Guerriers cannibales et marins avides
Les témoignages occidentaux sur les pratiques anthropophages aux Fidji (premier tiers du xixe siècle)
p. 67-80
Texte intégral
1Durant tout le xixe siècle l’archipel des Fidji passe, en Europe et aux États-Unis, pour abriter des sociétés recourant fréquemment à l’anthropophagie. Le but de ce chapitre est de comprendre dans quelles conditions cette connaissance a été établie. À la suite de la parution en 1979 de The Man-Eating Myth de William Arens1, rejetant l’existence historique de peuples s’adonnant à l’anthropophagie coutumière, les anthropologues Gananath Obeyesekere et Marshall Sahlins ont croisé le fer à propos du terrain fidjien. Le premier arguait que les récits des marins n’étaient pas des sources crédibles2, le second répondait qu’ils étaient validés par leur quantité ainsi que la précision de leur contenu3. En 2006, Patrick Brantlinger, à l’appui de l’analyse des témoignages de missionnaires présents aux Fidji à partir de 1835, a réaffirmé l’existence, dans ces îles, de l’anthropophagie dans la première moitié du siècle4, tandis que Tracey Banivanua-Mar a proposé, en 2010, de dissocier les discours sur le cannibalisme des pratiques factuelles, cela pour mieux se concentrer sur les premiers et délaisser les secondes5.
2Bien qu’à l’origine de cette controverse, Obeyesekere ne niait pas, pourtant, l’existence de la pratique aux Fidji6. En revanche, dans le cas de son éventuelle réalité, il voulait y lire une innovation et non une coutume, répondant au besoin de chefs fidjiens d’établir un rapport de force avec les Occidentaux, dans un contexte qu’il qualifiait de colonial. Selon lui, les premiers marins auraient inventé leurs témoignages, fruits de leurs propres anxiétés et, avec le temps, des guerriers fidjiens auraient pu adopter la consommation de corps humains en réaction à la venue des Européens et Américains. C’est pourquoi, pour démontrer cette thèse, il avait tant besoin de discréditer les témoignages des premières décennies du xixe siècle : dans la mesure où il n’existait pas encore de colonies étrangères, les insulaires ne pouvaient donc, selon sa théorie, s’adonner à de telles pratiques et, par conséquent, les marins n’avaient pu que mentir. Pour disqualifier leurs récits, il recourait, dès lors, à une approche très critique et positiviste.
3La méthodologie de l’auteur prête, il est vrai, le flanc à la critique : comment appliquer une démarche positiviste à des témoignages qui, pour l’essentiel, reposent sur des souvenirs épars ? La contextualisation, en outre, pose aussi problème. L’historiographie a bien montré que la situation des îles Fidji du premier xixe siècle ne peut être qualifiée de coloniale : il faut attendre les années 1850 pour que la présence euro-américaine influence significativement les pratiques locales ; 1874 pour que ces îles deviennent possession de la couronne britannique7. L’essentiel des témoignages des marins comme des missionnaires sont donc antérieurs, voire très antérieurs, à toute entreprise coloniale. C’est pourquoi, globalement, la thèse de l’anthropologue américain est peu reprise par les chercheurs océanistes8. Elle était surtout, au vrai, une transposition, sur le terrain fidjien, d’analyses et conclusions qu’Obeyesekere avait obtenues en étudiant les témoignages franco-britanniques sur le supposé cannibalisme des Maoris de Nouvelle-Zélande9. Or, si les sources écrites dont nous disposons pour l’histoire maorie se prêtent, dans une certaine mesure, à une telle lecture, il n’en va pas de même pour le cas fidjien10. Néanmoins, le grand mérite de la position d’Obeyesekere était de rompre avec une lecture anhistorique des pratiques anthropophages et d’esquisser une contextualisation historique des témoignages en faisant état.
4Le présent chapitre vise donc à poursuivre cet effort de contextualisation des premiers témoignages occidentaux. Pour ce faire, nous suivrons la proposition de l’anthropologue Mondher Kilani qui appelle à restituer « le code suivant lequel la preuve a été construite », ajoutant que « comprendre les “processus de codage”, c’est en même temps saisir les “différentes formes de distorsion de la preuve” afin d’en évaluer la fiabilité et de décider “de quoi elle est la preuve”11 ». Ce chapitre tente donc de restituer le « code » par lequel l’existence de l’anthropophagie fidjienne a été établie dans les premières décennies du xixe siècle. Pour cela, nous analyserons des témoignages de marins en restituant les relations qui ont lié ces étrangers aux natifs, en exposant, en somme, leurs conditions d’observation. Il s’agit ainsi de fournir des éléments permettant de recréer le possible et le probable, mais aussi, ajoutons, l’impossible et l’improbable.
5Pour autant, nous n’évacuerons pas la possibilité de la réalité de certaines consommations de corps humains, telles que rapportées dans quelques récits de marins. À notre connaissance, les Fidji sont l’une des très rares régions du monde, au xixe siècle du moins, où plusieurs Occidentaux affirment y avoir observé non seulement des actes mais aussi des repas complets de chair humaine. Ce n’est pas le cas en Nouvelle-Zélande, en Afrique centrale ou encore en Australie qui sont, pourtant, les trois autres grands « pays cannibales » dans l’imaginaire occidental de ce temps12. Il convient, dès lors, de prendre en compte cette originalité et ne pas chercher, par une approche ultra-critique, à rejeter trop vite ces récits : les contextualiser, en effet, n’implique pas nécessairement d’invalider leur contenu. C’est ce que nous souhaitons montrer.
