Chapitre X. De nouveaux acteurs : les Scouts de France et les Scouts et Guides de France
p. 201-228
Texte intégral
« Lyon, juin 1991. Les Scouts de France fêtent leur soixantième anniversaire. À quelques kilomètres de là, une émeute dévaste le centre ville de Vaulx en Velin. Des questions soulevées par cette concordance de lieux naît l’idée d’un Service chargé de développer la proposition Plein Vent. La création du Service Plein Vent est approuvée par l’Assemblée Générale de 19911. »
1Tel est le récit fondateur du projet « Plein Vent » qui se transmet au sein du mouvement. Cette proposition, qui prend son essor dans les années 1990, concentre dès l’origine nombre de jeunes musulmans.
Du scoutisme « Plein Vent » au scoutisme « en quartiers »
2La proposition « Plein Vent » apparaît dans les années 1980 et désigne alors quelques tentatives d’accueil de jeunes de milieux défavorisés dans des groupes Scouts de France2. Elle prend de l’ampleur à partir de 1991, du fait notamment de sollicitations politiques. En mars 1991, le directeur de la DDJS demande ainsi au mouvement d’organiser une formation initiale BAFA à destination de jeunes franciliens. En juin 1991, c’est Michel Delebarre, nouveau ministre de la Ville, qui convoque au ministère le commissaire national des Scouts de France pour demander à l’association d’accueillir des jeunes issus de quartiers populaires dans ses camps3. Cette opération, intitulée « Vacances Solidarité », se met en place à partir de l’été 1992 : 1 800 jeunes de milieux défavorisés sont ainsi accueillis au sein de 600 unités Scouts de France. Pendant l’année scolaire 1992-1993, le mouvement ouvre quinze groupes dans des quartiers populaires à Lille, à Castres, à Marseille ou au Blanc-Mesnil par exemple. Cette même année, à l’initiative de Gilles Vermot-Desroches, commissaire national en charge du projet « Plein Vent », une équipe de bénévoles et de douze appelés affectés aux Scouts de France au titre du « Service Ville » (les VSNV)4 préparent un « camp-pour-tous » qui se déroule à Morteau du 15 au 30 juillet 1993. Ce camp, qui s’inspire des expériences des mouvements scouts chiliens et belges5, regroupe 2 500 jeunes, encadrés par 600 chefs et cheftaines et regroupés en camps et en villages. Comme l’opération « Solidarité Vacances », ce camp a pour objectif de faire découvrir le « scoutisme fondamental » à des jeunes défavorisés (vie dans la nature, nuit sous la tente, vie en équipe, autonomie, grands jeux, « Aventure » qui fédère toutes les activités dans un projet commun, etc.), en espérant les inciter à rejoindre ensuite un groupe scout. Pour repérer les jeunes potentiellement intéressés et les inviter à se joindre à cette expérience, le mouvement s’appuie sur des partenariats avec le Secours catholique, ATD Quart Monde, des associations de quartiers ou des centres sociaux. Les Scouts de France bénéficient également du soutien matériel de l’armée et du soutien financier du ministère de la Jeunesse et des Sports, de la ville de Dijon, du conseil général et de la CAF.
3Ce « camp-pour-tous » marque un tournant dans l’histoire du scoutisme « Plein Vent » du fait de l’importante publicité qu’il donne à cette proposition en interne mais aussi dans le reste de la société française. De nombreux journalistes de titres régionaux et nationaux viennent en effet couvrir l’événement, attirés par l’ampleur de l’opération, par la communication active du mouvement sur ce projet et par la visite de la ministre de la Jeunesse et des Sports, Michèle Alliot-Marie. Cédric Van Styvandael, commissaire national « Plein Vent » entre 1998 et 2001, revient dans un entretien réalisé par Jean-Baptiste Gautier sur l’importance de Morteau dans l’histoire de « Plein Vent » :
« Gilles a un trait de génie et l’intuition de monter un gros coup avec Morteau. Il communique là-dessus et il crée une légitimité, la preuve que les Scouts de France ont un rôle à jouer, des compétences et qu’ils savent le faire6. »
4À la suite du succès de ce rassemblement, l’année scolaire 1993-1994 est marquée par l’ouverture de nouveaux groupes dans des quartiers populaires (au Val Fourré, à Besançon, à Garges-lès-Gonesse, à Cergy, à Grigny, à Vénissieux, etc.), qui permettent de fidéliser une partie des jeunes présents à Morteau. Dans un rapport d’évaluation de novembre 1994, Gilles Vermot-Desroches estime que 20 % d’entre eux ont rejoint un groupe existant de longue date ou créé depuis sur leur quartier. Un deuxième « camp-pour-tous » national est organisé à Sillé-le-Guillaume en juillet 1994, ainsi que vingt « camps-pour-tous » en région. En parallèle, l’opération « Vacances Solidarité » et l’organisation de stages BAFA à destination des « animateurs de quartier » continuent. Toutes ces propositions sont rendues possibles par le soutien des VSNV, dont le nombre augmente.
5À partir du milieu des années 1990, la proposition « Plein Vent » s’institutionnalise. En 1995, une équipe nationale bénévole « Plein Vent » est créée pour coordonner les projets au côté du commissaire national « Plein Vent ». Dans les « codepies » (départements), des correspondants « Plein Vent » sont chargés d’animer la proposition. Une grande partie du travail de terrain est néanmoins assurée par les VNSV, très majoritairement des anciens scouts, qui sont plus de quarante affectés tous les ans au mouvement entre 1994 et 1997. Des « collèges Plein Vent » ou des « collèges des VNSV » réunissent régulièrement à Jambville (centre de formation des Scouts de France) les différents acteurs impliqués dans le projet. La proposition « Plein Vent » se structure autour de quatre types d’action : l’organisation de « camps-pour-tous » à destination des jeunes de milieux défavorisés ; leur accueil dans des camps scouts classiques ; l’organisation de BAFA à l’intention des « animateurs des quartiers » et la création de groupes scouts dans les quartiers populaires. Comme pour le camp de Morteau, toutes ces actions sont menées en partenariat avec d’autres associations implantées dans les quartiers populaires : Secours catholique, ATD Quart Monde, maisons de quartiers, associations locales d’éducation populaire, etc.
6Parmi ces activités, c’est la création de groupes scouts dans les quartiers populaires qui s’avère la plus difficile à mener. À partir de 1996, les responsables « Plein Vent » établissent peu à peu une distinction entre deux types de groupes : les groupes scouts de France dans les cités – qui prennent peu à peu le nom de « groupes en Plein Vent » – et les groupes « associés ». Cette distinction part du constat qu’une partie des groupes scouts implantés dans les quartiers populaires connaissent d’importantes difficultés, liées notamment au fait que « les responsables scouts se débattent dans un certain nombre de contradictions, oscillant sans cesse entre le souci d’adapter la pédagogie aux jeunes concernés et la volonté de ne pas se mettre en porte-à-faux avec le Mouvement7 ». Le service « Plein Vent » en arrive donc à la conclusion suivante :
« Il semble que la création d’un groupe Scouts de France traditionnel ne soit pas toujours la réponse adéquate à la “demande sociale”. Il faut qu’un certain nombre de conditions soient réunies :
– majorité de jeunes et d’animateurs de culture catholique (français de souche, antillais, portugais, certaines communautés africaines),
– public se reconnaissant dans l’identité scoute,
– forte implication de cadres issus du Mouvement,
– soutien de l’équipe départementale.
Toutes ces conditions sont rarement réunies8. »
7Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, l’équipe nationale « Plein Vent » propose la mise en place de groupes « associés », définis comme une « démarche expérimentale ». Ces groupes « associés » dépendent administrativement des Scouts de France mais leur pédagogie est adaptée : la fréquence et l’organisation des activités sont définies localement ; la tenue est simplifiée ; les pédagogies de branche peuvent être reformulées ; la démarche spirituelle est « pluriconfessionnelle ». Cette proposition reçoit cependant un accueil mitigé dans le mouvement car les groupes « associés », qui ne sont pas toujours gérés par des personnes adhérentes aux Scouts de France, sont considérés comme trop indépendants9. En 1998, cette proposition est donc abandonnée au profit d’une nouvelle « démarche expérimentale », les groupes « mosaïques », qui sont créés en partenariat avec d’autres associations10. Le groupe « mosaïque » Riquet, situé dans le 19e arrondissement de Paris, est ainsi fondé grâce à un partenariat entre les Scouts de France, l’association « Espace 19 », la paroisse Notre-Dame de Foyers et le centre socioculturel de la mosquée Adda’Wa. Tout comme les groupes « associés », les groupes « mosaïques » peinent néanmoins à se développer, malgré l’important soutien financier du mouvement. En 2001, le service « Plein Vent » ne dénombre ainsi que treize groupes implantés en quartiers populaires, sans que nous sachions précisément quels sont parmi eux les groupes « en Plein Vent » et les groupes « mosaïques ». Cette réalité modeste est à mettre en lien avec la disparition progressive des VNSV, acteurs essentiels de la proposition « Plein Vent » depuis 1992, qui ne sont que partiellement remplacés par des agents de développement local salariés grâce au dispositif des « emplois-jeunes ».
8Le début des années 2000 marque un nouveau tournant dans l’histoire de « Plein Vent ». Lors de l’assemblée générale des Scouts de France de mars 2000, deux des trois principales orientations votées font référence à la démarche portée par « Plein Vent » : « Donner la chance d’être scout à chaque enfant, chaque jeune qui le souhaite » et « enraciner des groupes scouts aux mille visages pour aider les jeunes à grandir11 ». En 2003, Frédéric Bellier, animateur national « Plein Vent », insiste sur le fait que :
« Le but à long terme, c’est d’arrêter de voir Plein Vent comme quelque chose à part mais de dire qu’on va développer le scoutisme sur ces quartiers spécifiques comme on le ferait ailleurs12… »
9Cet infléchissement dans le discours se traduit notamment par le fait que le service « Plein Vent » n’est plus un service autonome mais est intégré à la direction « Animation – Développement territorial » et que le mouvement insiste davantage sur la nécessité « d’impliquer le réseau scout (bénévole)13 ». À partir de 2003, des « camps mosaïques » sont organisés par le mouvement, au cours desquels un groupe d’enfants « Plein Vent » et une unité scoute classique campent à proximité et vivent en commun une partie des activités14. Dans un contexte où les Scouts de France connaissent une chute importante de leurs effectifs15, la réflexion du mouvement porte également sur la manière de « fidéliser les jeunes et les animateurs de quartier » et de « susciter des structures d’animation pérennes16 ». Jean-Baptiste Gautier souligne ainsi que, aux yeux d’une partie des cadres du mouvement, « [le] choix de l’ouverture est donc un véritable enjeu stratégique pour la pérennité du mouvement17 ». Cette analyse ne fait cependant pas l’unanimité dans l’association. Certains des commissaires départementaux estiment au contraire que, dans ce contexte de crise, la priorité doit être de se « recentrer sur [les] bases et de consolider [les] acquis », et non d’entretenir ou de développer le réseau « Plein Vent18 ».
