Chapitre I. Végétarisme, naturisme et magnétisme
p. 29-112
Texte intégral
1La médecine naturiste, ou naturisme médical, renvoie ici aux conceptions médicales promulguées par les tenants du naturisme, ce « vaste projet de réforme des modes de vie par le retour à la nature qui émerge en France à l’aube du xxe siècle1 ». Un tel projet n’a pas été spécifique à la France. La volonté d’un retour à la nature, connue sous le nom de Lebensreform, a émergé quelque temps auparavant en Allemagne et en Suisse pour se diffuser par la suite dans les principaux pays occidentaux. Il existe toute une littérature sur le sujet, notamment germanophone, sur laquelle il ne nous semble pas nécessaire de nous étendre, d’autant plus que ce mouvement de réforme des modes de vie en réaction à l’industrialisation des sociétés européennes dépasse largement le simple domaine médical2. Dans le contexte français, toutefois, l’impasse ne saurait être faite sur les Histoire du naturisme de Sylvain Villaret et Arnaud Baubérot. Ces deux ouvrages, issus de leur thèse de doctorat respective et publiés à un an d’intervalle, ont pu proposer des analyses historiques complètes et utiles du mouvement naturiste3. Ces deux historiens ont su en outre relever une partie de l’ampleur des relations entretenues par certains représentants de ce mouvement avec les courants ésotériques de leur temps. Baubérot consacre ainsi une partie entière de sa thèse aux relations entre « naturisme et ésotérisme », dans laquelle il analyse avec justesse l’appartenance du « Trait d’Union » de Jacques Demarquette (1888-1969) à un cultic milieu plus large où cohabitent « les techniques thérapeutiques alternatives et les croyances religieuses hétérodoxes4 », sans manquer de souligner l’importance et l’originalité des « soubassements ésotériques [du] système » médical élaboré par le Dr Paul Carton (1875-1947)5. Toutefois, des éléments complémentaires peuvent être apportés aux travaux de Villaret et Baubérot, non seulement par l’analyse de la médecine naturiste dans le cadre plus général du holisme médical, mais aussi par la description des relations entre médecine naturiste et courants ésotériques dans les différents recoins du paysage naturiste français de l’époque.
2En effet, tandis que Baubérot se concentre sur les cas de Demarquette et Carton au moment d’étudier les rapports entre naturisme et ésotérisme6, Villaret ne relie pas dans une analyse globale ces différents rapports entre eux. Ainsi, après quelques considérations sur les antécédents historiques au naturisme médical des années 1920-1930, nous nous attacherons à nous montrer aussi exhaustif que possible concernant les liens relationnels unissant courants ésotériques et médecine naturiste. De plus, tout en dressant le tableau de ce milieu culturel et médical par une présentation des différents groupes qui l’animent, nous insisterons sur l’importance de considérations héritées du magnétisme dans la compréhension des mécanismes d’action de la médecine naturiste par les praticiens qui en font la promotion.
Une brève esquisse historique
3Les prescriptions thérapeutiques de la médecine naturiste, qui englobent conseils alimentaires et recours à des médications mettant en jeu des agents naturels tels que l’eau, l’air et la lumière, ainsi que des recommandations hygiéniques et sportives, n’ont pas attendu le xxe siècle pour être édictées. De même, les conceptions étiologiques des médecins naturistes s’enracinent dans une longue histoire médicale.
4Baubérot indique que le médecin Théophile de Bordeu (1722-1776) aurait été le premier, dans les années 1760, à parler de « médecins naturistes » ou « imitateurs de la nature » pour qualifier « les médecins qui prennent la nature pour guide ; les observateurs ou les expectateurs7 ». Ces médecins se méfient des remèdes et se gardent de déranger le cours des maladies, car ils prennent acte d’une tendance naturelle de certaines maladies à se guérir d’elles-mêmes. Bordeu les perçoit comme une troisième voie, qu’il entend promouvoir, au conflit médical opposant à cette époque les tendances mécanistes aux tendances animistes8. Cette troisième voie est bien celle empruntée par le vitalisme, qui fleurit au point d’être la conception médicale dominante à la fin du xviiie siècle, avant de lentement décliner tout au long du siècle suivant9. Baubérot et Roselyne Rey soulignent néanmoins que la prédominance de ce courant médical introduit par Bordeu est permise par l’abandon des interprétations métaphysiques de la vis medicatrix naturae, qui pouvaient considérer cette dernière comme une force autonome voire un être spirituel – tels l’« archée » de Paracelse (1493-1541) ou l’« âme » de Georg Ernst Stahl (1659-1734) –, en faveur d’une vision organique et sécularisée de cette force10. Néanmoins, Rey évoque également le vitalisme de la seconde moitié du xixe siècle, un « vitalisme seconde manière » et marginalisé qui renoue quant à lui avec des interprétations ouvertes sur la métaphysique qui viennent nourrir son opposition à une médecine dominante jugée trop matérialiste11. Ainsi, chez le montpelliérain Jacques Lordat (1773-1870), la force vitale est présentée comme un principe intermédiaire entre « deux substances incomparables, incommensurables entre elles » qui permet de penser « l’union réelle et intime de l’Âme Pensante avec l’Agrégat Matériel de l’Homme12 ». Si ces antécédents doivent être pris en compte afin de comprendre certaines conceptions défendues par les médecins naturistes étudiés et leur réception, des filiations plus directes existent avec le mouvement médical qui se développe outre-Rhin à partir des années 1830.
5Ce mouvement, dont Baubérot n’a pas manqué de retracer l’essor, est né des conceptions de Vincenz Priessnitz (1799-1851), un paysan silésien créateur d’un système thérapeutique basé sur l’application d’eau froide, l’exercice physique, la transpiration forcée et le régime alimentaire pour stimuler par des crises la guérison « naturelle13 ». Malgré sa condamnation par l’Académie de médecine dès l’année 1840, l’hydrothérapie humorale de Priessnitz rencontre un bel accueil chez certains médecins français, bien qu’elle finisse par perdre de ses spécificités pour se mêler à la pratique thermaliste. De même, les bains de lumière et de soleil d’Arnold Rikli (1823-1906) stimulent l’héliothérapie à partir de la seconde moitié du xixe siècle, mais celle-ci se conforme également aux savoirs médicaux de son temps. Ces thérapeutiques par les agents naturels, ajoutées à l’électrothérapie et aux manipulations physiques, forment alors un ensemble, la physiothérapie, qui se constitue comme une branche de la médecine officielle de la Belle Époque. Cependant, malgré des pratiques similaires, la médecine naturiste des années 1920, telle que nous la concevons, ne découle pas seulement du développement de la physiothérapie. Si cette dernière permet d’éclairer en partie l’intérêt du holisme médical officiel des années trente pour le naturisme médical, elle ne s’inscrit généralement pas dans un mouvement culturel plus large et reste circonscrite au domaine médical.
6La méthode Kneipp, à l’inverse, ne s’arrête pas à une simple approche curative. L’abbé Sébastien Kneipp (1821-1897) soignait ses malades depuis le milieu des années 1850 par le biais d’un système alliant eau froide, exercices et utilisation de plantes médicinales. Par la suite, sa doctrine incorpore de nombreuses recommandations hygiéniques, alimentaires et vestimentaires qui entraînent la constitution de tout un commerce permettant leur bonne application. Sa méthode s’implante néanmoins seulement dans les années 1890 en France, à la suite des efforts séparés d’un ingénieur suisse, Arnold Sandoz (1847-1928), et d’un prêtre belge, Nicolas Neuens (1845-1925)14. Le premier édite à partir de 1892 une revue mensuelle intitulée Les Traitements naturels, tandis que le second publie de nombreux ouvrages sur la question. Le kneippisme français s’inscrit alors dans un environnement catholique très marqué, comme l’illustre le cas du Dr Paul Audollent (1863-1934), qui n’hésite pas à revendiquer le cadre métaphysique de ses théories médicales quand il déclare que « dans le composé humain, le corps est sous la dépendance de l’âme, que l’âme est le pilote qui doit diriger les forces vitales, autant du moins qu’elles sont soumises à la volonté, et qu’enfin le corps et l’âme réagissent sans cesse l’un sur l’autre15 ». De plus, ce dernier affirme aussi que « l’échange spontané, constant, inéluctable de fluide entre tous les êtres, entre tous les corps de la nature16 » constitue le grand fondement général de la médecine naturelle. Il faut dire que Audollent appartient à ce courant catholique s’intéressant aux questions « occultes » et aux recherches psychiques, qui n’est pas sans entretenir de liens étroits avec les courants ésotériques17. Il participe d’ailleurs au Congrès spirite et spiritualiste international de 190018. Sa fondation de l’Association Kneipp de France, le 7 février 1896, ne rencontre cependant pas le succès escompté et marque l’échec du kneippisme « militant », au contraire du kneippisme « commercial » qui fleurit par l’intermédiaire du réseau fort de 13 commerces et 19 boulangeries de Joseph Favrichon (1860-1931)19, fondateur d’une marque toujours en activité de nos jours. Si les kneippistes ont échoué à former un tissu dynamique de militants convaincus, tel n’est pas le cas des végétariens, et c’est bien dans le milieu végétarien du tournant du siècle que prend racine le naturisme médical de l’entre-deux-guerres.
Le milieu végétarien français au tournant du xxe siècle
7Les principaux promoteurs de la médecine naturiste des années d’entre-deux-guerres, qu’il s’agisse du docteur Paul Carton, de Jacques Demarquette, ou des docteurs Durville, se sont tous montrés, à des degrés divers, proches de la Société végétarienne de France (SVF), une société où n’est pas seulement prônée l’abstinence d’aliments carnés.
8Jean-Antoine Gleizes (1773-1843), auteur de Thalysie ; ou la nouvelle existence (1841), est l’un des grands pionniers de la philosophie végétarienne, mais son œuvre a trouvé un plus grand écho en Angleterre et en Allemagne que dans sa patrie d’origine, la France, qui accuse un important retard dans ce domaine par rapport à ses voisins européens. L’année 1878 marque néanmoins une date importante dans l’histoire du végétarisme français moderne. Le médecin suisse Friedrich Wilhelm Dock (1833-1907) donne une conférence à Paris, le 31 octobre, à l’occasion de l’Exposition universelle et à l’instigation de la Société végétarienne allemande20, tandis qu’un certain Thomas Richardson aurait organisé des conférences en français et en anglais sur le végétarisme et la tempérance à Nice, haut-lieu de la villégiature anglaise21. Une éphémère Société d’hygiène générale et de végétarisme est même fondée là-bas l’année suivante22. Edouard Raoux (1817-1894) se trouve à l’origine de cette société qui semble perdurer jusqu’en 1881. Il la préside, après avoir donné, la même année et dans la même ville, des conférences sur le régime végétarien23. Raoux est un personnage étonnant, à la fois docteur en philosophie et professeur à l’académie de Lausanne, mais aussi pasteur et président de la Société de magnétisme de Lausanne, qu’il a cofondé en 186824. Il est à ce titre correspondant d’honneur du Journal du magnétisme édité par Hector Durville, et publie sur le magnétisme médical dans diverses revues magnétiques25. Il préside également la Société d’hygiène de Lausanne et compose un livre intitulé Le Tocsin des deux santés. Fragments sur l’hygiène et l’éducation du corps et de l’âme (1878)26 ; un recueil de textes concernant l’hygiène, l’alimentation, l’éducation et le magnétisme prononcés lors de diverses allocutions tout au long de sa vie. Raoux entretient des liens amicaux et intellectuels profonds avec le Dr Dock, qui est par ailleurs le président d’honneur de la Société d’hygiène générale et de végétarisme de Nice.
9Tous deux se rejoignent pour considérer le végétarisme comme une branche parmi d’autres de l’hygiène générale, qui ne saurait suffire seule à rendre la santé. Dans son établissement hygiénique et médical Untere Waid de St-Gall, Dock applique une doctrine médicale qu’il nomme physiatrie et qui inclut les diverses thérapeutiques par les agents naturels précédemment exposées. Sa pensée végétarienne se montre ainsi empreinte des attentes du mouvement de la Lebensreform, alors foisonnant aussi bien en Suisse qu’en Allemagne, puisqu’il résume les buts du végétarisme ainsi : « Santé, paix et bonheur, harmonie en nous et autour de nous ; protestation contre le matérialisme et la vie luxueuse et malsaine que l’on mène généralement à notre époque ; effort de ramener l’humanité autant que possible vers la sage nature27. » L’un des pionniers du végétarisme français est donc également, et avant tout, l’un des pionniers de la médecine naturiste. Cet entremêlement se retrouve dans La Réforme alimentaire, le journal de la Société végétarienne de Paris (puis de France), fondée en 1880, dont Raoux et Dock sont membres honoraires. Cette Société a été fondée par un botaniste allemand de séjour à Paris, August Eduard Aderholdt (1828-1890), un proche collaborateur du Lebensreformer Eduard Baltzer (1814-1887) pour qui vivre en accord avec la nature, c’est-à-dire selon un mode de vie sain incluant végétarisme, activités physiques et attention portée à l’hygiène, revient à vivre en accord avec Dieu28. Aderholdt publie lui-même des articles sur la « sagesse » et les « mœurs naturelles au regard de l’avancement du développement moral et spirituel » dans Sphinx, une revue tenue par le fondateur de la première Société théosophique allemande, Wilhelm von Hübbe-Schleiden (1846-1916)29. Promoteur d’un végétarisme spiritualiste, Aderholdt admire avec ferveur Anna Kingsford (1846-1888), à qui il consacre même un poème dans les colonnes de sa revue végétarienne allemande Thalysia, le plus important périodique végétarien allemand30. Autrice d’une thèse de médecine intitulée « De l’Alimentation Végétale chez l’Homme », qui a fortement contribué à l’essor du thème au moment de sa soutenance à Paris en juillet 1880, Kingsford est également connue pour avoir fondé quatre ans plus tard la Hermetic Society, après avoir présidé la London Lodge of the Theosophical Society à partir de janvier 1883 et avoir délivré, avec son compagnon Edward Maitland (1824-1897), une série de conférences sur le « Christianisme Ésotérique » qui a donné lieu à la publication de son ouvrage le plus fameux : The Perfect Way: Or, the Finding of Christ (1882)31.
10Les courants ésotériques se révèlent omniprésents chez les principaux promoteurs du végétarisme français, et le cas du Dr Gustave Goyard (1843-?), président de la SVF en 1881, ne fait pas exception. Trésorier de la branche française « Isis », qu’il quitte pour fonder avec son ami Papus la branche « Hermès » de la Société théosophique, il affirme avoir été introduit à la doctrine théosophique par Renaud Thurman (1841-1889), vice-président de la Société scientifique d’études psychologiques, au moment de leur collaboration au sein de la société. Néanmoins, le contenu de La Réforme alimentaire ne laisse pas apparaître ces liaisons théosophiques. De la même manière, le docteur Ernest Bonnejoy (1833-1897), le défenseur français le plus éminent du végétarisme durant les années séparant la dissolution précoce de la première SVF en 1882 de la fondation de la seconde société en 1899, se réclame le promoteur d’un végétarisme « rationnel » s’appuyant uniquement sur des déductions médicales et physiologiques, bien qu’il soit pourtant animé en coulisses par des croyances spirituelles marquées. Publiés en 1884, ses Principes d’alimentation rationnelle, hygiénique et économique préfigurent en effet son imposant ouvrage sur Le Végétarisme et le régime végétarien rationnel (1891) préfacé par le Dr Georges Dujardin-Beaumetz (1833-1895), membre de l’Académie de médecine et adepte d’un végétarisme strictement thérapeutique. Or, même si son adhésion à la ST n’est pas formellement attestée, Bonnejoy se révèle également être un théosophe ardent. De 1891 à 1894, il publie de nombreux articles sur la « diététique théosophique » et le végétarisme dans la revue théosophique Le Lotus bleu, puis c’est ensuite dans la revue « d’occultisme scientifique » d’Ernest Bosc (1837-1913), La Curiosité, qu’il s’illustre. Il y appelle notamment à répudier le « schisme nécrophagique d’Occident […] au nom de la Logique, tout autant qu’à celui de la Loi des Théosophes orthodoxes de l’Angleterre et de l’Inde32 », faisant explicitement référence à des passages de The Perfect Way qui stipulent :
« L’homme, en tant que Microcosme, ressemble en tout point au Macrocosme, et comme ce dernier, il comprend dans son propre système un plan ou circulus astral. En mangeant de la chair, et en ingérant ainsi le principe du sang, – la chair et le sang étant inséparables –, il se sacrifie aux émanations astrales de sa propre atmosphère magnétique, et ce faisant, il sert le terrestre et le corruptible33. »
11Ou encore : « L’abstinence d’oblations sanglantes sur tous les plans, est donc la porte de la Voie Parfaite, le test de l’illumination, la pierre angulaire et le critère du désir sincère de la plénitude de la Vision béatifique34. » Dans cette perspective, qui en appelle aux différents plans d’existence dans l’univers et dans l’homme, un concept classique de la littérature théosophique, mais qui fait également écho à la Bible et à Deutéronome 12:2335, le carnivorisme affaiblit l’individu en le rabaissant au plan le plus bas, tandis qu’au contraire le végétarisme lui permet de s’élever, ce qui constitue le but de tout bon théosophe. The Perfect Way n’est certes pas la seule référence du Dr Bonnejoy, mais il présente tout de même cet ouvrage comme « le code végétarien et théosophique le plus remarquable qui soit36 ». Son influence sur le mouvement végétarien français est donc notable, puisque Bonnejoy, organisateur de banquets végétariens dans son château de Chars-en-Vexin37, fait le lien entre la première et la seconde SVF, également marquée par le milieu théosophique.
12Cette seconde société voit le jour le 23 janvier 1899, à la suite d’une réunion chez le commandant Dominique-Albert Courmes (1843-1914), un spirite qui contribua également à introduire la Société théosophique en France et qui édite Le Lotus bleu depuis 1896. C’est le médecin belge Ernest Nyssens (1868-1956), président de la Société végétarienne de Belgique et directeur de la revue La Réforme alimentaire, publiée en Belgique depuis 1897, qui est à l’origine de cette renaissance38. Lui-même est un théosophe, comme environ un tiers des premiers membres de cette nouvelle SVF, dont l’engouement relativement tardif pour le militantisme végétarien peut-être expliqué, comme nous l’avons montré par ailleurs39, par le militantisme théosophique social nouveau d’Annie Besant, pour qui la diffusion généralisée du végétarisme est censée permettre l’ascension spirituelle de chacun. Dans sa « Conférence sur le végétarisme vu à la lumière de la Théosophie40 », Besant fait notamment référence au concept théosophique de la « grande ligne d’évolution », qui lie ensemble, comme les anneaux d’une même chaîne, comme différents degrés d’expression de la « Vie Divine », les plantes, les animaux et les hommes. L’évolution est graduelle, du « règne minéral » au « monde végétal » jusqu’au « règne animal » et « ses énergies hautement différenciées, son organisme plus complexe, cette capacité de sentir, d’éprouver le plaisir et la douleur et surtout d’augmenter l’état d’individualisation41 ». Cette vie et cette conscience qui évoluent trouvent alors leur plus haut degré d’expression en l’être humain, qui est séparé « des formes inférieures des créatures vivantes » par son libre arbitre. Cette supériorité, assure Besant, lui donne une responsabilité, celle de « souten[ir] les créatures inférieures de cette autorité nécessaire à leur éducation, mais aussi de cet amour qui les élèvera dans l’échelle de l’être42 » ; s’y soustraire, c’est causer la souffrance, c’est retarder l’avancement, c’est se mettre hors la loi (fig. 1 et 2).
Fig. 1. – Leadbeater Charles W., Man Visible and Invisible, Londres, Theosophical Publishing Society, 1902, p. 46.

Les différents plans d’existence selon la doctrine théosophique de Charles Leadbeater (1854-1934), proche collaborateur de Besant, et la position de l’homme par rapport à celle de ses « frères inférieurs » les animaux.
Fig. 2. – Crow John L., Occult Bodies: The Corporal Construction of the Theosophical Society, 1875-1935, thèse de doctorat en philosophie, Florida State University, 2017, p. 63.

Une autre représentation du concept théosophique de chaîne d’évolution, qui met en valeur le lien unissant les animaux aux humains et la position spirituelle plus avancée des hommes.
Illustration tirée de Jinarajadasa Curuppumullage, First Principles of Theosophy, Adyar, Theosophical Publishing House, 1922, p. 14.
13Cependant, là encore, la discrétion sur ces objectifs est de mise puisque tous les végétariens ne sont pas théosophes, ce dont avaient bien conscience les dirigeants (théosophes) de la SVF. Un certain nombre de médecins se montrent en effet convaincus de l’intérêt thérapeutique du végétarisme sans pour autant le rattacher à une cosmologie particulière et appartenir à un groupement ésotérique quelconque ; ainsi des Dr Henri Huchard (1844-1910), membre de l’Académie de médecine, Louis Pascault et Albert Monteuuis (1861-1922). Ce dernier est considéré par Baubérot comme l’un des inventeurs du naturisme moderne. Si son importance au sein du milieu végétarien ne fait aucun doute, Monteuuis s’inscrit cependant selon nous en premier lieu dans le sillon académique de la physiothérapie, car il se cantonne au domaine médical et accorde ses théories aux représentations dominantes du corps humain, perçu comme un transformateur électrique accumulant et produisant de l’énergie depuis les travaux physiologiques d’Auguste Chauveau (1827-1917)43 ; dans cette perspective, le végétarisme est ainsi privilégié car il serait moins énergivore que le carnivorisme. Bien que Monteuuis préfère parler de « naturisme » plutôt que de « physiothérapie », son type de naturisme ne s’inscrit pas dans le naturisme médical français des années d’entre-deux-guerres tel que nous l’avons caractérisé, puisqu’il ne s’inscrit pas, dans les textes, dans une contestation radicale du mode de vie occidental moderne. La distinction établie par Weisz entre holisme « pragmatique », se percevant comme évoluant au sein du courant médical dominant, et holisme « idéologique », dans le rejet explicite des valeurs médicales dominantes au nom d’une perspective holistique amenée à révolutionner la médecine44, nous semble à ce titre utile pour distinguer le naturisme médical des autres approches holistes « officielles » intéressées par l’emploi de techniques ou de remèdes naturels.
Le naturisme cartonien, entre référence et isolement
14Au sein du milieu naturiste, le Dr Paul Carton occupe une place d’honneur compte tenu de l’estime que lui porte ses collègues. Né à Meaux le 12 mars 1875, le jeune Carton poursuit d’abord de brillantes études de médecine au sein des hôpitaux de Paris et à l’Institut Pasteur45. Il souffre de la tuberculose dès 1901, mais parvient tout de même à soutenir, en 1903, une thèse en obstétrique qui sera primée par l’Académie de médecine46. Il publie alors dans différentes revues médicales des articles d’anatomie et de bactériologie, et devient même chef de laboratoire à la Pitié-Salpêtrière47. Cependant, comme dans d’autres récits de « conversion », l’expérience personnelle de la guérison l’amène ensuite à bouleverser son orientation médicale. Son état de santé se serait en effet amélioré, en 1906, grâce à une correction personnelle de son alimentation. Ajoutée aux résultats fructueux d’expérimentations menées à l’hospice de Brévannes où il travaille comme assistant depuis 1907, cette guérison lui fait embrasser les théories relatives à l’affaiblissement de l’organisme dû à une mauvaise alimentation soutenues dans le milieu végétaro-naturiste de l’époque. Le 15 mai 1911, suite à la publication de son premier ouvrage intitulé La Tuberculose par arthritisme (1911), il donne ainsi une conférence au siège de la SVF sur « La cure de la tuberculose par le végétarisme ». À cette époque, sa conception du végétarisme est très proche de celle des docteurs Monteuuis et Pascault, qu’il mentionne abondamment et qui ne prônent pas un végétarisme total. La revue Hygie, lancée en novembre 1907 par Jérôme Morand, le secrétaire général de la SVF, lui consacre alors une belle présentation biographique ponctuée par l’annonce de sa collaboration régulière à la revue48.
Un naturisme ésotérique
15Morand se distingue comme un théosophe impliqué, secrétaire de la branche « Le Disciple ». Cette influence est nettement perceptible dans les pages de sa revue, fondée dans une visée pratique et où le ton est moins médical que dans La Réforme alimentaire. De nombreux textes sur le végétarisme écrits par Charles Webster Leadbeater, l’un des principaux dirigeants de la ST, sont ainsi publiés dans le courant de l’année 191049. Surtout, Hygie publie en février 1912 un article d’Albert Louis Caillet (1869-1922) sur « L’harmonie de la vie humaine et l’anéantissement du mal50 ». Caillet est un ancien ingénieur reconverti dans l’étude des « sciences psychiques » qui se révèle fortement inspiré par la New Thought ; un mouvement éclectique apparu aux États-Unis durant la seconde moitié du xixe siècle, fortement relié au milieu magnétique puis théosophique, et uni par l’idée que l’esprit domine la matière et que la réalité de notre existence serait radicalement construite par nos propres pensées et croyances. En 1912, Caillet publie un Traité mental de culture spirituelle et un Manuel bibliographique des sciences psychiques et occultes en trois volumes, ainsi qu’une courte brochure intitulée Autotraitement psychique. Il fonde également la même année la Société unitive, qui a pour objet « l’Enseignement et la Pratique de la Science de la Vie, afin d’atteindre l’Harmonie individuelle et collective la plus élevée qui se puisse réaliser51 ». Le bulletin mensuel de la Société unitive paraît en outre, de novembre 1912 à décembre 1913, en tant que supplément à Hygie. Selon Carton, toutefois, sa rencontre avec Caillet n’aurait pas été permise par Morand, mais par un mystérieux médecin serbe, le Dr Petrovitch ; reste que cette rencontre lui ouvre les portes de toute une littérature occultisante qu’il consulte avec avidité. 25 ans plus tard, il affirme qu’à cette période :
« Dans l’ordre médical, les vulgarisations occultistes, un peu grossières, de Papus, et les données plus complexes d’Éliphas Lévi et de Caillet nous aidèrent beaucoup à apporter de la synthèse et de la clarté dans l’étude capitale de la constitution de l’univers (le macrocosme) et de l’organisme humain (le microcosme)52. »
16Cette rencontre l’amène à réécrire la première partie de son Traité de médecine naturiste, « écrite d’abord sur un plan matérialiste53 », et c’est donc en 1920 que ce traité est finalement publié. Épais de plus de 900 pages, cet ouvrage expose de manière complète la doctrine cartonienne déjà révélée en 1917 dans La Cure de soleil et d’exercices chez les enfants. Cette doctrine, que Carton présente comme étant « la médecine naturiste traditionnelle », repose sur sept principes essentiels :
« 1. L’homme doit être étudié avec toutes les attaches originelles et actuelles qui le relient à ses milieux naturels et non comme une entité isolée et indépendante.
2. Il est capital de connaître la constitution intime de l’homme et de distinguer en lui son corps physique, sa vitalité ou nature médicatrice, et son esprit ou psychisme, de façon à faire de la thérapeutique logique et intégrale.
3. Les causes premières et véritables de l’état de santé et de toutes les maladies doivent être recherchées avant tout dans des faits d’obéissance ou de désobéissance ou de désaccord avec les lois naturelles qui guident la vie et l’évolution humaines.
4. Il existe dans l’homme des forces naturelles médicatrices spontanées qui sont les meilleurs et les plus sûrs agents du maintien de la santé et de la production des guérisons.
5. Toutes les guérisons spontanées ou provoquées le sont invariablement par l’intermédiaire des réactions naturelles médicatrices, agissant spontanément ou stimulées par l’intervention thérapeutique. Sans elles, en effet, aucun médicament ne saurait agir ni guérir.
6. Les moyens diététiques et hygiéniques naturels constituent l’essentiel de toute thérapeutique, parce qu’ils sont les mieux appropriés à la vie physiologique des tissus, à l’entretien des forces vitales, au renforcement des défenses organiques et à l’évolution de l’homme.
7. Les guérisons véritables et persistantes ne peuvent résulter que du retour à l’obéissance aux lois naturelles54. »
17L’être humain, chez Paul Carton, n’est donc pas seulement un agrégat de molécules chimiques. Il est constitué de trois éléments, « l’esprit ou âme ou mental ou noyau psychique », la force vitale et le corps, unis dans une « personnalité » : tous doivent être pris en compte par le médecin, au même titre que le milieu qui l’entoure. Cette anthropologie ternaire, de son propre aveu, doit beaucoup à la littérature occultiste en général et à Caillet en particulier. Dans son Traité méthodique de science occulte (1891), Papus fournit en effet une définition de l’homme dans laquelle il reprend un propos de Lévi extrait de La Clef des grands mystères (1861) : « L’homme est un être intelligent et corporel fait à l’image de Dieu et du monde, un en essence, triple en substance, immortel et mortel55. » Pour lui, comme pour Lévi, « les trois principes désignés par la Science Occulte comme formant l’homme sont : 1) Le corps ; 2) Le médiateur plastique (corps astral) ; 3) L’âme56 ». Dans une perspective typique de l’ésotérisme chrétien, s’il déclare que « l’occultisme se différencie donc des théologiens en admettant un nouveau principe intermédiaire entre le corps et l’âme57 », Papus relève également que « le catholicisme lui-même, affirmant que Dieu fit l’homme à son image, et enseignant d’autre part que Dieu est un en trois personnes, donne par cela même la constitution de l’être humain déjà présentée par saint Paul qui enseignait l’existence du corps astral58 ». L’occultiste fait ici référence à des extraits de la Première Épître aux Corinthiens (1 Co 15:35-54) concernant les corps célestes et le corps spirituel – et non le corps astral comme l’entend Papus –, et à un passage de la première épître aux Thessaloniciens : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers ; et que tout votre être, esprit, et âme et corps, soit préservé irréprochable à la venue de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Th 5:23). Son influence sur Carton est nettement perceptible quand ce dernier se réfère à saint Paul dans le Journal du magnétisme : « Dans l’Antiquité, la triple nature de l’homme était bien connue des initiés. Au début du Christianisme même la notion de cette vérité n’était pas encore perdue, ainsi qu’en témoigne la distinction de Saint Paul en spiritus, anima et corpus59. » Dans son Traité, Carton conçoit le corps astral et l’anima (mais aussi le périsprit, le prana ou encore le fluide magnétique) comme des synonymes de la force vitale, qu’il considère, nous y reviendrons, comme « une des modalités de l’Energie universelle » qui « se trouve épandue partout dans la nature60 ». En outre, le vocabulaire qu’il emploie est particulièrement redevable des ouvrages de Caillet, pour qui la « personnalité » est également formée de trois principes répartis sur les plans mental, vital et matériel.
18Chez Carton, comme chez Papus et Caillet, cette anthropologie ternaire s’accompagne d’une critique sévère de la science matérialiste qui n’appréhende que le corps, et encore trop partiellement. Elle ignore de ce fait les causes réelles des maladies qui se trouvent toutes entières dans le non-respect des lois naturelles, un concept essentiel dans la pensée cartonienne. Il existerait en effet tout un ensemble de lois régissant la santé61, qui découleraient « naturellement » des lois qui régissent la Création et qui étaient connues depuis la plus haute antiquité par certains sages, dont Pythagore ; des lois que les dernières découvertes de la science moderne, notamment la thermodynamique, viendraient confirmer. Concernant la constitution de l’univers, ces lois seraient la loi d’incréation, « rien ne se perd, rien ne se crée », la loi de mouvement, « tout vibre, rien n’est inerte », la loi d’évolution, « rien n’est immuable, tout évolue », ou encore la loi de progression, caractérisée par « un élan persévérant de la vie universelle vers la création de formes matérielles de plus en plus perfectionnées62 ». Dans le domaine de l’alimentation et de la diététique – une science en plein développement comme l’illustre la fondation de la Société scientifique d’hygiène alimentaire et d’alimentation rationnelle de l’homme en 190463 –, qui occupe presque la moitié du Traité de médecine, d’alimentation et d’hygiène naturistes, les recommandations, générales et individualisées, doivent comme le reste être en accord avec les lois de la nature. C’est là, plus qu’une « question d’études théoriques, chimiques et calorimétriques », une « affaire de données naturelles, de bon sens et d’expériences cliniques pratiques64 » : l’étude de la structure des voies digestives humaines, la comparaison anatomique avec d’autres animaux, mais, surtout, les expérimentations sur des individus sains et malades. Cependant, des conceptions métaphysiques viennent également s’ajouter et orienter certaines règles générales, comme « la prescription et la conduite du régime végétarien » qui constitue « une réforme qui déborde le plan matériel65 ». Le carnivorisme était déjà perçu, nous l’avons vu, comme une faute à l’encontre des lois naturelles à la fin du xixe siècle, et un Carton initié à la littérature théosophico-occultiste ne peut qu’acquiescer à ce qu’il affirmait déjà en 1911, avant sa rencontre formelle avec les courants ésotériques, en parlant de « fautes d’alimentation66 ».
