des travaux des disciples de Hahnemann202 ». Sur le plan thérapeutique, le néo-hippocratisme doit être guidé par les principes indiqués par Hippocrate et traite par conséquent aussi bien par les contraires que par les semblables, ce qui l’éloigne des hahnemanniens stricts mais le rapproche des éclectiques de L’Homœopathie moderne. Pour sa part, Cawadias révèle se séparer de ses collègues néo-hippocratistes qui n’auraient qu’un intérêt platonique pour l’homéopathie, et assure avoir étudié et pratiqué personnellement l’homéopathie.
81Ce double mouvement d’ouverture, permis d’une part par des médecins homéopathes éclectiques qui reconnaissent l’utilité de certaines thérapeutiques non-homéopathiques, de l’autre par des médecins issus de l’école officielle qui accordent une place au remède homéopathique, forme ainsi la base sur laquelle se construit véritablement le mouvement néo-hippocratique, leur conception similaire du corps humain et de l’origine des maladies faisant le reste. Cawadias et les homéopathes de L’Homœopathie moderne se révèlent en outre des alliés mutuellement utiles, l’un disposant d’entrées dans les sphères médicales officielles, les autres offrant leur enthousiasme, leur nombre et leur dynamisme à la cause. Le rapprochement entre tenants du holisme médical officiel et médecins homéopathes s’officialise ainsi lors des Journées hahnemanniennes de juillet 1935. À cette occasion, Cawadias expose à nouveau les grands principes du néo-hippocratisme et la place de choix réservée à l’homéopathie, mais ces journées sont surtout marquées par la présence d’honneur de Laignel-Lavastine, ami de Cawadias et de nombreux homéopathes. Le Dr Jean Séval (1895-1948) remarque en cette présence, la « première et solennelle adhésion de l’école officielle à l’apparente hérésie de notre doctrine203 ». La rencontre permise par le néo-hippocratisme aura donc entraîné le rapprochement officiel de l’homéopathie française avec des représentants prestigieux de la médecine académique204. Toujours lors de ces Journées hahnemanniennes, Marcel Martiny évoque la constitution prochaine d’un premier « Congrès néo-hippocratique de médecine synthétique ». Il en propose la présidence à Laignel-Lavastine et le secrétariat général à Cawadias.
82Si une communication de Cawadias concernant « Les étapes historiques du néo-hippocratisme » est bien présentée lors du congrès, celle-ci est en fait lue en son absence et le secrétariat incombe finalement à Martiny. Cependant, c’est bien Laignel-Lavastine qui délivre le discours d’ouverture. Il dégage à cette occasion les principes directeurs du néo-hippocratisme, les éléments communs derrière lesquels homéopathes et néo-hippocratistes ont pu se rencontrer : « D’abord un principe de méthode : la primauté de la clinique. Ensuite la conception dynamique individuelle du trouble morbide. Enfin un troisième principe : le traitement pour être rationnel, doit tendre à être naturel205. » L’exigence est d’abord mise sur l’examen clinique, qui se doit d’être complet et de prendre en compte tout un ensemble de facteurs physiques, psychiques et environnementaux. Il s’agit d’appréhender l’entière complexité de la personnalité humaine et des relations qu’elle entretient avec son milieu. Preuve de la diffusion des théories holistes dans la médecine académique de l’époque, le doyen de la Faculté de médecine de Paris, Gustave Roussy, déjà mentionné à deux reprises, affirme alors :
« Si se réclamer d’Hippocrate, c’était du même coup rayer de l’histoire médicale des siècles entiers et ceux qui nous ont conquis d’éclatantes acquisitions, je n’aurais garde de vous suivre, mais quand on sait qui vous êtes, toute inquiétude disparaît. Et puisque se proclamer l’adepte du néo-hippocratisme, c’est affirmer, vous venez de le dire, la primauté de la clinique, accepter l’existence au sein de chaque tempérament morbide d’un certain dynamisme, reconnaître dans chaque maladie une part de réaction utile, lier et relier l’être à son climat physique et moral, votre église ne saurait compter beaucoup d’hérétiques206. »
83Une grande liberté de choix est ensuite laissée sur la thérapeutique, qui se doit simplement d’être « naturelle » et individualisée, ce qui englobe les traitements homéopathiques, la psychothérapie, la diététique et les autres traitements naturistes, mais aussi les médicaments allopathiques, à la condition – somme toute assez floue – qu’ils aident la nature à se débarrasser de la maladie. Par conséquent, si le congrès de 1937 est d’abord le fruit d’une rencontre entre certains homéopathes et quelques sommités médicales, il a également la particularité de réunir ensemble de nombreuses composantes du holisme médical européen de l’époque.
84Parmi les médecins déjà mentionnés dans notre étude, relevons d’abord l’homéopathe Fortier-Bernoville et son exposé sur les possibilités du principe de similitude en thérapeutique, qui demeure curieusement l’une des rares interventions traitant de thérapeutique homéopathique en dépit du rôle joué par les homéopathes dans l’organisation de l’évènement. René Allendy participe bien au congrès, mais c’est plutôt avec sa casquette de psychanalyste qu’il évoque la question des substitutions morbides. La réflexothérapie n’est pas mieux lotie, malgré la présence de Jules Regnault dans le comité de patronage. Aucune contribution ne l’évoque, alors que la cosmobiologie, mentionnée dans le discours d’ouverture, est traitée dans un texte de Maurice Faure sur les causes des maladies lu par Laignel-Lavastine. Au final, c’est surtout la morphologie et le naturisme qui se trouvent les plus discutés parmi les communications délivrées lors du congrès.
85Henri Balland présente la morphologie française de Claude Sigaud et son caractère néo-hippocratique, tandis que les travaux de Nicola Pende, qui se contente pour sa part d’une conférence sur « La pensée méditerranéenne dans la médecine », sont mentionnés par de nombreux auteurs. Delore figure parmi ceux-là, dans son importante contribution au ton similaire à celui de Tendances de la médecine contemporaine et portant sur « La médecine moderne devant la tradition hippocratique et pythagoricienne ». La perspective que laisse deviner son titre se retrouve dans la communication de Pierre Winter, l’ami guénonien de Martiny, consacrée aux similitudes entre « Le naturisme d’Hippocrate et le nôtre ». Winter appelle en effet à ne plus parler « avec dédain du prétendu empirisme des anciens », à renouer « la chaîne traditionnelle rompue » et à se rappeler le principe de correspondance entre le macrocosme et le microcosme207. Les fortes relations entre courants ésotériques et naturisme médical ressortent également dans les propos de Marcel Viard. Ce dernier défend le principe d’une psychologie clinique objective qui permet « de découvrir tous les signes physiques d’un individu correspondant à ses tendances, à ses besoins, à ses qualités », et qui contribue « à mettre chacun exactement à la place qu’il doit occuper208 ». Or, pour appuyer ses arguments, Viard n’hésite pas à citer l’occultiste Sédir quand celui-ci affirme : « Le corps, en effet, porte l’empreinte des forces intérieures qui l’animent. » Notons enfin que l’ombre de Paul Carton se retrouve dans la salle du congrès. Delore lui reconnaît d’avoir été le principal artisan de la rénovation de cette tradition pythagoricienne et hippocratique, et les frères Daniel lui doivent beaucoup au moment de défendre la nécessité d’une hygiène néo-hippocratique qui doit « tout d’abord imposer la recherche et l’étude des lois naturelles ; puis la pratique des moyens à mettre à la disposition de l’homme pour qu’il puisse observer utilement ces lois209 ».
86L’importance du naturisme médical est encore plus évidente lors du Ier Congrès national de médecine néo-hippocratique qui se déroule à Marseille l’année suivante, le 19 novembre 1938210. Ce colloque est plus petit et s’organise à la suite du Congrès annuel de médecine des médecins de langue française, mais les principaux acteurs du congrès de 1937 sont toujours là puisque ce sont eux qui avaient prévu l’organisation de réunions nationales l’année suivant le congrès bisannuel de la Société internationale de médecine néo-hippocratique constituée à l’occasion de leur première rencontre. La présidence d’honneur revient ainsi à Laignel-Lavastine, tandis que Martiny s’occupe du secrétariat général. Il donne à cette occasion la lecture de son rapport moral, dans lequel il revient sur le développement du néo-hippocratisme et insiste sur son éclectisme et son indépendance vis-à-vis de telle ou telle doctrine thérapeutique particulière. L’organisation effective du congrès n’est d’ailleurs pas le fait d’homéopathes parisiens mais de médecins marseillais. Le médecin naturiste Clément-Jacques Foata est l’un des deux membres du secrétariat local, tandis que la présidence effective est assurée par le doyen de la Faculté de médecine de Marseille, le Dr Lucien Cornil (1888-1952), qui n’avait pas craint de présider quelques mois auparavant le XIIIe Congrès de la Ligue homœopathique internationale suite à sa rencontre, en 1937, avec les homéopathes de L’Homœopathie moderne211. L’après-midi, la présidence de la séance est donnée à différentes personnalités parmi lesquelles le Dr Jean Fiolle (1884-1955), un chirurgien marseillais qui s’était distingué deux ans plus tôt par une étude intitulée Scientisme et science où il dénonçait la croyance en la toute-puissance de la science positive née de « l’épuisement momentané de la pensée métaphysique en Occident », et où il affirmait son adhésion aux théories de René Guénon sur l’existence d’une « tradition intellectuelle pure que l’Occident, depuis la Renaissance, a totalement oubliée et qui est conservée par l’Orient et surtout par l’Inde212 ». Géo Beltrami assure également son tour de présidence, confirmant l’importance parmi les participants des médecins de la Société de médecine naturiste de Marseille, notamment représentés par une communication de Joseph Poucel sur « L’œuvre chirurgicale d’Hippocrate ». Enfin, la présidence finit par revenir à René Allendy, Cornil et les membres du congrès saluant par ce geste le rôle précurseur joué par le médecin homéopathe au moment de publier son Orientation des Idées Médicales une décennie plus tôt. La faculté de Montpellier était initialement pressentie pour accueillir la prochaine réunion nationale de « ce puissant mouvement humaniste de la Médecine française contemporaine » auquel le succès paraissait assuré213, mais la guerre est venue porter un coup d’arrêt à l’organisation de ces congrès, qui ne reprendront qu’en 1953 avec un enthousiasme moins marqué214.
87Pour conclure sur la médecine néo-hippocratique, précisons que ce mouvement n’englobe pas tout le holisme médical. En effet, un certain nombre d’auteurs évoqués, et non des moindres, ne participent pas à ces congrès. C’est notamment le cas des médecins catholiques René Biot et Alexis Carrel. Comme le relève Weisz, Carrel aurait été invité à participer mais il ne semble pas attiré par un retour à la doctrine d’Hippocrate, ni à aucune doctrine qui soit215. Auguste Lumière n’a, quant à lui, même pas été convié, à son grand désarroi216. Parmi les autres branches du holisme médical, la réflexothérapie n’est pas représentée mais il n’y a pas de fracture avec un médecin comme Jules Regnault, également impliqué dans la cosmobiologie, puisqu’il participe en tant qu’auditeur au congrès marseillais.
88De leur côté, les naturistes et les homéopathes applaudissent aux principes promus par le mouvement néo-hippocratique, à l’exception de Paul Carton et Léon Vannier. En rupture avec certains des organisateurs, les deux hommes partagent une même critique du néo-hippocratisme, perçu comme une construction artificielle n’ayant rien en commun avec la véritable tradition hippocratique217. Après-guerre, et une fois les tensions apaisées, Vannier délivrera néanmoins une communication au congrès néo-hippocratique organisé à Evian en 1953218. Au final, et si l’on excepte les conflits personnels, les principaux absents du congrès sont ceux qui semblent entretenir le moins de relations avec les courants ésotériques. Il ne s’agit pas, selon nous, d’une coïncidence. Carrel et Biot sont intéressés par le vaste champ des recherches psychiques, mais beaucoup moins par le récit d’une ancienne sagesse sur lequel repose, à de nombreux égards, la tradition hippocratique à laquelle les organisateurs des congrès de médecine néo-hippocratique entendent se rattacher.
Crise, renouveau et tradition
89Le naturisme médical, l’homéopathie et la réflexothérapie des années d’entre-deux-guerres s’inscrivent dans un contexte médical favorable à leurs perspectives holistes. Ces dernières contribuent à façonner l’essor d’un mouvement qui dépasse le cadre des marges médicales et incorpore un certain nombre de « grands » médecins. Ce mouvement se développe en outre dans un contexte culturel plus large, qui englobe et déborde le champ médical, ce qui explique également son succès. À ce titre, sa volonté de remettre en cause la manière de concevoir et réaliser l’acte médical s’accompagne, à l’instar du naturisme, de revendications sociales et politiques. « L’esprit révolutionnaire » du holisme médical des années trente s’oriente alors vers le passé, où il espère trouver des éléments de réponse à la crise actuelle. Tout comme les courants ésotériques, les médecins holistes entendent prendre pour guides les grands sages des époques précédentes, dont ils revendiquent être les héritiers, ce qui leur permet dans le même temps d’asseoir leur légitimité. Pour les médecins holistes, la tradition, l’ancrage dans le passé, possède en effet une réelle valeur épistémique qui est mise en avant pour justifier la pertinence de leurs points de vue. Cette valeur accordée, qui n’est pas propre au holisme, a notamment été étudiée par l’ethnologue Georges Lenclud, pour qui la tradition est « une interprétation du passé conduite en fonction de critères rigoureusement contemporains », une construction du présent qui voit les pères naître des fils et qui offre « à tous ceux qui l’énoncent et la reproduisent au jour le jour le moyen d’affirmer leur différence et, par là même, d’asseoir leur autorité219 ». Cette construction peut être étudiée selon une approche « mnémohistoriographique », un concept développé par Wouter J. Hanegraaff à la suite de Jan Assmann (1938-2024) qui renvoie aux tentatives de « décrire la genèse et l’évolution historique de ce qu’une culture donnée imagine s’être produit220 ». Ces réécritures du passé, qui peuvent également être perçues comme une stratégie discursive qu’Olav Hammer nomme « l’appel à la tradition221 », se manifestent ainsi d’abord au sein du milieu homéopathique, puis se trouvent adoptées par les tenants du néo-hippocratisme. Dans ce processus, René Allendy a joué un rôle de relais tout à fait essentiel.