Les rencontres entre marins occidentaux et Fidjiens dans les premières décennies du xixe siècle
6À l’orée du siècle, les marins savaient déjà que les Fidjiens seraient cannibales. La troisième expédition de James Cook (1776-1780) puis celle de d’Entrecasteaux (1790-1794) avaient collecté des témoignages allant dans ce sens sur l’île Tongatabu, au sud-est de l’archipel ; mais elles n’avaient guère relevé d’observation13. Ce n’est qu’en 1800, avec le naufrage du navire américain l’Argo contre les récifs des îles Lau, que les premiers Occidentaux mirent pied aux Fidji. L’un des naufragés, Oliver Slater, gagna l’île de Vanua Levu, y repéra la présence du santal et, à son retour au pays, après deux ans passés sur l’île, en propagea la nouvelle. Une ruée de négociants et marins en direction des Fidji s’ensuivit. Au commerce du santal succéda, dans les années 1820, ceux des holothuries et des écailles de tortues.
7Les équipages ne pouvaient pas eux-mêmes sélectionner et charger le bois ou pêcher et conditionner les holothuries : leur quête de rentabilité leur imposait la rapidité. Ils étaient donc tributaires du chef de la région accostée (turaga)14. Parce qu’il était à la tête d’une confédération de chefferies (matanitu), ce dernier pouvait rassembler une importante main-d’œuvre15. Des guerres d’influences entre turaga faisaient rage cependant : les allégeances des chefferies étaient fragiles, stimulant des tensions16. En contrepartie, les négociants fournissaient donc au turaga hommes et armes à feu pour consolider son influence. Une alliance liait, alors, les deux partis, installant les conditions de l’observation réciproque, sur le terrain guerrier, des mœurs et pratiques de l’autre.
8D’autre part, naufrages, abandons et désertions conduisaient des marins à se placer sous la protection de chefs. Ils devenaient des beachcombers17. Ils accroissaient la richesse des turaga : leur présence rassurait, en effet, les équipages susceptibles de s’arrêter le long des côtes pour échanger. Les beachcombers servaient encore de mercenaires, accompagnant le chef dans ses guerres, employant des armes à feu, inculquant leur maniement aux natifs et les rechargeant pour eux. Enfin, à la différence des marins puis des missionnaires, certains intégraient la structure des sociétés locales, y jouissant d’une place parfois prestigieuse18. Plusieurs ont donc été des observateurs privilégiés des sociétés fidjiennes.
9Le développement qui suit propose de décrire et replacer dans le cadre de telles relations quatre témoignages de marins sur le cannibalisme. Le but est d’isoler le « code » par lequel ces rapports ont été construits afin d’en évaluer le degré de cohérence.
Quatre présentations de témoignages oculaires
Le témoignage de William Lockerby
10William Lockerby (1782-1853), santalier et officier à bord de la Jenny, arriva dans la baie de Bua, sur la côte ouest de Vanua Levu, en mai 1808 ; en juillet, le vaisseau repartit, l’abandonnant sur place. Lockerby fut recueilli par le turaga Rawaike. Son récit est connu par un manuscrit confié à un éditeur dans les années 1830-1850, mais rédigé dès les années 181019. Il ne fut, en revanche, publié qu’en 1925 par son arrière-petit-fils, Leonard C. Wharton20. Il ne put donc être lu par les voyageurs contemporains, bien qu’il ait peut-être circulé oralement, plus ou moins fidèlement, parmi les marins à bord des vaisseaux se rendant aux Fidji.
11Selon les souvenirs de Lockerby, son protecteur faisait face à la rébellion de plusieurs de ses chefs alliés. Le marin se trouvait initialement à ses côtés dans ce conflit : « [m]on stock de poudre était d’environ 20 livres, que je mis dans des cartouches, et je fabriquai des balles de plomb21 ». Par la suite, il se retrouva, à l’instar d’autres santaliers l’ayant rejoint, aux mains des rebelles. C’est après une bataille, en octobre, qu’il rapporte avoir observé, pour la première fois, des actes anthropophages sur le cadavre d’un prisonnier ennemi : « [o]n découpa son corps, qui fut réparti entre les chefs, dont ils firent un substantiel petit-déjeuner22 ».
12Le lendemain, les rebelles découvrirent « la retraite de quelque trois cent cinquante vieillards, femmes et enfants23 ». Tous auraient été massacrés et, le soir ainsi que le lendemain, plusieurs cadavres auraient été cuits, quelques-uns en entier, la plupart découpés en quartiers. Le témoignage est assorti de descriptions sensorielles : la peau noire des cadavres pelée virant au blanc ; le lavage des intestins ; la conservation de morceaux dans des feuilles de cocotiers ; les hurlements des blessés et les chants et cris des assaillants ; le trou dans le sol recouvert de pierres chauffées et de feuilles vertes afin de cuire la chair humaine24. L’événement est confirmé dès 1808 par Thomas Smith, un autre santalier ayant, lui aussi, été capturé. Après sa libération, il gagna l’Australie et, le 11 décembre de cette année, la Sydney Gazette annonçait que « M. Lockerby et l’équipage ont été attrapés et faits prisonniers, et M. Smith et les gens du navire ont été faits prisonniers de la même façon25 » ; les « festivités cannibales » y étaient bien précisées.