Des courants ésotériques au catholicisme : le sillon de La Revue naturiste
19Au-delà de ces lectures, Carton est personnellement en contact avec les acteurs du monde ésotérique. Il entretient ainsi une correspondance avec Paul Sédir (1871-1926), un occultiste et ésotériste chrétien, durant l’année 191867. Il est également proche du milieu théosophique, puisqu’il publie un article intitulé « Médecine blanche et médecine noire » dans le Bulletin de l’Ordre de l’étoile d’Orient68, une organisation théosophique censée favoriser l’arrivée d’un nouveau messie qui devait s’incarner dans le « véhicule » de Jiddu Krishnamurti (1895-1986), un jeune hindou qui est d’ailleurs pris en charge, ainsi que son frère Jiddu Nityananda (1898-1925) plus gravement atteint, par Carton au cours de l’année 192169. Cette proximité doit beaucoup à son amitié avec la théosophe Irma de Manziarly (1878-1956), directrice du Bulletin et présidente de la section française de l’Ordre de l’étoile d’Orient, que l’on retrouve dans les premiers numéros de La Revue naturiste. Cette publication lancée en janvier 1922 fait suite à la fondation de la Société naturiste de France, créée en janvier 1921 et qui comptait déjà 96 membres au mois de juin70, mais elle ne se présente pas comme l’organe de cette dernière. Il s’agit d’une « revue mensuelle indépendante » sur laquelle Carton conserve la main jusqu’à sa mort, mais qui accueille certains contributeurs à l’occasion, surtout dans les premières années. Georges Hébert (1875-1957), le promoteur d’une « méthode d’éducation physique naturelle », est de ceux-là.
20Carton et Hébert collaborent intimement, comme l’a remarqué Villaret en parlant d’un « naturisme héberto-cartonien71 ». La « méthode naturelle » de Hébert, d’une grande importance dans l’histoire de l’éducation physique en France, est exposée dans sa revue L’Éducation physique, ainsi que dans Le Code de la force (1911). Influencée par le naturisme américain de Bernarr Macfadden (1868-1955), dont Hébert traduit les travaux72, cette méthode évolue quelque peu pour finalement tenir « tout entière dans la formule suivante : grand air, pleine nature, nudité, pratique des exercices naturels et utilitaires : marche, course, saut, grimper, lever, lancer, défense, natation73 ». Pour son auteur, « éduquer physiquement un sujet ne consiste pas seulement à l’exercer méthodiquement », il faut également « arriver à en faire un “homme”, dans le sens le plus élevé du mot, c’est-à-dire un sujet possédant à la fois la vigueur physique, une santé robuste, l’énergie morale, et mettant ces qualités acquises au service du bien social74 ». Suite à sa rencontre avec Carton en 1912, L’Éducation physique d’Hébert, relancée en 1922, se fait un relais de choix pour la doctrine naturiste cartonienne, qui est présentée dès le premier numéro comme « La Médecine naturelle », avec un large extrait de La Revue naturiste à l’appui. Il est curieux de noter en passant que la revue d’Hébert accueille les contributions de Paul Le Cour (1871-1954), l’un des occultistes les plus actifs de son temps. En 1927, ce dernier fonde l’association et la revue Atlantis, dont le programme se montre tout empreint de conceptions ésotériques et de recherches sur le continent disparu. Avant cela, ce « fervent naturiste » profite de la tribune de L’Éducation physique pour évoquer son projet de création d’un Centre d’études atlantéennes qu’il voit comme le parfait complément à l’éducation physique proposée dans les palestres hébertistes75. Toutefois, cette exception mise à part, la revue est nettement moins orientée vers le spiritualisme que ne l’est La Revue naturiste. À ce propos, il est important de souligner que le spiritualisme de Carton, largement façonné par sa rencontre avec Caillet et le milieu théosophico-occultiste, évolue vers un catholicisme plus rigoureux à la suite de sa lecture des évangiles au cours de l’année 192376. Cette orientation nouvelle, qui se retrouve dès la publication de Bienheureux ceux qui souffrent la même année, le pousse à modifier certaines de ses références. Tandis que La Revue naturiste pouvait publier un texte de la théosophe Annie Besant en avril 192277, mais aussi des propos d’Éliphas Lévi en mars 192378, les références au Christ et aux évangiles se font de plus en plus fréquentes à partir du milieu des années vingt. Néanmoins, cette redirection spirituelle n’a pas d’impact sur la doctrine cartonienne, qui reste la même. Comme le note avec justesse son disciple André Schlemmer :
« Redevenu chrétien, Paul Carton n’a pas pour cela abandonné sa conception du monde et de l’homme, reçue de l’occultisme. Sa pensée en est tissée. Elle est entièrement unie à son œuvre médicale. Il n’a pas, à l’exemple de saint Paul, considéré comme “des balayures” tout ce qu’il a été et ce qu’il a pensé avant d’être chrétien. Sa foi est venue se couler en quelque sorte dans l’ensemble de sa pensée antérieure, à la place qui lui était comme préparée. Il n’a donc rien renié de ce qu’il avait pensé et écrit. Sa foi s’est incorporée à son système du monde ; elle l’a complétée, couronné : elle l’a très peu modifié79. »
21En effet, si Carton corrige à de nombreuses reprises, par souci de conformité théologique, les différents ouvrages écrits avant son retour à la foi catholique, le contenu fondamental de ses ouvrages, lui, ne change pas. Seuls quelques expressions ou passages trop indéfendables sur le plan théologique sont supprimés, notamment en ce qui concerne la métempsychose, au profit de certaines citations bibliques80, mais le cœur de sa doctrine reste le même81. À l’inverse, ce retour à la foi semble s’être accompagné d’un isolement de plus en plus marqué au sein du mouvement naturiste de l’époque, qui s’avère quant à lui toujours intimement et socialement relié aux courants ésotériques.
22La Société naturiste de France avait dans un premier temps connu un essor notable grâce à la publication de La Revue naturiste et de nombreux autres ouvrages82, passant de 96 membres en juillet 1921 à 91 membres actifs (s’abstenant de boissons fermentées, d’aliments carnés et de tabac) et 122 membres adhérents (s’engageant à s’abstenir de liqueurs alcooliques et à être sobre de boissons fermentées et d’aliments carnés) en octobre 1922. Ils étaient même 290 à faire partie de la Société en février 1924, mais le chiffre retombe à 250 en juin 1925. En cause, le changement des statuts de la SNF au mois d’avril 1925, qui interdit à ses membres de faire partie d’un autre groupement naturiste. Carton s’agace en effet des plagiats dont il se déclare victime et se met à critiquer durement les autres tenants du naturisme français. Cet agacement se transforme par la suite en obsession d’un complot mené par la franc-maçonnerie à laquelle seraient affiliés ses opposants, furieux de le voir révéler les « clefs des Mystères » qu’ils gardaient jalousement sans en reconnaître la vraie portée puisqu’elles consacreraient le catholicisme et le royalisme défendus par Carton83. Quoi qu’il en soit, le nombre des membres plafonne puisqu’il est seulement de 247 en décembre 1927, dont 25 médecins, quand bien même le nombre des abonnés à la revue ne cesse d’augmenter. Alors qu’ils étaient 480 abonnés en octobre 1922, ils sont en effet 1 000 en juin 1925, puis 1 400 en décembre 1927, parmi lesquels 104 médecins, 36 prêtres et 10 pasteurs84. Des filiales de la Société sont créées en 1931 à Lyon et à Bordeaux, dirigées respectivement par les docteurs Loras et Lapauze85, et la revue atteint bien les 2 500 abonnés en 193986, mais le groupement des fidèles à la doctrine cartonienne reste réduit, victime de l’isolement de son chef qui passe la décennie 1930 à critiquer les autres représentants du holisme médical, qu’ils soient homéopathes, acupuncteurs ou faux-naturistes. Ce nombre réduit de disciples n’empêche cependant pas son œuvre de connaître la postérité après sa mort en 1947.
23Dans la culture populaire, cette postérité doit beaucoup à la publication en 1943 du best-seller de Maxence Van der Meersch (1907-1951) Corps et âmes, qui met en scène le docteur Domberlé, un vieux médecin qui sauve la femme du personnage principal, lui-même médecin et désormais acquis aux théories médicales naturistes du Dr Domberlé/Carton87. Dans le milieu médical, les deux principaux disciples du Dr Carton, les Dr André Schlemmer et Jacques Chauveau (1896-1997), continuent de propager la médecine cartonienne jusqu’à leur mort. La Revue naturiste est publiée de 1949 à 1959, puis jusqu’en 1979 sous le titre Les Cahiers de la méthode naturelle. De plus, l’association des « Amis du Dr Carton » est fondée en 1948 à l’initiative de Van der Meersch. Elle publiera jusqu’en 2015 une revue intitulée Le Témoin de la loi naturelle et spirituelle88. Surtout, la postérité de Paul Carton ne s’arrête pas au cadre restreint des publications de ses fidèles. Elle englobe tout le mouvement naturiste français, qu’il a contribué à façonner en servant de référence et de point de repère, malgré des rapports personnels pour le moins houleux. Et ce n’est pas Jacques Demarquette, le « démarqueur » selon Carton, qui dira le contraire.
Jacques Demarquette et le « Trait d’Union » : au carrefour du naturisme médical
24Né à Paris en 1888, membre actif de la Société végétarienne de France dès sa majorité, le jeune Jacques Demarquette poursuit d’abord des études de dentisterie qui le mènent jusqu’aux États-Unis en 1908. Demarquette n’est en effet pas médecin, mais de nombreux médecins naturistes participeront de près ou de loin à son mouvement, au point que ce dernier, contrastant avec l’isolement sociologique de la Société naturiste de France, peut être considéré comme un véritable carrefour au sein du naturisme médical de l’entre-deux-guerres.
Un engagement naturiste théosophique
25C’est aux États-Unis que Demarquette aurait fait la rencontre des courants ésotériques. Selon son propre témoignage, publié dans une autobiographie au titre révélateur : Confessions d’un mystique contemporain (1965), il rejoint à cette occasion la loge théosophique de Philadelphie, rencontre des spirites, des Rose-Croix dans la mouvance de Max Heindel (1865-1919), et le groupe Mazdaznan d’Ernst Otto Haenisch (1856-1936). À son retour en France, il rejoint les théosophes français et s’engage au sein de la Société végétarienne de France. Accompagné par une certaine Mlle E. C. Verdereau, qui figure ensuite parmi les membres honoraires de la Société unitive, il fonde un Groupe d’action végétarienne le 17 mars 1912. Ce groupe entend diffuser la bonne parole végétarienne dans les milieux favorables à son expansion et constitue pour cela trois sections de travail : une section d’enquêtes physiologiques et économiques, une section ménagère axée sur la pratique, ainsi qu’une section sportive organisant des excursions et des camps d’été89. Cette organisation semble avoir inspiré la SVF, car cette dernière forme, en 1913, la Section d’économie ménagère et d’hygiène domestique ainsi que la Section d’éducation physique et de sports90. Demarquette a d’ailleurs la charge de l’un des groupes de cette dernière section, qui devait organiser des excursions et des campings aux beaux jours. Néanmoins, ce Groupe d’action végétarienne semble avoir rapidement vécu son existence propre, en dehors de la SVF malgré la présence de Demarquette dans son comité, comme en témoigne une lettre envoyée au Dr Ernest Nyssens aux alentours du mois de juin 191491. Dans cette lettre, Demarquette présente à son correspondant belge les activités de « la société végétarienne et naturiste le “Trait d’Union” ». Fondée en mars 1912 dans le but de promouvoir le végétarisme92, cette société compte désormais une centaine de membres après avoir organisé deux banquets végétariens, donné plusieurs conférences et tiré un tract de propagande à 4 000 exemplaires. Elle se donne pour but :
« 1) a) De rapprocher ses adhérents de la vie naturelle de l’homme, en leur faisant apprécier les bienfaits de l’exercice et des agents physiques : l’eau, l’air, la lumière solaire. b) De les amener insensiblement à la seule alimentation qui soit saine à tous les points de vue : l’alimentation végétarienne.
2) De créer des rapports amicaux entre naturistes et végétariens.
3) De faciliter la pratique du végétarisme par la création et le soutien d’organismes nécessaires : restaurants, boulangeries, dépôts, etc.93. »
26Si des tracts continuent d’être publiés en 1917, la guerre met toutefois un coup d’arrêt à cette entreprise. Dans la lettre qu’il avait adressée à Nyssens, Demarquette indique que le « Trait d’Union » attache une importance particulière « aux aspects moraux, philosophiques et sociaux de la réforme alimentaire ». En ce sens, les théories et attentes théosophiques imprègnent sa pensée naturiste et sa volonté de réformer l’homme et la société. Selon lui, cette réforme passe d’abord par une alimentation végétarienne, car :
« Une telle alimentation jointe à une hygiène intelligente, porte toutes les facultés humaines, à leur maximum. Exerçant une influence particulière sur le développement des qualités les plus nobles, elle hâtera la venue de l’ère nouvelle où l’humanité triomphante vaincra le mal94. »
27C’est donc avec de telles ambitions que le « Trait d’Union » est relancé, probablement à partir de l’année 1922. Pour Demarquette, cette date marque aussi la fondation de sa propre loge théosophique, la loge « Sattva95 », mais elle le voit surtout toucher un héritage qui lui permet de mettre un terme à ses activités professionnelles96.
28Les activités du « Trait d’Union » s’accélèrent alors à partir de l’année 1924 : la première École d’été idéaliste de Chevreuse est organisée et la Société coopérative de consommation du Trait d’Union est fondée. Situé à l’angle des rues parisiennes de Tolbiac et Bobillot, ce lieu est à la fois un restaurant végétarien où il est possible de manger à bas coût, une épicerie, une librairie et un foyer capable d’accueillir 45 personnes97. De son côté, l’École d’été, qui devient un « Camp d’amitié internationale », réunit sur un terrain de camping appartenant également au « Trait d’Union » des individus de tous pays venus assister à des conférences traitant de pacifisme et de naturisme. De plus, c’est aussi en 1924 que Demarquette publie son premier livre d’envergure, Le Naturisme intégral, dans lequel il expose sa conception personnelle du naturisme. Dépassant largement le cadre médical, son naturisme se veut également politique, social et éducatif. Les objectifs qu’il lui assigne répondent aux buts édictés avant lui par Carton, pour qui la destinée de l’homme était « d’arriver jusqu’à l’Intelligence Suprême qui est Dieu et de mériter progressivement ce bonheur infini98 ». En effet, Demarquette, qui avait auparavant évoqué des méthodes de méditation permettant d’obtenir « l’extase, c’est-à-dire l’expérience suprême de la communion de l’être fini avec l’infini, l’union temporaire de l’individu avec le tout », affirme par la suite :
« Une bonne règle de vie doit donc être calculée de manière à amener graduellement l’homme à ces joies supérieures par une existence saine, pure forte, profonde et harmonieuse, dans le libre développement de toutes ses facultés, de tous ses pouvoirs et dans leur transmutation progressive en des états toujours plus élevés de conscience, d’activité et de bonheur99. »
29Les buts ambitieux du naturisme de Demarquette sont ainsi affichés dès 1924, mais il faut attendre 1929 pour que soit publié Régénération100, le premier périodique d’un mouvement qui s’est entre-temps progressivement développé, notamment par la constitution de « rameaux » (entre 14 et 17 depuis 1924). Ces groupements locaux constitués d’au moins sept membres du « Trait d’Union » se réunissent pour pratiquer ou propager l’un des aspects de ce « naturisme intégral », soit le végétarisme, la culture physique, le camping, les bains de soleil, le pacifisme, l’antialcoolisme ou encore la protection des animaux. Or, si la théosophie oriente le naturisme de Demarquette, les actions du « Trait d’Union », composé pour un tiers de théosophes101, s’inscrivent en outre pleinement dans le cadre des activités de la Société théosophique102.
30À cette époque, ces activités sont en partie organisées par l’Ordre de service théosophique, une organisation ouverte aux non-théosophes lancée en 1908 par la présidente Annie Besant, et qui se donne pour but la diffusion des idéaux théosophiques par la promotion d’activités apparentées dans les domaines sociaux, économiques, politiques, éducatifs et médicaux. C’est en effet la volonté d’Annie Besant d’accentuer l’activité et l’influence de la ST dans le monde. Cette volonté découle des attentes messianiques qui animent alors le mouvement, mais elle est également liée à son activité de femme politique. Féministe et socialiste de renom avant son entrée au sein de la ST, Besant joue elle-même un rôle politique prépondérant dans le mouvement autonomiste indien en fondant en 1916 les Home Rule Leagues, qui ouvriront la voie à Gandhi dans les années vingt103. En 1927, Besant décide de réorganiser l’Ordre de service, désormais divisé en six domaines d’activité. Ce sont le « service social », soit des œuvres de charité en faveur des enfants, aveugles, malades, prisonniers et indigents ; la « paix mondiale », qui inclue la collaboration avec les autres mouvements pacifistes, les méditations en faveur de la paix et la ligue de correspondance ; les « arts et métiers », qui consistent en l’organisation de concerts, de représentations artistiques et de conférences ; mais aussi la « méthode de guérison », de nature spirituelle, par les rituels, l’emploi de lumière et de couleurs ; la « protection des animaux », en faveur du végétarisme et hostile à la vivisection et aux fourrures ; et enfin le « naturisme », pour favoriser les réformes alimentaires, tout en inculquant des notions d’hygiène (vêtements, exercices) et les « méthodes de la race nouvelle104 ». En France, l’Ordre se développe rapidement sous l’égide de Pascaline Mallet (1901-1989), fondatrice d’un groupement sportif naturiste pour enfants à Varengeville-sur-Mer105, mais les activités semblent surtout se concentrer sur la paix mondiale et le service social. Lors de son rapport pour l’année 1928, Mallet déclare : « Le Groupe de Naturisme n’a encore que très peu de membres à Paris et leur travail a été à peu près nul, sauf en ce qui concerne le chef de groupe M. Demarquette, qui est toujours très actif et fait de l’excellente besogne106. » Les affaires évoluent néanmoins, à la suite sans doute du remaniement organisationnel opéré par Demarquette à la suite de difficultés financières. En 1932, un membre du « Trait d’Union », le Dr Paul Thorin (1898-1975), devient en outre le nouveau serviteur national de l’Ordre de service théosophique. Le rapport qu’il donne des activités de l’Ordre l’année suivante se révèle très instructif. Ainsi, à Bordeaux, « le serviteur local est à la tête du Trait d’Union de Bordeaux qui fait dans le domaine du naturisme et des réformes sociales un excellent travail et qui a créé deux restaurants végétariens107 ». À Lyon, « les membres, là aussi, travaillent en collaboration avec le Trait d’Union pour la diffusion du naturisme et du végétarisme108 ». À Grenoble, « deux membres de la Société Théosophique s’occup[ent] de naturisme », tandis qu’à Marseille, outre un groupe naturisme organisant des randonnées, les membres de l’Ordre ont « aidé beaucoup de chômeurs soit par des espèces ou par des repas au restaurant végétarien du Trait d’Union ». Pour l’antenne de La Rochelle, l’année suivante, Thorin indique même : « Activité cantonnée au Naturisme. À la suite de la conférence de J. C. Demarquette, création d’un groupe naturiste local, et réunions, sorties de ce groupe, en vue de faire connaître l’idée et de faciliter les réalisations109. » Un dénommé Blutel, professeur de culture physique féru d’astrologie, fondateur en 1932 de la branche théosophique « L’Action » et membre du « Trait d’Union », s’y démène en effet pour diffuser les principes du naturisme théosophique de Demarquette. À Strasbourg, les activités des deux groupements semblent également se rejoindre. Une certaine Mme Kunlin fonde en effet l’Ordre de service de cette ville en 1928, tandis qu’un « Dr Kunlin », qui pourrait être le Dr Henri Kunlin (1874-1940), parent du chirurgien Jean Kunlin (1904-1991), est annoncé comme le vice-président du rameau strasbourgeois du « Trait d’Union » en 1933. Pour Demarquette, comme pour d’autres acteurs du groupement, le « Trait d’Union » paraît donc représenter un « travail extérieur » qui s’inscrit dans leurs activités de théosophes. Ce constat est d’ailleurs partagé par leurs concurrents de l’époque, qui peuvent à l’occasion qualifier le « Trait d’Union » de « Société naturiste de Théosophes110 ». Cependant, cette union n’est que temporaire et une rupture survient, probablement en lien avec les échecs de Demarquette à se faire élire au conseil directeur de la Société théosophique. En conséquence, le rapport délivré par Paul Thorin en 1936 souligne la léthargie dans laquelle serait tombé l’Ordre. Thorin, qui s’était entretemps éloigné du « Trait d’Union », en vient même à douter du bien-fondé de cette organisation, puisque selon lui le travail extérieur des théosophes semble pouvoir s’accomplir sans elle111.
Les médecins du « Trait d’Union »
31Le naturisme de Demarquette déborde largement le domaine médical, mais ce terrain n’est pas pour autant négligé. Des médecins occupent régulièrement les colonnes de Régénération, et parmi eux se distingue d’abord le Dr Marius Albert Dumesnil (1883-1971). Ce dernier est membre de la Rosicrucian Fellowship de Max Heindel, un ancien théosophe ayant séjourné auprès de Rudolf Steiner et dont les thèses se réclament du « christianisme de la Rose-Croix112 ». En parallèle de ses articles publiés dans les premiers numéros de Régénération, Dumesnil contribue ainsi également à L’Ère spirituelle, « une Revue philosophique mensuelle, dont le but est de contribuer à la diffusion de la philosophie des Rose-Croix et de ses enseignements sur les grands Mystères de l’Univers, de la Vie et de la Mort », dont il devient le rédacteur en chef en 1933. Dans ces deux revues, celui qui est nommé médecin-chef des services d’hygiène de la ville de Mulhouse en 1931113, se fait le promoteur d’un naturisme médical plutôt classique dans ses recommandations mais fondé sur des bases explicitement spiritualistes. Comme il l’affirme lui-même dans un article intitulé « Comment envisager la médecine naturiste » et publié dans le premier numéro de Régénération :
« Certes la médecine naturiste comporte des prescriptions importantes, une connaissance approfondie et un emploi judicieux des ressources alimentaires que nous prodigue la terre nourricière, l’usage rationnel et méthodique de l’air, de l’eau, du soleil, de l’exercice et du repos, mais si elle n’était que cela elle aurait droit seulement au sous-sol du Trait d’Union “société naturiste de culture humaine”.
[…] je dirais que je conçois la médecine naturiste comme une conscience plus haute et plus vaste de la Vie, de ses mécanismes, de ses ressources et des moyens de l’épanouir.
[…] Cette vie multiforme se répand et se manifeste sur un grand nombre de plans. C’est dire qu’en nous comme au dehors de nous elle est hiérarchisée. Le Principe supérieur commande à ses véhicules et à ses instruments. Donc ménageons et soignons ces précieux mécanismes par lesquels se manifeste et s’exprime l’impulsion vitale mais donnons plus de soin encore au Principe spirituel qui doit tout commander en nous, avivons sa lumière, intensifions son rayonnement.
Qui veut, pour une vie plus haute, trouver de l’aide dans la médecine naturiste doit donc se mettre dans une attitude d’humble recherche et de réceptivité à l’égard de la vie, attitude qui exclut le scepticisme, lâche renoncement à la vie, la crédulité signe de faiblesse d’esprit, et le dogmatisme, limitation imposée par l’orgueil114. »
32Concernant la maladie, il déclare encore :
« Si nous voulions aller au fond de cette question si complexe et si importante, nous verrions qu’en dernière analyse la cause première de la maladie est la contravention à la Loi Universelle. Nos erreurs sont les génératrices de nos maladies. L’observance de la Loi est la source de la santé sur tous les plans. Si nous allons à l’encontre des Lois de la Nature, celles-ci semblent se retourner contre nous. Ce que l’on a appelé la « colère divine » n’est que la mise en jeu de la Loi des Conséquences115 […]. »
33Le Dr Paul Thorin, amené par Demarquette à la théosophie où il exercera de hautes responsabilités, est également actif durant un temps au sein du « Trait d’Union », mais son activité militante ne concerne que très peu le domaine médical. Après sa thèse sur L’Héliothérapie dans le traitement de la laryngite tuberculeuse (1924), il tient d’ailleurs finalement un cabinet dentaire. À l’inverse, les réalisations du « Trait d’Union » dans le domaine médical sont notables dans le sud de la France, notamment par le biais de son rameau marseillais présidé par le Dr Jacques Louis Buttner (1876-1965)116. À son propos, un rapport des activités du rameau indique : « Il a rendu favorable au Naturisme et au Trait-d’Union six médecins de Marseille, notamment le secrétaire du Syndicat des Médecins et le Chef du service d’hygiène. Ils formeront une société des médecins naturistes de Marseille117. » Le 19 décembre 1933, la Société de médecine naturiste de Marseille (SMNM) est effectivement inaugurée par son président, le Dr Jérôme Casabianca (1889-1923), dermato-vénérologiste des hôpitaux118. Cette société, à laquelle adhèrent des médecins universitaires, se montre très active durant les années trente et contribue, comme nous le montrerons par la suite, à diffuser les théories naturistes dans les cercles médicaux officiels. Il paraît ainsi important de mesurer avec précision l’influence du « Trait d’Union » dans la formation de cette société, d’autant plus que son rameau marseillais entretient des liens très resserrés avec la Société théosophique ; Buttner étant lui-même un théosophe actif.
34Parmi ces médecins, le secrétaire du Syndicat des médecins est facilement identifiable. Il s’agit du Dr Clément-Jacques Foata (1872-1952), qui préside le rameau marseillais du « Trait d’Union » en octobre 1934, un an avant de devenir le secrétaire général de la SMNM où il succède au Dr Gaston Daniel (1891-1981), frère de l’hygiéniste municipal Albert Daniel. Gaston Daniel, lauréat de l’Académie de médecine119, est une personnalité reconnue du corps médical marseillais, ce qui explique sa nomination comme secrétaire général à la création de la SMNM, dont l’inauguration s’est faite en présence « d’éminents représentants de la Faculté de médecine et du corps médical marseillais120 ». Or, lui aussi se montre très actif au « Trait d’Union » où il délivre de nombreuses conférences et devient vice-président du rameau marseillais à partir d’octobre 1934. Son frère Albert, avec lequel il publie Arts et techniques de la santé (1937), écrit à Demarquette : « Bien souvent, en lisant vos articles, j’ai senti battre mon cœur au même rythme que le vôtre121. » Il évoque alors à quel point les remarques de Demarquette rejoignent le résultat des enquêtes qu’il a pu mener dans le cadre de ses fonctions, mais aussi les préoccupations des milieux hygiénistes de l’époque, qu’il rencontre lors des nombreux congrès auxquels il prend part. Si l’adhésion du Dr Foata et des frères Daniel au naturisme intégral du « Trait d’Union » semble évidente, l’identité des trois autres « médecins » de la SMNM supposément initiés au naturisme par Buttner est quant à elle plus incertaine. S’il s’agit du docteur Géo Beltrami (1881-1961), qui occupe la chaire magistrale de stomatologie de l’École de médecine de Marseille, son initiation naturiste aurait davantage été l’œuvre du mouvement « Vivre », fondé dans les années 1920 par Marcel Kienné de Mongeot (1897-1977). Ce mouvement, que nous présenterons plus loin, se distingue dans le milieu naturiste par l’importance qu’il accorde à la pratique de la nudité intégrale, alors que Carton et Demarquette s’opposent à cette pratique et préconisent de garder des sous-vêtements122. Beltrami fréquente « Les Naturistes de Provence », une section de « Vivre » qu’il représente même à l’occasion, mais il est vrai que Buttner se montre lui aussi actif dans cette section où il donne notamment une causerie, le 20 mai 1928, sur « Les microbes et la vie123 ». De même, Joseph Poucel (1878-1971)124, chef du service de chirurgie infantile de l’hôpital de la Conception, aurait de son propre témoignage rencontré « Les Naturistes de Provence » et découvert le nudisme intégral grâce à eux, tout en pratiquant déjà l’héliothérapie dans la tendance du médecin suisse Auguste Rollier (1874-1954)125. Aussi, alors que l’auteur du Naturisme et la vie (1933) donne une conférence au « Trait d’Union » en septembre 1936126, et bien que la communication qu’il délivre sous les auspices de la SMNM, le 17 novembre 1934, se conclue par un banquet au restaurant végétarien du « Trait d’Union127 », ces éléments ne suffisent pas à caractériser une influence décisive de Buttner. D’autres hypothèses concernant l’identité de ces trois autres praticiens restent toutefois envisageables, puisque la SMNM rassemble tout de même 25 médecins à sa création. Si l’influence de Buttner n’est peut-être pas aussi importante qu’annoncé, le « Trait d’Union » aura tout de même grandement contribué à développer le naturisme médical dans la région marseillaise.
35Cette influence a débordé les Bouches-du-Rhône, notamment par la création de six restaurants végétariens, dont trois à Paris en 1933, à une date où ils ne sont que 14, bien loin de la quarantaine d’établissements envahissant la capitale à la veille de la Seconde Guerre mondiale128. L’importance des réseaux de sociabilité disséminés dans tout l’hexagone, par l’intermédiaire des 22 rameaux en activité en 1933, n’est pas non plus négligeable. Ces lieux de rencontre où se tiennent de nombreuses conférences, dont un tiers environ sont consacrées aux aspects hygiéniques et médicaux129, dévoilent tout le dynamisme du milieu médical naturiste français. Parmi les personnalités proches du mouvement inscrivant leur propos dans le domaine médical, se distingue tout d’abord la figure de Spirus-Gay (pseudonyme de Joseph Jean Auguste Gay, 1865-1939). Ancien acrobate, il fait partie de ces cercles anarchistes naturiens qui jouèrent un rôle important dans la diffusion du naturisme en France par leur rejet ferme du capitalisme, bien qu’ils furent plutôt désertés par les médecins130. Demarquette considère le fondateur du « Vegetarium de Paris », promoteur du « vigorisme intégral », comme un « précurseur remarquable131 » et son œuvre « la première institution naturo-végétarienne à Paris132 ». Plusieurs de ses disciples figurent d’ailleurs parmi les premiers à rejoindre le « Trait d’Union133 ». Basile Vrochopoulos, dit « le Professeur Vrocho » (1892-1936), un proche du couple Célestin et Élise Freinet, fondateur à Nice en 1928 d’un Institut naturiste d’orientation fruitarienne134, échange également à l’occasion avec le mouvement de Demarquette, tout comme le Dr François Couillaud (1875-1963). Couillaud, qui écrit sous le pseudonyme de « Docteur de Rofia », édite la Revue cosmique de 1934 à 1937, où il développe des considérations médicales naturistes en accord avec la philosophie cosmique de Max Théon (pseudonyme de Maximillian Bimstein, 1850-1927), un occultiste qui compte parmi les dirigeants de la Fraternité Hermétique de Luxor avant de fonder son propre groupement ésotérique, le Mouvement cosmique135. Le dispensaire gratuit de la Société cosmique est situé non loin du local du « Trait d’Union », mais Couillaud, isolé de la première génération des disciples de Théon, reste un solitaire, et il n’est fait référence qu’à une seule conférence de sa part au « Trait d’Union136 ». D’autres médecins, qui ne sauraient être perçus comme des « médecins du “Trait d’Union” » du fait de leur inscription plus globale dans le mouvement naturiste, viennent également y donner des conférences. La doctoresse Jadwiga Eléonora Eliet (1901-1983) et son mari, le docteur Gaston Eliet (1901-1988), donnent tous deux une conférence annuelle, de 1934 à 1936, au rameau parisien du « Trait d’Union ». Gaston Eliet est chef de laboratoire à l’hôpital Saint-Louis tandis que sa femme, à travers l’Institut des forces vives dont elle assure la direction médicale, se distingue à cette période comme le principal relais médical en France de la méthode du Dr Maximilian Bircher-Benner (1867-1939), un naturiste zurichois célèbre et célébré par le « Trait d’Union137 ». Le Dr Jean Nussbaum (1888-1967) se retrouve également invité pour discuter « Les bases bibliques du Naturisme » et « La religion de l’alimentation138 ». Il faut dire que Nussbaum est un disciple des Adventistes du septième jour, une importante organisation religieuse chrétienne qui prône une réforme dogmatique mais également hygiénique, qui inclue l’abstention de viande, d’alcool et de tabac139. À partir de 1923, il publie des articles dans la revue du mouvement Vie et santé, où il fait la promotion du naturisme médical en compagnie d’autres médecins adventistes comme le Dr Perry Alfred de Forest (1867-1947)140 ; un médecin canadien qui participa, en 1904, à la fondation du sanatorium adventiste de Gland, en Suisse, et qui aurait joué un rôle important dans le développement du végétarisme en France selon Demarquette141.
