Chapitre III. Réfléxothérapie, astrologie et radiations

p. 175-236


Texte intégral

1À l’inverse de la médecine naturiste ou de l’homéopathie, la réflexothérapie des années d’entre-deux-guerres constitue un objet de recherche inédit. En effet, alors que d’importants travaux ont été consacrés à l’histoire française de l’acupuncture1, une pratique comprise comme relevant de la réflexothérapie par les médecins de l’époque, la centrothérapie, la spondylothérapie ou la sympathicothérapie ne semblent pas avoir intéressé les historiens de la médecine. À notre connaissance, aucun travail universitaire n’a abordé la réflexothérapie comme un ensemble de pratiques médicales variées partageant une base commune, comme cela a pu être le cas de l’homéopathie malgré la diversité de ses pratiques. Il faut dire que durant les années 1920-1930, il n’existe pas en France de sociétés de médecine « réflexothérapique » comme il existe des sociétés de médecine homéopathique ou naturiste. L’emploi de cette catégorie pour désigner une composante du holisme médical de cette période se confronte en outre à d’autres problématiques. D’une part, certains partisans de la réflexothérapie ne comprennent pas forcément leur pratique dans une perspective holiste clairement affirmée, tandis que les médecins qui inscrivent leur pratique dans une telle perspective, d’autre part, ne restreignent pas leur pratique médicale à cette thérapeutique. Il est vrai que, pour l’essentiel, les homéopathes non plus ne se restreignent pas à l’usage de l’homéopathie, mais c’est même le caractère central de l’intérêt porté par ces médecins à la réflexothérapie qui pose parfois question. Dans le cas de la revue La Côte d’Azur médicale éditée par le Dr Jules Regnault (1873-1962), l’un des grands promoteurs de la réflexothérapie en France, cet intérêt s’accompagne d’une attirance pour des conceptions physiques plus générales, centrées sur les nouvelles théories des radiations. Aussi, ce chapitre sera également consacré à cette revue bien intégrée au sein du paysage médical holiste, ainsi qu’aux autres pratiques qu’elle contribue à diffuser sur la base de cette vision « radiative » de l’homme et de l’univers, au premier rang desquelles l’astrologie. Après avoir retracé l’historique du terme « réflexothérapie » et présenté les thérapeutiques et médecins qui lui sont associés, notre regard se portera sur les rapports de la réflexothérapie vertébrale avec les théories « magnétisantes » notamment promues au sein de cette revue, qui contribue en parallèle, par le biais de la cosmobiologie, à donner un nouveau sérieux à la pratique astrologique.

Les réflexothérapies de la première moitié du xxe siècle

2En 1912, le Dr Jean Vaquier (1888-1951) soutient une thèse de médecine qui se veut une Contribution à l’étude de la réflexothérapie. Il y dresse un historique plutôt détaillé de cette « méthode générale de thérapeutique par laquelle on guérirait les troubles fonctionnels des organes en agissant sur leurs centres nerveux au moyen d’irritations périphériques2 ». Il évoque plusieurs études médicales réalisées à partir de la fin du xixe siècle qui préfigureraient ses principes : les travaux du Dr Lucien Jacquet (1860-1914) sur les troubles à distance causés par les états irritatifs, ceux du Dr Jean-Baptiste Vincent Laborde (1830-1903) sur les tractions rythmées de la langue pour réanimer les inconscients, mais également ceux du Dr LeGrand N. Denslow (1852-1918), inventeur d’une méthode de dilatation de l’urètre pour lutter contre le tabès, ainsi que ceux du Dr Wilhelm Fliess (1858-1928), ami de Sigmund Freud (1856-1939) et auteur d’un traité soulignant les rapports unissant la muqueuse nasale et les fonctions génitales de la femme3. Le jeune médecin s’attarde encore sur le Dr Pierre Bonnier (1861-1918) et sur ses recherches concernant « l’action directe sur les centres nerveux de cautérisations de la muqueuse nasale et l’amélioration consécutive d’une foule d’affections les plus diverses4 ». En faisant cela, Vaquier ne fait cependant que reprendre un historique déjà retracé deux ans auparavant par le Dr Hélan Jaworski (1880-1955), l’homme à l’origine du mot « réflexothérapie », qu’il proposait alors d’adopter pour désigner « une nouvelle branche de l’Art Médical5 ».

3Jaworski vante en premier lieu la méthode de Denslow mais considère que « l’utilisation de cette méthode pour le traitement du tabes ne constitue pas son application exclusive ». Selon lui, « avec des modifications de technique, on peut étendre considérablement son champ d’action pour le traitement d’autres maladies6 ». Il en vient à illustrer son intuition en mentionnant les auteurs précités, dont les « considérations générales sur la répercussion centrale des irritations périphériques et les troubles réflexes qu’elles entraînent » viennent « justifie[r] le mode d’action du traitement de Denslow7 ». Jaworski propose alors de nommer réflexothérapie « les effets thérapeutiques obtenus par action directe sur les centres nerveux soit en supprimant une cause pathologique d’irritation, soit au contraire par une excitation artificielle provoquant, à son tour, des phénomènes réflexes utiles8 ». Si « son principe est unique », « ses méthodes seront multiples ». Jaworski distingue à ce propos une « réflexothérapie urétrale » avec Denslow, une « réflexothérapie nasale » dans le cas de la méthode de Bonnier, et une « réflexothérapie vertébrale » à l’égard des percussions vertébrales du Dr Albert Abrams (1863-1924) ; autant de méthodes appliquées au sein de l’éphémère Institut de réflexothérapie qu’il fonde en 19139. Nous commencerons ainsi par évoquer Pierre Bonnier et les différentes réflexothérapies nasales, avant de préciser le nouvel essor rencontré par l’acupuncture durant les années trente et d’étudier la spondylothérapie d’Abrams et les réflexothérapies vertébrales.

La centrothérapie et les réflexothérapies du nez

4Le 4 juillet 1907, Bonnier présente devant la Société de neurologie une communication dans laquelle il évoque pour la première fois la disparition de certains symptômes et la guérison d’un malade souffrant d’entérite « à la suite d’un traitement de la muqueuse nasale10 ». Cette découverte le passionne, l’amène à multiplier les conférences et à développer toute une théorie qu’il expose de façon définitive, en 1913, dans son ouvrage L’Action directe sur les centres nerveux. Centrothérapie. Pour Bonnier, le système nerveux est « responsable, vis-à-vis de l’organisme entier, des mille équilibres fonctionnels dont est faite notre vie normale et de l’intégrité des milliards d’éléments qui forment notre corps11 ». Par conséquent : « Quand il [le système nerveux] sait mal ou quand il peut mal, nous souffrons. Quand il ne sait plus, quand il ne peut plus, nous mourrons12. » Tout l’enjeu pour le médecin consiste alors à veiller au bon fonctionnement du système nerveux, dont l’action est dirigée dans le « bulbe » (rachidien) où se trouvent les différents « centres régulateurs » de notre équilibre physiologique. Dans cette perspective, tout traitement ne peut être efficace qu’en agissant sur le système nerveux et le bulbe. Or, Bonnier s’aperçoit à la suite de ses recherches que tous les centres régulateurs bulbaires sont « en quelque sorte en communication téléphonique […] avec des points définis de la muqueuse nasale » par le biais du nerf trijumeau13. Il s’agit alors d’appliquer une très légère cautérisation à l’endroit adéquat, par exemple sur la tête du cornet inférieur en cas de dépression, pour exciter le centre bulbaire défaillant et lui faire reprendre une activité normale. Si la cautérisation nasale était déjà employée, notamment dans le traitement du rhume des foins14, la technique de Bonnier se distingue par sa délicatesse, son application à une foule de maux variés et sa justification par des correspondances inattendues entre des points précis du nez et certains comportements physiologiques. Toutes ces correspondances « naso-bulbaires » ont été méticuleusement cartographiées par lui à partir de son expérience (fig. 10 et 11), qu’il prétend forte de 200 000 cautérisations en six ans. Tels sont donc les principes, résumés à grands traits, sur lesquels repose la méthode de traitement de Bonnier, méthode qu’il nomme centrothérapie à partir de 1912 en réaction à son inclusion préalable sous le vocable de réflexothérapie par Jaworski dès 191015. Bonnier critique en effet l’application de ce terme, car il explique de manière différente l’efficacité de ces diverses thérapeutiques. Pour lui, ces méthodes fonctionnent parce qu’elles permettent de réveiller tel ou tel centre régulateur, leur action « n’a rien de réflexe16 ». Centrothérapie s’avère donc un terme plus adéquat pour englober ces différentes thérapeutiques, même si « toute thérapeutique est nécessairement de la centrothérapie, consciente ou inconsciente car l’organe n’obéit qu’à ses centres et c’est par l’intermédiaire du centre que nous agissons sur l’organe17 ». Malgré le regain d’intérêt pour sa méthode durant les années trente et les efforts postérieurs de ses rares disciples, parmi lesquels sa femme, le Dr Esfir Cherchevsky (1863-1952)18, et le Dr Jules Klotz-Guérard19, c’est bien la « réflexothérapie » qui s’impose plutôt à l’usage, grâce notamment au Traité de réflexothérapie (1924) du Dr Albert Leprince (1872-1971)20. Celui-ci tranche en effet en faveur de Jaworski et du terme de réflexothérapie pour évoquer les « diverses méthodes qui, depuis le tchà-tchènn chinois, jusqu’à la cautérisation nasale, ont eu pour but d’agir par l’intermédiaire des nerfs périphériques sur les centres bulbaires21 ». Néanmoins, Bonnier aura ouvert la voie à d’autres thérapeutiques agissant sur la région du nez pour guérir supposément une foule de maux variés (fig. 12).

Fig. 10 et 11. – Bonnier Pierre, L’Action directe sur les centres nerveux. Centrothérapie, Paris, Félix Alcan, 1913, p. 11 et 13.

La figure 3 indique la localisation de la zone à cautériser, sur la tête du cornet inférieur, pour agir sur les centres génitaux du bulbe et ainsi régler, par exemple, d’éventuels problèmes de virilité.

Fig. 12. – Juin Alfred, « La réflexothérapie endonasale », Naturisme, 15 avril 1935, p. 8 et 9.

La centrothérapie de Bonnier est réinterprétée par le Dr Alfred Juin (1881-1946), chef du service d’oto-rhino-laryngologie à l’Institut naturiste, ici à l’œuvre avec une patiente.

5Si la réflexothérapie est un terme relativement connu des médecins durant les années vingt, sa large diffusion dans la société française doit beaucoup au médecin espagnol Fernando Asuero (1887-1942). Le Dr Asuero défraie la chronique à partir du mois de mai 1929, quand la presse espagnole, très vite suivie de la presse française, fait grand état d’une technique de guérison miraculeuse employée par le médecin de Saint-Sébastien. Asuero est présenté comme capable de soigner les paralytiques par de petites cautérisations appliquées sur un point déterminé de la muqueuse nasale. La similitude avec la centrothérapie de Bonnier, jusqu’alors négligée, ne manque pas d’être soulignée, mais Asuero reçoit l’appui d’un soutien de choix, celui de Jaworski, qui affirme, après avoir séjourné chez son confrère espagnol, que sa méthode se montre la plus efficace22. Il délivre ensuite des conférences sur « Asuero et la réflexothérapie » et préface son ouvrage intitulé ¡Ahora hablo yo!23. Selon lui, « la découverte explosive d’Asuero » vient apporter « une récompense à [s]es efforts d’il y a vingt ans24 ».

6Outre la mise à l’index du système de correspondances développé par Bonnier, qui « nous a tous intoxiqués », il se félicite du « facteur personnel » ajouté grâce à l’« intuition médicale » d’Asuero25. En effet, ce dernier adapte sa pratique en remplaçant la cautérisation par la simple application de stylets, mais il insiste surtout sur l’état psychique du malade et du médecin, essentiel à l’efficacité du traitement au point que la centrothérapie n’est utilisée par Asuero, selon la Doctoresse Bonnier, que comme prétexte « pour faire de la suggestion armée26 ». Si l’asuerothérapie tombe rapidement dans l’oubli, malgré l’ouvrage que Leprince lui consacre en partie27, la vogue qu’elle avait rencontré au tournant des années trente a permis de relancer l’intérêt des médecins et de la population pour la réflexothérapie. En Espagne, cet intérêt se concrétise dès 1929 par la création de la Fundación Latina de Reflexoterapia du Dr Tomàs Samora Ribas, qui accorde la présidence d’honneur de sa société à Leprince, Regnault et Jaworski28. En France, l’asuerothérapie ouvre la voie à la sympathicothérapie du Dr Paul Gillet (1887-1976). Le 30 décembre 1929, un article de L’Intransigeant est consacré à cette méthode de guérison, semblable mais préférable à celle d’Asuero puisque Gillet serait, quant à lui, en mesure d’expliquer le mécanisme physiologique de son fonctionnement. Ce dernier ne prétend pas agir sur les centres bulbaires comme le faisait Bonnier, mais sur le système sympathique, dont l’étude médicale, nous y reviendrons, a été remise en honneur durant les années vingt29. Lié au système nerveux et innervant les différents organes, le « grand sympathique » préside « à l’accomplissement de tous nos actes réflexes : respiratoires, circulatoires, nerveux, chimiques, pour ne citer que les principaux30 ». En excitant la muqueuse nasale par le chatouillement de ses stylets, Gillet entend déclencher les réflexes adéquats par la touche des bonnes terminaisons nerveuses et rétablir ainsi la bonne santé du malade31.

7Tous n’emploient pas la terminologie popularisée par Gillet, mais l’action du sympathique est désormais agitée par les partisans de plus en plus nombreux de la réflexothérapie nasale, ainsi des Dr Georges Schoengrun (1899-1968), Armand Hemmerdinger et Pierre Gardien (1905-1985)32. Le Dr Frédéric Vidal (1895-?) reprend lui cette terminologie et s’en fait le grand promoteur à partir de 1934, date où se multiplient les articles de presse financés vantant « le merveilleux traitement du Docteur Vidal », « spécialiste du Grand Sympathique33 ». Ayant l’esprit d’entreprise, Vidal fait des causeries à la radio et fonde plus d’une vingtaine d’instituts de sympathicothérapie appliquant sa propre technique, reposant sur trois séries de touches et l’utilisation de stylets correspondants34. Visiblement attiré par l’appât du gain, il est toutefois condamné pour escroquerie à la fin de l’année 1938, pour avoir annoncé sa présence simultanée dans plusieurs villes de province et s’être fait remplacer par des confrères se faisant passer pour lui35. Vidal n’est d’ailleurs pas le seul médecin à profiter de la mode en faveur de la réflexothérapie, qui s’additionne au nouvel essor de l’acupuncture, pour s’enrichir. La réputation de la réflexothérapie n’en ressort de ce fait pas indemne, ce qui pousse les acupuncteurs à couper les ponts avec cette dernière après la guerre, comme en témoigne le Dr Charles Flandin (1882-1955). Dans sa préface à l’ouvrage de Ferreyrolles sur L’Acupuncture chinoise (1951), il affirme ainsi :

« entre l’époque empirique du début et aujourd’hui, nos idées et notre pratique ont évolué.
Nous ne pensons plus que l’on puisse complètement assimiler l’acupuncture chinoise à une réflexo-thérapie plus ou moins apparentée à la réflexothérapie endo-nasale de Bonnier. Comme cette dernière, l’Acupuncture risquerait trop d’être exploitée par le charlatanisme. C’est pour cela que nous avons tenu à fonder une Société d’Acupuncture, vraiment scientifique, où ne peuvent avoir accès que les chercheurs sérieux et désintéressés36 ».

L’acupuncture

8Dans l’article fondateur qu’ils publient en 1929 dans L’Homœopathie française, le Dr Paul Ferreyrolles et George Soulié de Morant présentent l’acupuncture comme une médecine satisfaisant aux besoins de la population chinoise depuis de nombreux siècles. Intéressés par ce succès traversant les âges, les deux Français tentent d’interpréter ces résultats et suggèrent, nous l’avons dit, qu’il s’agit là d’une « thérapeutique par réflexothérapie37 ». La réflexothérapie vient ainsi constituer la matrice à l’aune de laquelle est comprise l’efficacité constatée des piqûres d’aiguilles et des cautérisations par moxas à divers endroits de la peau. Cet article a fait beaucoup pour relancer l’intérêt médical français pour l’acupuncture, mais considérer cette médecine comme une thérapeutique par réflexothérapie ne constitue pas une innovation. Dans sa biographie « revisitée » de George Soulié de Morant, Johann Nguyen relève que Regnault et Leprince avaient déjà rapproché l’acupuncture de la réflexothérapie au sortir de la Première Guerre mondiale38. Ils ont même été devancés par Bonnier, en 1912, quand celui-ci évoque la pratique des chinois, qu’il nomme alors « Tcha-Tchin », au moment de faire la promotion de la centrothérapie39. De manière générale, il s’agit de modérer le caractère pionnier de l’article coécrit par Ferreyrolles et Soulié de Morant : comme l’affirme Ferreyrolles lui-même, qui relève en France la publication d’une quinzaine d’articles concernant l’acupuncture depuis 1900, il n’est « pas exact de dire que l’acupuncture vient seulement d’être introduite en Europe40 ». Cette introduction est d’ailleurs bien antérieure au xxe siècle et a pu être détaillée par Olivier Faure41, Lucia Candelise et Johan Nguyen. Ces deux derniers historiens ont tout de même consacré d’importantes recherches à la question de sa réception durant les années d’entre-deux-guerres, car il est vrai que l’acupuncture connaît un véritable essor à cette époque, sous l’impulsion notable de Ferreyrolles et Soulié de Morant.

9Jules Regnault fournit de nombreuses indications sur la médecine chinoise dans Médecine et pharmacie chez les Chinois et les Annamites (1902)42, mais s’il affirme plus tard que les actions réflexes peuvent expliquer les résultats de l’acupuncture, « il ne [lui] paraît pas indiqué de revenir à l’emploi de l’acupuncture » pour autant, eu égard aux autres techniques de réflexothérapie à disposition43. En 1924, Leprince se montre lui aussi plutôt méfiant vis-à-vis de ce qu’il nomme le « Tcha-Tchènn ». Les résultats lui apparaissent « souvent incertains », pour ne rien dire « des données anatomiques et physiologiques erronées », mais il appelle tout de même à « une étude plus approfondie » compte tenu des résultats potentiellement intéressants dans le cas d’affections névralgiques44. Il revenait donc à Ferreyrolles et Soulié de Morant de proposer cette étude et, avec elle, de développer l’usage de l’acupuncture chez les médecins français.

10Soulié de Morant est un ancien diplomate français en poste en Chine, reconverti dans la littérature ayant trait à la culture chinoise, bien que sa conception de l’acupuncture n’aurait, quant à elle, rien de très chinoise45. Il rencontre Ferreyrolles en 1927, à l’occasion d’un séjour à la Bourboule pour la cure de sa fille. Celle-ci est en effet soignée par ce médecin thermaliste, dont le nom apparaît dans L’Homœopathie française dès 191446, et qui se montre grandement intéressé par les anecdotes du sinologue concernant l’acupuncture. Lui-même avait fondé, avec son collègue thermaliste le Dr Gustave Monod (1878-1932), de Vichy, un « petit organisme d’exploration des médecines périmées » dénommé le « Carrefour de Cos », qui a d’ailleurs inspiré à Marcel Martiny son projet de création d’un organisme de recherches scientifiques sur les médecines traditionnelles47. Leur article rencontre d’abord un bel écho chez les homéopathes, en raison des parallèles avec les points de Weihe et d’une perspective holiste commune. Outre le bon accueil réservé à la pratique dans leurs revues et leurs sociétés (Soulié de Morant est notamment élu membre d’honneur de la Société rhodanienne), l’hôpital Léopold-Bellan, infiltré par les homéopathes, ouvre également à partir de l’année 1932 un service d’acupuncture tenu par Thérèse Martiny, une femme médecin qui avant d’obtenir son doctorat en 1930 officiait en tant que secrétaire au service de Ferreyrolles et Soulié de Morant.

11En parallèle du rôle important joué par les homéopathes, l’acupuncture se diffuse principalement en France grâce aux expériences hospitalières menées dans les services du Dr Charles Flandin. Sa guérison d’un lumbago par les aiguilles chinoises et son amitié avec Ferreyrolles permettent en effet à ce dernier d’ouvrir sa première consultation d’acupuncture à l’hôpital Bichat en 1931, puis à l’hôpital Saint-Louis en 1934, ou encore à l’hôpital Beaujon, au gré des changements de service de Flandin. Une poignée de médecins exercent également l’acupuncture dans ces services, parmi lesquels Jean Baratoux (1855-1956), Raoul Bétuel (1872-1954) et Hagop Khoubesserian (1898-1977), tandis que Soulié de Morant s’installe comme praticien indépendant à partir de 193548. Les années trente sont donc le théâtre d’un véritable renouveau de la pratique française de l’acupuncture, qui profite largement de la mode en faveur de la réflexothérapie comme les divers ouvrages sur l’acupuncture écrits à cette période viennent en témoigner.

12Au xxe siècle, la première monographie française entièrement consacrée à l’acupuncture est l’œuvre du Dr Léon Bonnet-Lemaire (1867-1943), un homéopathe initié à cette pratique grâce aux premiers écrits de Soulié de Morant. Ce médecin n’est pas sans entretenir de relations avec les courants ésotériques puisqu’il figure, en 1910, dans la liste des professeurs titulaires à l’École supérieure libre des sciences médicales appliquées de Papus et qu’il est présenté, en 1917, par Gaston et Henri Durville pour adhérer à la Société magnétique de France49. De plus, son Acuponcture chinoise (1933) est publiée aux éditions théosophiques Adyar, bien qu’il se garde de tout spiritualisme au moment d’expliquer l’efficacité de cette thérapeutique. Pour lui, « les effets curatifs obtenus par l’acuponcture procèdent de la réflexothérapie50 », dont il est particulièrement au fait de ses principes. Il convient également d’évoquer l’ouvrage de Leprince, intitulé L’Acuponcture chinoise, méthode française (1935), où l’auteur associe l’action « réflexothérapique des aiguilles » à une action « électrothérapique et métallothérapique » en proposant d’employer deux aiguilles de métaux différents en deux endroits différents du corps, de façon à établir un « courant intra-cellulaire » entre les deux zones piquées51. Dans les pages de La Côte d’Azur médicale, le Dr François-Victor Foveau de Courmelles (1862-1943) approuve à plusieurs reprises cette pratique dans une perspective similaire à celle de Leprince, qui contribue également à cette revue. Enfin, le Dr Yvan Latour témoigne lui aussi de cette vogue conjuguée pour la réflexothérapie et l’acupuncture dans Nos malades et notre système nerveux. Les Guérisons de l’acupuncture (1934). L’auteur de Comment maigrir, tiré à 100 000 exemplaires l’année précédente, y affirme que le système nerveux est le gardien de notre santé et que l’acupuncture, parmi toutes les réflexothérapies, est « le moyen le plus sûr pour soigner les déséquilibres nerveux52 ». La survivance de cette thérapeutique à travers les siècles et les formidables résultats dont il se targue de faire bénéficier ses patients constituent même pour lui la meilleure des démonstrations quant à l’influence du système nerveux sur le corps humain. Quelques années plus tard, celui qui publie également volontiers dans les magazines féminins, semble toutefois avoir abandonné l’acupuncture pour se consacrer aux soins esthétiques, avec un certain succès53. Il vient ainsi symboliser les excès dénoncés après-guerre par des acupuncteurs désireux de faire reconnaître une pratique au statut fragile (ils ne sont qu’une cinquantaine de praticiens à la Libération54) et qui ne souhaitent pas lier leur destin à celui de la réflexothérapie.