13En novembre 1808, ayant retrouvé le chef Rawaike, Lockerby participa à une nouvelle bataille, aidé d’autres santaliers : le turaga leur avait promis dix tonnes de santals pour chacun d’entre eux, en échange de leur aide pour soumettre une chefferie hostile à son influence. L’usage du canon aboutit au massacre de celle-ci : une nouvelle scène d’anthropophagie s’ensuivit selon le marin26.
14Le caractère impressionniste des descriptions de Lockerby peut s’expliquer par le choc subi : « il m’est impossible de communiquer à l’esprit du lecteur une idée juste de ce terrible spectacle de la misère humaine27 ». Il ne tint pas, de surcroît, un journal jour après jour, comme le faisaient alors les officiers et savants des expéditions scientifiques. C’est à partir de souvenirs disparates qu’il rédigea, plus tard, son manuscrit, à son arrivée en Angleterre selon Gananath Obeyesekere28. Mais ce seul constat ne peut suffire à rejeter la possibilité des scènes décrites. Un constat accrédite même son récit : l’auteur mentionne le mot bagola, une transcription de bakola, désignant en langue fidjienne le cadavre d’un homme destiné à la consommation. Encore de nos jours « Bakola ! est resté l’un des mots les plus injurieux de la langue fidjienne29 », écrit Marshall Sahlins.
Le témoignage de Peter Dillon
15Lui aussi santalier, l’officier Peter Dillon (1788-1847) gagna la baie de Wailea en février 1813, à bord du Hunter commandé par James Robson. Le récit qu’il en a tiré fut publié en 182930 et son succès s’explique par sa découverte à Vanikoro, trois ans plus tôt, des restes de l’expédition La Pérouse. Le commandant Robson s’était déjà rendu, l’année précédente, à Wailea ; il connaissait donc bien le chef Vonasa, qu’il avait aidé à soumettre des chefferies rebelles en échange de santal. Lors de ce deuxième séjour, une guerre accaparait à nouveau les autochtones, ralentissant la récolte du santal et poussant Robson à prendre part au conflit. Il fournit vingt fusiliers, un canon et Peter Dillon se joignit à l’expédition militaire. Dans sa publication, ce dernier a décrit les actes anthropophages qui auraient suivi la victoire des coalisés sur leurs ennemis :
« Les cadavres étaient placés sur l’herbe et disséqués par l’un des prêtres. Les pieds étaient coupés aux chevilles, les jambes aux genoux, puis les parties intimes, les cuisses aux hanches, les mains aux poignets, les bras aux coudes, les épaules aux sockets [sic], et enfin la tête et le cou étaient séparés du corps. Chacune de ces parties du corps humain formait une pièce de viande, qui était soigneusement ficelée dans des feuilles de plantain vertes, et placée dans les fours pour être cuite avec la racine de tara31. »
16Par la suite, officiers et marins apprirent que le santal était épuisé et comprirent qu’ils n’obtiendraient pas la cargaison promise. Un conflit meurtrier s’ensuivit sur la côte entre une partie de l’équipage et des guerriers. Plusieurs corps abattus par les insulaires de la baie furent, selon Dillon, découpés, cuits, puis consommés. Avec d’autres marins et beachcombers, il trouva refuge sur un promontoire rocheux, depuis lequel il affirme avoir observé la scène. Deux beachcombers finirent par descendre et, peu de temps après, furent abattus :
« Ces malheureux étaient à peine morts qu’ils furent dépecés et mis dans des fours préparés à cet effet. […] Les cadavres étant cuits, ils furent retirés des fours et partagés entre les différentes tribus qui les dévorèrent avec avidité32. »
17Pour Gananath Obeyesekere, ce témoignage est une « vérisimilitude » : une « combinaison de probable et d’improbable » pour héroïser l’auteur33. En effet, si l’on suit la publication de 1829, les cadavres furent consommés le jour même. Le lendemain, Dillon revint sur la côte, auprès des guerriers combattus la veille, afin de récupérer les restes des marins, mais, rapporte-t-il, « [i]ls nous répondirent qu’ils n’avaient plus ni chair ni os, que tout avait été dévoré la veille34 ». Dès le mois d’octobre 1813, pourtant, l’anecdote était rapportée différemment par la Sydney Gazette : « [l]e lendemain matin, le 7, un groupe se rendit sur le rivage avec des biens considérables, afin d’offrir une rançon pour les corps de leurs malheureux compagnons – mais, hélas ! aucun ne put être produit ; et les misérables cannibales répondirent à la demande, qu’ils avaient été dévorés la nuit précédente35 ». Le passage, écrit à partir d’un entretien avec Dillon, indique que les corps ne furent pas consommés sous ses yeux, l’article ne mentionne aucune observation de telles actions.
18Cela peut être l’indice que le passage a été inventé en 1829. Dans cette éventualité, pour autant, rien n’indique que les descriptions précédentes, lorsque l’officier était l’allié des guerriers insulaires, soient fausses elles aussi. Elles ont pu même servir d’inspiration pour la scène d’affrontement ; Dillon, si l’on retient cette possibilité, aurait pu, alors, se contenter d’y ajouter des détails dramatiques. En effet, les conditions d’observation de la première scène, rapportées sans emphase, étaient similaires à celles de Lockerby qu’il ne pouvait pas, pourtant, avoir lu. Tous deux, en somme, se seraient confrontés à la consommation d’ennemis qu’ils avaient combattus aux côtés de guerriers insulaires.
