Introduction
p. 9-28
Texte intégral
1Ce livre porte en premier lieu sur la diversité des approches médicales à la période contemporaine. Il se recentre sur le contexte français des années 1920-1930, une époque durant laquelle de nombreux médecins ont invité leurs confrères et la société dans son ensemble à emprunter une autre voie dans l’art de soigner, en réponse aux bouleversements amenés par les découvertes scientifiques et médicales du xixe siècle et de la Belle Époque. Ce faisant, cet ouvrage pose la question des oppositions internes au corps médical, mais aussi celle de ses liens avec les croyances et les interrogations de son temps, dans la perspective d’une histoire culturelle. Ces questionnements connaissent un fort écho avec la pandémie de COVID-19, un « fait social total » qui produit une grande variété de réactions collectives et individuelles1. Plus que les conceptions scientifiques et médicales, il est intéressant de noter que ce sont surtout les conceptions politiques, philosophiques et religieuses de chacun qui se trouvent profondément engagées dans nos rapports successifs aux confinements, aux masques et aux vaccins : notre manière de voir le monde, d’agir en lui, se cristallise dans nos réponses sociétales et personnelles à cette situation tourmentée. Cette remarque vaut pour la population générale, mais également pour le corps médical, qui a produit certaines figures dissidentes largement médiatisées. Au-delà des médecins diplômés, la COVID-19, en mettant en lumière la naturopathie par exemple, fait en outre ressortir la pluralité des opinions en matière de santé parmi l’offre thérapeutique disponible. Or, cette offre n’est pas apparue ex nihilo, elle possède bien sûr des racines qui s’insèrent profondément dans l’histoire médicale et culturelle.
2Pour mener une étude historique sur ce qu’il est convenu d’appeler les « médecines alternatives » ou les « marges médicales », l’impasse ne peut être faite sur le contexte scientifique et médical plus large dans lequel elles s’inscrivent. De même, le contexte intellectuel et culturel général permet bien évidemment d’éclairer les dynamiques et les tensions à l’œuvre. Cette lumière n’est cependant pas unidirectionnelle, et ce livre entend bien illustrer l’intérêt historiographique des phénomènes culturels rejetés ou délaissés. Leur étude permet en effet de mettre en valeur, parmi d’autres aspects, la complexité et la profondeur des relations entretenues entre science, médecine, ésotérisme et religion au sein même des sociétés dites modernes et occidentales. Cet objectif est d’ailleurs situé au cœur du champ des études universitaires sur l’ésotérisme, celui qui nous a formé en tant que chercheur et celui qui nous a permis de construire ce sujet de recherche, centré sur le cas français des années d’entre-deux-guerres et alimenté par une problématique directrice : quelle a été l’influence des courants ésotériques sur les théories et pratiques médicales de cette période ?
Courants ésotériques
3Pour bien saisir les enjeux de cette question, il convient d’abord de comprendre ce qui est entendu à travers le concept de « courants ésotériques » et ce qu’il recoupe. Ce concept est lié à celui d’« ésotérisme », « une catégorie historiographique qui recouvre une grande variété de courants religieux, intellectuels et artistiques, de l’antiquité à nos jours2 ». Dans Western Esotericism in Scandinavia (2016), Henrik Bogdan et Olav Hammer établissent une liste de ces courants et remarquent que « la question de savoir quelles caractéristiques substantives sont susceptibles d’unir un ensemble aussi disparate demeure ouverte et controversée3 ». Il est vrai qu’il existe plusieurs manières d’envisager l’ésotérisme. Les premiers travaux académiques sur ce sujet sont ceux d’Antoine Faivre (1934-2021). À partir des années 1970, alors qu’il se distingue comme un spécialiste de l’illuminisme allemand du xviiie siècle, Faivre promeut l’étude diachronique de ces courants, unis, selon lui, par une même forme de pensée au fil des siècles4. Cette vision de l’ésotérisme comme « forme de pensée », fortement influencée par certains courants ésotériques5, a dominé jusque dans les années 2010 le champ de recherche qu’il a grandement contribué à fonder. Parmi d’autres travaux, ce sont les perspectives développées par Wouter J. Hanegraaff qui lui ont ensuite donné une nouvelle impulsion. Dans Esotericism and the Academy (2012), Hanegraaff rompt avec l’ésotérisme comme « forme de pensée » et préfère envisager l’ésotérisme comme une étiquette construite dans le temps, marquée par une succession de rejets épistémiques, religieux et scientifiques, qu’il retrace avec précision6. Cette étiquette n’en recouvre pas moins des courants historiques réels « caractérisés par un fort accent mis sur des visions du monde et des épistémologies spécifiques en désaccord avec la culture intellectuelle normative post-Lumières », ce qui les amène donc à embrasser le statut commun de « savoir rejeté7 ». Pour Hanegraaff, il s’agit d’étudier de manière sérieuse les courants regroupés derrière cette étiquette, non pas pour les rejeter ou les promouvoir, mais pour discerner leur véritable place dans les identités et cultures occidentales, et ainsi remplir les vides que l’historiographie contemporaine a pu laisser en les rejetant dans les poubelles de l’histoire. En se faisant le défenseur d’une historiographie qui « cherche à corriger les images atténuées et idéologiquement orientées de l’histoire occidentale […], en attirant l’attention sur le rôle et la signification historiques des divers courants et idées tombés dans le réservoir des “savoirs rejetés” depuis l’époque des Lumières8 », il ouvre alors un programme de recherche stimulant à la suite duquel nous inscrivons nos propres travaux.
4En effet, nous percevons également ces courants comme une dimension négligée des mondes occidentaux dont il convient d’éclairer le développement. De même, nous reprenons son agnosticisme méthodologique9, qui se garde de juger l’authenticité des réalités méta-empiriques exprimées par les croyants afin de mieux orienter son regard sur les manifestations culturelles des religions et légitimer l’étude sérieuse d’expressions religieuses jusqu’alors dénigrées. Cette approche, nous l’appliquons à l’histoire de la santé et des marges médicales. Ainsi, ce travail ne s’inscrit pas dans une démarche polémique, qui viendrait discuter la prétendue efficacité des médecines étudiées. Disons-le, nous ne posons pas la question de la valeur de ces médecines – ou des courants ésotériques du reste. D’une part, cette question dépasse nos compétences – nous ne sommes ni médecin, ni formé aux sciences naturelles –, d’autre part, elle n’a que peu d’intérêt dans la démarche qui est la nôtre. Si nous précisons, le cas échéant, quand une théorie ne s’accorde pas avec le savoir scientifique communément admis – ainsi de la question des doses infinitésimales en homéopathie –, car cette information permet de mieux appréhender les positions de chacun, nous ne nous engageons pas plus avant sur ce terrain, que nous livrons à d’autres acteurs plus compétents. Notre démarche n’est pas de critiquer ni de défendre ces médecines, mais simplement d’éclaircir leur histoire et, plus particulièrement, l’influence qu’ont pu exercer les courants ésotériques sur leur développement10.
5Cela étant dit, ces fameux courants, quels sont-ils ?