10Avec la fusion des Scouts de France et des Guides de France en 2004, les propositions « Plein Vent » et Soleil fusionnent elles aussi pour donner naissance au service « Scoutisme en quartiers ». En 2006, cela correspond à 26 groupes en quartiers populaires, 33 « camps-pour-tous » ayant regroupé 482 enfants et 72 « animateurs de quartiers » ayant effectué des stages BAFA. L’objectif du mouvement est alors d’atteindre 40 groupes dans les quartiers populaires à l’échéance de 2010. Pour cela, les responsables du « Scoutisme en quartiers » mettent l’accent sur des « animations de rue », qui sont assurées le plus souvent par des volontaires en service civil (puis civique) ainsi que par des salariés financés grâce aux importantes subventions publiques que le mouvement perçoit à la suite des émeutes de 2005. Cette stratégie de création de groupes dans les quartiers populaires s’infléchit cependant rapidement. Dès le début des années 2010, l’accent est davantage mis sur la mission qu’a chaque groupe de s’ouvrir aux jeunes défavorisés, pour tenter de sortir d’un entre-soi de jeunes issus de classes moyennes et supérieures. Baisse des subventions publiques, constat des grandes difficultés connues par la majorité des groupes implantés dans les quartiers populaires – qui ne survivent souvent que grâce à la présence d’un salarié – et insatisfaction quant à la qualité du scoutisme qui s’y vit sont les principaux éléments qui permettent d’expliquer ce changement d’orientation. Cette évolution s’inscrit aussi dans la volonté de plus en plus affirmée du mouvement de « passer d’une logique de spécialisation à une logique de transversalité », en mobilisant davantage sa base autour du projet d’ouverture sociale. Concrètement, les BAFA « Scoutisme en quartiers » disparaissent et « les questions de diversité, d’ouverture […] sont intégrées dans l’ensemble des stages d’une manière ou d’une autre19 ». À partir de 2013, tous les groupes sont tenus de proposer un volet « diversité » dans leur projet de développement local, qui détaille « les moyens et objectifs en faveur de la diversité du groupe ». En 2015, le bilan dressé par Sophie B., alors responsable nationale « scoutisme en quartiers », fait état de vingt groupes implantés dans les quartiers populaires et de trente groupes « engagés […] dans une démarche volontariste pour aller accueillir des jeunes » de milieux défavorisés20. Cinquante groupes impliqués dans le scoutisme « en quartiers » représentent une réalité modeste pour un mouvement qui compte alors plus de 800 groupes locaux et qui emploie en 2015-2016 une vingtaine de jeunes en service civique pour soutenir cette action d’ouverture sociale de l’association. En 2019, les chiffres donnés par Mathieu B., responsable national « Scoutisme en quartiers » à cette date, sont similaires : une vingtaine de groupes implantés dans des quartiers populaires et une quarantaine de groupes engagés dans une démarche volontariste d’ouverture. Ce bilan en demi-teinte reflète la difficulté de l’équipe « Scoutisme en quartiers » à mobiliser le reste du mouvement et la fragilité des groupes en quartiers populaires, qui peinent à recruter des chefs et qui pâtissent souvent du manque d’investissement des parents.
11Ainsi, malgré des évolutions, et notamment la volonté de plus en plus affirmée des Scouts de France puis des SGDF de faire de l’ouverture sociale une priorité qui mobilise tous les acteurs du mouvement, l’histoire du scoutisme « Plein Vent » puis du « Scoutisme en quartiers » est marquée par un certain nombre de constantes. Les volontaires (VNSV, volontaires en service civique, etc.) et les salariés (ADL en emplois-jeunes, permanents de l’équipe nationale) y jouent un rôle extrêmement important, à rebours du fonctionnement classique des deux mouvements qui sont avant tout des structures animées par des bénévoles. Cette importance des volontaires et des salariés est liée en partie aux difficultés propres à l’implantation de groupes dans des quartiers où il n’y a pas de réseau scout préexistant mais elle s’analyse aussi comme un indice de la faible implication du reste du mouvement dans ce projet. Une autre originalité des propositions « Plein Vent » puis « Scoutisme en quartiers » est l’importance des subventions publiques qu’elles perçoivent, exception dans des mouvements dont les principales rentrées d’argent sont les cotisations des adhérents. « Plein Vent » reçoit ainsi des subventions de la délégation interministérielle de la Ville, du ministère de la Jeunesse et des Sports et du FAS. En 1998, l’ensemble de ces subventions publiques monte à 550 000 F (à mettre en regard des 710 000 F de ressources propres) et il faut ajouter à cette somme les subventions indirectes via la mise à disposition des VNSV et la prise en charge par l’État d’une partie du salaire des emplois-jeunes et des indemnités des volontaires. Dans les années qui suivent les émeutes de 2005, les SGDF perçoivent de nouveau d’importantes subventions au titre de la politique de la Ville pour proposer des activités dans les quartiers défavorisés. Cet afflux financier, qui se tarit au début des années 2010, pose question à certains adhérents, comme le montre le témoignage d’Hicham Z., chef scout « en quartier » à Marseille entre 2005 et 2007 :
« Je leur disais : “Vous faites plus ça pour les subventions qu’autre chose”, parfois ils avaient le droit à de supers subventions alors qu’ils avaient trois gamins issus de la diversité […]. Je plaisante mais c’était un peu ça en fait. C’était à l’époque, quand y avait les émeutes des cités là en fait, les Scouts et Guides de France ils en ont super bien bénéficié en fait d’ouvrir des groupes dans les quartiers difficiles tout ça. Ils ont beaucoup parlé des scouts et je me rappelle qu’ils avaient pris des super subventions à l’époque parce que c’est considéré comme un mouvement d’éducation populaire. […] Non mais c’est des supers personnes aussi21. »
12La troisième caractéristique commune au scoutisme « Plein Vent » et au scoutisme « en quartiers », qui n’est pas sans lien avec la question des subventions, est l’accent mis par les mouvements sur la médiatisation de ces propositions. C’est particulièrement le cas lors des premiers « camps-pour-tous » de Morteau et de Sillé-le-Guillaume, qui ont donné lieu à une très importante couverture médiatique soigneusement archivée par les Scouts de France. Patrick Chossat, animateur national « Plein Vent » entre 1996 et 2001, qualifie même spontanément le camp de Morteau de « grosse opération de communication22 ». Cette dimension « vitrine » des projets d’ouverture sociale des deux mouvements est encore reconnue implicitement en 2006 par les responsables nationaux des SGDF lorsqu’ils affirment dans un document de travail : « Il s’agit de travailler plutôt à mobiliser en interne le réseau sur le projet Scoutisme pour Tous qu’à renforcer une reconnaissance médiatique externe23. » L’accueil d’un nombre important de jeunes musulmans dans ces propositions à destination des milieux populaires participe de cette dimension « vitrine » du projet.
Une concentration des musulmans dans ces propositions spécifiques
13En novembre 1994, dans un rapport d’évaluation sur le camp national « Plein Vent » de Sillé-le-Guillaume, Gilles Vermot-Desroches dévoile les résultats d’une enquête menée auprès des 2 500 participants : 50 % d’entre eux se déclarent musulmans, 40 % chrétiens et 10 % n’ont pas répondu à la question. Par la suite, la proportion de jeunes musulmans en « camp-pour-tous » varie entre 30 % et 70 %. Dans les groupes implantés en quartiers populaires (groupes en « Plein Vent », groupes « associés », groupes « mosaïques »), la situation est plus contrastée et dépend principalement des réseaux de recrutement et de l’état des relations locales entre communautés religieuses. Dans certains groupes, les musulmans sont très majoritaires, à l’image du groupe d’Hérouville-Saint-Clair où ils représentent 80 % des effectifs en 1997. Dans d’autres, ils sont peu nombreux, comme à Carrières-sous-Poissy à la même date, voire même absents dans le cas du groupe qui redémarre au Val Fourré (Mantes-la-Jolie) au début de l’année 2001. Au Val Fourré, cette absence est la conséquence d’une demande explicite de la paroisse de réserver le groupe aux enfants catholiques pour les « protéger » du prosélytisme musulman. Au sein d’un même groupe, la proportion de musulmans évolue parfois fortement. À Asnières, le chef de groupe fait le constat en 2001 que « tous les musulmans sont partis du groupe » et il attribue ces départs au discours des mosquées qui se « musclerait » et qui viserait à couper les musulmans des chrétiens. À la même période, au sein du groupe « mosaïque » de Riquet, dans le 19e arrondissement de Paris, ce sont les jeunes musulmans qui tendent à devenir majoritaires malgré les efforts des responsables pour tenter de « garder un certain équilibre entre chrétiens et musulmans24 ». Cette évolution est sans doute liée au fait que les chefs sont davantage issus de la mosquée que de la paroisse. Au sein de la proposition « Plein Vent », la présence de musulmans est donc une réalité importante et ils peuvent même être localement majoritaires. Dans le reste du mouvement, quelques musulmans sont présents également mais ils sont presque invisibles dans les archives car ils ne font pas l’objet d’une réflexion spécifique. Il nous est donc impossible d’évaluer leur nombre – sauf à rappeler qu’ils sont extrêmement minoritaires.