Le récit de l’ancienne médecine
90Que les homéopathes s’emparent de l’histoire de leur pratique pour en asseoir la légitimité et en guider l’évolution n’a rien de surprenant, puisque l’histoire de la médecine et de ses différentes spécialités s’est elle-même développée pour poursuivre ces buts. Par exemple, l’un des premiers historiens américains de la médecine, le Dr Cornelius George Comegys (1816-1896), publie en 1856 sa traduction de l’Histoire de la médecine, depuis son origine jusqu’au xixe siècle de Pierre Victor Renouard (1798-1888) en réponse aux critiques concernant le caractère scientifique de la médecine. Comme le remarque Genevieve Miller :
« Comegys s’intéressait avant tout à l’utilisation des connaissances de l’histoire médicale pour renforcer la médecine américaine. Son objectif était de permettre aux praticiens de formuler un jugement critique sur les théories et les sectes médicales opposées, de leur fournir des connaissances pour défendre leur profession contre les attaques et de les persuader d’obtenir un statut juridique solide par le biais d’un examen d’État222. »
91En outre, dans son survol du contexte allemand, Rolf Winau constate que si l’histoire de la médecine cesse de guider la médecine de son temps durant le xixe siècle et devient dès lors un objet de recherche obsolète, un timide renouveau s’engage à partir du début du xxe siècle, principalement dominé par des médecins spécialisés désireux de « prouver les accomplissements de leur propre spécialité, de souligner leur importance223 ».
92Pour asseoir la légitimité de leur nouvelle doctrine, les homéopathes français s’appliquent donc rapidement à en souligner l’ancienneté, et la figure d’Hahnemann est alors associée à celles d’Hippocrate et de Paracelse. Dès 1865, Antoine Imbert-Gourbeyre (1818-1912), professeur de matière médicale à l’École de médecine de Clermont-Ferrand, reprend le vieil antagonisme d’Hippocrate, « le premier homœopathe du monde », face à Galien, « le père des allopathes224 ». Cependant, tandis que l’opposition entre Hippocrate et Galien avait jadis été nourrie par Janus Cornarius (1500-1558), traducteur du Corpus hippocratique, pour critiquer la doctrine aristotélo-galénique des humeurs et l’astrologie médicale225, Imbert-Gourbeyre résume cette opposition à une lutte entre la loi des semblables et la loi des contraires. Comme de nombreux autres médecins, promoteurs de perspectives médicales fort différentes226, Imbert-Gourbeyre se réclame en premier lieu d’Hippocrate. Il regrette ainsi le « règne malheureux », long de quatorze siècles, de Galien sur les écoles médicales, mais se félicite que Paracelse, en découvrant lui aussi la loi des semblables, ait énergiquement relevé le drapeau de l’homéopathie. Pour lui, « l’école de Paracelse fut l’école homœopathique de la Renaissance » et Paracelse « le véritable précurseur d’Hahnemann227 ». Catholique convaincu, Imbert-Gourbeyre précise qu’il faut faire la part « des nombreuses erreurs empruntées à l’art de la cabale, dont Paracelse fut l’ardent promoteur », mais il n’en salue pas moins sa croyance en la doctrine des signatures228. En somme, les racines de l’homéopathie – résumée à la loi des semblables – s’étirent selon lui dans le temps, d’Hippocrate à Hahnemann en passant par Paracelse, Stahl, et l’école de Montpellier : le conflit actuel entre allopathes et homéopathes n’est donc pas nouveau. Par la suite, d’autres homéopathes ont insisté sur l’ancienneté prestigieuse de la loi des semblables. Vincent-Léon Simon (1846-1911), dans une conférence sur la loi de similitude donnée en 1894, déclare ainsi que « la loi des semblables, entrevue dès la plus haute antiquité, a été appliquée dans tous les temps », citant en exemple Hippocrate et Paracelse229. Concernant plus spécialement Paracelse, Jules Gallavardin lui consacre en 1912 une série d’articles dans Le Propagateur et va jusqu’à soutenir l’idée que « toute l’homœopathie de Hahnemann se trouve en germe dans les idées de Paracelse230 ». Dans la thèse qu’il soutient la même année, Allendy n’est donc pas le premier homéopathe à écrire une histoire de l’homéopathie qui dépasse l’œuvre hahnemannienne, mais son récit se distingue alors par ses liens avec le récit de l’ancienne sagesse diffusé par les courants ésotériques.
93Comme l’indique son titre, cette thèse s’occupe des rapports entre l’alchimie et la médecine et, plus précisément, des théories hermétiques dans l’histoire de la médecine ; l’alchimie étant la « science d’adaptation » de la philosophie hermétique. Allendy, nous l’avons dit, présente à cette occasion l’homéopathie comme « le dernier produit des théories alchimiques en médecine231 », c’est-à-dire comme la dernière application de cette « tradition des antiquités les plus reculées, élaborée dans les sanctuaires initiatiques des temples232 ». Reprenant des conceptions classiques du milieu occultiste qu’il fréquente et dont les publications constituent une bonne part de sa bibliographie, Allendy dépeint la philosophie hermétique comme une « science d’avant-garde », une « science-synthèse » dont le savoir concerne la matière, les êtres vivants et la divinité, une « doctrine unitaire » qui cherche « à expliquer tous les phénomènes de l’univers par les même lois » et qui se base notamment sur la loi d’analogie entre le microcosme et le macrocosme233. Là encore, il n’est pas le premier à relier explicitement l’homéopathie à l’hermétisme, puisque les médecins-occultistes de La Thérapeutique intégrale s’en étaient préalablement chargés. Cependant, au contraire de ses confrères Encausse et Lalande234, Allendy ne la relie pas seulement aux alchimistes du Moyen Âge et aux hermétistes de la Renaissance.
94Selon lui, l’application des théories hermétistes en médecine remonte à la naissance de cette « Science Sacrée », qui aurait d’abord été élaborée dans les temples des vieilles religions et qui apparaît en Égypte. Il relève en effet la grande réputation des Égyptiens au point de vue médical et la fait correspondre à l’idée selon laquelle Thot serait le père de toute la science hermétique. Il affirme ensuite que « la plupart des philosophes grecs s’initièrent aux théories hermétiques dans les temples égyptiens », et c’est donc tout naturellement que « la médecine grecque devait s’inspirer de ces théories235 ». Pour lui, « nous en voyons avec Hippocrate, une belle application », car ce serait en se basant sur les idées de ces philosophes grecs initiés qu’Hippocrate aurait établit la notion des quatre tempéraments. Après lui, « l’École d’Alexandrie joua un rôle dans la transmission à la médecine grecque des procédés thérapeutiques égyptiens », et cette médecine hippocratique arriva à Rome, « sans grandes modifications », avec Galien puis Celse (iie siècle)236. Elle est ensuite continuée par les Arabes qui la transmettent à l’Occident durant le Moyen Âge, et il faut donc attendre cette époque pour assister au véritable renouveau d’une médecine hermétique, qui culminera à la Renaissance avec Paracelse. Enfin, Allendy voit un double courant se produire parmi les paracelsiens : s’opposent alors une conception matérialiste avec Sylvius (1614-1672) et la faculté de Paris, et une conception vitaliste avec Stahl et l’école de Montpellier. L’une produit Broussais (1772-1838) et l’autre Hahnemann. Ce dernier s’inscrit donc à la suite d’une lignée prestigieuse de médecins, dont les théories médicales s’inspirent de leur connaissance de la science hermétique. Ainsi, de la même manière que les occultistes font appel à la pérennité et à l’antiquité de ce savoir ésotérique pour légitimer leurs propres discours, Allendy, nouvellement converti à l’homéopathie, fait appel à cette tradition pour promouvoir la valeur de sa pratique médicale. Le récit de l’ancienne sagesse devient le récit de l’ancienne médecine.
95Après-guerre, Allendy développe et enrichit la puissance de son récit. Dans Le Grand-Œuvre thérapeutique des alchimistes et les principes de l’homœopathie (1920), plus au fait de la littérature homéopathique et sans doute inspiré par Imbert-Gourbeyre et Pierre Jousset237, il rajoute une dimension polémique en dépeignant Galien comme le père de l’allopathie et l’ennemi de la médecine hippocratique alors qu’il le considérait au contraire dans sa thèse comme l’un de ses passeurs. Il affirme en effet qu’Hippocrate, « probablement inspiré par la vénérable tradition de Thôt », a été le premier à formuler la loi de similitude, tandis que « Galien se distingua par la négation de la formule hippocratique et établit la règle des contraires238 ». Il considère même l’allopathie galénique comme un véritable poison qui n’a pas permis aux alchimistes du Moyen Âge de réaliser le Grand-Œuvre thérapeutique, comme en témoigne le fait qu’Arnaud de Villeneuve soigne par les contraires. Il faut donc attendre Paracelse, « le premier qui osa proclamer l’absurdité galénique », pour que se construise une thérapeutique selon les principes fondamentaux du Grand-Œuvre, « la vraie thérapeutique hermétique ou art spagyrique dont le but essentiel se réduit à ceci : agir selon les vues et le plan de la nature, transmuer la maladie en santé et le poison en remède239 ». Par la suite, la médecine spagyrique se désagrège en différents courants médicaux et c’est Hahnemann, « loin d’être un pâle imitateur des anciens spagyristes », qui vient couronner leur œuvre de tâtonnements et de recherches, puisque pour Allendy, « la formule alchimique du Grand-Œuvre thérapeutique est complètement réalisée dans l’homœopathie240 ».
96L’année suivante, dans un article publié dans L’Esprit nouveau, une revue d’avant-garde concernant tous les domaines de la pensée, l’homéopathe apporte une nouvelle innovation dans son récit qui permettra à celui-ci de se diffuser en dehors des cercles homéopathiques et occultistes. Cet article s’intitule « La médecine synthétique », et il n’est alors plus question de la loi des contraires contre la loi des semblables, mais de l’analyse contre la synthèse. Selon Allendy :
« Dès l’origine, les sciences ont toujours progressé par l’alternance de deux processus : analyse et synthèse. On commence par accumuler les faits et les observations particulières ; chaque chercheur exploite un sentier divergent et c’est la période d’analyse. En s’éloignant trop les uns des autres, les spécialistes aboutissent à un chaos de notions éparses, et perdent toute vue d’ensemble ; le besoin se fait alors sentir d’une idée générale pour coordonner la multitude des acquisitions parcellaires : on cherche à abstraire quelques principes essentiels de toutes les branches du savoir humain, et c’est la période de synthèse241. »
97Bien sûr, les camps opposés sont toujours les mêmes. L’École d’Alexandrie et la médecine spagyrique sont des essais de synthèse médicale tandis que le mouvement analytique domine depuis la fin du xviie siècle ce qu’Allendy considère être une « ère matérialiste ». Hahnemann a certes conçu une grande synthèse thérapeutique, mais « sa méthode resta comme une graine perdue sur du sable sec, attendant l’occasion de germer242 ». Or, et c’est bien là tout le propos du jeune médecin dans cette revue d’avant-garde :
« Aujourd’hui, le milieu devient favorable. Le besoin de synthèse se fait sentir. La médecine analytique s’est heurtée à la notion du tempérament individuel ou, comme l’on dit, du “terrain” dont l’importance apparaît chaque jour plus grande, au détriment de l’idéal étiologique243. »
98Allendy souligne le caractère avant-gardiste de l’homéopathie, mais surtout, il insiste sur la synthèse médicale à venir, fondée sur la notion de terrain. Pour lui :
« Dans dix ans, il ne restera sans doute plus rien de la vieille querelle entre allopathes et homéopathes. La médecine reviendra au but qu’elle a un peu trop négligé ces temps derniers : celui de guérir. Elle s’achemine vers la notion du complexus symptomatique individuel, synthèse destinée à remplacer les éléments de l’analyse étiologique décevante. Telle sera l’orientation de la médecine dans le grand mouvement synthétique qui se prépare244. »
99Ainsi, plus que la loi des semblables, une notion somme toute clivante, Allendy préfère revendiquer le concept plus flou de synthèse pour promouvoir la valeur, novatrice mais aussi traditionnelle, de l’homéopathie.
100L’analyse constitue la deuxième règle de la méthode de Descartes, la synthèse la troisième, et ces deux méthodes philosophiques ont pu être opposées et revendiquées par de nombreux auteurs, mais il est remarquable de noter que le concept de « médecine synthétique » a également été promu avant lui par des auteurs appartenant aux courants ésotériques. Megher Duz publie en effet un Compendium de médecine synthétique électro-homéopathique (1897) où il en appelle à Papus, auteur d’un Essai de physiologie synthétique (1891), selon qui :
« C’est le propre des systèmes sérieusement synthétiques que l’erreur dans un point de détail ne saurait en rien nuire à leur ensemble ; tandis que tout système analytique peut être renversé de fond en comble s’il vient à être démontré qu’un seul fait est en contradiction flagrante avec tous ceux qui ont servi à établir ce système245. »
101En se réclamant d’une médecine synthétique, différente de la médecine « officielle » analytique, Duz se range bien du côté des alchimistes et de Papus, qui n’a pas manqué de placer le programme du Groupe indépendant d’études ésotériques sous le signe de la synthèse. De plus, l’ingénieur des ponts et chaussées Claude Clavenad (1853-1932), par ailleurs alchimiste et collaborateur de L’Hyperchimie, publie à partir de juin 1904 une rubrique de « Médecine synthétique » dans La Voie, une revue occultiste. Selon lui, « la médecine synthétique repose sur la connaissance des lois vitales ; c’est en quelque sorte la Science de la Vie et de la Génération », et avant d’évoquer quelques notions de cette science, relatives à la correspondance du microcosme et du macrocosme et aux trois matières alchimiques du soufre, du mercure et du sel, il affirme que « le père de la médecine synthétique est Hermès246 ». Dans la mesure où Clavenad, Duz et Papus sont mentionnés dans sa thèse, texte dans lequel il décrit la philosophie hermétique comme une « science-synthèse », il est donc possible d’affirmer que le concept de médecine synthétique exposé par Allendy dans L’Esprit nouveau s’est trouvé pour le moins fortement influencé par le milieu occultiste. Bien sûr, l’idée de synthèse circule plus largement. Elle est dans l’air du temps, comme en témoigne par exemple la Revue de synthèse historique fondée par Henri Berr (1863-1954) en 1900, ce qui explique d’ailleurs le succès du concept de médecine synthétique.
102Ce n’est toutefois pas l’article de L’Esprit nouveau qui engage cette diffusion, mais son extension sous forme de monographie, qu’il intitule Orientation des idées médicales. Cet ouvrage est publié en 1929 à 3 300 exemplaires aux éditions « Au sans pareil », dans la collection « Les manifestations de l’esprit contemporain ». Là encore, Allendy ne s’adresse pas à un public d’homéopathes mais à une certaine élite intellectuelle intéressée par les mouvements d’avant-garde : les éditions « Au sans pareil » publient principalement des auteurs surréalistes et la collection accueille également des contributions sur l’architecture ou le cinéma247.