6Bogdan et Hammer nous confient qu’au regard de l’épineuse question des caractéristiques substantives partagées par les différents courants ésotériques, « des controverses considérablement moindres entourent la question des contenus qui doivent être compris comme relevant de la catégorie de l’ésotérisme occidental11 ». Cette déclaration est seulement vraie dans une certaine mesure. Nous retrouvons une bonne part de ces contenus dans le Dictionary of Gnosis and Western Esotericism (DGWE)12, une somme collective dirigée par Hanegraaff, Faivre et deux autres professeurs qui est venue consacrer les études sur l’ésotérisme (occidental) comme un champ de recherche spécifique et reconnu comme tel13. Publié en 2005, le DGWE a ainsi réuni près de 150 chercheurs qui ont chacun rédigé une ou plusieurs entrées sur un mouvement, une conception, une pratique ou des individus appréhendés de ce fait derrière l’étiquette de l’ésotérisme. Pour autant, ce volume, reflet de l’état de la recherche à ce moment donné, néglige de nombreux acteurs, qu’ils s’agissent des scandinaves étudiés ensuite par Bogdan et Hammer, ou bien des ibéro-américains, sans parler des mondes juifs et islamiques, volontairement laissés de côté par les éditeurs pour des raisons d’ordre pratique. En outre, la question des barrières chronologiques de ce champ de recherche résolument diachronique peut prêter à débat. Si les courants ésotériques des périodes moderne et contemporaine se réclament les détenteurs d’un savoir antique et médiéval, et qu’ils renouvellent effectivement l’usage de certaines pratiques étouffées par la modernité, le champ de recherche sur ces courants reste marqué par les époques de spécialisation de ses principaux protagonistes. Il demeure de ce fait encore plutôt éloigné des chercheurs médiévistes et antiquisants, qui ne voient souvent pas l’intérêt d’associer leurs sujets de recherche, bien inscrits dans les savoirs reconnus de leur temps, avec la marginalité de ceux qui se réclament être leurs successeurs. Ces objections ne sont pas sans légitimité, mais elles ne nous concernent pas pour le sujet qui nous occupe. En ce qui concerne la période allant de 1850 à 1950, les différents courants ésotériques animant le contexte français sont relativement identifiés et peuvent être isolés en quatre familles principales : les milieux du magnétisme, du spiritisme, de la théosophie et de l’occultisme. Tous ces courants partagent selon nous une même description : il s’agit de groupes sociaux au sein desquels des théories et des pratiques concernant la nature de l’homme, du monde et de la vie sont élaborées et partagées dans un climat culturel situé au carrefour de la science, de la religion, de la philosophie et des arts. Ce partage peut prendre l’aspect de discussions ouvertes ou d’enseignements magistraux, que ce soit sous forme orale ou écrite, et par extension, les courants ésotériques désignent également des individus plus isolés ayant publié sur ces sujets dans une perspective située à un tel carrefour. Cette définition permet de nous recentrer sur les individus et les groupes qui animent ces courants, et qui se manifestent principalement à l’historien sous la forme de publications monographiques et périodiques, plus que sur des pratiques et des croyances particulières. Bien sûr, à cette période, ces courants partagent le plus souvent un intérêt commun pour les sciences dites « occultes », les pouvoirs humains inconnus, la pensée analogique, l’unité de la matière, et ils entendent généralement concilier les données de la science de leur époque avec les théories traditionnelles des auteurs auxquels ils entendent se rattacher. Ils portent ainsi la plupart du temps la marque de ce que Hanegraaff nomme « le récit de l’ancienne sagesse », l’idée qu’une chaîne d’initiés se transmet à travers les siècles la clef des savoirs, un récit né avant la Renaissance et qui constitue « le fondement conceptuel du “corpus référentiel” initial de l’ésotérisme occidental auquel les générations suivantes ont continué à se référer jusqu’à nos jours14 ». Néanmoins, nous ne souhaitons pas faire de cet intérêt et de ces croyances partagés des critères distinctifs, car ils sont susceptibles de varier dans l’espace et le temps.
7Pour bien comprendre de quoi il est question, il reste encore à brièvement présenter les quatre grandes familles que nous avons évoquées, celles qui sont les plus à l’œuvre dans les milieux médicaux des années d’entre-deux-guerres, tout en soulignant le fort entrelacement qui les unit.
Le magnétisme
8Par ordre d’apparition chronologique, il convient de commencer par le magnétisme, un sujet qui a déjà largement attiré l’attention des historiens depuis le travail pionnier de Robert Darnton15. Ce phénomène culturel surgit avec le docteur Franz-Anton Mesmer (1734-1815), un médecin viennois qui élabora au cours de la décennie 1770, suite à son utilisation d’aimants dans un cadre thérapeutique, une théorie médicale reposant sur l’existence d’un fluide universel qui pénétrerait toutes les substances et connecterait les êtres vivants, les plantes et les objets entre eux. Bertrand Méheust résume cette théorie ainsi : « Tant qu’ils sont saturés de ce fluide, les êtres vivants sont en bonne santé ; mais que des “obstructions” l’empêchent d’irriguer les organismes, et c’est alors que survient la maladie16. » Mesmer s’évertue alors à rétablir le bon équilibre fluidique de ses patients, notamment par l’apposition de ses mains et des passes magnétiques, déclenchant à l’occasion des crises spectaculaires qui feront la renommée d’un phénomène controversé qui sera sur toutes les lèvres en France depuis sa venue à Paris en 1777 jusqu’à la fin des années 1780. Pour les deux commissions royales de 1784, qui réunissent pour l’occasion des membres de la Faculté de médecine de Paris, de l’Académie des sciences et de la Société royale de médecine, le procédé thérapeutique ne repose toutefois que sur l’imagination des malades et les adeptes de Mesmer semblent avoir perdu la partie17.
9Cependant, le marquis de Puységur (1751-1825) relance par la suite le débat en introduisant sans le vouloir l’un de ses patients dans un état modifié de conscience qu’il nomme « somnambulisme magnétique ». Cet état, connu aujourd’hui sous le nom d’état hypnotique, est soumis à diverses interprétations dont certaines, comme à propos de Mesmer, nient l’existence d’un fluide quelconque susceptible d’intervenir dans l’opération. Le médecin Alexandre Bertrand (1795-1835), par exemple, le perçoit plutôt comme une marque d’autosuggestion18. Deux nouvelles commissions médicales sont alors chargées d’inspecter le phénomène, mais tandis que l’une conclut à sa réalité, l’autre préfère nier son existence, et face à ce statu quo, l’Académie royale de médecine décide en 1842 de refuser désormais toute discussion sur le sujet. L’hypnotisme devient néanmoins un sujet d’étude majeur à la fin du siècle par le biais des fameux travaux de Jean-Martin Charcot (1825-1893) sur l’hystérie. Mais là encore, les interprétations varient, et l’hypothèse fluidique n’est pas celle privilégiée par la plupart des hommes de science, sans pour autant qu’une démonstration du processus biologique à l’œuvre ne s’impose puisque les spécialistes peinent encore de nos jours à complètement expliquer les causes d’un phénomène pourtant couramment utilisé dans les hôpitaux19.