36Enfin, il est probable que Jacques Demarquette se soit également illustré dans le domaine du naturisme médical derrière le pseudonyme de « Dr Parvus142 ». Ce pseudonyme commence par publier épisodiquement des articles dans Régénération à partir de la fin de l’année 1932, voire même avant. Traitant d’abord des « merveilles du corps humain » par le biais d’articles physiologiques sur la peau ou le sang, l’auteur compose surtout, sous le titre « L’alchimie de l’alimentation », une série d’articles « sur les aspects hermétiques de l’alimentation » qui sera publiée de 1934 à 1935, puis tirée à part143. D’autres contributions suivront, sur la gymnastique « vitalisante », l’ostéopathie et l’exercice physique jusqu’en 1950, mais le mouvement de Demarquette avait opéré un changement sous l’impulsion de son fondateur à partir de 1936. De retour d’un énième tour du monde, ce dernier entendait en effet faire franchir au « Trait d’Union » la troisième étape de son programme. Il affirme alors, en décembre 1936, que « c’est surtout le développement de notre activité spirituelle qui va faire l’objet de tous nos efforts144 ». Plus que jamais, la mission du « Trait d’Union » consiste à « travailler activement à la Renaissance spirituelle », et il propose pour cela de :
« créer des foyers de vie spirituelle sans étiquettes et sans dogmes, dans lesquels tous les hommes de bonne foi et les âmes ouvertes aux pures lumières de l’esprit pourront venir communier et surtout s’offrir pour servir de canaux à la diffusion des Forces Spirituelles sur les plans matériels145 ».
37Cette réorientation a probablement été inspirée par Alice Bailey, qui entendait œuvrer d’une manière similaire dans les années 1930, d’autant plus que Demarquette devient un instructeur du Lucis Trust pour la France vers 1932146. Quoi qu’il en soit, la revue Régénération prend pour titre Harmonie dès janvier 1937, et des cours d’entraînement spirituel et d’initiation à la philosophie ésotérique sont délivrés chaque semaine par ses soins. De plus, l’intérêt de Demarquette se tourne par la suite, avec un relatif succès, vers la philosophie et l’étude comparée des expériences mystiques147. En 1949, le « Trait d’Union » laisse même place à la « Famille Universelle » (puis Panharmonie, en 1958), une association qui concentre ses efforts sur le pacifisme et le dialogue interreligieux, mais dont le succès n’est pas le même. Aussi, si Demarquette reste une figure respectée du végétarisme après-guerre, comme en témoigne la présidence de l’Association végétarienne de France, section française de l’International Vegetarian Union, qu’il accepte d’occuper de 1953 jusqu’à sa mort148, son influence directe sur la popularisation du naturisme est bien plus réduite à partir de 1936, notamment au regard de l’œuvre de la famille Durville.
Le naturisme magnétique de la famille Durville
38Dans la famille Durville, se distinguent le père Hector et les trois frères, Gaston (1887-1971), Henri (1888-1963) et André (1896-1979). Ces quatre hommes illustrent la porosité des frontières entre courants ésotériques et médecine naturiste au plus haut point.
Le magnétisme de Durville père
39L’activité d’Hector Durville dans le milieu magnétique de la Belle Époque a déjà été évoquée en introduction. Suite à son arrivée dans la capitale, en 1877, Durville père entre en relation avec les magnétiseurs parisiens et obtient très vite des responsabilités. Dès l’année suivante, il publie La Revue magnétique et occupe le poste de bibliothécaire du Cercle électro-magnétique de Paris. Quelques mois plus tard, en accord avec son fondateur originel, le baron Jules du Potet, il relance le Journal du magnétisme. En 1887, il fonde la Société magnétique de France (SMF) et occupe dès cette date la position de secrétaire général, Papus tenant la vice-présidence. Comme l’indique l’article premier de ses statuts, cette société se propose à l’origine :
« 1) d’étudier une force connue dès la plus haute antiquité et désignée depuis Van Helmont sous le nom de Magnétisme que l’on observe dans le corps humain et dans toutes les forces de la nature […]
2) de démontrer que cette force est une force physique soumise aux lois de la polarité et qu’il est impossible de confondre ses effets avec les effets de l’hypnotisme.
3) de l’étudier par la méthode expérimentale dans ses rapports avec la physiologie, la psychologie et de travailler à l’établissement d’une thérapeutique du Magnétisme à la portée de tous […]
4) d’organiser des cours et des conférences149 […]. »
40Au cours de la séance d’inauguration, des membres de l’assistance se montrent soucieux de savoir si l’adhésion à la Société implique l’adhésion aux thèses d’Hector Durville, fameux pour sa théorie de la polarité du corps humain similaire à celle des aimants150, mais il leur est répondu que la Société n’impose aucune doctrine. Une correction est alors apportée au deuxième paragraphe, qui propose désormais : « 2) De démontrer que cette force est une force physique soumise à certaines lois que nous nous proposons d’étudier et de déterminer, et qu’il est impossible de confondre ses effets avec les effets de l’hypnotisme151. » Dans tous les cas, cette force magnétique ne saurait être simplement réduite à un phénomène d’autosuggestion. Un siècle après la controverse, les membres de la SMF arborent donc fièrement l’étendard de Mesmer, tout en soulignant que sa théorie était déjà connue bien avant lui.
41Certains membres de la Société sont médecins, mais d’autres, comme Hector Durville, ne le sont pas. Leurs travaux s’accompagnent cependant souvent d’une activité de guérisseur, ce qui ne manque pas de créer des conflits avec les syndicats médicaux qui se règleront au sein de l’arène judiciaire. Du 21 au 27 octobre 1889 est ainsi organisé à Paris un Congrès magnétique international pour l’étude des applications du magnétisme humain au soulagement et à la guérison des malades, qui voit ses participants demander la libre pratique de cette branche de l’art de guérir par les passes magnétiques et la création d’une école magnétique officielle152. En 1893, Hector Durville répond à ces vœux en organisant le premier Congrès pour le libre exercice de la médecine et en fondant l’École pratique de magnétisme et de massage, qu’il dirige jusque dans les années 1910. Cette école, reconnue comme école d’enseignement supérieur libre par l’université de Paris en 1895, possède ensuite durant un temps une antenne lyonnaise fondée à l’initiative de Papus et dirigée par le guérisseur Nizier Anthelme Philippe (1849-1905)153. Elle attribue des diplômes de masseur praticien et de magnétiseur praticien à ses étudiants, marquant un pas en direction de la structuration des deux professions, alors intimement liées154. Pour Durville, le massage n’est d’ailleurs qu’une « forme primitive et rudimentaire du Magnétisme » et « n’est réellement curatif que si le masseur est bien doué (magnétiquement) par la nature155 ». Un an plus tard, un syndicat des masseurs et magnétiseurs de Paris se constitue156, mais si en 1908 l’école peut se féliciter de compter sur 47 élèves et une clinique dirigée par le Dr Georges Pau de Saint-Martin (1846-1918)157, la police fait une descente dans la clinique au début de l’année 1911 qui se clôture par l’inculpation et la condamnation pour exercice illégal de la médecine de plusieurs membres de la SMF. Parmi eux Hector Durville, mais également son fils Gaston, tous deux fortement impliqués dans les activités de la Société.
Gaston Durville : de l’occultisme au naturisme
42Né en 1887, l’année de la création de la Société magnétique de France, Gaston Durville marche dès le plus jeune âge dans les traces de son père. Le 7 décembre 1908, à 21 ans, il donne à la SMF une conférence expérimentale sur les propriétés physiques des rayons magnétiques comparées à celles des rayon N158. À partir du mois de décembre de l’année suivante, alors externe des hôpitaux, il professe à l’École pratique de magnétisme et de massage un cours de physiologie commun aux deux divisions, succédant à Papus/Dr Encausse qui avait auparavant la charge du même cours. Au début de l’année 1910, il est nommé interne des hospices et devient l’interne de Paul Carton à Brévannes. Cette rencontre ne manque pas d’orienter sa carrière médicale dans une direction qu’elle n’aurait peut-être pas connue, mais pour l’heure, Gaston se concentre sur ses travaux concernant le magnétisme. En octobre 1910, il lance avec son frère Henri, alors secrétaire de la SMF et « chef de clinique » à l’École pratique, la Revue du psychisme expérimental. Cette revue entend étudier :
« tous les phénomènes qui, se produisant chez les êtres animés ou par un effet de leur action, ne semblent pas pouvoir s’expliquer entièrement par les lois et les forces de la nature déjà connues, c’est-à-dire les phénomènes du Magnétisme animal, de l’Hypnotisme, de la Suggestion, du Médiumnisme, etc.159 ».
43À l’image d’Hector Durville et de son Journal du magnétisme, le périodique s’inscrit également pleinement dans les thématiques des courants ésotériques de son temps, en témoigne sa rubrique « Revue des livres » qui traite aussi bien d’Hermès Trismégiste, que des Rose-Croix, de théosophie ou d’astrologie. Gaston Durville y défend l’existence des effluves humaines, relatant comment lui et 19 autres témoins ont vu des effluves gris s’échapper de ses mains alors qu’il opérait à la clinique de la SMF160. Au passage, ce témoignage aurait pu constituer un important élément à charge lors de son procès, alors que lui-même affirme n’avoir donné que des cours de clinique, en remplacement du Dr Pau de Saint-Martin, malade.
44Quoi qu’il en soit, Gaston défend l’année suivante une thèse de médecine sur le sommeil provoqué qui résonne avec son intérêt pour le magnétisme. Dédiée à son père qui « fut le premier de [ses] maîtres » et qui « inspira ces travaux », cette thèse affirme que la suggestion ne peut expliquer tous les phénomènes de l’hypnose. Il y donne là encore quelques faits en faveur de l’existence des effluves humains en s’appuyant sur ses propres expériences de magnétisme sur la pousse des végétaux161. Bien qu’il le fasse avec circonspection, Gaston n’hésite donc pas à porter à son tour l’étendard du magnétisme jusque dans le giron de la science162. Aussi, son père Hector ne peut que se féliciter d’avoir un fils docteur, qui « avec ce titre officiel, […] rendra de très grands services à la Société163 ».
45En effet, le jeune médecin lance dès la fin de l’été « la Fondation du Docteur Gaston Durville pour le Traitement des maladies par le Magnétisme, la Psychothérapie et les Agents physiques ». Il affirme ainsi être capable de modifier les lésions organiques et microbiennes par les passes magnétiques et de soigner les maladies nerveuses par la psychothérapie, notamment en renforçant la volonté par la suggestion164. Située au 2 rue Pétrarque, sa maison de santé est dirigée par Laure Raynaud (1868-1913), lauréate 1911 du Prix du Dr Durville de l’École pratique de magnétisme165, et dont le profil, révélateur du milieu magnétique de l’époque dans lequel baigne toute la famille Durville, mérite que l’on s’y attarde.
46Théosophe, comme Hector et Henri Durville166, Laure Raynaud a affirmé se souvenir de son existence antérieure dans une petite ville d’Italie et serait parvenue à fournir assez d’informations pour rendre son témoignage crédible. Ce dernier est popularisé par un article que Gaston Durville lui consacre dans les premiers numéros de Psychic Magazine167, la revue de son frère Henri, dont le tirage dépasserait « tous les journaux psychiques du monde » selon les Durville eux-mêmes. Guérisseuse réputée, Raynaud aurait jouit d’une grande popularité à Amiens avant de rejoindre la capitale en 1908 pour se former à l’école des Durville. Elle collabore ensuite avec Gaston et participe avec lui à ses nombreuses expériences de magnétisme, y compris celle concernant la momification d’une main de cadavre par des passes magnétiques qui fait grand bruit dans la presse et qui démontrerait, selon Gaston Durville, les effets de l’imposition des mains dans le ralentissement du développement des bactéries168. Raynaud meurt précocement d’un cancer foudroyant en décembre 1913169, mais la maison de santé lui survit.
47Comme son père l’avait espéré, Gaston Durville se fait plus que jamais l’actif promoteur du magnétisme humain. Dès octobre 1911, il devient vice-président de la SMF et codirecteur avec Hector et Henri du Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, suite à la fusion du Journal du magnétisme et de la Revue du psychisme expérimental. Il donne des cours d’anatomie, de physiologie et de clinique à l’École pratique de magnétisme et de massage, et il délivre de nombreuses conférences à la SMF sur les phénomènes de lucidité, les énergies inconnues ou encore l’occultisme scientifique. Il participe également activement aux deux premiers Congrès internationaux de psychologie expérimentale, organisés de concert avec les membres de sa famille, en 1910 et 1913. Le 12 janvier 1912, vraisemblablement en lien avec le procès des Durville, l’École pratique de magnétisme et de massage devient pour quelque temps l’École de psychisme expérimental, et la présentation des cours, poursuivant les travaux présentés dans les congrès, se veut plus théorique et moins axée sur la pratique magnétique. Gaston en prend la direction et se retrouve en charge de quatre cours. Ceux-ci concernent la psychologie de l’inconscient et des états seconds, l’éducation et la rééducation psychiques, les forces émises par l’homme, et la psycho-physiologie, une terminologie volontairement scientifique désignant l’étude des effets du mental sur le corps170. Un dispensaire de psycho-physiologie, dans lequel Gaston exerce ses qualités de médecin, semble même avoir remplacé la clinique de l’École pratique171. Cette stratégie discursive, qui relègue le terme de magnétisme, trop connoté, s’accorde avec l’ambition de souligner le caractère scientifique de la démarche des Durville. Elle accompagne également la création de la Faculté libre des sciences psychiques fondée par Gaston à la suite du congrès de 1913, et dont il affirme être le doyen172.
48Cependant, le magnétisme ne constitue pas le seul centre d’intérêt de notre homme à cette époque. Ayant pu constater par lui-même les bienfaits d’un changement de régime et d’environnement chez ses patients à Brévannes, Gaston Durville accorde une attention grandissante aux principes médicaux naturistes durant la décennie 1910. Il publie d’abord un compte rendu positif de la Tuberculose par arthritisme de Carton dans le numéro de juin 1911 de la Revue du psychisme expérimental173. En octobre de la même année, il publie dans le Journal du magnétisme un article concernant le trac des artistes et son traitement. Ce traitement s’articule en deux temps : une attention portée à l’hygiène (insistant sur la suppression des viandes noires et de l’alcool, l’emploi de douches tièdes et d’exercices au grand air) complétée d’une rééducation psychique par la suggestion174. Durville déclare notamment croire que « sédentarisme et suralimentation sont […] les deux grandes causes de neurasthénie et d’arthritisme175 ». Les grands principes médicaux du naturisme n’étaient cependant pas inconnus de son père.
49Hector Durville, reconnaissant les vertus magnétiques du soleil, avait notamment pu préfacer en compagnie de Papus le Traité complet d’héliothérapie (1911) d’un ancien élève de l’École, un certain Léo Chadour176. De même, dans ses conseils pratiques contre les diverses maladies susceptibles d’être rencontrées, cet admirateur de Kneipp ne manque pas de donner quelques recommandations d’hygiène et d’hydrothérapie parmi les moyens auxiliaires susceptibles de faciliter la guérison qu’il présente à ses lecteurs177. Néanmoins, c’est bien par le magnétisme, cet agent curatif universel, qu’il entend avant tout soigner les malades. Cette importance accordée au magnétisme diminue quant à elle progressivement dans les écrits médicaux de son fils Gaston. En février 1912, ce dernier rend compte avec un enthousiasme débordant du récent ouvrage de Carton et affirme tout haut : « Partisan de toute thérapeutique naturelle, puisque je vante les bienfaits de la physiothérapie, de la psychothérapie et du bio-magnétisme, je ne puis donc qu’applaudir au nouvel ouvrage du Dr Carton Les Trois aliments meurtriers178. » La lutte contre la suralimentation carnée devient alors peu à peu un véritable cheval de bataille. En mars 1912, dans le compte rendu positif qu’il fait de Traitement mental et culture spirituelle de Caillet, il relève que par ses recommandations diététiques végétariennes, l’auteur « est tout à fait d’accord avec [s]es idées, et celles de [s]on distingué maître le Docteur Carton (de Brévannes)179 ».
50Il convient au passage de s’interroger sur le rôle que Gaston Durville a pu jouer dans l’adhésion de Carton aux théories circulant parmi les courants ésotériques. Carton était bien au fait de l’intérêt de son interne pour le magnétisme, car son nom est inscrit dans la liste du comité de patronage de l’École de psychisme expérimental censée remplacer l’École pratique de magnétique et de massage180. Brouillé avec Durville à l’heure d’écrire ses mémoires, il aurait eu beau jeu de cacher le rôle joué par ce dernier dans son parcours intellectuel, mais son nom n’apparaît pas davantage dans les correspondances d’époque concernant les premiers amours de Carton avec les courants ésotériques et publiées dans La Revue naturiste après sa mort. Du reste, Gaston Durville note avec plaisir la conversion de Carton aux théories circulant dans les courants ésotériques auxquels il appartient. Il commente ainsi un extrait de La Vie sage (1918), un ouvrage de Carton composé de Commentaires sur les vers d’or des pythagoriciens et « destiné à des initiés181 » :
« Du Naturisme, Carton est venu à l’occultisme ; c’était fatal. L’étude de la Nature de ses beautés et de ses lois conduit nécessairement le chercheur vers les domaines de la pensée, vers “l’occulte”. Carton a senti les grandes lois d’harmonie qui dirigent le monde, et il a écrit : “La Vie Sage”182. »
51Cela n’empêchera pas les deux hommes de rapidement s’opposer. Gaston Durville a certes pu rendre hommage à Carton dans l’introduction d’une conférence délivrée le 26 avril 1912 sur « L’art de vivre longtemps » en déclarant : « Ma conviction, je la dois en grande partie au meilleur de mes maîtres, le Docteur Carton ; vous exposer mes idées c’est donc en même temps lui rendre justice et le remercier183. » Cependant, cette formulation indique que Durville entend exposer des idées qu’il estime être siennes, ce qui ne manque pas d’agacer Carton qui l’accuse par la suite de plagiat184. Rien de très original pourtant quand il affirme que « savoir manger et boire d’une part, savoir respirer d’autre part, savoir ne pas s’empoisonner enfin par les résidus de notre combustion cellulaire, c’est savoir vivre vieux185 ». Cette conférence n’en donnera pas moins lieu à la publication sous le même titre d’un ouvrage qui peut être considéré comme le premier ouvrage naturiste de Gaston Durville186.
52En août 1912, Gaston et son frère Henri deviennent membres de la Société végétarienne de France, et le 12 avril 1913, Gaston fait une conférence à la SVF sur l’art de vivre longtemps187. À cette période, il perçoit le naturisme et le magnétisme comme deux doctrines complémentaires. La guerre vient interrompre ses écrits et sa pratique médicale en cabinet, en même temps qu’elle lui permet de nouer des liens forts avec son jeune frère André, qui sert sous ses ordres dans un groupe de brancardiers, mais elle ne l’arrête pas dans sa promotion toujours plus marquée du naturisme médical. En janvier 1920, il rédige notamment pour le Journal du magnétisme un article intitulé « La Santé par le Naturisme » qui préfigure La Cure naturiste (1921), cet ouvrage imposant publié l’année suivante et qui constitue, à la manière du Traité de médecine de son ancien maître, l’œuvre de référence de la médecine naturiste qu’il souhaite promouvoir. Définitivement holiste dans son orientation, cette médecine « se propose pour but de ramener l’harmonie troublée en traitant non pas la maladie, mais le terrain sur lequel celle-ci évolue188 ». Moins ouvertement spiritualiste que la doctrine cartonienne, la cure naturiste de Gaston Durville en reste au domaine « physique » tout en affirmant que la maladie ne saurait être le fruit du hasard. Pour elle aussi, « c’est en violant, consciemment ou non, les Lois de Nature que l’homme a attiré à lui la Maladie189 ». Cette dernière résulte d’un trouble dans le rythme d’aspiration et d’élimination successives dominant chaque être vivant, un trouble généralement créé par les conditions de vie modernes. La cure naturiste permet de restaurer cette harmonie, en faisant attention à ne pas troubler l’effort de l’organisme pour la recréer de lui-même. Elle englobe classiquement la cure alimentaire, la cure d’air, la cure de soleil, la cure de mouvement, la cure d’eau et la cure morale, tout en accordant un rôle thérapeutique majeur au magnétisme.
53Cet ouvrage est édité par Henri Durville, qui ne ménage pas ses efforts pour publier les travaux de son frère. En effet, c’est déjà lui qui, aidé de son père, avait publié L’Art de vivre longtemps, dont les pages indiquent qu’Hector et Henri « se sont [notamment] spécialisés dans l’édition des ouvrages traitant de Naturisme […] Médecine usuelle […] Sciences psychiques ». De plus, Henri édite la même année que La Cure naturiste treize brochures de seize pages chacune reprenant les différents aspects de l’ouvrage principal de son frère190. Lui aussi semble convaincu des bienfaits de la médecine naturiste et de ses principes hygiéniques, au point d’œuvrer également à leur diffusion dans une perspective qui, au contraire de celle de ses frères, s’inscrit dans une démarche initiatique revendiquée et durable.
Les naturismes entremêlés d’Henri, Gaston et André Durville
54En 1921, Henri Durville annonce l’existence d’un centre initiatique où ses disciples et lui se plaisent « à feuilleter ces vieux ouvrages où dort la sagesse du monde, à déchiffrer les énigmes que les Sages durent employer au temps de la persécution, à retrouver dans les symboles des anciennes religions, dans le secret des initiations antiques, les pensées directrices de leur enseignement191 ». Cet enseignement, qui autorise « un développement intégral de tout l’être », il se propose d’en donner un aperçu condensé dans La Science secrète (1923). L’hygiène naturiste constitue alors la première étape de cette démarche initiatique en redonnant au corps sa force et sa puissance. Durant l’été 1923, l’intérêt naturiste d’Henri se concrétise par la création de la Fondation Henri Durville, au 64 rue Charles Laffitte, à Neuilly-sur-Seine. De manière similaire à la Fondation Gaston Durville lancée en 1911, cette maison de santé se propose de traiter les maladies organiques, nerveuses et morales par le naturisme et la rééducation psychique. Comme son frère Gaston, Henri est convaincu « que le Naturisme allié au Psychisme est capable d’accomplir de véritables miracles là où la médecine médicamenteuse est impuissante ». Il intitule alors sa méthode la « Médecine psycho-naturiste192 ». Henri n’étant toutefois pas médecin, il est aidé dans sa tâche par le médecin-chef de la fondation, le Dr Marcel Viard (1884-1979). Formé à la psychologie appliquée, Viard publie d’abord L’Art de penser et le développement rationnel des facultés mentales (1913). Cet ouvrage au titre explicite est diffusé par les Durville avec qui il partage une croyance commune aux bienfaits de la psychothérapie et de l’hygiène naturiste combinées. Viard contribue ainsi à donner à la fondation Henri Durville une orientation médicale très similaire aux deux maisons de santé de Gaston.
55En effet, ce dernier semble avoir abandonné son établissement du 2 rue Pétrarque pour s’installer avec son frère André au 15 bis rue Cimarosa, dans le 16e arrondissement de Paris. En 1923, ils renomment « Institut de médecine naturelle » un lieu où « les maladies du corps [sont soignées] sans médicaments par l’application des moyens offerts par la Nature » et « les maladies de l’esprit par la Méthode Psychique ». Ils lancent en parallèle La Vie sage, une « revue mensuelle de naturisme et d’éducation psychique », et s’éloignent progressivement des affaires magnétiques de leur père. À son décès, c’est bien leur frère Henri qui reprend officiellement les rênes de l’entreprise, mais leurs activités, dont la thèse d’André sur « L’Action de la pensée sur les phénomènes de nutrition cellulaire » (1924), ne s’en inscrivent pas moins dans le sillon tracé par l’œuvre paternelle. Bien qu’elle soit lacunaire à la Bibliothèque nationale, la collection des numéros de La Vie sage le révèle à la consultation. Comme chez Henri, le naturisme de Gaston et André s’inscrit au départ dans une démarche initiatique. De la réclame est ainsi faite pour un « cours supérieur d’entraînement physique et mental par correspondance ». Il est réservé à ceux de leurs « adeptes » qu’ils estiment « capables d’en bénéficier » et se trouve constitué d’« exercices gradués [qui] conduisent progressivement l’élève à la maîtrise de ses facultés physiques et mentales et l’amènent, si ses possibilités le permettent, à l’entraînement supérieur du fakirisme ». Ces exercices enseignent « à créer un idéal et à travailler énergiquement à sa réalisation ». Ils apprennent à l’adepte « à s’autosuggestionner sainement », « à augmenter sa volonté », « à agir sur lui-même, sur ses semblables, sur les animaux, etc.193 ». L’influence familiale est ici évidente, et des causeries sont d’ailleurs délivrées par les deux frères dans une veine similaire aux conférences expérimentales de la SMF. Les services médicaux proposés par l’Institut de médecine naturelle viennent également refléter cette affiliation en proposant un service de massothérapie pour le traitement des maladies de la nutrition, de la circulation et des voies respiratoires. Tandis qu’un service d’électrothérapie où le système Iodko-Durville, du nom de Yakov Ottonovich Narkevich-Iodko (1847-1905) – un biélorusse pour qui l’électricité et le magnétisme ne sont que les effets différents d’une unique force motrice194 –, est mis en application dans la cure des différentes névroses et asthénies. De façon moins évidente, l’héritage familial se retrouve aussi dans le service de radiologie par les examens aux rayons X. La découverte de Wilhelm Conrad Röntgen (1845-1923), perçue comme s’inscrivant à la suite des photographies de radiations magnétiques de Narkevich-Iodko, avait en effet grandement attiré l’attention du milieu magnétique195.
56Un virage s’opère toutefois durant la seconde moitié des années vingt. En mai 1929, La Vie sage n’est plus qu’une « revue de naturisme » et l’accent est désormais mis sur le naturisme de loisirs. Les références au magnétisme deviennent rares et la question psychique n’est plus autant mise à l’honneur. Si ce constat ne signifie pas pour autant la disparition de ces éléments, loin de là, les efforts des frères Durville sont désormais tout entiers tendus vers la fondation de la cité naturiste de Physiopolis, sur l’île du Platais à Villennes-sur-Seine. Avec Héliopolis, créée trois ans plus tard sur l’île du Levant, près de Hyères, elle constitue leur principale réalisation. Ces cités naturistes ont cependant déjà largement attiré l’attention des historiens, aussi notre propos à ce sujet sera des plus brefs196. En 1927, André et Gaston Durville fondent une « Société naturiste » dans l’optique d’aménager un terrain proche de Paris qui permettra le développement des activités sportives de plein air dont ils se font les ardents promoteurs. Deux ans plus tard, 24 hectares de terrain sont achetés, dont huit revendus en lopins de terre individuels aux membres de la Société naturiste et les seize derniers aménagés en divers stades, jardins et terrains de jeu à usage collectif197. L’idée est lancée de consacrer l’un de ces stades à la pratique du nu intégral, et en mai 1929, les frères Durville se posent comme les grands promoteurs du nudisme198. Toutefois, sous l’effet du climat préfectoral, le vent change rapidement sur l’île, ce qui oblige les Durville à enfiler leur veste nouvellement retournée (ou plutôt leur cache-sexe, désormais officiellement imposé). Ce renoncement s’avère payant et assure le formidable succès de « l’île des naturistes ». Début juin, ils seraient ainsi près d’un millier à être venus sur l’île un dimanche pour se baigner, faire du yoga, de la danse rythmique, ou bien divers sports variés. Ce chiffre va en augmentant au fil de l’été, bien que la décision soit prise de réserver l’accès de l’île aux membres de la Société naturiste et à leurs familles. Cette décision aurait alors eu pour effet de faire passer le nombre d’adhérents de 150 en 1929 à 1 800 en 1930199. Ce succès encourage les Durville dans leur virage naturiste puisque La Vie sage est remplacée par un périodique publié à 50 000 exemplaires intitulé Naturisme. En outre, une opération similaire à celle de Physiopolis est rééditée à une plus grande échelle, incluant la construction d’un véritable village avec son école et son bureau de poste sur l’île jusqu’alors quasi-désertique du Levant : Héliopolis.
57En 1931, l’inauguration officielle de Physiopolis réunit 2 500 personnes dont le représentant du sous-secrétaire d’État à l’éducation physique et le directeur de cabinet de Camille Blaisot (1881-1945), ministre de la Santé publique. Celui-ci assure les Durville de l’appui des pouvoirs publics, également soucieux de la reconstruction de la « race française200 ». Ce soutien politique perdure dans les années trente et sous le Front populaire, permettant aux deux frères de recevoir la Légion d’Honneur, en 1932 et 1937201. Cette récompense vient couronner le changement d’orientation des Durville vers un naturisme qui, en se recentrant sur l’apparence physique et le bien-être, s’inscrit davantage dans le développement des loisirs stimulé par les premiers congés payés que dans le domaine médical. Villaret relève toutefois que Physiopolis reste « le lieu d’application des doctrines naturistes “durvilliennes” » et « s’affirme comme le prolongement logique de l’Institut médical », tandis qu’Héliopolis se distingue aussi comme « un lieu de cure » puisqu’on y trouve une filiale de leur institut parisien202. Il est vrai que l’activité professionnelle des docteurs Durville ne se limite pas à la gestion de ces cités et à la commercialisation des produits alimentaires Madolin et Basor203. Leur pratique médicale se prolonge au moins jusqu’à la fin des années trente, et elle s’inspire toujours autant de leur expérience de magnétiseurs.
58Cette activité s’exerce notamment deux fois par mois à l’Institut naturiste de Caen, une maison de santé fondée en 1929 et similaire à l’Institut de médecine naturelle, à l’instar d’autres filiales ouvertes à Toulouse, Aix-en-Provence et Lyon204. En 1934, l’Institut de médecine naturelle, rebaptisé « Institut naturiste », ouvre un service d’électrographie humaine « pour l’enregistrement et la mesure des courants mystérieux qui, parcourant l’être humain, sont à l’origine de l’élaboration de nos pensées et de la contraction de nos muscles205 ». Les instruments de ce service permettent désormais aux docteurs Durville :
« De déceler les variations de la polarité humaine, dont les travaux d’Hector Durville avaient, depuis longtemps déjà, établi l’existence ;
De mettre en évidence le dynamisme vital, c’est-à-dire les courants humains dont Hector Durville, sous le nom de courants magnétiques, avait révélé les curieuses propriétés. […]
De diagnostiquer la plupart des maladies du cœur206 […]. »
59Des massages vertébraux inspirés par l’œuvre d’Hector Durville sont également pratiqués, et à partir de novembre 1938, Naturisme inaugure une rubrique « Psychisme » dans laquelle des anciens articles d’Hector Durville sont republiés. Au final, Baubérot avait plutôt visé juste en relevant que « le “psycho-naturisme” des Durville apparaît comme une synthèse du naturisme cartonien et de la “médecine psychique”, version sécularisée du mesmérisme207 ». Selon nous, l’œuvre médicale de Gaston et André Durville apparaît en effet comme la synthèse des œuvres de leur père et de Paul Carton, les deux maîtres reconnus par Gaston, et ceci jusqu’à la fin des années trente au moins208. La même chose pourrait être dite de l’œuvre d’Henri Durville, bien qu’un certain déséquilibre en faveur de « l’aspect Durville », l’aspect « magnétique », semble ressortir. En effet, après le départ de Viard en 1925, le Dr Jean Martinie, présenté comme un « partisan déterminé du magnétisme et du psychisme occidental209 », devient le nouveau médecin-chef de la fondation Henri Durville alors que son intérêt pour le naturisme se révèle limité. De plus, les efforts d’Henri Durville sont principalement tendus vers le développement de sa société initiatique, l’Ordre eudiaque, qui connaît un beau succès à la suite de sa fondation en 1928 (10 000 membres sont même évoqués en 1940).