Spondylothérapie et réflexothérapie vertébrale

13Outre son action par la stimulation de points localisés dans la fosse nasale ou sur la peau, la réflexothérapie agirait aussi par le biais des vertèbres. Cette idée et la pratique qui en découle sont surtout popularisées par les travaux du médecin américain Albert Abrams, exposés partiellement au public français depuis plusieurs années dans La Presse médicale55, et qui connaissent un nouveau bond en 1910 avec la publication de son ouvrage sur la Spondylotherapy56. Poursuivant ses études sur les réflexes viscéraux et vertébraux, Abrams développe ce qu’il perçoit alors comme une thérapie vertébrale semblable, mais préférable selon lui, à l’ostéopathie et la chiropractie. La spondylothérapie repose tout entière sur l’excitation des centres fonctionnels de la moelle épinière. Ces centres permettent la contraction ou la dilatation des viscères par le biais de réflexes, dont il donne la définition suivante :

« Un réflexe fait référence à la production involontaire d’activité dans un segment [du corps humain] provoquée par la conduction d’un stimulus le long d’un nerf afférent (sensoriel) vers les cellules motrices de la moelle épinière. Ce stimulus est converti en une impulsion par les cellules motrices, laquelle est ensuite conduite vers le segment en question au moyen d’un nerf efférent (moteur)57. »

14Pour Abrams, tout est affaire de réflexes dans la physiologie humaine, et c’est en provoquant artificiellement la production de réflexes que le médecin va pouvoir agir sur le mal dont souffre son patient. Or, il est selon lui possible d’exciter la moelle épinière par des stimulations directes sur la colonne vertébrale. Dans cette perspective, la moelle épinière, véritable deuxième cerveau, relie différents organes du corps à des vertèbres précisément définies, et la sollicitation artificielle de ces vertèbres permet de soulager le patient. Abrams donne alors de nombreux exemples des différents réflexes stimulés par le contact avec les vertèbres correspondantes, comme la sollicitation des trois premières lombaires dans le cas d’une constipation atonique, le plus célèbre concernant cependant la contraction du myocarde par la touche de la septième cervicale. Les stimulations en question peuvent être produites de différentes façons, manuellement bien sûr, mais aussi par l’utilisation de différents appareils permettant la percussion des vertèbres, ou par l’usage de l’électricité et plus précisément par l’application d’un courant sinusoïdale frappant la vertèbre de façon alternée. Suivant les cas, l’une ou l’autre de ces techniques peut se montrer plus efficace. La spondylothérapie est donc une thérapeutique, mais elle constitue également une méthode de diagnostic. À l’inverse, en effet, la palpation et l’examen des vertèbres permettraient de diagnostiquer certains troubles organiques en fonction des sensations ressenties. Au moment de faire la promotion de la spondylothérapie dans le très sérieux American Journal of Clinical Medicine, le Dr S. Edgar Bond (1876-1964) affirme ainsi qu’une sensibilité au niveau de la quatrième lombaire peut indiquer des troubles utérins58. En France, cette méthode est promue par le Dr Jules Regnault, un chirurgien et ancien professeur d’anatomie à l’École médicale navale de Toulon, qui entre en correspondance avec Abrams dès 1917. Jaworski est lui aussi présenté comme un disciple d’Abrams dans la thèse de médecine du Dr Pierre Simon (1892-1972) sur les Contractions réflexes du gros intestin, où l’auteur insère des observations concernant les traitements par spondylothérapie effectués par Jaworski59. Dans son Traité de réflexothérapie, Leprince consacre quant à lui un chapitre aux réflexes vertébraux, dans lequel il évoque la spondylothérapie, mais aussi l’ostéopathie et la chiropractie.

15L’ostéopathie en France à cette période, nous l’avons vu, est essentiellement représentée par Robert Lavezzari, qui s’évertue justement à distinguer sa pratique de la spondylothérapie et de la chiropractie. Cette dernière, développée par l’américain Daniel David Palmer (1845-1913) vers 1895, s’occupe de manipuler la colonne vertébrale afin de permettre, selon son auteur, la bonne circulation de l’influx nerveux, clef de tous les maux. Il y aurait beaucoup à dire sur cette pratique, qui a déjà fait l’objet d’un important ouvrage s’intéressant en partie à sa dimension ésotérique60. Toutefois, si la chiropractie est aujourd’hui la forme de médecine alternative la plus répandue aux États-Unis61, sa diffusion dans la France de l’entre-deux-guerres demeure, à l’image de l’ostéopathie, des plus limitées. Ses praticiens, dont le plus réputé semble être Gaston-Lucien Gross (1891-1988), un ami de Gastin, se comptent en effet sur les doigts d’une main62. De plus, pour la plupart diplômés d’une école de chiropractie américaine, ils ne disposent pas du titre de docteur en médecine. Néanmoins, la chiropractie est souvent mentionnée au sein du holisme médical français parmi les autres méthodes de rééducation vertébrale63. Toutes ne sont pas forcément comprises comme une réflexothérapie par leurs promoteurs, ainsi des 18 points de Gëorgia Knap (1866-1946), très connu dans le milieu naturo-végétarien, mais d’autres le sont, à l’instar du « massage vertébral » des docteurs Durville, qui affirment appliquer à l’Institut naturiste « une réflexothérapie vertébrale » et mettre d’accord « les conceptions de Luce, d’Hector Durville et d’Abrams64 ». De même, c’est bien parce que « les idées thérapeutiques du Professeur Varma […] s’apparentent à certaines disciplines qui naissent actuellement à la vie médicale », évoquant par-là « la réflexothérapie » tendance Abrams65, que Mouézy-Eon se montre un temps intéressé par la pranothérapie de Dewanchand Varma (1872-ca. 1954). Cet ancien lapidaire hindou prône durant l’entre-deux-guerres une méthode de massages et de manipulations qui veille à remettre en bonne place les vibrations et oscillations « praniques », condensées et réparties par le système nerveux en accordant une attention particulière à la colonne vertébrale66. Son mouvement, fort d’un institut et d’une revue, connaît un certain succès et de nombreuses poursuites judiciaires, mais il est révélateur, comme l’exemple des Durville l’illustre également, des proximités qui unissent le champ de la réflexothérapie avec celui de l’étude « magnétique » des radiations.

Réflexothérapie, radiations et magnétisme

16Par réflexothérapie, les médecins de l’entre-deux-guerres entendent ainsi bien des pratiques différentes qui se trouvent en outre diffusées dans les milieux naturistes et homéopathiques, car également comprises sur la base d’un holisme et d’un vitalisme communs. À l’image de l’intérêt porté à la diététique, l’héliothérapie et la respiration, ce « vitalisme réflexothérapique », qui consiste en somme à stimuler la force vitale par le biais de touches périphériques, peut s’accorder à des conceptions du monde, de l’homme et de la matière développées au sein des courants ésotériques, voire, dans une certaine mesure, en découler. Cette influence est moins facilement décelable que dans le naturisme médical, mais elle mérite d’être explorée, en prenant pour point de départ cet intérêt commun pour le magnétisme et les recherches psychiques partagé par les docteurs Durville, Viard, Mouézy-Eon, Jaworski, Regnault, Leprince, Foveau de Courmelles et Abrams.

Des réfléxothérapeutes tournés vers l’occulte

17Si les itinéraires des trois premiers nous sont déjà connus, il nous reste au préalable à brièvement présenter les biographies des autres médecins mentionnés, en insistant sur leurs rapports avec les courants ésotériques et les recherches psychiques, avant de situer leur approche de la réflexothérapie. Jaworski se montre en effet également familier de ces courants et de ces recherches. En 1927, dans la revue Psychica, qui mêle spirites, métapsychistes, théosophes et occultistes, il confie avoir jadis été un jeune et ardent adepte de Mesmer au point de fonder une Société de l’harmonie avec quelques camarades de sa faculté. Il se déclare en outre convaincu de « l’existence d’une force nerveuse, ce que quelques-uns appellent fluide, qui peut passer d’un corps à un autre comme l’électricité », depuis sa rencontre avec une cliente lui ayant transmis « cet influx, ou fluide nerveux ou force vitale, comme on voudra, le nom important peu à la chose67 ». Impliqué dans les recherches psychiques au point d’occuper la vice-présidence de la Société française d’études psycho-physiques en 1924, il délivre aussi de nombreuses conférences devant les membres de la Société théosophique, visiblement intéressés par sa théorie, antérieure à « l’hypothèse Gaïa », du « Géon » et de la terre comme organisme vivant68. À partir de 1928, il dirige son propre Centre de recherches parapsychiques, fondé comme une société s’efforçant « de combler peu à peu le fossé, qui, apparemment, semble encore séparer les spirites et les métapsychiques69 ». Enfin, Jaworski combine son spiritualisme avec un engagement politique puisqu’il fonde, en 1921, l’Union internationale des spiritualistes communistes70, avant de se rapprocher de l’ésotériste Dimitrije Mitrinović (1887-1953), qui l’invite à donner des conférences à Londres peu avant la guerre71. Il participe avec lui au « New Europe Group », un mouvement politique en lien avec « les nouvelles relèves » et le non-conformisme des années trente72.

18De même, Jules Regnault se montre lui aussi proche des courants ésotériques. La thèse de médecine qu’il défend, en 1897, sur La Sorcellerie, ses rapports avec les sciences biologiques reçoit un accueil très favorable dans les milieux magnético-occultistes73. Familier des écrits publiés par ces derniers, il défend la nécessité d’étudier scientifiquement les divers faits occultes afin qu’ils cessent « d’inspirer des craintes superstitieuses74 ». En ce sens, il entreprend diverses expérimentations sur l’action des médicaments à distance et sur la suggestion mentale. Selon son propre compte rendu, les expériences menées sur la suggestion se révèlent d’ailleurs positives, au contraire de celles concernant les médicaments. En 1903, cet intérêt ajouté à sa connaissance de l’Asie acquise en voyage l’amène à publier un article sur la magie et l’occultisme en Extrême-Orient dans la Revue scientifique75, puis dans les Annales des sciences psychiques. En mai 1905, il expose sa compréhension des cas d’hypnose, d’hystérie et de sorcellerie en Indochine dans les pages de La Voie, une « Revue mensuelle de Haute Science76 ». Il se montre ensuite particulièrement actif dans Le Voile d’Isis, publiant tour à tour, entre autres contributions, une étude sur « L’occultisme dans la médecine sino-annamite » et une autre concernant les « Tching ou corrélations météorologiques et le rôle du ciel dans la politique des chinois77 ». « L’occulte asiatique » n’est cependant pas la seule spécialité de Regnault, puisque l’étude savante des faits occultes qu’il poursuit après sa thèse lui fournit également l’occasion de publier à ce sujet. Ses travaux sur les phénomènes occultes et la suggestion mentale sont exposés dans les Annales des sciences psychiques, où il affirme sa croyance en l’idée d’une chaîne d’initiés à travers les siècles78. Le 20 mars 1928, il délivre une conférence à la Société théosophique à propos de la radioactivité générale et des radiations humaines79. Enfin, s’il collabore à la publication de la Grande encyclopédie illustrée des sciences occultes en 193780, sa participation aux périodiques ésotériques diminue à partir des années vingt en raison de l’édition de sa propre revue, à laquelle il réserve la primeur de ses recherches.

19Cette revue s’intitule d’abord Le Var médical. Fondée en 1913, elle est dirigée sur un ton effectivement très médical par le Dr François Fournier. Regnault se distingue comme un contributeur régulier, qui traite de l’état des connaissances sur le cancer et rend compte du Congrès national de chirurgie. Sous sa direction, à partir de l’automne 1921, le contenu de la revue prend toutefois une autre tournure. Un article de la Revue métapsychique sur « les frontières de la Science », un compte rendu du Congrès de recherches psychiques de Copenhague par Jaworski, et un extrait du Voile d’Isis sont publiés dans le même numéro d’octobre, et le journal se fait ensuite de manière explicite et durable l’écho des intérêts particuliers de Regnault. Ces intérêts incluent les différentes formes de réflexothérapie, mais aussi les recherches psychiques et la radio-tellurie, des domaines auxquels s’intéressent également Leprince et Foveau de Courmelles.

20La radio-tellurie, ou radiesthésie81, se définit comme « la nouvelle Science physique de recherches des eaux, des mines et des corps en général par les radiations et les ondes82 ». En clair, il s’agit d’une appellation qui se veut plus scientifique pour désigner les recherches dont s’occupent les sourciers. Son promoteur, le Dr Henri Moineau, publie en novembre 1921 un article dans La Côte d’Azur médicale où il s’exclame, après avoir listé les récentes avancées en physique des radiations :

« Mais alors ces vieux “empiriques sourciers”, qui avaient reconnu l’existence de corpuscules sortant de la matière, non inerte, analogues des rayons X d’aujourd’hui, qui pratiquaient couramment la transmutation des métaux étaient tout simplement les précurseurs des savants qui ont découvert et étudié la radio-activité et ressuscité la transmutation des corps83. »

21Pour Moineau, ces sourciers « ont évolué, ont travaillé et sont devenus des scientifiques84 ». Parmi eux se distingue donc Regnault, qui avait déjà publié quelques études sur le sujet dans une revue occultiste comme Le Voile d’Isis85, ainsi que dans des revues médicales86. Il synthétise son approche du domaine dans Biodynamisme et vibrations (1936)87. Albert Leprince, grand ami de Regnault et contributeur régulier de sa revue, s’intéresse également à la radio-tellurie. Il l’aborde dans une perspective médicale dans Pendule et médecins. Sourciers et malades (1933), puis dans Radiesthésie médicale. Applications de l’art du sourcier à la médecine humaine (1936). À l’instar de Regnault, il l’amalgame avec certains principes de réflexothérapie, comme en témoigne le compte rendu de la conférence qu’il délivre à Lille le 28 juin 1933 :

« Il y a quelques années, on ne croyait pas aux radiations humaines ; mais les progrès de la T.S.F. ont permis de prouver l’existence de phénomènes qui ne pouvaient se révéler qu’après une transformation d’ondes ou de vibrations en mouvements sensibles.
C’est ainsi qu’on a pu rattacher les réflexes des sourciers à des phénomènes provoqués par des vibrations nerveuses, ayant pour origine un trouble passager du Grand sympathique sous l’influence d’une cause extérieure88. »

22Il développe ainsi une méthode de diagnostic par le pendule s’appuyant sur la palpation de la colonne vertébrale du malade. Dans le cas où le pendule, tenu d’une main, modifie son mouvement lors du passage de l’autre main sur un segment de la colonne vertébrale, l’organe en relation avec ce segment serait malade. Selon lui, la radiesthésie médicale doit être étudiée selon les points de vue physique (celui des radiations), physiologique (celui des réflexes), et psychique, car ces trois aspects sont liés89. Si l’essor que connaît la radiesthésie durant les années trente s’opère principalement autour de la création, en 1929, de l’Association des amis de la radiesthésie (AAR) et du lancement de son Bulletin l’année suivante90, le rôle pionnier joué par La Côte d’Azur médicale, grâce aux articles qu’elle publie sur la question dès le début des années vingt, est indéniable. À ce titre, Leprince et Regnault occupent tous deux des positions influentes et respectées dans le milieu de la radiesthésie. La présidence d’honneur du Congrès international de radiesthésie de juin 1933 est ainsi tenue par le premier91, tandis que le second est nommé rapporteur de la question concernant « Les sourciers et la médecine ». Le Dr Foveau de Courmelles n’est pas en reste puisqu’il est élu à la présidence de l’AAR en 1936.

23Il faut dire que Foveau de Courmelles est une véritable figure du monde médical français. Pionnier de de l’électrothérapie et de la radiographie, disciplines qu’il enseigne à la Faculté de médecine de Paris92, il avait dirigé, de 1900 à 1913, L’Année électrique, électrothérapique et radiographique, et publié de nombreux ouvrages sur le sujet. Bien introduit dans un grand nombre de milieux scientifiques et médicaux, il est également le président de la Société française d’hygiène, de la Société internationale de médecine physique, ou encore de la Société des gens de science93. C’est toutefois davantage sa proximité avec les courants ésotériques qui l’amène à publier dans la revue de Regnault. Cette proximité, voire cette affiliation, remonte au moins à l’année 1889, date à laquelle il publie un article dans Le Lotus bleu sur « Science et Théosophie », où il affirme notamment que « la science théosophique », dont la « lumière ne se montre que dans des conditions déterminées de vertu humaine », restera forcément « l’apanage du petit nombre94 ». Pour lui, « il faut, pour son triomphe et celui de la science en général, que, loin de se nier mutuellement, elles marchent la main dans la main, s’aident réciproquement pour le plus grand bien de l’humanité et son perfectionnement moral95 ». Si peu de traces de son estime pour la ST n’apparaissent par la suite, il se distingue l’année suivante, dans son ouvrage sur Les Facultés mentales des animaux, en déclarant qu’il perçoit ces derniers comme « des êtres présentant en germe toutes nos facultés » et que des efforts doivent être dirigés « vers la perfectibilité – dans tous les sens – de l’animal96 ». Son engagement en faveur de la défense des animaux et contre la vivisection s’inscrit dans cette logique97, mais c’est plutôt son intérêt pour le magnétisme et les recherches psychiques qui le rapproche de Regnault. Foveau de Courmelles assure en effet la vice-présidence du Congrès magnétique international d’octobre 1889, où il présente un mémoire intitulé Le Magnétisme devant la loi et appelle à développer la pratique professionnelle du magnétisme curatif98. Il publie aussi plusieurs articles concernant l’hypnotisme, qu’il lie au magnétisme animal, dans les revues L’Initiation et L’Union occulte française. Enfin, bien introduit dans les milieux spirites, il assure à partir de 1909 la présidence du Comité d’étude de photographie transcendantale fondé l’année précédente par Emmanuel Vauchez (1836-1926) pour fournir « la preuve de la réalité de l’Invisible99 ». Dans La Côte d’Azur médicale, il publie notamment un article sur « Couleurs et radiations », dans lequel il rappelle son hypothèse selon laquelle la volonté serait une vibration transmissible par ondes électriques, et un autre où il expose ses « Réflexions sur les sciences occultes », dont il promeut l’étude en tant que « dévoué serviteur de la Science, de celle des radiations, notamment, dont l’inconnu et les limites s’élargissant nous rendent plus prudent dans toute négation100 ». Cette science des radiations, dont il est l’un des promoteurs de par ses travaux sur les rayons X et la radioactivité, c’est celle sur laquelle s’appuie la théorie électronique d’Albert Abrams pour affirmer que tout dans l’univers n’est que vibrations.

Albert Abrams et la théorie électronique

24En effet, Abrams ne s’arrête pas à ses vues « mécaniques » sur la spondylothérapie. Son étude des réflexes l’amène à développer une théorie « électronique » qui dépasse le cadre de la réflexothérapie, mais qui se retrouve acceptée et diffusée par certains réflexothérapeutes français, également attirés par l’étude des radiations. Il expose ses premiers travaux sur l’énergie humaine en 1913, puis rassemble ses réflexions sur la question dans New Concepts in Diagnosis and Treatment (1916), et continue de travailler le sujet jusqu’à sa mort en 1924. Il en appelle à sa compréhension des dernières conceptions de la physique pour affirmer la réalité des radiations humaines produites par l’incessante activité des innombrables électrons présents dans l’organisme humain101. La radioactivité est une propriété universelle de la matière, et toute radiation correspond à une « fréquence vibratoire » dont seraient également pourvues les maladies. Sur ces principes, il en vient à développer une curieuse méthode de diagnostic à distance. Un échantillon de sang du malade est relié à un appareil électrique de sa fabrication, le « dynamizer », lui-même relié au corps d’un sujet humain, qui n’est pas le malade, mais qui, debout sur une plaque au sol et orienté en direction de l’ouest, servira de résonateur, car les réflexes humains sont dits surpasser en sensibilité n’importe quel appareil de mesure. Abrams percute alors divers endroits précis de l’abdomen du sujet et s’autorise un diagnostic en fonction du son produit par la percussion. Par exemple, dans le cas de la syphilis congénitale, dont la fréquence vibratoire serait de 57 selon sa propre expérience, Abrams règle le dynamizer sur 57 et diagnostiquera une syphilis en cas de réaction positive à la percussion (fig. 13).

Fig. 13. – La Côte d’Azur médicale, décembre 1929, p. 264.

Le diagnostic par le « dynamizer » d’Albert Abrams expliqué par Regnault à son lectorat français.

25Pour ce qui est du traitement, Abrams vante notamment les qualités d’un nouvel appareil de sa fabrication, « l’oscilloclast », qui est utilisé pour détruire les maladies de l’organisme en imposant une fréquence vibratoire similaire à celle de la maladie, remplaçant de manière plus effective encore les médications classiques, qui fonctionneraient d’ailleurs grâce à leur fréquence vibratoire égale à celle des maladies qu’elles sont censées traiter (fig. 14). En proposant une méthode de diagnostic et de traitement aussi révolutionnaire, qu’il baptise ERA (Electronic Radiations of Abrams), le médecin de San-Francisco séduit de nombreux confrères, qui viennent le voir à son laboratoire, achètent les différents appareils de sa conception et lisent sa revue intitulée Physico-Clinical Medicine. Ce succès attire néanmoins l’attention d’autres médecins qui, en 1923 et 1924, publient dans le Journal of the American Medical Association un rapport concluant, avec le physicien Robert Andrews Millikan (1868-1953), à l’absurdité et l’inefficacité de la méthode102. Nonobstant, la figure d’Abrams connaît une certaine postérité puisque ses théories sont encore célébrées de nos jours par les tenants de la « radionique103 ».

Fig. 14. – La Côte d’Azur médicale, décembre 1929, p. 266.

Jules Regnault devant son « oscilloclast ».