Le témoignage de William Endicott
19Avec le temps, il est vrai, les récits sur le cannibalisme se multiplièrent, facilitant ainsi les faux témoignages. Toutefois, par la contextualisation, l’historien peut évaluer la probabilité des faits rapportés. Prenons l’exemple du témoignage de William Endicott (1809-1881), le troisième lieutenant de la Glide, se livrant au commerce des holothuries entre 1829 et 1832. Il tint un journal qui ne fut pas édité avant 192336, mais fit publier, dès 1845, dans The Danvers Courier, un article intitulé « A Cannibal Feast at the Fejee Islands by an Eye-witness37 ».
20Le marin y rapportait l’arrivée de guerriers de Vunirara, où son navire mouilla en 1831, avec trois cadavres qui auraient été ensuite découpés, cuits, puis consommés par plusieurs chefs et guerriers. Il aurait eu l’opportunité d’observer le moment de la découpe, écrivant que « les entrailles et les organes vitaux étaient ensuite retirés et nettoyés pour être cuisinés » comme signalé autrefois par Lockerby38. La description de la cuisson, elle aussi, obéit aux observations précédentes :
« Une excavation a été pratiquée dans la terre, de forme concave, d’environ six pieds de diamètre et d’un pied et demi de profondeur au centre, et elle était tapissée de petites pierres. On y fait un grand feu, avec de petites pierres placées parmi le combustible brûlant afin de le réchauffer, et au fur et à mesure que les corps sont coupés en morceaux, ils sont jetés sur le feu, qui après avoir été complètement brûlés, sont raclés pendant qu’ils sont chauds par les sauvages, qui s’assoient autour du feu à cette fin. La peau est ainsi rendue parfaitement blanche, et c’est de cette manière qu’ils apprêtent leurs porcs et autres animaux39. »
21La longueur du temps de cuisson aurait poussé Endicott à se retirer et revenir plus tard observer le festin. Comme pour ses prédécesseurs, il s’agit vraisemblablement d’un témoignage écrit de mémoire, ce qui explique peut-être l’imprécision de la date : « un plaisant après-midi du mois de mars, 1831 ». Si, dans son journal, comme le note Obeyesekere, il ne mentionne pas l’événement ce mois-là, il notait bien que les guerriers possédaient une « ardeur à tuer et manger leurs ennemis ». D’autre part, un autre marin de la Glide, James Oliver, mentionna l’événement dans un récit publié en 1848. Certes, lui n’en fut pas témoin oculaire. Il explique, dès sa préface, qu’il a été relu par plusieurs de ses coéquipiers dont Endicott40 ; sa description s’inspire certainement d’échanges tenus avec ce dernier. En revanche, le retour des guerriers avec les cadavres lui a été confirmé par « plusieurs de l’équipage qui étaient à terre au même moment41 ». À la lumière des témoignages précédents, il apparaît donc possible que ces corps aient été rapportés pour être consommés et qu’Endicott ait pu observer la scène.
22Pour accréditer cette possibilité, il nous faut recontextualiser les relations entre marins de la Glide et Fidjiens de Vunirara : vérifier si une alliance autorisait Endicott, comme naguère Lockerby et Dillon, à assister au dit événement. Revenons deux mois auparavant : les négociants se trouvaient à Bua. Ils y jouissaient d’une maison pour le conditionnement des holothuries, construite à leur effet par le turaga de la région. Ce dernier était en guerre avec celui de Vunirara et souhaitait certainement retenir l’équipage sur son territoire. Mais il faisait face à des rébellions de chefs sous son influence. Oliver rapporte ainsi que des Fidjiens tentèrent de s’en prendre à leurs infrastructures, précisant que « [l]es chefs, en l’absence du roi, favorisèrent à l’évidence ces hostilités ». Une rixe éclata entre marins et chefs rebelles, accouchant de la mort d’un de ces derniers et plusieurs natifs ; les négociants partirent s’installer à Vunirara.
23Le turaga de Vunirara s’allia aussitôt aux nouveaux-venus – qui venaient de combattre ses ennemis – et mit à leur disposition hommes et habitations. Oliver le répète : « un commerce amical avec les indigènes fut entamé » ; « [l]e roi de Bone Rarah […] était quotidiennement à bord » ; « sa véritable bonté est apparue par la suite dans son souci de protéger nos vies ». Dès lors, qu’Endicott ait pu assister à la préparation puis la consommation des bakola en qualité d’allié est possible, cela d’autant plus que, selon Oliver, les cadavres d’ennemis provenaient de Bua, où les marins s’étaient précédemment affrontés avec les natifs.
Le témoignage de William Dapier dit « Cannibal Jack »
24William Dapier (mort en 1891) est un marin qui, après avoir été enlevé dans les Samoa en 1840 par un chef, vécut d’itinérances dans les îles du Pacifique. À la fin des années 1840, le marin sert d’interprète à John E. Erskine, à la tête d’une expédition britannique explorant le Pacifique42. Sur la demande de l’officier, Dapier rédigea ses savoirs sur les Fidji ; ce témoignage fut ajouté en annexe du récit officiel d’Erskine, publié en 1853. Il y rapporte, de manière chronologique et d’après ses souvenirs, sa vie dans le Pacifique entre 1840 et 1843.