Quand le naturisme tombe les voiles : « Vivre » nus !
60Marcel Viard quitte donc le mouvement des Durville assez rapidement, dès le début de l’année 1925, pour rejoindre un autre groupement où il aurait rencontré Marcel Kienné de Mongeot. Ce groupement est centré autour de l’Institut de psycho-physique appliquée (IPA) de Louis Gastin (1884-1969), un personnage dont la trajectoire bio-bibliographique illustre la proximité qui unit les différents courants ésotériques de son temps et qui mérite à ce titre d’être retracée210.
L’œuvre de Louis Gastin : catalyseur de la rencontre entre Viard et Kienné de Mongeot
61Ainsi, le jeune Gastin fonde dès l’année 1906 un groupe d’études psychiques dans son Avignon natal en parallèle de son admission au sein de l’Ordre martiniste211. Quelques mois plus tard, il monte à la capitale pour étudier à l’École hermétique de Papus, mais aussi à l’École pratique de magnétisme et de massage des Durville, où Papus enseigne la physiologie. fraîchement diplômé de l’école des Durville, il ouvre à Avignon un cabinet de massage dans lequel il pratique aussi le magnétisme212. De 1908 à 1910, il dirige dans le même temps la revue Les Petites annales, dont le comité de direction scientifique est présidé par Papus. Cette direction de revue en appellera de nombreuses autres après la guerre, qu’il vivra comme membre éphémère de la Société théosophique, secrétaire de la branche « Agni » de Nice213. Dès 1918, à Marseille et en compagnie de son ami Albert Jounet (1863-1923), « un Kabbaliste chrétien de la Belle-Époque214 » proche de Guaita et Péladan, il relance la revue La Synthèse, qui tient haut l’étendard du spiritualisme. Les deux compères fondent également l’Institut des hautes sciences et l’Université libre des sciences hermétiques, qui comporte une clinique médico-hermétique où la consultation et le traitement des maladies se font « selon les données traditionnelles vérifiées par la science moderne » et « sous la surveillance technique des médecins215 ». En 1919, c’est la revue L’Étoile et la Fraternité de l’Étoile qu’ils ressuscitent avant de retourner à Nice et de lancer Le Sphinx et l’Université du Sphinx, qui entend « préconise[r] et facilite[r] par tous les moyens la coordination des travaux et de la pensée de tous les spiritualistes sans distinction de sexe, de race, de croyance ou de tendance216 ». Infatigable, Gastin remonte à Paris en 1921 pour ouvrir une « École Hermétique », puis devient très proche des cercles spirites.
62En décembre 1922, il fonde le Groupe de recherches psychiques de Paris, qui deviendra brièvement la Commission technique d’étude et de contrôle des phénomènes psychiques de l’Union spirite française (USF), suite à sa nomination en mars 1923 comme secrétaire général de l’USF217. Fâché avec certains spirites, comme il avait pu se fâcher avec certains théosophes, Gastin quitte l’USF en avril 1924. Le Groupe de recherches psychiques devient alors, le 16 novembre 1924, la Société française d’études psycho-physiques. Ses buts sont « l’étude et la vérification, tant expérimentale que rationnelle, des faits dits “psychiques” et de tous les phénomènes physiques, biologiques ou psychologiques mal définis qui s’y rattachent218 ». Le mois suivant, La Science de l’âme et ses applications pratiques, un « journal illustré de Psycho-physique appliquée », est publié avec l’aide administrative de l’éditeur spécialisé Paul Leymarie (1867-1955). Enfin, en janvier 1925, l’Institut de psycho-physique appliquée s’installe matériellement à Paris, au 25 rue des Apennins. Dans cet immeuble, les principes de la psycho-physique, « la science de l’âme dans ses rapports avec la nature sensible », sont censés être appliqués pratiquement, ce qui se concrétise notamment par l’ouverture d’une « clinique populaire d’hygiène mentale » où des consultations sont données « pour la détermination de la vocation chez l’enfant » et « pour la correction des déviations mentales et morales219 ». Si Gastin donne à la psycho-physique l’ambition de démontrer la réalité des capacités télékinétiques de certains grands médiums et de déterminer les effets biologiques des radiations humaines, poursuivant ainsi des buts tout à fait similaires à ceux des Durville et de la Société magnétique de France, son enseignement se résume surtout à la méthode de psycho-diagnostic mise au point par Gastin lui-même. Cette méthode entend déterminer le tempérament individuel, c’est-à-dire les traits physiques et psychiques propres à chacun, par la synthèse, personnelle à Gastin, des anciennes « sciences conjecturales » que sont la graphologie (étude de l’écriture), la chirologie (étude de la main), ou encore la physiognomonie (étude du corps et du visage).
63Marcel Viard participe ainsi à partir d’avril 1925 à l’Institut de psycho-physique appliquée, où il se partage la direction de la clinique d’hygiène mentale en compagnie du Dr Pierre Vachet (1892-1981), un spécialiste des questions d’ordre psychique. Ce dernier soutient en effet, en 1915, une thèse de médecine sur « Les troubles mentaux consécutifs au shock des explosifs modernes », puis donne des cours à l’École de psychologie du Dr Edgar Bérillon (1859-1948)220. Dès 1920, il s’affirme comme un disciple, certes fugace, du célèbre Émile Coué (1857-1926)221, lui-même théosophe et proche de la Société magnétique de France avant-guerre, et dont les thèses sont relayées à l’École de psychologie, comme Hervé Guillemain a pu le relever dans son importante étude sur la méthode Coué222. Vers 1923, la présence de Vachet est remarquée à la Société unitive, où il délivre une conférence sur le thème de l’inconscient223. Sa rencontre avec Gastin a pu se dérouler à cette occasion, à moins que ce ne soit durant l’une de ses conférences appréciées au Club du Faubourg, ou suite à la publication de son ouvrage sur Lourdes et ses mystères (1925), dans lequel il interprète les guérisons prétendument miraculeuses « comme des manifestations naturelles des forces psychiques humaines, mises en mouvement par le choc émotionnel224 ». C’est toutefois le psycho-naturisme de Viard qui est perçu comme « la branche thérapeutique de la Psycho-physique », tandis que « le psycho-diagnostic de Gastin apporte [au Dr Viard] une contribution précieuse, par la détermination des tempéraments225 ». Une autre méthode, le troisième pilier de la psycho-physique, est également mise à l’honneur dans La Science de l’âme et enseignée à l’IPA. Il s’agit de « l’eutrophie » théorisée par Gaston Demengel (né en 1875, aussi orthographié « de Mengel »), un occultiste britannique proche de Georges Monti (1885-1936), le secrétaire de Joséphin Péladan. L’eutrophie est une méthode visant au « développement harmonique du corps humain » et de l’ensemble des facultés humaines : « l’eutrophie du corps est synonyme de vigueur, de contrôle musculaire, de santé permanente », « l’eutrophie des nerfs renforce la volonté » et « l’eutrophie de l’esprit assure la bonne direction de la pensée226 ». Pour son créateur :
« si demain, par miracle, l’Eutrophie était universellement enseignée et pratiquée, ce n’est pas trop de dire qu’en moins de deux générations l’humanité serait transformée. Alors la terre serait peuplée d’êtres humains aux proportions harmonieuses et élégantes, aux gestes nobles et gracieux, d’humeur sereine et généreuse ; ces êtres, à l’intuition fine et sûre, et d’une logique pénétrante, comprendraient leur mission sur cette terre et les lois de la vie ample et fructueuse, chacun avec plus ou moins de détail et de profondeur, suivant l’importance et l’étendue de ses fonctions227 ».
64L’eutrophie de Demengel apparaît alors comme une technique complémentaire au psycho-diagnostic de Gastin et au psycho-naturisme de Viard. « Ces trois méthodes, fruits de travaux indépendants mais convergents, qui, par des voies analogues, concourent au même but, forment, par leur fusion, une harmonieuse trilogie, et réalisent une synthèse merveilleuse228. » Telles sont au moins les espérances de leurs promoteurs qui, à partir de novembre 1925, participent ensemble à la revue Penser & agir. Cet organe du Club amical « Penser & Agir » présidé par Viard, porte un titre moins clivant que son aînée La Science de l’âme.
65Si la psycho-physique tend toujours « à déterminer les rapports existant entre les manifestations sensibles de la vie et de la pensée, d’une part, et leurs causes profondes, d’autre part229 », les efforts de l’IPA se concentrent plutôt sur son « œuvre de régénération sociale en mettant chacun à sa place pour en obtenir le meilleur rendement possible avec le minimum d’effort230 ». Cette œuvre de régénération sociale supposée semble avoir attiré Marcel Kienné de Mongeot, puisque ce dernier publie dans le troisième numéro de la revue un article intitulé « La culture du “Moi”231 ». Dans cet article, Kienné de Mongeot regrette que « notre connaissance de nous-même [soit] nulle », que « nous ignorons tout de notre cerveau comme nous ignorons tout de notre corps ». Selon lui, « la minorité qui reconnaît la nécessité de développer en soi les aptitudes psychiques et physiques est infime » alors que « le développement harmonieux de nos possibilités spirituelles et physiques devrait être notre principal souci, notre unique ambition, qui, une fois atteinte, permettait toutes les autres ». C’est poussé par cette volonté qu’il publie, le 15 mars 1926, le premier numéro de la revue Vivre.
« Vivre », mouvement pionnier du nudisme en France
66Marcel Kienné de Mongeot ne découvre pas le naturisme avec Gastin puisqu’il ouvre, dès 1919, « l’Académie de culture physique du parc Monceau ». Comme l’indique Villaret, Kienné de Mongeot y dirige là des séances de culture physique et de boxe, un sport qu’il pratiqua à un bon niveau, tandis que des bains de lumière artificielle, des séances d’hydrothérapie et de massage sont également proposés232. Stephen Harp suggère que cet intérêt pour le naturisme médical a pu lui être transmis par son frère Gilbert, qui a travaillé dans le domaine de l’éducation physique avec Georges Hébert233. Toutefois, sa rencontre avec Gastin, Viard et Demengel nous semble avoir joué un rôle réellement prééminent dans la construction du mouvement « Vivre ».
67Tout d’abord, les buts affichés par la revue dans son premier numéro rejoignent certaines ambitions affichées dans Penser & agir et à l’IPA, dont la promotion est faite en dernière page. Ce but consiste essentiellement à « faire de notre être spirituel et physique un ensemble équilibré, sain et fort ». Alors que « la culture physique et mentale, les sports ont presque toujours servi des causes particulières, essayé d’atteindre un but inhérent à leurs propres moyens », Kienné de Mongeot entend « les coaliser pour une cause et un but unique qui est : La Culture Intégrale234 ». Selon lui, « la culture de toutes nos facultés est indispensable pour le mieux-être de notre individu, elle nous permet de vivre heureusement dans la plénitude de nos moyens selon les lois immuables de la nature235 ». En outre, certains acteurs de Penser & agir se retrouvent également dans Vivre236. Le premier numéro voit notamment Viard proposer une étude sur « La Personnalité Humaine et son développement harmonieux », tandis que « Mme (Marie) de Grandprey », qui était en charge des questions féminines aux conférences de l’IPA, traite de « La Femme et la Beauté ». Au début de l’année 1927, cette « femme du monde » se retrouve d’ailleurs à la direction d’un périodique occultiste intitulé Hermétisme et présenté comme la revue de l’Université « l’Exèdre », censée dispenser un « enseignement profond » et « purement ésotérique237 ». Cette filiation n’est pas exclusive, car Vivre accueille également des auteurs qui ne paraissent pas avoir participé à Penser & agir238, ainsi de l’entraîneur de boxe Robert Eudeline (1874-1959) ou du compositeur et pédagogue Émile Jaques-Dalcroze (1865-1950). Cependant, si Mme de Grandprey n’apparaît plus dans la revue après le premier numéro, Viard demeure, avec Kienné de Mongeot, le contributeur le plus régulier. Comme l’affirment les deux hommes, il faudrait même considérer la création de Vivre comme leur réalisation commune239. De plus, à partir de juillet 1926, Gaston Demengel publie un gros texte sur « La crise de l’enseignement musical et dramatique ». Il délivre en outre, à la fin de l’année, une conférence sur le langage de la musique et ses relations ésotériques, partageant ainsi le programme des conférences tenues au siège de Vivre avec le Dr Viard240. Si certains ouvrages relevant du corpus ésotérique sont recensés dans la revue, comme Cosmogonie des Rose-Croix ou Philosophie mystique chrétienne de Max Heindel241, qui traite de la question du développement de l’homme et de sa personnalité, ainsi que de son initiation, Vivre n’est toutefois pas une revue d’occultisme, mais bien une revue naturiste assez similaire à La Vie sage des Durville.
68Reprenant les buts énoncés dans le premier numéro, l’Académie de culture physique du Parc Monceau devient, en octobre 1926, l’Académie de culture intégrale et vise à développer la culture physique, mentale et artistique de ses membres. Kienné de Mongeot s’occupe de culture physique analytique, tandis que Viard prend en charge l’éducation et la rééducation des forces mentales et émotionnelles des patients, et que Demengel, enfin, complète le triptyque par l’enseignement artistique dont il a la direction242. Les considérations esthétiques et artistiques sont en effet plus développées à « Vivre » que dans les autres groupements naturistes. À ce propos, le chorégraphe et danseur François Malkovsky (1889-1982) est particulièrement actif dans la revue, et de la réclame est faite, en lien avec l’Académie de culture intégrale, pour ses cours de rythme et de danse. Cependant, l’importance accordée à la culture physique, à l’alimentation et à l’héliothérapie, ajoutée aux références faites à la nature, ne laisse pas de doute quant à l’inscription de la revue dans le mouvement naturiste de l’époque, comme l’illustre cette réflexion de Kienné de Mongeot :
« Vous ne vous rendez pas compte combien forts et pernicieux sont les liens qui vous lient à la vie antinaturelle, et là est la raison qui fait que vous désespérez si vite du succès lorsque vous essayez de vous en libérer. Voilà pourquoi il faut coûte que coûte éduquer en même temps vos facultés mentales et vos facultés physiques. C’est l’unique moyen de s’équilibrer, d’arriver à la maîtrise de soi-même, d’être naturel et capable d’entendre avec profit l’appel et les enseignements de la nature243. »
69Fort de son programme de régénération des individus par la culture intégrale, Kienné de Mongeot attire alors à lui de nombreux médecins partageant des idées similaires, ainsi du Dr Maurice Didier (1883-1947), le fondateur et directeur technique de l’Institut naturiste d’Alger, du Dr Henri Diffre (1887-1971), un spécialiste des sports et de la culture physique, et du Dr David Fougerat de Lastours (1896-1976), adepte de l’héliothérapie en état de nudité complète qu’il perçoit comme une condition à la régénération de la race, thème largement débattu dans les milieux politiques, médicaux et sportifs depuis les années 1870244. Ainsi, alors que le lancement de Vivre semble devoir beaucoup à l’IPA et aux réseaux occultistes, voire francs-maçons245, qui l’entourent, des médecins qui ne sont pas insérés dans ces réseaux, du moins à première vue, mais qui se montrent intéressés par l’un ou les aspects du naturisme médical, rejoignent très vite l’aventure pour constituer le gros des troupes. Ce mouvement connait par ailleurs des dissensions, mais les principaux protagonistes de la revue Vivre, qui devient Vivre intégralement, sont toujours là à l’été 1927, au moment de la fondation de l’association « Vivre. Ligue de Régénérescence Physique et Mentale246 », qui arbore un emblème chargé de nombreux symboles ésotériques composé par Demengel247. Par la suite, le Dr Didier quitte précocement le mouvement, lassé par la propagande en faveur du nudisme248, qui cause d’ailleurs à la revue des ennuis judiciaires. À l’instar de La Vie sage, elle se voit en effet interdite des kiosques parisiens en avril 1929, suite à une plainte de Paul Carton, plus que jamais remonté contre ce qu’il considère être une profanation de sa doctrine naturiste249. Comme Villaret a pu le détailler250, une scission se forme également entre Kienné de Mongeot et les docteurs Viard et Fougerat de Lastours à la fin de l’année 1929. Ce dernier, volontiers nationaliste, tristement antisémite251, s’offusque de voir la Une initiale de Vivre intégralement représentant Benito Mussolini (1883-1945) être remplacée à la dernière minute. Il y voit l’influence des nouveaux collaborateurs de Kienné de Mongeot, issus des milieux libertaires, à l’instar de Charles-Auguste Bontemps (1893-1981). En conséquence, le 19 janvier 1930, la Ligue et la revue se séparent. Le périodique Lumière et vérité, le nouveau bulletin de la Ligue de régénérescence physique et mentale, est lancé par Fougerat de Lastours en juin 1930, tandis que de son côté Kienné de Mongeot fonde « Vivre. Association culturiste d’études et de propagande pour l’hygiène sociale, physique et mentale252 ». Alors que Viard avait signé un article intitulé « Une ère nouvelle » dans le premier numéro de Lumière et vérité, il quitte le mois suivant la présidence de la Ligue de régénérescence physique et mentale pour s’occuper de son propre mouvement, le groupe « Calme et Santé ». La Ligue change par la suite de nom pour devenir « Vie et lumière, Ligue gymnique d’hygiène sociale ». Cette réalisation a pu donner naissance à un mouvement pérenne, puisque son périodique Vie et lumière est publié jusque dans les années 1980 et que plusieurs associations et centres gymniques sont créés dans son sillage. Pour autant, le mouvement de Kienné de Mongeot ne pâtit pas trop de cette concurrence, d’autant plus qu’une réconciliation a lieu avec Fougerat de Lastours en 1934.
70En effet, « Vivre » parvient à franchir le cap de ces disputes et à se structurer quelque peu, emmené par des acteurs différents des premiers jours. En 1930, l’Académie de culture intégrale du parc Monceau, qui avait déjà abandonné ce nom, devient le « Sparta-Club » et le château de Garambouville, dont le grand parc profite au mouvement depuis mars 1928, devient le « Centre Gymnique et de Lumière du Sparta-Club ». Ce centre est pensé pour servir de modèle aux sections régionales et développer ainsi la « libre-culture », traduction de Freikörperkultur que Kienné de Mongeot préfère désormais au terme de naturisme pour désigner sa pratique, où la nudité intégrale joue un rôle central. En septembre 1930, la « Fédération des centres gymniques organisés Les Amis de Vivre » est lancée. Elle est composée d’une dizaine de sections autonomes, parmi lesquelles le « Sparta-Club » mais aussi les Naturistes lyonnais, les Naturistes de Provence, la Ligue gymnique de la Côte d’Azur ou encore la Société naturiste du Var. En 1933, ils seraient 3 000 répartis dans ces différentes sections à adhérer au mouvement et ce sont 30 sections qui, en juillet 1935, disposent chacune de leur propre terrain pour pratiquer la libre-culture253. À partir de cette date, cependant, le mouvement décroît progressivement254.
71En juillet 1938, à l’occasion du IVe Congrès nudiste organisé au manoir Jan, son nouveau centre depuis quelques années, Kienné de Mongeot dénombre seulement 800 membres du « Sparta-Club » et 800 membres dans les sections du mouvement, mais il estime à plusieurs millions le nombre de nudistes en France255. Si ce nombre semble pour le moins douteux, il reflète en tout cas une réalité : si le mouvement « Vivre » fait figure de pionnier dans la diffusion du nudisme en France, il n’est pas parvenu à unir durablement ses différents adeptes, probablement moins intéressés par la perspective de leur développement personnel physique et mental que par celle, plus ludique et accessible, de pouvoir simplement se retrouver nus entre pratiquants.
Un milieu naturiste foisonnant
72En mai 1929, dans un éditorial appelant à la création d’une fédération naturiste, Kienné de Mongeot écrivait qu’« il existe actuellement quatre sociétés naturistes : celle du docteur Carton, le Trait d’Union, la société des docteurs Durville et la ligue “Vivre”256 ». Cette initiative n’a pas abouti, malgré l’enthousiasme qu’elle a pu susciter chez les Durville, qui percevait également « Vivre », le « Trait d’Union » et leur propre Société naturiste comme « les trois grands mouvements français257 ». Ces mouvements, auxquels il faut, n’en déplaise aux Durville, ajouter celui de Carton, ce sont également ceux auxquels Baubérot et Villaret ont accordé le plus d’attention, avec un accent plus ou moins prononcé sur l’un ou l’autre en fonction de leurs perspectives respectives. Néanmoins, la médecine naturiste des années d’entre-deux-guerres ne se restreint pas à ces quatre principaux groupements.
Hygie, et la présence continue du milieu végétarien
73Il faut également évoquer la Société végétarienne de France et la revue Hygie, nouvel organe officiel de la SVF au sortir de la guerre, puisque végétarisme continue de s’accorder avec naturisme. Pour la doctoresse Hélène Sosnowska (1864-1942), vice-présidente de la SVF à partir de 1907, puis présidente à la mort du Dr Jules Grand (1847-1933), « le régime végétarien intégral comprend non seulement l’hygiène alimentaire, mais encore l’air, la lumière, le soleil, la gymnastique, l’hydrothérapie258 ». De la sorte, de nombreux acteurs du naturisme médical viennent délivrer des conférences au siège de la Société. De manière générale, la SVF demeure très proche de ce qu’elle considère être sa « sœur plus jeune, la Société végétarienne le Trait d’Union259 ». Des banquets en commun avec conférences sont organisés à partir de 1924 au restaurant végétarien de la Société théosophique, square Rapp260, et Demarquette fait régulièrement admirer ses talents d’orateur à la SVF. Les proximités avec le mouvement théosophique et l’importance accordée à l’aspect spirituel du végétaro-naturisme jouent certainement pour beaucoup dans cette proximité. Le Dr Grand lui-même est théosophe, tandis que Morand n’hésite pas à relayer dans Hygie l’initiative du Dr Ettore Rieti (1900-1968), un psychanalyste romain souhaitant unir derrière une même ligue internationale les médecins appartenant à la ST « en vue de guider les recherches de la médecine vers les causes réelles des maladies, causes karmiques ou de justes rétributions, plutôt que physiques, et les meilleures méthodes de traitement261 ». Ce projet donne à Morand l’espoir d’un développement du nombre de médecins franchement naturistes ou végétariens, mais cette Ligue médicale théosophique, finalement fondée au Congrès d’Ommen en août 1927, ne semble pas avoir déchaîné les passions au sein du milieu végétarien, loin d’être uniquement composé de théosophes. Toutefois, qu’ils soient membres de la ST ou non, les médecins en relation avec la SVF se retrouvent également le plus souvent au « Trait d’Union » : c’est le cas de Buttner, Thorin, Dumesnil et du couple Eliet. C’est également le cas du Dr Paul-Maurice Legrain (1860-1939).
74Médecin-chef de l’asile de Ville-Evrard, Legrain se fait le porte-étendard de la lutte contre l’alcoolisme à partir de l’année 1895, date à laquelle il fonde l’Union française antialcoolique et le journal L’Alcool, auquel succèdent Les Annales antialcooliques en 1903262. Bien introduit dans les cercles médicaux les plus variés, auteur de nombreux ouvrages, Legrain fonde également la branche franco-belge de l’Ordre des Bons Templiers en 1905. Cet ordre, fondé en 1851 et disposant de nombreuses branches nationales, repose sur certains principes en accord avec l’idéal naturiste que détaille le Dr Legrain :
« En s’abstenant d’alcool, le Bon Templier entend s’acheminer vers plus de liberté et plus de vraies jouissances. En s’interdisant l’offre et le trafic de l’alcool sous toutes ses formes, le Bon Templier entend réaliser les conditions d’une vie plus saine, plus morale, plus fraternelle. L’Ordre, avec ses règles invitant au sacrifice, au devoir d’exemplarité, de sincérité et de tolérance, n’est qu’une école de perfectionnement humain. L’Ordre travaille à un idéal d’humanité intégrale fait d’amour, de conscience, de raison et de paix. Il est international263. »
75Inspiré par la doctrine cartonienne et son pythagorisme, Legrain étend au naturisme les recommandations antialcooliques des Bons Templiers franco-belges, forts d’un peu moins de 500 membres dont certains anarchistes déjà étudiés par Baubérot et également proches du végétaro-naturisme d’Hygie. Parmi eux se distinguent Sophie Zaïkowska (1876-1939), Louis Rimbault (1877-1949) et Victor Lorenc (1876-1929)264. Zaïkowska est la femme de Georges Butaud (1868-1926), une figure du milieu anarchiste en lien avec la SVF. Ensemble, ils fondent en 1903 la première colonie libertaire française, le milieu libre de Vaux, où Butaud tente d’imposer le végétarisme et l’abstinence d’alcool265. Le couple s’installe ensuite à Bascon près de Château-Thierry en 1911 pour fonder une nouvelle colonie où les rejoint Victor Lorenc, avec lequel ils vivent un « amour plural266 », ainsi que Louis Rimbault et sa compagne. La lecture des travaux du Dr Carton, avec qui ils entretiennent des relations amicales, leur inspire la promotion d’un végétalisme ascétique, excluant tout aliment d’origine animale, ce qui ne manquera pas d’effrayer le médecin de Brévannes. En 1922, Butaud ouvre le Foyer végétalien de la rue Mathis, à Paris. On y sert la Basconnaise, le plat végétalien de référence inventé par Rimbault267, et de nombreux conférenciers viennent s’y faire entendre, parmi lesquels le Dr Legrain et Jérôme Morand. Rimbault, qui fonde en 1923 une nouvelle colonie végétalienne qu’il nomme « Terre Libérée », et à un degré moindre Lorenc, sont actifs dans le milieu végétarien durant les années 1920 et illustrent les relations qui le lient au milieu anarchiste et à l’Ordre des Bons Templiers. Toutefois, hormis Legrain, il n’est guère question de médecins ici. À l’inverse, le Dr Victor Pauchet (1869-1936), membre actif de la SVF depuis 1902, est un chirurgien de renommée mondiale. Profondément convaincu des bienfaits de l’hygiène physique dans le succès des opérations chirurgicales, il avait même affirmé en 1904 que les végétariens ne contractent jamais l’appendicite, ce qui avait fait sensation dans les milieux concernés en France et à l’étranger268. Proche de Monteuuis, il n’hésite pas, en outre, à se prononcer en faveur des bains de soleil, d’air et d’eau269. Toutefois, un aspect de son activité au sein du milieu végétaro-naturiste domine les autres : l’importance qu’il accorde au psychisme et à la culture humaine, un aspect constitutif, bien qu’il le déborde, du naturisme médical.
Réagir, Calme et santé, et l’aspect psychique du naturisme médical
76La thématique de la « culture humaine » aurait été introduite dans le milieu végétarien francophone par Paul Nyssens (1870-1954), un ingénieur belge ayant vécu aux États-Unis, qu’il ne faut pas confondre avec son compatriote théosophe et médecin. Là-bas, Nyssens rencontre Victor Gabriel Rocine (né Lundquist, 1859-1943), un immigré suédois, directeur de la revue Human Culture et auteur de Mind Training (1905), qui s’inscrit dans le mouvement plus large de la psychologie populaire américaine et de la « mind cure » où rayonnent notamment les tenants de la New Thought270. Son second maître américain s’appelle Leroy Berrier (1861-1930), l’auteur d’un traité de culture humaine traduit en français par Nyssens en 1907 et intitulé Le Magnétisme personnel271. Un an plus tôt, Nyssens avait fondé son propre Institut, qui deviendra par la suite l’Institut de culture humaine à Bruxelles272. Comme le remarque Baubérot, La Réforme alimentaire et Hygie retranscrivent une conférence de Nyssens sur la culture humaine dès le mois de novembre 1907. Dans son esprit, la culture humaine, qui « embrasse à la fois la culture physique (gymnastique suédoise, hygiène et alimentation rationnelle) et la culture mentale273 », inclut « l’étude de toutes les facultés et fonctions physiques et mentales chez un individu déterminé, puis le développement harmonieux et l’amélioration de toutes ces facultés et fonctions », dans le but « de former des hommes plus parfaits physiquement, mentalement, moralement et psychiquement, c’est-à-dire des hommes complets274 ». Concrètement, il s’agit de prendre conscience de ses qualités mentales et psychiques (optimisme, volonté, etc.) et d’apprendre à s’en servir pour s’améliorer et mieux réussir dans la vie. D’un point de vue médical, la culture humaine affirme, en vertu du principe holiste selon lequel « notre être corporel et spirituel forme un tout indivisible et que toute modification bonne ou mauvaise de l’une de nos parties a une influence sur l’autre », que notre santé physique « provient du degré de développement et d’application des facultés mentales et psychiques275 ».
77Cette assertion trouve un écho très favorable dans le milieu végétarien, qui déclarait déjà en novembre 1904 par l’entremise du Dr Jules Grand : « À côté de l’homme physique, il y a, en nous, l’homme moral, et un végétarisme qui s’appliquerait uniquement à fortifier le premier, en négligeant l’autre, serait un végétarisme bâtard, véritablement sans portée et n’aurait du végétarisme que le nom276. » Pour Louis Pascault également, dans une perspective cependant moins spiritualiste, « les phénomènes psychiques ont un retentissement très réel sur le fonctionnement de nos organes physiques277 ». Ce dernier n’hésite d’ailleurs pas à affirmer, fort de son expérience de praticien : « Aussitôt qu’un malade est convaincu qu’il peut et va guérir, il est sur la voie de guérison ; il est guéri le jour où il se croit guéri278. » Dans un contexte où le traitement moral fait son retour en thérapeutique279, la culture humaine de Paul Nyssens, comme le traitement mental d’Albert Louis Caillet, ont été approuvés au sein du milieu végétarien d’avant-guerre, et les principaux acteurs du naturisme médical accordent tous une place importante à la question psychique. Aussi, Victor Pauchet ne détonne pas quand il déclare, en 1926, que « toute maladie est la conséquence des habitudes contraires à l’hygiène morale et physique280 ». Cette déclaration aurait d’ailleurs pu se retrouver dans Le Corps et l’Esprit, une revue régulièrement citée dans Hygie et éditée par le Dr Marcel Rifaux (1872-1938), qui dirige à Chalon-sur-Saône une maison de repos où il soigne par la psychothérapie et l’hydrothérapie. La Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée du Dr Bérillon, à laquelle Pauchet participe, joue elle aussi un rôle important dans ce mouvement en faveur de la culture humaine. Elle se rattache toutefois davantage au holisme médical officiel qu’au naturisme médical, bien que les noms de Monteuuis, Viard et Vachet se retrouvent dans ses colonnes. Si Paul Nyssens publie également dans la revue281, celle-ci déborde en effet largement le cadre de la culture humaine pour embrasser le champ plus général de la psychologie. Pauchet y côtoie notamment Émile Coué, un acteur incontournable dans ce mouvement d’intérêt en faveur de l’esprit humain, d’autant plus que la revue mensuelle de culture humaine fondée par Pauchet en 1934 est dominée, comme le remarque Guillemain, « par un groupe de médecins et de journalistes qui ont été proches d’Émile Coué et défendent l’application de sa méthode282 ».
78Cette revue, intitulée Réagir et qui accueille elle aussi Paul Nyssens, entend en premier lieu « apporter à l’homme le réconfort qui lui est nécessaire par ces temps troublés, où le sens moral semble décroître, où l’énergie spirituelle s’affaiblit, où les raisons de vivre et d’espérer perdent de leur force283 ». Si selon Guillemain la revue « défend un projet politique de rénovation sociale qui s’inscrit en filiation directe avec la frange la plus conservatrice du mouvement ancien combattant284 », elle rejoint également par certains côtés le mouvement de réforme des modes de vie porté par le milieu végétaro-naturiste, comme l’illustrent les objectifs de la revue présentés dans le premier numéro :
« SI NOUS PENSONS à l’âme, nous n’avons garde d’oublier le corps. Mieux : nous croyons qu’il est essentiel d’accorder à l’un et à l’autre une attention égale. Ils sont en perpétuel échange et se rendent des services mutuels. Un beau corps assoupli par les exercices et les préceptes de l’hygiène donnera à l’âme des pensées claires285. »
79Le premier numéro consacre alors un article à « Hébert et la méthode naturelle286 », tandis que la doctoresse Eliet collabore à la revue en affirmant l’influence de l’alimentation sur l’esprit et en détaillant plusieurs menus végétariens287. À l’exception de quelques recensions, les courants ésotériques ne se laissent d’abord pas découvrir dans les pages de la revue, mais une fenêtre s’ouvre pour eux après le décès de Victor Pauchet, en 1936.