26De pair avec la spondylothérapie, Jules Regnault promeut cette nouvelle méthode qu’il étudie dans son laboratoire toulonnais. Il présente notamment ses travaux à la Société de pathologie comparée et au Congrès de chirurgie de Paris104. La Côte d’Azur médicale traite largement de ces méthodes, qu’il expose plus en détail, en 1927, dans un ouvrage entièrement consacré à la question105. En janvier 1922, Regnault publie un article sur « la théorie électronique dans les sciences médicales » où il affirme, en substance, que « la seule théorie synthétique donnant jusqu’ici une explication plausible de la physique et des lois de l’univers est la théorie électronique ; tout n’est que vibrations, vibrations de centres d’énergie que, faute de mieux, on appelle des électrons106 ». Il milite alors pour son application à l’art médical et évoque les travaux déjà engagés sur la question par Abrams, Leprince et lui-même. En effet, le 25 juin 1921, Leprince avait déjà affirmé devant la Société de médecine de Paris que « les phénomènes pathologiques sont des manifestations de l’énergie électronique troublée ou déséquilibrée » et que le but de la thérapeutique doit être de rétablir l’équilibre de cette énergie cellulaire par des agents chimiques ou physiques dont les vibrations sont syntonisées avec la vibration pathologique107. Nous retrouvons là toute la théorie d’Abrams à la base du principe de fonctionnement de son « oscilloclast ». Chez Jaworski également, l’intérêt pour la spondylothérapie se couple à celui pour la médecine électronique. De 1919 à 1922, une citation dans laquelle il déclare son admiration pour les méthodes d’Abrams est insérée dans chaque numéro de Physico-Clinical Medicine, qui le présente comme une autorité médicale ayant traduit ERA en français108. Mouézy-Eon évoque quant à lui les méthodes d’Abrams dans certains périodiques homéopathiques, et il délivre une conférence enthousiaste sur le sujet, le 31 janvier 1924, dans le cadre du Groupe d’études philosophiques et scientifiques pour l’examen des idées nouvelles du Dr Allendy109. Si les méthodes de réactions électroniques d’Abrams présentent bien entendu un air de famille avec l’électricité médicale et ses « machines à guérir », si répandues en France au début du xxe siècle110, les méthodes d’Abrams ne rencontrent pas un franc succès parmi les électrothérapeutes français. Les différents périodiques encore publiés durant les années d’entre-deux-guerres sont muets, ou presque, sur le personnage et ses conceptions. En 1928, les Archives d’électricité médicale évoquent tout de même une communication de Leprince, toujours devant la Société de médecine de Paris, à propos du traitement électronique de la cataracte et de la sclérose du tympan111. Un rappel est alors fait concernant les théories d’Abrams, et les pratiques de Leprince sont relayées car elles impliquent l’emploi de divers courants électriques, mais le rédacteur du compte rendu en reste là. Seule la figure de Foveau de Courmelles semble venir lier les milieux de l’électricité médicale et La Côte d’Azur médicale, qu’il fréquente en partie de par son intérêt personnel pour le magnétisme animal et les pratiques et théories qui lui sont reliées.

Une compréhension magnétique

27Depuis Mesmer, de nombreux travaux ont été publiés en lien avec ses cures et sa théorie de l’utilisation thérapeutique d’un fluide magnétique universel dans lequel tous les corps seraient plongés. Il serait impossible (et d’ailleurs superflu) de tous les citer. Bertrand Méheust a distingué trois grandes écoles d’interprétation de ces phénomènes : une branche mesmérienne « matérialiste », un courant dominant « psychofluidiste » percevant la volonté comme la base du phénomène mais ne négligeant pas l’hypothèse du fluide, et une branche mystique et spiritualiste112. À la fin du xixe siècle, cette distinction ne tient plus vraiment tant le milieu magnético-occultiste insiste sur la réalité du fluide magnétique en ouvrant par ailleurs une voie royale aux théories de la New Thought et de la culture humaine. Le Traité expérimental de magnétisme en deux volumes d’Hector Durville illustre bien ces perspectives, bien que l’intégralité de son contenu ne fasse pas l’unanimité parmi les membres de la Société magnétique de France113.

28Durville commence par affirmer que sa théorie du magnétisme physiologique – distinct du magnétisme des aimants –, qui lui permet d’expliquer l’efficacité thérapeutique de ses passes manuelles, « repose exclusivement sur les données de la physique générale », bien qu’il prétende dans le même temps étudier les effets d’un agent magnétique « admis de toute antiquité par une catégorie assez nombreuse de savants observateurs » mais jamais reconnu d’une façon précise par la science officielle114. Le numéro d’équilibriste débute alors dès les premières pages : il s’agit de démontrer l’existence d’une force niée par la science en s’appuyant sur les données de la science, sans pour autant être un physicien de renom. Durville évoque ainsi la « théorie de l’émission », plébiscitée jusqu’au milieu du xixe siècle, qui explique l’action des différents agents de la nature par l’émission de fluides spéciaux, que ce soit la chaleur, la lumière et donc le magnétisme. Mais si cette explication fut embrassée par certains de ses prédécesseurs, Durville revendique une nouvelle théorie, car « la science n’explique plus aujourd’hui l’action des agents de la nature par l’émission de fluides » et parce qu’elle conçoit plutôt les différents agents de la nature comme des « manifestations de l’énergie », selon la « théorie de l’ondulation115 ». Par conséquent, cet agent dont il entend prouver l’existence serait en fait constitué par un mouvement vibratoire induit par « certaines vibrations des atomes formant le corps humain », qui se transmet par ondulations de l’éther, ce fluide qui remplit tout l’univers mais qui ne possède qu’une fonction de transmission. La forme de ce mouvement ne se trouverait pas seulement dans le corps humain, mais partout, que ce soit dans les végétaux, les corps inanimés, la chaleur, ou encore la lumière, et il constituerait « l’agent de la nature le plus répandu, le plus universel que l’on puisse prendre et diriger116 ». En outre, Durville conçoit également que cette force puisse se transmettre par une cause psychique, où la volonté joue son rôle117. Cette théorie générale du magnétisme peut alors être comparée aux écrits sur la réflexothérapie et les radiations, en commençant par ceux de l’américain Albert Abrams.

29Spondylotherapy, l’ouvrage où il présente sa thérapeutique par les réflexes vertébraux, ne fait aucunement référence au magnétisme. Ses bases doctrinales ont plutôt pour origine la théorie dix-neuvièmiste du « réflexe » dont Edward Shorter a pu retracer l’histoire118. L’historien évoque d’abord le diagnostic d’« irritation vertébrale », fort commun dans les années 1840, selon lequel des douleurs diffuses dans le corps peuvent être associées à des points sensibles localisés dans la colonne vertébrale et soulagées par des pressions sur ces mêmes points. Il relève à ce sujet les travaux des frères William et Daniel Griffin, qui sont d’ailleurs cités dans l’ouvrage d’Abrams. Shorter évoque ensuite la théorie du réflexe élaborée par Marshall Hall (1790-1857), lui aussi mentionné par Abrams, selon laquelle « les connexions nerveuses passant par la colonne vertébrale régulent tous les organes corporels, y compris le cerveau, indépendamment de la volonté humaine119 ». La notion de « points réflexes » remplace celle d’irritations et se trouve employée par de prestigieux neurologues, tel l’autrichien Ludwig Türck (1810-1868) qui parle de « Reflexstellen ». Enfin, Shorter affirme que le concept, qui se flétrit à partir des années 1870, n’a jamais rencontré le succès en France, car Charcot, son neurologue le plus fameux, qui était par ailleurs fermement opposé aux explications mesmériennes des phénomènes hypnotiques dont il a relancé l’étude, ne l’a jamais embrassé. Néanmoins, des considérations similaires, bien que développées dans une perspective différente, se diffusent malgré cela au sein des milieux magnétiques français : ainsi des théories du Dr Jean-Baptiste Luce (1856-1889) et d’Hector Durville sur les centres cérébraux et spinaux, deux auteurs que Gaston Durville, nous l’avons vu, présente comme les pionniers de la réflexothérapie vertébrale.

30Les théories de Luce et Durville s’inscrivent en partie dans le sillage de la phrénologie, mais tandis que son fondateur Franz Joseph Gall affirme l’existence de correspondances entre certaines régions du cerveau et les différentes facultés intellectuelles et morales de l’individu – ce qui, à l’image de la physiognomonie, permet de connaître la qualité d’un individu, non pas par l’examen des formes de son visage mais par l’examen des formes de son crâne –, les deux magnétiseurs postulent l’existence de liens particuliers entre certains endroits du cerveau et certains organes ou fonctions physiologiques (fig. 15 et 16). Des correspondances similaires se retrouvent également dans la moelle épinière selon Luce, président de la Société magnétique de France au moment de sa mort précoce. Ce dernier, comme l’indique Gaston Durville, « affirmait que chacun de nos organes est commandé par un centre placé dans la moelle » et « avait établi une carte de la moelle localisant ces centres par rapport aux vertèbres qui les recouvrent120 » (fig. 17).

Fig. 15 et 16. – Durville Hector, Pour faire le diagnostic des maladies par l’examen des centres nerveux, Paris, Librairie du magnétisme, 1904, p. 17 et 55.

Tandis que les zones répertoriées par Gall correspondent à des qualités – la zone 7 renvoie ainsi à l’aptitude à la musique et la zone 17 est rattachée à l’estime de soi –, les centres nerveux d’Hector Durville correspondent plutôt à d’autres parties du corps ou à des fonctions physiologiques.

Fig. 17. – La Médecine sans médicaments, no 1, vol. 5, septembre 1886.

Selon Luce, chaque vertèbre correspond avec une ou plusieurs parties du corps.

31Pour Luce, tout est affaire d’énergie et il suffit « d’augmenter l’énergie du fonctionnement des organes où elle est diminuée et de diminuer celle des organes où elle est augmentée » pour rétablir ces organes dans leur état normal et obtenir la guérison.121 Le problème se résume alors à « trouver le moyen d’agir sur un point donné des systèmes musculaires et nerveux », et il développe en ce sens tout un système thérapeutique qui consiste à appliquer le « polariseur magnétique », un appareil de son invention constitué d’une plaque de zinc (qui a une propriété excitante) et une plaque d’étain (qui a une propriété calmante) sur un fer à cheval. Pour faciliter l’apprentissage de son système, Luce dresse même un tableau où il présente les différents points d’application, l’organe que chacun de ces points influence, et la recommandation thérapeutique qu’il leur associe. Par exemple, la 12e dorsale influencerait les organes génitaux et il recommande d’apposer la plaque de zinc en cas d’aménorrhée et la plaque d’étain si le patient manifeste un besoin irrépressible de coït ou de masturbation. Ces points d’application ne sont toutefois pas tous centrés sur la colonne vertébrale et peuvent donc également se trouver sur le crâne. Hector Durville, de son côté, accorde une importance bien plus grande aux centres nerveux, dont il affirme avoir trouvé les différentes localisations grâce à son talent d’observation. Pour l’anecdote, notons que le premier centre nerveux qu’il découvre s’est révélé à l’occasion de la consultation d’un jeune Anglais qui « éprouvait de violents maux de tête et d’estomac » et dont « l’organe génital était dans un état continuel d’excitation122 ». Il remarque un point particulièrement chaud à l’arrière du crâne de son patient et y applique alors les doigts de sa main gauche – dotée d’une action excitante, au contraire de l’action calmante de sa main droite, selon la loi de polarité qui lui est chère –, ce qui aurait provoqué « un effet d’une intensité inouïe ». Il constate en effet : « L’action de mes doigts avait puissamment excité le centre génital, une érection douloureuse s’était produite et une éjaculation en avait été la conséquence123. » Le premier des emplacements venait d’être trouvé « par un moyen purement magnétique ». D’autres suivront, et Durville affirme que ces découvertes se sont faites en parallèle des recherches de Luce, dont il reproduit la carte des différents centres nerveux. Durville présente également les centres de la moelle épinière, auxquels Luce « attache une importance presqu’aussi grande qu’à ceux du cerveau », car s’il les perçoit comme des centres secondaires, il considère comme évident que les différents nerfs rachidiens doivent respectivement commander un ou plusieurs organes ou fonctions. Bien qu’il ne soit pas d’accord avec toute la nomenclature présentée par Luce, le magnétiseur parisien en reconnaît tout de même certains principes et prête en conséquence un intérêt à ces centres de la moelle dans l’établissement du diagnostic. Il constate par exemple que « lorsqu’il y a suractivité du cœur ou fatigue anormale de cet organe, la 3e vertèbre dorsale est le siège d’une chaleur plus grande que celle des vertèbres supérieures et inférieures, et très souvent les malades ont là un point sensible124 ». Enfin, il faut noter que les travaux de Luce et Durville sont postérieurs à tout un corpus américain de « physiologie populaire » centré sur ce qu’Holly Folk nomme « le vitalisme neurocentrique125 ». Selon cette historienne, qui illustre ses propos avec l’exemple du magnétiseur Henry Hall Sherwood (1786 ?-1848 ?) : « Cette vision physiologique donnait la priorité au système nerveux central et à la colonne vertébrale en particulier, considérée comme la clé de la santé, parce qu’ils étaient les principaux canaux de la vitalité corporelle126. » Chez Sherwood et d’autres auteurs à sa suite, comme Joseph Rodes Buchanan (1814-1899), le corps, et plus spécialement la colonne vertébrale, est également divisé en zones reliées à différents organes. Leur compréhension de ces correspondances s’accorde avec un « magnétisme vital » qui lie les théories de Mesmer avec des éléments relevant de la neurologie la plus avancée, à l’instar de ceux sur les réflexes développés par Marshall Hall.

32Ces précisions nous permettent de comprendre l’intérêt postérieur des fils Durville et de Marcel Viard pour la réflexothérapie, qu’ils perçoivent dans ce sillon du magnétisme vital travaillé en France par Luce et Hector Durville. Viard appliquait déjà les principes de la réflexothérapie (peut-être sans le savoir127) à l’époque où il soignait par le souffle chaud et le souffle froid à la Fondation Henri Durville. En 1923, il témoigne en effet du rôle thérapeutique considérable joué par la peau, non seulement dans l’alimentation par l’héliothérapie de la force vitale – il n’utilise pas ce terme dans l’article –, mais aussi dans les « réactions salutaires » qui peuvent être déclenchées en l’« impressionnant » favorablement, du fait qu’elle constitue l’aboutissement des filets nerveux reliés aux centres cérébraux. Pour lui, « toute impression sur la peau se transmet immédiatement au cerveau et au grand sympathique », et c’est pourquoi l’action alternée du souffle chaud et du souffle froid peut agir favorablement sur les différents viscères de l’organisme128. S’il développe un appareil de sa propre conception, le « MILL », pour effectuer ces traitements par le souffle, il ne fait pourtant que s’inscrire à la suite des recommandations d’Hector Durville sur les insufflations chaudes, considérées par celui-ci comme « le plus puissant de tous les procédés magnétiques129 ».

33Retournant à Abrams, sa spondylothérapie ne se réclame ni du magnétisme vitaliste ni des travaux de Luce et Durville, mais le contenu de New Concepts in Diagnosis and Treatment, où il expose sa théorie électronique, s’appuie en revanche explicitement sur un corpus similaire. Alors que le concept d’énergie n’apparaissait pas dans le premier ouvrage, il infuse en effet tout le second, et pour cause, selon lui, « les mouvements de l’univers sont les manifestations d’un seul agent, l’ÉNERGIE130 ». Dans son premier chapitre sur l’énergie humaine, Abrams attribue à cette énergie de nombreux pouvoirs qui expliqueraient bien des choses. Il est par exemple convaincu que les matérialisations obtenues par les spirites ne forment que des manifestations de l’énergie humaine, et il relève à ce propos les théories occultistes sur le périsprit et le corps astral131. Il mentionne le spirite français Léon Denis (1846-1927) quand celui-ci affirme que « l’être psychique n’est pas confiné dans les limites du corps », qu’il peut s’extérioriser de manière similaire aux ondes hertziennes, et il note que cette conception rejoint celle de Karl von Reichebach (1788-1869) et des autres auteurs ayant développé des vues sur cette « force diversement nommée odique, vitale, électrique et magnétique132 ». De plus, une longue note est consacrée en appendice au magnétisme personnel et aux phénomènes occultes dans laquelle il évoque même les travaux de Gaston Durville sur le pouvoir bactéricide des mains et de leur imposition133. Pour appuyer sa théorie « électronique », Abrams mobilise ainsi tout un corpus de travaux relégués aux marges de la science qui est sensiblement le même que celui sur lequel s’appuie un magnétiseur comme Hector Durville. Ce dernier considère la force magnétique, synonyme de force vitale, comme constituée de vibrations atomiques. Pour Abrams, « la force vitale est la radioactivité inhérente à toute vie issue de l’activité incessante des électrons », autrement dit, elle est constituée de vibrations électroniques134. Les deux conceptions sont donc similaires, si ce n’est la découverte entre-temps des électrons. Le corpus commun sur lequel elles s’appuient est également bien connu des principaux promoteurs français de la réflexothérapie, ce qui explique leur enthousiasme pour l’œuvre d’Abrams et leur appétence à promouvoir tant la spondylothérapie que les réactions électroniques.

34À l’occasion de la conférence qu’il délivre pour le groupe d’études de René Allendy, Mouézy-Eon n’hésite pas à affirmer que c’est « l’énergie magnétique rayonnée par les doigts d’un individu appliqués au niveau de l’épine de la septième vertèbre cervicale » qui « diminue les battements du pouls et contracte le cœur135 ». En outre, à propos des recommandations d’Abrams concernant les conditions à réunir pour procéder au diagnostic électronique (la demi-obscurité, l’absence de couleurs vives, d’odeurs violentes et d’atmosphère psychique troublée par les émotions), il relève : « Des particularités de ce genre ne montrent-elles pas l’analogie étroite, sinon l’identité, de ces radiations électroniques de nos tissus avec les forces proprement magnétiques136 ? » Cette compréhension des travaux d’Abrams, qui se retrouve dans l’œuvre même de leur auteur, explique également pourquoi Mouézy-Eon considère la prânothérapie de Dewanchand Varma comme une technique se rapprochant de la réflexothérapie. En affirmant que l’énergie et les vibrations praniques circulent par le biais du système nerveux et que c’est en manipulant cette énergie, notamment en s’adressant à la colonne vertébrale, que le thérapeute peut soigner son patient, Varma donne simplement une teinte orientale à la réflexothérapie comprise comme une technique qui s’active à rétablir la bonne circulation de la force magnétique ou vitale circulant par l’intermédiaire du système nerveux. Au regard de ce que nous avons dit de Jaworski, nous ne pensons pas forcer les sources en suggérant qu’il ait pu développer une compréhension similaire de la réflexothérapie, bien qu’il ne l’avoue pas dans ses écrits médicaux. Au sujet de Leprince, Henri Durville ne s’y trompe pas et affirme qu’il « rejoint Mesmer sur les points essentiels de sa théorie137 ». De même, le corpus du magnétisme vitaliste est bien connu de Jules Regnault. Le médecin varois n’utilise pas les concepts de force vitale ou de force magnétique, mais il n’hésite pas à rattacher les travaux de son confrère américain « à d’anciens procédés empiriques et à des théories niées ou très discutées », c’est-à-dire « l’action de la main ou de l’œil, émettant une certaine énergie, [qui] a été admise par les prêtres de diverses religions, par les magnétiseurs, par les hypnotiseurs138 ». La Côte d’Azur médicale, principal relais de la réflexothérapie, se montre par conséquent très ouverte aux théories magnétiques, comme en témoigne le compte rendu de l’ouvrage du Dr Maurice Mollet sur Le Magnétisme qui guérit. Il y est écrit, à la suite des conceptions de l’auteur, que « l’organisme dans l’ensemble de ses éléments n’obéit qu’au système nerveux qui agit par la production et la circulation d’un fluide impondérable et invisible, qui a reçu diverses dénominations : fluide vital, force nerveuse, radiation humaine, od, prana, fluide des magnétiseurs ». Et le relecteur conclut son propos en déclarant que « le médecin curieux et indépendant y trouvera matière à de nouvelles observations et le moyen de soulager certains malades139 ». Les radiations ou les vibrations humaines, principaux objets d’étude de la revue, sont bien comprises comme le nom plus scientifique et actuel du magnétisme humain. Cette citation de Regnault l’atteste : « L’existence de radiations ou vibrations physiologiques invisibles émises par les êtres vivants a été admise par les anciens, puis par les partisans du Mesmérisme. Le magnétiseur Rovère parlait déjà “d’ondes vibratoires”, il y a plus d’un siècle140. » L’ouvrage de Regnault sur la médecine chinoise dresse d’ailleurs un parallèle entre l’acupuncture et le magnétisme en affirmant notamment que « le yâng est le fluide positif, le yn le fluide négatif des magnétiseurs141 ». De même, dans un article intitulé « Des preuves de l’existence des fluides », Foveau de Courmelles se demande quant à lui : « Les aiguilles chinoises, par leur action curative, émettent-elles ou provoquent-elles le fluide des organes malades ou surtout candidats à l’être, et prévenant, guérissant la maladie, quel rayonnement lointain se produit-il142 ? »

35L’enthousiasme pour les diverses techniques de la réflexothérapie doit donc beaucoup à leur conciliation avec des perspectives vitalistes inspirées par les travaux sur le magnétisme : stimuler ces différents réflexes entre en résonance avec la possibilité de stimuler la force vitale et/ou magnétique qui parcourt l’organisme humain et relie ses différents éléments entre eux. Le bon accueil qui leur est réservé dans les colonnes de La Côte d’Azur médicale s’explique parce que leur action thérapeutique est comprise comme s’adressant à cette force ou ce fluide encore mal connu, qui non seulement régule l’activité physiologique et vitale de l’être humain mais le relie également au monde qui l’entoure, tout entier parcouru de vibrations et de radiations. Pareilles théories physiques expliquent aussi l’intérêt porté en parallèle pour l’astrologie au sein de la revue.

L’astrologie

36L’importance de la position et du mouvement des astres sur la santé des hommes constitue une croyance admise par un nombre relativement conséquent de médecins durant les années trente. Or, à travers cet intérêt s’exerce une autre voie d’influence des courants ésotériques sur le monde médical. Pour démontrer pareille influence, il s’agit encore de préciser le rôle joué par ces courants dans le développement de l’astrologie et dans le renouveau qu’elle connaît, en France à partir de la fin du xixe siècle, sous l’impulsion du milieu occultiste143.

Le renouveau occultiste de l’astrologie « savante »

37Les racines de l’astrologie s’étirent profondément dans le temps, bien avant l’ère chrétienne, et l’étude des influences astrales, inséparable de l’astronomie malgré les critiques, s’inscrit dans le cursus scientifique des élites européennes jusqu’au xviie siècle. Cette étude savante, souvent jointe à celle des mathématiques ou de la médecine, se concrétise en diverses pratiques : l’astrologie mondiale, qui concerne la prédiction des événements géopolitiques futurs, l’astrométéorologie, pour la prévision du temps, mais surtout l’astrologie natale, ou judiciaire, qui consiste à dresser la charte natale (ou thème astral, ciel de nativité, etc.) d’un individu en fonction généralement de l’horaire et du lieu de sa naissance afin d’en déduire son caractère et le cours de sa vie jusqu’à sa mort144. D’un point de vue théologique, l’astrologie pose ici un problème, celui de la destinée, qui s’oppose au concept augustinien de libre arbitre qui fait porter la responsabilité du péché sur les épaules des hommes. Au-delà des bulles papales qui condamnent l’astrologie prophétique à la fin du xvie siècle, les relations entre hommes d’Église et astrologues demeurent toutefois plus complexes que ne le laisse supposer cette opposition théologique, à laquelle certains partisans de l’astrologie n’avaient pas manqué de répondre par le fameux adage Astra inclinant, sed non necessitant145. Par la suite, les interrogations se multiplient sur le plan scientifique suite à l’adoption du modèle héliocentrique, l’essor du mécanisme et la découverte de nouveaux astres, mais en France, c’est surtout la critique scientifique d’un principe aussi crucial que celui de signe astrologique par des éléments tirés de la Logique de Port-Royal (1662) qui conduit à la marginalisation de l’astrologie judiciaire durant le xviie siècle, et même à sa criminalisation du fait de l’édit promulgué par Louis XIV en 1682 suite à l’Affaire des poisons146. Bien entendu, ce rejet par les élites religieuses, intellectuelles et politiques n’entraîne pas la disparition de l’astrologie, qui fait plus que persister sous la forme des millions d’almanachs populaires distribués contenant des prédictions pour les mois et l’année à venir147. Elle est peut-être également toujours pratiquée dans certains cercles mondains et par quelques devins, mais, à l’instar de la chiromancie, c’est bien davantage la cartomancie qui recueille leurs faveurs et celles du public. En France148, un regain d’intérêt est toutefois perceptible à partir de la seconde moitié du xixe siècle, qui explosera avec l’essor du milieu occultiste fin-de-siècle.