14Nous n’avons pas non plus de chiffres précis pour les Scouts et Guides de France. Dans un document préparatoire au conseil d’administration du 20 avril 2013 sur la « Politique Diversité », les rédacteurs rappellent l’impossibilité légale de recueillir des données religieuses :
« Il est très difficile d’avoir des indicateurs sur la diversité sociale et religieuse, la loi française nous interdisant de recenser sur l’intranet des données ethniques et religieuses25. »
15Tout en rappelant qu’il n’existe aucun chiffre, Sophie B. tente néanmoins de dresser un bilan de la situation en 2015 :
« Déjà on n’a aucun chiffre sur les musulmans, aucune enquête ; aucun rien du tout donc tout ce que je vais te dire, c’est juste un ressenti, un retour que je peux avoir par-ci par-là. Y a pas de règles. Y a des groupes, on a un groupe, Paris La Confiance, c’est je crois 100 % de musulmans, […] ou 90 % de musulmans, dont les chefs et cheftaines. On a un groupe qui a ouvert l’année dernière à Strasbourg Neuhof, ça a été ouvert à l’initiative de deux chefs de groupe, deux personnes qui sont devenues responsables de groupe qui sont tous les deux musulmans et ils ont souhaité ouvrir un groupe SGDF parce que c’est dans ce projet éducatif là qu’ils se reconnaissent. Voilà, dans le groupe aujourd’hui y a un catho et leur objectif au groupe c’est pas du tout de faire un groupe de musulmans. […] Y a des endroits où c’est plutôt mixte, un certain nombre de groupes de la Seine-Saint-Denis où c’est plus mélangé. Y a des groupes où c’est minoritaire, quoi. Et on a sans doute plein de groupes hors quartiers populaires où y a des musulmans mais donc on n’a pas forcément les retours26. »
16Comme du temps de la proposition « Plein Vent », les musulmans représentent donc une réalité importante au sein des groupes SGDF implantés dans les quartiers populaires. Dans le reste du mouvement, ils sont a priori très minoritaires mais l’enquête orale menée en 2015 et 2016 auprès de chefs et cheftaines, notamment à l’occasion de l’Assemblée générale de mai 2015, nous montre que beaucoup de groupes ont un ou deux musulmans parmi leurs jeunes ou leurs chefs. En 2019, Mathieu B., tout en rappelant que les SGDF n’ont jamais dénombré leurs membres musulmans, estime qu’ils se comptent en centaine(s) et que la majorité sont membres de groupes « classiques ». Parmi eux, certains sont des réfugiés irakiens ou syriens, accueillis à partir de 2015 dans le cadre d’un partenariat avec le Secours catholique et le JRS (Jesuit Refugee Service).
17Les jeunes musulmans qui découvrent le scoutisme via les actions menées par les services « Plein Vent » puis « Scoutisme en quartiers » habitent dans les quartiers populaires où sont implantées ces propositions. Ils sont majoritairement issus de l’immigration maghrébine, en tout cas dans les années 1990. Les garçons sont surreprésentés, malgré le souci régulièrement exprimé des chefs et cheftaines de rééquilibrer le sex ratio en allant à la rencontre des familles pour les convaincre de laisser venir leurs filles. Nous n’avons que très rarement des éléments sur leur rapport à l’islam mais le fait de manger de la viande halal semble être une demande récurrente lors des camps, qui peut même être parfois à l’origine d’importantes tensions. Cette exigence nous rappelle l’essor du marché halal en France à partir des années 1990 et la construction progressive de la consommation de viande halal comme un marqueur de l’identité islamique chez une partie des musulmans français à cette époque27. Les jeunes musulmans investis dans les groupes classiques sont eux aussi issus de l’immigration maghrébine ou originaires d’Afrique sub-saharienne mais se distinguent des musulmans membres des propositions « Plein Vent » ou « Scoutisme en quartiers » par leur milieu social. À l’image de la majorité des jeunes catholiques du mouvement, ils semblent en effet souvent issus des classes moyennes ou supérieures, même si nous manquons de sources pour l’affirmer avec certitude. Pour les chefs musulmans dans les groupes classiques, une autre caractéristique ressort des quelques entretiens menés : leur souci de ne pas se distinguer du reste de la maîtrise du fait de leur spécificité confessionnelle. Cette attitude se traduit notamment par un fort investissement de leur part dans la démarche spirituelle du mouvement, que ce soit en se formant au christianisme, en accompagnant les jeunes à la messe ou même en animant des temps spirituels. Hicham Z., chef dans le groupe Sainte-Anne à Marseille à la fin des années 2000, en est un bon exemple :
« Quand j’étais avec les pionniers, […], disons que je faisais répartir les pionniers par rapport au rite, le déroulement de la messe, pour qu’ils participent. Je l’ai fait plusieurs fois. Du coup, là, par obligation, j’étais obligé de participer à la messe, et il m’est arrivé même de participer à deux messes dans une seule journée. Du coup les pionniers ils m’ont dit : “Même nos parents ils le font pas.” Parce qu’une fois on avait fait, y avait une fête de groupe, y avait une messe le matin, et puis eux ils ont participé, alors là j’ai pas organisé parce que c’étaient les chefs de groupe qui ont organisé parce qu’il y avait […] plusieurs tranches d’âge, du coup chaque tranche d’âge elle faisait son travail, et après on avait fait les lumières de Bethléem sur Marseille et là en fait j’ai fait participer le groupe à la messe et ça les a bien saoulés, du coup ils ont dit : “C’est la première fois qu’on assiste à deux messes dans une seule journée.”28 »
18À travers ces attitudes transparaît le souci de se légitimer comme chef musulman dans un mouvement catholique, même si la prise de responsabilités de jeunes musulmans semble globalement bien acceptée par le mouvement. Historiquement, le fait que l’arrivée des premiers jeunes musulmans aux Scouts de France se soit faite par l’intermédiaire de la proposition « Plein Vent » a certainement joué un rôle important dans le processus assez consensuel de leur intégration.
Ouverture aux musulmans : un processus globalement consensuel parmi les acteurs du scoutisme en quartiers populaires
19À ses débuts, la proposition « Plein Vent » est avant tout perçue par ses acteurs comme une « contribution des Scouts de France à l’animation des jeunes de quartiers », dans le cadre de la politique de la ville29. Le logo « Plein Vent » comporte d’ailleurs la mention « Acteurs de la Politique de la Ville » jusqu’en 2004 et le service bénéficie d’importantes subventions publiques pour son action. Dans ce contexte, la dimension spirituelle du projet pédagogique des Scouts de France est peu mise en avant. Lors des « camp-pour-tous » de Morteau et de Sillé-le-Guillaume, les temps spirituels quotidiens sont remplacés par des « temps du matin », définis comme des « temps de réflexion susceptibles d’ouvrir [les jeunes] à une dimension spirituelle30 ». Du fait de la faible place donnée au catholicisme dans ces camps, la présence de jeunes musulmans n’est jamais présentée comme un enjeu dans les dossiers de préparation ou les bilans d’évaluation, alors même qu’ils représentent 50 % des jeunes participants au camp de Sillé-le-Guillaume. Dans la revue de presse sur Morteau, seul un article, dans L’Est républicain, évoque indirectement la présence de jeunes musulmans en rappelant que « certains enfants d’origine maghrébine ne mangent pas de porc31 ».
20La réflexion autour des implications pour le mouvement de la présence de jeunes musulmans émerge cependant progressivement, comme nous le montre une lettre de Gilles Vermot-Desroches à Jean-Marie Gaudeul datée de 1994 :
« Présents depuis deux ans à l’éducation des jeunes venus de l’Islam nous avons beaucoup à approfondir le sens que cela donne à notre engagement de chrétien, à être mieux formés pour les rejoindre dans le respect et l’ouverture32. »
21Peu à peu, cette réflexion débouche sur l’élaboration de formations sur l’islam pour les VNSV, à l’occasion de leurs rassemblements à Jambville. En octobre 1994, cette formation est l’occasion de leur présenter la figure du Prophète, les « principales affirmations théologiques de l’islam », l’histoire de cette religion en quelques dates, ses principaux courants contemporains et son implantation en France. Cette formation est ensuite étendue progressivement aux chefs et cheftaines des « camps-pour-tous ». La réflexion des responsables nationaux « Plein Vent » sur la présence de jeunes musulmans est également à l’origine de recommandations au sujet des repas et des temps spirituels. En 1995, les instructions données par le mouvement aux animateurs des « camps-pour-tous » sont les suivantes :
« Bien évidemment, la viande de porc est à exclure de vos menus si vous accueillez des jeunes d’origine musulmane, même s’ils ne pratiquent pas leur religion. Il faut donc faire attention à ne pas proposer des produits qui contiennent du porc.
Attention aux raviolis, aux soupes (graisses animales), aux paellas qui contiennent des morceaux de porc…(pensez à vérifier les étiquettes).
Les jeunes musulmans qui pratiquent vous demanderont peut-être si la viande est Halal. […] Si la demande de viande Halal intervient au milieu du camp, elle révèle plus sûrement des tensions liées aux questions pédagogiques qu’aux questions de religion.
Deux attitudes sont possibles vis-à-vis de cette question :
* Vous n’achetez que de la viande Halal.
* Vous n’avez pas de viande Halal, mais vous savez où vous pouvez vous en procurer si jamais la demande se fait jour.