103Dans cette tribune, Allendy critique durement la médecine analytique du xixe siècle, dont il constate la faillite, et annonce la renaissance de la médecine synthétique centrée sur la notion de terrain, comme le laisse présager l’essor de l’homéopathie, des réflexothérapies et de la psychanalyse. Pour illustrer son message, il combine la puissance de deux récits et fait se superposer le récit de l’ancienne médecine-sagesse avec celui de l’opposition entre analyse galénique et synthèse hippocratique. L’exergue du premier chapitre résume alors ce double récit :
« les théories médicales ont toujours gravité autour de deux conceptions opposées ; selon l’une, la maladie serait due à une influence exogène, accidentelle, qu’il faut reconnaître par l’analyse puis combattre spécialement ou supprimer ; selon l’autre, la maladie serait l’expression d’une activité endogène, liée à la synthèse des conditions de vie, ce serait un effort d’adaptation à des circonstances difficiles et le médecin aurait pour tâche de le favoriser et le soutenir. La médecine synthétique a été celle de l’antiquité (Inde, Chine, Hippocrate) ; elle fut reprise par les Hermétistes, continuée par les Vitalistes et par Hahnemann. La médecine analytique, après avoir été celle des primitifs, fut soutenue rationnellement par Galien, Celse, continuée par les Arabes, reprise à l’époque moderne par des médecins comme Sylvius, Boerhaave, Bichat, Broussais, etc., et trouva son épanouissement dans l’ère du pasteurisme que nous venons de traverser248 ».
104Ainsi, « l’immense fatras des doctrines élaborées au cours des siècles gravite autour de deux conceptions opposées de la maladie qui sont comme les deux pôles de la médecine », et le holisme médical, puisque c’est ce que recoupe le concept de médecine synthétique, se voit accoler une tradition prestigieuse qui remonte à la plus haute antiquité et qui suit le parcours de la philosophie hermétique précédemment détaillé249. Plus que la loi de similitude, c’est la vis medicatrix naturae et son corollaire, la prise en compte des aspects physiques, psychiques et environnementaux propres à l’individu, qui caractérisent cette médecine. Plus largement, c’est même son inclinaison vers le spiritualisme. En effet, Allendy n’hésite pas à suggérer :
« Au fond, ces deux conceptions se rattachent à l’attitude générale des médecins en face du monde, les uns y voyant un jeu de forces qui jouent selon des contingences fortuites, les autres y cherchant une harmonie et la réalisation d’un plan d’ensemble vers un but. On pourrait ajouter, sans doute, que le point de départ de cette divergence se trouve lié à l’idée de finalité universelle, par conséquent à un certain sens religieux ; c’est pourquoi les tendances qui en procèdent sont si radicalement différentes, si puissantes aussi dans l’esprit de chacun, car en cela, elles touchent à l’un des facteurs affectifs les plus puissants de la libido humaine250. »
105La lutte de la médecine synthétique contre la médecine analytique, c’est donc en quelque sorte la lutte du spiritualisme contre le matérialisme. Avant lui, Claude Bernard avait également affirmé cette opposition millénaire entre, d’une part, les philosophes et les médecins célèbres qui « ont regardé les phénomènes qui se déroulent dans les êtres vivants comme émanés d’un principe supérieur et immatériel agissant sur la matière inerte et obéissante », parmi lesquels Pythagore, Platon, Aristote, Hippocrate, Paracelse et Van Helmont, et ceux qui, d’autre part, ont essayé « d’établir l’identité entre les phénomènes des corps inorganiques et ceux des corps vivants », qui « ne reconnaissent pas d’intelligence motrice » : Démocrite, Épicure, Descartes, et Leibniz251. Toutefois, à la différence d’Allendy, Bernard se place du côté de la seconde tradition, en opposition aux vitalistes qu’il critique. Bien que la figure du physiologiste soit respectée, les médecins holistes vont pourtant apprécier Orientation des idées médicales et se trouver marqués par le récit que cet ouvrage développe.
106Gaston Baissette reprend mot pour mot ce récit dans la thèse romanesque qu’il consacre à Hippocrate et qui connaît un franc succès de librairie252. L’Hippocrate de Baissette est présenté comme un grand initié des temples de Cos, père de la médecine synthétique. La synthèse est perçue comme l’un des deux pôles de l’esprit humain, caractérisé par « la grande loi du Tout est dans Tout » des alchimistes253. En médecine, elle considère que la maladie est liée à l’organisme et à l’ensemble des manifestations du corps humain. Elle s’oppose ainsi à la médecine analytique, représentée par l’école de Cnide et Galien, pour qui la maladie est due à une influence extérieure, accidentelle, à l’organisme et qui ne s’occupe que de la lésion des organes. Ces deux positions ont tour à tour occupé l’esprit : Cos et Cnide, hippocratisme et galénisme, vitalisme et organicisme, médecine synthétique et médecine analytique254. Là encore, cette tradition de la médecine synthétique permet d’ancrer dans le temps les critiques contemporaines de la médecine officielle, présentée comme « organiciste, cnidienne, galéniste, analytique », et de donner plus de poids au vœu que Baissette formule en conclusion de son ouvrage : « Il nous paraît nécessaire en médecine de revenir à l’esprit hippocratique, dont le vaste syncrétisme ouvrait la voie à tous les progrès255. »
107Tandis que Cawadias perçoit Orientation des idées médicales d’Allendy comme « une exposition remarquable du Néohippocratisme256 », Pierre Delore reprend lui aussi ce récit dans Tendances de la médecine contemporaine. Il l’adoucit néanmoins en proposant, plus qu’un retour à la médecine synthétique, son union avec la médecine analytique. Pour lui, la cause du malaise actuel de la médecine réside avant tout dans le fait que les « deux tendances souvent divergentes qui se manifestent en elle » sont présentées comme irréconciliables257. Rappelons que Delore est un médecin agrégé, qu’il n’est pas un « franc-tireur de la médecine » comme Allendy, aussi entend-il développer « cette idée que les deux tendances de la médecine contemporaine ne doivent pas être opposées, mais au contraire harmonisées dans une conception synthétique et uniciste258 ». Cette perspective dialectique, il la répète lors du congrès de médecine néo-hippocratique de 1937, et la voix du Dr Allendy résonne avec lui quand il déclare :
« L’histoire de la médecine montre que la pensée médicale a sans cesse oscillé entre deux pôles : l’un correspondant à la médecine analytique, l’autre à la médecine synthétique. Deux conceptions, deux façons d’envisager le problème de la cause de la maladie sont en effet toujours affrontées, l’une considérant surtout les facteurs externes ou particuliers ou morphologiques des problèmes médicaux, l’autre leur face interne ou générale ou physiologique. Cette tendance divergente mettait déjà aux prises l’école de Cnide et l’école de Cos. Et depuis vingt-trois siècles la pensée médicale a passé par des cycles où le point de vue analytique et le point de vue synthétique l’emportèrent alternativement259. »
108Mais plutôt que d’appeler au triomphe de la médecine synthétique, Delore se montre moins sévère qu’Allendy envers la médecine officielle de son temps. À l’image de l’orientation suivie par le congrès, il incite ses confrères à « retourner aux principes hippocratiques », à « s’en inspirer pour une révision, une réévaluation de certaines données (par exemple la place ou la valeur du microbe dans la maladie) », mais « tout en poursuivant la voie de l’analyse scientifique la plus rigoureuse260 ». Il s’agit de critiquer la place excessive de l’esprit d’analyse plus que cet esprit en tant que tel, complémentaire de l’esprit de synthèse.
109Maxime Laignel-Lavastine défend également cette ligne-là, et lui aussi participe à la diffusion du récit développé par Allendy dans la volumineuse Histoire générale de la médecine qu’il dirige. Titulaire de la chaire d’histoire de la médecine et de la chirurgie, Laignel-Lavastine est peut-être l’historien de la médecine le plus influent en France à cette époque, aussi peut-il être surprenant, à première vue, de le voir soutenir un tel récit. Cependant, comme n’a pas manqué de le remarquer Weisz261, cette adhésion est liée à l’objectif de promotion d’un humanisme médical qu’il assigne à sa pratique historienne, elle aussi synthétique. Pour lui, « l’érudition est à la base de l’histoire », mais « après s’être servi de la loupe, il faut savoir lever les yeux, contempler tout le paysage, regarder les cieux et prendre une vue synthétique de la patiente élaboration analytique262 ». Comme tant d’autres médecins historiens de la médecine, Laignel-Lavastine utilise l’histoire pour défendre et diffuser ses vues médicales. Il confie donc le chapitre sur la médecine chez les Grecs à Gaston Baissette, qui oppose à nouveau Cos à Cnide, et celui concernant la médecine au Moyen Âge à Pierre Winter.
110Inspiré par l’œuvre de René Guénon et sa vision positive de l’époque médiévale – qu’il perçoit comme religieuse et traditionnelle et qu’il oppose trop hâtivement aux temps modernes263 – Winter appelle à reconsidérer la médecine médiévale, soucieuse d’hygiène individuelle et initiée à l’hermétisme et aux sciences occultes264. Il vante l’œuvre d’Arnaud de Villeneuve et ne se cache pas de s’appuyer sur l’étude que lui consacre le Dr Lalande. De même, Paracelse lui apparaît comme un médecin typiquement médiéval, et il n’hésite pas à reprendre le récit de l’ancienne sagesse en vantant la médecine des druides celtes, « continuateurs de la tradition de l’Apollon hyperboréen », dont des vestiges se retrouveraient à la période médiévale grâce à « des groupements d’initiés qui se transmettent encore des fragments de la sagesse du passé265 ». Enfin, dans le troisième volume de cette œuvre collective publié après-guerre, son ami Marcel Martiny compose, quant à lui, une histoire de l’homéopathie qui reprend les récits précédemment développés, et où il dépeint Allendy comme un « homme de grande culture synthétique et dont les ouvrages, particulièrement son livre sur l’Orientation des idées médicales, marquent une date dans l’histoire de la pensée médicale266 ».
111L’exemple de Martiny nous pousse à remarquer que si le caractère historique de la tradition retracée par Allendy est critiquable sur bien des points, cette tradition, en plus de légitimer, de renforcer et d’unir le holisme médical, incite les médecins à se pencher sur les travaux de leurs prédécesseurs, d’ici et d’ailleurs. Cette construction discursive a donc eu un impact sur les évènements et les pratiques. Cette influence est somme toute difficilement mesurable, mais elle se retrouve par exemple en partie dans le projet d’organisme de recherches scientifiques sur les médecines traditionnelles, inspiré par le groupe du « Carrefour de Cos » dont les membres figurent parmi les principaux pionniers de l’acupuncture en France. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Soulié de Morant participe à l’Histoire de la médecine de Laignel-Lavastine dans un chapitre sur « Chine et Japon » où il affirme bien haut le caractère synthétique, mais aussi analytique, de la médecine chinoise267. Aussi paraissait-il important de souligner également cet aspect-là de l’influence exercée par les courants ésotériques sur le holisme médical de l’entre-deux-guerres.
Un remède pour la crise ?
112Pour promouvoir leur façon de penser et de soigner, les médecins holistes s’appuient ainsi sur un récit qui attribue à cette vision de la maladie et de la médecine des racines historiques qui s’étendent profondément dans le temps et des précurseurs prestigieux. Cependant, cette tradition n’est pas seulement un argument permettant de légitimer leurs positions. Elle forme donc aussi une ressource à laquelle ces médecins viennent puiser, s’inspirer, pour élargir leurs théories et leurs pratiques et, plus généralement, pour remédier à la crise médicale qu’ils diagnostiquent dans les années trente à la suite du médecin autrichien Bernhard Aschner (1883-1960)268.
113Les médecins holistes et au premier chef René Allendy font en effet le constat d’une médecine « à la croisée des chemins », pour reprendre l’expression de Harvey Cushing (1869-1939)269, ou en passe de changer de paradigme, pour parler en épistémologue. La médecine analytique actuelle serait en crise et réclamerait plus de synthèse, plus de largeur de vue, ce qu’ils se proposent d’apporter. Ce regard n’est toutefois pas seulement posé sur la médecine mais davantage encore sur la société dans son ensemble, qui l’oriente inévitablement. Ainsi, la médecine est en crise car la société est en crise, comme l’indique Delore en déclarant : « le trouble universel actuel n’épargne pas la médecine. Il y a crise en médecine comme ailleurs270 ». Or, ce constat ne se fait pas indépendamment du contexte intellectuel de l’époque. Il rejoint celui posé en dehors des cercles médicaux et accentué par la désolation de la Première Guerre mondiale. De nombreux auteurs, penseurs de tous horizons, en viennent à durement critiquer la civilisation occidentale moderne, jugée trop matérialiste et dont la foi en la Science n’aurait apporté que les bombes sur les tranchées. Ces critiques, les courants ésotériques se trouvent en première ligne pour les porter, mais au-delà des coups, ils proposent également leur remède, un retour aux sagesses anciennes censé augurer d’une ère nouvelle. De la même manière, les médecins holistes dressent pareil constat et entendent apporter leur pierre à l’édifice, notamment dans le rôle que certains attribuent au médecin. L’influence des courants ésotériques se retrouve donc encore là, dans les éléments de cette critique et les solutions proposées, qui donnent du poids au discours tenu par les médecins holistes de l’entre-deux-guerres. Si cette influence n’est pas toujours évidente, car ce constat est partagé en dehors des courants ésotériques, il reste que cette attitude commune peut à tout le moins contribuer à expliquer leur proximité.