38Ce renouveau concerne la pratique astrologique, qui n’avait donc jamais réellement disparue, mais surtout l’étude « savante » des influences astrales, avec la publication d’ouvrages écrits dans une perspective astrologique qui dépasse les simples prédictions et s’articule autour d’un système qui est explicité au lecteur. Les premières pierres sont posées, entre autres, par Adolphe Desbarrolles et Mme Louis Mond (née Louise Elisabeth Richan, 1814-1893), qui joignent à leur intérêt pour la chiromancie et la graphologie un intérêt pour l’astrologie qui leur sera reproché par leurs confrères et concurrents. Les deux auteurs sont redevables à Éliphas Lévi, qui regrettait que l’astrologie soit trop dédaignée sans s’être pour autant réellement attardé sur la question. Il lui consacre toutefois un court chapitre dans Dogme et rituel de la haute magie où il appelle à « ramener l’astrologie à sa pureté primitive149 ». S’appuyant sur la théorie des correspondances entre le microcosme et le macrocosme et sur sa vision de la kabbale, il affirme notamment que « la place de telle ou telle étoile dans le ciel ne saurait être indifférente pour les destinées de l’enfant qui naît, et qui entre par sa naissance même dans l’harmonie universelle du monde sidéral150 ». Cependant, de préférence à l’astrologie basée sur l’analyse d’un thème astral, Lévi traite plutôt de chiromancie, qu’il considère comme « l’art de lire dans les lignes de la main l’écriture des étoiles151 », et d’une méthode de divination développée par Jérôme Cardan (1501-1576), qui s’appuie sur la nature d’événements passés à des dates précises pour ensuite prédire à l’aide d’un certain calcul la réalisation d’événements futurs. De la même manière, Desbarrolles, dans Les Mystères de la main, détaille l’influence des astres sur les hommes mais ne dresse pas de ciel de nativité. Dans la réédition de 1879, il consacre un chapitre très favorable à l’astrologie tout en confiant ne s’être jamais « sérieusement occupé de cette science », qu’il juge « trop compliquée pour pouvoir la faire comprendre au lecteur152 ». Il reconnaît sobrement s’être « contenté d’en prendre ce qui pouvait [lui] être utile, et [d’en avoir] fait la base de [son] système153 ». Eugène Ledos et Henri Favre, régulièrement présentés comme des astrologues, n’ont d’ailleurs pas procédé autrement en mâtinant leur pratique physiognomonique de références aux influences astrales154. Le cas de Mme Louis Mond est différent155.

39À partir du 10 février 1885, elle délivre un véritable cours d’astrologie qui s’étale sur des dizaines de numéros de sa revue Le Magicien, à la suite des articles publiés précédemment par Marc Mario (pseudonyme du journaliste, magnétiseur et romancier Maurice Jogand, 1850-1917)156. L’occultiste lyonnaise détaille à cette occasion les planètes, les signes du zodiaque, les maisons, les décans et les significations de leurs différents agencements selon le thème individuel de chacun (fig. 18), mais elle ne dévoile pas ses sources. Il est toutefois probable qu’elle ait puisé les bases de son cours dans L’Homme rouge des Tuileries de P. Christian (pseudonyme de Jean-Baptiste Pitois, 1811-1877), un ouvrage publié en 1863 par un ami d’Éliphas Lévi157. En effet, elle détaille dans le même ordre que lui les sept aspects planétaires – c’est-à-dire les différents rapports que les planètes peuvent avoir entre eux158 –, et elle se prononce aussi en faveur de l’astrologie onomantique, qui prend en compte le nom et les prénoms de l’individu dans le calcul du thème astral – chaque lettre ayant, dans cette perspective, une valeur numéraire en fonction de sa position dans l’alphabet159. L’œuvre de P. Christian joue assurément un rôle notable dans ce renouveau encore timide de l’astrologie, car elle est également reprise par Eugène Jacob, plus connu sous le nom d’Ely Star (1847-1942). Avant de pratiquer l’astrologie sous ce pseudonyme, ce fils d’agriculteurs vosgiens se distingue d’abord comme prestidigitateur au théâtre Robert-Houdin où il se fait appeler « Professeur Jacobs » ; c’est d’ailleurs sous ce pseudonyme qu’il adresse à partir de septembre 1884 des problèmes de prestidigitation aux lecteurs du Magicien. Membre de la Société scientifique d’études psychologiques en compagnie de Jogand, il se montre également très proche des milieux spirites et entend les faire profiter de son expérience pour démasquer les jongleries des véritables phénomènes du magnétisme et du spiritisme dont il se fait l’ardent défenseur160. En 1882, il ouvre un cabinet de consultations où il mêle, à la manière de Desbarrolles, inspection des mains et de l’écriture pour donner des renseignements sur le caractère, mais aussi les événements probables et les maladies susceptibles de frapper ses clients161. Néanmoins, s’il continue de pratiquer durant un temps la chiromancie, c’est bien comme astrologue qu’il finit par rencontrer le succès.

Fig. 18. – Mme Louis Mond, « Cours d’astrologie », Le Magicien, 10 octobre 1885, p. 432.

Figure de l’horoscope commentée par Mme Louis Mond. Il s’agit du cadre dans lequel le thème astral va pouvoir être figuré. Il se divise en 12 maisons accueillant chacune l’un des douze signes du zodiaque, lui-même étant divisé en trois décans, tous gouvernés par une planète particulière.

40À la fin de l’année 1884, un journal révèle à ses lecteurs qu’il leur suffit d’indiquer nom et jour de naissance à un certain Ely Star pour recevoir quelques jours plus tard un parchemin pompeusement intitulé les « Révélations hermétiques de la Rose-Croix » dans lequel l’astrologue détaille leur caractère, leurs aptitudes, leurs facultés et les événements passés et futurs de leur vie162. Par la suite, Ely Star multiplie les conférences sur les sciences de divination. Il publie un Cours d’astrologie que Papus présente comme « un excellent petit résumé de Christian163 », puis un travail plus volumineux qu’il intitule Les Mystères de l’horoscope (1888) en écho aux publications de Desbarrolles. L’ouvrage bénéficie d’une préface de l’astronome Camille Flammarion qui contribue certainement à son succès et d’une lettre de Joséphin Péladan dans laquelle le Sar regrette que l’astrologie judiciaire soit présentement la moins cultivée des sciences occultes et que Lévi, le « grand initiateur », ne lui ait pas donné une « réalité équitable164 ». L’initiative d’Ely Star vient donc à son heure et se trouve marquée par l’influence combinée de P. Christian, Mme Louis Mond et Adolphe Desbarrolles. L’astrologue présente ce dernier comme son maître et ami, « ayant bu à la même coupe que lui165 », c’est-à-dire la science kabbalistique dévoilée en partie par Éliphas Lévi, « le grand Hiérophante moderne166 ».

41Les Mystères de l’horoscope rencontrent un beau succès et relancent l’attention portée à l’astrologie, comme jadis Les Mystères de la main avaient relancé la chiromancie. Ely Star devient notamment un contributeur du quotidien Gil Blas qui, satisfait des retours positifs concernant la rubrique astrologique inaugurée par un certain Dr Cornélius, offre à ses nouveaux abonnés une consultation gratuite à l’Institut astrologique du « célèbre Ely Star167 ». Surtout, l’intérêt d’Ely Star pour l’astrologie rencontre celui que le jeune mouvement occultiste porte aux sciences occultes en général. Un bon accueil est fait à ses travaux par Papus et une collaboration s’engage dès le cinquième numéro de L’Initiation. Ely Star y publie un article sur l’astrologie dans lequel il révèle avoir parfait sa méthode « kabbalistique » découlant supposément de la tradition « Chaldéenne » grâce à la lecture des ouvrages de l’abbé Lacuria (1806-1890) et de Fabre d’Olivet, recommandés par ce même Papus168. Il donne également à la branche « Hermès » de la Société théosophique, dont il est membre, une conférence sur l’astrologie qu’il conclut en espérant :

« nous verrons sous peu grossir nos rangs ; les timides, comprenant que la Société Théosophique ne touche à aucun Dogme, se rangeront alors sous notre bannière ; d’autre part, les savants officiels, reconnaissant enfin que seule la Science Occulte peut leur livrer la clé des mystères qu’ils commencent à entrevoir dans le domaine psychologique, viendront aussi tremper leur lèvre à la coupe du savoir vrai169 […] ».

42Ces conceptions sont partagées par F.-Ch. Barlet (pseudonyme d’Albert Faucheux, 1838-1921), l’autre occultiste et théosophe français à s’occuper passionnément d’astrologie à ce moment-là. En août 1888, Barlet présente l’astrologie comme « la science synthétique de l’univers » dont l’horoscopie (ou astrologie judiciaire) n’en constituerait qu’une branche. Aussi, « un champ d’études aussi vaste et aussi compliqué fait assez pressentir qu’il ne doit être accessible qu’à un degré très avancé d’initiation, c’est-à-dire de science et de développement psychique » ; la raison en est que, selon lui, les astrologues « ont exploré les astres eux-mêmes et tous les espaces qui les séparent par une vue aussi directe, aussi prochaine, aussi certaine que celle qui nous montre les objets terrestres à notre portée170 ». Dans cette perspective, l’astrologie est une science d’observation, mais elle « exige le développement de facultés psychiques dont la première propriété est de supprimer l’espace et le temps171 ». L’occultiste s’attache en outre à défendre la plausibilité physique des influences astrales en évoquant « les myriades d’êtres qui vivent et végètent à la surface de tous ces globes » qui sont « autant de sources d’électricité et de magnétisme » à exercer une influence sur la terre. Ici, l’influence d’une vision médiumnique retranscrite par Lady Caithness (de son vrai nom Maria de Mariategui, 1830-1895), sous le pseudonyme de Marie dans la revue théosophique et spirite qu’elle édite, est clairement perceptible. Cet article de L’Aurore traite d’astrologie spirituelle et évoque notamment les habitants de Vénus, qui seraient d’une grande beauté et d’une grande intelligence, ce qui justifierait les influences traditionnellement rattachées à cette planète172.

43Une approche de l’astrologie qui se veut plus en phase avec les impératifs épistémiques de son temps finit toutefois par se développer, toujours en lien avec l’étude des sciences occultes prônée par le milieu occultiste. Papus et Barlet participent ensemble à la publication de L’Initiation, dont les buts sont indiqués en avril 1889. Partant d’un constat sans appel, « les doctrines matérialistes ont vécu », les responsables de la revue affirment :

« Des phénomènes étranges ramènent à considérer de nouveau cette vieille Science Occulte, apanage de quelques rares chercheurs. L’étude raisonnée de ses principes conduit à la connaissance de la Religion unique d’où dérivent tous les cultes, de la Science Universelle d’où dérivent toutes les Philosophies173. »

44Parmi les principaux rédacteurs et collaborateurs de L’Initiation, Ely Star se trouve alors chargé de la section dédiée à l’« Astronomie (dans ses rapports avec l’astrologie) ». La fin de l’année 1889 marque la fondation du Groupe indépendant d’études ésotériques, qui est placé sous la direction de la revue et dont nous avons évoqué en introduction les objectifs scientifiques, religieux et philosophiques de synthèse qui l’animent174. Les travaux dédiés à l’astrologie connaissent pourtant un coup d’arrêt, car Ely Star, pour des raisons inconnues, n’apparaît plus parmi les collaborateurs de la revue à partir de l’été 1890. Un an plus tard, Henri Selva (de son vrai nom Arthur Hermann Vlès, 1861-1944), reprend cependant le rôle de chef de file des études astrologiques au sein du mouvement occultiste papusien.

45Selva est à l’origine du Groupe d’études expérimentales des signatures, fondé dans le cadre des activités du Groupe indépendant d’études ésotériques, qui compterait alors plusieurs dizaines de membres175. Dans le programme de l’Université libre des hautes études, nouvellement fondée, une place est en outre réservée à l’enseignement de l’astrologie en troisième année : « Le cours oral servira surtout à présenter l’occulte d’après les points de vue modernes, à l’adapter aux sciences positives, à élever ces sciences jusqu’à l’ésotérisme et à en faire connaître toute la bibliographie ancienne ou moderne176. » Cette Université libre vient couronner les efforts des tenants de « l’Occultisme » tel que l’entend Papus dans une édition supposément publiée à 100 000 exemplaires du Voile d’Isis, la nouvelle revue du mouvement. Dans cette perspective, l’occultisme renvoie à « un corps de doctrines, immuable quant à ses principes à travers les âges, et ayant une façon toute particulière d’expliquer la constitution de l’Univers et de l’Homme177 ». En parallèle, Papus rappelle « l’existence en France d’un courant scientifique, indépendant du courant officiel, et ininterrompu depuis Paracelse et même bien avant lui jusqu’à nos jours », démontrant que la série de faits magnétiques et psychiques qui ébranle tant la science matérialiste officielle peut être expliquée par « l’Occultisme ». Les membres du Groupe indépendant d’études ésotériques se présentent alors comme les héritiers de ce courant, dont le but, énoncé dès 1856 par Louis Lucas (1816-1863), consiste à « concilier la profondeur des vues théoriques de l’antiquité avec la rectitude et la puissance de l’expérimentation contemporaine178 ». C’est donc à l’intérieur de ce programme que les premiers articles d’Henri Selva sur l’astrologie doivent être compris.

46À partir de décembre 1891, il publie dans L’Initiation un « Traité d’Astrologie généthliaque » qui présente sa méthode. Celle-ci diffère de l’astrologie onomantique ou kabbalistique d’Ely Star, car elle prend en compte « la sphère céleste réelle et les corps réels des planètes et des étoiles » pour ériger l’horoscope, plutôt que les différentes combinaisons de lettres et de nombres possibles relatives au nom et à la date de naissance179. Selva ne s’attache pas à justifier le fondement de l’astrologie, mais il précise que l’influence astrale, qu’il considère comme une opération de la nature, « ne peut se démontrer que par les enseignements de la science occulte », renvoyant le lecteur au « très remarquable article sur l’Astrologie, écrit par Charles Barlet dans Le Lotus180 ». Il envisage donc plutôt de se cantonner à la pratique astrologique proprement dite, de l’améliorer afin que ses résultats, trop souvent bafoués par les charlatans, puissent constituer sa meilleure défense. Reprenant l’adage « les astres inclinent, mais ne contraignent pas », Selva, comme Barlet avant lui, met en valeur l’action que la volonté personnelle peut imprimer au cours des choses et à la destinée. Seulement, pour que cette volonté puisse s’exprimer, il faut que l’homme connaisse les lois auxquelles obéit sa nature, et c’est dans ce sens qu’il s’engage dans l’étude de l’astrologie. Il dirige alors deux fois par mois les réflexions et les observations d’un groupe d’études désormais uniquement consacré à l’astrologie et indépendant des autres sciences divinatoires, qui dispose de son propre laboratoire d’études pratiques à partir d’octobre 1892181. Selva n’est en effet pas le seul occultiste à s’occuper d’astrologie. D’autres collaborateurs de Papus publient également des écrits astrologiques, mais nous ignorons s’ils participent au groupe de Selva, car leur approche se veut moins scientifique et davantage tournée vers une certaine conception de la kabbale.

47Abel Haatan, initié à l’astrologie par Barlet, publie sur l’astrologie kabbalistique, et un certain Eistibus Nitibus répand une série d’articles reprenant l’astrologie onomantique exposée par Ely Star. De plus, Barlet lui-même est loin d’avoir abandonné ses études et peut être présenté comme l’une des figures de proue de l’astrologie française tout au long de la Belle Époque. Il publie dans les numéros de janvier et avril 1895 de L’Initiation un gros article, difficilement intelligible, qui se présente comme une étude cosmogonique sur « Les génies planétaires et le zodiaque », et où il démontre supposément les causes de l’influence de la disposition du zodiaque au moment de la naissance de l’individu à l’aide de nombreuses considérations symboliques. Selon la direction de la revue, « depuis le Timée de Platon, aucune étude aussi synthétique n’avait paru », rien de moins182. Selva, quant à lui, s’efforce de se détacher de telles considérations quand il en vient à parler d’astrologie. Sa réponse à une question de l’ésotériste chrétien Saturninus (pseudonyme de Charles Godard, 1860-1912) est à ce titre exemplaire. Saturninus demandait l’avis des astrologues de L’Initiation au sujet d’une affirmation de Richard Roussat posée dans son Livre de l’estat et mutation des Temps (xvie s.), selon laquelle la Lune et l’ange Gabriel auraient gouverné le monde 354 ans et quatre mois, entre le xvie et le xixe siècle. Selva lui répond alors sans détour :

« Et d’abord, si vous le voulez bien, nous écarterons l’ange Gabriel dont parlent les auteurs cités, puisqu’il est entendu que nous parlons ici astrologie, c’est-à-dire science.
Voir dans l’influence que les astres exercent sur nous l’œuvre d’un Génie ou d’un Ange, revient exactement au même que d’attribuer les phénomènes électriques, magnétiques, chimiques, etc., à l’intervention d’esprits, angéliques ou sataniques, selon le cas et le point de vue. Il est vrai qu’en faisant de la littérature, on parle parfois d’une “Fée Électricité” ; mais dans un écrit technique on serait mal venu de parler de l’électricité autrement que d’un mode de l’énergie. Il devrait en être de même des influences astrales, qui ne représentent pas autre chose que des forces naturelles, d’un autre ordre seulement que celles qu’on étudie communément183. »

48La démarche de Selva se veut expérimentale et scientifique et elle ne saurait s’embarrasser de références symboliques ou spiritualistes. Bien qu’il leur accorde de la valeur, comme en témoignent ses références aux travaux de Barlet, il sait également qu’elles sont à même de rebuter la majorité des savants contemporains et ne peuvent que desservir sa démonstration dans les milieux non-initiés. Avec lui, l’astrologie se détache donc des références ésotériques habituelles qui imprègnent les études de ses confrères occultistes-astrologues, mais elle s’inscrit toujours dans le programme occultiste du Groupe indépendant d’études ésotériques et se trouve encore redevable de la « tradition ». L’œuvre de l’astrologue renaissant Jean-Baptiste Morin de Villefranche (1583-1656) est en effet sollicitée dans l’interprétation du thème astral depuis l’ouvrage de Selva sur La Théorie des déterminations astrologiques de Morin de Villefranche (1902) qui fait œuvre de référence.

Paul Choisnard, père de l’astrologie scientifique ?

49Un autre astrologue défend une conception similaire des études astrologiques, bien qu’il ne soit pas, au départ, lié au milieu occultiste papusien. En effet, même si Ledos aurait été son maître en astrologie184, notre homme publie ses premiers articles sous le pseudonyme de Paul Flambart (de son vrai nom Paul Choisnard, 1867-1930) dans la Revue du monde invisible d’Élie Méric (1838-1905)185, un ecclésiastique qui étudie les « phénomènes merveilleux » dans une perspective catholique qui entend réconcilier physiciens et théologiens et qui se montre hostile envers ses « concurrents » spirites et occultistes. En novembre 1898, c’est donc par l’affirmative que Flambart répond à la question posée par le titre de son article : « L’astrologie est-elle une science expérimentale ? ». Pour lui, « quoique rangée dans les sciences occultes, l’astrologie pourrait fort bien trouver sa place dans les sciences physiques, puisqu’elle repose sur des calculs et sur des faits186 ». Cet ancien élève de l’École polytechnique – comme il prend soin de le préciser –, déclare ainsi qu’il est « clair pour celui qui a opéré sur un grand nombre d’exemples qu’il existe des lois de correspondance entre la figure de ce ciel de nativité et le caractère de la personne étudiée ». Et il conclut : « En résumé, l’astrologie n’est pas une doctrine occulte qu’il s’agit d’admettre. C’est une science expérimentale qu’il s’agit de vérifier avec difficulté peut-être, mais avec une précision scientifique en beaucoup de cas187. »

50Comme Selva, Flambart perçoit l’objet de l’astrologie comme des lois naturelles qu’il convient de préciser et qui servent plutôt à renseigner sur le caractère et les aptitudes qu’à prédire l’avenir. Ses écrits laissent toutefois transparaître une certaine attirance pour le symbolisme, probablement transmise par Ledos, qui est d’ailleurs fort peu goûtée par le lectorat catholique de Méric. En effet, dans le même article, Flambart affirme que « le symbole évident de l’harmonie du magnétisme astral peut être représenté par le triangle équilatéral », que « le symbole de la dissonance est donné non moins manifestement par le carré », et qu’« il est à remarquer, ici, comme partout ailleurs, que le nombre trois symbolise la synthèse et l’harmonie188 ». Dans le numéro suivant, un lecteur s’indigne alors : « Tout ce que vient d’écrire M. Paul Flambart n’est point de science exacte et pouvant se prouver par l’expérience. Nous sommes au contraire, en plein dans la science occulte essayant de bâtir par le système de l’analogie ; il ne peut y avoir de fondement moins stable189. » Flambart lui répond longuement et précise que ces citations ne forment pas le point de départ de ses travaux mais plutôt les « conclusions expérimentales d’arrivée190 ». Il se défend d’admettre sans discussion et sans preuves les lois générales exprimées par les anciens, mais il se félicite qu’elles puissent être retrouvées par l’expérience et l’observation directe de la nature. Cette première controverse n’arrête pas Flambart, qui continue de contribuer à la Revue du monde invisible jusqu’en 1900 malgré les débats suscités par ses écrits. Toutefois, les réticences catholiques relatives au caractère prédictif de l’astrologie ont certainement dû finir par le lasser, d’autant plus que d’autres revues s’intéressent à ses travaux tout en étant moins regardantes au point de vue théologique.

51Au tournant du xxe siècle, les études astrologiques se sont accélérées au sein du milieu occultiste et une revue ouvre largement ses colonnes à ce domaine d’investigation. Il s’agit de L’Hyperchimie, l’organe de la Société alchimique de France fondée en septembre 1896 par François Jollivet-Castelot. En relation avec Papus, ce dernier applique le programme occultiste aux études alchimiques et s’occupe également personnellement d’astrologie. En mars 1900, preuve s’il en fallait une de son adhésion à la vision du monde classiquement promulguée au sein du milieu occultiste, il déclare – et ceci constitue pour lui le deuxième principe de l’astrologie :

« l’Univers doit être considéré comme un être, un organisme, dirigé par la loi de l’Analogie qui établit que la Nature est semblable partout. D’une action, d’un effet, on peut donc en inférer à une autre action, à un autre effet. Sans cette méthode, la Science occulte est impraticable. Grâce à l’application de cette méthode, elle est universelle et fournit la Clef des Arcanes191 ».