Il n’y a aucune restriction alimentaire sur le poisson33. »
22En 1995, les responsables « Plein Vent » considèrent donc comme légitime la demande de viande halal, même s’ils estiment qu’elle ne relève pas de considérations spirituelles. L’année suivante, la position du mouvement change et les responsables nationaux expliquent dans leur bilan annuel qu’ils ont « pris le parti de ne pas proposer de viande halal pour des raisons tant pratiques que philosophiques » et qu’une information a été envoyée aux parents avant les camps pour désamorcer les revendications éventuelles34. Dans une fiche datée de 1998 et destinée aux responsables de l’intendance des stages BAFA « Plein Vent », cette position est justifiée de la manière suivante :
« Si cette dernière prescription est importante dans l’Islam, il est aussi prévu certaines souplesses, notamment dans les “conditions du voyage”, qu’on peut tout à fait attribuer au BAFA. C’est aussi en quelque sorte un pas vers nous que ferons les stagiaires en ne consommant pas de viande hallal35. »
23C’est donc en se posant comme exégète coranique que le mouvement justifie sa décision. En effet, en invoquant les « souplesses » supposées de l’islam au sujet de la viande halal, les rédacteurs de la fiche semblent reprendre à leur compte la « fatwa du Transvaal », écrite en 1903 par Muhammad ‘Abduh, grand mufti d’Égypte et figure importante du réformisme. Le grand mufti y affirme, en s’appuyant sur le verset sept de la sourate cinq, que la nourriture des chrétiens est licite pour les musulmans. Cette fatwa est dominante en Europe occidentale jusque dans les années 1980, avant de perdre de son influence « sous la poussée de puissantes dynamiques diasporiques, économiques, islamistes et culturalistes » qui insistent sur l’obligation pour les musulmans de manger de la viande abattue selon les préceptes coraniques36. Les responsables « Plein Vent » rappellent néanmoins qu’il n’est pas possible d’obliger des stagiaires musulmans à manger de la viande qui n’est pas halal et qu’« il n’est donc pas absurde de proposer des substituts (œufs, poissons…) à ceux qui ne [mangeraient] pas de viande37 ». Cette mise en exergue d’une tolérance supposée du Coran à l’égard des prescriptions alimentaires permet de comprendre pourquoi, dans une brochure parue en 2004 sur les « camps-pour-tous », les responsables « Plein Vent » considèrent comme légitime le fait que de jeunes juifs puissent demander à manger de la viande casher mais illégitime le fait que de jeunes musulmans souhaitent consommer de la viande halal38. Il est vraisemblable que cette dissymétrie entre le statut donné au halal et le statut donné au casher soit aussi liée à la très faible présence de jeunes juifs en « camp-pour-tous », a fortiori de jeunes juifs orthodoxes, ce qui rend la question de la prise en compte de leurs interdits alimentaires assez théorique alors que la demande de viande halal est, elle, bien réelle.
24Du point de vue de l’animation spirituelle, les responsables « Plein Vent » insistent sur l’absence de « proposition religieuse catholique explicite » lors des « camps-pour-tous », sauf pour les volontaires39. Les « temps du matin », qui constituent l’essentiel de la proposition spirituelle de ces camps, sont avant tout des temps de relecture. La brochure de présentation des « camps-pour-tous » de 1997 les décrit ainsi :
« Au-delà de la succession d’activités de camp, il importe de proposer à chaque jeune un temps pendant lequel il puisse exprimer ce qu’il vit, les réflexions que ce vécu amène. Les temps du matin permettent cette expression et donnent sens à la vie de camp, afin que chaque jeune l’intègre à son histoire personnelle40. »
25Les rédacteurs de la brochure rappellent qu’il faut que ces temps soient structurés autour d’un thème général – comme « l’équipe », « vivre dans la nature », « vivre ensemble », « l’eau », « se réconcilier » – et qu’ils doivent comporter des chants, un geste symbolique et une référence à Dieu dans des termes n’excluant pas les musulmans. Les rédacteurs insistent aussi sur le fait que les chefs et cheftaines ne doivent pas hésiter à lire « des passages du Coran ou de la “sagesse musulmane” », de même qu’ils peuvent utiliser des extraits de la Bible. Dans l’idéal, ces temps doivent avoir lieu dans un « coin prière […] fleuri, décoré et respecté », qui ne comporte pas nécessairement de signes distinctifs catholiques41. Nous n’avons cependant que très peu d’informations sur la manière dont se déroulent concrètement ces « temps du matin » car rares sont les comptes rendus de camps qui en font état. Une enquête sur le terrain menée en juillet 1999 par la religieuse xavière Nathalie Becquart et le jésuite Christophe Kerhardy, tous deux membres de l’équipe nationale « Plein Vent », révèle que, dans la majorité des « camps-pour-tous » visités, ces « temps du matin » sont irréguliers, peu préparés, voire même inexistants car les animateurs se sentent « assez démunis et perplexes » et qu’ils ont « une grande peur d’aborder ces questions-là avec les enfants étant donné leur diversité ». Les animateurs nationaux soulignent néanmoins que dans les camps où ils sont mis en place, ces temps « fonctionnent bien », que les enfants « se comportent autrement et sont ouverts à l’écoute et l’échange42 ». En ce qui concerne les jeunes musulmans accueillis dans des unités classiques via l’opération « Vacances Solidarité », les responsables « Plein Vent » rappellent en 1997 qu’il ne faut en aucun cas les obliger à participer « à une activité religieuse chrétienne, à l’eucharistie tout spécialement » et qu’il faut leur laisser la possibilité de « faire leur prière rituelle » s’ils le souhaitent43. Dans les recommandations qui sont faites à leur égard, les rédacteurs de la fiche reprennent plusieurs paragraphes du document « Points de repère – enfants de familles musulmanes » écrit par l’ACE MO en 1988, ce qui nous montre que, sur cette question des jeunes musulmans, l’ACE et les Scouts de France ont des contacts au niveau national.
26Avec la création des groupes « mosaïques » en 1998, qui font suite aux groupes « associés » expérimentés à partir de 1996, l’objectif des responsables « Plein Vent » n’est plus seulement d’aménager les activités proposées pour qu’elles conviennent aux jeunes non-catholiques, quitte à mettre entre parenthèses la proposition spirituelle du mouvement, mais bien de faire de la dimension pluriconfessionnelle de ces groupes un des piliers de leur projet pédagogique. Olivier Launay, commissaire national « Plein Vent », en témoigne dans un hors-série de Demain les Scouts de France paru en 1998 :
« L’idée fondatrice des groupes Mosaïque est de formuler une proposition qui développe la dimension interreligieuse pour des jeunes qui vivent en milieu multiculturel. […] L’éducation de la foi fait l’objet d’un soin particulier en direction des jeunes de tradition catholique, des jeunes de tradition musulmane et des jeunes sans aucune références religieuses. On s’efforce de proposer à chacun un éveil ou un développement spirituel qui lui convienne, tout en favorisant les temps de dialogue interreligieux où l’on apporte qui une prière, qui un chant, qui une réflexion. Il s’agit de montrer à ces jeunes, en quête d’identité, qu’on peut vivre ensemble sur un contrat commun sans se dissoudre dans la masse44. »
27Nous n’avons pas d’archives sur la manière dont se vit sur le terrain cette proposition pluriconfessionnelle, à l’exception de quelques documents sur la création du groupe Riquet, dans le 19e arrondissement de Paris. La convention de partenariat entre la paroisse Notre-Dame des Foyers, la mosquée Adda’Wa et l’association « Espace 19 » mentionne ainsi que « les menus excluront les aliments à base de porc et, dans la mesure du possible, la viande consommée sera hallal », à rebours de la position officielle des Scouts de France à la même époque45. En décembre 1999, pendant le ramadan, l’une des premières réunions du groupe est consacrée à la visite de la Grande Mosquée de Paris puis de Notre-Dame de Paris. Une rupture du jeûne est organisée le soir à la mosquée avec les parents. Au début de l’année 2000, deux animateurs musulmans « soumettent au recteur de la Mosquée [Larbi Kechat] le chant de la promesse46 ». Le 23 janvier, une première cérémonie des promesses a lieu, décrite dans le journal Après-Demain :
« Chrétiens et musulmans se sont engagés sur la base du texte de la promesse scoute en présence du prêtre et de l’Imam qui ont appelé chaque jeune à faire cette démarche selon sa tradition religieuse. Chacun a alors reçu son foulard et l’insigne du scoutisme mondial. Temps fort terminé autour des gâteaux de l’Aïd apportés par les parents47. »
28À travers ces quelques bribes de la démarche spirituelle du groupe à ses commencements, on constate un souci d’une stricte équité entre islam et catholicisme, à l’image de la pédagogie des Unités Soleil.
29Avec la fusion des Scouts de France et des Guides de France, la notion de groupes « pluriconfessionnels » disparaît. Toutes les propositions du « Scoutisme en quartiers » s’inscrivent donc officiellement dans un projet éducatif catholique et ouvert à tous. Sur le terrain, cependant, une grande liberté est laissée à chaque groupe pour adapter au mieux la proposition spirituelle du mouvement à la réalité à laquelle il est confronté. Sophie B. en témoigne :
« Ce que je veux dire, c’est que c’est les chefs et cheftaines et les groupes qui mettent en place des choses et y a autant de pratiques que de groupes. […] Et y a des choses très très différentes sur la plupart des groupes. Y a des groupes où y a des musulmans qui participent à la démarche chrétienne, qui vont à la messe, qui participent aux temps prière […]. Y a des groupes où pendant le temps prière, y a un lieu de prière musulman et y a un lieu de prière catho et les enfants musulmans ont un temps de prière entre eux pendant le temps de prière catholique, bien sûr les enfants ne sont pas obligés, en aucun cas on oblige un enfant à aller à la messe ou à participer à un temps religieux. Y a des groupes qui mettent en place des temps interreligieux, des temps de prière interreligieux, y a des groupes qui font venir par exemple un imam48. »
30À Blois, où c’est un prêtre qui est à l’origine du groupe « Scoutisme en quartiers », une messe est toujours proposée aux jeunes chrétiens le dimanche et les musulmans ont alors un temps de réflexion entre eux. À Marseille, dans le groupe des Carmes qui existe de 2004 à 2011 et qui comprend « 99 % » de musulmans, les responsables font au contraire le choix de ne jamais emmener les jeunes à la messe. Les temps spirituels y sont avant tout des temps de relecture, comme le rappellent Cécile et Sofiane A. :
« Cécile : au niveau des enfants, et ben on faisait des temps spi […] où en fait on mettait Dieu mais on n’allait pas très loin dans la pratique religieuse.
Ça veut dire que vous faisiez quoi très concrètement ?
Cécile : Ça veut dire que très concrètement on se posait sur une question et on parlait de Dieu, voilà.
Et la question, ça pouvait être quoi par exemple ?