10Malgré les critiques et la décision de l’Académie de médecine, la théorie mesmérienne d’un fluide vital emplissant le cosmos et susceptible de soigner les individus n’a pas disparu au cours du xixe siècle. Au contraire, elle est toujours défendue dans certains milieux et sous des formes variées, notamment par l’entremise du baron Jules du Potet de Sennevoy (1796-1881)20. Ce dernier s’oppose au corps médical et savant qui refuse de reconnaître l’existence du magnétisme, mais un certain nombre de médecins le soutiennent tout de même pour lancer le Journal du magnétisme en 1845. Cette publication réunit alors les différentes approches du magnétisme, certaines insistant sur l’aspect matériel du fluide et sa circulation, d’autres sur sa mise en mouvement par la volonté, d’autres encore prétendant agir par l’intermédiaire d’entités spirituelles21. En 1852, du Potet publie La Magie dévoilée, ou principes de science occulte, un ouvrage qui dépasse largement le thème du magnétisme thérapeutique et dans lequel son auteur exprime son spiritualisme et sa croyance en l’existence d’une école opposée à la science officielle, « connue seulement d’un petit nombre » et détentrice de « la véritable science de la vie22 ». Cette croyance est reprise par son successeur de la Belle Époque, Hector Durville (1849-1923), qui relance le Journal du magnétisme en 1879. Chez lui, comme auparavant chez du Potet, le magnétisme s’enracine dans des périodes largement antérieures à Mesmer et forme un domaine de la science ésotérique à laquelle avaient accès les initiés de l’antiquité. Selon Durville :
« Les prêtres possédaient deux sciences : l’une élevée et philosophique, basée sur l’étude des lois de la nature ; l’autre plus simple, en quelque sorte rudimentaire. La première, mystérieuse, connue d’eux seuls, et dont ils n’obtenaient la connaissance que dans les initiations, contre la foi du serment, après de longues et terribles épreuves […] le magnétisme avec bien d’autres secrets faisait partie du domaine de cette science mystérieuse dont la connaissance n’était réservée qu’aux initiés23 […]. »
11Autour de la Librairie du magnétisme, qui publie des ouvrages touchant aux domaines du « magnétisme, de l’hypnotisme, des sciences occultes et de la médecine usuelle », et de la Société magnétique de France (SMF), fondée en 1887, se structure ainsi un mouvement magnétique relativement conséquent, bien qu’il ne soit en rien comparable à l’engouement des années précédentes.
Le spiritisme
12Les magnétiseurs, et particulièrement ceux croyant en l’intervention d’entités spirituelles, n’ont pas été sans jouer un rôle dans le rapide essor rencontré par le spiritisme au milieu du xixe siècle. Le spiritisme se distingue en premier lieu par les diverses pratiques de communication avec les « esprits » des morts qu’il diffuse24. Né officiellement après les phénomènes de l’été 1848, qui se seraient produits dans la ferme de la famille Fox à Hydesville dans l’état de New York (les demoiselles Fox seraient entrées en communication avec l’esprit frappeur d’un colporteur enterré sous la maison, des performances qu’elles reproduisent lors de leurs tournées), le spiritisme, comme le magnétisme avant lui, devient un sujet de conversation immensément populaire aux États-Unis, puis en Europe. Des cercles apparaissent, des séances privées s’organisent et des médiums se font remarquer aux quatre coins des pays concernés. Les techniques d’entrée en communication avec les morts se diversifient, de l’écriture automatique jusqu’aux matérialisations d’esprits, en passant par les fameuses tables tournantes, mais le spiritisme ne se restreint pas à ces pratiques spectaculaires. Le message central qu’il renvoie, celui d’une vie après la mort physique, s’accompagne de nombreuses spéculations anthropologiques et cosmologiques, pour certaines inspirées par le magnétisme. En France, mais aussi à l’international, la doctrine d’Allan Kardec (pseudonyme d’Hippolyte Léon Denizard Rivail, 1804-1869) se démarque avec la publication du Livre des esprits, en 1857. Comportant des messages supposément transmis par les esprits de philosophes, savants et poètes renommés, tels Platon (ca. 427-ca. 347 av. J.-C.), Augustin d’Hippone (354-430) et Emmanuel Swedenborg (1688-1772), cet ouvrage fournit le point de départ à la nouvelle « religion scientifique » qu’il entend former et qu’il nomme spiritisme25. En 1858, il fonde la Revue spirite, une revue qui réussit l’exploit d’être publiée jusqu’en 1976 et de documenter les évolutions de ce phénomène culturel au fil des années, mais aussi la Société parisienne d’études spirites. Kardec entend démontrer que les phénomènes supposément merveilleux du spiritisme peuvent être scientifiquement expliqués puisqu’ils reposent sur des lois naturelles ; « le surnaturel n’existe pas », comme le déclare Camille Flammarion (1842-1925) durant l’oraison funèbre qu’il prononce à l’enterrement de Kardec26. Pour cette raison, le spiritisme entretient des liens étroits avec les « recherches psychiques », c’est-à-dire l’étude des phénomènes mystérieux qui ne trouvent pas leur explication dans les lois de fonctionnement officiellement reconnues du monde naturel27. Charles Richet (1850-1935), la célèbre physiologiste français, prix Nobel en 1913, contribue à développer ce type d’études à travers le concept de métapsychie, mais à l’image des activités de la Society for Psychical Research, fondée à Londres en 1882, il faut souligner que l’étude de ces phénomènes n’est pas orientée par une doctrine comme celle du kardécisme ou des concepts comme celui du « périsprit » ; elle se veut la plus impartiale et la plus dénuée de présupposés qui soit. La Société scientifique d’études psychologiques, fondée en 1882 par le spirite Pierre-Gaëtan Leymarie (1827-1901) et présidée par Charles Fauvety (1813-1894), prétend la même chose, mais elle n’en demeure pas moins située au cœur des courants ésotériques de la Belle Époque. C’est notamment à travers les pages de son bulletin que se diffuse en premier lieu la pensée théosophique en France.