52Divers articles consacrés à l’astrologie se succèdent ensuite dans les colonnes de la revue, pour la plupart signés F.-Ch. Barlet et Henri Selva. À partir de l’été 1901, une rubrique consacrée à l’astrologie est même ouverte. Elle est dirigée par Selva qui, suivant ses perspectives habituelles, déclare en juillet 1901 : « Certes je ne voudrais ici faire mienne l’affirmation que la race des prophètes est morte, ni contester que la faculté d’explorer l’invisible semble exister chez certains êtres privilégiés », seulement « ni l’étude ni la pratique astrologique n’exigent aucune faculté autre que celles qui sont demandées par toute science naturelle, reposant sur l’observation, partout positive192 ». À la fin de l’année, il note à ce titre avec enthousiasme la parution du premier ouvrage de Paul Flambart, Influence astrale, qui forme une compilation de ses articles publiés dans la Revue du monde invisible et qu’il considère comme un « véritable traité d’Astrologie mathématique et scientifique absolument remarquable193 ».

53Dans le même numéro, les responsables annoncent à leurs 800 abonnés le changement de nom et de programme de la revue. Sous le nom de Rosa Alchemica, la revue entend désormais « combler entièrement une lacune qui existait jusqu’à ce jour dans la presse occultiste » :

« Nous allons sceller avec Rosa Alchemica l’union décisive entre la Science et les traditions hermétiques qui seront contrôlées et corroborées par l’Expérience. Revue d’Hermétisme scientifique – et seule revue de ce genre – Rosa Alchemica approfondira, en des rubriques régulières confiées aux écrivains les plus compétents, les problèmes positifs de l’Alchimie, de l’Astrologie, de la Magie, de la Physiognomonie, de la Chiromancie, de la Graphologie, de la Thérapeutique, du Psychisme, de la Mystique, etc.194. »

54Dans le premier numéro, le programme de la revue est exposé plus en détail par Edouard d’Hooghe, un collaborateur de Jollivet-Castelot :

« Ceci est une revue scientifique.
Nous ne croyons pas aux prodiges.
Nous croyons que tout est objet de science et qu’il n’y a pas deux sciences, mais une seule, parce qu’il n’y a qu’une méthode scientifique.
Elle consiste à vérifier des hypothèses par des faits rigoureusement contrôlés à accumuler en telle quantité, des expériences ou des observations qu’on en puisse voir varier successivement toutes les circonstances constitutives et constater ainsi quelles circonstances sont nécessaires et suffisantes à la production de chaque phénomène.
Cette seule méthode, définie par Bacon, Stuart Mill et Claude Bernard, a créé depuis un siècle la physique, la chimie, la biologie, la paléontologie et vingt siècles leurs annexes. Elle a transfiguré le monde.
Mais la tradition antique nous rapporte d’autres phénomènes que le xixe siècle n’a point essayé de contrôler, d’autres théories qu’il n’a point encore tenté de vérifier par l’expérience.
De cet inventaire de la science antique, de cette vérification des faits et des théories du passé, sortiront peut-être de nouvelles sciences qui seront la tâche et la gloire du siècle prochain195. »

55Jollivet-Castelot et ses collaborateurs entendent donc faire franchir un cap supplémentaire au programme occultiste élaboré par Papus. Tandis que L’Initiation et Le Voile d’Isis continuent de publier des travaux qui ne répondent en rien à la démarche expérimentale, comme « Les génies planétaires et le zodiaque » de Barlet, Rosa Alchemica se veut encore plus stricte à ce sujet. Il n’est alors pas surprenant de constater la présence de Paul Flambart dans les colonnes de la revue. En mars 1902, il publie d’abord un article intitulé « Représentation du ciel de nativité », puis, dans le numéro suivant, un imposant travail concernant l’« Interprétation du ciel de nativité » où il entend exposer les principales lois de correspondances du ciel de nativité à partir de ses propres observations menées sur 1 500 thèmes généthliaques. Le lecteur est toutefois sommé de croire ces observations exactes, car rien ne vient justifier les multiples assertions de l’astrologue qui, par exemple, déclare sans s’épancher davantage que « la Lune chez l’homme est le premier significateur du mariage, surtout si elle est importante, et en maison VII196 ».

56Par la suite, Jollivet-Castelot s’engage encore davantage sur le chemin d’une étude « scientifique » des sciences occultes. Sa revue se débarrasse d’un titre aux connotations ésotériques et devient Les Nouveaux horizons de la science et de la pensée. De plus, en juin 1904, le néo-alchimiste publie un article intitulé « La Tradition Occulte » dans lequel il critique la nouvelle édition du Traité élémentaire de science occulte de Papus. Il regrette que les occultistes « suivent aveuglément les données de la Tradition hermétique197 », qu’elles soient relatives aux systèmes antiques des trois mondes ou à l’existence des habitants de l’astral. Pour lui, il s’agit au contraire de « vérifier les conjectures, les hypothèses de la science dite occulte, au moyen des procédés inflexibles et rigoureux que nous apporte la méthode expérimentale198 ». Aussi, s’il reconnaît le rôle nécessaire joué par Éliphas Lévi et Papus jusqu’en 1890, qui ont amené « le public et les chercheurs à s’occuper des phénomènes occultes ou psychiques » par le biais de leurs affirmations a priori, les recherches dans ces domaines doivent désormais évoluer. Il ne s’agit plus « d’élever a priori un système d’autorité » mais « d’établir a posteriori, sur des bases solides », une « Synthèse aussi exacte que possible », car selon lui :

« c’est discréditer l’hermétisme, l’occultisme, l’ésotérisme, etc… auprès des gens sérieux, en les présentant comme une sorte de religion immuable et absolue, en se jetant à corps et âme perdus dans un mysticisme extrêmement vague et imprécis qui ne se soucie plus ni de l’observation, ni de l’expérience, ni de la critique, ni de la raison199 […] ».

57En somme, un occultiste comme Jollivet-Castelot souhaite faire aboutir la démarche jadis envisagée par Papus et Louis Lucas et rejette pour cela tout lien avec un symbolisme trop prononcé ou quelque affirmation mystique que ce soit. Il choisit, en apparence, de privilégier l’expérimentation contemporaine aux vues théoriques de l’antiquité. Cette orientation marquée n’est pas partagée par tous les courants ésotériques, mais elle découle d’une volonté affichée par certains acteurs importants. Ainsi, Les Nouveaux horizons de la science et de la pensée demeure tout de même une revue relevant des courants ésotériques : elle représente simplement une tendance particulièrement tournée vers la recherche d’une légitimité scientifique. Cette orientation se trouve d’ailleurs à la base de l’organisme de recherches scientifiques sur les médecines traditionnelles imaginé par Martiny, et elle dispose d’un riche terrain d’application avec le mouvement en faveur d’une astrologie scientifique, dont nous venons de retracer les racines et qui se développe tout au long de la première moitié du xxe siècle.

58Les premières revues françaises exclusivement consacrées à l’astrologie publient toutes deux leur premier numéro en janvier 1904. Dans La Science astrale, qui s’occupe également des « sciences astrologiques accessoires » comme la physiognomonie, la phrénologie, la chiromancie et la graphologie, son fondateur, F.-Ch. Barlet, affirme que ces sujets seront traités par la revue dans un esprit :

« Scientifique, parce qu’elle y fera abstraction de toute faculté transcendante pour considérer l’astrologie non comme un art divinatoire plus ou moins flottant, mais comme une science précise et positive entièrement assujettie au contrôle de l’intelligence et de l’observation. Il ne s’y agit ni d’occultisme, ni de mystère d’aucune sorte200. »

59À ce titre, de larges extraits du troisième ouvrage de Paul Flambart, intitulé Étude nouvelle sur l’hérédité et édité chez Chacornac, sont publiés qui concernent « les bases expérimentales de l’astrologie scientifique ». Mais l’approche de Barlet se veut également philosophique et pratique, et il reconnaît volontiers à ce propos que dans Le Déterminisme astral, la revue de son confrère Henri Selva :

« L’Astrologie y est traitée à un point de vue beaucoup plus scientifique, et comme une science à découvrir encore par la méthode positive d’observation, tandis que nous désirons pratiquer immédiatement l’art astrologique en l’étudiant surtout du haut de ses principes, ou d’après la tradition qui reste à confirmer201. »

60Cette différence n’empêche pas les deux directeurs de penser leurs revues complémentaires et de s’estimer réciproquement, comme en témoigne l’éphémère Société d’astrologie de Paris fondée en 1906, qui nomme Barlet président et Selva vice-président202.

61Le Déterminisme astral se présente ainsi comme un « recueil de contributions à l’Étude scientifique de l’influence astrale » auquel Paul Flambart participe activement, que ce soit par des extraits de ses ouvrages ou des travaux originaux. Selva y affirme son « affinité mentale » avec Jollivet-Castelot et les critiques portées à l’encontre de l’occultisme dans Les Nouveaux horizons de la science et de la pensée. Il propose même à ses collaborateurs « de dresser à la façon d’une statistique des graphiques » afin de pouvoir enregistrer, rapprocher et comparer leurs observations astrologiques203. S’il passe directement à la pratique en calculant des moyennes, en dressant des tableaux et des graphiques concernant les 67 thèmes de nativité de « sujets de grande puissance intellectuelle204 » (fig. 19 et 20), Flambart se montre, quant à lui, plus réservé concernant l’usage des statistiques. Pour lui, « en astrologie, la statistique arithmétique ne comporte pas généralement d’application rigoureuse, à cause des valeurs trop inégales de ses éléments – forcément composés –, qu’on ne peut chiffrer dans une même opération205 ». Son avis sur la question évolue toutefois rapidement, car il finit par pleinement embrasser l’utilisation des statistiques en astrologie, comme en témoigne Preuves et bases de l’astrologie scientifique (1908) où il analyse les ciels de nativité de 123 « esprits supérieurs », c’est-à-dire des personnes s’étant distinguées dans les sciences, les arts ou la philosophie.

Fig. 19 et 20.  Selva Henri, « Recherches astrologiques. Étude des conditions astrales à la naissance de sujets caractérisés par la puissance intellectuelle », Le Déterminisme astral, no 1, janvier 1904, p. 11 et 14.

La figure 1 examine la position de Jupiter dans les 67 thèmes de nativité des sujets en question et la figure 7 la position de la Lune.

62À cette occasion, il étudie plus particulièrement la position des ascendants et remarque que les ascendants de ces esprits supérieurs ont tendance à se grouper en des zones délimitées, principalement en Balance, Verseau, Gémeaux mais aussi en Vierge et Scorpion. Ses résultats sont illustrés dans une figure qu’il compare à la répartition homogène de l’ascendant dans les ciels de nativité de 770 personnes quelconques sélectionnées au hasard, ce qui lui permet de conclure en affirmant, « avec une probabilité très voisine de la certitude », que l’influence astrale est prouvée par cette démonstration. Comme Selva, Flambart se pose ainsi comme le promoteur d’une astrologie scientifique qui cherche à établir, à l’aide de statistiques, les correspondances positives qui existent entre les astres et l’homme. Cette approche se veut novatrice, mais remarquons, à la suite de Brendan Dooley, que pareille entreprise avait déjà été tentée à la Renaissance par des astrologues comme Luca Gaurico (1475-1558) et Johannes Garcaeus (1530-1574)206. Quoi qu’il en soit, tandis que Le Déterminisme astral, puis La Science astrale, cessent prématurément d’être publiées, Flambart multiplie les ouvrages et édite même sa propre « revue d’astrologie scientifique », L’Influence astrale, de 1913 à 1914. Cette activité continue et remarquée l’amène par la suite à être considéré comme le père de l’astrologie scientifique quand celle-ci connaît un essor autrement plus conséquent durant les années trente.

63Lors du IVe Congrès international d’astrologie scientifique, qui s’est tenu à Paris en juillet 1937, Constant Kerneïz (pseudonyme de Félix Guyot, 1880-1960), également connu pour avoir permis le développement du yoga en France, retrace le développement de l’astrologie scientifique. Il note à raison que le « renouveau général des Sciences dites occultes » profita à l’astrologie à partir de 1880, mais il affirme ensuite que « l’Astrologie se distingua bientôt de l’Occultisme » grâce aux efforts d’Henri Selva, et qu’un code, un statut et une méthode de coordonner et systématiser les efforts furent donnés à cette « Science nouvelle » par Paul Flambart, désormais connu sous le nom de Paul Choisnard après qu’il eût eu abandonné son pseudonyme en 1923207. Notre développement avait donc pour enjeu de montrer que cette distinction est loin d’être nette, que l’astrologie scientifique s’inscrit bien plutôt dans le prolongement du programme occultiste, et que l’œuvre de Choisnard est intimement liée à l’activité des courants ésotériques. Cet amateur de symbolisme ne se préoccupe d’ailleurs pas seulement d’astrologie scientifique, comme en témoigne un curieux ouvrage intitulé La Chaîne des harmonies (1910), qui, selon un relecteur du Mercure de France particulièrement au fait des choses, forme « un essai de figuration et d’interprétation générale des phénomènes physiques et biologiques » dans lequel l’auteur « semble d’accord, en tout cas, avec les occultistes208 ».

L’essor de l’astrologie judiciaire

64Avant-guerre, l’astrologie française ne se limite pas à Flambart, Barlet et Selva. Papus publie à ce titre, en 1910, une introduction bibliographique pour orienter ses étudiants dans ce domaine en pleine expansion209. Des liens existent notamment avec l’astrologie britannique, particulièrement dynamique sous l’impulsion du théosophe Alan Leo (1860-1917)210. À ce propos, une édition française de sa revue Modern Astrology est publiée à partir de 1906. Elle est dirigée par le théosophe Léopold Miéville, traducteur de plusieurs ouvrages d’astrologie et président d’une Société astrologique de France fondée en 1909. De même, Julevno (pseudonyme de Jules Evenot, 1845-1915) joue aussi un rôle dans la diffusion de l’astrologie, mais sans pour autant se réclamer d’une astrologie scientifique. Ce disciple de Barlet est notamment l’auteur d’un Nouveau traité d’astrologie pratique ainsi que de plusieurs articles dans Le Voile d’Isis. La Société des sciences anciennes de Pierre Piobb ouvre elle aussi une section d’astrologie et d’astronomie ancienne présidée par Eugène Caslant (1865-1940), un acteur au profil similaire à celui de Choisnard : lui aussi est un ancien élève de l’École polytechnique et d’Eugène Ledos. L’objet de ses travaux est néanmoins plus vaste, car il s’occupe en plus de physiognomonie et n’hésite pas par la suite à publier des écrits sur l’aura humaine et le développement des facultés supra-normales211. Collaborateur au Déterminisme astral et à L’Influence astrale, il n’en demeure pas moins l’un des principaux artisans du développement de l’astrologie scientifique212, bien que celle-ci connaisse un coup d’arrêt avec la guerre. En effet, l’heure se prête aux prédictions plus qu’aux statistiques, et les astrologues sont d’ailleurs accusés d’avoir échoué à annoncer un désastre aussi considérable, ce que Barlet conteste dans L’Astrologie et la guerre (1918)213.

65Après le conflit, les publications reprennent donc progressivement sous l’impulsion de Flambart. Comme Caslant, il trouve un refuge accueillant pour ses travaux dans les colonnes du Voile d’Isis, dirigé par Paul Chacornac. Un numéro spécial est d’ailleurs consacré à l’astrologie durant l’été 1925 auquel les deux hommes participent en compagnie d’auteurs moins portés sur la dimension scientifique de l’astrologie, tels Ian Mongoï (pseudonyme de Paul-Cyprien Redonnel, 1860-1935), rédacteur en chef de la revue, et Magi Aurélius (pseudonyme de Richard Gordon Hallett, 1886-?), directeur de « l’Église universelle d’Aquarius » et traducteur d’un manuel d’astrologie rédigé par Max Heindel. Comme depuis les années 1890, les diverses tendances de l’astrologie française évoluent donc de concert et profitent mutuellement de cet essor exponentiel qui bénéficie à chacune d’entre elles durant les années d’entre-deux-guerres. Concernant plus spécifiquement l’astrologie scientifique, un Centre d’études astrologiques de France est fondé en juin 1926 et se constitue en société à la fin de l’année suivante. Le lieutenant-colonel Firmin Maillaud (1864-1961), disciple de Paul Choisnard, préside cette Société astrologique de France qui se donne pour but :

« 1) de rechercher et de vérifier scientifiquement les effets et les lois de l’influence astrale ; 2) de coordonner les travaux astrologiques pour en constituer une documentation précise et utile ; 3) de contribuer à la diffusion de l’Astrologie par le moyen de publications, cours, conférences [etc.]214. »

66Un Bulletin est publié chaque trimestre à partir d’avril 1928 et jusqu’à la fin des années trente. Avant cela, une Revue française d’astrologie avait paru sous les auspices du Centre d’études astrologiques de France. Preuve de la proximité entre les différentes tendances, son directeur Alexandre Volguine (1903-1976) la déclare ouverte, dans le premier numéro de janvier 1927, « à toutes les méthodes théoriques et pratiques et à toutes les écoles d’interprétations astrologiques215 ». Caslant et Choisnard participent à la revue en compagnie d’autres astrologues, mais la publication est vite arrêtée. Volguine présente alors ses travaux dans les revues L’Unité de la vie et L’Astrosophie, avant de diriger par la suite, de 1938 jusqu’à sa mort, les Cahiers astrologiques, une revue qui domine l’astrologie d’après-guerre et se réclame d’une astrologie traditionnelle, ouverte au « christianisme astrologique ». De la même manière, L’Astrosophie, dirigée par l’Anglais Francis Rolt-Wheeler (1876-1960), se présente comme une « revue mensuelle de l’Astrologie ésotérique et exotérique, de Psychisme et des Sciences Occultes », bien qu’elle fasse une bonne publicité pour la Société astrologique de France et que des contributions de Caslant et Jollivet-Castelot soient accueillies dans ces pages.

67Ainsi, si les distinctions entre les branches « scientifique » et « ésotérique » de l’astrologie ont leur raison d’être216, il ne s’agit pas de croire à une franche hostilité entre ces deux branches, qui se pensent d’abord complémentaires, comme le concevaient Selva et Barlet en leur temps. Certains astrologues jouent d’ailleurs sur les deux tableaux, comme l’illustre l’exemple de Gustave-Lambert Brahy (1894-1989). Ce fondateur, en 1926, de l’Institut astrologique de Belgique et de la Revue belge d’astrologie moderne – qui devient la revue Demain en 1930 – serait venu selon ses propres aveux à l’étude de l’astrologie par l’occultisme et les ouvrages d’Alan Leo et Max Heindel. Théosophe, puis rosicrucien et martiniste confirmé217, ces appartenances ne l’empêchent pas de promouvoir « l’astro-dynamique », soit « l’étude scientifique, en dehors de tout occultisme, des influences astrales sur l’homme, sur les sociétés, sur les événements et sur l’histoire du monde en général », et d’organiser le IIe Congrès international d’astrologie scientifique à Bruxelles en 1935. Comme le souligne son collaborateur, le vicomte Charles de Herbais de Thun (1862-1946), cette école belge est fondée « sur les principes scientifiques de Choisnard », mais « avec certaines nuances d’origine rosicrucienne218 ». Cette bonne entente relative permet aux différentes composantes du mouvement astrologique francophone de se développer rapidement, et Kerneïz relève qu’« aux environs de 1932-1933, le grand public s’aperçut de l’existence de l’Astrologie, et du coup celle-ci devint à la mode219 ». La publication de rubriques astrologiques dans des journaux qui ne relèvent pas des courants ésotériques illustre cet intérêt populaire pour l’astrologie, en même temps qu’elle vient le nourrir. Louis Gastin a joué à ce sujet un rôle important.

68Sous le pseudonyme de Toth-Hermès, il publie d’abord, en novembre 1932, le premier horoscope de presse dans Le Journal de la femme220. Par la suite, en janvier 1935, il s’occupe sous le pseudonyme d’Arcturus d’une rubrique intitulée « Les mystères de la destinée » dans l’hebdomadaire politique à grand tirage Gringoire221. Ces prédictions ne l’empêchent pas de défendre le principe d’une « astrologie scientifique222 », reprenant à son compte, à l’instar de l’homme de radio Maurice Privat (1889-1949)223, ce concept qui a tant fait pour replacer l’astrologie à la tête des sciences dites « occultes » en lui accordant une certaine légitimité. Les publications tardives mais nombreuses de Gastin sur l’astrologie224, ainsi que celles de Georges Muchery225, témoignent en effet du caractère central de cette pratique au sein des courants ésotériques, mais aussi de l’importance et de l’enthousiasme qu’elle suscite désormais au sein de la société française. Dans son autobiographie, le faux « fakir Birman » (pseudonyme de Charles Fossez, 1901-1952), devenue une véritable figure populaire, évoque plus généralement cette « véritable frénésie de l’occultisme en général et de l’astrologie en particulier » que connaît la fin des années trente226. Enfin, l’activité prosélyte de Dom Néroman (pseudonyme de Maurice Rougié, 1884-1953), exercée à travers son Collège astrologique de France et sa revue intitulée Sous le ciel, mérite également d’être mentionnée. Cette revue s’inscrit dans un paysage chargé, comme en témoigne l’Encyclopédie du mouvement astrologique de langue française au xxe siècle (1944), qui recense pas moins de 38 revues francophones publiées depuis le début du siècle bien que certaines s’intéressent plus largement à toutes les sciences occultes. Un mouvement similaire en faveur de l’astrologie est palpable dans d’autres pays, notamment en Allemagne, mais dans le contexte francophone, cet essor touche aussi bien l’astrologie « populaire », celle des rubriques de journaux et des cabinets de prédiction, que l’astrologie « symbolique » et l’astrologie « scientifique », volontiers tournée vers la kabbale et les autres sciences occultes pour l’une, plutôt centrée sur l’observation et les statistiques pour l’autre. Il faut dire que les frontières entre ces tendances ne sont pas toujours très nettes et que toutes trois se rattachent aux courants ésotériques à des degrés divers. De même, l’astrologie médicale relève de ces diverses tendances et connaît pareil essor, lui aussi exponentiel depuis le milieu des années vingt jusqu’à la fin des années trente.