Cécile : Ah ben ça pouvait être les conflits, le pardon, des choses qu’on vivait au quotidien, […] l’amitié, la nature…
Sofiane : C’est vraiment des points, pour moi…
Cécile :… universels quoi.
Sofiane : Pour moi, j’avais pas l’impression que c’était vraiment la religion, j’avais plus l’impression que c’était de la réflexion, je dirais pas philosophique…
Cécile : On le rapprochait à la religion, on le rapprochait à Dieu quand même49. »
31Cécile avait tenté de trouver des interlocuteurs musulmans adaptés pour parler aux jeunes et aux chefs musulmans, sans y arriver :
« Au niveau des chefs, y avait une très forte demande, les chefs avaient […] une soif de religieux, d’en parler, c’est quelque chose qui leur tenait à cœur et qui était très important et j’ai essayé de trouver, sans y arriver, des interlocuteurs qui seraient proches des gens, c’est-à-dire pas trop des philosophes trop lointains, qui pourraient animer des, je sais pas, soirées autour de la religion, des thèmes communs, et je n’ai pas trouvé. Toutes les personnes que j’ai contactées, notamment par l’ISTR […], c’est des gens ben ils sont hyper calés quoi, mais quand je parlais avec eux, ça passait pas quoi, c’est clair ça serait pas passé. Et puis ils comprenaient pas, ils comprenaient pas du tout ce que je voulais leur demander et personne au sein des scouts, parce que c’est difficile, parce que dans la religion musulmane y a plusieurs courants et j’ai des souvenirs qu’à Plein Vent, y avait des camps nationaux, et donc le premier camp national que j’ai fait […], Carcassonne, un imam et une bonne sœur qui faisaient le tour des camps, […] ah non c’est le deuxième, la Bourgogne, et en fait ils sont allés voir les jeunes et les jeunes étaient complètement outrés du progressisme de l’imam, et alors là c’est contre-productif en fait, en fait il faut partir de leur ignorance pour aller plus haut et faire réfléchir à “mais en fait pourquoi pas réfléchir autrement”, et ça c’est très très dur de trouver des50… »
32Par prudence, les responsables du groupe des Carmes font donc le choix de ne pas aborder frontalement la question de l’islam.
33En 2014, les expériences vécues localement sont reprises et synthétisées par l’équipe « Scoutisme en quartiers » dans une fiche intitulée « Accueillir un enfant d’une autre religion », rédigée avec l’aide du SRI et des chefs scouts directement concernés. Cette fiche rappelle les grands principes à respecter dans l’accueil des jeunes non-catholiques (pas de prosélytisme, pas de porc, ne pas cacher l’identité catholique du mouvement, ne jamais obliger un jeune à participer à une activité religieuse mais essayer néanmoins de proposer un temps spirituel qui soit pour tous, etc.), tout en laissant une grande marge de manœuvre à chaque groupe :
« S’ouvrir aux jeunes d’une autre religion et rester soi-même : comment relever ce défi ? Il s’agit à la fois de trouver un équilibre entre respect des croyances de chacun et intégration dans la vie du groupe. À chacun de faire un pas dans la direction de l’autre51. »
34Sur la question des « prescriptions alimentaires », la fiche de 2014 est plus nuancée que les instructions données par le service « Plein Vent » dans la seconde moitié des années 1990. Elle précise :
« Au plan des prescriptions alimentaires, certains enfants ont des régimes particuliers en lien avec leur religion. Discutes-en avec les familles pour connaître précisément les besoins de leurs enfants et les adaptations possibles. Tu pourras découvrir par exemple, que certains musulmans tolèrent qu’en camp scout (assimilé aux conditions du voyage), les jeunes et les adultes puissent se passer de viande halal. Par contre, il convient de respecter l’interdit concernant la viande de porc52. »
35Cette inflexion de la position du mouvement est sans doute à mettre en lien avec le plaidoyer en faveur du halal de Yacine C., adjoint technique en charge du « Scoutisme en quartiers » pour la région nord-est puis membre de l’équipe nationale « Scoutisme en quartiers » en 2012. En octobre 2012, lors d’un week-end de réflexion entre équipiers nationaux « Scoutisme en quartiers », il émet ainsi le souhait qu’il puisse y « avoir des menus hallal dans les grands rassemblements sans que ça choque personne53 ».
36Ainsi, à l’exception de la question de la viande halal, l’accueil des musulmans au sein des Scouts de France puis des SGDF se fait de manière globalement consensuelle, en tout cas au sein des propositions « Plein Vent » puis « Scoutisme en quartiers ». Le fait d’utiliser le Coran ou d’inviter des imams lors des temps spirituels ne fait pas débat, pas plus que l’organisation de temps de prière et de réflexion sur l’islam entre musulmans. Cette pratique est même encouragée par l’aumônier national « Scoutisme en quartiers », Emmanuel Langard-Royal, à la fin des années 2010. Les fonctions de chef, de chef de groupe, de responsable territorial et même de responsable national sont ouvertes aux musulmans, même si la question du sens qu’il y a à confier des responsabilités à des musulmans dans un mouvement catholique est l’un des trois sujets de réflexion de la « commission pastorale » du mouvement en 2017-2018. Cette réflexion aboutit à la conclusion que les chefs musulmans, comme tous les chefs, doivent « respecter [le projet du mouvement] de proposer à tous la foi chrétienne54 ». Cette attitude très ouverte du scoutisme « Plein Vent » puis du « Scoutisme en quartiers » à l’égard de leurs adhérents musulmans, qui contraste avec les positions officielles de l’ACE et de la JOC-F dans les années 1990, s’explique sans doute principalement par l’histoire de ces propositions. Le fait qu’en 1991 le service « Plein Vent » se soit constitué comme une proposition en marge du mouvement, au service de la politique de la Ville et bénéficiant à ce titre d’importantes subventions publiques, a probablement durablement influencé ses orientations dans un sens très inclusif. Dans un document de 2007, Denis Chazeau, directeur du service « Scoutisme en quartiers », évoque effectivement la reconnaissance par l’État des SGDF comme « mouvement de jeunesse et d’éducation populaire […] déclaré d’utilité publique » comme une des trois raisons principales de l’ouverture du mouvement aux musulmans, avec la fidélité à l’Évangile et l’appartenance à des fédérations internationales pluri-confessionnelles, l’OMMS et l’AMGE :
« C’est parce que les Scouts et Guides de France se situent dans l’Église catholique qu’ils veulent être ouverts à tous au nom même de l’Évangile et au nom d’une vision conciliaire et missionnaire de l’Église.
C’est parce que les Scouts et Guides de France par leur appartenance au Scoutisme français sont reconnus comme mouvement scout et guide par l’OMMS et l’AMGE qu’ils veulent être ouverts à tous au nom des principes même de la proposition éducative du scoutisme.
C’est parce que les Scouts et Guides de France sont agréés mouvement de jeunesse et d’éducation populaire et déclarés d’utilité publique qu’ils veulent s’adresser à “tous les jeunes du pays”, sans distinction d’appartenance sociale, culturelle ou confessionnelle.
L’ouverture à tous se trouve ainsi au croisement de trois fondements de notre mouvement : l’Évangile et l’Église, la méthode éducative scoute, les valeurs républicaines55. »
37Cette attitude très inclusive à l’égard des musulmans au sein des propositions « Plein Vent » puis « Scoutisme en quartiers » devient progressivement la norme dans le reste du mouvement, ce qui est à mettre en lien avec le fait que ce sont les équipes nationales « Plein Vent » puis « Scoutisme en quartiers » qui prennent peu à peu le rôle d’experts pour les questions interreligieuses, y compris pour les groupes classiques. Cette extension du « périmètre d’action » de l’équipe « Scoutisme en quartiers » est particulièrement visible au début des années 2010 et est mise en exergue en 2012 par Diane G., responsable nationale en charge des questions de handicap, qui souligne qu’elle est à l’origine d’« amalgame » et de « malentendus56 », sans doute parce qu’elle invisibilise les jeunes musulmans présents dans les groupes classiques. Concrètement, cette expertise de l’équipe « Scoutisme en quartiers » passe par un travail de veille et par la rédaction de fiches pratiques et d’outils pédagogiques diffusés dans tout le mouvement. En 2013, l’équipe « Scoutisme en quartiers » essaie ainsi de modifier les dates du jamboree pionniers-caravelles de l’été 2015 pour qu’elles ne tombent pas sur la fête de l’Aïd el-Fitr. Elle n’obtient pas gain de cause mais les organisateurs intègrent l’Aïd dans le programme du rassemblement. Cette attitude très inclusive ne fait cependant pas l’unanimité parmi les adhérents et rencontre localement d’importantes résistances.
Des résistances ponctuelles dans le reste du mouvement
38Aux Scouts de France, ces réticences internes quant à l’accueil de jeunes musulmans s’inscrivent dans un mouvement plus général d’opposition d’une partie des adhérents au projet « Plein Vent ». Si la plupart des arguments mis en avant par ces « réfractaires57 » à « Plein Vent » ne sont pas religieux – ce ne serait pas du « vrai scoutisme » mais une proposition « à part », coupée du reste du mouvement et portée « à bout de bras par des « militants » », cela se ferait « au détriment des unités » du fait de l’importance des ressources humaines et financières qui y sont investies, ce serait avant tout une vitrine médiatique du mouvement58 –, la question de la présence de musulmans est en effet souvent présente en filigrane dans leurs discours. La peur de « perdre l’identité catholique » du mouvement ou de « mettre en péril la foi chrétienne fragile » des autres adhérents est ainsi régulièrement évoquée, comme le rapportent des acteurs investis dans la proposition « Plein Vent » à la fin des années 199059. L’analyse du conflit qui oppose en 1998 les chargés de mission « Plein Vent » du groupe de La Villeneuve aux commissaires départementaux de l’Isère montre bien que la question de l’islam fait partie des points conflictuels, même si elle n’est pas nommée comme telle. En 1997, un groupe « associé » expérimental est créé dans le quartier populaire de La Villeneuve, à Grenoble. En juillet 1997, il se compose d’une unité de louveteaux-jeannettes, d’une unité de scouts non mixte et d’une unité de pionniers également non mixte. Sur les 17 animateurs, 12 sont originaires de La Villeneuve. Devant le succès rencontré par le groupe, les responsables décident d’ouvrir en septembre une unité pour les filles de 11 à 14 ans. Des tensions apparaissent cependant entre l’équipe « Plein Vent » et l’équipe départementale. Parmi les points de désaccords, Chantal M., chargée de mission « Plein Vent », évoque notamment la volonté des commissaires départementaux et de l’équipe départementale « de changer de public » au profit d’un « public moins en difficulté, avec une proportion maghrébine moindre (actuellement de 60 %)60 ». Cette volonté d’avoir une « proportion maghrébine moindre » est très probablement une manière indirecte d’exprimer un malaise vis-à-vis de l’accueil de nombreux jeunes musulmans.