La théosophie
13À ne pas confondre avec la théosophie du xviie siècle et des illuministes du xviiie siècle, la théosophie « moderne » voit le jour avec la fondation de la Société théosophique (ST), en 1875, à New York28. Cette création doit beaucoup à la rencontre d’Helena Petrovna Blavatsky (1831-1891) et du colonel Henry Steel Olcott (1832-1907) au sein des milieux spirites29. Après avoir organisé un certain nombre de réunions, ils décident de fonder une société dont Olcott présente les objectifs durant son discours inaugural : « fournir des preuves incontestables de l’immortalité de l’âme » et de « la vérité de l’ancienne philosophie » en « étudiant la religion du point de vue des peuples anciens et en rassemblant leur sagesse » afin d’« aider la libération de l’opinion publique des superstitions théologiques et de sa soumission docile à l’arrogance de la science30 ». Son entreprise entend s’inscrire dans la lignée des « néoplatonistes » et des « grands maîtres de la théosophie » dont il souhaite diffuser les écrits, en opposition aux « médiums manipulateurs » et autre « esprits menteurs » qui polluent le milieu spirite. En 1877, Blavatsky publie Isis Unveiled, un ouvrage en deux volumes, « Science » et « Théologie », qu’elle déclare avoir écrit sous l’influence d’un « Maître » communiquant avec elle par transmission de pensée. Elle y expose l’idée d’une « religion-sagesse » universelle et éternelle, terreau commun à la science contemporaine et aux différentes religions, tout en postulant l’évolution spirituelle graduelle de l’homme et l’existence d’une fraternité occulte gardienne de ce savoir (à laquelle appartiendrait le « maître » en question) ; autant de thématiques qui assurent un grand succès à l’ouvrage d’une femme qui accomplit en parallèle quantité de « phénomènes » dans son appartement new-yorkais. À la fin de l’année 1878, Olcott et Blavatsky se rendent en Inde, concrétisant ainsi leur attirance pour les religions orientales. Là-bas, d’autres acteurs se joignent à eux, notamment Alfred Percy Sinnett (1840-1921), l’auteur de The Occult World (1881) et d’Esoteric Buddhism (1883). C’est néanmoins encore un autre ouvrage de Blavatsky qui s’impose comme la principale référence du mouvement théosophique. Forte de plus de 1 500 pages, The Secret Doctrine (1888) va encore plus loin dans la présentation de la « religion-sagesse » et de son contenu, qu’elle présente comme une « synthèse de la Science, de la Religion et de la Philosophie », mais les enseignements théosophiques continuent d’évoluer après la mort de Blavatsky. De son vivant, des dissensions avaient déjà émaillé la société, mais elles s’exacerbent au point qu’il convient mieux de parler d’un mouvement ou d’un courant théosophique, un mouvement protéiforme au demeurant et animé par différentes sociétés fondées au fil des scissions successives31. La Société théosophique se distingue par son envergure mondiale et son organisation en différentes branches nationales, elles-mêmes composées de différentes « loges » présentes dans les principales villes des pays concernés. En dépit de l’idéal de fraternité universelle, cette organisation favorise les luttes de pouvoir, qui se multiplient, comme l’illustrent notamment les cas de Rudolf Steiner (1861-1925), fondateur de la Société anthroposophique (1913), et d’Alice Bailey (1880-1949), fondatrice du Lucis Trust (1922) et de l’école Arcane (1923), tous deux en conflit avec la présidente Annie Besant (1847-1933).
L’occultisme
14La fondation de la Société théosophique est parfois perçue par certains historiens comme l’acte de naissance du mouvement occultiste32, mais nous préférons quant à nous distinguer les deux mouvements en question. L’occultisme est un concept qui a été employé pour désigner une foule de choses différentes. Il a été popularisé par Éliphas Lévi (pseudonyme d’Alphonse-Louis Constant, 1810-1875), celui qui déclara avoir « osé fouiller les décombres des vieux sanctuaires de l’occultisme » dans Dogme et rituel de la haute magie (1856). Ici, l’occultisme renvoie à la tradition ou « philosophie occulte » telle que la concevait Lévi, et les origines de ce concept sont à chercher dans le De occulta philosophia de Cornelius Agrippa (1486-1535), où l’auteur relie sous ce même terme, qui signifie alors « philosophie cachée », tout un ensemble de pratiques et de courants, qu’il s’agisse de magie, d’astrologie, d’alchimie, ou encore de kabbale. Lévi prétendait dévoiler cet ensemble de pratiques et de connaissances, et ses écrits ont eu un fort retentissement sur les acteurs ésotériques postérieurs : il est notamment abondamment cité par Blavatsky, mais son influence est également notable sur une organisation comme le Groupe indépendant d’études ésotériques, fondé par Papus (pseudonyme du Dr Gérard Encausse, 1865-1916) en 1889. Ce centre d’études, qui a pour organe L’Initiation, vise à permettre la réalisation des objectifs du mouvement, qui sont alors :
« – dans la Science, à constituer la Synthèse en appliquant la méthode analogique des anciens aux découvertes analytiques des expérimentateurs contemporains ;
– dans la Religion, à donner une base solide à la Morale par la découverte d’un même ésotérisme caché au fond de tous les cultes ;
– dans la Philosophie, à sortir des méthodes purement métaphysiques des Universitaires, à sortir des méthodes purement physiques des positivistes pour unir dans une Synthèse unique la Science et la Foi, le Visible et l’Occulte, la Physique et la Métaphysique33 ».
15Ces objectifs font écho à ceux poursuivis par les autres courants ésotériques, et pour cause, à cette date Papus est en passe de quitter la Société théosophique en raison d’une dispute causée par des conflits d’influence et des désaccords idéologiques. Néanmoins, le courant qu’il contribue à fonder en France, l’occultisme, et qui se développe en parallèle en Angleterre par l’intermédiaire de l’Ordre hermétique de l’Aube dorée – auquel appartient durant un temps Aleister Crowley (1875-1947) –, se distingue du mouvement théosophique par son emphase mise sur l’apprentissage et la pratique des « sciences occultes » (astrologie, alchimie, magie, mais aussi physiognomonie, chirologie et graphologie), ainsi que par l’intérêt renouvelé qu’il accorde à la tradition ésotérique « occidentale » (qui englobe aussi l’hermétisme « gréco-égyptien » et la kabbale juive) par rapport aux tendances jugées trop « orientalisantes » de la Société théosophique. L’Ordre martiniste, nommé en hommage à l’illuministe Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), structure le milieu occultiste français et lui permet de rayonner à l’international. Le « Suprême Conseil » de cet ordre se réunit pour la première fois en septembre 1891, et il se réclame de l’ésotérisme chrétien, tout comme l’Ordre kabbalistique de la Rose-Croix, fondé par Stanislas de Guaita (1861-1897) et Joséphin Péladan (1858-1918) en 1888. À l’inverse, René Guénon (1886-1951) est un professeur de philosophie passé par le milieu occultiste, mais converti au soufisme en 1910. Il s’impose ensuite comme le chef de file du « traditionalisme », un mouvement important mais à la tonalité différente, opposé au spiritisme comme à la théosophie ou à l’occultisme, qui se distingue par sa mise en valeur d’une « tradition primordiale » qui serait le fonds doctrinal commun aux différentes religions « authentiques34 ».
16Les quatre courants que nous venons de présenter se distinguent donc par certaines caractéristiques saillantes, mais ils apparaissent ainsi suffisamment reliés pour être considérés sous une étiquette commune, celle des courants ésotériques. Malgré des différences doctrinales, qui peuvent par exemple concerner leur façon de définir l’élément subtil présent dans l’homme (fluide magnétique, perisprit, corps astral, etc.), et de fortes inimitiés personnelles, ils partagent des racines communes et ont conscience d’être unis par leur opposition commune au « matérialisme néantiste » de leur temps, comme en atteste l’organisation du Congrès spirite et spiritualiste international de Paris en septembre 1889, où chacun de ces courants est représenté35.