Le constat d’une crise du monde moderne
114Il est commun de décrire l’Europe abasourdie et hébétée au sortir de la guerre. Cependant, la vie intellectuelle n’a pas perdu de sa vivacité et un sentiment de crise, déjà répandu avant-guerre, déferle avec force sur le vieux continent. Ce sentiment est diffusé par les élites intellectuelles de ces différents pays, qui font le constat du déclin du monde occidental et de la décadence de la civilisation européenne. Ce sentiment s’exprime sous des formes variées selon les auteurs et les pays, mais comme le remarque Jan Ifversen, « l’anti-modernisme, la croyance pessimiste que la vie moderne est tout sauf la conséquence du progrès, a été la matrice centrale du débat sur la crise271 ». L’Europe est diagnostiquée malade de la modernité, synonyme de technologie, de société de masse, mais aussi de matérialisme. Cette prise de conscience de la fragilité du monde moderne est illustrée par la célèbre phrase de Paul Valéry (1871-1945) : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », qui introduit un texte dans lequel l’écrivain français suggère que « l’Europe de 1914 était peut-être arrivée à la limite de ce modernisme272 ». Dans ce registre, Oswald Spengler (1880-1936) se distingue en publiant Untergang des Abendlandes (« Le Déclin de l’Occident »), un ouvrage qui sera un grand succès d’édition et qui fera beaucoup pour alimenter le débat autour de ce sentiment de crise et le mouvement antimoderne qui lui est relié, aussi bien en Allemagne qu’à l’international273. Les courants ésotériques n’ont pas attendu la Première Guerre mondiale pour utiliser le registre de la crise, ou d’un changement important à venir, pour diffuser leurs idées. Dans son Traité élémentaire de magie pratique, en 1893, Papus faisait déjà cette prédiction :
« Un vieux monde va s’écrouler, un monde nouveau va naître, et tel qu’Alexandrie aux premiers siècles de notre ère, la moderne barque d’Isis, Paris, voit s’élever mille écoles rivales, mille philosophies contradictoires, tandis que là-bas, vers l’est, de sombres grondements se font entendre, indice prochain de l’invasion des barbares germains et tartares274. »
115L’occultiste rassure alors ses lecteurs : « laissez les lâches et les ignorants se désespérer, laissez les prédire la décadence et la ruine des peuples latins, que vous importe ; la Celtide, la patrie des druides et des fées, restera debout ». Il les encourage ensuite à l’action, à devenir des magistes, à maîtriser les sciences occultes, notamment la physiognomonie, pour prendre part dans les meilleures dispositions à la « bataille, intellectuelle aujourd’hui, morale demain, et peut-être physique tout à l’heure275 ». Dans un autre registre, Annie Besant appelle les théosophes à favoriser l’avènement d’une nouvelle civilisation, qui remplacera celle qui s’effondre, en éveillant notamment la conscience publique276. De son côté, René Guénon affirme qu’il se pourrait bien que « nous approchions réellement de la fin d’un monde, c’est-à-dire de la fin d’une époque ou d’un cycle historique, qui peut d’ailleurs être en correspondance avec un cycle cosmique, suivant ce qu’enseignent à cet égard toutes les doctrines traditionnelles277 ». Ce passage est tiré de La Crise du monde moderne (1927), un ouvrage dans lequel Guénon fait correspondre l’époque actuelle à la phase finale du Kali-Yuga, un concept brahmanique apparu au premier siècle de l’ère chrétienne dans un contexte de crise du védisme face à l’émergence du bouddhisme et du jaïnisme, et qu’il réinterprète comme un âge sombre dans lequel nous nous trouvons depuis plus de 6 000 ans et dont nous traversons actuellement la période la plus opaque278. Ainsi, selon Guénon, la civilisation occidentale moderne est marquée par le matérialisme, cet état d’esprit « qui consiste à donner plus ou moins consciemment la prépondérance aux choses de l’ordre matériel et aux préoccupations qui s’y rapportent », et ce développement exclusivement matériel est catastrophique, au-delà « des connaissances supérieures oubliées, de l’intellectualité détruite, de la spiritualité disparue279 ». Dans son esprit, le passage d’un monde à un autre apparaît inévitable, et pour que ce changement se produise dans les meilleures conditions, Guénon évoque la reconstitution d’une élite intellectuelle occidentale, aujourd’hui disparue, qui pourra accomplir un travail de restauration de la tradition et qui donnera une direction à la masse. En cela, le remède à la crise proposé par Guénon n’est pas si différent de celui que préconise Henri Massis (1886-1970), un intellectuel de la droite catholique et maurrassienne éloigné des courants ésotériques.
116Dans Défense de l’Occident (1927), Massis fait aussi le constat que « le problème qui se pose devant nous est spirituel d’abord » et que sa résolution passe par « une restauration intégrale des principes de la civilisation gréco-latine et du catholicisme280 ». Toutefois, il n’est pas question d’une tradition primordiale comme l’entend Guénon, et encore moins de l’aide spirituelle éventuelle apportée par l’élite orientale que Guénon détaillait quelques années plus tôt dans Orient et Occident (1924). Au contraire, l’influence des religions orientales est perçue par Massis comme une menace qui pèse lourdement sur le patrimoine spirituel européen, et il critique à ce titre les ponts intellectuels et culturels jetés par Romain Rolland (1866-1944) et le comte Hermann von Keyserling (1880-1946) entre ces deux continents. L’Occident matérialiste en déclin doit-il chercher dans les racines de sa civilisation la spiritualité qui le ranimera ou doit-il se tourner vers « l’Orient spirituel » ? Telles sont les deux alternatives d’un débat sur lequel viennent se greffer des considérations plus générales aux relations entre Orient et Occident et auquel participent de nombreux intellectuels venus d’horizons différents, comme en témoigne l’enquête sur « les appels de l’Orient » publiée en 1925 par Les Cahiers du mois281. Cette opposition se retrouve aussi au sein des courants ésotériques, entre un théosophe comme Allendy, pour qui l’Occident peut gagner à une fréquentation plus intime de l’Orient, et un martiniste comme Constant Chevillon (1880-1944), qui affirme « la supériorité du verbe occidental et de l’excellence de notre tradition gréco-latine et celtique par rapport au verbe oriental et à la tradition Indoue282 ». Néanmoins, que cette tradition soit hindoue, latine, gnostique, celtique ou même atlantéenne, nombreux sont les courants ésotériques à s’y référer pour suggérer une sortie possible à la crise que traverse l’Occident et orienter sa rénovation. Ce constat de crise, partagé en dehors des courants ésotériques, est donc également partagé par de nombreux médecins, plus ou moins proches de ces courants. Paul Carton est l’un d’eux.
117Dans le premier numéro de La Revue naturiste, il introduit le but de cette publication en déclarant :
« Les idées qui règnent à l’heure actuelle sur la façon de diriger la vie humaine sont fort incomplètes et en majeure partie inexactes.
Les enseignements officiels, donnés dans les Écoles et les Instituts sont, en effet, fondés pour la plupart sur le matérialisme. Il en est résulté, entre autres, un affaiblissement de la moralité, une méconnaissance des lois de la vie saine et une fausse orientation des doctrines médicales qui pèsent lourdement sur notre génération. De l’accumulation des fautes et des faux remèdes sont nées la crise atroce que l’humanité vient de traverser et la persistance de nos embarras présents283. »
118Dès les premières lignes, Carton ne se restreint donc pas au simple cadre médical. Il évoque la « crise atroce » de la Première Guerre mondiale et l’explique par une mauvaise orientation des doctrines médicales et, plus généralement, par une mauvaise orientation de la société et des individus qui la composent. Les causes de cette crise sont selon lui toujours présentes et peuvent se résumer à une prépondérance du matérialisme sur le spiritualisme. Par conséquent, la doctrine naturiste qu’il se propose de faire connaître ne se contentera pas de soigner les malades, mais visera à diriger les vies humaines et, avec elles, la société, « dans le but d’empêcher le retour d’aussi graves échéances284 ». La médecine naturiste apparaît ainsi comme un remède à la crise, et Carton fait lui aussi appel à la tradition quand il soutient que « ces principes généraux sur lesquels elle se fonde sont vrais, parce qu’ils ont été universellement proclamés de tout temps par les sages, les religieux et les grands médecins de la Tradition Naturiste285 ». Cette tradition, elle est gréco-latine, c’est celle de Pythagore et d’Hippocrate ; ce n’est pas celle de Galien, mais ce n’est pas non plus celle de Paracelse et des Orientaux. Alors qu’au moment de sa proximité avec la Société théosophique, il n’hésitait pas à évoquer le végétarisme des sages hindous pour légitimer ce régime, cet argument semble perdre de la valeur à ses yeux avec le temps. Au contraire, il critique même ses confrères homéopathes qui se revendiquent, suivant le récit de l’ancienne médecine développé par Allendy, de plusieurs traditions à la fois et d’une influence orientale en particulier. Il les parodie même de manière acerbe : « En réalité, comme nous sommes tout : bassins méditerranéens par Hippocrate, nazistes par Paracelse, occidentaux et chrétiens de naissance, nous sommes aussi et surtout théosophes et orientaux de la plus pure et de la plus pleine chinoiserie (oh ! combien !)286. » Au moment de présenter la raison d’être du « Trait d’Union », Jacques Demarquette affirme également que la doctrine du naturisme remonte à la plus antiquité – bien que sa tradition à lui soit plus orientale – et qu’elle pourrait servir à régénérer l’humanité. Cette position est d’ailleurs partagée par l’ensemble du mouvement naturiste, dont les perspectives, nous l’avons dit, dépassent le simple cadre médical pour promouvoir une réforme complète des modes de vie en réponse à ce qui est perçu comme une dégénérescence de la société moderne, urbaine et industrielle. Le contexte particulier de l’entre-deux-guerres, parcouru par ce sentiment de crise de la modernité, explique certainement l’essor du naturisme durant cette période, tout comme la réponse qu’il entend apporter à ce sentiment de déclin explique la profondeur de ses affinités avec les courants ésotériques. Bien qu’ils se soient par ailleurs bien adaptés à certains de ses aspects, notamment commerciaux287, ces deux milieux partagent en effet une même critique du monde moderne et préconisent des alternatives similaires, qui trouvent leurs racines dans le passé.
119Ainsi dans L’Aube nouvelle, une revue typique des courants ésotériques dont le titre dévoile le programme, le lecteur est invité à devenir naturiste « afin de goûter les joies les plus hautes auxquelles il puisse atteindre, au lieu de végéter, comme c’est trop souvent le cas, dans une existence purement matérielle et superficielle qui engendre, avec les guerres et les maladies, la plupart des maux dont souffre l’humanité288 ». Cette revue est proche du Groupe naturiste d’Alger et du « Trait d’Union », notamment grâce au théosophe Jacques Louis Buttner, un médecin dont la pratique, comme celle des autres médecins naturistes, s’accorde à ce qu’il estime être bon, non seulement pour ses patients, mais pour la société dans son ensemble. Si la médecine naturiste telle que nous l’entendons dans ce travail s’inscrit dans un mouvement naturiste plus large, le holisme médical s’inscrit lui aussi, pour certains de ses représentants, dans un mouvement plus général présenté comme un nouvel « humanisme » en passe de s’étendre à tous les domaines de la pensée humaine, en réponse au déclin de l’ère moderne. Cette idée se retrouve chez Allendy, quand il évoque « l’orientation de la médecine dans le grand mouvement synthétique qui se prépare289 ». Ce grand mouvement synthétique, dans le sillage duquel se développe l’impulsion nouvelle que connaît la médecine synthétique, Allendy se propose de l’encourager en fondant son groupe d’études en Sorbonne, dont l’un des buts est de montrer comment ce mouvement nouveau « continue les grandes traditions du passé290 ». Sur ce point comme sur d’autres, Tendances de la médecine contemporaine emprunte beaucoup à Orientation des idées médicales, notamment quand Delore affirme que « notre civilisation moderne est à un tournant et que dans beaucoup de domaines un mode de vie nouveau se dessine291 ». Nous avons cité la manière dont le médecin lyonnais se représente l’époque qui selon lui se termine, celle « qui a nié les valeurs véritablement humaines, qui a donné la primauté aux valeurs matérielles » et qui n’a pu qu’aboutir « à un des plus grands drames de l’histoire », faute d’un progrès « dans le monde de l’esprit » équivalent au progrès scientifique. Delore mentionne Paul Valéry pour appuyer son propos, mais son constat est semblable à celui de Jacques Demarquette et Pierre Winter, davantage inspirés par le mouvement théosophique et René Guénon. Pour l’un, « il ne s’agit pas seulement d’une rapidité moins grande dans le développement de la conscience, mais bien d’une véritable et totale stérilisation des facultés supérieures de celle-ci par la vie dans le milieu artificiel engendré par le progrès industriel292 », tandis que l’autre remarque sobrement que « le xxe siècle commence à se rendre compte qu’une civilisation, qui ne vit que de conquêtes matérielles, mène au désespoir293 ». Dans l’introduction à l’ouvrage dans lequel publie Winter, Laignel-Lavastine précise que l’histoire de la médecine permet « de comprendre en quoi consiste l’humanisme médical, qui avec l’humanisme littéraire, scientifique, religieux, aboutit, dans une synthèse heureuse, à la naissance d’un nouvel humanisme294 ». Cet « humanisme médical » dont il encourage la diffusion, que ce soit à travers la revue Hippocrate ou l’organisation du congrès néo-hippocratique, s’inscrit donc au sein d’un mouvement « humaniste » plus global, dans ce mouvement synthétique général qui se développe en réponse à la crise et auquel médecins comme ésotéristes entendent contribuer.
120Alexis Carrel, de son côté, ne saurait d’autant moins être qualifié d’humaniste, mais lui aussi partage le constat du déclin moderne. Il affirme le besoin de renverser la civilisation industrielle et de permettre « l’avènement d’une autre conception du progrès humain » basée sur une meilleure connaissance de l’être humain et de son fonctionnement295. Bien que la voie proposée diffère sur certains points des solutions avancées par les tenants du naturisme et du néo-hippocratisme, notamment dans l’intérêt accordé à la tradition, il rejoint les médecins précités sur la forme de leur discours en inscrivant son œuvre dans le cadre d’une dynamique nouvelle qui permettra à la civilisation occidentale de sortir de l’ornière dans laquelle elle est supposée se trouver. La force avec laquelle il appelle ces changements a certainement contribué à l’important succès de L’Homme, cet inconnu, en plus de la notoriété de son auteur. Pour lui, « le moment est venu de commencer l’œuvre de notre rénovation », « il faut nous lever et nous mettre en marche. Nous libérer de la technologie aveugle », car « pour la première fois dans l’histoire du monde, une civilisation, arrivée au début de son déclin, peut discerner les causes de son mal296 ». Dans cette « voie nouvelle », sur laquelle « il faut dès à présent nous avancer », la médecine et plus particulièrement le médecin ont donc un rôle d’importance à jouer, bien que l’ouvrage de Carrel ne s’adresse pas seulement à ces derniers.
Le rôle du médecin
121Pour conclure, le rôle attribué au médecin holiste, qui dépasse là encore le simple cadre thérapeutique, mérite d’être étudié. Tout comme la médecine s’inscrit dans un mouvement plus large, qui se revendique humaniste et synthétique, le rôle du médecin, bien souvent, ne se résume pas à soigner les maladies mais à orienter les individus et, par là même, à guider l’humanité pour l’aider à sortir de la crise. Cet objectif insère le holisme médical dans le cadre plus général du mouvement eugéniste, dont l’une des préoccupations centrales était l’insertion des individus à la place sociétale supposément adaptée à leurs aptitudes297. Cette question mériterait toutefois un ouvrage à elle seule, aussi contentons-nous ici de tracer un parallèle avec le rôle des initiés dans les courants ésotériques, qui entendent également guider l’humanité dans leur sillage après avoir pris eux-mêmes connaissance des lois ésotériques de la vie et de la nature. Cette idée d’une élite initiée chargée de guider la masse se retrouve notamment, nous l’avons vu, à la Société théosophique et dans les écrits de Guénon, et elle joue un rôle dans la promotion des courants ésotériques en offrant aux aspirants-initiés la perspective de jouer un rôle d’envergure dans les destinées du monde. De la même manière, il est possible de suggérer qu’en attribuant au médecin un rôle qui dépasse celui du simple soignant, le holisme médical a pu se rendre attractif auprès de praticiens insatisfaits de leur rôle dans la société.