39Dans un document de synthèse sur le « scoutisme pour tous » écrit en 2006, soit deux ans après la fusion des Scouts de France et des Guides de France et dans un contexte post-11 septembre, la question de l’islam n’est plus seulement évoquée en filigrane mais est présentée par l’équipe nationale « Scoutisme en quartiers » comme le point majeur qui provoque « peur et résistance » dans le réseau. Les équipiers nationaux réfléchissent en conséquence à la manière de « dépasser les craintes et notamment le blocage de la dialectique identité catholique/ouverture à tous » parmi les adhérents :
« – Éviter dans la présentation des projets Scoutisme pour tous l’entrée par le thème du dialogue interreligieux source de peur et de résistance de notre réseau.
– Rassurer les personnes intéressées en les décentrant de leur intérêt pour les musulmans (“Comment accueillir des musulmans ?”) vers l’enfant qui ne se résume pas à sa confession et qui est souvent plus marqué par la culture de quartier (“comment accueillir des enfants des quartiers ?”).
– Maîtriser le discours en clarifiant les repères de l’ouverture à tous (mixité des maîtrises, des équipes de groupe, intégration progressive des groupes et des unités dans la vie institutionnelle des SGDF) et en dédramatisant l’enjeu (le volume des enfants accueillis de confession musulmane bien moindre que le volume des enfants sans confession ne mettant pas en cause notre identité catholique)61. »
40Pour dépasser la « logique de crispation et de repli62 » d’une partie des adhérents, les rédacteurs incitent donc les acteurs du « Scoutisme en quartiers » à ne pas mettre l’accent sur la présence de jeunes musulmans lorsqu’ils communiquent sur leurs actions auprès du « réseau ». L’analyse des tensions qui traversent le groupe de Valence – l’un des rares cas documentés que nous ayons de résistance à un projet « Scoutisme en quartiers » – met effectivement en évidence l’existence de ces « crispations » autour de la question de l’islam. En 2006, une « peuplade » de vingt louveteaux et jeannettes voit le jour dans le quartier populaire de Fontbarlettes. À leur entrée en sixième, ces enfants sont intégrés dans une des deux unités scouts et guides du centre-ville de Valence (Valence 4). En juin 2012, en réaction au projet porté par les chefs et cheftaines de regrouper les deux unités scouts et guides et donc de mélanger systématiquement les jeunes issus du quartier de Fontbarlettes avec ceux du centre-ville, un parent envoie l’e-mail suivant aux responsables du groupe :
« J’admire profondément l’allant et l’espérance de nos chefs, mais je crains qu’ils ne soient pas suivis ni par les enfants ni par de nombreux parents. Et je pense malheureusement faire aussi parti de ceux là…
À notre avis, de nombreux points négatifs sont à mettre au “débit” de ce projet :
– Clémence s’est plainte du comportement (gros mots, violence verbale) des Louveteaux de Valence 4. Je ne sais pas à quel point elle est ferme sur ce sujet, mais elle nous dit ne plus vouloir aller aux scouts s’ils se retrouvent mélangés. Je crains qu’en cas de regroupement, elle ne souhaite donc arrêter.
– Nous avons été choqués par le comportement ouvertement non (voir anti)chrétien de certains scouts de Valence 4. Qu’il y est une troupe de scouts musulmans avec qui les enfants partagent des activités, je dis super. Nous pensons cependant que la spiritualité Chrétienne/Catholique est un des fondamentaux des scouts de France, ou plutôt des scouts comme nous les envisageons. Comment gérer tous ces enfants qui ne souhaitent pas manger non-halal comme au we de Pont de Barret ? Comment gérer les promesses, les temps spi… ?
– Avons-nous bien compris ? Floriane nous a parlé d’un local dans Fombarlette (ancien Collège) ? Je pense que ça risque de poser certains problèmes, notamment avec les parents actuels63. »
41Parmi les arguments mis en exergue par ce parent pour s’opposer au projet de regroupement des deux unités « scouts et guides », la crainte de l’abandon de la dimension chrétienne du projet des SGDF du fait de la présence de jeunes musulmans est donc évoquée. Ses inquiétudes ne se limitent cependant pas à cette problématique religieuse. En effet, les deux autres arguments manifestent davantage une appréhension sociale, celle que sa fille fréquente des jeunes d’un autre milieu social et ait à se rendre dans un quartier populaire de la ville. En réaction à cet e-mail, un des chefs insinue d’ailleurs que la mise en avant de l’identité catholique du mouvement pourrait être avant tout un prétexte pour refuser une ouverture sociale, ce qui est plus difficilement avouable :
« Ça me fait doucement rire de voir ces parents se préoccupaient soudainement avec beaucoup d’intérêt de l’éducation religieuse qui doit être transmise aux scouts. Cette année, à la S1 (dites moi si je me trompe) et à la P1 nous n’avons pas fait grand-chose en terme de religion… aucune plainte, aucun parents de lvtx [louveteaux] venant dire qu’il n’inscrirait pas son enfant aux scouts s’il n’y avait pas de réforme64… »
42Au début des années 2010, du fait de la volonté affirmée au niveau national que chaque groupe soit partie prenante du projet d’ouverture sociale du mouvement, la réflexion – et les « crispations » – autour des conséquences pour l’association de la présence de jeunes musulmans sortent du cadre du « Scoutisme en quartiers ». En 2013, la question de la « diversité » sociale et religieuse est ainsi mise à l’ordre du jour des assemblées territoriales. Au cours des débats, les interrogations sur la manière de « gérer l’ambivalence mouvement catholique/ouvert à tous sans perdre son identité » reviennent très régulièrement. Trois positions émergent :
« 1 – Un questionnement portant sur l’intérêt d’une résolution sur la diversité qui remet en cause les indicateurs, pour des personnes qui se sentent déjà engagées, de leur point de vue, sur l’intégration de publics différents. Pourquoi faire davantage, on est déjà ouvert.
2 – Des constats sur le fait que nos groupes étaient peut-être ouverts mais pas véritablement accueillants, prêts à s’engager pleinement pour plus de diversité. La diversité étant vue comme une chance, un enrichissement pour le mouvement. Notre mouvement n’est pas assez ouvert, il faut vraiment se lancer.
3 – Des réticences à s’ouvrir à des publics différents avec la peur de voir l’identité de notre mouvement remise en cause, bousculée par une ouverture à plus de diversité. Attention trop de diversité, tue l’identité de notre mouvement65. »
43Cette diversité des positions est visible dans les expériences vécues par les adhérents musulmans au début des années 2010. Hamadi M. évoque plutôt l’« enthousiasme » des parents des jeunes dont il était le chef, leur souci de tout faire pour qu’il « puisse être à l’aise ». Les questions qui lui sont posées sur sa confession relèvent selon lui davantage de la curiosité que du rejet : « En tant que musulman, comment ça se fait que tu es chez les scouts catholiques66 ? » Dina B., cheftaine à Boulogne-Billancourt, ne semble pas non plus avoir été en butte à des « réticences », si ce n’est de la part d’un aumônier qui lui demande de ne pas « trop s’impliquer dans la spiritualité67 ». Un des salariés musulmans du groupe des Carmes à Marseille tire cependant de son expérience dans le mouvement un bilan plus sombre, convaincu que toutes les responsabilités ne lui ont pas été ouvertes du fait de sa confession religieuse :
« C’est un peu ce que je reproche aux scouts, c’est que je sens bien que y a aucun problème pour accueillir les musulmans […] mais je ne serai jamais responsable de groupe […] parce que ça ne peut pas passer68 ! »
44Cécile A., responsable du groupe des Carmes à Marseille, et Sophie B., responsable nationale du « Scoutisme en quartiers » au début des années 2010, confirment l’existence de ces résistances internes :
« Moi j’ai souvent été interpellée dans des assemblées générales : “Comment est-ce que vous pouvez accepter des musulmans enfants au sein des Scouts et Guides de France ?”, et pareil sur des chefs : “Comment est-ce que des chefs peuvent faire vivre la démarche spirituelle au sein des Scouts et Guides de France ?”69 » (Cécile A.).
« Y a plus de méfiance de la part des parents catholiques qui voient qu’il y a des petits musulmans qui viennent dans l’association, dans les groupes. J’ai plus entendu de réticences de la part de parents des autres enfants que des parents des enfants musulmans. Pour moi, y a un travail à faire avec les parents70 » (Sophie B.).
45Ainsi, l’accueil de jeunes musulmans, réfléchi et mis en œuvre en premier lieu par les acteurs du scoutisme « Plein Vent » puis du « Scoutisme en quartiers », ne fait pas l’unanimité dans le reste du mouvement. Parmi les points de crispation chez les « réfractaires » à cette ouverture, on retrouve souvent la peur d’une perte de l’identité catholique de l’association mais aussi, sous-jacente, une réticence face à l’accueil de jeunes issus de milieux populaires. La question du sens qu’il y a à accueillir des jeunes musulmans aux SGDF alors qu’il existe un mouvement scout musulman, les SMF, revient également régulièrement.
Musulmans dans le scoutisme catholique : une concurrence vis-à-vis des SMF ?