80Une certaine proximité avec le mouvement Mazdaznan est notamment illustrée par le compte rendu, en novembre 1937, du Congrès international Mazdaznan qui s’était déroulé à Paris durant l’été. Ce congrès marque la bonne santé d’un mouvement impulsé en France par Carlos Bungé dès 1922, avec le lancement du Cercle Mazdaznan et de la revue Mazda-Znan, et qui peut être considéré comme une composante du mouvement naturiste français des années d’entre-deux-guerres. Des conférences sont organisées pour satisfaire le programme de l’œuvre qui est « de travailler à la perfection de l’homme au triple point de vue physique, intellectuel et moral » dans le respect des règles de la vie pure supposément édictées jadis par Zoroastre288, ainsi que dans une perspective eugéniste et aryaniste revendiquée. Il est question dans ces conférences de l’art de la respiration et des exercices rythmiques, de la régénération, de l’alimentation, de la phrénologie, de la psychologie, de l’harmonie de l’âme et du corps, de l’origine et l’évolution de la race et des principes de la philosophie de Zoroastre selon le fondateur du mouvement, Ernst Otto Haenisch289. Promotion est faite du végétarisme par la création de deux restaurants végétariens « Au Grand Soleil » à Paris en 1924, tandis qu’une épicerie spécialisée de produits « mazdaznan » est également ouverte et que des séances de gymnastique et d’exercices respiratoires sont organisées chaque semaine à la salle Aryana. Pour la rédaction de Réagir, le mouvement Mazdaznan se relie à la culture humaine puisqu’il « s’applique, comme Réagir, à indiquer les moyens pratiques d’établir en l’homme l’équilibre physique qui crée l’équilibre moral290 ». En outre, Réagir fait paraître des extraits d’ouvrages écrits par d’autres auteurs identifiés du corps ésotérique comme Krishnamurti, Paul Sédir ou encore Georges Barbarin (1882-1965) et Bô Yin Râ (1876-1943)291. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant de voir Jean-Émile Marcault (1878-1968), membre actif de la SVF en 1908 et secrétaire général de la branche française de la Société théosophique de 1934 à 1945, reprendre les commandes de la revue Réagir après la Seconde Guerre mondiale sous le nom de Culture humaine.
81Une autre revue naturiste publiée durant les années trente accorde une large place à la question psychique. Il s’agit de Calme et santé, la revue du groupe du même nom fondée en 1930 par l’inévitable Marcel Viard. Les méthodes de Viard qui visent à développer les plans physique, émotif et mental des individus par la maîtrise des muscles et des nerfs, des sentiments et des pensées, y sont particulièrement développées292. Toujours proche de « Vivre », la revue fait la promotion du nudisme et des bains de soleil, et elle publie dans ses colonnes des conseils d’hygiène de la pensée donnés par Vachet. Les proximités s’avèrent également fortes avec la Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, puisqu’en 1932 Viard dirige, en plus d’un cours de psychothérapie et de réflexothérapie, des séances de suggestion collective en compagnie de Vachet et Bérillon à l’École de psychologie293. Enfin, un rapprochement se produit avec Jacques Demarquette. Le 14 septembre 1932 est fondée « Phébus », une Société d’études naturistes qui se donne pour but :
« l’étude de toutes les manifestations de la Nature pouvant contribuer à l’équilibre de la personnalité humaine, en partant de cette définition qu’être Naturiste, c’est savoir observer la Nature et tirer de ses observations des conclusions pratiques pour son développement physique, intellectuel, instinctif et sentimental294 ».
82Viard préside cette association, tandis que Demarquette, qui fait un exposé complet de la doctrine et de l’idéal naturiste lors de la première réunion, est l’un des deux vice-présidents. Peu d’informations sont disponibles sur les destinées de cette société qui n’entendait accepter qu’un nombre très limité de membres, mais son exemple permet au moins de faire remarquer que Viard aura travaillé en collaboration avec Demarquette, Kienné de Mongeot et les Durville, et que seul le caractère difficile et méfiant de Carton, à qui il emprunte beaucoup, semble avoir empêché une collaboration active avec la Société naturiste française. Le parcours de Viard est donc l’exemple-type des proximités unissant les différents acteurs du naturisme médical, qui sont également illustrées par deux autres groupements.
Le Foyer naturiste et l’Union naturiste de France : relais du naturisme médical
83Viard se retrouve d’ailleurs à nouveau dans l’un de ces groupements. Le Foyer naturiste est originellement fondé en janvier 1932 par des adhérents de la Société naturiste des frères Durville, avec le blanc-seing de ces derniers295. L’objectif est de disposer d’un lieu de convivialité dans la capitale pour que l’idéal naturiste puisse être réalisé en semaine, que ce soit par les réunions du cercle d’études ou par des leçons de culture physique, en complément des week-ends passés à Physiopolis et des vacances à Héliopolis296. Toutefois, guidé par son envie de « grouper dans une union fraternelle toutes les bonnes volontés naturistes297 », le groupement s’ouvre rapidement à différents représentants du naturisme médical, à l’instar de Legrain, qui profitent des conférences au Foyer et des colonnes de la revue Le Foyer naturiste pour s’exprimer. Cette logique inclusive se répercute sur le nombre d’adhérents, qui passe de 40 en 1932 à 236 en 1937298. Viard patronne cette initiative et son influence se fait explicitement ressentir quand il est indiqué que « l’adhésion aux présents Statuts implique pour chacun le désir de s’améliorer sur les trois plans : physique, mental et sentimental299 ». À partir de décembre 1936, la doctoresse Eliet occupe la vice-présidence du Foyer naturiste et dirige les causeries du cercle d’études du Foyer avec Viard. Le but spiritualiste qu’elle donne à ce cercle est explicite, puisqu’il s’agit de « réaliser pleinement ce qu’est le Naturisme, ce que doit être le Naturiste dans le domaine physique et dans le domaine spirituel300 ». Le Foyer prend ensuite une nouvelle ampleur en ouvrant en 1937, à Cergy, un « Centre de Loisirs, de Naturisme et d’Hébertisme » (CLNH) qui devient une association avec son autonomie propre, mais qui reste dirigée par les mêmes animateurs que le Foyer naturiste301. Le CLNH fait même l’acquisition d’un chalet à Valloires durant l’hiver 1937, mais la revue cesse de paraître l’année suivante. Baubérot avait noté l’ambition de progrès social affichée par le Foyer naturiste, que la diffusion du naturisme est pensée favoriser, ainsi que les affinités de certains de ses fondateurs, notamment Maurice Fuszka, avec l’extrême gauche302. De telles affinités se retrouvent également à l’Union naturiste de France (UNF), dont Fuszka est le secrétaire, et qui adhère d’ailleurs au Rassemblement populaire en 1935303.
84La fondation de l’Union naturiste de France remonte au mois de mai de l’année précédente. Le premier numéro de sa revue Le Naturiste est publié en juin. Elle se pense alors comme une « coopérative de diffusion du Naturisme » et s’inscrit en opposition aux tendances à l’enrichissement personnel sous couvert de naturisme, visant ainsi sans les nommer les frères Durville304. Elle est animée par des rédacteurs de la revue L’En dehors de l’anarchiste individualiste Ernest Armand (1872-1962). Julius Sarluis est le vice-président de l’UNF, tandis que le philosophe Lucien Barbedette (1890-1942) est membre du comité d’action, tout comme le Dr Axel Robertson-Proschowsky (1857-1944), qui publie dans le premier numéro un article intitulé « L’idéal naturiste et le socialisme-individualiste ne forment qu’une même doctrine sociale ». Du côté des médecins naturistes, nous retrouvons également le Dr Paul Vigné d’Octon (1859-1943), qui publiait dans Régénération et Vivre305, ainsi que le Dr Legrain. Ce dernier est même le président de l’UNF, qu’il place sous les auspices de l’Ordre international des Bons Templiers. Ici encore s’illustrent les proximités unissant milieu végétarien, anarchisme et Bons Templiers, puisque le Dr Charles-Édouard Lévy (1871-1953), le principal conférencier de la SVF, est nommé vice-président de l’UNF. Tout comme la doctoresse Eliet, il gratifie le groupe de plusieurs causeries. À l’image des revues et groupements anarchistes portés vers le naturisme, comme L’En dehors, Le Végétalien et Le Néo-naturien, les relations de l’UNF avec les courants ésotériques se révèlent quant à elles des plus complexes. D’un côté, des tendances athées qui amènent Sarluis à se décrire comme « matérialiste, positiviste, rationaliste et humaniste », et Maurice Charbonnier, directeur de L’Idéal naturiste, à présenter l’UNF comme le représentant du « vrai Naturisme rationnel306 ». De l’autre, un intérêt obvie pour la question des radiations et de la télépathie, qui les pousse à penser l’existence d’un fluide humain et à affirmer que « le Magnétisme Animal n’est rien d’autre qu’un fluide matériel et universel307 », ce qui les fait rejoindre la position des Durville et de la SMF, mais aussi celle de la plupart des naturistes de l’époque.
Ce qui fait le naturisme médical : agir au-delà du plan physique
85Le milieu du naturisme médical français de l’entre-deux-guerres et l’étendue de ses relations avec les courants ésotériques ainsi présentés, il reste à étudier plus précisément l’impact de cette présence ésotérique dans les représentations et pratiques médicales concernées. Cette « influence » s’est déjà laissé deviner dans le cas des prescriptions végétariennes, et elle se retrouve en vérité sur bien des aspects, mais il nous semble souhaitable de se recentrer sur un aspect fondamental : soit les manières d’envisager l’action des comportements et usages naturistes au-delà du plan physique, en lien avec les conceptions vitalistes qui unissent ce milieu.
Naturisme et vitalisme
86Comme nous l’avons vu, il existe bien des manières de considérer le vitalisme et l’action de la force vitale, une conception médicale riche d’une longue histoire ; à tel point que des discussions animent encore les historiens sur l’éventuel vitalisme ou anti-vitalisme d’un physiologiste aussi célèbre que Claude Bernard (1813-1878)308. Au sein des courants ésotériques, une attitude vitaliste particulière se distingue toutefois. Elle consiste à assimiler la force vitale à un principe intermédiaire situé entre les niveaux matériel et spirituel, qui serait également à l’œuvre dans l’univers, selon le principe des correspondances entre le macrocosme et le microcosme. Cette perception doit beaucoup au magnétisme animal, qui infuse des conceptualisations postérieures et oriente les regards portés sur des concepts plus anciens. Ainsi, dans sa thèse de médecine qu’il consacre à L’Alchimie et la médecine, René Allendy (1889-1942), un jeune homéopathe intimement lié aux courants ésotériques de son temps, et « chaud partisan du Magnétisme309 » selon Gaston Durville, présente la « force vitale » des hermétistes comme « un principe intermédiaire tenant à la fois du corps matériel et de l’esprit immatériel », « une sorte de fluide par lequel l’esprit pourra agir sur le corps310 ». Selon lui, ce principe forme un véritable corps fluidique, dont la notion serait connue depuis de nombreux siècles, en Inde sous le nom de « Linga Sharira », en Égypte sous le nom de « Khaba » et en Chine sous le nom de « Kwei-shan ». Ce rappel aux racines antiques de ce type de spéculations est un grand classique des courants ésotériques. Il se trouve d’ailleurs exprimé au mot près par l’occultiste Léon Combes, dans un article publié quelques années auparavant dans Le Voile d’Isis, une revue fondée par Papus. À propos du corps astral, Combes affirme ainsi : « C’est là le linga sharira de l’ésotérique bouddhisme, le Keherpas de la Yasna (ch.54), le Kwei-shan Chinois (livre des permutations), le Khaba des Egyptiens […]311. » Allendy avait effectivement noté que ce corps fluidique, « les hermétistes modernes l’appellent “corps sidéral ou astral” et les spirites “perisprit”312 » ; ce que confirme l’un des spirites français les plus importants de son temps, Gabriel Delanne (1857-1926), quand il déclare comme une évidence que « c’est l’âme qui forme, entretient et répare le corps physique au moyen du périsprit animé par la force vitale313 ». De plus, selon Combes, et dans une perspective commune au monisme ontologique généralement répandu au sein des courants ésotériques314, ce corps astral est formé par la lumière astrale, qui est à la fois « physique et psychique, matérielle et spirituelle ». En un mot, « elle est tout315 », et de la même manière, Allendy ne manque pas d’évoquer cette « Énergie universelle », cet « agent unique produisant les effets les plus divers selon son “individualisation” ». Il relève plus loin, à propos d’Arnaud de Villeneuve (ca. 1240-ca.1311), un médecin auquel de nombreux écrits alchimiques furent faussement attribués316 :
« Au point de vue hermétique, il eut le mérite de préciser, sous le nom de “Spiritus”, la notion du fluide universel, de la “lumière astrale” que nous avons définie : c’est dans le macrocosme, l’intermédiaire à l’action des astres sur le monde élémentaire et, dans le microcosme, l’intermédiaire à l’action de l’âme sur le corps, le principe vital, fluide nerveux ou “corps astral317”. »
87Dans le même ordre d’idées, Paul Carton affirme que « la vitalité, dans l’homme, est de même ordre que la vitalité dans la nature universelle, mais canalisée et hiérarchisée d’une façon spéciale par le jeu de l’évolution ». Elle serait « une sorte de force magnétique qui permet aux puissances spirituelles de mouvoir la matière corporelle318 ». Dans un chapitre de son commentaire des vers d’or pythagoriciens retranscrit à l’initiative de Gaston Durville dans le Journal du magnétisme, Carton se montre plus précis à propos de cette force :
« Pythagore la décrivait comme une âme séparée, fluidique, capable de se construire un corps éthéré sur lequel se calquaient en quelque sorte et s’ordonnaient les éléments matériels du corps physique. […] Elle est la force impondérable qui constitue l’intermédiaire indispensable entre la matière et l’esprit, entre le physique et le mental. […] C’est elle qui anime l’organisme et se révèle en médecine comme force ordonnatrice, conservatrice, réparatrice et médicatrice319. »
88Cette assertion ne pouvait que rendre enthousiaste Gaston Durville, lui qui avait délivré à la Société magnétique de France, en janvier 1918, une conférence sur « La Force Vitale – son rôle en médecine », où il expliquait alors :
« Toutes les religions, les philosophies, et on peut dire toute la médecine de l’antiquité ont eu pour base la croyance à l’existence d’une force universelle, astrale, divine, toute puissante, à la fois cause, raison d’être, vie, âme de toute chose et de tous êtres. Agissant sur les sphères célestes, elle déterminait leur mouvement : s’induisant dans l’animal et dans l’homme, elle était leur force vitale, leur énergie “magnétique320”. »
89La référence au magnétisme et à Mesmer, cité plus loin par Durville, n’est guère surprenante. Lui aussi postule l’existence d’un « principe vital », « cette portion du mouvement universel […] qui entretient et rectifie les fonctions de tous les viscères321 ». Une ligne allant de Mesmer au naturisme médical en passant par les courants ésotériques peut donc être tracée concernant l’importance accordée à l’idée de principe vital. Cette influence est ainsi exprimée par Marcel Viard dans le premier numéro de Vivre :
« Chez l’homme on l’appelle force vitale, ou pensée, ou encore énergie mentale, magnétisme. Cette force vitale qui anime les êtres n’est qu’une manifestation d’une Force unique de laquelle elle est née et à laquelle retourne après avoir accompli un cycle plus ou moins long. Mais cette force s’est “humanisée”, c’est-à-dire qu’elle a acquis des qualités spéciales qu’il importe de ne pas négliger. Il est indispensable de l’entretenir le mieux possible, de la développer au maximum322. »
90Cette influence est également explicite chez Carton. Cependant, elle se mêle à des vitalismes qui ont été diffusés par des acteurs médicaux ne relevant pas, à première vue, des courants ésotériques, mais qui ont pu les lire et/ou être lus par eux, puisque ces courants se nourrissent de l’esprit du temps. Au moment d’évoquer « les médecins les plus clairvoyants qui ont reconnu l’existence d’un principe vital distinct de l’esprit et du corps323 », le médecin de Brévannes cite en effet le vitaliste montpelliérain Jacques Lordat quand celui-ci affirme : « Il y a dans l’homme trois parties distinctes : un agrégat matériel, une force vitale et une force psychique, ou sens intime324. » Or, Lordat n’est pas Éliphas Lévi325, mais les deux sont cités en référence par Carton.
Alimenter sa force vitale
91En matière de thérapeutique et de recommandations hygiéniques, ces conceptions sur la force vitale entraînent des conséquences assez claires : veiller à la bonne alimentation de la force vitale, voici résumé en quelques mots l’essentiel de la doctrine médicale naturiste. Cette alimentation n’est pas seulement digestive, elle est également cutanée et respiratoire. La nourriture, le soleil et l’air aspiré sont perçus comme autant d’éléments permettant d’augmenter les capacités de l’énergie vitale. Cette augmentation, à l’image de la notion d’énergie ou de force vitale, peut cependant être appréhendée de différentes façons. En 1903, dans la préface à son ouvrage sur les Abdominales méconnues, Albert Monteuuis affirme que « la médecine d’aujourd’hui se dirige vers les procédés thérapeutiques qui font appel à l’énergie vitale326 ». Pour lui, « l’art de guérir tend chaque jour à faire une place de plus en plus importante à ces puissants agents vitaux qui s’appellent l’air, l’eau, la lumière, l’exercice, le repos, le régime alimentaire327 ». Néanmoins, comme l’a remarqué Baubérot :
« Ce n’est pas dans le but d’encourager l’œuvre médicatrice d’une force vitale autonome ou d’une nature transcendante que Monteuuis préconise le recours aux agents naturels, mais afin d’utiliser leurs propriétés chimiques et physiques pour accroître la vitalité de l’organisme, c’est-à-dire sa capacité de résistance aux agressions morbides328. »
92Le vitalisme de Monteuuis, qui percevait les centres nerveux comme le « foyer de l’énergie vitale329 », n’est en effet pas celui de Lordat ou des occultistes. En 1911, Carton défendait lui aussi des conceptions similaires quand il affirmait : « Nous nous nourrissons non seulement par le tube digestif, mais par les poumons et par la peau. Et aucune de ces voies d’apport vital n’est négligeable en physiologie, ni surtout en thérapeutique330. » La manière dont il comprend la nature de cet apport vital « s’enrichit » de conceptions nouvelles à la suite de sa rencontre avec les courants ésotériques, mais le fond de sa thèse, quant à lui, ne change pas.
93Les courants ésotériques se font effectivement une représentation bien personnelle de cet apport vital, qui se retrouve également exposée dans les principales revues naturistes. Dans Régénération, Marius Dumesnil fait ainsi correspondre « l’Énergie vitale » au « Prâna des Hindous », et il maintient qu’elle se trouve, non seulement dans l’homme, mais partout dans la nature. Selon lui :
« Cette vie merveilleuse, nous l’apportons avec nous en naissant et nous l’entretenons en puisant autour de nous dans l’univers la force vitale dont nous avons besoin. C’est l’énergie solaire qui pénétrant en nous d’une manière encore inconnue de nos laboratoires se transforme et se répand le long des nerfs jusqu’aux centres nerveux et au cœur. Nous la puisons encore dans l’air que nous respirons et nous la trouvons cristallisée en quelque sorte dans les aliments que nous absorbons331. »
94Sa compréhension de l’énergie vitale n’est assurément pas la même que celle de Monteuuis. Néanmoins, les deux hommes, et Carton avec eux – que ce soit avant ou après sa rencontre avec les courants ésotériques –, accordent une importance commune à l’hygiène naturiste, qu’elle soit digestive, respiratoire ou cutanée, pour la vitalité de l’organisme. Partant de ce constat, il convient alors de détailler les conceptions relatives à l’hygiène naturiste exposées dans un cadre « ésotérique » – c’est-à-dire des revues ou des ouvrages occultistes –, et de les comparer aux théories développées dans un cadre naturiste ou médical plus général, ceci afin de souligner, non seulement les positions communes, mais les éventuels transferts d’idées. Pour cela, il nous semble préférable de procéder par thème et d’évoquer l’héliothérapie, puis la diététique, avant de brièvement aborder le sujet de la respiration.
Par la peau
95Le soleil est un élément central dans le naturisme médical. Carton l’évoque en ces termes dans La Tuberculose par arthritisme : « Il est notre source originelle et notre réservoir actuel d’énergie ; la terre est issue du soleil et tout ce qui vit de la vie animée à sa surface ne doit son existence qu’à l’emprunt énergétique direct et indirect qu’il fait à chaque instant à l’énergie solaire332. » L’énergétisme de Carton, similaire à cette époque aux perspectives de Vladimir Bekhterev (1857-1927) et de Wilhelm Ostwald (1853-1932)333, se couple ici à des considérations biologiques somme toute banales, qui soutiennent l’usage de l’héliothérapie telle qu’on la retrouve dans les sanatoriums et les stations balnéaires. Au premier Congrès de l’Association internationale de thalassothérapie, par exemple, le Pr Albert Robin (1847-1928) évoque le soleil comme un « promoteur d’énergie » qui « active la vitalité des individus », en parallèle de son pouvoir bactéricide334. Néanmoins, dans leur tendance caractéristique à intégrer des faits unanimement reconnus – ici, le soleil comme source de vie – dans des théories plus personnelles, les courants ésotériques ont également évoqué le rôle fondamental joué par le soleil dans les phénomènes vitaux tels qu’ils les comprennent.
96Le Lotus bleu publie ainsi en 1911 un article de Charles W. Leadbeater sur « Le soleil comme centre de vitalité », dans lequel est écrit : « En même temps que le soleil inonde son système de clarté et de chaleur, il déverse constamment en lui une force que la science moderne ne soupçonne pas encore, une force à laquelle on a donné le nom de vitalité335. » Dans une perspective nettement théosophique, s’appuyant sur l’existence postulée de différents corps subtils, l’auteur souligne que « la vitalité est vraiment la nourriture du double éthérique, elle lui est aussi nécessaire que la nourriture substantielle l’est à la partie grossière du corps physique336 ». En 1931, un article paru auparavant dans The Theosophist affirme dans la même veine :
« Nous savons que le soleil est la source du Prana ou Vitalité sur tous les plans de la Nature. Nous savons aussi que sous l’influence des rayons solaires agissant sur les matériaux subtils du plan physique, des globules de vitalité sont formés en nombre énorme et pénètrent dans le corps humain à travers les chakras de la rate pour circuler le long des nerfs du corps337. »
97L’année précédente, Marius Dumesnil, dans L’Ère spirituelle cette fois, avait énoncé une conception semblable :
« La philosophie des Rose-Croix nous apprend que la force vitale du Soleil est absorbée par la partie de notre corps éthérique qui correspond à la rate. Elle y est transformée et prend une couleur rose pâle ; de là elle se répand dans le corps physique le long des nerfs, pour entretenir la vie et repousser les germes de maladie338. »
98Chez les théosophes et les rosicruciens heindeliens, l’énergie vitale du soleil est perçue comme la nourriture du corps éthérique, l’un des différents véhicules de l’être humain, et des conceptions similaires se retrouvent donc dans une revue ouverte à ces deux tendances comme peut l’être Régénération, à la différence près qu’il n’est pas toujours fait référence à une notion aussi spécifique que celle de corps éthérique.
99Dans le milieu magnético-occultiste, cette énergie solaire est davantage comprise comme un agent du magnétisme. L’intérêt d’Hector Durville pour les vertus magnétiques du soleil est manifeste, nous l’avons dit, et il est connu de ses lecteurs. En juin 1911, le Journal du magnétisme publie le compte rendu du Traité complet d’héliothérapie que Durville avait préfacé en compagnie de Papus et Fabius de Champville (1865-1946). L’auteur, que l’on peut supposer être son fils Gaston, regrette alors : « La cure des maladies par le soleil, ce centre si puissant de magnétisme, est très connue en Allemagne, mais l’est bien peu en France339 […]. » Plus loin, il poursuit : « Au point de vue du magnétisme, tous nos lecteurs savent que le soleil émet des rayons positifs et que leur action puissante agit non seulement sur des sujets sensitifs mais aussi sur tout le monde340. » Le mois précédent, une communication sur les cures solaires délivrée à l’Académie de médecine par les Dr Auguste Rollier et François Henri Hallopeau (1842-1919) était retranscrite, et il se félicitait alors : « Il est avéré aujourd’hui que la lumière solaire exerce directement une action profonde sur la nutrition des êtres vivants341. » Ainsi, un lien unissant le magnétisme au naturisme des frères Durville se retrouve dans la promotion de l’héliothérapie. Fabius de Champville soulève en tout cas ce parallèle lors du discours qu’il donne à l’occasion du transfert des cendres d’Hector Durville, le 22 mai 1932. Il se félicite de voir Henri Durville continuer l’œuvre de son père, puis évoque « ses frères, Gaston et André, [qui] ont, par une autre voie, poursuivi un but analogue342 ». Il précise ensuite son propos :
« Généralisant les théories du Magnétisme, Gaston et André Durville ont voulu toucher le Magnétisme universel ; ils ont voulu puiser dans le trésor de ses forces merveilleuses les éléments de la rénovation de toute une race. C’est par les forces du Soleil, de l’Astre-roi, cœur du monde et foyer de ses énergies qu’ils ont cherché la rénovation. Les résultats ne se sont pas fait attendre. De toutes parts viennent vers eux ceux qui désirent bénéficier de la force solaire, qui veulent la sentir pénétrer dans leur corps et, par ce chemin, dans leur âme343. »
100L’arrière-plan théorique du magnétisme permet alors de comprendre la doctrine naturiste professée par les frères Durville sous un autre angle. Quand ils affirment que c’est « en partie grâce au fait que l’homme possède une peau nue qu’il a réalisé une évolution formidable et qu’il est devenu un des plus puissants – sinon le plus puissant – réservoir d’énergies vitales, nerveuses, mentales344 », il aurait été possible de les voir évoquer dans la même phrase les énergies magnétiques. La même remarque peut être faite quand ils déclarent que « l’anatomie de la peau prouve qu’elle est construite pour absorber les forces atmosphériques, les mettre en réserve dans ses pigments et en faire des énergies humaines dont s’enrichira notre sympathique, pendant les disettes énergétiques345 ». Ils reconnaissent d’ailleurs de surcroît que ces énergies peuvent être appelées magnétiques346, mais le terme, suranné, n’est plus dans l’air du temps, ou du moins, n’est plus en phase avec leur volonté de populariser les conceptions naturistes. Cela n’empêche toutefois pas Gaston Durville de présenter à l’occasion son père comme « un pionnier de l’idée naturiste347 ». De la même manière, ce n’est pas par hasard que des notions similaires sont exposées par Marcel Viard, passé également par la Société magnétique. En 1936, lui aussi assure « que les rayons du soleil venant frapper directement la peau sont emmagasinés dans celle-ci sous forme de pigmentations qui ne sont autres que des réserves d’énergies solaires que l’organisme utilise au fur et à mesure de ses besoins jusqu’à épuisement de ces réserves348 ».
101Que l’énergie solaire soit comprise comme une vitalité éthérique, un avatar du magnétisme, ou autre chose encore, le cadre théorique de l’héliothérapie et des bains de soleil reste le même : l’énergie solaire est captée par l’organisme – par la peau ou la rate éthérique – et redistribuée par le biais du système nerveux pour accroître la vitalité de l’individu. Le Dr Didier, qui n’incline pas vers les cosmologies ésotériques, reprend ce schéma dans la profession de foi de la Ligue naturiste d’Alger : « À notre peau, la nature a dévolu le rôle de capter la lumière et les radiations solaires et de condenser l’énergie ambiante au profit de notre tonicité neuro-musculaire. Elle ne peut le jouer qu’à l’état de nudité, le moindre voile interceptant ces radiations349. » Cependant, les courants ésotériques, et particulièrement le milieu magnétique, orientent les façons de considérer le mécanisme à l’œuvre au sein du milieu naturiste, et ceci même si ces points de vue sont parfois modérés pour plaire au plus grand nombre.
Par la nourriture
102De plus, outre le nudisme, qu’il soit intégral ou non, l’importance accordée au soleil préside également aux considérations sur la force vitale des aliments. L’énergie solaire n’est pas seulement captée par la peau, elle est aussi emmagasinée par le biais des aliments consommés, supposément chargés de cette vitalité énergétique. Cette conception est exposée avant-guerre dans le milieu végétarien, et dans un article publié dans La Réforme alimentaire, le Dr Jules Grand déclare ainsi : « Toute notre énergie vitale nous vient du soleil ; nous la trouvons dans les aliments où elle s’est emmagasinée et condensée, c’est-à-dire dans les végétaux350. »
103L’idée trouve un nouvel essor avec la découverte des vitamines. Le terme apparaît en 1912 sous la plume de Casimir Funk (1884-1967) pour désigner un ensemble de différentes substances dont la carence éventuelle dans l’organisme humain peut se trouver à l’origine de diverses maladies351. Le cadre ouvert par la théorie des vitamines remplace la « trinité diététique » – protéines, hydrates de carbone et graisses – de Justus Liebig (1803-1873) et donne lieu à un changement de paradigme dans le domaine de la nutrition ; changement qui, comme les autres, ne s’est pas produit en un jour352. Les tenants du holisme médical s’engouffrent alors avec enthousiasme dans ce nouveau cadre conceptuel, qui met l’accent sur la qualité des aliments et se montre compatible avec l’idée d’énergie vitale. Viard illustre l’appropriation de ce concept au moment de dénoncer la théorie des calories comme un « mythe dangereux » et d’affirmer « qu’il faut tenir compte pour l’entretien de la vie humaine d’un élément subtil mais de première importance appelé par les uns vitamines et par d’autres énergie solaire353 ». Carton n’est pas non plus insensible à la découverte des vitamines. Il la perçoit comme un fait allant dans le sens des vues spiritualistes qu’il défend depuis plusieurs années, mais il regrette que ses découvreurs n’aboutissent pas aux mêmes conclusions que lui :
« Ces substances non chimiques, impossibles à isoler à l’état de pureté ou sous forme cristallisée, que les hautes températures détruisent, qui n’agissent que vivantes ont été nommées vitamines par eux.
Ayant ainsi découvert les forces vitales, connues déjà d’Hippocrate, le Père de la Médecine, ils se défendent pourtant d’être des vitalistes, car pour rien au monde, ils ne voudraient quitter leur plan matériel, ni leurs théories matérialistes, ni laisser soupçonner qu’ils puissent agir et penser en médecins spiritualistes354. »
104Pour lui, il ne fait pas de doute que ces vitamines sont « des manifestations de la force vitale universelle, élaborée par les végétaux355 ». Il note, par exemple, que « la richesse des champignons en vitamines est grande, car ils constituent dans la vie végétale des sortes “d’explosions de force vitale” (Éliphas Lévi)356 ». Cette dernière citation date de 1925, une époque où Carton pouvait encore régulièrement nommer et citer certains occultistes dans La Revue naturiste357. Or, sans surprise, l’idée que la fonction alimentaire serve de recharge vitale se trouve aussi exprimée par les courants ésotériques.
105Dans Hygie, en 1912, Albert Louis Caillet évoque le mécanisme de cette fonction en déclarant :
« elle comporte la digestion chimique des aliments, si scientifiquement étudiée par les végétariens, mais elle est encore la cause de radiations magnétiques qui sont beaucoup moins généralement connues.
Tous les aliments dégagent, dès leur contact avec la bouche, une certaine quantité de la force-vie qu’ils contiennent, laquelle est avidement absorbée par les nerfs de la langue et de la bouche, en produisant la satisfaction du goût.
Tout le monde sait que la faim s’apaise avant que les aliments en train d’être mangés n’aient eu le temps d’être digérés : c’est un effet des radiations fluidiques signalées ci-dessus358 ».
106Le parallèle est frappant avec Paul Carton, qui affirme de son côté en 1922 : « Par le revêtement cutané entier, par les multiples alvéoles pulmonaires et par les papilles linguales principalement, puis sur toute l’étendue des muqueuses gastro-intestinales s’opèrent la pénétration et la recharge de la force vitale contenue dans l’air, l’eau, la lumière et les aliments359. » Comme la force-vie des aliments est absorbée par les nerfs de la langue et de la bouche, leur force vitale pénètre l’organisme par les papilles linguales.