25En 1841 il séjournait à Somosomo, une île au sud-est de Vanua Levu. Il se plaça sous la protection d’un chef qui, bientôt, partit compléter l’armée d’un puissant turaga, Tui Mativata. Dapier le suivit et assista, à l’issue d’un conflit, à la consommation de trois cadavres d’ennemis. Comme dans les témoignages précédents, « un feu brûlait, avec des pierres ardentes empilées dessus, prêtes à cuire les corps dès qu’ils étaient disséqués ». Il ajoute :
« Dès que le boucher eut terminé son office, les pierres étant brûlantes, on les étala et on jeta des feuilles vertes dessus pour atténuer la chaleur. La chair fut alors mise dans ce “lovo” (four) et, une fois cuite, ce qui n’arriva que le lendemain matin, elle fut partagée selon le rang, la distinction, etc. »
26L’existence du cannibalisme dans cette région est confirmée par John Hunt, un missionnaire installé à Somosomo de 1839 à 1842. Depuis les années 1830, en effet, des évangélistes sont présents sur l’archipel43. À leurs yeux, les beachcombers étaient « l’un des grands obstacles à la prospérité de l’œuvre de l’évangélisation44 ». Bien que soucieux, donc, de se distinguer de ces gens, Hunt n’en confirma pas moins, lui aussi, l’existence de pratiques anthropophages à Somosomo45.
27Le récit de Dapier s’accorde aux descriptions précédentes ; les raisons qui l’amenèrent à observer un tel acte obéissent bien aux modalités d’interactions entre marins et Fidjiens. Tout comme Lockerby et Endicott avant lui46, William Dapier affirme s’être vu, à l’occasion, proposer de la chair humaine :
« Plusieurs d’entre eux m’ont invité à prendre un peu de leur petite récompense, et tous ont été de la même manière surpris, comme Tui Mativata [le turaga], par mon refus47. »
28Le contexte invite à prendre au sérieux le témoignage : dans la mesure où certains marins accédaient au statut d’allié, ils étaient intégrés dans certaines logiques d’échanges fidjiennes. Stéphanie Leclerc-Caffarel explique que « [s]elon la tradition fidjienne, c’est à l’aune d’échanges que l’on mesure la puissance et la bonne volonté d’un allié, réel ou potentiel, et que l’on crée avec lui un partenariat plus ou moins solide48 ». Ainsi William Lockerby écrivait-il déjà que des guerriers offrirent, en 1809, à des santaliers « le corps entier d’un homme cuit sur des pierres chaudes dans le sol » :
« Nous leur dîmes de le jeter par-dessus bord. Ils ne voulurent pas le faire, et nous quittèrent en proclamant que nous avions peur de manger nos ennemis49. »
29Dans la mesure où Lockerby maîtrise quelque peu, à ce stade de son séjour, la langue fidjienne, il est peu probable qu’il ait mal compris ses interlocuteurs.
Historiciser la consommation des corps humains aux Fidji
30Comme l’ont déjà noté Marshall Sahlins, Patrick Brantlinger et Nicholas Thomas, il paraît donc improbable que ces pratiques anthropophages n’aient été que le résultat de discours ou d’interprétations biaisées de la part des Euro-Américains, comme c’est le cas pour bien d’autres terrains. Le contenu des quatre témoignages se recoupe ; de même, le contexte dans lequel survinrent les observations est similaire. On pourrait y ajouter, de surcroît, d’autres témoignages directs de naufragés devenus beachcombers. Ainsi Samuel Patterson, naufragé sur l’île Nairai en 1808, affirme en 1817 avoir vu la consommation d’un morceau de viande humaine par une native50. De même, John P. Twyning, également naufragé aux Fidji en 1827, rapporte se souvenir de plusieurs banquets de « bagolla51 ».
31Cela dit, il reste à expliquer, sinon l’apparente ampleur, du moins la relative fréquence des cas d’anthropophagie décrits ou évoqués. Pour ce faire, nous délaisserons les explications proprement culturelles, pour nous concentrer sur les conditions historiques qui permettent, peut-être, d’éclairer la probable récurrence de tels faits. Dans un article sur ce thème, Sahlins explique que les morceaux humains « étaient répartis plus spécialement entre les chefs de terre indigènes52 ». Les corps destinés à la consommation (bakola) provenaient de la guerre, donc en dehors des chefferies fidèles au turaga. La relation de pouvoir qui le liait à sa population reposait sur un système d’échanges. Le turaga était considéré comme un étranger au peuple sur lequel il régnait : il était lié à celui-ci par des mariages avec les femmes indigènes et était considéré telle une divinité. En retour, explique Sahlins, il devait fournir des bakola qu’il faisait distribuer à la population et à ses alliés.
32La pratique aurait donc été, pour l’essentiel, circonscrite à des situations événementielles telles que la guerre. Lockerby, le confirme :
« Ils ne mangent pas de chair humaine, à l’exception des prisonniers qu’ils font au combat, ce dont ils se félicitent bien plus que de les avoir simplement tués. Pendant les neuf premiers mois que je vécus avec eux, je ne vis manger aucune chair humaine53. »
33Au long du premier xixe siècle, les conflits fidjiens gagnèrent en ampleur. À propos du début des années 1830, Oliver écrit que « [l]eurs guerres sont assez fréquentes. Il s’est rarement passé un mois pendant que nous étions aux Fidji, sans que nous recevions des informations sur une bataille54. » Au mitan du siècle, le révérend Thomas Williams, pourtant soucieux de se distinguer des marins et leurs récits, note « [n]éanmoins, [que] les Fidji sont rarement épargnées par la guerre et ses conséquences diaboliques55 ».