46En décembre 1990, le premier congrès international de l’association « Les amis de l’islam », qui est étroitement liée à la confrérie soufie Allaouyia, se donne pour objectif la structuration d’un scoutisme musulman en Europe, plus particulièrement en France et en Belgique. Au même moment, les Scouts de France s’interrogent sur la meilleure manière de permettre aux jeunes musulmans français de faire du scoutisme et concluent qu’il est préférable de créer pour eux une nouvelle structure au sein de l’association du « Scoutisme français ». Contactés par le cheikh Bentounès, qui leur présente le projet porté par « les amis de l’islam », ils vérifient auprès du SRI que cette association est un interlocuteur fiable. Sœur Jeanne Perrin est rassurante, estimant « qu’il n’y a pas de risque tant qu’il s’agira bien de cette communauté de dériver vers un scoutisme de type intégrisme musulman » et que « si le scoutisme musulman doit se développer en France, c’est probablement la communauté qui présente le moins de risque au niveau d’une récupération ultérieure et qui sera la plus ouverte pour une démarche de ce type71 ». À la suite de cet avis positif, les Scouts de France apportent leur soutien au lancement des SMF. Ils hébergent dans leurs locaux le mouvement naissant, usent de leur influence pour le faire reconnaître rapidement par les autorités françaises et les instances internationales du scoutisme et contribuent à la création de groupes locaux. Ils ouvrent également leurs formations (STIP, STAP) aux cadres des SMF72.
47Le fait que les Scouts de France accueillent de plus en plus de jeunes musulmans via la proposition « Plein Vent » au moment même où ils contribuent activement à l’implantation des SMF ne manque pas de faire débat au sein du mouvement. Dans un document de février 1997, les responsables du service « Plein Vent » doivent ainsi justifier le bien-fondé de l’ouverture de groupes « associés » en expliquant pourquoi ils n’ont pas fait le choix de « laisser faire les Scouts Musulmans de France » :
« Cette solution peut être envisagée de façon sporadique, quand le terrain est très favorable, mais ne peut en aucun cas être généralisée.
Plusieurs raisons à cela :
– Les SMF n’ont pas de volonté de croissance tous azimuts et souhaitent contrôler étroitement leur croissance, pour éviter une infiltration locale par des courants radicaux.
– Les SMF sont issus d’une branche minoritaire de l’islam (la mystique soufie) dans laquelle tous les jeunes musulmans ne se retrouvent pas.
– Les cités ne sont pas peuplées uniquement de musulmans ! En outre, et contrairement à beaucoup d’idées reçues, les maghrébins ne pratiquent pas, ou peu, le communautarisme à outrance, contrairement, par exemple, à la communauté chinoise ou dans une moindre mesure à la communauté turque. Les “bandes” de copains sont la plupart du temps pluriéthniques.
– L’idée d’appartenir à un mouvement musulman heurte la volonté d’intégration de certains jeunes musulmans, quand bien même les SMF développent ouvertement un “Islam à la française”, tolérant et respectueux des valeurs républicaines.
– En tout état de cause, les SMF sont un petit mouvement, d’environ 80 adhérents73, à la capacité d’action forcément limitée74. »
48Pour justifier leur choix de continuer à s’ouvrir à un public de jeunes musulmans, les responsables « Plein Vent » mettent donc en avant la faible implantation géographique des SMF et la liberté laissée à chaque famille de choisir la proposition scoute qui lui convient le mieux, quelle que soit sa confession. La connotation soufie des SMF est mentionnée comme un handicap pour le développement de ce mouvement, ce qui montre une prise de conscience par les acteurs « Plein Vent » des conséquences imprévues d’un choix effectué six ans auparavant et davantage guidé par la peur de « l’intégrisme musulman » que par une enquête de terrain auprès de la communauté musulmane française.
49Ce choix fait par des familles musulmanes de mettre leurs enfants dans le scoutisme catholique plutôt que chez les SMF perdure après la création des SGDF, de même que les débats internes au mouvement catholique. Dans un entretien réalisé en mars 2015, Sophie B., responsable nationale du « Scoutisme en quartiers » à cette date, souligne comme ses prédécesseurs du service « Plein Vent » la diversité des raisons qui poussent ces familles à inscrire leurs enfants aux SGDF :
« On a plein de familles musulmanes qui frappent à la porte des SGDF, elles ont choisi les SGDF, pour différentes raisons, ou parce qu’il n’y a pas de SMF à côté de chez eux, ou parce qu’ils veulent que leurs enfants soient dans un lieu où il y a une possibilité de dialogue interreligieux, rencontrer les chrétiens différemment parce que ben c’est pas à l’école qu’on va forcément discuter de ces questions et qu’ils ont envie que leurs enfants aient cette ouverture-là, souvent parce qu’il y a quand même une grande confiance vis-à-vis des mouvements catholiques et aussi parce qu’un certain nombre ne se retrouvent pas dans les propositions des Scouts Musulmans de France. […] Déjà historiquement, les SMF ils ont été créés par quelqu’un qui est plutôt de courant soufi et du coup il y a un certain nombre de familles musulmanes aujourd’hui qui ne se reconnaissent pas dans le projet des SMF, qui sont pas à l’aise avec ça et qui vont pas adhérer aux SMF75. »
50La mention par Sophie B. de la « grande confiance vis-à-vis des mouvements catholiques » de ces familles musulmanes et de leur désir d’ouvrir leurs enfants au dialogue interreligieux nous rappelle que cet entretien a eu lieu deux mois seulement après l’attentat de Charlie Hebdo, à un moment où les SGDF reçoivent très régulièrement des appels de parents musulmans soucieux d’inscrire leurs enfants dans un mouvement catholique pour signifier leur rejet de la conception de l’islam développée par les terroristes et pour protéger leurs enfants d’une telle conception.
51Confrontée comme ses prédécesseurs aux interrogations récurrentes de certains adhérents sur le sens de ces inscriptions de jeunes musulmans aux SGDF alors qu’il existe un mouvement de scouts musulmans, Sophie B. insiste sur la légitimité d’une telle démarche. Prenant l’exemple extrême du groupe de Neuhof, à Strasbourg, où des responsables musulmans ont ouvert au début des années 2010 un groupe SGDF quasiment uniquement constitué de jeunes musulmans, elle souligne que ce choix des SGDF par lesdits responsables s’est fait sur une adhésion au projet éducatif et qu’il prend donc, selon elle, tout son sens. Elle reconnaît néanmoins que ce choix peut mettre le mouvement catholique « en position délicate » dans ses relations institutionnelles avec les SMF :
« Dans la relation avec les SMF dans le cadre de la fédération du scoutisme français, nous ça peut nous mettre en position délicate que des musulmans veuillent rejoindre le mouvement, qu’ils souhaitent pas rejoindre les SMF dont nous on soutient le développement, enfin… Du coup, c’est aussi pour ça qu’il ne peut pas y avoir de position appelante. Les deux responsables de groupe à Strasbourg à Neuhof, ils m’ont dit : “On a des potes à tel endroit qui aimeraient vraiment bien fonder un autre groupe, c’est des musulmans très très très ouverts, voilà, on aimerait bien les mettre en contact avec le territoire pour fonder un groupe.” Je pense que les SGDF étaient un peu prudents parce que s’il y a une trop grosse demande de la communauté musulmane, enfin… C’est un peu délicat, quoi76. »
52La situation est d’autant plus « délicate » pour les cadres des SGDF qu’en avril 2013 les deux mouvements ont signé un nouveau partenariat pour se rapprocher « dans une dynamique de développement mutuel, de promotion des relations islamo-chrétiennes et d’amélioration de l’éducation à l’altérité77 ».
53À partir des années 1990, c’est donc au sein des propositions « Plein Vent » puis « Scoutisme en quartiers » qu’est principalement réfléchi et expérimenté l’accueil de jeunes musulmans aux Scouts de France puis aux Scouts et Guides de France. Dans les années 2010, à un moment où le nombre de jeunes musulmans augmente dans les groupes classiques, les membres de l’équipe « Scoutisme en quartiers » apparaissent toujours comme les spécialistes des questions interreligieuses. Leur engagement fort en faveur d’un mouvement plus inclusif d’un point de vue social et religieux ne fait cependant pas l’unanimité dans le mouvement. Peur de la perte de l’identité catholique du mouvement, assimilation des musulmans aux « jeunes de banlieue » ou incompréhension quant à leur présence dans un mouvement catholique alors qu’il existe par ailleurs un mouvement scout musulman se conjuguent pour expliquer les résistances d’une partie des adhérents. Ces résistances internes n’empêchent pas que la présence de jeunes musulmans soit valorisée dans la communication des SGDF, comme une marque de la mobilisation du mouvement autour des thématiques du dialogue interreligieux et de l’apprentissage du vivre ensemble.
Notes de bas de page
1Carton Scoutisme pour tous no 12, « Plaquette Camp-pour-Tous ».
2Elle désigne également l’expérience menée par Jean-Marie Petitclerc et Claude Morael, qui encouragent des éducateurs spécialisés à utiliser la méthode scoute dans le cadre de leur activité professionnelle. Jean-Baptiste Gautier, Scouts de France et Politique de la Ville. Le projet Plein Vent, un scoutisme pour tous ?, mémoire de DESS sous la dir. de Jean Bourrieau, université Paris VIII, 2003, p. 27.
3Ibid., p. 29.
4Le statut des VNSV est créé de manière expérimentale en 1992, pour asseoir une politique de la ville alors en gestation. En 1993, 4 000 appelés y sont affectés, parmi lesquels des militaires du contingent, des policiers auxiliaires et des objecteurs de conscience. Ils sont essentiels pour les ministères de la Ville et de l’Intérieur et leur nombre augmente rapidement et atteint 7 500 postes en 1995. Ces VNSV sont majoritairement issus de milieux aisés et ont souvent un niveau scolaire élevé. François Gresle, Le Service national, Paris, PUF, coll. « Que-sais-je ? », 1997, p. 80-82.
5Jean-Baptiste Gautier, Scouts de France et Politique de la Ville…, op. cit., p. 29.
6Ibid., p. 39.
7Carton Scoutisme pour tous no 3, « Document de travail : vers la création de “Groupes Associés”, service Plein Vent, février 1997 ».
8Ibid.
9Jean-Baptiste Gautier, Scouts de France et Politique de la Ville…, op. cit., p. 61.