107Ces considérations sur la force vitale – éthérique ou vitaminique – des aliments entraînent logiquement des conséquences sur les prescriptions diététiques naturistes, qui débouchent principalement sur la diffusion du végétarisme et du crudivorisme qu’elles viennent justifier. Les théories sur l’énergie vitale des aliments se trouvaient déjà répandues dans le milieu végétarien de la Belle Époque. Le Dr Bonnejoy pouvait, par exemple, présenter l’argument suivant :
« La force reconstituante générale de l’aiment réside là où la Nature a mis la vie en puissance ou à l’état chrysalidal, c’est-à-dire dans les grains, les graines, tubercules, fruits, les œufs, les laits ou leurs dérivés, etc., etc. mais la viande ou cadavre n’est qu’un caput mortuum ayant déjà épuisé son cycle nutritif, ne contenant que des produits de désassimilation et, partant, impropre à la bonne alimentation360. »
108D’une part, le régime végétarien apporte des aliments nutritifs réputés supérieurs puisqu’ils contiennent une force vitale neuve, venant du soleil, au contraire des aliments carnés, qui ont déjà utilisé cette vitalité, qu’ils ne parviennent pas à retenir, pour leurs besoins propres. Le Dr Grand évoque cette idée quand il parle de « la vitalité qui se trouve condensée dans les végétaux et principalement dans le fruit et autour de la graine » mais que l’on ne retrouve pas dans les animaux, qui « l’ont déjà utilisée pour eux-mêmes361 ». D’autre part, le régime végétarien demande une dépense énergétique moindre pour être absorbé. Ces idées sont tout à fait classiques au sein du milieu végétarien et se trouvent défendues par l’ensemble de ses membres, qu’ils soient proches de la ST ou non, à l’instar de Louis Pascault, qui n’est pas théosophe mais qui publie en 1900 un travail sur Le Régime végétarien considéré comme source d’énergie. Or, ces idées forment également le corps de l’enseignement de Bonnejoy, puis de Carton, et le Dr Théophile Pascal (1860-1909) remarque à juste titre dans Le Lotus bleu que « les théories du Dr Bonnejoy sont en parfait accord avec les enseignements théosophiques362 ». Et pour cause, à l’image des notions de vitamine, d’énergie et de force vitale, ces arguments en faveur du végétarisme se traduisent en effet facilement en langage théosophique, ou plus largement « ésotérique ». Ainsi, le régime végétarien, à l’inverse des « Elementals de la chair et de l’alcool [qui] ont une énergie considérable [qui] s’ajoutent à ceux de l’âme animale (Karma rupa) », permet d’épuiser moins vite « le stock pranique363 ». Par conséquent, le fait que la valeur vitale de l’alimentation végétarienne puisse être expliquée par la théosophie amène les médecins théosophes à embrasser et promouvoir ce régime avec d’autant plus d’ardeur ; et ceci même s’ils ne sont pas les plus proches du milieu végétaro-naturiste, ainsi de René Allendy dans son Précis de thérapeutique alimentaire (1926), qui souligne également les avantages du crudivorisme364.
109Au-delà d’Allendy, qui cite abondamment Carton, les mêmes arguments relatifs à la force vitale employés en faveur du végétarisme sont en effet brandis pour défendre le manger cru, qui évite la destruction des vitamines et de la force vitale par la cuisson. Avant qu’il ne soit question de vitamines, Ernest Nyssens évoquait déjà « la présence de ferments que la chaleur détruit » dans les aliments crus qu’il préconisait365. Pour lui, « ces ferments sont les vrais vecteurs de ce que les Anciens appelaient la force vitale, ils provoquent dans notre organisme des actions et des réactions qui assurent les fonctions régulières de nos organes366 ». Et cette conception se retrouve chez Carton, comme chez Caillet, quand l’un fait référence à « la force vitale alimentaire, renfermée seulement dans les aliments crus367 », synonyme de vitamines, et quand l’autre recommande de consommer les aliments à leur état le plus naturel, car « toute préparation ou cuisson dégage par cela même une portion de la fameuse énergie intra-atomique (ou fluide vital)368 ».
Par la respiration
110À la différence des bains de soleil et du régime alimentaire, les exercices respiratoires ne figurent pas parmi les principales recommandations naturistes ; du moins ne font-ils pas l’objet d’un grand intérêt parmi les tenants du naturisme médical, qui se contentent généralement de promouvoir les activités et les exercices de plein air. Un regain d’enthousiasme se fait toutefois ressentir à la fin des années trente, en lien avec un intérêt médical dépassant le cadre naturiste et certainement stimulé par le tranquille essor du yoga à cette période369.
111Dans les pays occidentaux, l’intérêt médical pour les modalités de la respiration s’enracine dans l’œuvre de Pehr Henrik Ling (1776-1839), fondateur de la gymnastique suédoise, qui met l’accent sur l’importance de l’acte respiratoire et de sa cadence durant l’application des exercices. En France, la gymnastique respiratoire se développe de façon notable au début du xxe siècle, dans le sillage de la kinésithérapie, de la physiothérapie et des activités de plein air370. L’un de ses principaux promoteurs est le Dr Georges Rosenthal (1872-1958), président de la Société de kinésithérapie en 1912, qui préfère parler de kinésithérapie des voies respiratoires ou d’exercice physiologique de la respiration. Selon lui, « la respiration doit être nasale, suffisante, complète, normalement rythmée », et l’exercice consiste à appliquer cette respiration, sous surveillance médicale, durant l’accomplissement de mouvements simples371. Cette rééducation qualitative de l’acte respiratoire ne recherche pas la consommation quantitative d’oxygène, mais vise plutôt à favoriser ou rétablir le bon développement anatomique et physiologique de l’appareil respiratoire et à en tirer les meilleurs bénéfices en termes de santé, compte tenu des rapports entre la fonction respiratoire et d’autres activités physiologiques comme la circulation veineuse. Rosenthal inscrit la méthode qu’il préconise dans le cadre épistémique dominant de son temps, et il défend notamment son utilisation chez les tuberculeux, lui qui dirige le Dispensaire antituberculeux des 1er et 2e arrondissements de Paris372. Néanmoins, à cette époque, d’autres auteurs s’intéressent à l’art de respirer sous une perspective différente, plus directement rattachée aux systèmes épistémiques antiques et ésotériques, comme l’a montré l’historienne Anya P. Foxen, qui considère le yoga comme « une pratique spiritualisée du mouvement respiratoire373 ». Si Foxen traite de l’école pneumatiste, puis de l’intérêt de Marsile Ficin (1433-1499) et de Cornelius Agrippa, deux grandes figures de l’ésotérisme occidental, pour les possibilités humaines d’absorption du spiritus contenu dans le monde, son analyse se porte aussi sur les écrits plus modernes de l’auteur de la New Thought Warren Felt Evans (1817-1889). La découverte de l’oxygène n’a pas asséché le foisonnement des théories sur la respiration, et dans la vague de Mesmer et Swedenborg, dans une attitude typique aux courants ésotériques postulant l’unité des domaines matériels et spirituels, Evans ne perçoit pas la respiration comme la seule absorption de molécules. Comme Foxen le remarque : « Pour Evans, le souffle est une aspiration de la force vitale d’un spiritus éthéré, tout comme il est aussi un engagement direct avec le Saint-Esprit lui-même374. » Dans le contexte français, trois acteurs des courants ésotériques de la Belle Époque, Ernest Bosc, le Dr Victor Arnulphy (1854-1917) et l’inévitable Albert Louis Caillet, se distinguent par leurs conceptions sur l’art de respirer.
112Bosc publie d’abord Le Livre des respirations (1898), ou « Traité de l’art de respirer ou panacée pour prévenir ou guérir les maladies de l’homme ». L’ouvrage est réédité en 1905 suite au succès de la première édition375, et il se décompose en deux parties, l’une exotérique et l’autre ésotérique. La première partie, alimentée de références scientifiques, reste en effet sur un plan physiologique classique, bien qu’il soit parfois question d’astrologie. La seconde partie s’ouvre, quant à elle, avec le chapitre iv sur « Les Tatwas ou les Forces subtiles de la Nature ». Bosc s’aventure alors dans des considérations « hindoues » sur la constitution du monde et de l’homme, insistant sur l’unité de la matière, et il s’appuie pour cela sur la traduction anglaise commentée d’un texte sanskrit publiée par un théosophe indien nommé Râma Prasâd376. Il évoque ensuite « la Science des Souffles », « la Philosophie Yogâ » et le « Prânayâma », détaillant dans un ensemble touffu ce qu’il présente comme les exercices respiratoires des yogis. Selon lui :
« De leur côté, les Hindous nous apprennent que la respiration aspire la vie (Pranâ) et la distribue à tous les membres du corps, sans exception (2. La vie (Prâna) circule dans le corps aithérique ou fluidique (corps subtil) Suskma-Sharira, qui n’en existe pas moins, bien que le scalpel de l’anatomiste ne puisse le disséquer)377. »
113Une conception similaire se trouve exposée dans La Santé par la science de la respiration (1907), un ouvrage du médecin et magnétiseur niçois Victor Arnulphy, qui connaît trois rééditions sous des titres variables en 1908, 1910 et 1931. À l’image du manuel édité par Bosc, la troisième édition de La Santé par la respiration, celle consultée, se présente en deux parties, l’une étudiant la respiration au point de vue exotérique, l’autre selon une perspective ésotérique378. Dans cette dernière, Arnulphy, qui prétend présenter une « thérapeutique respiratoire nouvelle », écrit notamment :
« La respiration ésotérique ne semble différer en rien de l’autre, mais il s’y passe des phénomènes d’ordre hyperphysique. Ces phénomènes sont invisibles et sont appelés occultes, parce qu’ils sont cachés à nos yeux physiques et à nos instruments. […]
D’après les Yoghis de l’Inde, qui sont les détenteurs des vérités occultes, il existe un principe vital universel, qu’ils appellent Prana. […] nous l’appellerons Force-Vie. […]
Quand nous respirons, la Force-Vie pénètre dans nos poumons avec l’air ; il en entre naturellement d’autant plus que nous en respirons davantage.
Donc, en même temps que l’oxygène, principe vital physique, nous absorbons la Force-Vie, principe vital hyperphysique. […]
Le système nerveux riche en Force-Vie, entretiendra plus régulièrement les fonctions organiques, et donnera au corps entier, ainsi que nous l’avons expliqué plus haut, une puissance toute spéciale, qu’on est convenu d’appeler : magnétique379. »
114Cette citation illustre cette attitude classique au sein du corpus ésotérique moderne, qui consiste à greffer sur des théories scientifiques démontrées (l’apport en oxygène permis par la respiration et sa circulation dans le sang) des théories personnelles (le magnétisme animal) accompagnées de références à des concepts qui se veulent aussi mystérieux qu’immémoriaux (le prana hindou). Toutefois, comme le remarque Caillet, les conceptions d’Arnulphy ne sont guère originales et, au-delà du traité de Bosc, elles semblent avoir « été inspiré[es] par l’ouvrage Anglais du Yogi Ramacharaka : The Hindu-Yogi Science of Breath380 ». Grand lecteur de ce Yogi Ramacharaka, qui n’est autre que l’influent auteur de la New Thought William Walker Atkinson (1862-1932), Caillet lui-même consacre de nombreuses pages de son Traitement mental à la respiration, qu’il considère comme « la plus importante des fonctions corporelles », non seulement sur le plan physique, mais également sur le plan psychique, car « cette fonction est en effet notre principal Collecteur de Force-Vie, de Prana dans le Kosmos381 ».
115Avant-guerre, Caillet publiait abondamment sur le thème de la respiration dans Hygie, organe de la Société unitive dont Bosc et Arnulphy, tous deux végétariens382, sont également membres d’honneur. Par la suite, Paul Carton évoque bien la force vitale comme une modalité de l’Energie universelle que l’on puise « aussi bien dans l’air qu’on respire que dans les aliments naturels qu’on absorbe383 », mais contrairement à la diététique, il ne s’intéresse que très peu à la gymnastique respiratoire, probablement repoussé par l’arrière-plan hindou entourant cette pratique. Il lui préfère la méthode naturelle du commandant Hébert, et il porte plutôt son attention sur le mouvement, qui « entraîne des apports plus considérables d’oxygène et de radiations vitales atmosphériques », que sur la respiration en elle-même384. Dans L’Art de devenir énergique, d’abord retranscrit dans le Journal du magnétisme, Gaston Durville mentionne l’auteur de la New Thought Henry Victor Morgan (1865-1952), pour qui « le développement de l’acte respiratoire est le plus puissant moyen de réveiller les centres nerveux385 », ainsi qu’Ernest Bosc et son père, Hector Durville, auteur d’une méthode respiratoire qu’il détaille abondamment dans Magnétisme personnel ou psychique (1905)386. Comme le suggèrent ces références, le jeune médecin préconise l’usage d’exercices respiratoire dans l’optique d’une rééducation psychique, d’un développement personnel et d’une meilleure gestion des émotions. Toutefois, si la gymnastique respiratoire est ensuite incluse dans la cure de mouvement promue par Gaston Durville, elle n’occupe pas une place centrale au sein de sa cure naturiste387. En effet, sans qu’il ne soit toujours question de prana, la vitalisation par l’air absorbé reste un élément reconnu de la doctrine naturiste, comme en témoigne le Dr Didier au moment d’évoquer les poumons comme de « vrais aspirateurs de vitalité, destinés à puiser à jet continu à la grande source vitale que représente l’air libre aiguisé par le rayonnement solaire388 », mais force est de reconnaître que les exercices respiratoires restent peu préconisés.
116En 1936, Viard révèle bien sa connaissance du sujet quand il déclare dans Calme et santé : « Nous savons par les travaux des Égyptiens, et surtout des Hindous, que l’air contient des forces subtiles et facilement assimilables à condition de s’astreindre à un rythme respiratoire optimum, c’est-à-dire à une respiration lente, profonde et régulière389. » Cependant, ce n’est pas lui, mais Marie-Charlotte Soize, une cantatrice et professeure de chant en partie initiée par le « yogi » Dewanchand Varma (1872-v. 1954)390, qui se charge de développer la question dans la revue l’année suivante. Elle évoque alors sans surprise le force pranique employée par le système nerveux, de la même manière que l’oxygène est utilisé par le sang, et elle défend l’intérêt du chant dans le développement du psychisme supérieur391. Cette même année, le Dr Parvus publie sur la question dans Harmonie392. Il souligne le coup de fouet salutaire apporté au métabolisme par la respiration, qui « permet de fixer une bien plus grande portion de l’énergie cosmique, qui est à l’origine de notre force nerveuse, et constitue la force vitale393 ». Toutefois, sortant du cadre médical, il évoque surtout son importance dans l’épanouissement spirituel de l’individu.
Agir sur le psychisme
117Dans l’anthropologie ternaire développée par les courants ésotériques et un auteur qui consulte leurs écrits comme Paul Carton, la force vitale ne constitue pas le seul élément ou principe qui vient se rajouter au corps physique. Il est également question de « l’esprit ou âme ou mental ou noyau psychique », et nous avons dit que l’hygiène et le traitement mental, qui s’adressent à cette composante-là, constituent un aspect important du naturisme médical et du holisme médical en général. Si les relations du moral et du physique sont globalement reconnues comme une évidence tant elles peuvent être expérimentées par tous, médecins inclus, le propre du holisme médical consiste à accorder une importance fondamentale à ces relations dans les conceptions de la maladie et de leur traitement. Or, dans le même temps, développer ses propres qualités morales et psychiques constitue l’un des grands objectifs que se proposent d’atteindre les acteurs du corpus ésotérique. La perméabilité entre ces différents milieux sur ce sujet se trouve par conséquent particulièrement marquée, comme nous l’avons déjà suggéré en présentant l’aspect psychique du naturisme médical. Il nous semble important d’y revenir.
118En étudiant « la » méthode Coué dans son contexte de réception, Hervé Guillemain n’a pas pu passer à côté des courants ésotériques, même s’il ne les nomme pas ainsi. Il note avec raison que les réseaux de la famille Durville et du magnétisme, liés aux milieux spirites, occultistes et théosophiques, accueillent les défenseurs de l’autosuggestion thérapeutique avant-guerre394. Il relève également la dette du couéisme à l’égard de la New Thought et la rattache à l’appartenance d’Émile Coué à la Société théosophique395. Au-delà du thérapeute nancéen, et en lien avec le développement de la psychologie au xixe siècle, les courants ésotériques recentrent en effet leurs intérêts sur les pouvoirs de l’esprit humain, selon un processus que Wouter J. Hanegraaff a pu nommer « la psychologisation de l’ésotérisme396 ». Sciences psychiques et sciences occultes deviennent en effet synonymes comme l’indique le Manuel bibliographique de Caillet, certes marqué par l’appartenance de son auteur à la New Thought, qui se présente sans doute comme la manifestation la plus extrême de cette évolution. Appliquée en médecine, il suffit, idéalement, que l’individu modifie ses schémas de pensée négatifs à l’origine de sa maladie et se mette à penser de manière positive pour que la santé revienne397.
119Phineas Pankhurtst Quimby (1802-1866) est généralement présenté comme l’un des fondateurs du mouvement de la New Thought. Ce magnétiseur américain itinérant clame en effet que les croyances et attentes des patients sont toutes entières à l’origine de leur condition médicale, et il rattache cette assertion à une vision du monde influencée par Swedenborg et le spirite américain le plus influent de son temps, Andrew Jackson Davis (1826-1910)398. Plusieurs personnes soignées par lui développent ensuite leur école de guérison et de « développement personnel », chacune ayant ses spécificités doctrinales propres et la plus célèbre étant certainement la Christian Science de Mary Baker Eddy (1821-1910). Teintés pour leur part d’un certain hindouisme, les écrits d’Atkinson – ceux qui ont principalement inspiré Caillet – ne sont pas sans entretenir de liens avec les enseignements de la Société théosophique, dont il était devenu membre en 1903. Il accorde d’ailleurs à ces derniers une influence sur la New Thought comme en témoigne ce passage de The Crucicle of Modern Thought (1910) :
« Les premiers livres théosophiques, comme les plus récents, font de nombreuses références à ce pouvoir de la pensée, et la “New Thought” a sans aucun doute reçu de la théosophie beaucoup des idées qu’elle développe à ce sujet, d’une manière aussi bien directe qu’indirecte. Prentice Mulford, un écrivain du début des années quatre-vingt, a beaucoup fait pour populariser les idées et conceptions théosophiques, et a été un lien direct entre la théosophie et la “New Thought”, son axiome favori : “Les Pensées sont des Choses » étant devenu un slogan de cette dernière399.” »
120Au-delà de l’éventuel héritage théosophique d’un ouvrage comme Thoughts are Things (1889) de Prentice Mulford (1834-1891), Atkinson fait certainement référence, à propos des livres théosophiques les plus récents, à celui d’Annie Besant et Charles W. Leadbeater intitulé Thought-Forms (1901). Que les pensées soient des choses susceptibles d’influer sur la réalité est une croyance partagée au sein de la Société théosophique, et ses deux dirigeants se proposent d’aider leurs lecteurs à concevoir « quel genre de chose est une pensée400 ». Ainsi, sur les plans subtils d’existence, une pensée se matérialise, selon eux, par une « vibration radiante » et une « forme flottante », dont l’apparence et la couleur varient en fonction de sa nature. Parcouru de représentations artistiques des différentes pensées supposément perçues sur ces plans par investigation clairvoyante, l’ouvrage n’aborde cependant pas le domaine médical et Atkinson remarque d’ailleurs que « la théosophie n’a eu que peu à dire concernant la “guérison” des maux physiques par le pouvoir mental et spirituel401 ». Il est vrai qu’au contraire de la Science chrétienne, la ST ne saurait être rattachée à l’idéal-type des « religions de guérison » construit par Régis Dericquebourg402 ; mais cela n’empêche pas certains de ses membres de développer des théories médicales en rapport avec les enseignements théosophiques, et celles-ci font la part belle au rôle joué par les phénomènes psychiques.
121La théosophe Eliza Adelaide Gardner (1894-1960) affirme ainsi que le « corps éthérique est particulièrement sensible aux tensions psychologiques excessives », et elle met en garde sur « les maladies des corps supérieurs, telles que la colère ou le parti pris, [qui] influencent directement l’écoulement du prana provenant de ces plans intérieurs, et peuvent ainsi troubler les fonctions du corps physique403 ». Pour le médecin Alfred Auvard (1855-1940), un théosophe très proche de l’Ordre eudiaque d’Henri Durville vers la fin de sa vie et jadis reconnu dans le domaine de la gynécologie404, qui avait rédigé deux ouvrages médicaux explicitement inspirés par les enseignements théosophiques405, la maladie se développe suivant trois stades : le stade de l’idée, le stade des troubles nerveux, et le stade de la lésion. Dans cette logique, il faut donc d’abord apprendre à bien penser, à prendre soin de ce qu’il appelle le « Kamanas », la mentalité, pour être en bonne santé et anticiper l’apparition éventuelle de maladies. Le schéma est ainsi similaire à celui de Gardner : la maladie part du domaine supérieur, l’idée, puis s’écoule sur le plan physique par le biais du corps éthérique. Une importance capitale est accordée à l’hygiène psychique, au fait de développer une « pensée saine, normale, conforme au bien », mais Auvard ne néglige pas pour autant l’hygiène physique406. Caillet disait peu ou prou la même chose quelques années plus tôt dans Hygie, en déclarant que « c’est le mental qui gouverne le physique, et cela avec un absolutisme que peu de personnes ont jamais supposé », tout en précisant que le fait « de donner le pas à la culture psychique, n’entraîne aucunement la négligence de la partie physique de l’homme, dont l’importance est extrême pendant son séjour ici-bas, l’expérience de la chair nous étant imposée par les lois inévitables de la création407 ». Les ouvrages de Caillet sont accueillis avec enthousiasme dans les colonnes du Journal du magnétisme et du psychisme expérimental puisque la New Thought entretient de nombreux liens avec le mouvement théosophique, mais aussi avec les milieux du magnétisme, eux-mêmes proches de la ST, depuis les débuts de Quimby comme magnétiseur. Dans le contexte français, Hector Durville a fait le pont entre ces différents courants. Il publie, en 1905, un ouvrage intitulé Magnétisme personnel ou psychique. Éducation et développement de la volonté pour être heureux, fort, bien portant et réussir en tout dans lequel il expose toute son adhésion au noyau doctrinal de la New Thought en ce qui concerne le rôle de la pensée comme cause directe du bonheur ou du malheur de chacun408. Pour rédiger ce travail, il indique s’être principalement appuyé sur trois ouvrages qu’il recommande : Vos forces et le moyen de les utiliser (1905) de Prentice Mulford, traduit par Sédir, mais aussi La Force-Pensée (1901) d’Atkinson et le Cours de magnétisme personnel (1904) d’un certain Victor Turnbull. Ces deux derniers ouvrages sont publiés par les Bureaux d’études psychiques, la succursale française de la Psychic Research Company de l’éditeur et ami d’Atkinson, Sydney Blanshard Flower (1867-1943), qui édite également la revue Les Forces mentales409. Faisant sienne les idées de Mulford, Durville père considère les pensées comme des choses chargées de puissance, ce qui s’accommode relativement bien avec sa conception physique du magnétisme. Après une introduction théorique dans laquelle il n’hésite pas à régulièrement citer Leadbeater, Papus et Lévi, il développe toute une partie pratique composée d’exercices destinés à augmenter la volonté et la concentration de ses lecteurs, et par là même, leur magnétisme personnel ou psychique. L’hygiène physique n’est pas négligée et, comme nous l’avons déjà souligné, un long chapitre est consacré à la gymnastique respiratoire. L’ouvrage connaît un fort succès, comme s’en félicite son auteur dans la sixième édition à grand tirage de 1921.
122Entre le père et ses fils, l’importance accordée à l’hygiène psychique s’inscrit là aussi dans une filiation directe. André Durville traduit d’ailleurs pour le compte de son père, puis de son frère Henri, plusieurs ouvrages de Prentice Mulford410. À ce propos, il faut rappeler que La Vie sage se présente comme une revue de naturisme et d’éducation psychique, et que si le naturisme prend peu à peu le pas sur l’éducation psychique, de larges extraits du Magnétisme personnel sont tout de même publiés dans Naturisme à la fin des années trente411.
123L’œuvre de Marcel Viard se trouve également redevable en bonne partie aux auteurs de la New Thought. Dans l’article biographique que lui consacre La Science de l’âme, le rédacteur relève que le médecin estime que « les courants de bonnes et de mauvaises pensées ont un retentissement favorable ou funeste sur la vie organique, selon que ces pensées sont bien ou mal orientées412 ». Des considérations similaires sont ensuite activement relayées par ses soins dans Vivre, puis dans Calme et santé. En effet, sa méthode psycho-physiologique de maîtrise de soi s’adresse au contrôle des muscles et des nerfs, mais aussi à la maîtrise des pensées et des émotions. Dans sa préface à la seconde édition de L’Art de penser et le développement rationnel des facultés mentales, éditée en 1921 par Henri Durville, il déclare d’ailleurs s’être appuyé, entre autres travaux, sur les livres d’Atkinson. L’auteur américain ne constitue cependant pas sa seule source d’inspiration, et il mentionne dans la même phrase un auteur comme le Dr Albert Deschamps (1859-1928) qui se pose sur un plan tout à fait étranger à la New Thought413.
124Chez Viard, comme chez ses confrères, les influences se mélangent aussi dans le domaine de la psychothérapie, qui ne constitue évidemment pas l’apanage des courants ésotériques. Dans ce domaine, comme dans les autres, ces derniers participent à l’air du temps, s’appuient sur des travaux plus reconnus sur la question et proposent leurs propres interprétations des phénomènes. Ces interprétations donnent lieu à l’élaboration de concepts qui sont toutefois distinctement décelables parmi certains écrits du holisme médical, mélangés à d’autres considérations plus générales. Le Dr Dumesnil fournit à ce titre un bon exemple de ce type d’interpénétrations. Dans un article de Régénération intitulé « Les causes mentales de la maladie », il se félicite que l’idée de penser l’origine mentale des maladies paraisse un peu moins folle depuis les guérisons mentales opérées par Coué et la New Thought. L’influence de la New Thought et du mouvement théosophique se fait nettement ressentir quand il affirme que « loin d’être une semi-réalité sans consistance et sans pouvoir, la pensée est une force, bien plus puissante que les forces matérielles, dont nous ne connaissons pas la portée incalculable ». Elle devient carrément explicite quand il convient du fait que « les clairvoyants véritables voient dans les mondes invisibles la forme et la coloration des pensées et des sentiments414 ». Il relie néanmoins ces conceptions aux travaux actuels sur le système nerveux de la vie inconsciente, le système nerveux sympathique, qu’il représente comme un « organe de transmission », un « réseau télégraphique » commandé pas les pensées, les images et les sentiments. En accord avec les physiologistes de son temps, il note que le mental agit par son intermédiaire sur la respiration, la circulation, ou encore la sécrétion des glandes, puis il admet des conceptions vitalo-occultistes en évoquant une influence sur « cette énergie vitale (circulant dans ce que les occultistes appellent le corps vital ou corps éthérique) qui chasse loin de nous les microbes ou les paralyse si elle est exaltée, ou, au contraire, les laisse pénétrer en notre corps physique si elle est amoindrie415 ».
125Une compréhension similaire de la circulation du psychisme se retrouve dans le Traité de médecine de Carton, dont un chapitre, inspiré par les ouvrages d’Albert Louis Caillet, Hector Durville, Ralph Waldo Trine (1866-1958), Julian Ochorowicz (1850-1917) et même Marc Aurèle (121-181), est consacré au traitement mental416. Carton considère le système nerveux central et les centres du grand sympathique comme les réservoirs des énergies vitales et psychiques qui irradient en nous et autour de nous, chaque individu étant entouré d’une « sorte de halo invisible et impondérable », porteur d’idées et de représentations mentales, qui « influe sur son sort personnel » et celui de son entourage417. « Les pensées sont des germes418 », c’est pourquoi il est essentiel de développer une pensée saine, de pratiquer la bienveillance et d’éduquer sa volonté, mais Carton insiste sur le fait que cette hygiène mentale, de plus en plus teintée par le christianisme, ne saurait se suffire à elle-même. Il se montre notamment très critique vis-à-vis du freudisme, dont il dénigre le pansexualisme, et lui reconnaît pour seule vérité le fait d’admettre le rôle des passions animales dominantes dans la genèse des maladies psychiques et organiques419. En accordant l’importance qu’elle accorde à l’inconscient et aux phénomènes psychiques, il est vrai que la psychanalyse participe à cet holisme médical tourné vers l’influence de l’esprit et de l’environnement sur le corps physique, mais elle se trouve plutôt en retrait du paysage naturiste. À l’inverse, d’autres composantes du holisme médical également soucieuses d’agir sur le psychisme de leurs patients lui réservent un meilleur accueil, ainsi de la médecine homéopathique (fig. 3).
Fig. 3. – Panorama synthétique du naturisme médical.

Notes de bas de page
1Baubérot, Histoire du naturisme, op. cit., p. 9.
2Ainsi, les productions artistiques de la fameuse colonie du Monte Verità ont fait l’objet d’une attention particulière dans De Weerdt Mona et Schwab Andreas (dir.), Monte Dada: Ausdruckstanz und Avantgarde, Bern, Stämpli Verlag, 2017. Ce sont toutefois les ramifications politiques du mouvement, prégnantes outre-Rhin, qui ont principalement attiré l’attention des historiens. Cf. Ross Chad, Naked Germany: Health, Race and the Nation, Oxford/New York, Berg, 2005 ; Cluet Marc et Repussard Catherine (dir.), „Lebensreform“: die soziale Dynamik der politischen Ohnmacht, Tübingen, Francke Verlag, 2013. Enfin, il faut noter que ce champ d’étude, animé à l’étranger par plusieurs jeunes chercheurs (Johannes Bosch, Eva Locher et Stefan Rindlisbacher notamment), est actuellement très dynamique. En France, un travail de valorisation important centré sur la pratique nudiste est mené par Bernard Andrieu autour de l’ANAT, les Archives des NATurismes (université Paris Cité), et de la collection « Mouvement des savoirs » (L’Harmattan).
3La thèse de Villaret est antérieure à celle de Baubérot, mais elle a été publiée un an plus tard. Nous avons pu consulter ces travaux dans leur version originale et dans leur version publiée. Cf. Baubérot Arnaud, Le Naturisme et la société française. Histoire sociale et culturelle d’un mythe : le retour à la nature (fin du xixe-années trente), thèse de doctorat en histoire, université Paris 12 Val-de-Marne, 2002 ; Baubérot Arnaud, Histoire du naturisme, op. cit. ; Villaret Sylvain, L’Évolution du naturisme et de l’éducation physique : les influences réciproques (xixe siècle-milieu du xxe siècle), thèse de doctorat en sciences et techniques des activités physiques et sportives, université Claude Bernard Lyon 1, 2001 ; Villaret Sylvain, Histoire du naturisme en France depuis le siècle des Lumières, Paris, Vuibert, 2005. Une autre étude d’envergure a plus récemment été produite par l’historien américain Stephen Harp, mais elle s’est montrée moins utile pour notre propos. Cf. Harp Stephen, Au Naturel. Naturism, Nudism and Tourism in Twentieth-Century France, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2014.
4Baubérot, Histoire du naturisme, op. cit., p. 242.
5Ibid., p. 255.
6Notons aussi l’importance que Baubérot ne manque pas d’accorder à la Société théosophique dans la constitution du milieu végétarien au tournant du siècle.
7Cité in Baubérot, Histoire du naturisme, op. cit., p. 22. Baubérot s’appuie sur la consultation d’une réédition de 1818 (Œuvres complètes de Bordeu, t. II, Paris, Caille et Ravier, 1818, p. 595-614) de ce texte qu’il croit dater de 1768, mais dont l’édition originale, intitulée Recherches sur quelques points d’histoire de la médecine, remonte en fait à 1764.
8À ce sujet, voir le chapitre ix de l’Histoire de la médecine de Roger Dachez sur la médecine des Lumières. Cf. Dachez Roger, Histoire de la médecine de l’Antiquité à nos jours, Paris, Éditions Tallandier, 2012 (2008).
9Rey Roselyne, Naissance et développement du vitalisme en France de la deuxième moitié du xviiie siècle à la fin du Premier Empire, Oxford, Voltaire Foundation, 2000.