122Sans surprise, cette correspondance entre la figure du médecin et celle de l’initié est explicitement affirmée par Paul Carton, pour qui « le vrai médecin doit être un sage, un savant et un initié298 ». Il s’appuie, pour affirmer cela, sur l’image d’un Hippocrate initié et sur un extrait du Corpus hippocratique traduit par Jean-Baptiste Gardeil (1726-1808) qui soutient que « c’est un sacrilège de communiquer [les choses sacrées] aux profanes avant qu’ils aient été initiés aux mystères de la science299 ». Ainsi, le médecin naturiste doit aussi être un initié, car son rôle « dépasse de beaucoup celui du médecin classique300 ». Il a un « rôle de directeur synthétique de l’être humain » et celui-ci consiste « à apprendre aux malades à se mieux diriger de corps et d’esprit, à les éclairer sur ce qui leur est nocif et sur ce qui leur est salubre301 ». Pour cela, il doit être « instruit de la complète constitution de l’homme » et connaître à fond les lois naturelles qui régissent l’être humain et sa santé. Le médecin participe alors à l’œuvre de redressement collectif en facilitant la réforme des individus. Selon Carton, « la seule voie de salut qui s’offre, pour améliorer le sort de l’humanité, c’est l’individualisme bien dirigé. En d’autres termes, c’est l’éducation des masses par l’enseignement des lois synthétiques de la santé physique et morale302 ».
123Cette idée se retrouve également exposée par Marcel Viard, fortement influencé de manière générale par le naturisme cartonien. Toutefois, si Carton attribue au médecin le rôle d’éducateur et d’instructeur, il écrit avant tout en tant que médecin qui chercher à redonner ou conserver la santé de ses patients et de ses lecteurs, tandis que Viard, de son côté, ne porte pas seulement la casquette du médecin, mais aussi celle du prêtre, ou de celui que nous appellerions aujourd’hui le « coach en développement personnel ». Il s’adresse d’ailleurs aussi bien à ses confrères, qu’à des parents ou des pédagogues. Les buts de sa revue Calme et santé sont à ce titre explicites :
« 1) Guider les malades (organiques et nerveux).
2) Guider les jeunes gens (garçons et filles) au point de vue moral et intellectuel.
3) Guider les parents dans l’éducation des enfants.
4) Guider les éducateurs dans l’application des lois psycho-physiologiques à la pédagogie303. »
124Viard adhère à l’idée que le remède à la crise passe par une réforme individuelle et une meilleure maîtrise du corps, de l’esprit et des sentiments, mais les médecins ne sont pas les seuls à pouvoir orienter cette réforme. Pour lui, « chaque père de famille, chaque maman, chaque instituteur ou institutrice, chaque directeur de conscience, chaque employeur doit comprendre la nécessité impérieuse d’une Rénovation Sociale en partant de l’individu304 ». À son niveau, en diffusant ses enseignements, il entend « ouvrir une voie où d’autres s’engageront après nous et qui aboutira à l’Ordre dont nous avons tant besoin305 », et lui aussi trace un parallèle explicite entre son activité de médecin-éducateur et la figure de l’initié chère aux courants ésotériques. Dans un article intitulé « S’élever », il évoque notamment les célèbres temples initiatiques de l’Inde, de l’Égypte, de la Grèce et de la Chine, qui avaient selon lui « pour but de renseigner l’adepte sur les obstacles qu’il pourrait rencontrer dans la vie et de lui apporter les moyens de les surmonter306 ». Il regrette la déperdition de ce savoir et appelle la psychologie moderne à retrouver « l’art de former des cerveaux et des cœurs ». Il exalte alors la figure du « véritable initiateur », « celui qui sait faire lire dans le grand livre de la Nature, qui fait observer à son élève les phénomènes analogues pour en déduire des lois » à la lueur desquelles « sa vie tout entière s’éclairera singulièrement et sa marche à travers les obstacles de l’existence sera considérablement facilitée307 ». Viard se présente donc comme un initiateur moderne dont le rôle dépasse celui du simple médecin, car il implique d’orienter son patient-disciple sur le chemin de la vie, dans un monde désorienté et en désarroi. Cette orientation est intellectuelle, morale mais aussi professionnelle, et lors du congrès de médecine néo-hippocratique de 1937, Viard affirme qu’elle est facilitée par ce qu’il nomme la psychologie clinique objective, sa méthode basée sur la physiognomonie qui permettrait de déceler les qualités morales de chacun. Selon lui, en permettant une meilleure orientation des individus, « elle peut contribuer à faire disparaître la crise de moralité actuelle (la morale étant l’art de vivre) et à préparer un avenir meilleur aux hommes de bonne volonté308 ».
125Cette communication trouve toute sa place dans le congrès, car une meilleure orientation professionnelle est considérée comme un moyen de résoudre la crise par de nombreux médecins holistes. Par exemple, dans son ouvrage La Médecine de demain (1925), le Dr Émile Laplanche, disciple de Sigaud, vante l’intérêt de la médecine morphologique pour l’orientation professionnelle. « Si jusqu’ici le rôle du médecin et le rôle de l’éducateur ont été séparés, demain la Science de la Vie les fusionnera », et cette médecine qu’il nomme « Science de la vie », « de la même manière qu’elle aura formé des hommes, elle formera des sociétés, des nations comme nous les rêvons309 ». Il va même jusqu’à soutenir qu’elle « parafera l’évolution naturelle de l’Humanité, la conduisant de l’adolescence où elle entre, à son âge mûr, à son âge d’Or310 ». L’enjeu de l’orientation professionnelle n’est pas moins considérable sous la plume de Marcel Martiny, le médecin chef du Centre médical d’orientation professionnelle de la chambre de commerce de Paris, un lieu où exercent le Dr Winter et de nombreux médecins proches du milieu homéopathique : les Dr Morlaas, Balland, Subileau, Barishac et Thérèse Martiny. Dans un article concernant « le rôle du médecin en orientation professionnelle », Marcel Martiny, acquis aux travaux de Nicolas Pende, affirme que « [les anciens hellènes] avaient empiriquement trouvé les liens entre la personnalité organique et la personnalité psychique311 ». Il fait ici référence à la statuaire antique et à sa représentation des divinités, et il s’en sert pour légitimer l’intérêt de la biotypologie pour l’orientation professionnelle des jeunes gens, si importante à ses yeux dans le contexte actuel. À ce propos, il conclut son étude ainsi : « Le destin de la jeunesse est lié à celui de l’orientation professionnelle. Il faut s’appuyer sur des données immuables. Le médecin par sa culture et sa pratique apportera sa part essentielle d’ordre biologique, dans ce problème non de société mais de civilisation312. » Notons que ces données immuables, les représentations mythologiques des Grecs, sont certainement redevables à la typologie de son ancien maître, Léon Vannier, dont nous avons dit toute l’importance qu’il accordait au rôle du médecin, inspiré qu’il était par les ovates d’Henri Favre. Les ovates, comme les homéopathes – et les naturistes –, observent les patients dont ils ont la charge pour en percevoir l’individualité et les aider à se développer de la meilleure façon qui soit. Vannier en revient donc lui aussi à cette image du médecin initié, du médecin complet, dont le rôle supposément bienfaiteur dépasse le cadre strictement médical.
126Ce rôle social du médecin, à propos duquel le Dr Émile Amieux, catholique pratiquant et ami proche de Jacques Maritain, émet quelques réflexions qui l’amènent à déclarer dans L’Homœopathie française que « le médecin doit être un éducateur et non pas un complice de ceux qui cherchent à dominer et non à émanciper l’être humain313 », possède bien sûr une dimension politique très forte qui fait renouer les médecins de l’entre-deux-guerres avec « la médecine du xviiie siècle [qui] ne sépare jamais le médical et le scientifique du social et du politique314 ». Le fait que plusieurs de ces médecins soient proches de l’Action française et de ses réseaux ne constitue certainement pas une coïncidence315. Charles Maurras (1868-1952) proposait lui aussi une voie de sortie à « la crise du spirituel républicain316 », mais une analyse poussée de cet aspect de la question holiste nous entraînerait, là encore, hors des limites que nous avons assignées à notre travail (fig. 24).
Fig. 24. – Proximités et convergences au sein du holisme médical.

Notes de bas de page
1Weisz, « A Moment of Synthesis », op. cit., p. 68.
2Ibid., p. 69.
3Weisz George, « Hippocrates, Holism, Humanism in Interwar France », in David Cantor (dir.), Reinventing Hippocrates, Aldershot, Ashgate, 2002, p. 263. Cet article est le second article de George Weisz à traiter du holisme médical français des années d’entre-deux-guerres. Son contenu est plus ou moins similaire, à la différence près qu’en accord avec les objectifs de l’ouvrage collectif, il interroge plus en profondeur le ralliement des médecins néo-hippocratistes autour de la figure emblématique du père de la médecine.
4Benoit Delphine, Un malade qui s’ignore, un médecin qui guérit : les représentations de la médecine dans les revues de l’entre-deux-guerres en France, thèse de doctorat en histoire des sciences, université Paris 11, 2014, p. 3.
5Sinding Christiane, Une utopie médicale. La sagesse du corps par Ernest Starling, Actes Sud/Inserm, 1989, p. 15.
6Chast François, « Claude Bernard : concept de milieu intérieur », in Encyclopædia Universalis, en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [http://www.universalis.fr/encyclopedie/claude-bernard-concept-de-milieu-interieur/], consulté le 14 février 2020.
7Sinding, op. cit., p. 17.
8Brown-Séquard Edouard et Arsonval Arsène d’, « Recherches sur les extraits liquides retirés des glandes et d’autres parties de l’organisme et sur leur emploi, en injections sous-cutanées, comme méthode thérapeutique », Archives de physiologie normale et pathologique, 5e série, 1891, p. 491-506. Cité in Sinding, op. cit., p. 18.
9Sinding, op. cit., p. 13.
10Annales d’endocrinologie. Bulletin officiel de la Société d’endocrinologie, no 1, mars 1939.
11Cf. Bonduelle Michel, Lhermitte François et Gautier Jean-Claude, « La Revue neurologique, 1893 – 1993 », Revue neurologique, no 2, vol. 149, 1993, p. 91-112.
12Ibid., p. 103.
13Roussy Gustave et Mosinger Michel, Traité de neuro-endocrinologie, Paris, Masson, 1946.
14Gaskell Walter Holbrook, The Involuntary Nervous System, Londres, Longmans, Green and Co., 1916.
15Laignel-Lavastine Maxime, Pathologie du sympathique. Essai d’anatomo-physio-pathologie clinique, Paris, Félix Alcan, 1924.
16Perrin Maurice et Hanns Alfred, « L’influence réciproque et l’action du sympathique et des sécrétions interne en pathologie », Revue française d’endocrinologie, no 5, décembre 1923, p. 392.
17Rey Roselyne, « René Leriche (1879-1955) : une œuvre controversée », in Claude Debru, Jean Gayon et Jean-François Picard (dir.), Les Sciences biologiques et médicales en France, 1920-1950, Paris, CNRS Éditions, 1994, p. 302.
18Sigaud Claude, Une page de biologie humaine, le blessé de guerre, Paris, Maloine, 1916, p. 6.
19Ibid., p. 1-2.
20Jacquin-Chatellier Léonie, « Morphologie humaine : les phases du développement biologique individuel », in Groupe lyonnais d’études médicales philosophiques et biologiques, Formes, vie et pensée, Lyon, Librairie Lavandier, 1934, p. 248.
21Sigaud, Une page de biologie humaine, op. cit., p. 8.
22Lettre-préface écrite par Sigaud en 1894 et publiée dans Jacquin J. et Chatellier L., Un novateur, Claude Sigaud et la morphologie humaine, Paris, Gojard, 1923.
23« Assemblée générale du 29 décembre 1922 – Allocution de M. le Président », Bulletin de la Société d’étude des formes humaines, no 1, mars 1923.
24« Assemblée générale de la Société d’étude des formes humaines du 28 février 1923 », Bulletin de la Société d’étude des formes humaines, no 2, juillet 1923, p. 51.
25Williams John, « Obituary. Professor Paul Chailley-Bert (1890-1973) », British Journal of Sports Medicine, novembre 1973, p. 12. Notons toutefois que Chailley-Bert, tout en gardant un lien amical avec ses confrères, s’éloigne de la Société durant les années vingt.
26Mac-Auliffe Léon, « Préface », in Henri Mangin-Balthazard, Valeur clinique des ongles, Paris, La Renaissance moderne, 1932. Mangin-Balthazard est également proche des médecins morphologistes, et il publie à ce titre, dès 1930, une « Note sur la manière d’obtenir des empreintes destinées à l’examen chiroscopique » dans le Bulletin de la Société d’étude des formes humaines, où il apparaît dans la liste des membres fondateurs en 1932.
27Le Petit Parisien, 9 juin 1921, p. 1.
28L’Athlétisme : bulletin officiel de la Fédération française d’athlétisme, 22 octobre 1921, p. 7.
29L’Athlétisme : bulletin officiel de la Fédération française d’athlétisme, 24 juillet 1926, p. 1 ; Journal des débats politiques et littéraires, 22 juin 1928, p. 4.
30Thooris Alfred, « Avant-propos », L’Homœopathie moderne, 15 mai 1934, p. 724.
31Philippe-Meden, Du sport à la scène, op. cit., p. 259.
32Sambucy André et Mauricette de et Laubry Jean-Jacques, Étude et emploi du yoga iranien et égyptien, Paris, Dangles, 1965. Dans cet ouvrage, une partie du deuxième chapitre est consacrée à « la diastolisation nasale et l’enseignement de Thooris » par le Dr André de Sambucy (1909-1987), disciple de Thooris et grand promoteur des thérapies manuelles.
33Fortier-Bernoville Maurice, « Programme d’enseignement hebdomadaire de l’homéopathie », L’Homœopathie moderne, 1er avril 1933.
34Pende Nicola, La Biotypologie humaine, science de l’individualité, traduit de l’italien par les Dr Paul Godin et Antonio Galluppi, Paris, Maloine, 1925, p. 18.
35Ibid., p. 23.
36Ibid., p. 9.
37Ce point a pu être développé dans la référence suivante, qui nous a également été utile pour résumer le développement de la biotypologie italienne. Cf. Cassata Francesco, « Biotypology and Eugenics in Fascist Italy », in Jorge Dagnino, Matthew Feldman et Paul Stocker (dir.), The “New Man” in Radical Right Ideology and Practice, 1919-1945, Londres, Bloomsbury, 2018, p. 38-63.
38Une chercheuse brésilienne, Luciana Costa Lima Thomaz, a consacré son master en histoire des sciences à Marcel Martiny et son intérêt pour la biotypologie. De plus, sa courte thèse de doctorat étudie le holisme médical français à partir d’un ouvrage collectif publié après-guerre et intitulé Médecine officielle et médecines hérétiques (1945). Cet ouvrage, interprété par Nguyen comme le chant du cygne du mouvement, réunit en effet de nombreuses figures évoquées, dont Martiny. Cf. Costa Lima Thomaz Luciana, Marcel Martiny: eugenia e biotipologia na França do século xx, master en histoire des sciences, Sao Paulo, 2011 ; Costa Lima Thomaz Luciana, As “Medicina Heréticas” e o Holismo Francês na Primeira Metade do Século xx, doctorat en histoire des sciences, Sao Paulo, 2016.