10Cf. par exemple : carton Scoutisme pour tous, no 7, « Compte rendu 2e rencontre des groupes Mosaïques, service Plein Vent, 21-22 novembre 1998 ».
11Carton Plein Vent 97, « Signes de Fraternité. Orientations 2000/2005 des Scouts de France ».
12Entretien avec Gilles Vermot-Desroches. Jean-Baptiste Gautier, Scouts de France et Politique de la Ville…, op. cit., p. 64.
13Carton Plein Vent 2002-2004, « Plein Vent, rapport d’activités 2002 ».
14Jean-Baptiste Gautier, Scouts de France et Politique de la Ville…, op. cit., p. 64-65.
15Les effectifs des Scouts de France passent d’environ 75 000 jeunes en 1990 à 51 000 en 2004. Source : [https://fr.scoutwiki.org/Effectif_du_scoutisme_en_France], consulté le 9 septembre 2022. Ces chiffres sont qualifiés de « globalement corrects » par Jean-Jacques Gauthé, qui attribue principalement cette baisse à l’importante médiatisation de l’accident du 22 juillet 1998, au cours duquel quatre scouts marins du groupe intégriste de l’abbé Cottard et un de leurs sauveteurs se noient. Il souligne aussi « l’absence de politique territoriale sérieuse qui a pour conséquence la vacance de nombreux postes de responsables locaux, départementaux et régionaux ». E-mail reçu le 11 avril 2019.
16Jean-Baptiste Gautier, Scouts de France et Politique de la Ville…, op. cit., p. 64.
17Ibid., p. 66.
18Ibid.
19Entretien avec Sophie B. réalisé le 3 mars 2015 à Paris.
20Ibid.
21Entretien avec Hicham Z. réalisé le 16 novembre 2014 à Marseille.
22Jean-Baptiste Gautier, Scouts de France et Politique de la Ville…, op. cit., p. 39-40.
23Dossiers Scoutisme en quartiers, « Scouts et Guides de France, Projet Scoutisme pour tous – suite, 2006 ».
24Carton Scoutisme pour tous no 10, « CR final, Rencontre des groupes en quartier, 11 mars 2001 à Jambville ».
25Dossiers en cours Scoutisme en quartiers, « SGDF – Politique Diversité CA-20 avril 2013, Antoine Dulin ».
26Entretien avec Sophie B. réalisé le 3 mars 2015 à Paris.
27Florence Bergeaud-Blackler, « Manger halal : l’art de négocier son rapport à la norme », in Anne-Sophie Lamine (dir.), Quand le religieux fait conflit. Désaccords, négociations ou arrangements, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 131.
28Entretien avec Hicham Z. réalisé le 16 novembre 2014 à Marseille.
29Jean-Baptiste Gautier, Scouts de France et Politique de la Ville…, op. cit., p. 39.
30Carton Scoutisme pour tous no 1, « Projet pédagogique du camp-pour-tous de Morteau » ; carton Scoutisme pour tous no 1, « Plein Vent, Sillé-le-Guillaume 94, journal de Nicole Boulay, septembre 1994 ».
31Carton Scoutisme pour tous (revues de presse 1993-2004), Benoît Gaudibert, « Des scouts fidèles à leur devise », L’Est républicain, édition du 21 juillet 1993.
32C.93.23, « Carte postale de Gilles Vermot Desroche au prêtre responsable du SRI, vers 1994 ».
33Carton Scoutisme pour tous no 12, « Camp pour Tous 95 Plein Vent, Intendance ».
34Carton Scoutisme pour tous no 4, « Camps-Pour-Tous 1996 : rapport d’évaluation rédigé par Olivier Launay (commissaire national Plein Vent) ».
35Carton Plein Vent 2,679, « Scouts de France, BAFA Plein Vent. Classeur de l’équipe de formateurs : “Intendance et menus”, avril 1998 ».
36Florence Bergeaud-Blackler, « De la fatwā du Transvaal au marché halal : ouverture et fermeture de l’espace alimentaire musulman (1903-1980) », in Florence Bergeaud-Blackler, Les Sens du halal : une norme dans un marché mondial, Paris, CNRS Éditions, 2015, p. 63-100.
37Carton Plein Vent 2,679, « Scouts de France, BAFA Plein Vent. Classeur de l’équipe de formateurs : “Intendance et menus”, avril 1998 ».
38Carton Scoutisme pour tous no 7, « Plein Vent. Camps pour tous, édition 2004, 10-24 juillet ».
39Carton Scoutisme pour tous no 4, « Week-end de formation camps-pour-tous, service Plein Vent, avril 1997 ».
40Carton Scoutisme pour tous no 4, « Camps pour tous 1997 Projet Pédagogique 11/15 ans ».
41Carton Scoutisme pour tous no 5, « Le village en camp-pour-tous : animation et organisation, service Plein Vent, mai 1997 ».
42Carton Scoutisme pour tous no 6, « La proposition et l’animation spirituelle dans les Camps-pour-Tous, Nathalie Becquart, 18 juillet 1999 ».
43Carton Plein Vent petit – blanc et marron, « Scouts de France. Vivre l’accueil dans l’unité. Opération Vacances Solidarité, juin 1997 ».
44Carton Scoutisme pour tous no 7, Olivier Launay, « Créer un groupe mosaïque », Demain les Scouts de France-Les Cahiers du Scoutisme, hors série no 1.
45Carton Scoutisme pour tous no 7, « Projet de convention de partenariat, fonctionnement du groupe Mosaïque Riquet, 21 décembre 1999 ».
46Carton Scoutisme pour tous no 7, « Lecture de l’histoire du groupe, 29/30 janvier 2000, WE des groupes mosaïques, groupe de Riquet ».
47Carton Scoutisme pour tous no 7, Après-Demain, no 1, mars-avril 2000.
48Entretien avec Sophie B. réalisé le 3 mars 2015 à Paris.
49Entretien avec Cécile et Sofiane A. réalisé le 16 novembre 2014 à Marseille.
50Entretien avec Cécile A. réalisé le 16 novembre 2014 à Marseille.
51Dossiers en cours « Scoutisme en quartiers », « Fiche action, accueillir un enfant d’une autre religion ».
52Ibid.
53Dossiers en cours « Scoutisme en quartiers », « Week-end d’équipe Scoutisme en Quartier, 13/14 octobre 2012 ».
54Père Emmanuel Langard-Royal, « Chef et musulman, puis-je participer à la messe ? », Cléophas, Prions en Église, Montrouge, SGDF/Bayard, 2019, p. 61.
55Dossiers en cours « scoutisme en quartiers », « “Ouverture à tous et interculturel”, Denis Chazeaud, mai 2007 ».
56Dossiers en cours « Scoutisme en quartiers », « Notes de Diane : rencontre avec l’équipe nationale Scoutisme en Quartiers : nos réflexions à partager avec vous ! ».
57Carton Scoutisme pour tous no 3, « Compte rendu du Laboratoire Plein Vent, Jambville 11/12 janvier 1997 ».
58Carton Scoutisme pour tous no 10, « Compte rendu du collège Plein Vent du 20 et 21 mars 1999 » ; carton Scoutisme pour tous no 10, « Compte rendu du collège de rentrée Plein Vent des 2 et 3 octobre 1999 ».
59Carton Scoutisme pour tous no 10, « Compte rendu du collège Plein Vent du 20 et 21 mars 1999 » ; entretien avec Nathalie Becquart réalisé le 27 octobre 2015 à Paris.
60Carton Scoutisme pour tous no 7, « Tract du groupe Villeneuve-Plein Vent ».
61Dossiers en cours « Scoutisme en quartiers », « Scouts et Guides de France, Projet Scoutisme pour tous – suite, 2006 ».
62L’expression est du sociologue Marc Uhalde et ses étudiants à IEP de Paris, qui ont fait en 2006 une étude sociologique sur le projet « Scoutisme pour tous ». Dossiers en cours « Scoutisme en quartiers », « Le projet “Scoutisme pour tous” des Scouts et Guides de France, constats sociologiques de Marc Uhalde et des étudiants de IEP Paris sur les SGDF, 13 novembre 2006 ».
63Dossiers en cours « Scoutisme en quartiers », « Mail de Gilles L., 15 juin 2012, à Marie et Frédéric L., objet : regroupement Valence 1 et 4 pour les scouts ».
64Ibid.
65Dossiers en cours « Scoutisme en quartiers », « Collège DT des 06 et 07/04/2013, synthèse des remontées des assemblées territoriales, résolution Osons la diversité ! ».
66Entretien avec Hamadi M. réalisé le 13 mai 2015 à Paris.
67Entretien avec Dina B. réalisé le 31 mars 2015 à Paris.
68Entretien avec Cécile A. réalisé le 16 novembre 2014 à Marseille.
69Ibid.
70Entretien avec Sophie B. réalisé le 3 mars 2015 à Paris.
71C.93.23, « Compte rendu de Bertrand Chanzy de son entretien avec sœur Jeanne Pernin, 20 décembre 1990 ».
72Sur le scoutisme musulman : Dominique Avon, « Religion et nation. Le scoutisme musulman en France », in Gérard Cholvy (dir.), Le Scoutisme. Un mouvement d’éducation au xxe siècle. Dimensions internationales. Actes du colloque international tenu à l’université Paul Valéry-Montpellier 3, 21-23 septembre 2000, Montpellier, Publications Montpellier 3, 2003 p. 387-410.
73Ce chiffre est probablement sous-estimé. En 1997, les SMF estiment le nombre de leurs adhérents à 2 500 et les effectifs réels se trouvent probablement entre ces deux évaluations.
74Carton Scoutisme pour tous no 3, « Document de travail : vers la création de « Groupes Associés », service Plein Vent, février 1997 ».
75Entretien avec Sophie B. réalisé le 3 mars 2015 à Paris.
76Idem.
77C.93.23, « Communiqué de presse, “L’inter-religieux, une valeur nécessaire ! Renforcement des liens entre les Scouts et Guides de France et les Scouts Musulmans de France” ». En 2019, ce partenariat entre les deux mouvements continue pour aider les SMF à se développer mais les questions proprement religieuses sont peu abordées (entretien téléphonique avec Mathieu B. réalisé le 17 avril 2019 à Paris).

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