Holisme médical
17Le concept de courants ésotériques étant explicité, il nous reste à éclaircir celui de holisme médical, dont l’usage ne va pas non plus de soi. L’homéopathie, par exemple, est davantage désignée comme une médecine parallèle, voire une fake-medicine, tandis que les homéopathes d’aujourd’hui préfèrent parler d’une médecine « complémentaire », qui renvoie au concept anglo-saxon de complementary and alternative medicine (CAM). Sur le plan historiographique, l’homéopathie et l’acupuncture, généralement désignées comme des médecines « alternatives », « hétérodoxes », « non-conventionnelles » ou « marginales », sont ainsi réunies derrière une étiquette qui les ramène à leur opposition commune à une médecine qui serait au contraire officielle, orthodoxe ou conventionnelle. Pourtant, parmi ces travaux, William Bynum et Roy Porter soulignent la nécessité « de se rappeler qu’à aucun moment il n’émerge une seule et unique “orthodoxie” faisant face à une seule et unique “marge”36 ». La polarité induite par une dichotomie entre médecine officielle et médecines alternatives ne doit pas faire oublier la diversité interne à chacun de ces pôles, ni mener à une histoire séparée de ces deux pôles. Au contraire, comme le suggèrent ces deux auteurs : « Elles doivent être étudiées comme un tout, dans leurs relations mutuelles et dynamiques37. » Cette remarque est d’autant plus vraie pour le xixe siècle, où qualifier d’alternatives et/ou d’hétérodoxes certaines médecines qui apparaissent comme telles de nos jours présente le risque d’une approche anachronique, mais c’est également le cas pour la période de l’entre-deux-guerres, qui voit se rapprocher certaines médecines « alternatives » de l’orthodoxie médicale de leur temps.
18En étudiant conjointement sous l’étiquette du holisme médical les différentes critiques adressées à la médecine académique de l’entre-deux-guerres, George Weisz et Christopher Lawrence ont pu mettre en évidence le fait que ces critiques venaient aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur du courant médical dominant, qu’elles s’influençaient réciproquement et qu’elles étaient inscrites dans un contexte, non seulement médical, mais culturel global, offrant une voie d’interprétation de leur développement tout à fait pertinente38. Avec eux, nous entendons par « holisme médical » un mouvement composé par des médecins partageant une attitude médicale commune qui consiste à concevoir le corps humain d’une manière systémique, comme un tout aux aspects physiques et psychiques interconnectés inscrit dans un environnement spécifique, et à appréhender, en premier lieu, la globalité de ce terrain pour soigner son patient.
19Cette attitude n’est pas neuve et s’accorde au contraire avec le paradigme dominant de la médecine jusqu’à la période contemporaine. Toutefois, à partir du xixe siècle, une attitude nouvelle se développe, stimulée entre autres par les travaux de Louis Pasteur (1827-1895) et sa découverte des microbes. Elle met en exergue l’influence néfaste d’éléments extérieurs à l’organisme dans le processus de la maladie, renforce les liens de la médecine avec les sciences naturelles et compartimente le corps humain en autant de spécialités médicales39. À partir de cette période, le holisme médical désigne plus spécifiquement le corps des médecins s’opposant à cette tendance et à ce qu’ils considèrent comme ses excès : ils entendent maintenir une vision du corps humain, de la maladie et de son traitement qui ne coupe pas les ponts avec leurs prédécesseurs. Or, ces médecins se trouvent aussi bien au sein de la faculté que parmi les marges du milieu médical, et le holisme médical a donc cet avantage qu’il permet d’englober sous une même étiquette certains représentants de la médecine « académique » (professeurs de faculté, membres de l’Académie de médecine) et des « francs-tireurs de la médecine » (médecins diplômés qui ne se rattachent pas aux principales institutions officielles).
20Au sein de cet holisme médical, un centre et des marges se dessinent donc malgré tout, et celles-ci sont encore peu étudiées. Dans le chapitre qu’il consacre au holisme médical français, « un mouvement auto-conscient construit autour de la doctrine holiste [qui] s’est progressivement bricolé durant la période d’entre-deux-guerres40 », Weisz insiste en effet plus volontiers sur ce qu’il nomme le « holisme pragmatique », qui ne s’oppose pas à la médecine scientifique de son temps, que sur le « holisme doctrinaire » des médecins naturistes, homéopathes et catholiques. En tout cas, bien qu’il note la convergence de ces deux courants durant les années trente, la structure des milieux homéopathique et naturiste, plus proches des marges que du centre, n’est pas détaillée, et la même remarque peut être faite à propos de l’article d’Isabelle von Bueltzingsloewen sur « le courant holiste dans la médecine française (1930-1960)41 ». Tout comme les autres études consacrées au holisme médical42, ces travaux ont tendance à laisser de côté les marges médicales, ou du moins à ne pas les considérer avec autant d’importance que les perspectives défendues par des médecins plus autorisés. Or, sensibilisé comme nous le sommes à l’étude des marges religieuses et scientifiques du fait de notre inscription dans le champ des études sur l’ésotérisme, nous entendons accorder une importance particulière aux marges dans nos recherches portant sur le holisme médical français des années 1920-1930, répondant par là même à l’appel des historiens Olivier Faure et Hervé Guillemain43. Ainsi, nous avons subdivisé ce vaste milieu médical en quatre grandes composantes, dont les trois premières peuvent être rattachées aux marges médicales : le naturisme médical, l’homéopathie, les réflexothérapies et le holisme médical « officiel ».
Hippocrate initié
21Le sujet de ce livre se situe à la croisée de trois champs de recherche : l’histoire des courants ésotériques, l’histoire des religions et l’histoire des sciences et de la médecine. Chacun de ces champs a déjà interrogé, selon des perspectives différentes, les relations unissant les courants ésotériques et la médecine, mais l’historiographie reste lacunaire. Les études sur les courants ésotériques sont restées sur un plan « interne » à ces courants44, c’est-à-dire qu’elles ont interrogé ce que tel ou tel auteur identifié du corpus ésotérique a pu écrire sur la santé et la maladie, mais elles n’ont pas fait le chemin inverse : partir des discours médicaux, rédigés par des médecins qui ne se rattachent pas forcément à ce corpus, et étudier l’influence des conceptions promues par les courants ésotériques sur ces derniers.