39Thooris Alfred, « Rapports de l’Homme avec le Monde », Plans, no 5, mai 1931.
40Bulletin de la Société de biotypologie, no 1, décembre 1932, p. 36.
41Des études ont, en outre, déjà pu être menées à ce propos. Cf. Carroy Jacqueline, Ohayon Annick et Plas Régine, Histoire de la psychologie en France. xixe-xxe siècles, Paris, La Découverte, 2006, et plus spécialement le chapitre vi, p. 131-155.
42Cf. Von Bueltzingsloewen Isabelle, « Réalité et perspectives de la médicalisation de la folie dans la France de l’entre-deux-guerres », Genèses, no 82, 2011, p. 52-74.
43Il ne nous a pas semblé réalisable et souhaitable d’effectuer cette étude dans le cadre de ce travail, compte tenu de l’importance du corpus qu’il s’agissait déjà d’analyser et de sa relative distance avec le milieu psychanalytique.
44Cf. Guillemain Hervé, La Méthode Coué, op. cit., p. 96.
45Elle change de nom par la suite pour devenir la Société de psychothérapie, d’hypnologie et de psychologie.
46« À nos lecteurs », Revue de psychologie appliquée, janvier 1922. Après une interruption de 1915 à 1922, la revue reparaît sous le nom de Revue de psychologie appliquée, titre qu’elle conservera jusqu’en décembre 1928. En janvier 1929, elle reprend son titre de Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée jusqu’en 1934, date à laquelle sa publication semble s’arrêter. Elle est ensuite continuée, de 1935 à 1940, par le Bulletin de l’École de psychologie et de la Société de psychothérapie. Pour des raisons pratiques, nous la nommons seulement Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée dans notre texte.
47« Les progrès de la psychothérapie. Conclusion du livre de Pierre Janet La médecine psychologique (1919) », Revue de psychologie appliquée, août 1923, p. 121.
48Bérillon Edgar, « La technique de la psychothérapie », Bulletin de l’École de psychologie et de la Société de psychothérapie, no 18, août-septembre 1938, p. 3.
49Artault de Vevey Stephen, « Le terrain constitutionnel et la prédisposition morbide », Revue de psychologie appliquée, décembre 1922.
50Bérillon Edgar, « Le terrain et la prédisposition aux psychonévroses », Revue de psychologie appliquée, mars 1923.
51Ibid.
52Regnault Jules, « Notions nouvelles sur les réflexes », Revue de psychologie appliquée, mai 1928.
53Leprince Albert, « Réflexothérapie et suggestion », Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, février 1930.
54Vachet Pierre, « La réflexothérapie à la Clinique de psychothérapie », Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, février 1930.
55« Nominations », Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, août 1932, p. 154.
56« Charles Richet : 1850-1935 », Bulletin de l’École de psychologie et de la Société de psychothérapie, no 8, mars-avril 1936, p. 2.
57Janet Pierre, « La médecine psychologique », Bulletin de l’École de psychologie et de la Société de psychothérapie, no 19, novembre 1938-janvier 1939.
58Carnot Paul, « Psychothérapie et thérapeutique générale », Revue de psychologie appliquée, mars 1925, p. 41.
59Cf. Marmin Nicolas, « Métapsychique et psychologie en France (1880-1940) », Revue d’histoire des sciences humaines, no 4, 2001, p. 145-171.
60Boll Marcel, L’Occultisme devant la science, Paris, PUF, 1944, p. 120.
61À propos de ce médecin, voir l’ouvrage que lui consacre René Ventura en imaginant qu’il aurait inspiré Jorge Luis Borges (1899-1986) dans l’écriture de sa nouvelle Pierre Ménard, auteur du Quichotte. Cf. Ventura René, La Vraie vie de Pierre Ménard, ami de Borges, Nîmes, Lucie Éditions, 2009.
62« Le magnétisme humain », Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, janvier 1929, p. 5.
63Evrard Renaud, « Anomalous Phenomena and the Scientific Mind: Some Insights from “Psychologist” Louis Favre (1868-1938 ?) », Journal of Scientific Exploration, no 1, vol. 31, 2017, p. 71-83.
64Osty Eugène, « Psychothérapie et métapsychique. Origine commune, rapports futurs », Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, février 1930, p. 28.
65Dubois Dominique, Jules Bois (1868-1943), le reporter de l’occultisme, le poète et le féministe de la belle époque, Arqa Éditions, 2006. Jules Bois fut un occultiste particulièrement influent, célèbre pour ses duels avec Papus et Stanislas de Guaita, mais il a par la suite tourné le dos à ce passé, ce qui nous a poussé à ne pas détailler davantage sa biographie afin de ne pas fausser notre perception du personnage à l’époque de son activité au sein de la Société de psychothérapie.
66« La mission psychologique de Jules Bois aux États-Unis », Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, janvier 1929.
67Georges de Dubor a notamment la réputation d’arrêter la décomposition des aliments par passes magnétiques. Cf. « Le magnétisme et la conservation des aliments putrescibles », Psychica, no 88, 15 juin 1928, p. 83.
68Dubor Georges de, « Les radiations humaines et leurs applications thérapeutiques », Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, mai 1931, p. 126.
69Foveau de Courmelles François-Victor, « La réhabilitation de l’hypnotisme », Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, novembre 1929, p. 181.
70Bérillon Edgar, « La radiesthésie psychologique », Bulletin de l’École de psychologie et de la Société de psychothérapie, no 8, mars-avril 1936.
71Viard Marcel, « Les radiations humaines (Séance du 20 juin 1933 de la Société de psychothérapie, d’hypnologie et de psychologie) », Calme et santé, 15 juillet 1933.
72Chantereine Jacqueline et Savoire Camille, « La découverte des vibrations humaines », Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, avril 1933, p. 138.
73Chantereine Jacqueline et Savoire Camille, Ondes et radiations humaines, Paris, Dangles, 1933, p. 2 et 9.
74Revue de pathologie comparée, no 466, juillet 1935.
75Puy-Sanières Gabriel du, « Les phénomènes électriques dans l’organisme humain, d’après la doctrine secrète et selon la science d’aujourd’hui », Revue de pathologie comparée, no 490, juillet 1937, p. 703-712.
76Petit Gabriel, « La radioactivité thérapeutique », Revue de psychologie appliquée, mars 1923, p. 45.
77Initialement intitulée Revue d’actinologie, étymologiquement la « science des rayons », elle devient la Revue d’actinologie et de physiothérapie, puis la Revue de physiothérapie.
78Langeron L. et Desplats R., « La radiologie fonctionnelle sympathique et glandulaire », Revue d’actinologie et de physiothérapie, janvier-février 1933.
79« Les principes de la médication naturelle », Physis, novembre 1936.
80Bueltzingsloewen von, « Corps et âme : le courant holiste », op. cit.
81Ibid., p. 109.
82Poulat Émile, « La Science occulte de la santé selon le Docteur Paul Carton », Politica Hermetica, no 18, 2004, Ésotérisme et guérison, p. 74-75.
83Ibid., p. 79.
84Faivre, « L’ésotérisme chrétien du xvie au xxe siècle », op. cit., p. 1358.
85Relevons notamment à ce propos, Laurant Jean-Pierre, L’Ésotérisme chrétien en France au xixe siècle, Lausanne, L’Âge d’homme, 1992 ; James Marie-France, Ésotérisme et christianisme : autour de René Guénon, Paris, Fernand Lanore, 2008 ; Rousse-Lacordaire Jérôme, Ésotérisme et christianisme. Histoire et enjeux théologiques d’une expatriation, Paris, Éditions du Cerf, 2007.
86Bois Jules, L’Au-delà et les forces inconnues, Société d’éditions littéraires et artistiques, 1902, p. 313.
87Au sujet de l’abbé Lacuria, voir la thèse de doctorat de Bruno Bérard soutenue en 2015, tandis que l’abbé Julio est le sujet d’une thèse préparée par Alexandra Jovanovic. Cf. Bérard Bruno, Un philosophe et théologien occultisant au xixe siècle : la vie et l’œuvre de l’abbé Paul François Gaspard Lacuria (1806-1890), thèse de doctorat en histoire, École pratique des hautes études, 2015 ; Jovanovic Alexandra, Ernest Houssay dit l’Abbé Julio (1844-1912), un guérisseur mystique : entre exorcisme, magie et occultisme, thèse de doctorat en histoire, École pratique des hautes études, en préparation sous la direction de Jean-Pierre Brach.
88Guillaume Pierre, Médecins, Église et foi depuis deux siècles, Paris, Aubier, 1990 ; Guillemain Hervé, Diriger la conscience, guérir les âmes, op. cit.
89Cf. Laplanche François, « La notion de “science catholique” : ses origines au début du xixe siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, no 192, 1988, p. 63-90.
90Guillemain Hervé, « Les débuts de la médecine catholique en France », op. cit., p. 228.
91Le Bec Édouard, « Causes d’erreurs et difficultés dans la reconnaissance des guérisons miraculeuses », Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien, février 1932, p. 59.
92Guillaume, op. cit., p. 107-108.
93Guillaume Pierre, « La médecine catholique face à l’évolution des mœurs, d’après le Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien (1884-1963) », in Gérard Pajonk (dir.), Concepts, cultures et progrès scientifiques et techniques, enseignement et perspectives, Paris, Éditions du CTHS, 2009, p. 35-48.
94Gimbert Charles, « Essais de morale physique », Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien, juillet-août 1930, p. 242.
95Batigne P., « Les raisons du traitement moral », Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien, avril 1931.
96Dr Sexe, « Les causes spirituelles des maladies physiques », Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien, juillet-août 1931, p. 215.
97Ses proximités avec l’illuminisme et la franc-maçonnerie sont bien documentées. Cf. McCalla Arthur, « Maistre, Joseph de », in Wouter J. Hanegraaff (dir.), Dictionary of Gnosis and Western esotericism, op. cit., p. 749-751.
98Dr Sexe, op. cit., p. 216.
99Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien, novembre 1930, p. 348.
100Bon Henri, Précis de médecine catholique, Paris, Félix Alcan, 1935, p. 142.
101Guillaume, Médecins, Église et foi, op. cit., p. 31.
102Le Dr Vilar est l’auteur de nombreux ouvrages dans lesquels il défend de façon isolée sa vision vitaliste de la médecine : À propos des doctrines médicales, conceptions d’hier, idées d’aujourd’hui (1921), Pour la défense de l’ancienne médecine (1923), etc. Son nom ne semble pas apparaître dans le Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien, mais il se distingue, en 1934, comme un chroniqueur régulier de L’Écho des sciences mystérieuses dirigé par un certain Henri Cabasse ou Cabasse-Leroy, un magnétiseur que l’on retrouve proche des milieux spirites et qui fonda, en 1910, le Syndicat de l’occultisme, dont la présidence fut confiée à Papus.
103P. L., « Inauguration du monument au professeur Grasset », Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien, janvier 1930, p. 22.
104Okinczyc Joseph, Humanisme et médecine, Paris, Labergerie, 1936, p. 111-112.
105Gimbert Charles, « Essais de morale physique », p. 250.
106De Grandmaison Léonce, « La théosophie », Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien, juillet-août 1922.
107« Dubium de Theosophísmo », Acta Apostolicae Sedis, vol. 11, 1919, p. 317. Cette condamnation affirme que la doctrine théosophique n’est pas compatible avec l’enseignement de l’Église catholique, ce qui n’a rien de très surprenant.
108Proust Roger, « La sorcellerie et les sciences maudites devant les temps modernes », Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien, janvier 1931.
109Bon, Précis de médecine catholique, op. cit., p. 388.
110Bensaude-Vincent, « Des rayons contre raison ? », op. cit., p. 213.
111Rendu Robert, « Radiesthésie, science et morale, » Bulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien, juillet-août 1935.
112Proust, op. cit., p. 25.
113Grasset Joseph, L’Occultisme hier et aujourd’hui. Le Merveilleux préscientifique, Montpellier, Coulet et fils, 1908.
114Ladous Régis (dir.), Médecine humaine, médecine sociale. Le docteur René Biot (1889-1966) et ses amis, Paris, Éditions du Cerf, 1992.
115Ses comptes rendus d’ouvrage publiés au tournant des années trente dans la rubrique « Magie, Sorcellerie, Occultisme » de La Quinzaine critique des livres & des revues viennent nous l’indiquer. Il y rend compte de manière plutôt positive de l’ouvrage de l’ésotériste Gabriel Trarieux (1870-1940) Cassandre ou peut-on prédire l’avenir ?, d’autant plus que ce dernier se montre très critique envers le spiritisme. À l’inverse, il est très sévère envers Maurice Magre (1877-1941) et Magiciens et illuminés « qui ne convaincra que ceux qui sont décidés à tout interpréter ésotériquement ». Cf. Biot René, « Gabriel Trarieux : Cassandre ou Peut-on prédire l’avenir ? (Paris, Stock, 1930) », La Quinzaine critique des livres & des revues, no 15, 10 juin 1930, p. 250 ; Biot René, « Maurice Magre : Magiciens et Illuminés (Paris, Fasquelle, 1930) », La Quinzaine critique des livres & des revues, no 13, 10 mai 1930, p. 130.
116Biot Joseph, « Le groupe lyonnais d’études médicales, philosophiques et biologiques », in Régis Ladous (dir.), Médecine humaine, médecine sociale, op. cit., p. 114.
117Chatelan Olivier, « Un catholicisme social omniprésent mais peu connu : les secrétariats sociaux en France, des origines aux années 1960 », Chrétiens et sociétés. xvie-xxie siècles, no 22, 2015, p. 247-266.
118Groupe lyonnais d’études médicales philosophiques et biologiques, Les Rythmes et la vie, Lyon, Lavandier, 1934, p. viii.
119Ibid.
120Biot René, Les Relations du physique et du mental, Paris, Beauchesne, 1932 ; Biot René, Le Corps et l’âme, Paris, Plon, 1938.
121Lumière Auguste, Les Horizons de la médecine, Paris, Albin Michel, coll. « Sciences d’aujourd’hui », 1937, p. 34.
122Lumière Auguste, « Préface », in Albert Leprince, Les Radiations humaines, Paris, Amédée Legrand, 1931.
123Laignel-Lavastine Maxime, « Les rythmes humains : l’activité nerveuse sympathique et endocrine au point de vue des rythmes individuels », in Groupe lyonnais d’études médicales philosophiques et biologiques, Les Rythmes et la vie, op. cit., p. 196.
124Révol André, « Les deux périodes du chercheur », in Régis Ladous (dir.), Médecine humaine, médecine sociale, op. cit., p. 59.