L’astrologie médicale et la cosmobiologie

69Au xixe siècle, en France, l’astrologie médicale était plutôt un sujet d’histoire qu’un champ d’étude227. Les premiers astrologues de cette période, par prudence ou ignorance, ne font pas grand cas des applications médicales de leur savoir, si ce n’est Abel Haatan, qui consacre un court chapitre de son Traité d’astrologie judiciaire aux infirmités et aux maladies. À la suite de Johannes Garcaeus, il fait correspondre à cette occasion les signes du zodiaque et les maisons avec les différentes parties du corps, et il indique quelques correspondances entre certaines maladies et la disposition du ciel de nativité228. Flambart reconnaît l’utilité potentielle de l’astrologie dans le domaine médical, mais il estime « difficile de préciser les limites du rôle qu’elle peut jouer229 ». Selon toute vraisemblance, il ne s’est en tout cas jamais réellement penché sur la question. Un astrologue de la Belle Époque, qui a l’avantage d’être médecin, s’empare néanmoins du sujet. Il s’agit de l’homéopathe anglophone et ottoman Megher Duz (1852-1912)230, auteur d’un Compendium de médecine synthétique électro-homéopathique (1897), où il reconnaît l’influence des travaux de Papus et d’Alfred John Pearce (1840-1923). Par ailleurs membre de l’Ordre hermétique de l’Aube dorée231, et fils d’un important homéopathe anglais, Pearce se distingue comme un astrologue à succès signant sous le pseudonyme de Zadkiel. Publiés en Angleterre, dans ce pays où le renouveau de l’astrologie s’est amorcé bien plus tôt qu’en France232, ses travaux spécialisés dans l’astrologie médicale circulent également abondamment aux États-Unis, où a certainement étudié Megher Duz. Dans sa Zodiologie médicale (1906) et son Traité pratique de médecine astrale et de thérapeutique (1910), ce dernier développe en deux actes un système thérapeutique basé sur les principes de la médecine humoriste, les tempéraments, le ciel de nativité et les remèdes homéopathiques. Dans cette perspective, les tempéraments, les planètes, les signes du zodiaque et les remèdes sont tous rattachés aux quatre qualités élémentaires (froide, humide, chaude et sèche), elles-mêmes liées aux quatre éléments (eau, air, feu et terre). Le Bélier, par exemple, a donc pour qualité élémentaire le chaud-sec, tandis que la Lune est plutôt froide-humide. En outre, signes du zodiaque et planètes sont liés à des systèmes physiologiques précis et les remèdes sont classés par groupe planétaire. À titre d’illustration, les remèdes du groupe de Mars agissent plutôt sur le système nerveux encéphalique et cérébro-spinal, et à cette famille se rattachent les remèdes homéopathiques bien connus que sont Apis Mellifica et Arnica Montana, de même que de nombreuses plantes qui ont toutes pour qualité élémentaire le chaud-sec. Une attention particulière est accordée au régime diététique, qui doit être adapté au tempérament de l’individu correspondant à sa physionomie, mais les règles de soins préconisées dépendent plutôt de l’analyse du thème astral. Globalement, il s’agit de donner comme remède des agents thérapeutiques qui relèvent du groupe de la planète dominant le signe des maisons I, VI et X. Cependant, à l’image de l’Essai synthétique sur la médecine astrologique et spagyrique de Jean Mavéric (pseudonyme de Maurice Petitjean), un proche collaborateur de Papus et Jollivet-Castelot, cet ouvrage ne semble pas être parvenu à se diffuser dans les milieux médicaux alors même que certains astrologues sont pourtant médecins et, plus précisément, homéopathes. Lors du IIe Congrès international de psychologie expérimentale organisé par les Durville en 1913, Allendy délivre, nous l’avons dit, une communication sur l’astrologie au point de vue médical. Après une référence à l’influence des astres comme l’une des cinq catégories de causes morbides selon Paracelse, Allendy affirme à cette occasion que l’astrologie, qu’il rattache à l’instar de Barlet au magnétisme « car elle peut être envisagée comme l’action qu’exercent sur l’être humain des sphères magnétisées (ou planètes) par l’intermédiaire du fluide vital ou corps astral », joue un rôle considérable en pathologie et peut à ce titre « donner des indications utiles au médecin233 ». Il présente alors cinq cas de malades tirés de sa patientèle où les prévisions astrologiques se sont vérifiées (fig. 21), mais ses travaux restent confidentiels pour la majorité de ses confrères. En effet, les périodiques homéopathiques ne traitent pas d’astrologie avant-guerre, ou bien avec la plus grande précaution, non seulement car la preuve des influences astrales n’est pas faite, mais parce que son idée paraît encore trop invraisemblable aux élites intellectuelles pour être défendue en dehors des courants ésotériques. Les choses changent cependant par la suite, notamment sous l’influence du développement de la cosmobiologie.

Fig. 21.  Allendy René, « Astrologie au point de vue médical », in Henri Durville, IIe Congrès international de psychologie expérimentale. Compte rendu des travaux, Paris, Hector et Henri Durville, 1913, p. 272.

Deux thèmes astraux de patients commentés par le Dr Allendy à l’occasion du IIe Congrès international de psychologie expérimentale.

70En France, le 11 juillet 1922, une communication délivrée devant l’Académie de médecine concernant l’influence des taches solaires sur les accidents aigus des maladies chroniques, inaugure en effet un regain d’intérêt pour l’étude des influences cosmiques en médecine. Cette présentation est donnée par les docteurs Gaston Sardou (1859-1943), auteur de nombreuses études de climatologie médicale234, et Maurice Faure (1871-1948), un médecin thermaliste, pionnier de la kinésithérapie235, et proche de certains courants ésotériques236 ; accompagnés de l’astronome Joseph Vallot (1854-1925). Les trois hommes concluent, chiffres à l’appui, à une multiplication des accidents causés par ces taches lors de leur passage devant le méridien central du Soleil237. Ils ne sont cependant pas les premiers à s’intéresser aux implications de ce qui est alors perçu comme des « zones de recrudescence dans les combustions solaires », des « poussées de suractivité » qui varient en fonction des années238. Paul Carton, s’appuyant sur les travaux des astronomes Camille Flammarion et Théophile Moreux (1867-1954), faisait déjà grand état de ces taches solaires dans son Traité de médecine (1920). Il adapte d’ailleurs sa pratique médicale aux évolutions de l’activité solaire et à ses divers effets. La valeur nutritive des aliments, tout comme les millésimes, varie en fonction des années selon l’ensoleillement et les diverses conditions météorologiques, et dans le cas d’une année où la faible activité solaire appauvrit l’apport de certains aliments, Carton préconise d’augmenter les quantités ingérées. En outre, selon le médecin de Brévannes, les épidémies sont déclenchées par des variations extrêmes de l’activité solaire et les deux dernières épidémies de grippe l’illustrent très bien. La grippe « russe » de 1889 « a correspondu à une phase de minimum solaire excessif […] et, ce furent surtout les moyens toniques et les nourritures revigorantes qui réussirent à enrayer le mal », au contraire de la grippe « espagnole » de 1918, qui « se déclara en période de pleine suractivité solaire » et qui épargna les enfants et les vieillards car leur ration de pain était réduite à 200 grammes239. Avec Carton, il n’est donc pas question d’astrologie judiciaire et l’influence des autres planètes n’est pas prise en compte. Néanmoins, l’intérêt renouvelé de certains médecins pour de telles influences cosmiques et météorologiques, concomitant à la reprise d’un mouvement astrologique structuré, ouvre une porte à l’astrologie médicale à proprement parler, qui prend en compte les zodiaques, l’influence des différentes planètes et les ciels de nativité. Cette opportunité nouvelle est illustrée par une adresse du Dr Henry Duprat à la Société rhodanienne d’homœopathie lors de sa réunion du 29 mai 1927. En conclusion de sa communication sur « le génie épidémique », l’homéopathe déclare :

« Il me reste à vous signaler la dernière parmi les causes externes à l’organisme de Génie épidémique ; c’est la plus lointaine mais la plus grande dans l’ordre de l’étendue, et je compte que vous ne serez pas effarouchés en m’entendant parler ici de causes astrales, et d’autant moins que l’histoire d’une telle influence a reçu l’accueil poli de l’oreille, moins pudique qu’on ne le pense, de l’académie de Médecine. Dernièrement, le docteur Faure, de la Malou, intéressait cette grave assemblée en lui prouvant l’influence des taches solaires passant au méridien, sur les morts subites et sur leur recrudescence pendant des périodes de deux ou trois jours consécutifs240. »

71Duprat évoque en outre les observations de Carton précédemment mentionnées et suggère que « sous de tels auspices, on peut donc, sans risquer de passer pour un illuminé, parler d’astrologie241 ». Ainsi, après vingt années de pratique astrologique, le médecin genevois se décide enfin à dévoiler publiquement cette particulière passion qui l’amène à suggérer que la cause de l’épidémie de grippe espagnole est due, non pas à une suractivité solaire, mais à une disposition astrologique particulière qu’il a lui-même retrouvée dans les éphémérides de l’année 1918. Loin d’être indignés, les confrères de Duprat félicitent et applaudissent « ce très remarquable travail », et Pierre Schmidt propose même de le présenter au nom de la Société rhodanienne lors du congrès homéopathique de Londres à venir ; ce qu’il fait effectivement quelques semaines plus tard242. Par la suite, en 1934, le Propagateur de l’homœopathie publie même les cinq premiers chapitres d’un ouvrage du Dr Julien Bretéché (1900-1961) intitulé Astrologie psychologique et médicale (1935)243. Ce chirurgien nantais réputé, qui publie parfois sous le pseudonyme de « Dr Lenclos244 », et qui se réclame d’une astrologie scientifique essayant de dégager des similitudes dans les ciels de nativité de 140 « aliénés », affirme notamment dans un chapitre de son ouvrage qui n’a pas été publié dans le Propagateur :

« Pour nous les particularités du corps physique, la modalité des réactions physiologiques, la nature des instincts, les traits saillants du caractère, l’agencement de l’intellect, ne sont pas unis entre eux par des rapports de cause à effet, mais seulement par des rapports de coïncidence dus à l’identité des radiations cosmiques qui déterminent à elles seules toute la personnalité innée245. »

72La diffusion de l’astrologie au sein du groupement de Léon Vannier suit un processus similaire. À partir de 1927, l’astrologie devient également un sujet de discussion chez les médecins de L’Homœopathie française. Lavezzari, dans un article intitulé « Rythmes humains, rythmes cosmiques », introduit son propos par une référence aux travaux de Faure et Sardou, et il affirme être persuadé :

« que l’homme est bien plus dépendant qu’on ne le croit généralement du milieu qui l’entoure et que non seulement les taches solaires, mais encore toutes les parties de notre système planétaire l’influencent plus ou moins et se reflètent jusqu’à un certain point dans les différentes parties de son être246 ».

73Fortier-Bernoville, quant à lui, concède que « la vitalité humaine dans ses diverses variations morbides est peut-être sous la dépendance des astres ou planètes », bien que « cela ne peut se faire qu’indirectement247 ». Cette ouverture théorique à l’astrologie au sein de la revue n’a pu se faire qu’avec l’accord, et même sous l’impulsion, de Vannier. Dans un article très favorable à l’astrologie, ce dernier déclare que « la Science moderne aboutit à cette conception que nous vivons dans une atmosphère de vibrations interplanétaires qui réagissent sans cesse sur nous en entretenant notre propre vie ». Il conçoit alors qu’il est possible « d’admettre que nous subissons l’influence particulière de tel ou tel astre, avec lequel notre organisme serait spécialement “accordé”, soit que cet accord soit durable et véritablement spécifique, soit qu’il soit passager et dépendant d’un moment ou d’une période248 ». Tandis qu’avant la guerre Céline Bessonnet-Favre prenait soin de rejeter tout rapport entre astrologie et typologie, Vannier ne nie plus les rapports étroits qui, selon Henri Mangin, unissent les constitutions carbonique, phosphorique et fluorique à la Terre, au Soleil et à la Lune. Il affirme sans détour : « Les sept planètes déterminent les sept types primitifs et à chacun d’eux on peut opposer, non seulement le métal et la plante dont les affinités correspondent exactement aux signes typologiques, mais encore le remède correspondant249. » Par conséquent, il n’est pas surprenant de voir Eudes Picard (1867-1932) délivrer une conférence sur l’astrologie médicale, le 20 février 1931, à la Société d’homœothérapie de France. Élève de Ledos, Picard ne se réclame pas de l’astrologie scientifique, mais bien de la « Tradition », au moment d’exposer aux homéopathes de Vannier les analogies entre les signes astrologiques et les différentes parties du corps. Il s’adapte d’ailleurs à son public en affirmant qu’il est possible de déterminer l’hérédité et le tempérament du patient en consultant son ciel de nativité250. Vannier est enthousiaste, et dans un compte rendu de l’ouvrage de Picard intitulé Astrologie judiciaire (1932), qu’il publie sous pseudonyme251, il s’interroge :

« Pourquoi “l’Homœopathie Française” dont les ressources scientifiques sont si grandes, n’apporterait-elle pas à M. Eudes Picard des éléments nouveaux à l’Observation desquels nous sommes tous, malades ou médecins, directement intéressés, puisqu’il s’agit de notre santé et de notre vie. Pourquoi ne pas demander à M. E. Picard son avis sur des cas dont la prolongation, malgré les multiples thérapeutiques adoptées, montre cependant l’insuffisance de la médecine. Et nous reviendrons alors bientôt à la conception des cinq Entités morbides de Paracelse : des astres, du poison, naturelle, des esprits, de Dieu. Les microbes ne font pas toutes les maladies252. »

74Picard meurt brutalement, mais l’intérêt astrologique de Vannier ne s’éteint pas avec lui. En 1937, le IVe Congrès international d’astrologie organisé par la Société astrologique de France, qui avait constitué depuis peu un groupe d’études d’astrologie biologique fort de dix médecins mal connus du milieu homéopathique, accueille durant une semaine plus de 250 congressistes en provenance de 23 différentes nations. Or, la réception de bienvenue se déroule dans les salons du Centre homœopathique de France mis à disposition par le Dr Vannier253. Une session du congrès est d’ailleurs consacrée à l’astrologie médicale et présidée par Allendy. Il faut dire que l’astrologie s’accorde bien aux conceptions déterministes de la doctrine médicale de Vannier, qui lui font déclarer que « l’homme est un être défini, déterminé dès sa naissance, et qui présente un ensemble de “pré-dispositions”, de “possibilités” bonnes ou mauvaises dont la réalisation dépendra de la direction (ordre physique) et de l’orientation (ordre psychique) qui lui seront données et qu’il consentira à accepter254 ». Surtout, il est intéressant de noter que son attrait pour l’astrologie s’accorde également à sa propre conception du monde et de l’univers, qu’il présente à l’occasion sous pseudonyme :

« En réalité nous vivons dans un monde de vibrations et de radiations émanant non seulement des corps organisés ou non qui nous entourent, des personnes qui vivent près de nous, de la terre que nous habitons, des astres qui entourent notre planète ; nous baignons réellement dans une atmosphère de vibrations interplanétaires dont le magnétisme suffit à entretenir notre vie à la condition que nos appareils récepteurs soient tenus en parfait état […] qu’ils soient “accordés”255. »

75Cette conception se retrouve également véhiculée dans les pages de La Côte d’Azur médicale, qui se penche sur l’astrologie à partir de 1926 et qui constitue le principal creuset dans lequel se mélangent l’astrologie et l’étude générale des influences cosmiques. Regnault entend en effet promouvoir l’étude des influences astrales dans l’optique générale de l’étude de l’action des différents types de radiations sur l’organisme humain, qu’il perçoit toujours comme « un oscillateur-résonateur d’une sensibilité merveilleuse256 ». Ces objectifs se retrouvent dans la Société de biodynamique, fondée à la suite d’un appel à la création d’un groupement international pour l’étude des énergies vitales et cosmiques qu’il lance en août 1927, à l’instigation du Dr Pierre Creuzé (1876-1978), qui dirige ensuite la revue Biodynamisme à partir de l’année 1936257. L’astrologue suisse Karl Ernst Krafft (1900-1945) adhère à la Société dès le mois de septembre258. Il se montre par ailleurs actif dans La Côte d’Azur médicale, l’organe du groupement259, qui soulève régulièrement la question astrologique et qui n’hésite pas, plus tard en novembre 1937, à inviter les astrologues à se soumettre à une expérience consistant à publier un horoscope puis à recevoir par courrier les interprétations des divers spécialistes afin de vérifier si ces interprétations concordent entre elles et avec la réalité260. Cette question astrologique se mélange avec celle des radiations astrales, qui englobe tout à la fois le climat, les taches solaires et les champs magnétiques. Krafft, promoteur du concept de cosmobiologie, sert ici de pont entre ces différentes perspectives. Le terme de cosmobiologie était déjà employé, notamment en Allemagne, mais c’est bien Krafft qui contribue à le diffuser en France, par le biais de sa participation au Bulletin de la Société astrologique de France, qui emploie par la suite le terme en sous-titre, ainsi que par le biais de ses conférences notamment retranscrites dans La Côte d’Azur médicale. L’une d’elles, intitulée « Cosmobiologie – Des relations existant entre des phénomènes astronomiques, météorologiques et biologiques », illustre bien la manière dont l’astrologie médicale parvient à se développer grâce à l’essor des études concernant les influences cosmiques. Krafft, qui s’était déjà distingué à la Société de biodynamique en démontrant, statistiques à l’appui, l’influence de la position du Soleil ou de la Lune sur le déclenchement de l’accouchement261, affirme en effet lors de cette causerie :

« Le fait de relations très étendues et, par rapport à d’autres influences, apparemment prépondérantes, entre des manifestations cosmiques et des évènements terrestres, en particulier entre les mouvements de certains astres et des déroulements physiologiques chez les animaux, comme chez l’homme, paraît donc suffisamment établi pour justifier un élargissement du cadre de l’investigation expérimentale262. »

76Cet élargissement concerne bien entendu l’astrologie, qu’il perçoit comme « la doctrine des correspondances entre le macro- et le microcosme, en particulier entre les constellations d’un jour de naissance d’un homme (sa « nativité » ou son « horoscope ») d’une part, et la constitution et l’épanouissement de sa personnalité dans le temps, comme dans l’espace, de l’autre263 ». Lors de la seconde conférence, l’astrologue suisse suggère alors « l’idée qu’il pourrait y avoir également des relations entre des facteurs astronomiques correspondant au moment où un enfant devient individu dans le véritable sens du mot, c’est-à-dire à sa date de naissance, et ses prédispositions physiques et psychiques » et qu’« on sera peut-être un jour à même de diagnostiquer en deçà de certaines limites, sa constitution psychologique, ses maladies, goûts, habitudes, réactions et, de cette façon, même pronostiquer ce qui lui arrivera au courant de sa vie264 ». Les conférences de Krafft rencontrent un beau succès comme en atteste leur reprise devant le Groupe d’études philosophiques et scientifiques pour l’examen des tendances nouvelles de René Allendy.

77Par la suite, en 1932, le Dr Faure entend fonder un laboratoire d’étude dédié aux recherches menées sur l’action biologique et pathologique des astres265. Son initiative est soutenue par la Société de biodynamique et La Côte d’Azur médicale, qui diffusait également ses travaux. La première séance de l’Institut international d’études des radiations solaires, terrestres et cosmiques a ainsi lieu l’année suivante et inaugure un beau succès : l’Institut compte en effet 250 membres en juin 1933 et des cours et conférences sont organisés dès le mois de décembre. Son activité est conjointe à celle de l’Association internationale pour l’étude des radiations solaires, terrestres et cosmiques et de leurs effets biologiques et pathologiques, dont l’objet est :

« d’unir les Savants et les Chercheurs qui s’intéressent aux Sciences issues de la connaissance des Radiations, à leur rapide évolution et aux explications qu’elles apportent de la liaison, traditionnellement admise mais jamais démontrée jusqu’alors, des phénomènes astronomiques et des événements terrestres266 ».

78L’Institut lance ensuite sa propre revue, intitulée Cosmobiologie. Étonnamment, la revue bénéficie d’un patronage prestigieux dont témoigne la composition du comité de direction scientifique, composé d’environ 25 professeurs de médecine accompagnés de divers directeurs d’institut, ainsi que de membres des Académies de médecine et des sciences. En outre, le professeur Maxime Laignel-Lavastine (1875-1953), neurologue et historien de la médecine réputé, mais aussi membre de la Société de biodynamique, présente les objectifs de la revue en introduction du premier numéro et annonce la couleur :

« La Revue de Cosmobiologie sera, à la fois, historique, scientifique et littéraire. Historique, car elle recherche dans le passé les éléments de la Cosmobiologie, épars dans les Religions, les Sciences occultes, la Magie, l’Astrologie, les multiples manifestations de la pensée humaine et des civilisations ; – scientifique, car elle doit rendre compte des travaux faits en Astronomie, Physique, Chimie, Biologie, qui permettent de préciser les relations entre les phénomènes cosmiques et les phénomènes biologiques ; – littéraire enfin, car la littérature est le domaine des observations qui ne sont pas encore intégrées dans la Science, et des considérations qui ne sont pas étroitement dépendantes d’une discipline intellectuelle déterminée267. »

79Il faut dire que Cosmobiologie se présente comme une « Revue internationale des sciences anciennes et modernes concernant les relations de l’Univers et de la Vie », affirmant ainsi, dès le sous-titre, son intérêt pour l’astrologie, science ancienne s’il en est. Cet intérêt s’inscrit dans une démarche typique du holisme médical des années trente, qui consiste à se pencher sur les savoirs du passé pour faire progresser les savoirs actuels, et se conjugue donc à l’étude médicale des manifestations cosmiques et météorologiques. Par conséquent, des travaux de climatologie tout à fait classiques côtoient dans le même numéro des recherches plus aventureuses, comme une contribution de Jules Regnault sur les radiations telluriques ou une autre de Georges Lakhovsky (1870-1942) concernant l’action des radiations sur les cellules végétales. Parmi ces études viennent en outre se glisser les « pronostics pour le second semestre de 1934 » de Gustave-Lambert Brahy268. Ces prévisions purement astrologiques s’inscrivent dans une rubrique intitulée « Prévisions et conjonctures » qui mêle prédictions fondées sur l’étude des taches solaires et sur l’étude des thèmes astraux. Faure vante en effet les travaux de Paul Choisnard et affirme que rejeter l’astrologie sans prendre le soin d’examiner ses résultats constitue un acte anti-scientifique. Or, la mort accidentelle d’Albert Ier (1875-1934), le 17 février 1934, aurait été prédite par des astrologues, et il se félicite de voir ses propres observations venir corroborer pareilles prévisions. En effet, cette mort brutale est survenue aux alentours du passage de deux taches solaires au méridien central du Soleil, les 15 et 22 février, et Faure a souvent signalé « la fréquence des accidents graves et des morts violentes dans les journées qui précèdent et suivent de près le passage d’une Tache solaire ». Il incite alors les astrologues à « confronter les relations chronologiques des catastrophes prévues et annoncées par leurs Méthodes, avec les passages de Taches solaires au Méridien central, qui seront régulièrement signalés dans chaque numéro de la Revue Cosmobiologie269 ». L’emphase mise sur l’astrologie dans le premier numéro s’estompe quelque peu par la suite, mais Brahy réitère tout de même ses pronostics au début des années 1935, 1936 et 1937. Aussi, même si Faure précise en introduction que ces pronostics sont moins précis que les données fournies par l’astrophysique, il reste remarquable de constater la publication de prédictions astrologiques dans une revue scientifique patronnée par les plus hautes élites médicales du pays. Ces pontes sont certes loin d’être des astrologues, et il est probable que la plupart n’accordent guère d’attention à ce type de contributions, qui demeurent minoritaires dans les colonnes de la revue – bien qu’une conférence donnée à l’Institut par Krafft, considéré par Faure comme l’« un des hommes les plus instruits et un des esprits les plus profonds de notre temps », soit également retranscrite –, mais leur présence témoigne de cette diffusion généralisée de l’astrologie dans la société française des années trente. Cette diffusion, Maxime Laignel-Lavastine a fait beaucoup pour la répandre parmi les sphères médicales « officielles ».