34En effet, la venue d’Occidentaux exacerba les conflits entre chefs. Les turaga des régions côtières riches en santals et holothuries concentraient les richesses et services fournis par les marins, déséquilibrant l’équilibre des forces dans la région. Lockerby explique dès 1808 que ce fut le motif de la rébellion de plusieurs chefs contre son protecteur : Rawaike « m’informa qu’ils venaient réclamer une partie des biens qu’il avait acquis des Européens et qu’il avait refusé de leur donner56 ». Selon l’explorateur Charles Wilkes, l’influence du chef de la baie de Bua sur ses voisins ne s’expliquait que par son commerce avec les santaliers et, une fois le santal épuisé, Bua serait entrée en déclin57. Parmi les objets obtenus en échange de santal, deux doivent retenir notre attention : les dents de baleine et les armes à feu.
35Les dents de baleine (tabua) étaient rares et précieuses, elles servaient, entre autres, « à tuer les hommes, à faire la guerre58 ». Leur acquisition amorçait un flux d’échanges de femmes et de bakola qui, nous l’avons dit, liait le turaga à sa population. Or les baleiniers accostant les rivages n’avaient guère de peine à se procurer ces objets et à les échanger, de même les marins de la British India Company distribuaient-ils des dents taillées dans de l’ivoire d’éléphant59. L’inflation de tels artefacts contribua certainement à l’augmentation des conflits et donc, vraisemblablement, à accroître les possibles occasions de consommations d’êtres humains.
36Les échanges entre marins et insulaires provoquèrent, d’autre part, la dispersion des armes à feu. Oliver relève que les populations de Bua ne travaillèrent pour l’équipage de la Glide que lorsque « chacun eut un mousquet (antiki), et quelques munitions (antiki-massow)60 ». La présence de beachcombers aux côtés de certains turaga permettait, comme le confirme Endicott, de former ses guerriers à leur maniement61. Une fois de plus, ce sont d’abord les souverains contrôlant des zones riches en santals qui bénéficièrent de tels avantages, jouissant même de temps à autre de l’accès aux canons occidentaux. Si, dans les années 1800, les Fidjiens n’osaient encore les toucher62, en 1844 « un canon se fait entendre, installé sur une embarcation “traditionnelle”63 ». En rencontrant les équipages euro-américains, les Fidji basculèrent progressivement dans ce que l’historien Ronald A. Derrick nomme la « nouvelle guerre64 », portée par une technologie militaire d’une puissance inédite.
37Dans un tel contexte, il est probable que les actes anthropophages, comme du reste d’autres pratiques guerrières, se soient intensifiés. C’est ce qui explique, peut-être, le constat de Williams en 1858 : « Le cannibalisme parmi ces gens est une de leurs institutions ; il est entremêlé avec les éléments de la société65. » En effet, selon Georges Guille-Escuret, la consommation d’êtres humains aurait atteint son acmé dans les années 1840 et 186066 : entre 1843 et 1855, la guerre entre les deux centres principaux de l’île Viti Levu, Bau et Rewa, marqua effectivement l’apogée de ces conflits. Les témoignages des marins puis ceux des évangélistes débarquant à partir des années 1830 – c’est-à-dire en pleine « nouvelle guerre » – doivent donc être lus à l’aune de cette situation historique, dominée par des conflits accrus et des bouleversements politiques sans précédents. Ce que nous savons, aujourd’hui, des pratiques anthropophages aux Fidji s’inscrit dans ce contexte événementiel hors-norme.
Conclusion
38En définitive, tous ces récits de marins sur le cannibalisme nous renseignent d’abord sur les premières rencontres entre des étrangers et des autochtones. Deux histoires s’entremêlent ici avec fracas : celle de l’opportunisme de marins gagnés à l’imaginaire de la rentabilité ; celle de la constitution, aux Fidji, de fragiles matanitu, imposant aux turaga un recours accru à la force et à l’alliance. Dépendant l’un de l’autre, donc, marins euro-américains et guerriers fidjiens s’allièrent, au gré d’intérêts changeants, contre des ennemis communs, se familiarisant avec les actions guerrières de l’autre. Ces rencontres, en somme, s’inscrivirent d’emblée dans un contexte de grandes violences : dès lors, les deux partis ne pouvaient qu’être les témoins mutuels des pratiques paroxystiques de l’autre, liées à la mise à mort d’individus et au traitement de cadavres humains. C’est ainsi que plusieurs Occidentaux affirmèrent avoir vu des Fidjiens consommant d’autres natifs, tandis que ces derniers découvrirent, non moins ébahis, l’usage des canons démembrant et brûlant les corps humains.
39Comme l’explique Mondher Kilani, l’on ne doit pas « tomber dans un aveuglement positiviste qui privilégie les “faits” et seulement les “faits”67 ». La démarche, de toute manière, serait vaine. Ces témoignages furent pour l’essentiel rédigés de mémoire, longtemps après les événements rapportés ; ceux qui nous sont parvenus ne représentent, de surcroît, que la surface émergée d’un iceberg d’expériences aujourd’hui englouties sous les flots du temps. Combien de marins et beachcombers n’ont-ils pas fixés à l’écrit ce qu’ils virent ? Et parmi ceux qui écrivirent, combien déformèrent ou inventèrent leurs observations, reprenant à leur compte de précédents récits ?