125Collin Rémy, Physique et métaphysique de la vie. Esquisse d’une interprétation synthétique des phénomènes vitaux, Paris, Gaston Doin, 1925 ; Collin Rémy, Réflexions sur le psychisme, Paris, Vrin, 1929.
126Collin Rémy, « Formes et endocrines », in Formes, vie et pensée, op. cit.
127Drouard Alain, « René Biot et Alexis Carrel face à la médecine », in Régis Ladous (dir.), Médecine humaine, médecine sociale, op. cit., p. 97-111.
128Outre sa participation postérieure au régime de Vichy (période durant laquelle des dizaines de milliers de personnes meurent de faim dans les hôpitaux psychiatriques français), et ses appels à la constitution d’une « aristocratie biologique héréditaire » et à l’euthanasie d’un grand nombre de criminels (y compris déclarés aliénés), rappelons à la suite d’Andrés Horacio Reggiani que Carrel soutient visiblement le programme de stérilisations forcées mené par les nazis à l’encontre de centaines de milliers d’individus considérés comme malades mentaux durant les années trente. Il exprime brièvement son accord – il évoque les récentes « mesures énergiques » mises en œuvre sans les contester – dans l’édition allemande de L’Homme, cet inconnu, ouvrage qui sera cité lors du procès de Nuremberg par Karl Brandt (1904-1948), directeur du programme d’euthanasie T4 d’extermination des handicapés physiques et mentaux. Cf. Reggiani Andrés Horacio, God’s Eugenicist. Alexis Carrel and the Sociobiology of Decline, New York/Oxford, Berghahn Books, 2007, p. 71.
129Cité in Durkin Joseph T., Alexis Carrel : savant mystique, traduit par Sam Maggio, Paris, Fayard, 1969 (1965), p. 117.
130Carrel Alexis, La Prière, Paris, Plon, 1944.
131Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, fonds Alexis Carrel, « 10. Parapsychologie et pseudosciences ». Le Dr Robert Soupault (1892-1975), dans la biographie qu’il lui consacre en 1952, relève cette croyance ferme en la réalité des phénomènes télépathiques et radiesthésiques, que Carrel percevrait comme les chaînons intermédiaires menant au surnaturel qu’il s’agissait d’étudier de manière expérimentale. Cf. Soupault Robert, Alexis Carrel 1873-1944, Paris, Plon, 1952, p. 149-150.
132Carrel Alexis, L’Homme, cet inconnu, Paris, Plon, 1935, p. 144.
133Ibid., p. 146.
134Ibid., p. 2.
135« Dr Alexis Carrel, L’Âme et le Corps », L’Astrosophie, no 91, janvier 1937, p. 20.
136Extrait d’une lettre écrite à René Biot le 7 août 1928, cité in Drouard Alain, Alexis Carrel (1873-1944). De la mémoire à l’histoire, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 246.
137Tzanck Arnault, La Notion de Terrain, son importance doctrinale, Paris, Masson et Cie, 1934, p. 14-15.
138Baruk Henri, « Arnault Tzanck », Revue d’histoire de la médecine hébraique, no 26, juin 1955, p. 71.
139Téchoueyres Émile, À la recherche de l’unité. Les aspirations de l’âme hindoue et des tendances de la science occidentale contemporaine, Reims, Impr. Du Nord-Est, 1934 ; Téchoueyres Émile, Spiritualité indienne et science occidentale, Paris, A. Maisonneuve, coll. « Les Trois Lotus », 1940.
140Nous avons eu l’occasion de traiter la question des rapports entre courants ésotériques et hindouisme moderne dans un travail consacré à l’indianiste Paul Masson-Oursel, proche de ces deux milieux. Cf. Bernard Léo, « Paul Masson-Oursel (1882-1956): Inside and outside the academy », in Yves Mühlematter et Helmut Zander (dir.), Occult Roots of Religious Studies, Berlin/Boston, de Gruyter, 2021, p. 187-215.
141Laignel-Lavastine Maxime et Klippel Maurice, « Avant-propos », Hippocrate, no 1, mars 1933, p. 5-6.
142Laignel-Lavastine, Pathologie du sympathique, op. cit., p. 783.
143Ladjimi Rachad, Contribution à l’étude de la réflexothérapie nasale, thèse de doctorat en médecine, Paris, 1935.
144Laignel-Lavastine Maxime, « Préface », in Klotz-Guérard, La Centrothérapie, op. cit., p. 7-8.
145« Banquet annuel de “Calme et Santé” », Calme et santé, no 73, décembre 1936, p. 7.
146Laignel-Lavastine Maxime et Vinchon Jean, Les Maladies de l’esprit et leurs médecins du xvie au xixe siècle, Paris, Norbert Maloine, 1930, p. 252.
147« Les anciens membres de l’IMI », in metapsychique.org, site internet de l’Institut métapsychique internationa, en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [https://www.metapsychique.org/les-anciens-membres-de-limi/], consulté le 9 mars 2020.
148Vinchon Jean, « La place de Mesmer dans la tradition hippocratique », Eudia, no 137, mai 1939.
149Baissette Gaston, « Paracelse », Hippocrate, no 3, juillet 1933 ; « La prognostication du docteur Paracelse », Hippocrate, no 3, juillet 1933.
150Chapront Henry, « Occultisme », Hippocrate, no 1, mars 1933, p. 193-194.
151Guillemain Hervé, « Les débuts de la médecine catholique en France », op. cit.
152Le Bec Édouard, « Miracle ou ignorance », Hippocrate, avril 1934, p. 350.
153P. Saintyves [pseudo. d’Émile Nourry], « L’influence de la Lune sur les maladies d’après les médecins astrologues », Hippocrate, avril 1934.
154Paul Seidman publie ainsi un article sur Galien dans lequel il considère celui-ci comme un médecin de génie, à mille lieux de l’image de massacreur de la doctrine hippocratique qu’en donne Baissette dans ses articles sur le médecin de Cos. Cf. Seidman Paul, « Galien », Hippocrate, juin 1936.
155Terestchenko Théodore, Principes astrologiques de la médecine hermétique, manuel pratique de diagnostic des maladies, Paris, Chacornac, 1936.
156Terestchenko Théodore, « Vers une renaissance de la médecine hermétique (de la synthèse à l’analyse) », Hippocrate, avril 1936, p. 237.
157Terestchenko Théodore, « Vers une renaissance de la médecine hermétique (de la synthèse à l’analyse) », Hippocrate, juin 1936, p. 366.
158Il publie en avril 1938 un article sur l’historien de l’art Élie Faure (1873-1937), qui venait de décéder. Cf. Béliard Octave, « Élie Faure », Hippocrate, avril 1938.
159Knebusch Julien et Wenger Alexandre (dir.), Réseaux médico-littéraires dans l’Entre-deux-guerres, Espitémocritique, 2018. Ouvrage électronique disponible à l’adresse suivante : [https://epistemocritique.org/wp-content/uploads/2018/09/epistemocritique_2018_r%c3%a9seaux_complet.pdf], consulté le 9 mars 2020.
160Il reçoit notamment le prix Jules Verne pour La Petite-Fille de Michel Strogoff en 1927.
161Clairembault Dominique, « Octave Béliard, médecin, écrivain et ami de Saint-Martin », in Le Philosophe inconnu. Louis-Claude de Saint-Martin et l’illuminisme, en ligne, 2016. Disponible à l’adresse suivante : [https://www.philosophe-inconnu.com/octave-beliard-medecin-ecrivain-et-ami-de-saint-martin/], consulté le 10 mars 2020.
162Bibliothèque municipale de Lyon, fonds ancien, fonds Papus, Ms 5488, Correspondance. Octave Béliard.
163Béliard Octave et Gaubert Léo, Le Périple, Paris, F. Tassel, 1908.
164Amadou Robert, « Le Graal en Compagnie au xxe siècle », in James Chauvet, La Queste du Saint-Graal, Paris, Cariscript, 1987, p. 81-95.
165Clairembault, op. cit.
166Rousseau Charles, « Le Dr Octave Béliard », La Science de l’âme et ses applications pratiques, no 8, 16 mars 1925.
167Clairembault, op. cit.
168Il est à ce propos intéressant de noter que des ésotéristes affirmés tels que Chauvet et Béliard ne semblent pas avoir ressenti le besoin d’adapter leur pratique médicale à leurs intérêts et à leurs conceptions du monde particuliers. Il faudrait toutefois en savoir plus sur leur pratique professionnelle pour en tirer des conclusions.
169Boll Marcel, « Coup d’œil panoramique sur la physique d’aujourd’hui », Hippocrate, février 1938.
170Laignel-Lavastine Maxime, « Préface », in Philippe Encausse, Sciences occultes et déséquilibre mental, Paris, Payot, 1943 (1935), p. 7-8.
171Une biographie hagiographique lui a été consacrée. Cf. Michaël Tara, Des Védas au christianisme : hommage à Philippe Lavastine, 1908-1999, St Martin de Castillon, Signatura, 2009.
172Weisz, « Hippocrates, Holism and Humanism », op. cit., p. 268.
173Delore Pierre, Facteur acide-base et tuberculose pulmonaire. Étude physiologique du terrain dans la tuberculose, Paris, Doin, 1926.
174Weisz, « A Moment of Synthesis », op. cit., p. 70. Brunon, directeur de l’École de médecine et de pharmacie de Rouen, entretient d’ailleurs des liens avec le naturisme médical puisqu’il publie dans La Revue naturiste de Paul Carton, dont les premiers travaux concernaient spécialement la tuberculose.
175Delore, op. cit., p. 326.
176Delore Pierre, Tendances de la médecine contemporaine, Paris, Masson et Cie, 1936, p. ix.
177Ibid., p. 46.
178Ibid., p. 51.
179Ibid., p. 188.
180Ibid., p. 204.
181Ibid., p. 212 et 214.
182Benoit, Un malade qui s’ignore, op. cit., p. 384.
183Ibid., p. 393.
184La Presse médicale tire entre vingt et trente mille exemplaires durant la période d’entre-deux-guerres. Notons toutefois que les travaux en question restent noyés dans la masse des milliers de pages imprimées annuellement n’ayant rien à voir avec le holisme médical. Cf. Roger H., « Quarante ans ou l’heureuse histoire d’un journal », La Presse médicale, no 92, 18 novembre 1933.
185Delore Pierre, Tuberculose et oxydations internes. Contribution à l’étude du terrain dans la tuberculose pulmonaire, extrait de La Presse médicale, no 51, 23 juin 1930, Paris, Masson et Cie, 1930, p. 1.
186Bezançon Fernand, « Les tendances nosographiques actuelles et la notion de spécificité », La Presse médicale, no 83, 15 octobre 1932, p. 1549.
187Pour quelques repères chronologiques sur le développement de ces travaux, voir David Bernard, Histoire de l’anaphylaxie et de l’allergie, 39e journée du GAICRM, Rochegude, 2016. Disponible à l’adresse suivante : [https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-01348191/document], consulté le 16 mars 2020.
188Tzanck Arnault, « Les doctrines médicales – Introduction à l’étude de l’immunologie moderne », La Presse médicale, no 75, 20 septembre 1933. Il publie en outre l’année suivante un article sur l’importance doctrinale de la notion de terrain. Cf. Tzanck Arnault, « La notion de terrain, son importance doctrinale », La Presse médicale, no 16, 24 février 1934.
189Loeper Maurice, « Les espoirs de la pharmacothérapie », La Presse médicale, no 87, 1er novembre 1933.
190En 1930, il invite le Dr Ferreyrolles à donner quatre conférences sur l’homéopathie à la faculté de médecine de Paris, et il consacre l’année suivante un numéro spécial à cette thérapeutique dans le périodique qu’il dirige. Cf. Le Progrès médical, 2 mai 1931.
191Bernard Léo, « La médecine néo-hippocratique des années 1930 : le temps d’une rencontre », in Olivier Faure et Hervé Guillemain (dir.), Histoire, médecine et santé, no 14, 2018, p. 63-81.
192Cawadias Alexander, « La méthode néohippocratique », L’Homœopathie moderne, 1er avril 1934, p. 485.
193Lawrence et Weisz, « Medical Holism: The Context », op. cit., p. 5.
194Cawadias, « La méthode néohippocratique », op. cit., p. 486.
195L’utilisation du terme « neoippocratismo » semble néanmoins se retrouver pour la première fois dans sa Storia della medicina (1927). Il faut également noter l’utilisation du terme par le Dr Robert Hutchison (1871-1960) dans son Discours Harveien (Harveian Oration) prononcé devant le Royal College of Physicians of London, le 19 octobre 1931. De même, le médecin allemand Gerhard Madaus (1890-1942) présente une conférence sur le néo-hippocratisme en 1933. Cf. Hutchison Robert, « Harvey: The Man, His Method, and His Message For Us Today », The British Medical Journal, 24 octobre 1931, p. 733-739 ; Madaus Gerhard, Aufwärts zur biologischen Therapie. Nach einem Vortrag über Neo-hippokratische Medizin, gehalten im November 1933 im Auslande vor zwei medizinischen Fakultäten und mehreren Ärztevereinen, Radeburg, Madaus, 1933.
196Le Dr Léon Cottenceau, initié à l’homéopathie durant ses études, présente ainsi en 1935 sa thèse de médecine sur « Le Néo-hippocratisme » en s’appuyant sur les écrits de Cawadias. Cf. Cottenceau Léon, Le Néo-hippocratisme, thèse de doctorat en médecine, Paris, 1935.
197Cawadias Alexander, « Neo-Hippocratic Tendencies of contemporary medicine », British Homeopathic Journal, avril 1932, p. 144-167.
198Cawadias Alexander, Modern Therapeutics of Internal Diseases. An Introduction to Medical Practice, Londres, Baillière/Tindall, and Cox, 1931.
199Cawadias, « Neo-Hippocratic Tendencies », op. cit., p. 165.
200Cawadias, « La méthode néohippocratique », op. cit., p. 486-487.
201À leur sujet, la thèse de Carsten Timmermann se révèle très enrichissante. Cf. Timmermann Carsten, Weimar Medical Culture: Doctors, Healers, and the Crisis of Medicine in Interwar Germany, 1918-1933, thèse de doctorat, université de Manchester, 1999.
202Cawadias, op. cit., p. 491.
203« Discours prononcés lors du banquet de clôture », L’Homœopathie moderne, 1er octobre 1935, p. 103.
204Il est à noter qu’un mouvement similaire a tout de même pu s’opérer en parallèle en Angleterre. En juillet 1932, peu de temps après la conférence de Cawadias à la British Homeopathic Society, un homéopathe, le Dr Weir, présente en effet devant la Royal Society of Medicine une communication sur les principes de l’homéopathie à laquelle Cawadias se trouvait justement assister.
205Laignel-Lavastine Maxime, « La Séance d’ouverture – Discours du professeur Laignel-Lavastine », in Ier Congrès international de médecine néo-hippocratique. Les Actes, Paris, Imprimerie Vacherat, 1937, p. 11.
206Roussy Gustave, « Discours de Monsieur le Doyen Roussy », op. cit., p. 15-16.