Notes de bas de page

1Cf. Candelise Lucia, La Médecine chinoise dans la pratique médicale en France et en Italie, de 1930 à nos jours. Représentations, réception, tentatives d’intégration, thèse de doctorat en histoire, EHESS-université Milano-Bicocca, 2008 ; Nguyen, La Réception de l’acupuncture en France, op. cit.

2Vaquier Jean, Contribution à l’étude de la réflexothérapie. Action directe sur les centres nerveux des irritations périphériques, thèse de doctorat en médecine, Toulouse, 1912, p. 18 ; Bourguignat Alain, « Jean Vaquier, un médecin dans son siècle (1888-1951) », Le Bulletin de NLGH, no 8, mars 2016, p. 25-48.

3Cette amitié et le traité en question, Die Beziehungen zwischen Nase und weiblichen Geschlechtsorganen (1897), amènent une patiente de Freud, Emma Eckstein (1865-1924), à se faire opérer du nez sur les conseils de ce dernier afin de faire cesser son onanisme, mais il n’en résultera qu’une défiguration liée à une erreur chirurgicale de Fliess. Cf. Vichyn Bertrand, « Emma Eckstein, la première psychanalyste. Celle qui ne pouvait plus (s’en) sortir », in Sophie de Mijolla-Mellor (dir.), Les Femmes dans l’histoire de la psychanalyse, Bègles, L’Esprit du Temps, 1999, p. 215-234.

4Vaquier, op. cit., p. 25.

5Jaworski Hélan, Un nouveau traitement du tabes (Ataxie Locomotrice). Avec quelques considérations sur la répercussion centrale des irritations périphériques, Paris, A. Maloine, 1910.

6Ibid., p. 8.

7Ibid., p. 212-213.

8Jaworski Hélan et Marie A., « Les Réflexopathies et la Réflexothérapie », Gazette médicale de Paris, 5 juin 1912, p. 173.

9Pierre-Bonnier Esfir, Centrothérapie et Asuérothérapie, Paris, Félix Alcan, 1931, p. 44.

10Bonnier Pierre, « Entérite réflexe d’origine nasale », Revue neurologique, 1907, p. 755-757.

11Bonnier Pierre, L’Action directe sur les centres nerveux. Centrothérapie, Paris, Félix Alcan, 1913, p. 2.

12Ibid.

13Ibid., p. 13.

14Cf. Garel Jean, Le Rhume des foins, Paris, Baillière et fils, 1899, p. 88.

15Bonnier Pierre, « Le “Tcha-Tchin” et la centrothérapie », séance du 8 juin 1912, Comptes rendus des séances de la Société de biologie et de ses filiales, t. I, 1912, p. 904.

16Bonnier Pierre, « Réflexothérapie et Centrothérapie », séance du 23 novembre 1912, Comptes rendus des séances de la Société de biologie et de ses filiales, t. II, 1912, p. 500.

17Ibid.

18Pierre-Bonnier Esfir, op. cit.

19Klotz-Guérard J., La Centrothérapie – étude historique, Paris, Jean Flory, 1938. Dans les deux cas, les auteurs abandonnent l’idée d’utiliser le terme générique de centrothérapie pour désigner les autres thérapeutiques. Ils se contentent de défendre la spécificité et la validité de la méthode de Bonnier face aux controverses ayant touché les autres réflexothérapies.

20Le Dr Armand Hemmerdinger (1879-1946) présente ainsi Pierre Bonnier dans la revue Vivre comme « le véritable créateur de la réflexothérapie endonasale ». Cf. Hemmerdinger Armand, « Touches nasales et naturisme », Vivre santé, no 185 (1er septembre 1935).

21Leprince Albert, Traité de réflexothérapie, Paris, Maloine et fils, 1924, p. 5.

22L’Ère nouvelle, 4 juin 1929, p. 2.

23Asuero Fernando, ¡Ahora hablo yo!, Tolosa, La Editorial Guipuzcoana, 1930.

24L’Ère nouvelle, 2 décembre 1929, p. 2.

25Ibid.

26Bonnier-Pierre Esfir, op. cit., p. 60.

27Leprince Albert, La Réflexothérapie scientifique endo-nasale et la méthode d’Asuero, Paris, Maloine, 1931.

28La Vanguardia, 19 octobre 1929, p. 12.

29Notons que Leprince expliquait déjà en 1924 les résultats de la centrothérapie de Bonnier par l’action du sympathique. Cf. Leprince, op. cit., p. 11.

30Montabré Maurice, « Comment agit la sympathicothérapie. Le docteur Paul Gillet nous le dit », L’Intransigeant, 9 janvier 1930, p. 5.

31Gillet détaille plus précisément sa méthode dans La Sympathicothérapie (1932). Un gros ouvrage lui est consacré par un journaliste nationaliste de ses contemporains, cf. Johannet René, Les Merveilleuses guérisons du Docteur Gillet, Paris, Albin Michel, 1933.

32Schoengrun Georges, Traitement de l’asthme, du rhume des foins, de la migraine par la réflexothérapie sympathique, Paris, Éditions Lajeunesse, 1932 ; Hemmerdinger Armand, Sauvez votre sympathique, Paris, J. Oliven, 1934 ; Gardien Pierre, Essais de traitement de l’anxiété par la réflexothérapie nasale, Lyon, Bosc Frères, 1934.

33Notons, par exemple, un article publié dans Paris-soir, le 13 février 1935 (p. 5).

34Vidal Frédéric, Schémas de sympathicothérapie, juin 1937 ; Vidal Frédéric, Un chapitre nouveau dans l’art de guérir. La Sympathicothérapie, conférence faite à Paris le 30 mai 1938.

35« Le Docteur Vidal condamné pour escroquerie », Paris-municipal : défense des droits de Paris, 18 décembre 1938, p. 1.

36Flandin Charles, « Préface », in Ferreyrolles Paul, L’Acupuncture chinoise, Lille, Éditions SLEL, 1951, p. 7-8.

37Soulié de Morant et Ferreyrolles, « L’acupuncture en Chine vingt siècles avant J.-C. et la reflexothérapie moderne », op. cit., p. 405.

38Nguyen, La Réception de l’acupuncture en France, op. cit., p. 108.

39Bonnier, « Le “Tcha-Tchin” et la centrothérapie », op. cit., p. 904-906.

40Ferreyrolles Paul, L’Acupuncture chinoise, op. cit., p. 44.

41Faure Olivier, « Le surgissement de médecines “révolutionnaires” en France », op. cit.

42Regnault Jules, Médecine et pharmacie chez les Chinois et les Annamites, Paris, A. Challamel, 1902.

43Regnault Jules, « L’acupuncture chez les Chinois », La Chronique médicale, no 8, 1er août 1920, p. 229.

44Leprince, Traité de réflexothérapie, op. cit., p. 157.

45En effet, selon Johan Nguyen, dont la théorie a été reprise par Lucia Candelise, l’acupuncture de Soulié de Morant ne serait pas issue d’un lignage chinois, car elle introduit des techniques inusuelles en Chine à cette époque. Selon lui, il s’agit d’une version franco-japonaise qui doit beaucoup à Yukikazu Sakurazawa/Georges Ohsawa (1893-1966), le fondateur de la macrobiotique, de séjour à Paris au tournant des années trente et en contact avec Soulié de Morant. Cf. Nguyen, op. cit., p. 212-213 ; Candelise Lucia, « Savoir et créer un savoir : le processus de globalisation de l’acupuncture en France », in Liliane Hilaire-Pérez et Larissa Zakharova (dir.), Les Techniques et la globalisation au xxe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 213-214.

46Ferreyrolles Paul, « Crénothérapie et Homœopathie. Étude biophysique, physiologique et thérapeutique des eaux de la Bourboule », L’Homœopathie française, avril 1914.

47C’est en tout cas comme cela que Marcel Martiny décrit la rencontre entre les deux hommes. Cf. Martiny Marcel, « Histoire de la réussite de l’acupuncture en France », Méridiens, no 41-42, 1978, p. 13-14. Récit repris par Candelise (La Médecine chinoise, p. 22-23). Nguyen, s’appuyant sur un témoignage de Thérèse Martiny, présente le Carrefour de Cos comme un groupement auquel prend pleinement part, en tant que cofondateur, Marcel Martiny. Cf. Nguyen, op. cit., p. 98.

48Candelise, La Médecine chinoise, op. cit., p. 25.

49Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, janvier 1917.

50Bonnet-Lemaire Léon, Acuponcture chinoise. Aperçu général, Paris, Éditions Adyar, 1933, p. 41.

51Leprince Albert, L’Acuponcture chinoise, méthode française, Paris, Instrumentation médico-chirurgicale, 1935, p. 3 et 8.

52Latour Yvan, Nos malades et notre système nerveux. Les guérisons de l’acupuncture, Paris, Amédée Legrand, 1934, p. 153.

53Paris-soir, 26 janvier 1938, p. 2. Il fonde même après-guerre plusieurs écoles d’esthétique.

54Nguyen, op. cit., p. 95.

55Voir par exemple, Tollemer L., « Albert Abrams. Réflexions sur l’atélectasie pulmonaire physiologique », La Presse médicale, Paris, Georges Carré, 1895, p. 6 ; Abrams Albert, « Le “Vibro-Suppressor”, Un nouvel instrument pour la percussion topographique », La Presse médicale, 6 février 1907, p. 83-84.

56Abrams Albert, Spondylotherapy, San Francisco, The Philopolis Press, 1910. L’ouvrage connaît de nombreuses rééditions par la suite.

57Ibid., p. 26.

58Bond Edgar S., « Spondylotherapy: A New Therapeutic Method », The American Journal of Clinical Medicine, août 1913, p. 650-654. Sur le Dr Edgar Bond, voir Cox Jim, Webster Indiana, Indianapolis, Dog Ear Publishing, 2012.

59Simon Pierre, Contractions réflexes du gros intestin. Application au traitement de la constipation, thèse de doctorat en médecine, Paris, 1921.

60Folk Holly, The Religion of Chiropractic. Populist Healing from the American heartland, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2017.

61Ibid., 4e de couverture.

62En 1926, les éditeurs de la revue Métanoïa indiquent ne connaître que deux chiropracteurs en France, dont le Dr Brun de Nice. Louis Gastin affirme de son côté qu’ils seraient quatre en 1929, tandis que pour Gëorgia Knap, il n’y en a pas plus d’une douzaine en 1934. Cf. « Échos et correspondances », Métanoïa, janvier-mars 1926, p. 357 ; Gastin Louis, « La chiropractique », Le Droit de guérir, no 1, 10 avril 1929, p. 4 ; Knap Gëorgia, « La colonne vertébrale et ses apophyses épineuses », Régénération, novembre 1934.

63À ce sujet, le Journal des masseurs de France, organe officiel de l’Amicale des masseurs de France, expose les principes de la chiropractie par le biais d’Hippolyte L. Hardy (ca. 1856-1942), un sociétaire de l’Amicale et membre honoraire de la Société de « chiropratic » de New York, formellement hostile aux méthodes d’Abrams. Cf. Hardy Hippolyte L., « Précision sur l’origine de la chiropratique », Journal des masseurs de France, no 4, novembre 1927.

64Durville Gaston, « La colonne vertébrale, clavier sur lequel le masseur peut jouer pour aider à guérir nos maladies », Naturisme, no 421, 15 mai 1938. Comme une illustration insérée précédemment le démontre, le Dr Alfred Juin dirige également à l’Institut naturiste un service d’oto-rhino-laryngologie et de réflexothérapie endonasale.

65« Allocution du Dr Mouézy-Eon », Pour mieux vivre, no 23-25, juillet-septembre 1928, p. 7.

66Nous avons consacré un article à ce personnage particulièrement révélateur du holisme médical de l’époque. Cf. Bernard Léo, « Dewanchand Varma and Pranotherapy: Healing and Subtle Energies in the French Interwar Period », in Julian Strube, Marleen Thaler et Dominic Zoehrer (dir.), Subtle Energies in Therapy, Spirituality, Arts, and Politics. 1800-Present, à paraître.

67Jaworski Hélan, « Comment je suis devenu psychiste », Psychica, no 72, 15 février 1927.

68Jaworski Hélan, Le Géon, Paris, Gallimard, 1930 (9e édition).

69Psychica, no 84, février 1928, p. 32.

70Pagnat Ph., « Vers l’Union Morale Spiritualiste », Le Sphinx, revue illustrée du spiritualisme intégral, novembre 1921, p. 14.

71Sur Mitrinović, voir l’ouvrage récent, Radulović Nemanja (dir.), Dimitrije Mitrinović. New Perspectives, Belgrade, University Faculty of Philology, 2022. L’un des disciples de Mitrinovic a consacré une conférence à Jaworski, par ailleurs disponible en ligne sur le site de The Mitrinovic Foundation. Cf. Twentyman Jean M. G., The Organic Vision of Helan Jaworski, New Atlantis Foudation, 1971.

72Le Dréau Christophe, « L’Europe des non-conformistes des années trente. Les idées européistes de New Britain et New Europe », in Olivier Dard et Étienne Deschamps (dir.), Les Relèves en Europe d’un après-guerre à l’autre, Bruxelles, Peter Lang, 2005, p. 311-330. Les archives de la Fondation Dimitrije Mitrinovic regorgent de correspondances de Jaworski témoignant de cet engagement jusque dans les années cinquante. Cf. Burgham Emma, The New Alantis Foundation Dimitrije Mitrinovic Archive: Catalogue, University of Bradford, 2015.

73Voir par exemple le compte rendu très positif que lui accorde Sédir dans L’Initiation du 15 mars 1897 (p. 270).

74Regnault Jules, La Sorcellerie, ses rapports avec les sciences biologiques, Paris, Félix Alcan, 1897, p. 282.

75Regnault Jules, « Magie et occultisme en Extrême-Orient », Revue scientifique, 2 mai 1903, p. 560-563.

76Regnault Jules, « Magie et occultisme en Extrême-Orient », Annales des sciences psychiques, Paris, Félix Alcan, 1903, p. 245-253 ; Regnault Jules, « Hypnose, Hystérie, et Sorcellerie en Indochine », La Voie. Revue mensuelle de haute science, no 18, octobre 1905.

77Regnault Jules, « L’occultisme dans la médecine sino-annamite », Le Voile d’Isis, février 1913 ; Regnault Jules, « Les Tching ou corrélations météorologiques et le rôle du ciel dans la politique des chinois », Le Voile d’Isis, août 1914.

78Regnault Jules, « Phénomènes occultes et suggestion mentale », Annales des sciences psychiques, août-septembre 1908, p. 258-265.

79Regnault Jules, « Radioactivité générale et Radiations humaines », Le Lotus bleu, avril 1928.

80Dom Néroman (dir.), Grande encyclopédie illustrée des sciences occultes, Strasbourg, Éditions Argentor, 1937.

81Le terme de radio-tellurie est antérieur à celui de radiesthésie. Il est diffusé dès 1921 par Henri Moineau, tandis que celui de radiesthésie ne se répand qu’à partir de 1926, sous l’impulsion de l’abbé Alexis-Timothée Bouly (1865-1958). Les deux termes sont utilisés de manière indifférente durant l’entre-deux-guerres, mais le second remporte finalement un succès plus marqué qui lui vaut d’être encore usité de nos jours.

82Moineau Henri, « Radio-Tellurie et Radio-Telluristes », La Côte d’Azur médicale, novembre 1921, p. 1.

83Ibid., p. 3.

84Ibid.

85Regnault Jules, « Les Sourciers », Le Voile d’Isis, juin 1913 ; Regnault Jules, « La baguette divinatoire et le Rituel de Toulon », Le Voile d’Isis, juin-juillet 1920.

86Regnault Jules, « Les Sourciers », Hydrologica, novembre 1913 ; Regnault Jules, « À propos de la baguette divinatoire des sourciers », Communications à l’Académie du Var et à la Société de pathologie de Paris, février 1920.

87Regnault Jules, Biodynamique et radiations (sur les frontières de la science et de la magie), Toulon, chez l’auteur, 1936. En 1935, il publie également en collaboration avec Maurice Larvaron (?-1961) La Radio-tellurie, ses applications en hydrologie, géologie et minéralogie, biologie et physiologie (Paris, Deyrolle).

88Vincent Ch., « Une conférence sur la radiesthésie, à Lille, le 28 juin », Bulletin de l’Association des amis de la radiesthésie, no 17, juillet 1933, p. 319.

89Leprince Albert, « La Radiesthésie Médicale », La Côte d’Azur médicale, octobre 1934.

90Bensaude-Vincent Bernadette, « Des rayons contre raison ? L’essor de la radiesthésie dans les années trente », in Bernadette Bensaude-Vincent et Christine Blondel (dir.), Des savants face à l’occulte (1870-1940), Paris, Éditions La Découverte & Syros, 2002, p. 201-226 ; Lefèvre Thierry, « Le pendule et le mortier. De quelques pharmaciens radiesthésistes et de Gabriel Lesourd en particulier », Revue d’histoire de la pharmacie, no 344, 2004, p. 527-544.

91Il est également président d’honneur de l’Association française des radiotelluristes sourciers-puisatiers fondée au milieu des années trente.

92François Martine et Dosso Diane, « De Courmelles François Victor », Annuaire prosopographique : la France savante, site internet du Comité des travaux historiques et scientifiques, en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [https://cths.fr/an/savant.php?id=100863], consulté le 4 février 2020.

93Ibid.

94Foveau de Courmelles François-Victor, « Science et Théosophie », Le Lotus bleu, 21 août 1889, p. 14.

95Ibid.

96Foveau de Courmelles François-Victor, Les Facultés mentales des animaux, Paris, Baillière, 1890, p. 341.

97Ses présidences de la Société française contre la vivisection et de la Ligue de défense des animaux peuvent être attestées, respectivement, en 1911 et 1920.

98Foveau de Courmelles François-Victor, Le Magnétisme devant la loi, Paris, Georges Carré, 1890, p. 15.

99La Photographie transcendantale, Paris, Librairie nationale, 1910, p. 2.

100Foveau de Courmelles François-Victor, « Réflexions sur les sciences occultes », La Côte d’Azur médicale, mai 1925, p. 75.

101Au risque d’enfoncer une porte ouverte, relevons les découvertes, à la toute fin du xixe siècle, de Wihelm Conrad Röntgen sur les rayons X, d’Henri Becquerel (1852-1908) sur les rayons uraniques, et de Marie Curie (1867-1934) sur la radioactivité du radium et du polonium. Ces travaux éminents, récompensés par le prix Nobel, ont contribué à populariser le concept de radiations, donnant lieu bien malgré eux à d’autres théories moins étayées, parmi lesquelles la théorie électronique d’Albert Abrams, qui doit également beaucoup à la découverte de l’électron en 1897 par Joseph John Thomson (1856-1940) et à la proposition de son modèle atomique en 1904.

102Ce bref résumé des théories du Dr Abrams a été élaboré à partir des sources d’époque suivantes : « Albert Abrams and the “E.R.A.” Cult », The British Medical Journal, 26 janvier 1924, p. 164-165 ; Abrams Albert, New Concepts in Diagnosis and Treatment, San Francisco, Philopolis Press, 1916 ; Sinclair Upton, « La maison du miracle », Bulletin de l’Ordre de l’étoile d’Orient, juillet 1923, p. 12-40. Le travail de Norman Gevitz nous a également été précieux. Cf. Gevitz Norman, « Three Perspectives on Unorthodox Medicine », in Norman Gevitz (dir.), Other Healers. Unorthodox Medicine in America, Baltimore, John Hopkins University Press, 1988, p. 1-28.

103Voir, par exemple, Monnot-Boudrant Stéphane, Pratique de la radionique : traité de radiesthésie géomantique, Le Rayol-Canadel, Éditions Arcana sacra, 2019.

104Regnault Jules, « L’orientation des animaux et les influences magnétiques », Revue de pathologie comparée, juillet 1919, p. 4-7 ; Regnault Jules, « Phénoménines, vibrations et théorie électronique », Revue de pathologie comparée, juillet 1920, p. 12-16 ; Regnault Jules, « Le diagnostic précoce du cancer et les réactions électroniques », in Dr J.-L. Faure (dir.), 28e Congrès de chirurgie. Procès-verbaux, mémoires et discussions, Paris, Alcan, 1919, p. 312-315.

105Regnault Jules, Les Méthodes d’Abrams, Paris, Maloine, 1927.

106J. R., « La théorie électronique dans les sciences médicales », La Côte d’Azur Médicale, janvier 1922, p. 6.

107Leprince Albert, « Conceptions nouvelles en thérapeutique », Bulletins et mémoires de la Société de médecine de Paris, no 12, séance du 25 juin 1921, p. 429-430.

108Nous ne savons toutefois pas à quel ouvrage de Jaworski il est ici fait référence.

109Mouézy-Eon Albert, Les Théories électroniques en biologie (travaux d’Abrams), Paris, Vigot frères, 1924.

110Blondel Christine, « La reconnaissance de l’électricité médicale et ses “machines à guérir” par les scientifiques français (1880-1930) », Annales historiques de l’électricité, no 8, 2010, p. 37-51.

111« A. Leprince – Le traitement électronique de la cataracte et de la sclérose du tympan (Bulletins et mémoires de la Société de médecine de Paris, no 6, séance du 24 mars 1928, p. 197-199) », Archives d’électricité médicale, août 1928, p. 361.

112Méheust Bertrand, Somnambulisme et médiumnité, op. cit., p. 134.

113Durville Hector, Traité expérimental de magnétisme – cours professé à l’École pratique de magnétisme et de massage, t. I : Théories et procédés, Paris, Librairie du magnétisme, 1898 ; Durville Hector, Traité expérimental de magnétisme – cours professé à l’École pratique de magnétisme et de massage, t. II : Théories et procédés, Paris, Librairie du magnétisme, 1904.

114Durville, Traité expérimental de magnétisme, t. II, op. cit., p. 8.

115Ibid., p. 8-9.

116Ibid., p. 20.

117Durville Hector, Le Magnétisme humain considéré comme agent physique, mémoire lu au Congrès magnétique international, Paris, Librairie du magnétisme, 1890, p. 7.

118Shorter Edward, From Paralysis to Fatigue. A History of Psychosomatic Illness in the Modern Era, New York, The Free Press, 1992.

119Ibid., p. 40.

120Durville Gaston, « Au crible, les idées : la colonne vertébrale, clavier sur lequel le masseur peut jouer pour aider à guérir nos maladies », Naturisme, 15 mai 1938, p. 2.

121La Médecine sans médicaments, no 1, mars 1882, p. 2.