40Il reste que les quatre témoignages analysés se recoupent, sans pour autant se plagier. Les interactions avec les chefs, telles que décrites, sont cohérentes, obéissant aux logiques des rencontres entre marins et guerriers fidjiens de ce temps. Des missionnaires les confirmèrent ensuite, cela en dépit de leur animosité à l’encontre des beachcombers et marins. Le mot bakola existe encore dans la langue fidjienne. Il est ainsi peu probable que l’anthropophagie ait pu se résumer aux seuls discours euro-américains. Toutefois, la fréquence et l’ampleur des cas rapportés résultent de bouleversements politiques et conflits, portés par l’introduction, sur le territoire, de technologies militaires inédites. Ces témoignages d’actes anthropophages nous parlent donc moins de la culture fidjienne que d’un temps exceptionnel de sourdes violences. Comme l’écrivait le regretté Georges Guille-Escuret, « les Européens n’ont jamais rencontré de sociétés sans histoire68 ».
Notes de bas de page
1Arens William, The Man-Eating Myth, Oxford, Oxford University Press, 1979.
2Obeyesekere Gananath, Cannibal Talk: The Man-Eating Myth and Human Sacrifice in the South Seas, Los Angeles, University of California Press, 2005, voir chapitres 6 et 7.
3Sahlins Marshall, « Femmes crues, hommes cuits et autres “grandes choses” des îles Fidji », Le Débat, no 19, 1982/2, p. 121-145 ; voir aussi « Artificially Maintained Controversies: Global Warming and Fijian Cannibalism », Anthropology Today, no 19, 2003/3, p. 3-5.
4Brantlinger Patrick, « Missionaries and Cannibals in Nineteenth-Century Fiji », History and Anthropology, no 17, 2006/1, p. 21-38.
5Banivanua-Mar Tracey, « Cannibalism and Colonialism: Charting Colonies and Frontiers in Nineteenth-Century Fiji », Comparative Studies in Society and History, no 52, 2010/2, p. 255-281.
6Obeyesekere Gananath, op. cit., p. 155.
7Routledge David, Matanitu: The Struggle for Power in Early Fiji, Suva, University of the South Pacific, 1985, p. 36-38 ; Nancy Shoemaker, Pursuing Respect in the Cannibal Isles: Americans in Nineteenth-Century Fiji, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 2019, p. 3.
8Thomas Nicholas, Océaniens. Histoire du Pacifique à l’âge des empires, Toulouse, Anacharsis, 2020, p. 159.
9Obeyesekere Gananath, op. cit., chapitres 3, 4 et 5.
10Voir par exemple la critique suivante de l’approche d’Obeyesekere : Moon Paul, This Horrid Practice: The Myth and Reality of Tradition Maori Cannibalism, Auckland, Penguin Group, 2008. Pour un état des lieux des sources dont nous disposons à propos de l’anthropophagie de certains groupes maoris, voir Ballara Angela, Taua: « Musket Wars », « Land Wars » or tikanga? warfare in Maori society in the early nineteenth century, Auckland, Penguin Group, 2003, p. 127-137. Comme le montre l’historienne, et c’est une différence majeure avec le terrain des Fidji du premier xixe siècle, il existe très peu de témoignages oculaires directs de la pratique en Nouvelle-Zélande.
11Kilani Mondher, « Le cannibale et son témoin. La question de la preuve en anthropologie », Communication, no 84, 2009, p. 55.
12Ballara Angela, Taua: « Musket Wars’ »…, op. cit., p. 127-137 ; Friedman Kajsa Ekholm, Catastrophe and Creation: The Transformation of an African Culture, Amsterdam, Harwood Academic Publishers, 1991, p. 220-246 ; Pickering Michael, « Consumming Doubts. What some People ate? Or What some People swallowed? », in Goldman Laurence R. (éd.), The Anthropology of Cannibalism, Westport, Bergin & Garvey, 1999, p. 51-73.
13Beaglehole John C. (ed.), The Journals of Captain James Cook on his Voyages of Discovery: The Voyage of the Resolution and Discovery (1772-1775), Cambridge, Cambridge University Press, 1967, p. 163 ; Houtou de La Billardière Jacques-Julien, Relation du voyage à la recherche de La Pérouse, fait par ordre de l’Assemblée constituante, pendant les années 1791, 1792 et pendant la 1re et la 2e année de la République françoise, vol. 2, Paris, Jansen, 1799, p. 166.
14Leclerc-Caffarel Stéphanie, « La gestion des partenaires d’échange et des objets occidentaux par les chefs fidjiens (1800-1855) », Journal de la Société des Océanistes, no 141, 2015, p. 199-222.
15Ibid., p. 202.
16Routledge David, Matanitu, op. cit., chapitre 1.
17Campbell Ian C., « Going Native’ in Polynesia: Captivity narratives and Expériences from the South Pacific », Westport, Greenwood Press, 1998.
18Shoemaker Nancy, Pursuing Respect, op. cit., p. 48.
19Olivié Frantz, « Introduction », Le Santal et les Cannibales. Mémoires des îles Fidji, Toulouse, Anacharsis, 2020, p. 7.
20Thurn Everard and Wharton Leonard C. (éd.), The Journal of William Lockerby, Sandalwood Trader in the Fijian Islands during the Years 1808-1809: With an Introduction & Other Papers Connected with the Earliest European Visitors to the Islands, Londres, Hakluyt Society, 1925 ; pour les citations nous recourons à la traduction française réalisée en 2020 par Olivié Frantz : Le Santal et les Cannibales, op. cit.
21Ibid., p. 65.
22Ibid., p. 81.
23Ibid., p. 82.
24Ibid., p. 83-85.