207Winter Pierre, « Le naturisme d’Hippocrate et le nôtre », in Ier Congrès international de médecine néo-hippocratique, op. cit., p. 210.
208Viard Marcel, « Essai de psychologie clinique objective », op. cit., p. 258.
209Daniel Gaston et André, « Hygiène néo-hippocratique, nécessité d’un substratum scientifique », op. cit., p. 246.
210Les actes du congrès marseillais n’ont pas été publiés dans leur intégralité comme ont pu l’être ceux du congrès parisien, mais un rapport détaillé de Martiny a été inséré dans La Presse médicale. Cf. « Rapport du Dr Martiny sur le Premier Congrès national de médecine néo-hippocratique (Marseille, 19 novembre 1938) », La Presse médicale, 7 juillet 1939, p. 35-37.
211Dr Renard, « Chronique – à propos du congrès », L’Homœopathie moderne, 1er octobre 1938.
212Fiolle Jean, Scientisme et science, Paris, Mercure de France, 1936, p. 37 et 222.
213« Rapport du Dr Martiny », op. cit.
214IIe Congrès international de médecine hippocratique – Rapports, L’expansion scientifique française, 1953.
215Weisz, « A Moment of Synthesis », op. cit., p. 83.
216Lumière Auguste, À propos du premier congrès de médecine néo-hippocratique, Lyon, Laboratoires Lumière, 1939.
217« Quatrième Congrès National du Centre Homœopathique de France à Paris du 26 au 28 mai 1938 », L’Homœopathie française, juin 1938, p. 428.
218Vannier Léon, « La tradition hippocratique de l’homœopathie », in IIe Congrès international de médecine hippocratique, op. cit.
219Lenclud Georges, « La tradition n’est plus ce qu’elle était… Sur les notions de tradition et de société traditionnelle en ethnologie », Terrain, no 9, 1987, p. 110-123.
220Hanegraaff Wouter J., Esotericism and the Academy, op. cit., p. 375.
221Hammer Olav, Claiming Knowledge, Strategies of Epistemology from Theosophy to the New Age, Leyde, Brill, 2004.
222Miller Genevieve, « In Praise of Amateurs: Medical History in America Before Garrison », Bulletin of the History of Medicine, no 6, vol. 47, novembre-décembre 1973, p. 589.
223Winau Rolf, « The Role of Medical History in the History of Medicine in Germany », in Loren Graham, Wolf Lepenies et Peter Weingart (dir.), Functions and Uses of Disciplinary Histories, Dordrecht, D. Reidel Publishing Company, 1983, p. 113.
224Imbert-Gourbeyre Antoine, Lectures publiques sur l’homœopathie faites au Palais des facultés de Clermont-Ferrand, Paris, J. B. Baillière et fils, 1865, p. 41 et 44.
225Cf. Monfort Marie-Laure, Janus Cornarius et la redécouverte d’Hippocrate à la Renaissance, Turnhout, Brepols, 2017.
226À ce sujet, voir Smith Wesley D., The Hippocratic Tradition, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1979.
227Imbert-Gourbeyre, Lectures publiques sur l’homœopathie, op. cit., p. 47.
228Ibid.
229Simon Vincent-Louis, Conférence sur la loi de similitude, Paris, Davy, 1894.
230Gallavardin Jules, « Paracelse (suite) », Le Propagateur de l’homœopathie, 31 octobre 1912, p. 226.
231Allendy, L’Alchimie et la médecine, op. cit., p. 143.
232Ibid., p. 12.
233Ibid., p. 39.
234Lalande Emmanuel, « L’Homœopathie et l’Hermétisme », La Thérapeutique intégrale, no 1, 22 octobre 1896.
235Allendy, op. cit., p. 147.
236Ibid.
237En 1902, Jousset reprend en effet le récit d’une opposition entre Hippocrate et Galien. Tandis qu’il critique « l’œuvre néfaste » de Galien, il rattache Hahnemann mais aussi Pasteur à Hippocrate. Cf. Jousset Pierre, Hippocrate, Hahnemann, Pasteur – Constitution de la thérapeutique, Paris, Baillière, 1902.
238Allendy René, Le Grand-Œuvre thérapeutique des alchimistes et les principes de l’homœopathie, Paris, éditions du voile d’Isis, 1920, p. 13-14.
239Ibid., p. 15.
240Ibid., p. 27.
241Allendy René, « La médecine synthétique », L’Esprit nouveau, no 13, décembre 1921, p. 1456.
242Ibid., p. 1459.
243Ibid.
244Ibid., p. 1461.
245Encausse Gérard, Essai de physiologie synthétique, Paris, Georges Carré, 1891, p. 82. Cité in Duz Megher, Compendium de médecine synthétique électro-homéopathique, Paris, Pharmacie homéopathique centrale, 1897, p. 1.
246Clavenad, « Médecine synthétique », La Voie, 15 juin 1904, p. 207-208.
247Fouché Pascal, Au sans pareil, Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, Institut Mémoires de l’édition contemporaine, 1989.
248Allendy, Orientation des idées médicales, op. cit., 1929, p. 8.
249Ibid., p. 16.
250Ibid.
251Bernard Claude, « Définition de la vie », Revue des deux mondes, t. IX, 1875, p. 326.
252Baissette Gaston, Hippocrate, Paris, Grasset, 1931.
253Baissette Gaston, « Hippocrate », Hippocrate, no 1, mars 1933, p. 135.
254Baissette Gaston, Aux sources de la médecine – vie et doctrine d’Hippocrate, thèse de doctorat en médecine, Paris, Librairie Louis Arnette, 1931, p. 93.
255Ibid., p. 100.
256Cawadias, « La méthode néohippocratique », op. cit., 1934.
257Delore, Tendances de la médecine contemporaine, op. cit., p. xii.
258Ibid.
259Delore Pierre, « La médecine moderne devant la tradition hippocratique et pythagoricienne », in Ier Congrès international de médecine néo-hippocratique, op. cit., p. 71.
260Ibid., p. 73.
261Weisz, « Hippocrates, Holism and Humanism in Interwar France », op. cit., p. 266.
262Laignel-Lavastine Maxime, « Introduction », in Maxime Laignel-Lavastine (dir.), Histoire générale de la médecine, de la pharmacie, de l’art dentaire et de l’art vétérinaire, t. I, Paris, Albin Michel, 1936, p. 11.
263À ce sujet, voir Faure Philippe, « Tradition et histoire selon René Guénon : un regard sur le Moyen Âge », Politica Hermetica, no 16, 2002, René Guénon. Lectures et enjeux, p. 15-39.
264Winter Pierre, « Le Moyen-Âge », in Maxime Laignel-Lavastine (dir.), Histoire générale de la médecine, de la pharmacie, de l’art dentaire et de l’art vétérinaire, t. II, Paris, Albin Michel, 1938.
265Ibid., p. 12-13.
266Martiny Marcel, « Histoire de l’homéopathie », in Maxime Laignel-Lavastine (dir.), Histoire générale de la médecine, de la pharmacie, de l’art dentaire et de l’art vétérinaire, t. III, Paris, Albin Michel, 1949, p. 577. Notons que la postérité de ce récit ne s’arrête en effet pas avec la Seconde Guerre mondiale. Il est notamment repris par le psychiatre Henry Ey (1900-1977), qui parle du « rythme mécano-dynamiste de l’histoire de la médecine », et par l’un des principaux historiens de l’homéopathie à la fin du siècle, Harris L. Coulter (1932-2009). Cf. Ey Henry, Études psychiatriques, Paris, Desclée de Brouwer & Cie, 1948 ; Coulter Harris L., Divided Legacy: A History of the Schism in Medical Thought, vol. 1-4, Berkeley, North Atlantic Books, 1975-1994.
267Soulié de Morant George, « Chine et Japon », in Laignel-Lavastine (dir.), Histoire générale de la médecine, t. I, op. cit., p. 528-529.
268Les références à une crise générale de la médecine semblent avoir été importées assez tard d’Europe germanique, où les discours sur la crise de la médecine étaient très répandus entre 1925 et 1933. Aschner est l’auteur d’un ouvrage intitulé Krize der Medizin (1928) présenté au lectorat français à partir de 1934, à l’occasion de la venue de ce partisan de la médecine humorale, futur participant au congrès néo-hippocratique, à Paris. Cf. Metzger Nadine, « Eine Antwort auf die „Krise der Medizin“? Die Moderne Konstitutionslehre im Krisendiskurs 1925 bis 1933 », Gesnerus, no 1, vol. 76, 2019, p. 58-89.
269Cushing publie un article intitulé « Medicine at the Crossroads » dans l’édition du 20 mai 1933 du Journal of the American Medical Association. Le titre est repris en français dans un article de Paul Desfosses dans La Presse médicale, le 4 octobre 1933.
270Delore, Tendances de la médecine contemporaine, op. cit., p. x.
271Ifversen Jan, « The Crisis of European Civilization After 1918 », in Menno Spiering et Michael Wintle (dir.), Ideas of Europe since 1914. The Legacy of the First World War, Londres, Palgrave MacMillan, 2002, p. 17.
272Valéry Paul, « La crise de l’esprit », La Nouvelle revue française, t. XIII, 1919, p. 321 et 327. Ce texte est d’abord publié en anglais dans une lettre intitulée « la crise spirituelle ». Valéry Paul, « Foreign Literature. Letters from France. I. The Spiritual Crisis », The Athenaeum, 11 avril 1919, p. 182.
273Concernant le contexte allemand, voir Ringer Fritz K., The Decline of the German Mandarins. The German Academic Community, 1890-1933, Hanovre/Londres, Wesleyan University Press-University Press of New England, 1990 (1969). Pour le contexte français, et plus particulièrement les milieux historiens, voir Castelli Gattinara Enrico, Les Inquiétudes de la raison. Épistémologie et histoire en France dans l’entre-deux-guerres, Paris, Vrin/EHESS, 1998.
274Papus, Traité élémentaire de magie pratique, op. cit., p. 337.
275Ibid.
276Besant Annie, La Nouvelle civilisation. Quatre conférences données au Queen’s Hall, à Londres en juin 1927, Paris, Adyar, 1928.
277Guénon René, La Crise du monde moderne, Paris, Bossard, 1927, p. 16.
278Sur les yugas et leur interprétation à la période contemporaine, cf. Gonzalez-Reimann Luis, « The Yugas: Their Importance in India and their Use by Western Intellectuals and Esoteric and New Age Writers », Religion Compass, no 12, vol. 8, 2014, p. 357-370.
279Guénon, op. cit., p. 173 et 189-190.
280Massis Henri, Défense de l’Occident, Paris, Plon, 1927, p. 250.
281Les Cahiers du mois, no 9/10, Paris, Émile-Paul, 1925.
282Chevillon Constant, Orient ou Occident ? Contribution à l’étude comparée des philosophies et religions de l’Inde et de l’Europe, Paris, Chacornac, 1926, p. 6.
283Carton Paul, « Notre but », La Revue naturiste, no 1, janvier 1922, p. 1.
284Ibid.
285Ibid., p. 2.
286Carton Paul, « Le feu dans la maison », La Revue naturiste, juillet-septembre 1937, p. 62.
287Nous pensons ici à la promotion et à la vente de produits et de services spécialisés, qu’il s’agisse des « produits Kneipp » ou de certains talismans. Les frères Durville par exemple, que ce soit dans le domaine du magnétisme ou du naturisme, font figure d’entrepreneurs modèles.
288« Devenez naturiste », L’Aube nouvelle, no 6, 25 juin 1928.
289Allendy, « La médecine synthétique », op. cit., p. 1461.
290Bulletin du Groupe d’études philosophiques et scientifiques pour l’examen des idées nouvelles, no 1 (1923), p. 1.
291Delore, Tendances de la médecine contemporaine, op. cit., p. ix.
292Demarquette Jacques, « Le véritable Naturisme », Régénération, no 46, juillet 1933, p. 116.
293Winter, « Le Moyen-Âge », op. cit., p. 98.
294Laignel-Lavastine, « Introduction », op. cit., p. 10.
295Carrel, L’Homme, cet inconnu, op. cit., p. vii.
296Ibid., p. 392-393.
297Notes de lecture de la revue Le Mouvement social, « Étienne Lepicard, L’homme, cet inconnu d’Alexis Carrel (1935). Anatomie d’un succès, analyse d’un échec », Le carnet du Mouvement social, en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.58079/r0cz], consulté le 2 mars 2024. Voir également Rosental Paul-André, Destins de l’eugénisme, Paris, Le Seuil, 2016.
298« Les auteurs de la tradition naturiste – La science du général doit précéder l’étude des faits particuliers », La Revue naturiste, no 1, janvier 1922, p. 13.
299Encyclopédie des sciences médicales. Hippocrate, t. I, Paris, Au bureau de l’Encyclopédie, 1936, p. 411.
300Carton Paul, « Le rôle du médecin naturiste », La Revue naturiste, janvier 1928, p. 1.
301Carton Paul, « Le torpillage thérapeutique », La Revue naturiste, mai 1922, p. 74.
302Carton Paul, « L’individualisme dirigé », La Revue naturiste, avril-juin 1932, p. 33.
303Calme et santé, no 28, octobre 1932, p. 2.
304Viard Marcel, « Les Méthodes en Psychologie », Calme et santé, octobre 1936, p. 7.
305Ibid.
306Viard Marcel, « S’élever », Calme et santé, juillet 1938, p. 3.
307Ibid.
308Viard Marcel, « Essai de psychologie clinique objective », in Ier Congrès international de médecine néo-Hippocratique, op. cit., p. 259.
309Laplanche Émile, La Médecine de demain, Science de la Vie, Paris, Doin, 1925, p. 123.
310Ibid.
311Martiny Marcel, « Sur le rôle du médecin en orientation professionnelle », Archives hospitalières, 1936, p. 133.
312Ibid.
313Amieux Émile, « Philosophie médicale. Réflexions d’un praticien. La préparation du médecin à son rôle social », L’Homœopathie française, février 1931, p. 124.
314Faure, Histoire sociale de la médecine, op. cit., p. 52.
315Maurice Barrès (1862-1923) était un ami de l’occultiste Stanislas de Guaita, mais aussi de Vannier, qui le soignait personnellement. Henri Favre, quant à lui, était un ami d’Édouard Drumont (1844-1917) et partageait son antisémitisme. Cf. Léon-Vannier, Le Docteur Léon Vannier, op. cit., p. 70 ; Drumont Édouard, Sur le chemin de la Vie (souvenirs), Paris, Georges Crès et Cie, 1914, p. 195. Cependant, le holisme médical ne se restreint pas à un côté de l’échiquier politique, comme en témoignent les approches socialistes du naturisme.
316Grondeux Jérôme, « Maurras et la crise du spirituel républicain », in Michel Leymarie et Jacques Prévotat (dir.), L’Action française, culture, société, politique, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2019, p. 75-86.

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