10Thierry Lavabre-Bertrand, de son côté, a cependant critiqué cette lecture « matérialiste » de l’œuvre de Paul-Joseph Barthez (1734-1806), disciple de Bordeu et premier médecin à proposer une formulation complète de la doctrine vitaliste. Cf. Lavabre-Bertrand Thierry, « Le vitalisme de l’école de Montpellier », in Pascal Nouvel (dir.), Repenser le vitalisme. Histoire et philosophie du vitalisme Paris, PUF, 2011, p. 57-71.
11Rey, op. cit., p. 18.
12Lordat Jacques, Réponses à des objections faites contre le principe de la dualité du dynamisme humain, lequel est une des bases de l’anthropologie médicale enseignée dans la Faculté de Médecine de Montpellier, Montpellier, Sevalle, 1854, p. cxlix-cl. Cité in Lavabre-Bertrand Thierry, « La conception ternaire corps/esprit/âme dans la pensée médicale au cours des âges », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires, en ligne, no 12, 2013. Disponible à l’adresse suivante : [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/1245], consulté le 21 avril 2020.
13Baubérot, Le Naturisme et la société française, op. cit., p. 103.
14Baubérot, Histoire du naturisme, op. cit., p. 87.
15La Médecine naturelle, no 1, 15 mai 1898, p. 7.
16La Médecine naturelle, no 3, 15 juillet 1898, p. 48.
17Airiau Paul, « Mgr Méric contre le Chanoine Brettes. Le conflit de 1898 à la Société des Sciences Psychiques », Politica Hermetica, no 12, 1998, Les contrées secrètes, p. 171-204.
18La Paix universelle, no 267, 1er au 15 janvier 1902, p. 234.
19Baubérot, op. cit., p. 101. Merci à Matthieu Cesari pour la communication des dates biographiques de Joseph Favrichon.
20The Dietetic Reformer and Vegetarian Messenger, mai 1882, p. 109-110. Cité sur le web de la International Vegetarian Union, en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [https://ivu.org/history/societies/french-early.html], consulté le 27 juin 2019.
21The Dietetic Reformer and Vegetarian Messenger, avril 1878, p. 76. Cité in ibid.
22The Dietetic Reformer and Vegetarian Messenger, septembre 1879, p. 180. Cité in ibid ; Archives du musée des Arts et Métiers, fonds Gaudin à Guize, archives du familistère de Guize. Projet de société d’hygiène générale et de végétarisme à Nice (Nice, 1879).
23Cf. Projet de société d’hygiène générale et de végétarisme à Nice.
24Guex Marie-Hélène, « Edouard Raoux », in Dictionnaire historique de la Suisse DHS, en ligne, version du 26 avril 2012. Disponible à l’adresse suivante : [https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/013718/2012-04-26/], consulté le 19 juillet 2019 ; Raoux Edouard, « Du magnétisme médical », Le Magnétiseur, 10e année, no 1, janvier 1871.
25Il publie notamment, entre autres exemples, dans le numéro du 15 février 1870 de la Revue magnétique de Paris et dans le numéro de juillet 1889 du Journal du magnétisme.
26Raoux Edouard, Le Tocsin des deux santés. Fragments sur l’hygiène et l’éducation du corps et de l’âme, Lausanne, Librairie Imer et Payot, 1878.
27Dock Friedrich Wilhelm, Du végétarisme ou de la manière de vivre selon les lois de la nature, St-Gall, Imprimerie Zollikofer, 1878, p. 37.
28Treitel Corina, Eating Nature in Modern Germany, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, p. 28.
29Aderholdt August, « Die naturgemäße Lebensweise in Bezug auf die Förderung der sittlich-geistigen Entwickelung », Sphinx, no 32, août 1888 ; Aderholdt August, « Lebensweisheit », Sphinx, no 51, mars 1890.
30Maitland Edward, Anna Kingsford: Her Life, Letters, Diary and Work, Cambridge, Cambridge University Press, 2011 (1896), p. 355.
31Goodrick-Clarke Nicholas, « Hermeticism and Hermetic Society », in Wouter J. Hanegraaff (dir.), Dictionary of Gnosis and Western Esotericism, op. cit., p. 552-555.
32Bonnejoy Ernest, « Végétarisme et Occultisme », La Curiosité, no 164, 15 août 1896, p. 2.
33Kingsford Anna, Maitland Edward, The Perfect Way: Or, the Finding of Christ, Londres, Field & Tuer, 1882, IV-15.
34Ibid., IV-19.
35« Seulement, garde-toi de manger le sang, car le sang, c’est l’âme ; et tu ne mangeras pas l’âme avec la chair. »
36Bonnejoy, op. cit., p. 2.
37Ouédraogo Arouna P., « Vegetarianism in fin-de-siècle France. The Social Determinants of Vegetarians’ Misfortune in Pre-World War I France », in Alexander Fenton (dir.), Order and Disorder: The Health Implications of Eating and Drinking in the Nineteenth and Twentieth Centuries, East Lothian, Tuckwell Press, 2000, p. 211.
38« Allocution du Dr Grand », La Réforme alimentaire, no 7, juillet 1899, p. 130.
39Bernard Léo, « Le végétarisme théosophique en France : de l’adeptat au militantisme (1880-1940) », Politica Hermetica, no 35 : Nourriture céleste. Alimentations, connaissances et ésotérismes, 2021, p. 83-115.
40La conférence a été délivrée à Londres en 1894 avant d’être traduite et publiée en 1896 dans Le Lotus bleu. Cf. Besant Annie, « Conférence sur le végétarisme vu à la lumière de la Théosophie », Le Lotus bleu, décembre 1896 (la deuxième partie du texte est publiée dans la parution de janvier 1897).
41Ibid., p. 399.
42Ibid., p. 400-401.
43Baubérot, Histoire du naturisme, op. cit., p. 121.
44Weisz, « A Moment of Synthesis », in Lawrence et Weisz (dir.), Greater Than the Parts, op. cit., p. 68.
45Bros Albert, Le Docteur Paul Carton et son itinéraire spirituel, Paris, P. Lethielleux, 1958, p. 14.
46Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 3e série, t. LI, 1904, p. 219.
47Chauveau Jacques, Paul Carton, Paris, Librairie Le François, 1976.
48Morand Jérôme, « Le Docteur Paul Carton », Hygie, no 46, 15 septembre 1911.
49« Sommaire », Hygie, no 39, 15 janvier 1911, p. ii-iv.
50Caillet Albert Louis, « L’harmonie de la vie humaine et l’anéantissement du mal », Hygie, no 52, 15 février 1912.
51« Statuts de la Société Unitive », Journal et bulletin mensuel de la Société unitive, no 1, novembre 1912, p. 2.
52Ibid., p. 52-53.
53Ibid.
54Carton Paul, Traité de médecine, d’alimentation et d’hygiène naturistes, Paris, Maloine, 1920, p. 6-7.
55Papus, Traité méthodique de science occulte, Paris, Georges Carré, 1891, p. 1049 ; Lévi Éliphas, La Clef des grands mystères, Paris, Germer Baillière, 1861, p. 112.
56Ibid., p. 181.
57Ibid.
58Ibid., p. 180.
59Carton Paul, « La magie des nombres », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, juillet-septembre 1919, p. 106.
60Carton, Traité de médecine, op. cit., p. 35.
61Ces lois de la santé, au nombre de dix, sont synthétiquement exposées en 1922 dans Le Décalogue de la santé. Elles correspondent tout simplement aux recommandations médicales naturistes du Dr Carton, soit une certaine façon de s’alimenter, de faire de l’exercice, de se comporter, etc. Cf. Carton Paul, Le Décalogue de la santé, Paris, A. Maloine, 1922.
62Carton, Traité de médecine, op. cit., p. 18-19.
63Marchand Claire, « L’histoire méconnue des premiers médecins en nutrition. Le Docteur Marcel Labbé (1870-1939), promoteur de la diététique du diabète et de l’alimentation rationnelle en France au début du xxe siècle », in Alexandre Klein et Séverine Parayre (dir.), Histoire de la santé. xviiie-xxe siècles. Nouvelles recherches francophones, Laval, Hermann, 2015, p. 163-181.
64Carton, op. cit., p. 308.
65Carton Paul, « Le régime végétarien, régime d’évolution supérieure », La Revue naturiste, février 1928, p. 23. Il faut toutefois noter, pour être précis, que Carton préconise une transition progressive vers le végétarisme et qu’il ne l’impose pas systématiquement à ses patients.
66Carton Paul, « Les trois aliments meurtriers », La Réforme alimentaire, no 4, avril 1912, p. 101.
67Carton Paul, « Lettres à un disciple [Dr Schlemmer] (1915-1919) – lettre du 23 juillet 1918 », La Revue naturiste, no 1-2, janvier-juin 1949, p. 9.
68Carton Paul, « Médecine blanche et médecine noire », Bulletin de l’Ordre de l’étoile d’Orient, no 3, octobre 1923.
69Lutyens Mary, J. Krishnamurti: A Life, Londres, Penguin Books, 2005, p. 134. La Revue naturiste publie également au 1er trimestre 1950 des extraits de la correspondance du Dr Carton avec son disciple André Schlemmer (1890-1973), lui-même initié à la théosophie par l’éditeur Edmond Bailly (1850-1916) et dont l’habitation est alors occupée par des théosophes en son absence.
70Carton Paul, « Lettres à un disciple [Dr Schlemmer] (1921) – lettre du 15 juillet 1921 », La Revue naturiste, 1er trimestre 1950, p. 10.
71Villaret, Histoire du Naturisme, p. 149.
72Pour une monographie consacrée à Georges Hébert, voir Philippe-Meden Pierre, Du sport à la scène. Le naturisme de Georges Hébert (1875-1957), Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2017.
73Hébert Georges, « Nos Idées, Notre Programme », L’Éducation physique, no 1, 15 mai 1922, p. 9.
74Ibid.
75Le Cour Paul, « Notes artistiques : Hébert et Landowski », L’Éducation physique, 15 novembre 1925. Les publications de Paul Le Cour dans L’Éducation physique ont pu être analysées dans Philippe-Meden Pierre, « Corporéité hébertiste et philosophie mystique », Horizons/Théâtre, no 4, 2014, p. 134-145.
76Carton Paul, « Lettres [à Paul Perrelet] 1923-1925 – lettre du 15 janvier 1923 », La Revue naturiste, 1er trimestre 1955, p. 3.
77Besant Annie, « Paroles de clairvoyance – La faillite de la médecine classique », La Revue naturiste, avril 1922.
78Lévi Éliphas, « Les grandes lois morales », La Revue naturiste, mars 1923.
79Schlemmer André, « La Science Occulte et les Sciences Occultes », La Revue naturiste, 2e trimestre 1958, p. 115-116.
80Un bon exemple se trouve à la page 30 du Traité de médecine de 1931, qui supprime des passages de l’édition originale de 1920 affirmant que « notre existence actuelle n’est pas la première que nous traversons » pour les remplacer par des citations de la Première épître aux Corinthiens et du cardinal Mercier (1851-1926).
81L’ouvrage intitulé La Science occulte et les sciences occultes que Carton publie en 1935 illustre bien la façon dont cette foi chrétienne vient se superposer aux connaissances rencontrées et admises alors qu’il naviguait parmi les courants ésotériques.
82À la suite de son Traité de Médecine, Carton publie pour la seule année 1922, Les Lois de la vie saine, Le Décalogue de la santé, Le Naturisme dans Sénèque et Thérapeutique infantiles en exemples, autant d’ouvrages détaillant des aspects abordés dans son copieux Traité. Néanmoins, ces ouvrages, publiés seulement à une dizaine d’exemplaires chacun, n’ont pas dû jouer un grand rôle dans la propagande naturiste.
83Sur cette question, les propos de Carton sont explicites dans la dernière partie du premier tome de son autobiographie. Cf. Carton Paul, L’Apprentissage de la santé, à partir de la page 177 sur « L’origine maçonnique de l’expropriation doctrinale et du sabotage de la vérité. » Concernant son engagement royaliste, Carton était en effet un fervent lecteur de l’Action Française, sans toutefois y adhérer formellement.
84« Variétés », La Revue naturiste, décembre 1927, p. 167.
85Une filiale, le Centro Fraternista de Alcobaça dirigé par Fernando Sà, avait également été fondée en 1923 au Portugal, premier pays à traduire les ouvrages de Carton.
86Villaret, Histoire du naturisme, op. cit., p. 139.
87La bibliothèque de Roubaix détient les archives de Maxence Van der Meersch, notamment l’importante documentation qui a servi à l’écriture de cette œuvre vendue à plus de 300 000 exemplaires, traduite en 11 langues et adaptée au théâtre et au cinéma.
88La revue s’appelle dans un premier temps Témoins, puis Maintenir, avant de devenir Le Témoin à partir de 1951.
89« Groupe d’action végétarienne – Déclaration de ses buts », La Réforme alimentaire, no 5, mai 1912.
90« Assemblée générale du 13 décembre 1913 », La Réforme alimentaire, no 1, 15 janvier 1914, p. 23.
91En 1953, Demarquette indique avoir été à l’époque rebuté par les conditions imposées par la SVF sur le versement des cotisations et la nécessité des demandes de permission préalables à chaque démarche. Cf. Demarquette Jacques, « Esquisse de l’histoire du naturisme en France », in Memento naturiste, 1953, p. 26. Sa présence dans le comité de la SVF est toutefois attestée en 1918. Cf. Bulletin de la Société végétarienne de France, no 13, novembre 1918.
92Ce qui vient confirmer que ce groupe d’action végétarienne a bien débouché sur la société « Le Trait d’Union ». Demarquette arguant par la suite que le « Trait d’Union » avait été fondé en 1911, ce fait méritait d’être éclairci, même si Baubérot avait déjà pu le préciser. Cf. Baubérot, Histoire du naturisme, op. cit., p. 156.
93« Le Trait d’Union », La Réforme alimentaire, no 7, 15 juillet 1914, p. 191-192.
94Demarquette Jacques, « Le respect de la Vie », Bulletin de l‘Ordre de l’étoile d’Orient, octobre 1918, p. 24.
95Demarquette indique avoir fondé cette loge dans son autobiographie. Un document de la ST, qui le signale comme président de cette même loge en 1925, indique qu’elle a été créée en 1922. Cf. The General Report of the Fiftieth Anniversary and Convention of the Theosophical Society, Adyar, Theosophical Publishing House, 1926, p. 106 ; Demarquette Jacques, Confessions d’un mystique contemporain, Paris, Panharmonie, 1965, p. 128 ; Baubérot, Le Naturisme et la société française, op. cit., p. 426.
96Très impliqué dans le scoutisme, Demarquette, qui avait déjà abandonné son cabinet dentaire parisien, était alors engagé par le Comité américain pour les régions dévastées afin de relancer le scoutisme dans le nord de la France. Cf. Baubérot, Histoire du naturisme, op. cit., p. 220. Cet héritage est certainement lié au décès de sa mère, elle aussi théosophe, la même année.
97Ibid., p. 229.
98Carton, Traité de médecine, op. cit., p. 31.
99Demarquette Jacques, Le Naturisme intégral. Méthode de régénération individuelle et de progrès social, Paris, Le Trait d’Union, 1924, p. 233-234.
100Les fonds disponibles en bibliothèque étant très lacunaires, il n’a pas été possible de consulter tous les numéros de la revue, notamment en ce qui concerne les années 1930 et 1931. Il faut aussi noter que L’Aube nouvelle, une revue dirigée par un théosophe, indique dans son édition de mai 1928 que le « Trait d’Union » publie un petit bulletin mensuel intitulé Rénovation. Aucune autre mention de ce périodique n’a pu être retrouvée. Cf. « Le Trait d’Union », L’Aube nouvelle, no 5, 25 mai 1928, p. 15.
101« Work for Brotherhood in France », The Messenger. Official Organ of the American Theosophical Society, no 5, vol. 14, octobre 1926, p. 110.
102Le paragraphe suivant avait été réemployé dans un article consacré au végétarisme théosophique. Cf. Bernard Léo, « Le végétarisme théosophique en France : de l’adeptat au militantisme (1880-1940) », op. cit.
103Santucci James A., « Annie Besant », in Wouter J. Hanegraaff (dir.), Dictionary of Gnosis and Western Esotericism, op. cit., p. 171.
104« Lettre de Mme Besant pour l’Ordre de Service Théosophique », Bulletin théosophique, novembre 1927, p. 163-165.
105« Dans le royaume des enfants. L’étoile de mer », Bulletin de l’Ordre de l’étoile d’Orient, juillet 1927, p. 38-42. Pascaline Mallet créera par la suite, en 1972, l’Association culturelle Krishnamurti, toujours active de nos jours.
106Mallet Pascaline, « Rapport de l’Ordre de Service Théosophique », Bulletin théosophique, juin 1928, p. 133.
107Thorin Paul, « Rapport de l’Ordre de Service », Bulletin théosophique, juillet 1933, p. 142.
108Ibid.
109Thorin Paul, « Convention nationale – Ordre de Service Théosophique », Bulletin théosophique, juin 1934, p. 187.
110Naturiste. Supplément à L’Idéal naturiste, no 6, décembre-janvier 1936.
111Thorin Paul, « Que penser de l’Ordre de Service ? », Bulletin théosophique, août-octobre 1936, p. 224-226.
112Hakl Hans Thomas, « Heindel, Max », in Wouter J. Hanegraaff (dir.), Dictionary of Gnosis and Esotericism, op. cit., p. 462-464. Comme nous l’avons dit, Demarquette aurait rencontré cette organisation lors de son séjour aux États-Unis.
113L’Éducation nouvelle, no 99, novembre 1931, p. 174. Dumesnil publie également régulièrement dans L’Éducation nouvelle, la revue du groupe du même nom fondé par Roger Cousinet (1881-1973) et auquel contribue sa femme, Henriette Huchet (1890-1982), fille du pasteur et pacifiste Henri Huchet (1867-1949) avec lequel il avait aussi collaboré.
114Dumesnil Marius, « Notes de médecine naturiste. Comment envisager la médecine naturiste », Régénération, no 1, janvier 1929, p. 9-10.
115Dumesnil Marius, « La Maladie », Régénération, avril 1929, p. 87.
116Sur ce passage concernant le naturisme marseillais, l’aide de M. Bruno Saurez, qui a depuis publié un ouvrage sur la question (120 ans de naturisme à Marseille, 2020), nous a été très précieuse. Il a en effet eu la gentillesse de nous envoyer un brouillon de son manuscrit et des scans tirés du dépouillement des divers périodiques régionaux traitant du naturisme, notamment Le Petit Marseillais. Les citations de ce journal lui sont pratiquement toutes redevables. Bruno Saurez est également à l’origine d’une bibliothèque numérique extrêmement riche, qui rend désormais facilement accessibles les principales revues naturistes. Sa mise en ligne s’est toutefois faite après notre soutenance. Cf. [https://labibliotheque.coeurnaturiste.com/], consulté le 25 février 2024.
117« La Vie du Mouvement », Régénération, no 52, juin-juillet 1934, p. 26.
118Le Petit Marseillais, 18 décembre 1933.
119Il reçoit en 1927 le Prix Argut pour son étude intitulée Salpingo-ovarites. Traitements conservateurs. Indications et technique (Paris, Maloine, 1928).
120Le Petit Marseillais, 25 décembre 1933.
121« Lettre de nos amis », Harmonie, no 10, octobre 1937, p. 29. Harmonie devient le nouveau titre de Régénération à partir de l’année 1937.
122Si les condamnations du nudisme intégral sont virulentes chez Carton, les relations entre nudistes intégraux et le « Trait d’Union » sont néanmoins bien plus amicales. Ainsi, le reportage de Roger Salardenne indique que les nudistes bordelais vont prendre leur repas végétarien au restaurant du « Trait d’Union ». Cf. Salardenne Roger, Le Nu intégral chez les nudistes français. Reportage dans les années trente, Encre, 1999 (1932), p. 113.
123Vivre intégralement, no 28, 15 juin 1928, p. 13.
124Pour une présentation biographique de Poucel, voir Saurez Bruno, 120 ans de naturisme à Marseille, Bruno Saurez & ANP, 2020, p. 143-177.
125Dans le même témoignage, Poucel, inspiré par les travaux du Dr Auguste Rollier, affirme avoir mis en place des galeries de soleil dans son service de chirurgie. De plus, il donne en 1923 à la maison de Provence, une conférence sur « le Soleil qui guérit ». Cf. Poucel Joseph, « Comment je suis venu au Naturisme », La Vie au Soleil, no 116, mars-avril 1968, p. 5 ; Le Petit Marseillais, 5 mars 1923.
126Le Petit Marseillais, 13 décembre 1936.
127Régénération, janvier 1935, p. 31.
128Ces restaurants seraient toutefois pour la plupart mixtes et non strictement végétariens. Cf. Méry André, « Éléments d’histoire du végétarisme en France », Les Cahiers, Association végétarienne de France, no 2, 1998.
129Baubérot, Le Naturisme et la société française, op. cit., p. 458.
130Baubérot a pu détailler cet aspect du naturisme français dans son Histoire du naturisme. Nous y reviendrons plus loin.
131Demarquette Jacques, « Esquisse de l’histoire du naturisme en France », Memento naturiste, 1953, p. 27.
132Régénération, no 44, avril 1933.
133Harmonie, no 71, juin-juillet 1936, p. 25.
134Riondet Xavier, « Élise Freinet : de l’expérience naturiste aux pratiques de l’École Freinet », Recherches et éducation, no 8, juin 2013, p. 133-148 ; Riondet Xavier, « De l’expérience de la tuberculose aux pratiques de santé d’Elise Freinet. Éléments pour comprendre une autre éducation à la santé », in Alexandre Klein et Séverine Parayre (dir.), Histoire de la santé, op. cit., p. 81-101.
135Cf. Huss Boaz, « Cosmic Movement », in The World Religions & Spirituality Project (WRSP), 2018. Disponible à l’adresse suivante : [https://www.academia.edu/35891087/Cosmic_Movement], consulté le 13 août 2019. Une somme a récemment été consacrée à ce mouvement, cf. Chajes Julie et Huss Boaz (dir.), The Cosmic Movement. Sources, Contexts, Impact, Beer Sheva, Ben-Gurion University of the Negev Press, 2020.
136Régénération, octobre 1934, p. 34.
137Sur la méthode Bircher-Benner en France à cette période, sur le profil sociologique de ses clients et de ses diffuseurs, principalement des femmes éduquées, voir l’article (republié) d’Olivier Faure, « La méthode Bircher-Benner en France dans les années 1930 », in Olivier Faure, Aux marges de la médecine, op. cit., p. 349-364. La doctoresse Eliet, active par ailleurs dans les milieux de la psychanalyse et du « néo-hindouisme », est également connue sous les noms de Leconte (celui de son premier mari) et Bronislawski (son nom de jeune fille).
138Harmonie, no 59, mai 1935, p. 29 ; Harmonie, no 69, mars 1936, p. 27.
139Séguy Jean, « Adventisme », in Encylopædia Universalis, en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [http://www.universalis-edu.com.portail.psl.eu/encyclopedie/adventisme/], consulté le 25 octobre 2019.
140De Forest dirige la revue de 1923 à 1927, avant de passer la main à Nussbaum en 1928. Cf. Year book of the Seventh-day Adventist Denomination – The Official Directories, Washington, Review & Herald Publishing Association, 1928, p. 292. Une courte notice biographique du Dr de Forest a été rédigée par Martin Körner, « Perry Alfred de Forest », in Dictionnaire historique de la Suisse DHS, en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/029009/2009-10-22/], consulté le 25 octobre 2019.
141Demarquette, « Esquisse de l’histoire du naturisme en France », op. cit., p. 21.
142Aucun élément n’indique explicitement que le Dr Parvus est en fait le pseudonyme de Demarquette. « Parvus » prend d’ailleurs soin de parler de Demarquette à la troisième personne. Néanmoins, un tiré à part réunissant des articles du Dr Parvus est indiqué pendant plusieurs années dans Régénération comme ayant été rédigé par Jacques Demarquette. S’il ne s’agit pas de Demarquette, le Dr Parvus pourrait être le Dr Dumesnil, qui ne publie quasiment plus sous ce nom dans Régénération durant les années trente.
143Dr Parvus, L’Alchimie de l’alimentation. Quelques aspects hermétiques de l’alimentation, Paris, Les Éditions du Trait d’Union, 1935.
144Demarquette Jacques, « À nos amis – La transmutation du T.-U. Sa troisième étape », Régénération, no 12, décembre 1936, p. 6.
145Ibid.
146Demarquette, Confessions d’un mystique contemporain, op. cit., p. 208. En 1939, Demarquette ne voit comme équivalent à certains livres d’Alice Bailey que la Doctrine secrète de Blavatsky, ce qui n’est pas peu dire pour un homme très actif au sein de la Société théosophique jusqu’au mitan des années trente. Cf. « Revue des livres », Harmonie, avril 1939, p. 31.
147Demarquette Jacques, Introduction to Comparative Mysticism, New York, Philosophical Library, 1949.
148Even Pierre, « Tribune des mouvements de santé », Bionaturisme, no 4, novembre-décembre 1953. Cité dans Méry André, « Éléments d’histoire du végétarisme en France », op. cit.
149« Société Magnétique de France – But de la Société », Journal du magnétisme, no 15, octobre 1887, p. 166.
150Durville Hector, Traité expérimental et thérapeutique de magnétisme, Paris, Librairie du magnétisme, 1896.
151Journal du magnétisme, no 16, 15 novembre 1887, p. 188.
152Gérard Joseph, Mémoire sur l’état actuel du magnétisme humain, Paris, impr. de Michels et fils, 1889.
153Journal du magnétisme, novembre 1895, p. 106.
154Monet Jacques, La Naissance de la kinésithérapie (1847-1914), Paris, Glyphe, 2009.
155Durville Hector, Pour faire le diagnostic des maladies par l’examen des centres nerveux, Paris, Librairie du magnétisme, 1904, p. 87.
156Durville Hector, Le Massage et le magnétisme, sous l’empire de la loi du 30 novembre 1892 sur l’exercice de la médecine. Règlement statutaire de l’école pratique de magnétisme et de massage. Statuts du syndicat des masseurs et magnétiseurs de Paris, Paris, Librairie du magnétisme, 1894.
157Journal du magnétisme, du massage et de la psychologie, janvier 1909, p. 73.
158Journal du magnétisme, du massage et de la psychologie, décembre 1908, p. 359 ; L’Écho du merveilleux, no 290, 1er février 1909, p. 56-57. Il est intéressant de noter que Gaston Durville prend soin de distinguer les propriétés de cette radiation humaine de celles des rayons N du physicien René Blondlot (1849-1930), alors que la découverte supposée des rayons N est largement niée par le milieu scientifique depuis plusieurs années déjà.
159« Notre Programme », Revue du psychisme expérimental, no 1, octobre 1910, p. 1.
160Durville Gaston, « Les effluves humains existent-ils ? » Revue du psychisme expérimental, no 1, octobre 1910.
161Durville Gaston, Le Sommeil provoqué et les causes qui le déterminent. Étude étiologique de l’hypnose, Paris, Hector et Henri Durville éditeurs, Paris, 1911.
162Il affirme en effet, page 35, n’avoir « jamais eu l’absurde pensée de faire revivre le Magnale magnum de Paracelse, ou le fluide universel de Mesmer », mais sa thèse n’obtient tout de même que la mention médiocre. Cf. Villaret, Histoire du naturisme, op. cit., p. 165.
163Journal du magnétisme, du massage et de la psychologie, juillet-août 1911, p. 434.
164Publicité parue dans le numéro d’octobre 1911 du Journal du magnétisme et du psychisme expérimental.
165Publicité parue dans le numéro de septembre 1911 de la Revue du psychisme expérimental.
166Henri Durville est appelé « notre frère » dans le Bulletin théosophique d’octobre 1923. Le mois suivant, la même revue rend hommage à « [leur] sociétaire » Hector Durville à la suite de son décès.
167Durville Gaston, « Est-ce un cas de réincarnation ? », Psychic Magazine, no 1, 1er janvier 1914, p. 6-7.
168L’Écho de Paris, no 10454, 27 mars 1913, p. 2 ; Durville Gaston, « Le Magnétisme qui momifie les Cadavres », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, février 1913, p. 201.
169L’Ouest-Éclair, 21 décembre 1913, p. 3.
170Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, mars 1912, p. 276-277.
171Le Grand national, 26 avril 1912, p. 3.
172Le Journal, 30 mars 1913, p. 2 ; Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, mai 1914, p. 348.
173Durville Gaston, « Revue des livres – Carton (Paul) – La Tuberculose par Arthritisme », Revue du psychisme expérimental, juin 1911, p. 431-432.
174Durville Gaston, « Le Trac des artistes et son traitement », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, octobre 1911.
175Ibid.
176Chadour Léo, Traité complet d’héliothérapie, Paris, Perthuis, 1911.
177Villaret, Histoire du naturisme, op. cit., p. 163.
178« Les livres nouveaux », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, février 1912, p. 238.
179« Les livres nouveaux », op. cit., mars 1912, p. 286.
180Ibid., p. 277.
181Carton Paul, « Lettres à un disciple [Dr Schlemmer] (1915-1919) – lettre du 23 juillet 1918 », La Revue naturiste, no 1-2, janvier-juin 1949, p. 10. Cette lettre est également relevée par Arnaud Baubérot dans son Histoire du naturisme (p. 255).
182« Note de la direction », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, juillet-septembre 1919, p. 97.
183Durville Gaston, « L’art de vivre longtemps », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, mai 1912, p. 354.
184Dès juin 1921, Paul Carton se plaint à son disciple André Schlemmer du plagiat d’Henri Durville dans son livre Vers la Sagesse et déplore une « spécialité de la boutique ». Deux ans plus tard, il conspue les Durville « qui, comme toujours, imitent avec deux ans de retard ». Cf. « Lettre à un disciple », La Revue naturiste, 1er trimestre 1950, p. 3 & 3e trimestre 1950, p. 147.
185Durville Gaston, « L’Art de vivre longtemps », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, juin 1912, p. 419.
186Durville Gaston, L’Art de vivre longtemps, Paris, Hector et Henri Durville éditeurs, 1912.
187La Réforme alimentaire, août 1912.
188Durville Gaston, La Cure naturiste, Paris, Henri Durville, 1921, p. 9.
189Ibid., p. 17.
190Baubérot, Le Naturisme et la société française, op. cit., p. 536.
191Durville Henri, « La Science Secrète », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, novembre 1921, p. 130.
192« Le Naturisme et la Rééducation psychique – Comment ils doivent être compris », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, juillet-août 1923.
193« Pour l’adepte : Cours supérieur d’entraînement physique et mental par correspondance », La Vie sage, juillet-août 1924.
194Iodko J. de, « Electrographie et Electrothérapie », La Curiosité, no 172, 29 décembre 1896, p. 13-14.
195« La photographie à travers les corps opaques et la télépathie », Journal du magnétisme, février 1896, p. 174-176. Alexandre Klein a également relevé l’intérêt du monde des sciences psychiques et occultes pour la découverte de Röntgen. Cf. Klein Alexandre, « Alfred Binet, les rayons X et les spirites. À propos d’un article oublié dans les pages du Temps », Recherches & éducations, en ligne, no 17, juin 2017. Disponible à l’adresse suivante : [https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rechercheseducations/4293#ftn18], consulté le 23 septembre 2019.
196Si Villaret a particulièrement développé le sujet, il faut également noter les travaux d’Isabelle Duhau et Julie Manfredini, ainsi que la récente thèse de David Lorenté sur Physiopolis (soutenue au moment de la publication). Cf. Duhau Isabelle, « À Physiopolis, la cité de nature de Villennes-sur-Seine (Yvelines). La doctrine naturiste des docteurs Durville », in Actes du Xe colloque d’histoire régionale de la fédération des Sociétés historiques et archéologiques de Paris et de l’Île-de-France, tome 56, 2005 ; Lorenté David, Histoire de Physiopolis (1929-1939) : le naturisme des Durville, thèse de doctorat en STAPS, université Paris Cité, 2023 ; Manfredini Julie, Héliopolis. Une communauté naturiste sur l’île du Levant (1931-1970), Forcalquier, C’est-à-dire Éditions, 2014.
197Baubérot, Le Naturisme et la société française, op. cit., p. 538-539.
198« Dans l’île des hommes nus », Comoedia, 6 mai 1929, p. 1.
199Candiani Clara, « Un voyage à l’île naturiste de Villennes », Naturisme, 30 octobre 1930, p. 5. Ces chiffres sont relevés avec prudence par Baubérot (op. cit., p. 539).