22Ce chemin, ce sont plutôt des historiens des religions américains qui l’empruntent, sans pour autant utiliser les concepts d’ésotérisme ou de courants ésotériques ; ainsi de Catherine Albanese, qui en souhaitant montrer l’existence d’une « religion de la nature » au cœur de la culture américaine s’est notamment penchée sur les cosmologies développées par les praticiens de médecines alternatives (hydrothérapeutes, herboristes, homéopathes, ostéopathes, etc.)45. La dimension religieuse de ces thérapeutiques n’a pas échappé à Albanese, pas plus que l’influence exercée par le mesmérisme et le swedenborgisme sur leurs représentations médicales. De même, Robert C. Fuller a longuement étudié les liens unissant les médecines alternatives aux croyances religieuses hétérodoxes. Dans Alternative Medicine and American Religious Life (1989), Fuller insiste sur le caractère rationnel de ces systèmes, qui envisagent le plus souvent un traitement découlant logiquement des considérations prévalentes sur la nature de la maladie et qui différent seulement en affirmant « l’existence de forces causales non reconnues par la théorie scientifique contemporaine46 ». Les historiens de la médecine ayant étudié les médecines alternatives n’ont que très rarement soulevé cet aspect-là de la question, préférant le plus souvent insister sur les affinités de ces médecines avec l’orthodoxie médicale de leur temps. Ces relations entre hétérodoxies religieuses et médicales ont bien pu être évoquées par Arnaud Baubérot dans sa thèse sur le mouvement naturiste français, par Hervé Guillemain dans son ouvrage sur la méthode Coué, ou par Johan Nguyen dans son étude sur la réception de l’acupuncture, autant d’ouvrages qui nous ont été d’une grande utilité47 ; mais le plus souvent, ce sont les relations avec le catholicisme qui sont principalement détaillées, que ce soit par Faure à propos de l’homéopathie, von Bueltzingsloewen concernant les médecins holistes, ou ce même Guillemain au sujet des psychothérapies48. Si, comme le relève ce dernier, « l’histoire sociale des médecins français a montré que le savoir médical n’était pas une production indépendante des savoirs populaires ou religieux, mais qu’au contraire, l’ensemble de ces savoirs pouvait avoir des sources communes49 », l’importance des savoirs produits par les courants ésotériques reste un angle relativement mort de l’histoire sociale des médecins et de la médecine50. Ceci s’explique selon nous en premier lieu par le peu de travaux académiques consacrés aux courants ésotériques, dont l’histoire est bien moins connue que celles des religions instituées et demeure par conséquent floue, voire inaccessible sans mener par soi-même un important travail de recherche. Ainsi, de la même manière qu’aux États-Unis les historiens des religions se sont montrés plus entreprenants que leurs confrères historiens de la médecine pour étudier les relations entre hétérodoxies religieuses et médicales, nous nous proposons, en tant qu’historien formé à l’histoire des religions et des courants ésotériques, d’étudier ces relations dans le contexte français afin de stimuler l’intérêt de chercheurs de tout horizon pour ce sujet qui pose de nombreuses questions.
23Notre travail soulève en effet un certain nombre d’interrogations et d’enjeux auxquels peu de chercheurs ont répondu. Elle questionne d’une part la sphère d’influence des courants ésotériques, l’action éventuelle qu’ils exercent sur le domaine médical à travers la diffusion d’idées et de pratiques spécifiques : quelle réalité et quelles modalités ? Comment les idées et pratiques défendues par les courants ésotériques parviennent à se transposer dans le monde médical ? Dans quelle mesure des théories ésotériques relatives à la conception du cosmos et de l’homme se trouvent-elles appliquées en médecine ? Existe-t-il, en somme, un ésotérisme médical, c’est-à-dire un courant médical insufflé en premier lieu par les courants ésotériques, une extension de ces courants dans le domaine médical ? Est-il question d’une œuvre réfléchie établie par des médecins qui ont estimé possible d’intégrer certains principes « ésotériques » clefs au sein d’une médecine qui reste scientifique – et si oui, comment l’ont-ils défendue ? – ou d’un effet adventice, conséquence indirecte d’un intérêt tous azimuts qui s’est accidentellement dirigé vers les courants ésotériques ? Ces questions sont délicates, car ici, pas plus qu’ailleurs, il ne saurait être question d’une seule et unique influence, limpide et exclusive. Les théories développées par les courants ésotériques ne se nourrissent d’ailleurs pas seulement des écrits de leurs prédécesseurs au sein de ces courants : bien que la plupart prétendent s’inscrire au sein d’une tradition pérenne et inamovible d’initiés, celle-ci est largement fantasmée et il convient de ne pas la réifier historiquement. Il s’agit alors de faire la part des choses, de démêler les différentes influences, scientifiques comme religieuses, changeantes et évolutives selon les médecins et le stade de leur carrière, pour pouvoir ensuite en juger.
24D’autre part, ce livre interroge les relations pouvant unir les différentes composantes du monde médical à une époque donnée. En nous intéressant aux seuls médecins diplômés sans nous restreindre à une école particulière, nous posons non seulement la question de la mesure dans laquelle des savoirs croyants peuvent influencer la recomposition d’un savoir scientifique que ces diplômés revendiquent de porter, mais aussi celle de la manière selon laquelle les savoirs médicaux peuvent circuler parmi les défenseurs d’écoles thérapeutiques différentes, au-delà d’une éventuelle frontière entre orthodoxie et hétérodoxies médicales. Fuller et l’historien de la médecine John Duffy relèvent que les changements apportés à la pratique thérapeutique durant les années 1830, avec le déclin de la médecine « héroïque » qui abusait des purges, des saignées et d’autres traitements invasifs, ne sont pas seulement dus aux progrès scientifiques mais également à la concurrence instaurée par les homéopathes, herboristes et autres hydropathes, dont le succès auprès du public a forcé les médecins orthodoxes à reconsidérer leur manière de pratiquer la médecine51. Les médecins homéopathes, naturistes et réflexothérapeutes de l’entre-deux-guerres ont-ils pu, eux aussi, inspirer les principaux médecins de la médecine « officielle » de l’époque ? Le cas échéant, quels sont les ouvrages ou les auteurs qui ont permis de jeter ce pont ?
⁂
25Pour répondre à ces interrogations, il est bien sûr indispensable d’avoir une bonne connaissance du milieu médical étudié, un milieu qui se laisse découvrir par la consultation des nombreux périodiques et ouvrages publiés par les médecins holistes de l’entre-deux-guerres ; des sources plus facilement accessibles que des documents et correspondances d’archives mais qui demeurent rarement étudiées. Les revues homéopathiques de L’Homœopathie française ou de L’Homœopathie moderne, la revue des réflexothérapeutes de La Côte d’Azur médicale, celles relevant du holisme médical « officiel », qu’il s’agisse d’Hippocrate ou de Cosmobiologie, et bien d’autres encore, renferment pourtant entre leurs pages une masse d’informations considérable qui permet de saisir avec précision l’évolution des médecines qu’elles promeuvent au fil des ans ainsi que les relations qu’elles entretiennent entre elles. De même, les courants ésotériques français de l’entre-deux-guerres sont pour l’essentiel inconnus de l’historiographie, et des revues comme Le Sphinx, L’Évolution spirituelle et sociale, Hermétisme et de nombreuses autres ont peut-être été consultées pour la première fois dans le cadre d’une étude historienne. Notre lecture des périodiques et ouvrages ésotériques, moins exhaustive que notre consultation de la littérature médicale, ne s’est en outre pas limitée à cette période, car les médecins holistes des années vingt ont lu des travaux antérieurs à l’entre-deux-guerres. Au-delà des questions qu’il soulève, le principal intérêt de ce livre réside ainsi selon nous dans la mise en lumière de ces nombreuses sources, jamais exploitées dans une même étude et qui dévoilent un pan entier du monde intellectuel et culturel français de l’époque. Pour leur permettre de donner corps, cet ouvrage est construit différemment de la thèse de doctorat, deux fois plus longue, dont il constitue une version synthétisée52.