25« The Feejee Islands », The Sydney Gazette and New South Wales Advertiser, no 258, 1808/4, p. 2.
26Ibid., p. 102-103.
27Lockerby William, Le Santal et les Cannibales, op. cit., p. 83.
28Obeyesekere Gananath, Cannibal Talk, op. cit., p. 191.
29Sahlins Marshall, « Artificially Maintained Controversies… », art. cité, p. 4.
30Dillon Peter, Narrative and successful result of a voyage in the South Seas performed by order of the government of British India, to ascertain the actual fate of La Pérouse’s expedition interspersed with accounts of the religion, manners, customs and cannibal practices of the South Sea islanders, vol. 1, Londres, Hurst, Chance and Co, 1829, traduit immédiatement en français à Paris, Pillet-Aîné, 1830.
31Ibid., p. 6.
32Ibid., p. 19.
33Obeyesekere Gananath, Sociologie comparée du cannibalisme, op. cit., p. 192.
34Dillon Peter, Voyage aux îles de la Mer du sud, t. 1, op. cit., p. 28.
35« Massacre at the Fejee Islands », The Sydney Gazette and New South Wales Advertiser, no 513, 1813/11, p. 2.
36Endicott William, Wrecked among Cannibals in the Fijis. A Narrative of Shipwreck and Adventure in the South Seas, Portland, The Southworth Press, 1923.
37En 1923, l’article a été ajouté en annexe de la publication du journal d’Endicott.
38Lockerby William, Le Santal et les Cannibales, op. cit., p. 62.
39Endicott William, Wrecked among Cannibals, op. cit., p. 62-63 et pour les citations suivantes : p. 64, 55 et 42.
40Oliver James, Wreck of the Glide: With Recollections of the Fijiis, and of Wallis Island, Londres/New York, Wiley and Putnam, 1848, préface.
41Ibid., p. 53 et pour les citations suivantes : p. 82, 85 et 53.
42Erskine John E., Journal of a Cruise Among the Islands of the Western Pacific: Including the Feejees and Others Inhabited by the Polynesian Negro Races, in Her Majesty’s Ship Havannah, Londres, Murray, 1853. Pour les citations suivantes : p. 412, 477, 427, 428.
43Guille-Escuret Georges, Sociologie comparée du cannibalisme, tome 2 : La consommation d’autrui en Asie et en Océanie, Paris, Presses universitaires de France, 2012, p. 251.
44Lelièvre Matthieu, L’apôtre des cannibales : vie de John Hunt, missionnaire aux îles Fidji, Lausanne, Bridel, 1866, p. 205.
45Ibid., voir la description du séjour du pasteur p. 62-98.
46Endicott William, Wrecked among Cannibals, op. cit., p. 66.
47« Jackson’s Narrative », art. cité, p. 428.
48Leclerc-Caffarel Stéphanie, « La gestion des partenaires d’échange… », art. cité, p. 219.
49Lockerby William, Le Santal et les Cannibales, op. cit., p. 112-113. Nous avons ajouté les italiques.
50Patterson Samuel, Adventures and Sufferings of Samuel Patterson, Experienced in the Pacific Ocean, and Many Other Parts of the World, With an Account of the Feegee, and Sandwich Islands, Palmer, 1817, p. 100.
51Twyning John P., Shipwreck and Adventures of John P. Twyning, among the South Sea Islanders: Giving an Account of the Feasts, Massacres, with the Certificates of Wesleyan Missionaries who Lived in the Islands, 2nd edition enlarged, Londres, Dean and Son, 1850, p. 90-92.
52Sahlins Marshall, « Femmes crues… », art. cité, p. 129.
53Lockerby William, Le Santal et les Cannibales, op. cit., p. 52-53.
54Oliver James, Wreck of the Glide, op. cit., p. 55.
55Williams Thomas, Fiji and the Fijians: The islands and their inhabitants, vol. 1, Londres, Heylin, 1858, p. 43.
56Lockerby William, Le Santal et les Cannibales, op. cit., p. 61.
57Wilkes Charles, Narrative of the United States Exploring Expedition: During the Years 1838, 1839, 1840, 1841, 1842, vol. 3, Londres, Wiley and Putnam, 1845, p. 215-216.
58Sahlins Marshall, « Femmes crues… », art. cité, p. 122.
59Derrick Ronald A., A history of Fiji, Suva, Printing & Stationery Departement, 1946, p. 41.
60Oliver James, Wreck of the Glide, op. cit., p. 82.
61Endicott William, Wrecked among Cannibals, op. cit., p. 45.
62Lockerby William, Le Santal et les Cannibales, op. cit., p. 98.
63Guille-Escuret Georges, Sociologie comparée du cannibalisme, t. 2, op. cit., p. 255-256.
64Derrick Ronald A., « The New Warfare », op. cit., p. 46-52.
65Williams Thomas, Fiji and the Fijians, op. cit., p. 205.
66Guille-Escuret Georges, Sociologie comparée du cannibalisme, t. 2, op. cit., p. 259-260.
67Kilani Mondher, Du goût de l’autre. Fragments d’un discours cannibale, Paris, Seuil, 2018, p. 21.
68Guille-Escuret Georges, Sociologie comparée du cannibalisme, t. 3, op. cit., p. 357.
Auteur
Université de Toulouse II.
Nicolas Cambon est agrégé et docteur en histoire de l’université de Toulouse II, UR France, Amériques, Espagne, Sociétés, Pouvoirs, Acteurs (FRAMESPA).

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