200Archives de la préfecture de police de Paris, famille Durville, 1 W217 – 69598. Rapport sur l’inauguration de Physiopolis, 29 juin 1931, 4 pages.
201Duhau, op. cit., p. 13.
202Villaret, L’Évolution du naturisme, op. cit., p. 390 et p. 422.
203Ibid., p. 389.
204Ibid.
205Naturisme, 3 mai 1934.
206Ibid.
207Baubérot, Le Naturisme et la société française, op. cit., p. 537.
208Peu d’informations sont disponibles sur les activités des frères Durville à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Les archives de la préfecture de police de Paris nous apprennent tout de même que leur mouvement avait déjà diminué avant-guerre. Certains propriétaires de Physiopolis s’estimant financièrement lésés, une plainte pour abus de confiance avait été déposée en février 1932. Malgré le non-lieu en faveur des Durville, ces démêlés auraient eu pour incidence de faire baisser le nombre d’adhérents de la Société naturiste. Selon cette source, de 2 090 en 1932, ils ne seraient plus que 350 en juin 1941. Gaston, qui « a la réputation d’être un “affairiste” plutôt qu’un médecin », doit même solliciter une autorisation pour continuer à exercer sa profession après avoir vu son inscription au Tableau de l’Ordre des Médecins de la Seine lui être refusée par décision du Conseil de l’Ordre des médecins en date du 5 décembre 1941. En 1945, il monte toutefois avec son frère André une nouvelle affaire, la Société Pythagore, fondée afin d’acquérir et d’exploiter un hôtel-pension naturiste à Antibes. Cf. Archives de la préfecture de police de Paris, Durville frères, 77 W 1756 – 99858.
209Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, juin 1925, p. 188.
210Deux articles biographiques le concernant, écrits par certains de ses amis, nous ont été particulièrement utiles pour brièvement retracer sa trajectoire. Cf. Rousseau Charles, « Notre album : M. Louis Gastin », La Science de l’âme et ses applications pratiques, no 4, 16 janvier 1925, p. 57-60 ; Neuville Pierre, « Héritier de la tradition. Le probe savant Louis Gastin a voué sa vie à l’étude des pouvoirs secrets de l’homme », L’Initiation, juillet-août 1953, p. 208-211.
211Bibliothèque municipale de Lyon, fonds ancien, fonds Papus, Ms 5488, Correspondance. Gastin.
212Dans sa présentation des bienfaits du massage, Gastin indique parfois employer le massage vibratoire pour les maladies respiratoires. De plus, au moment d’annoncer son admission comme correspondant national de la SMF, le Journal du magnétisme renseigne Gastin comme « magnétiseur ». Cf. Journal du magnétisme, du massage et de la psychologie, 4e trimestre 1907, p. 38 ; Gastin Louis, « Le massage dans la thérapeutique moderne », Les Petites annales, no 1, janvier 1908, p. 2.
213Gastin Louis, Comment on entre dans la Société Théosophique. Comment on en sort, Marseille, bibliothèque hermétique du Sud-Est, 1919.
214Laurant Jean-Pierre, « Un Kabbaliste chrétien à la Belle-Époque : Albert Jounet (1963-1923) », in Annuaires de l’École pratique des hautes études, no 83, 1974, p. 294-295.
215La Synthèse, no 4, septembre 1918, p. 17.
216Le Sphinx, no 5, 18 avril 1920, p. 38.
217« Bulletin de la Société française d’études psycho-physiques », La Science de l’âme et ses applications pratiques, no 1, 1er décembre 1924, p. 7.
218Ibid., p. 1.
219« Institut de psycho-physique appliquée », La Science de l’âme et ses applications pratiques, no 4, 16 janvier, p. 63.
220Nommée à l’origine « Institut Psychophysiologique », cette école est fondée en 1886 par Edgar Bérillon, le grand promoteur de l’hypnotisme thérapeutique à cette période. Cf. Guillemain Hervé, La Méthode Coué, op. cit., p. 66.
221Coué Émile, Self Mastery Through Conscious Autosuggestion, New York, American Library Service, 1922, p. 67.
222Guillemain Hervé, op. cit., p. 67 et p. 116-137.
223Eon : revue spiritualiste, 3e année, no 5-6, septembre-octobre 1923, p. 77-78.
224Biot René, « Les guérisons miraculeuses de Lourdes. À propos d’un livre récent », La Croix, no 12976, 1er juillet 1925.
225Ibid., p. 202.
226Publicité pour l’« Eutrophy », dans la revue The Quest, octobre 1919.
227Demengel Gaston, « Eutrophie », La Science de l’âme et ses applications pratiques, no 10, 16 avril 1925, p. 147.
228Rousseau, « Notre Album. Le Docteur Marcel Viard », p. 202.
229« Penser & Agir », Penser & agir, no 1, novembre 1925, p. 1.
230Viard Marcel, « L’œuvre sociale de l’I.P.A. », Penser & agir, no 1, novembre 1925, p. 8.
231Kienné de Mongeot Marcel, « La culture du “Moi” », Penser & agir, no 3, janvier 1926, p. 71-72.
232Villaret, L’Évolution du naturisme, op. cit., p. 430.
233Harp, Au Naturel, op. cit., p. 52.
234Kienné de Mongeot Marcel, « Notre but », Vivre – Culture physique & mentale – Hygiène, Sports. Arts & sports, no 1, 15 mars 1926, p. 1.
235Ibid.
236Louis Gastin vient même faire une conférence à Vivre le 28 janvier 1928 pour exposer sa méthode de psycho-diagnostic. Cf. « Les Conférences de Vivre », Vivre intégralement, no 24, 15 février 1928, p. 8.
237Grandprey Madame de, « Université et Université », Hermétisme, no 1, février-mars 1927, p. 2.
238Il n’a hélas pas été possible de consulter l’intégralité des numéros de Penser & agir.
239Kienné de Mongeot Marcel, « L’œuvre de “Vivre” », Vivre intégralement, no 25, 15 mars 1928, p. 3 ; Viard Marcel, « M.-K. de Mongeot. Directeur-fondateur de Vivre intégralement », Vivre intégralement, no 60, 1er janvier 1930, p. 11.
240« Conférences », Vivre, no 7, 15 septembre 1926, p. 15.
241« Revue des Livres », Vivre, no 6, 15 août 1926, p. 13.
242Vivre, no 8, 15 octobre 1926, p. 15-16.
243Kienné de Mongeot Marcel, « L’appel de la nature », Vivre, no 9, 15 novembre 1926, p. 2.
244Voir notamment Derlon Alain, Sport, nationalisme français et régénération de la « race » (1880-1914), Paris, L’Harmattan, 2009.
245En effet, Gastin, Viard et Kienné de Mongeot semblent également être unis par leur adhésion commune à la franc-maçonnerie. Louis Gastin, qui publie en 1928 une brochure incitant à une réforme de la franc-maçonnerie, et Viard, qui sera Grand Commandeur dans les années 1950, jouissent d’ailleurs de grades élevés. Cf. Baubérot, Le Naturisme et la société française, op. cit., p. 589 ; Gastin Louis, Soyons maçons ! Des moyens propres à relever le prestige de la F.-M., 1928 ; « VIARD (Marcel) », in Daniel Ligou (dir.), Dictionnaire de la franc-maçonnerie, Paris, PUF, 1987, p. 1229.
246Vivre intégralement, no 18, 15 août 1927, p. 1. La ligue est déclarée à la préfecture le 25 août 1927. Cf. Villaret, L’Évolution du naturisme, op. cit., p. 437.
247Demengel Gaston, « L’emblème de Vivre », Vivre intégralement, no 19, 15 septembre 1927, p. 15. Cependant, le symbole en question est abandonné à partir du mois de décembre 1928, remplacé par une image de deux silhouettes rendant hommage au soleil. Demengel, quant à lui, semble disparaître du mouvement vers la fin de l’année 1927.
248« L’activité de la ligue naturiste », La Vie saine. Revue officielle de la Ligue naturiste de l’Afrique du Nord, no 1, février 1929. Ce départ entraîne la création de la Ligue naturiste d’Alger qui dispose à compter de février 1929 de sa propre revue intitulée La Vie saine. Un rapprochement se fait avec les « semi-nudistes » Durville et Demarquette, mais il est remarquable de constater l’absence de relations avec des courants ou des thématiques ésotériques dans les colonnes de la revue.
249Baubérot, Histoire du naturisme, op. cit., p. 298 ; Bontemps Charles-Auguste, « Soleil de Carton », Vivre intégralement, no 60, 1er janvier 1930, p. 4.
250Villaret, L’Évolution du naturisme, op. cit., p. 465-469.
251Fougerat de Lastours émet notamment, dans sa thèse de médecine, le regret suivant : « Dans le choc violent qui, à l’heure actuelle, fait s’affronter la conception asiatique de la vie et ce qui survit du splendide idéal grec de l’existence, nous assistons, dans tous les domaines, à l’exaltation de ce qui est juif. » Cf. Fougerat de Lastours David, L’Homme et la lumière. Contribution à l’étude de l’insolation. Moyen de traitement et d’hygiène, thèse de doctorat en médecine, Paris, 1925, p. 141.
252En septembre 1930, l’association rajoute à son intitulé « et Ligue pour l’expansion de la gymnité ».
253Vivre. Santé, joie, beauté, no 138, 1er avril 1933, p. 3. ; Vivre d’abord, no 220, 1er septembre 1938.
254Villaret, L’Évolution du naturisme, op. cit., p. 453.
255« Compte rendu du IVe congrès nudiste », Vivre d’abord, op. cit.
256Kienné de Mongeot Marcel, « Les sociétés naturistes », Vivre, no 44, 1er mai 1929, p. 3.
257Durville Gaston, « La Fédération Naturiste Internationale », La Vie sage, no 76, 10 mai 1929, p. 7. Le mouvement fondé par Carton est ici logiquement négligé par les Durville à cause du conflit ouvert qui les oppose, mais aussi, sans doute, du fait que son ampleur, sa structure et son orientation ne sont pas les mêmes. En effet, la SNF est une société de naturisme médical plus que de naturisme.
258Sosnowska Hélène, « L’action du végétarisme dans les troubles de la menstruation chez la jeune fille et chez la femme », Hygie, no 48, mai-juin 1926, p. 35.
259« Allocution de Madame le Dr Sosnowska », Hygie, no 64, janvier-février 1929, p. iv.
260Hygie, no 31, avril 1924.
261« Les médecins naturistes et végétariens sont rares », Hygie, no 52, janvier-février 1927, p. ii.
262Tanguy Jean, « Notes biographiques sur Frère Legrain ou 35 ans d’apostolat antialcoolique », L’Essor – Correspondance Mensuelle des Bons Templiers Français et Organe de la Grande Loge Franco-Belge, no 85 (1er mai 1930). Sur l’histoire du mouvement antialcoolique en France, voir Afanasyeva Victoria, Cherchez la femme : histoire du mouvement antialcoolique en France (1835-1954), Paris, Institut francophone pour la justice et la démocratie, 2021.
263Legrain Paul-Maurice, Les Quatre points cardinaux de l’Ordre, Paris, Ordre international des Bons Templiers, 1926.
264Zaïkowska Sophie, « Pourquoi je suis entrée dans l’Ordre des Bons Templiers ? », L’Essor, no 106, 1er février 1932.
265Baubérot Arnaud, « Aux sources de l’écologisme anarchiste : Louis Rimbault et les communautés végétaliennes en France dans la première moitié du xxe siècle », Le Mouvement social, no 246, 1/2014, p. 63-74.
266Zaïkowska Sophia, « Vie et mort de G. Butaud (1869-1926) », Le Végétalien, no 3-4-5, avril-novembre 1926, cité in Shalazz, « Milieux libres en France (1890-1914) », infokiosques.net, en ligne. Disponible à l’adresse suivante : [https://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=299#nb37], consulté le 22 octobre 2019.
267Notons toutefois que Rimbault finira par se fâcher avec Butaud et Zaïkowska, leur reprochant le lancement de leur revue Le Végétalien, et par ricochet, le déclin de la revue Le Néo-naturien dans laquelle il publie. Cf. Baubérot, op. cit.
268Pauchet Victor, « Appendicite et végétarisme », La Réforme alimentaire, no 2, 15 février 1904, p. 23.
269Pauchet Victor, « Comment rester jeune », Hygie, no 59, mars-avril 1928.
270Sur le sujet de la psychologie populaire américaine, l’ouvrage de Andrew R. Heinze est particulièrement instructif. Cf. Heinze Andrew R., Jews and the American Soul. Human Nature in the Twentieth Century, Princeton/Oxford, Princeton University Press, 2004.
271« Nos collaborateurs », Réagir, no 5, mai 1936 ; Nyssens Paul, « Santé, Succès, Bonheur », Hygie, février 1938, p. 78. Un site généalogique retrace brièvement le parcours biographique de ce Christian scientist, cf. Cool Larry, « The Berriers ». Disponible à l’adresse suivante : [http://sites.rootsweb.com/~lgcool/berrier/leroy1861.html], consulté le 14 novembre 2020.
272Autrefois appelé « Institut de sciences mentales », cet institut se situait vraisemblablement à Croix, dans le nord de la France. Cf. Berrier Leroy, Le Magnétisme personnel. Une méthode pour le développer, traduit et interprété par Paul Nyssens, Paris/Bruxelles, Maloine/Lamertin, 1910 (1907) ; « How one of our students in Belgium answers his lesson questions », Human Culture, 5 octobre 1907, p. 162.
273« Société végétarienne de Belgique », La Réforme alimentaire, 15 novembre 1907, p. 276. Cité in Baubérot, Histoire du naturisme, op. cit., p. 292.
274Nyssens Paul, « Culture humaine », Hygie, no 1, novembre 1907, p. 21-22.
275Ibid.
276Grand Jules, « Allocution du président », La Réforme alimentaire, décembre 1904, p. 231.
277Pascault Louis, « Moral et maladie – traitement psychique », La Réforme alimentaire, décembre 1907, p. 288.
278Ibid.
279Guillemain Hervé, La Méthode Coué, op. cit., p. 112-116.
280Pauchet Victor, « L’échéance », Hygie, no 50, septembre-octobre 1926.
281Nyssens Paul, « La lecture du caractère par la physionomie », La Revue de psychologie appliquée, janvier 1923.
282Guillemain Hervé, La Méthode Coué, op. cit., p. 69.
283« Notre but. – Qu’entendre par Culture humaine », Réagir, no 1, janvier 1934.
284Guillemain Hervé, op. cit., p. 72.
285« Notre but », op. cit., p. 5.
286Verdal Georges, « Hébert et la méthode naturelle », Réagir, no 1, janvier 1934.
287Voir les numéros 6 et 7 de la revue (juin-juillet 1934).
288Leroux C., « Une Méthode de perfectionnement individuel », La Revue moderne des arts & de la vie, 30 mai 1922, p. 1.
289Mazda-Znan, no 1, janvier-février 1922.
290Martin Paul, « Une conférence au groupe mazdaznan », Réagir, mars 1938, p. 121.
291Sur la personnalité méconnue de Bô Yin Râ, voir la notice d’Antoine Faivre, « Bô Yin Râ », in Wouter J. Hanegraaff (dir.), Dictionary of Gnosis and Western Esotericism, op. cit., p. 198-199.
292Viard Marcel, « Notre But », Calme et santé, no 28, octobre 1932.
293« Cours & Conférences », ibid.
294« Communiqués », ibid.
295Villaret, L’Évolution du naturisme, op. cit., p. 407.
296Baubérot, Histoire du naturisme, op. cit., p. 301 ; Villaret, ibid., p. 413.
297Statuts de l’association cités par Villaret (ibid.). Cf. Le Foyer naturiste, juillet 1934.
298Villaret, op. cit., p. 409.
299Le Foyer naturiste, juillet 1934, p. 10.
300Eliet Jadwiga Eléonora, « Notre Cercle d’études », Le Foyer naturiste, janvier 1937, p. 3.
301Archives de la préfecture de police de Paris, Centre de loisirs, de naturisme et d’Hébertisme, 77 W 1811 – 129730. Document daté du 12 juillet 1942.
302Baubérot cite la brochure publiée en 1932 par Maurice Fuszka, Communisme et naturisme. Cf. Baubérot, Le Naturisme et la société française, op. cit., p. 574.
303Ibid.
304L’Idéal naturiste, no 6, décembre-janvier 1936, p. 11.
305Ce médecin-député a déjà fait l’objet de deux ouvrages mettant en valeur ses positionnements politiques. Cf. Roche Christian, Paul Vigné d’Octon (1859-1943) : les combats d’un esprit libre, de l’anticolonialisme au naturisme, Paris, L’Harmattan, 2009 ; Rupp Marie-Joëlle, Vigné d’Octon, Un utopiste contre les crimes de la République, Pézenas, Domens, 2018 (2009).
306Ibid., p. 9-11.
307Sarluis Julius, « Fluide Humain », L’Idéal naturiste, no 7, mai-juin 1936, p. 17.
308Andrault Raphaële, « Définir le vitalisme. Lectures de Claude Bernard », in François Duchesneau, Jean-Jacques Kupiec et Michel Morange (dir.), Claude Bernard et la méthode de la physiologie, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2013, p. 133-155.
309Durville Gaston, « Les Livres Nouveaux. L’alchimie et la médecine », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, février 1913, p. 239.
310Allendy René, L’Alchimie et la médecine, Étude sur les théories hermétiques dans l’histoire de la médecine, Paris, Chacornac, 1912, p. 30.
311Combes Léon, « Le Plan Astral », Le Voile d’Isis, septembre 1906, p. 6.
312Allendy, op. cit.
313Delanne Gabriel, « Le droit de guérir », Annales du spiritisme, septembre 1924, p. 10.
314L’historien Kocku von Stuckrad constate en effet une adhésion partagée à un certain monisme ontologique parmi les courants ésotériques. Il affirme que « leur cosmologie découle de visions du monde qui conçoivent les domaines matériels et immatériels de la réalité comme une unité », et ce monisme particulier constitue, selon lui, une condition nécessaire au développement de la doctrine des correspondances, des rituels magiques et des théories concernant la nature vivante. Cf. Von Stuckrad Kocku. « Western Esotericism: Towards an Integrative Model of Interpretation », Religion, no 35, 2005, p. 78-97.
315Combes, op. cit., p. 5.
316Calvet Antoine, Les Œuvres alchimiques attribuées à Arnaud de Villeneuve, Grand œuvre, médecine et prophétie au Moyen Âge, Paris/Milan, SÉHA/Archè, 2011 ; Canteins Jean, Arnau de Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 2016 (2 vol.).
317Allendy, op. cit., p. 92.
318Carton Paul, « Le syndrome de dévitalisation », La Revue naturiste, janvier-mars 1933, p. 114.
319Carton Paul, « La magie des nombres », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, juillet-septembre 1919, p. 104.
320Durville Gaston, « La Force Vitale – son rôle en médecine », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, novembre 1918, p. 134.
321Aphorismes de M. Mesmer, Aphorismes 155, 156 et 158, p. 51-52.
322Viard Marcel, « La Personnalité Humaine et son développement harmonieux », Vivre, no 1, 15 mars 1926.
323Carton, Traité de médecine, op. cit., p. 44.
324Ibid.
325Nous entendons par là qu’il n’est pas un occultiste. Il faudrait toutefois mener des recherches sur son intérêt, référencé, pour le magnétisme animal et les recherches psychiques. Cf. Dureau Alexis, Notes bibliographiques pour servir à l’histoire du magnétisme animal, Paris, chez l’auteur, 1869, p. 201-202.
326Monteuuis Albert, Abdominales méconnues – Les déséquilibrés du ventre sans ptose, Paris, Baillière, 1903, p. ix.
327Ibid., p. x.
328Baubérot, Histoire du naturisme, op. cit., p. 121.
329Monteuuis Albert, L’Usage chez soi des bains d’air, de lumière et de soleil, Nice, Librairie Visconti, 1911, p. 9.
330Carton Paul, La Tuberculose par arthritisme. Étude clinique, traitement rationnel et pratique, Paris, Maloine, 1911, p. 588.
331Dumesnil Marius, « La Vie qui est en nous », Régénération, février 1929, p. 7-8.
332Carton, op. cit., p. 587.
333À ce sujet, une lettre de Carton écrite à son ami d’enfance, l’abbé Albert Bros (1872-1961), en 1906, soit avant sa rencontre avec les courants ésotériques, et dans laquelle il est question du « grand tout » et de « l’Energie universelle », est particulièrement révélatrice. Cf. Bros, Le Docteur Paul Carton et son itinéraire spirituel, op. cit., p. 46-47.
334Robin Albert et Bith Henry, Biologie de l’héliothérapie. Rapport présenté au Congrès de l’Association internationale de thalassothérapie de Cannes (1914), Paris, Édition de la Gazette des eaux, 1914, p. 121.
335Leadbeater Charles W., « Le soleil comme centre de vitalité », Le Lotus bleu, janvier 1911, p. 443.
336Ibid., p. 446.
337« Variétés – Le soleil et les vitamines », Le Lotus bleu, juillet 1931, p. 196.
338M. D., « La Médecine des Quatre Éléments », L’Ère spirituelle, no 34, avril 1930, p. 814.
339« Livres nouveaux », Journal du magnétisme, du massage et de la psychologie, juin 1911, p. 430.
340Ibid.
341« Sur les Cures solaires directes dans les stations d’altitude », Journal du magnétisme, du massage et de la psychologie, mai 1911, p. 324.
342« Cérémonie commémorative organisée par la Société psychique internationale », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, juillet-août 1932, p. 98.
343Ibid., p. 99.
344Durville Gaston et André, « Rénovation de la Médecine », La Vie sage, no 78, 10 juin 1929, p. 7.
345Ibid.
346« Les Livres nouveaux – L’art de vivre longtemps », La Vie sage, no 3-4, juillet-août 1924, p. 14.
347Durville Gaston, « La grande loi naturelle du rythme ou comment guérissent nos maladies », Naturisme, no 386, 1er décembre 1936, p. 4.
348Viard Marcel, « L’Énergie », Calme et santé, no 65, février 1936, p. 3.
349Didier Maurice, « Profession de foi de la Ligue Naturiste d’Alger », La Vie saine, no 1, février 1929, p. 3.
350Grand Jules, « Des neurasthéniques », La Réforme alimentaire, janvier 1904, p. 26.
351Funk Casimir, « The Etiology of the Deficiency Diseases », The Journal of State Medicine, vol. 20, 1912, p. 341-368.
352L’historique de cette découverte et de ce changement de paradigme a notamment été établi par Walter Gratzer (chapitres viii et ix). Cf. Gratzer Walter, Terrors of the Table. The Curious History of Nutrition, New York, Oxford University Press, 2005.
353Viard Marcel, « L’Énergie », Calme et santé, no 65, février 1936, p. 3.
354Carton Paul, « La nécessité de l’alimentation en partie crue », La Revue naturiste, janvier 1923, p. 1.
355Carton Paul, « Les vitamines », La Revue naturiste, novembre 1924, p. 150.
356Carton Paul, « Les champignons », La Revue naturiste, juin 1925, p. 101.
357Nous supposons qu’il fait ici référence à une expression employée par Lévi dans Dogme et rituel de la haute magie à propos non pas de champignons mais des « sympathies instantanées » et des « amours foudroyants » qu’il considère comme « des explosions de lumière astrale ». Cf. Lévi, Dogme et rituel de la haute magie, t. I, p. 300.
358Caillet Albert Louis, « La double source de la vie humaine. Respiration et Nutrition », Hygie, no 55, 15 mai 1912, p. 85.
359Carton Paul, Les Lois de la vie saine, Paris, Maloine, 1922, p. 61.
360Dr Ouismons, Le Végétarisme rationnel scientifique et le Docteur Bonnejoy (du Vexin), Bordeaux, G. Gounouilhou, 1889, p. 27.
361Grand, « Des neurasthéniques », op. cit., p. 26.
362Pascal Théophile, « Le Végétarisme et le Régime végétarien rationnel, par le Dr Bonnejoy », Le Lotus bleu, mai-juin 1893, p. 99.
363Ibid.
364Allendy René et Réaubourg Gaston, Précis de thérapeutique alimentaire, Paris, Vigot frères, 1926.
365Nyssens Ernest, « Les aliments crus », La Réforme alimentaire, février 1905, p. 17.
366Ibid.
367Carton Paul, « La nécessité de l’alimentation en partie crue », La Revue naturiste, février 1923, p. 19.
368Caillet, « La double source de la vie humaine. Respiration et Nutrition », op. cit., p. 85.
369Sur l’essor du yoga à cette période, voir Ceccomori Silvia, Cent ans de yoga en France, Paris, Edidit, 2001.
370Cf. Monet Jacques, Émergence de la kinésithérapie en France à la fin du xixe et au début du xxe siècle, thèse de doctorat en sociologie, université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, 2003.
371Rosenthal Georges, Manuel Pratique de Kinésithérapie, fascicule III : Maladies respiratoires (méthode de l’exercice physiologique de la respiration), Paris, Félix Alcan, 1912, p. 9.
372« Biographie du Docteur Georges Rosenthal », L’Album du Rictus, 1907-1908.
373Foxen Anya P., Inhaling Spirit: Harmonialism, Orientalism, and the Western Roots of Modern Yoga, Oxford, Oxford University Press, 2020, p. 11.
374Ibid., p. 104.
375Nous avons consulté cette deuxième version, revue et corrigée, qui contient, selon son auteur, plus de notions hindoues que la première.
376Le texte anglais est composé d’une série d’articles intitulée « Nature’s Finer Forces » et éditée dans The Theosophist de 1887 à 1889. L’ensemble est publié en 1890 sous le titre The Science of Breath & the Philosophy of the Tatwas (Londres, Theosophical Publishing Society, 1890). Des extraits de ce travail (articles et livre) sont traduits dans Le Lotus bleu en 1890 et 1894. Enfin, en 1910, le volume est publié dans son intégralité par les Publications théosophiques. Cf. Prasâd Râma, La Science du souffle et la philosophie des tattvas, traduit du sanscrit [par l’auteur], avec une introduction et des essais explicatifs sur les forces subtiles de la nature, traduit de l’anglais par Émile Desaint, Paris, Publications théosophiques, 1910.
377Bosc Ernest, Le Livre des respirations. Traité de l’art de respirer ou panacée universelle pour toutes les maladies, Paris, Chacornac, 1905 (1898), p. 185.
378Arnulphy Victor, La Santé par la respiration et la culture physique ; Cours complet de gymnastique respiratoire. Manuel de thérapeutique respiratoire, Paris, Beaudelot, 1910 (1907).
379Ibid., p. 61-62 et 65.
380Caillet Albert Louis, Manuel bibliographique des sciences psychiques ou occultes, t. I, Paris, Dorbon, 1912, p. 62.
381Caillet, Traitement mental et culture spirituelle, op. cit., p. 60.
382Suivant les traces de son frère aîné, le médecin homéopathe et théosophe Bernard Séraphin Arnulphy (1852-1933), Victor Arnulphy devient membre actif de la Société végétarienne de France en 1900 et vice-président de la Section de la Riviera (issue de l’affiliation à la SVF de la Société végétarienne de Nice) en 1913. Cf. « Assemblée générale du 13 décembre 1913 », La Réforme alimentaire, 15 janvier 1914, p. 24.
383Carton, Traité de médecine, op. cit., p. 35.
384Ibid., p. 705.
385Durville Gaston, « L’Art de devenir énergique », Journal du magnétisme et du psychisme expérimental, mai 1916, p. 67.
386Durville Hector, Magnétisme personnel ou psychique. Éducation et développement de la volonté pour être heureux, fort, bien portant et réussir en tout, Paris, Librairie du magnétisme, 1905.
387Durville Gaston, La Santé par le naturisme, Paris, Henri Durville, Psychic collection, 1921.
388Didier Maurice, « Profession de foi de la Ligue Naturiste d’Alger », La Vie saine, no 1, février 1929, p. 3.
389Viard Marcel, « L’Énergie », Calme et santé, no 65, février 1936, p. 3. Viard fait probablement référence à l’ouvrage de Bosc puisque celui-ci évoque également les théories égyptiennes sur la question.
390Soize avait en effet invité Dewanchand Varma, qui fait grand cas de la respiration pranique dans sa revue Pour mieux Vivre, à donner une causerie sur les vibrations universelles lors d’une soirée organisée par ses soins en 1929. Elle se distingue ensuite en 1932 par la publication de L’Art du chant par la respiration rythmée, et fait une démonstration sur l’éducation de la respiration à l’École de psychologie, en 1936. En 1953, elle publie La Respiration rythmée, méthode inspirée de la science des anciens Hindous, un ouvrage préfacé par le Dr Henri Balland (1900-1997), proche de « Vivre ». Cf. L’Œuvre, 6 juillet 1929, p. 7 ; Bulletin de l’École de psychologie et de la Société de psychothérapie, mai-juillet 1936, p. 7.
391Soize Marie-Charlotte, « La Respiration Rythmée », Calme et santé, no 74, janvier 1937.
392Dr Parvus, « La gymnastique respiratoire spirituelle », Harmonie, août-septembre 1937 et octobre 1937.
393Ibid., octobre 1937, p. 24.
394Guillemain Hervé, La Méthode Coué, op. cit., p. 116-117.
395Ibid., p. 176.
396Hanegraaff Wouter J., New Age Religion and Western Culture. Esotericism in the Mirror of Secular Thought, Leyde, Brill, 1995, p. 482.
397Hanegraaff Wouter J., « New Thought Movement », in Wouter J. Hanegraaff (dir.), Dictionary of Gnosis and Western Esotericism, p. 861.
398Ibid.
399Atkinson William Walker, The Crucible of Modern Thought: What is Going Into It; what is Happening There; what is to Come Out of It? A Study of the Prevailing Mental Unrest, 1910.
400Besant Annie et Leadbeater Charles W., Thought-Forms, Londres, The Theosophical Publishing House, 2005 (1901), p. 16.
401Atkinson, The Crucible of Modern Thought, op. cit.
402Dericquebourg Régis, « Construction d’un type idéal des religions de guérison à partir d’un échantillon de groupes religieux minoritaires », in Raymond Massé et Jean Benoist (dir.), Convocations thérapeutiques du sacré, Paris, Karthala, 2002, p. 39-59.
403Gardner Eliza A., « Notre attitude envers la santé », Le Lotus bleu, novembre 1926, p. 385.
404Bianchon Horace, Nos grands médecins d’aujourd’hui, Paris, Société d’éditions scientifiques, 1891, p. 5-10.
405Auvard Alfred, Maladie (Hystérie – Neurasthénie – Lésion), Paris, Maloine et fils, 1918 ; Auvard Alfred, Santé. Comment se bien porter (d’après l’enseignement théosophique), Paris, Maloine et Fils, 1920.
406Auvard, Santé, op. cit., p. 76.
407Caillet Albert Louis, « L’harmonie de la vie humaine et l’anéantissement du mal », Hygie, no 52, 15 février 1912, p. 22-24.
408Durville Hector, Magnétisme personnel ou psychique. Éducation et développement de la volonté pour être heureux, fort, bien portant et réussir en tout, Paris, Librairie du magnétisme, 1905.
409Ces deux ouvrages seront par la suite publiés par Henri Durville en 1927.
410Il traduit notamment Les Lois du succès en 1913, Les Forces mentales, à une date inconnue mais antérieure à 1927, et Le Médecin en soi-même en 1927.
411Durville Hector, « Psychisme. Magnétisme personnel », Naturisme, no 435, 15 décembre 1938.
412Rousseau Charles, « Notre Album. Le Docteur Marcel Viard », La Science de l’âme et ses applications pratiques, no 13, 1er juin 1925, p. 201.
413Deschamps Albert, Les Maladies de l’esprit et les asthénies, Paris, Félix Alcan, 1919.
414Dumesnil Marius, « Les causes mentales de la maladie », Régénération, août-septembre 1929, p. 160.
415Ibid.
416Carton révèle dans une lettre à Paul Perrelet, datée du 27 novembre 1913, s’être inspiré de ces auteurs dans la rédaction de sa partie sur le traitement mental. Cf. « Lettres – 1912 », La Revue naturiste, 3e et 4e trimestres 1953, p. 117.
417Carton, Traité de médecine, op. cit., 2e édition, p. 857.
418Ibid., p. 879.
419Carton Paul, « La Psychanalyse », La Revue naturiste, mai 1923.

Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008