26Après cette introduction, un chapitre est consacré à chacune des quatre composantes du holisme médical, toutes centrées sur un aspect particulier de leur fréquentation des courants ésotériques. Pour le naturisme médical, intimement lié à la structuration du mouvement végétarien, c’est l’importance de la conception magnétique de la force vitale qui est principalement mise en valeur, tandis que pour l’homéopathie, l’étude insiste particulièrement sur leur intérêt pour des outils de diagnostic reposant sur des principes analogiques comme la typologie, la physiognomonie et la chirologie. Par la suite, l’entrelacement de la réflexothérapie et de l’étude astrale des radiations est illustré par la présentation d’une revue médicale originale, La Côte d’Azur médicale. Enfin, le cas de la médecine néo-hippocratique permet de penser les transferts entre marges médicales et médecine officielle autour de la notion de tradition et des croyances chrétiennes. Cette séparation quelque peu artificielle des modalités d’influence ésotérique ne souhaite pas pour autant dénoter une absence d’intérêt pour la physiognomonie parmi les médecins naturistes, pas plus qu’une distance marquée entre magnétisme et homéopathie53, moins encore une absence de relations entre naturistes et homéopathes. Elle a été mise en œuvre pour des raisons pratiques et afin de permettre une compréhension plus immédiate des rapports étudiés. Ainsi, outre les nombreux ponts jetés entre ces différents chapitres, la conclusion de ce texte permettra d’apporter une vue d’ensemble, à même de saisir la diversité et l’étendue de ces relations ésotérico-médicales.
Notes de bas de page
1Il est toujours délicat pour un historien de parler du présent. À l’heure où nous écrivons ces lignes, la France se trouve dans une relative « accalmie » vis-à-vis de ce virus, qui a pratiquement disparu du paysage médiatique. Nous préférons toutefois continuer à employer le présent pour évoquer cette pandémie encore active.
2Asprem Egil, « Esotericism », in Adam Possamai et Anthony Blasi (dir.), SAGE Encyclopedia of Sociology of Religion, Thousand Oaks, SAGE Publications, 2020, p. 268. Traduction personnelle de l’auteur, comme les autres traductions proposées dans ce livre.
3Bogdan Henrik et Hammer Olav, « Introduction », in Henrik Bogdan et Olav Hammer (dir.), Western Esotericism in Scandinavia, Boston, Brill, 2016, p. 1.
4Faivre Antoine, « L’ésotérisme chrétien du xvie au xxe siècle », in Henri-Charles Puech (dir.), Histoire des religions, t. II, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1972, p. 1304-1362 ; Faivre Antoine, L’Ésotérisme, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1992.
5Sur ce sujet, ainsi que pour plus d’informations sur les débuts et le développement du champ de recherche, voir Bernard Léo, « Les études sur l’ésotérisme occidental, naissance et évolutions d’un champ de recherche académique », in Léo Bernard et Tom Fischer (dir.), Recherches francophones sur l’ésotérisme, Lugano, Agorà & Co, 2023, p. 9-41.
6Hanegraaff Wouter J., Esotericism and the Academy, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.
7Hanegraaff Wouter J., Western Esotericism: A Guide for the Perplexed, Londres/New York, Bloomsbury, 2013, p. 13-14.
8Hanegraaff Wouter J., Esotericism and the Academy, op. cit., p. 152.
9Hanegraaff Wouter J., « Empirical method in the study of esotericism », Method & Theory in the Study of Religion, no 2, vol. 7, 1995, p. 99-129.
10Bien que l’historien Lucien Febvre (1878-1956) ait pu critiquer en son temps l’usage du concept d’« influences », voyant là un mot de « la langue astrologique » plus que de la langue scientifique et lui préférant celui de « rapports », « mot sain, lui – sans lourd passé fumeux et plein d’obscurité : sans occultisme », nous l’employons tout de même, sans crainte de passer pour un astrologue, pour désigner l’action qu’exercent les courants ésotériques sur le domaine médical à travers la diffusion d’idées et de pratiques spécifiques, décelables par l’historien à la consultation des sources et dans les textes. Cf. Febvre Lucien, La Terre et l’évolution humaine : introduction géographique à l’histoire, Paris, La Renaissance du livre, 1922, p. 438.
11Bogdan et Hammer, « Introduction », op. cit., p. 1.
12Hanegraaff Wouter J. (dir.) [en collaboration avec Antoine Faivre, Roelof Van den Broek et Jean-Pierre Brach], Dictionary of Gnosis and Western Esotericism, Leyde/Boston, Brill, 2006 (2005).
13Des discussions animent actuellement le champ de recherche autour de la question du maintien de l’adjectif « occidental ». À titre personnel, et sans entrer dans les détails, nous jugeons également préférable de s’en séparer.
14Hanegraaff Wouter J., Esotericism and the Academy, op. cit., p. 68.
15Darnton Robert, La Fin des Lumières. Le mesmérisme et la révolution, Paris, Perrin, 1984. Les grandes lignes de cette brève présentation s’inspirent de l’article de Bertrand Méheust paru sur le sujet dans le DGWE. Cf. Méheust Bertrand, « Animal magnetism/Mesmerism », in Wouter J. Hanegraaff (dir.), Dictionary of Gnosis and Western Esotericism, op. cit., p. 75-82.
16Méheust Bertrand, « Sous le magnétisme des romanciers, le magnétisme “réel” », in Ernst Leonardy, Marie-France Renard, Christian Drösch et al. (dir.), Traces du mesmérisme dans les littératures européennes du xixe siècle, Bruxelles, Presses de l’université Saint-Louis, 2002, p. 35-42.
17Sur le plan politique, en revanche, Darnton et d’autres historiens à sa suite ont pu analyser la controverse du magnétisme animal comme un évènement précurseur de la Révolution française. Cf. Armando David et Belhoste Bruno, « Le mesmérisme entre la fin de l’Ancien Régime et la Révolution : dynamiques sociales et enjeux politiques », Annales historiques de la Révolution française, no 391, janvier-mars 2018, p. 3-26.
18Edelman Nicole, « Le somnambulisme magnétique : les enjeux d’une mise à la marge (Première moitié du xixe siècle en France) », L’Homme & la société, no 167-169, 2008, p. 85-100.
19Barry Caroline, Falissard Bruno, Gueguen Juliette et Hassler Christine, Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose, Inserm U1178 Santé Mentale & Santé Publique, juin 2015. Disponible à l’adresse suivante : [https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2017-11/inserm-rapportthematique-evaluationefficacitehypnose-2015.pdf], consulté le 12 septembre 2019.
20Sur le baron du Potet et sa conception personnelle et changeante du magnétisme, voir Jeanson Anne, « De la thérapeutique au spiritualisme : le baron du Potet de Sennevoy (1796-1881), prophète du magnétisme à Paris », La Révolution française, en ligne, no 24, 2023. Disponible à l’adresse suivante : [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lrf/7359], consulté le 1er juin 2023.