122Durville, Pour faire le diagnostic des maladies par l’examen des centres nerveux, op. cit., p. 38. Cette brochure est en fait un extrait de la partie dédiée aux centres nerveux et aux centres de la moelle dans le tome II du Traité expérimental de magnétisme.

123Ibid., p. 39.

124Ibid., p. 85.

125Folk Holly, « Occult Anatomy: Esoteric Paradigms of Spiritual Healing », in Léo Bernard (dir.), Arcana Naturae, no 3, 2022, Occultes médecines, p. 171-188.

126Ibid., p. 174.

127À notre connaissance, Viard publie son premier article sur la réflexothérapie dans Vivre en avril 1930. Toutefois, n’oublions pas qu’il a certainement côtoyé le Dr Jaworski en 1925 dans le groupement de Louis Gastin, et que le concept était diffusé depuis un certain temps.

128Viard Marcel, « Le Souffle chaud », Le Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, juillet-août 1923, p. 195.

129Durville, Traité expérimental de magnétisme, t. II, op. cit., p. 120.

130Abrams, New Concepts in Diagnosis and Treatment, op. cit., p. 233.

131Ibid., p. 9.

132Ibid., p. 11.

133Ibid., p. 256.

134« The Electrical Nature of Man », Physico-Clinical Medicine, mars 1921, p. 18.

135Mouézy-Eon, Les Théories électroniques en biologie, op. cit., p. 18.

136Ibid., p. 21.

137« Les radiations humaines », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, janvier 1932, p. 8.

138Regnault, Les Méthodes d’Abrams, op. cit., p. 101.

139« Bibliographie. Dr Mollet, de Nice : Le Magnétisme qui guérit », La Côte d’Azur médicale, décembre 1928, p. 280-281.

140Regnault Jules, « La théorie des vibrations dans les sciences médicales », La Côte d’Azur médicale, septembre 1925, p. 132. Cette perception se retrouve chez d’autres occultistes, et Gastin en revendique même la paternité, en 1954, quand il croit avoir été le premier, en 1918 dans sa revue La Synthèse, « à proposer de remplacer le terme (impropre et incomplet) de “magnétisme animal” par celui, plus large et plus juste, de “radiations humaines”, pour désigner les “forces naturelles inconnues” (Camille Flammarion) émanant du corps humain et agissant sur d’autres corps vivants ou même sur des objets inertes ». Cf. Gastin Louis, « La chronique du juste milieu », La Libre santé, no 46, février 1954, p. 24.

141Regnault Jules, Médecine et pharmacie chez les Chinois et chez les Annamites, op. cit., p. 20.

142Foveau de Courmelles François-Victor, « Des preuves de l’existence des fluides », La Côte d’Azur médicale, novembre 1934, p. 277.

143L’histoire de ce développement, du milieu occultiste de la Belle Époque jusqu’au holisme médical des années trente, a été brièvement résumée dans un court article rédigé par nos soins et publié dans un cahier de l’Herne. Cf. Bernard Léo, « Le Renouveau de l’astrologie en France : de l’occultisme à la cosmobiologie (1880-1940) », in Sylvain Ledda (dir.), Mondes invisibles, Paris, L’Herne, 2023.

144Van Gijsen Annelies, « Astrology I: Introduction », in Wouter J. Hanegraaff (dir.), Dictionary of Gnosis and Western Esotericism, op. cit., p. 109-110.

145Sur la complexité de ces relations, voir notamment le chapitre v de Boudet Jean-Patrice, Entre science et nigromance. Astrologie, divination et magie dans l’Occident médiéval (xiie-xve siècle), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2006, p. 205-278.

146Drévillon Hervé, Lire et écrire l’avenir. L’astrologie dans la France du Grand Siècle (1610-1715), Seyssel, Champ Vallon, 1996.

147Baubérot Arnaud, « Prophéties et prédictions astrologiques dans les almanachs populaires du xixe siècle », in Claire Barel-Moisan, Aude Déruelle et José-Luis Diaz (dir.), Le xixe siècle au futur. Penser, représenter, rêver l’avenir au xixe siècle. Actes du VIIe Congrès de la SERD, 2018. Disponible à l’adresse suivante : [https://serd.hypotheses.org/2038], consulté le 30 juillet 2020.

148Précisons que l’histoire de l’astrologie suit un chemin distinct en Angleterre, par exemple, où elle est bien plus pratiquée au xixe siècle.

149Lévi, Dogme et rituel de la haute magie, op. cit., p. 309.

150Ibid., p. 310.

151Ibid., p. 313.

152Desbarrolles Adolphe, Mystères de la main, Révélations complètes, suite et fin, Paris, chez l’auteur, 1879, p. 984.

153Ibid.

154Concernant Favre, il est permis de penser que ce soit le fait d’incorporer dans sa pratique physiognomonique des références à l’influence des astres qui lui permet d’être considéré comme astrologue. La même remarque pourrait être faite concernant Ledos, à la différence près que des documents écrits de sa main attestent d’une pratique qui, à défaut de thème de naissance classique, dresse un horoscope selon « la science des nombres » et avec des références aux planètes. Il faut dire aussi, comme l’a remarqué Serge Bret-Morel, que l’expression « tirer l’horoscope », très populaire au xixe siècle, renvoie à n’importe quel type de prédiction. Cf. « Eugène Claude François Ledos célèbre astrologue parisien », in L’abbé Paul-François Lacuria 1806-1890 le Pythagore Français, en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [http://lacuria69.blogspot.com/2016/04/eugene-claude-francois-ledos-celebre.html], consulté le 30 juillet 2020 ; Bret-Morel Serge, « Quand les horoscopes avaient échappé aux astrologues (xixe siècle) », in Astroscept(icisme), en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [https://astroscept.com/2019/02/14/2217/], consulté le 30 juillet 2020.

155Nous avons également consacré un article à cette occultiste méconnue, dans lequel son rôle dans le développement de l’astrologie est détaillé. Cf. Bernard Léo, « Mme Louis Mond, pionnière du mouvement occultiste français », in Thibaut Rioult et Donato Verardi (dir.), Arcana Naturae, no 4, Sciences et magies au féminin, 2023, p. 139-166.

156Marc Mario, « Cours d’Astrologie », Le Magicien, 10 octobre 1884.

157Pitois est également l’auteur d’une Histoire de la magie, publiée en 1870. Dans L’Homme rouge des Tuileries, il déclare notamment avoir réuni « les observations kabbalistiques de cinquante siècles ». Cette œuvre mériterait d’être commentée plus en détail, notamment pour identifier les sources de ce fin lettré, ancien bibliothécaire au ministère de l’Instruction publique et personnage important dans le développement des courants ésotériques modernes. Cf. Christian P., L’Homme rouge des Tuileries, Paris, chez l’auteur, 1863, p. 3.

158Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les pages 193 et 194 de L’Homme rouge des Tuileries avec le cours d’astrologie donné par Mme Louis Mond dans Le Magicien du 25 juillet 1885. Cet exemple n’est pas isolé.

159Autant le dire tout de suite, nous ne comptons pas rentrer dans les détails techniques de calcul exposés par les différents auteurs. Nous soulignerons, le cas échant, les particularités d’une approche astrologique seulement si celle-ci nous permet d’attester un transfert d’idées pertinent pour notre propos.

160« Lettre de M. le professeur Jacobs », Revue spirite, juin 1880, p. 227.

161Revue spirite, octobre 1882, p. 320. Dans le numéro suivant, il présente la science qu’il professe et qui englobe également les travaux de Gall et Lavater. Cf. Jacobs E., « Physiognomonie », Revue spirite, novembre 1882, p. 338-341.

162Vert-Vert, 28 octobre 1884, p. 2.

163Papus, L’Occultisme contemporain, op. cit., p. 87.

164« Lettre de Joséphin Péladan », in Ely Star, Les Mystères de l’horoscope, Paris, E. Dentu, 1888, p. vii.

165Ely Star, Les Mystères de l’horoscope, p. 352.

166Ibid., p. 376.

167Gil Blas, 15 novembre 1889.

168Ely Star, « L’Astrologie », L’Initiation, février 1889, p. 132.

169Ely Star, « Conférence sur l’astrologie », Revue théosophique, juin 1889, p. 47.

170Barlet F.-Ch., « L’Astrologie », Le Lotus, août 1888, p. 285.

171Ibid.

172Marie, « Le jour nouveau (L’astronomie spirituelle) », L’Aurore, juin 1887.

173« But », L’Initiation, avril 1889.

174« Groupe indépendant d’études ésotériques sous la direction de la revue L’Initiation », L’Initiation, décembre 1889, p. 276.

175En septembre 1890, L’Initiation annonce même 350 membres. Cf. L’Initiation, septembre 1890, p. 487.

176« Université Libre des Hautes Études », L’Initiation, novembre 1891, p. 120.

177Papus, « L’Occultisme : Son caractère, son but, ses applications », Le Voile d’Isis, 15 décembre 1891, p. 3.

178Ibid.

179Par la suite, Ely Star reconnaît son erreur et renie l’astrologie onomantique dans L’Astrologie ou l’art de voir l’avenir (1897).

180Ibid., p. 205.

181« Organisation des groupes d’études et des Groupes d’action au Quartier Général pour l’année 1892-1893 », Le Voile d’Isis, no 88, 19 octobre 1892, p. 1.

182L’Initiation, mars 1895.

183L’Initiation, 15 décembre 1897, p. 308.

184Dans sa nécrologie, Paul et Louis Chacornac le présentent comme un élève de Ledos, mais Choisnard s’est toujours fait discret sur ce maître. Il n’est d’ailleurs pas son initiateur, car Sylvain Trébucq (1857-1930), qui le connaissait bien, affirme que cet élève de Ledos aurait été initié à l’astrologie par un certain Carpin, son camarade de l’École polytechnique. Il s’agit certainement de Gaspard-Eugène Carpin (1863-1937), mais aucune information n’a pu être retrouvée concernant son activité astrologique. Cf. Chacornac Paul et Louis, « In Memoriam », Le Voile d’Isis, mars 1930, p. 127 ; Trébucq Sylvain, « Les Astrologues à travers les âges », Le Voile d’Isis, août-septembre 1925, p. 480.

185Son tout premier article a toutefois été publié dans La Nouvelle revue, dans le tome de mai-juin 1898, mais il n’a pas été suivi d’autres contributions. Cf. Flambart Paul, « L’Astrologie et la science moderne », La Nouvelle revue, t. CXII, mai-juin 1898, p. 283.

186Flambart Paul, « L’astrologie est-elle une science expérimentale ? », Revue du monde invisible, novembre 1898, p. 361.

187Ibid., p. 365.

188Ibid., p. 362.

189« Discussion sur l’astrologie », Revue du monde invisible, décembre 1898, p. 554.

190Ibid., p. 555.

191Jollivet-Castelot François, « L’Astrologie », L’Hyperchimie, mars 1900, p. 7.

192Selva Henri, « Quelques notes sur l’Astrologie », L’Hyperchimie, juillet 1901, p. 2.

193« Astrologie – Livres », L’Hyperchimie, décembre 1901, p. 11.

194« À nos abonnés », L’Hyperchimie, décembre 1901, p. 12.

195Hooghe Edouard d’, « Notre Programme », Rosa Alchemica, no 1, janvier 1902, p. 10.

196Flambart Paul, « Interprétation du ciel de nativité », Rosa Alchemica, avril 1902, p. 125.

197Jollivet-Castelot François, « La Tradition Occulte », Les Nouveaux horizons de la science et de la pensée, juin 1904, p. 201.

198Ibid., p. 202.

199Ibid., p. 203.

200La Science astrale, no 1, janvier 1904, p. 12.

201« Revues reçues », La Science astrale, mars 1904, p. 144.

202« Société d’astrologie », La Science astrale, avril 1906, p. 70. Selon Pierre Piobb, Flambart a également fait partie de cette société. Cf. Piobb Pierre, 33 ans d’occultisme (souvenirs d’un Chercheur), p. 37. Série d’articles publiée dans la revue Votre bonheur, en 1935, et rééditée en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [https://fr.scribd.com/document/93443898/PIOBB-33-Ans-d-Occultisme], consulté le 6 août 2020.

203Selva Henri, « Notre programme », Le Déterminisme astral, no 1, janvier 1904.

204Selva Henri, « Recherches astrologiques. Étude des conditions astrales à la naissance de sujets caractérisés par la puissance intellectuelle », Le Déterminisme astral, no 1, janvier 1904.

205Flambart Paul, « Recherches astrologiques. La statistique en astrologie », Le Déterminisme astral, no 5, janvier 1905, p. 143.

206Dooley Brendan, « Astrology and Science », in Brendan Dooley (dir.), A Companion to Astrology in the Renaissance, Leyde/Boston, Brill, 2014, p. 264-265.

207Kerneïz Constant, « Introduction », in L’Astrologie scientifique actuelle, IVe Congrès international d’astrologie scientifique, 1938, p. vi.

208Brieu Jacques, « Revue de la quinzaine. Esotérisme et sciences psychiques », Le Mercure de France, 16 novembre 1910, p. 324-325.

209Papus, Premiers éléments d’astrosophie (introduction à tous les traités d’astrologie), Paris, Publications de l’École hermétique, 1910.

210Sur Alan Leo, cf. Lehmann Jutta K., The Influence of the Theosophical Society on the Revival of Astrology in Great Britain and North America in the 20th Century, thèse de doctorat, Concordia University, 1998, p. 164-182.

211Caslant Eugène, Méthode de développement des facultés supra-normales, Paris, Éditions Rhéa, 1921 ; Caslant Eugène, L’Aura humaine, Paris, Jouve et Cie, 1930.

212Ses Éphémérides perpétuelles. Permettant de déterminer les différentes coordonnées des planètes pour toute époque passée et à venir publiées par Chacornac en 1906, puis révisées dans une deuxième édition en 1932, sont considérées comme un « travail indispensable à qui veut dresser un horoscope » selon un collaborateur de Paul Choisnard. Cf. Trébucq Sylvain, « Les Astrologues à travers les âges », Le Voile d’Isis, août-septembre 1925, p. 480.

213Remarquons que dans cet ouvrage Barlet revient sur sa position initiale relative aux relations entre astrologie et clairvoyance et affirme que « l’astrologie est une science terrestre précise ; celui qui la pratique doit y faire abstraction de tout sentiment, et même de la clairvoyance, s’il en est doué ». Cf. Barlet F. Ch., L’Astrologie et la guerre, Paris, Éditions de la sirène, 1918, p. 20.

214« Chronique de la Société », Bulletin de la Société astrologique de France pour le développement de l’astrologie scientifique, no 1, avril 1928, p. 2.

215« Notre programme », Revue française d’astrologie, no 1, janvier-février 1927, p. 2.

216Trarieux Gabriel, « Notre enquête sur l’astrologie : Les deux écoles en astrologie », L’Influence astrale, septembre 1914.

217Un résumé des affiliations de Brahy à différents courants ésotériques est donné dans Roggemans Marcel, History of Martinism and the FUDOSI, traduit par Milko Bogaard, 2009, p. 150-152.

218Herbais de Thun Charles de, Encyclopédie du mouvement astrologique, op. cit., p. 61.

219Kerneïz, « Introduction », in L’Astrologie scientifique actuelle, op. cit., p. viii.

220Edelman, Histoire de la voyance et du paranormal, op. cit., p. 162-163.

221« Les mystères de la destinée. La semaine astrologique », Gringoire, 4 janvier 1935, p. 7.

222Gastin Louis, Cours pratique d’astrologie scientifique simplifiée, Nice, éphémérides Gastin, 1936 ; Gastin Louis, Plaidoyer pour l’astrologie scientifique, en réponse à une interview de M. Ernest Esclangon, astronome, directeur de l’Observatoire de Paris, Nice, éphémérides Gastin, 1936.

223Privat Maurice, L’Astrologie scientifique à la portée de tous, Paris, Grasset, 1936. Cet ouvrage, publié chez un éditeur prestigieux, a fait beaucoup pour la diffusion de l’astrologie selon Jacques Halbronn. Cf. Halbronn, La Vie astrologique, années trente-cinquante, Paris, Guy Trédaniel, 1995.

224Notons encore la publication des « Éphémérides Gastin » qui constituent un « document mensuel d’astrologie indiquant la position des corps célestes, leurs aspects mutuels et les phénomènes astronomiques retenus en Astrologie scientifique pour l’observation des influx cosmiques au Jour le Jour. Avec leur interprétation rationnelle et de nombreux pronostics intéressant la vie pratique ». Cf. Gastin, Plaidoyer pour l’astrologie scientifique, op. cit., dernière page.

225Muchery Georges, Méthode pratique d’astrologie divinatoire, Paris, Éditions du Chariot, 1933 ; Muchery Georges, Astrologie déductive et expérimentale, Paris, Éditions du chariot, 1936.

226Fakir Birman, Mes souvenirs et mes secrets, Paris, Armand Fleury, 1946, p. 82.

227Cf. Germain Alexandre, De la Médecine et des sciences occultes à Montpellier dans leurs rapports avec l’astrologie et la magie, Montpellier, impr. De Boehm et fils, 1872.

228Haatan Abel, Traité d’astrologie judiciaire, Paris, Chamuel, 1895, p. 158-163.

229Flambart, « L’astrologie est-elle une science expérimentale ? », op. cit., p. 364.

230Peu d’informations biographiques concernant le Dr Duz sont disponibles, nous devons notre connaissance de son prénom et de ses dates biographiques à un avis de décès publié dans le volume 10 des Biographies of Homeopathic Physicians collectées par le Dr Thomas L. Bradford (1847-1918) et conservées au College of Medicine Legacy Center de la Drewel University. Disponible à l’adresse suivante : [https://archive.org/details/bradford010-jpg10-mediumsize-pdfx/page/n467/mode/1up?q=duz], consulté le 12 août 2020.

231Davis Sally, Hermetic Order of the Golden Dawn: Biographies of Members, décembre 2017, p. 13. Disponible à l’adresse suivante : [https://zenodo.org/record/1101071#.X6Q2Y1BCc2x], consulté le 12 août 2020.

232Pearce dirige Urania (1880), The Future (1892-1894) et Star Lore and Future Events (1897-1903). Il édite également à partir de 1875 le Zadkiel’s Almanac – jadis édité par Richard James Morrison (1795-1874) –, et il publie, en 1879 et 1889, une monographie en deux volumes intitulée The Text-Book of Astrology. Cf. « Star Love », in iapsop.com, en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [http://iapsop.com/archive/materials/star_lore/], consulté le 12 août 2020.

233Allendy René, « Astrologie au point de vue médical », in Henri Durville, IIe Congrès international de psychologie expérimentale. Compte rendu des travaux, Paris, Hector et Henri Durville, 1913, p. 270.

234Sardou Gaston, « Études de climatologie médicale », Annales de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, 1909, p. 327-328.

235Monet, La Naissance de la kinésithérapie, op. cit., p. 465.

236Sans en savoir plus sur les affiliations particulières du Dr Faure au sein des courants ésotériques, nous avons relevé deux communications données au mois de mars 1921 dans deux groupements différents. Le 1er mars, il est question de « L’Histoire de l’âme humaine, d’après la science positive » chez les théosophes de la branche « Agni » de Nice, tandis que le 23, c’est « La Vie et la Mort de la Terre » qui l’occupe à l’Université synthétique internationale de Louis Gastin. Cf. Bulletin théosophique, février 1921, p. 16 ; Le Sphinx, 30 janvier 1921.

237« De l’influence des taches solaires sur les accidents aigus des maladies chroniques », Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 1922, p. 41-44.

238Carton, Traité de médecine, op. cit., p. 825.

239Ibid., p. 837.

240Duprat Henry, « Le génie épidémique », Le Propagateur de l’homœopathie, 15 octobre 1927, p. 270.

241Ibid.

242« Compte-rendu du IXe congrès mondial homœopathique tenu à Londres les 18-25 Juillet 1927 », Le Propagateur de l’homœopathie, 15 décembre 1927.

243« Suite d’articles du Dr Bretéché sur l’astrologie », Le Propagateur de l’homœopathie, novembre 1934.

244Dr Lenclos, L’Étude objective du tempérament. Applications à la thérapeutique homœopathique, Paris, J. Peyronnet et Cie, 1932.

245Dr Bretéché, Astrologie psychologique et médicale, fascicule 1 : Étude statique, Vienne, Martin & Ternet, 1935, p. 71.

246Ibid., p. 363.

247Fortier-Bernoville Maurice, « Les aggravations périodiques des remèdes homœopathiques », L’Homœopathie française, novembre 1927, p. 516.

248Vannier Léon, « Les radiations et l’homœothérapie », L’Homœopathie française, décembre 1927, p. 587-588.

249Ibid., p. 588.

250Picard Eudes, L’Astrologie médicale. Communication faite à la Société d’homœothérapie de France, le 20 février 1931, Paris, Impr. du Palais, 1931.

251Il est en effet presque certain que ce soit Léon Vannier qui signe ce compte rendu révélateur sous le pseudonyme de « Dr Join », car Join est le nom de jeune fille de sa mère, Agathe Join (1843-1921).

252Dr Join, « Revue des Livres », L’Homœopathie française, novembre 1932, p. 716.

253Cf. L’Astrologie scientifique actuelle, IVe Congrès international d’astrologie scientifique, 1938.

254Vannier, « Les radiations et l’homœothérapie », op. cit., p. 582.

255Ibid., p. 583.

256Regnault Jules, « L’influence des astres et l’astrologie », La Côte d’Azur médicale, mai 1926, p. 101.

257Regnault Jules, « Biodynamisme : création d’un groupement international pour l’étude des énergies vitales et cosmiques », La Côte d’Azur médicale, août 1927, p. 158.

258On y retrouve également le Dr Vergnes. Cf. « Société de biodynamique », La Côte d’Azur médicale, décembre 1928.

259« Biodynamisme », La Côte d’Azur médicale, septembre 1927.

260« Une épreuve d’Astrologie », La Côte d’Azur médicale, novembre 1937, p. 294-295.

261« Influences solaires et lunaires sur la naissance humaine, d’après M. K. E. Krafft (de Zurich) », La Côte d’Azur médicale, mars 1928.

262Krafft Karl Ernst, « Cosmobiologie – Des relations existant entre des phénomènes astronomiques, météorologiques et biologiques », La Côte d’Azur médicale, octobre 1929, p. 205.

263Ibid.

264Krafft Karl Ernst, « Astro-Psychodiagnostique – des possibilités d’une caractérologie basée sur la cosmobiologie », La Côte d’Azur médicale, octobre 1929, p. 207 et 210.

265« Fondation d’un Institut International d’Étude des Radiations Cosmiques », La Côte d’Azur médicale, avril 1932.

266Cosmobiologie, no 1, 4e trimestre 1934.

267Laignel-Lavastine Maxime, « Présentation de la revue Cosmobiologie », Cosmobiologie, no 1, 4e trimestre 1934, p. 12.

268Brahy Gustave-Lambert, « Pronostics pour le Second Semestre de 1934 », Cosmobiologie, no 1, 4e trimestre 1934.

269Faure Maurice, « À propos de la Mort du Roi des Belges », Cosmobiologie, no 1, 4e trimestre 1934, p. 54-55.


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