21Méheust Bertrand, Somnambulisme et médiumnité, t. I, Paris, Les Empêcheurs de tourner en rond, 1998, p. 134-138.
22Potet de Sennevoy Jules du, La Magie dévoilée, ou Principes de science occulte, Paris, Imprimerie de Pommeret et Moreau, 1852, p. iv.
23« Banquet du 23 mai – Discours de M. H Durville », Journal du magnétisme, no 4, août 1879, p. 42.
24Comme pour le magnétisme, notre présentation s’appuie notamment sur l’entrée dédiée dans le DGWE, ainsi que sur l’article « Kardec » du même volume. Cf. Deveney John Patrick, « Spiritualism », in Wouter J. Hanegraaff (dir.), Dictionary of Gnosis and Western Esotericism, op. cit., p. 1074-1082 ; Bergé Christine « Kardec », in ibid., p. 658-659. Sur le sujet, voir également Cuchet Guillaume, Les voix d’Outre-tombe. Tables tournantes, spiritisme et société au xixe siècle, Paris, Le Seuil, 2012.
25Le terme « spiritisme » forgé par Kardec renvoie aujourd’hui à la doctrine kardecienne comme aux autres phénomènes évoqués, qui étaient jusqu’alors principalement désignés comme relevant du « spiritualisme ». Cf. Parot Françoise, « Honorer l’incertain : La science positive du xixe enfante le spiritisme », Revue d’histoire des sciences, no 1, vol. 57, 2004, p. 33-63.
26Ibid., p. 52.
27Sur ce sujet, lire Lachapelle Sofie, Investigating the Supernatural: from Spiritism and Occultism to Psychical Research and Metapsychics in France (1815-1931), Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2011.
28Sauf mention contraire, c’est donc à la théosophie « moderne » que nous ferons référence dans ce livre.
29Cf. Santucci James A., « Theosophical Society », in Wouter J. Hanegraaff (dir.), Dictionary of Gnosis and Western Esotericism, op. cit., p. 1114-1123.
30Olcott Henry Steel, Inaugural address of the President-Founder of the Theosophical Society, 1875.
31Hammer Olav et Rothstein Mikael (dir.), Handbook of the Theosophical Current, Leyde, Brill, 2013.
32Pasi Marco, La Notion de magie dans le courant occultiste en Angleterre (1875-1947), thèse de doctorat en sciences des religions, EPHE, 2004.
33« Programme », L’Initiation, décembre 1889.
34Sedgwick Mark, Traditionalism: The Radical Project for Restoring Sacred Order, Londres, Pelican, 2023.
35Papus, « Les diverses écoles officiellement représentées au congrès », in Compte rendu du Congrès spirite et spiritualiste international tenu à Paris du 9 au 16 septembre 1889, Paris, Librairie Spirite, 1890.
36Bynum William F. et Porter Roy, « Introduction », in William F. Bynum et Roy Porter (dir.), Medical Fringe & Medical Orthodoxy: 1750-1850, Londres, Croom Helm, 1987, p. 3.
37Ibid.
38Lawrence Christopher et Weisz George, « Medical Holism: The Context », in Christopher Lawrence et George Weisz (dir.), Greater Than the Parts, Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 1-22.
39Weisz George, Divide and Conquer. A Comparative History of Medical Specialization, Oxford, Oxford University Press, 2016.
40Weisz George, « A Moment of Synthesis: Medical Holism in France between the Wars », in Lawrence et Weisz (dir.), Greater Than the Parts, op. cit., p. 68-93.
41Von Bueltzingsloewen Isabelle, « Corps et âme : le courant holiste dans la médecine française (1930-1960) », in Carine Delanoë-Vieux (dir.), Les Conversations de Salerne. Santé e(s)t culture(s) en Méditerranée, Genouilleux, Éditions La Passe du vent, 2013, p. 103-113.
42Hau Michel, « The Holistic Gaze in German medicine, 1890-1930 », Bulletin of the History of Medicine, no 74/3, automne 2000, p. 495-524 ; Davis Joseph E. et González Ana Marta (dir.), To Fix or to Heal. Patient Care, Public Health, and the Limits of Biomedicine, New York, New York University Press, 2016.
43Faure Olivier, Aux marges de la médecine – Santé et souci de soi, France (xixe siècle), Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2015 ; Faure Olivier et Guillemain Hervé (dir.), Histoire, médecine et santé, no 14, hiver 2018, Pour en finir avec les médecines parallèles.
44Politica Hermetica, no 18, 2004, Ésotérisme et guérison ; « Western Esotericism and Health », conférence bisannuelle de l’European Society for the Study of Western Esotericism, 2013, actes non publiés.
45Albanese Catherine, Reconsidering Nature Religion, Atlanta, Trinity Press International, 2002.
46Fuller Robert C., Alternative Medicine and American Religious Life, New York/Oxford, Oxford University Press, 1989, p. 7.
47Baubérot Arnaud, Histoire du naturisme. Le mythe du retour à la nature, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004 ; Guillemain Hervé, La Méthode Coué. Histoire d’une pratique de guérison au xxe siècle, Paris, Le Seuil, 2010 ; Nguyen Johann, La Réception de l’acupuncture en France. Une biographie revisitée de George Soulié de Morant (1878-1955), Paris, L’Harmattan, 2012.
48Faure Olivier, Et Samuel Hahnemann inventa l’homéopathie. La longue histoire d’une médecine alternative, Paris, Aubier, 2015 ; Von Bueltzingsloewen, « Corps et âme : le courant holiste dans la médecine française (1930-1960) », op. cit. ; Guillemain Hervé, Diriger la conscience, guérir les âmes. Une histoire comparée des pratiques thérapeutiques et religieuses (1830-1939), Paris, La Découverte, 2006.
49Guillemain Hervé, « Les débuts de la médecine catholique en France. La Société médicale Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien (1884-1914) », Revue d’histoire du xixe siècle, no 26-27, 2003, p. 227-258.
50Léonard Jacques, La Médecine entre les pouvoirs et les savoirs : histoire intellectuelle et politique de la médecine française au xixe siècle, Paris, Aubier, 1981 ; Faure Olivier, Les Français et leur médecine au xixe siècle, Paris, Belin, 1993 ; Faure Olivier, Histoire sociale de la médecine (xviiie-xxe siècles), Paris, Anthropos, 1994.
51Duffy John, The Healers: the Rise of the Medical Establishment, Londres, McGraw-Hill book, 1976.
52Bernard Léo, Hippocrate initié. Courants ésotériques et holisme médical en France durant l’entre-deux-guerres, thèse de doctorat en histoire des religions et anthropologie religieuse, EPHE-Université PSL, 2021.
53Faure Olivier, « Le surgissement de médecines “révolutionnaires” en France (fin xviiie-début xixe siècle) : magnétisme, phrénologie, acupuncture et homéopathie », in Olivier Faure et Hervé Guillemain, Histoire, médecine et santé, no 14, 2018, p. 30-45.

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