Chapitre VIII. L’apparition d’une « nouvelle génération de musulmans » ?
p. 161-184
Texte intégral
1Khémis, jociste à Lyon au début des années 1980, évoque avec enthousiasme son expérience jociste :
« Ma foi est différente de ce qu’on pourrait croire d’un musulman habituel, la JOC m’a donné soif de découvrir la vérité, de la partager, et surtout de vivre ce qu’on a compris. À travers la JOC, c’est une nouvelle génération de croyants musulmans.
Dans l’Évangile, beaucoup de choses nous motivent. Mais ce que j’aime bien ne remet pas en cause les dogmes de la foi musulmane. Ce que je trouve d’extraordinaire dans le Christ, c’est sa vie militante. Un Témoin de Dieu dont la vie concorde avec les paroles1. »
2À l’image de Khémis, la fréquentation de mouvements catholiques est pour nombre de jeunes musulmans l’occasion d’une réappropriation de leur foi musulmane. Le fait que cette réappropriation ait lieu dans un cadre catholique n’est cependant pas sans conséquences sur leur manière de vivre leur foi et engendre des phénomènes de « mimétisme spirituel2 » à l’égard de la spiritualité de l’Action catholique. Très rares sont cependant les jeunes musulmans qui font le choix de se convertir au catholicisme.
L’ACE, la JOC-F et les Unités Soleil, des « agents de socialisation islamique » ?
3En 1987, à l’occasion du ramadan, l’animatrice du « club de la Joie » interpelle Nadia :
« R. [responsable] : Nadia, tu peux expliquer ce qu’est le Ramadan ?
Nadia E. : Le Ramadan, et bien si par exemple, on jure de quelque chose, et si on tient pas sa promesse, le ramadan efface tout. Pendant le ramadan, on s’arrête de manger on ne mange que le soir et parfois on mange à 2 ou 3 heures du matin.
R. : Est-ce qu’il n’y a pas une autre raison pour laquelle vous faites le ramadan ?
Nadia M. : Non je ne sais pas pourquoi…
Nadia E. : Moi, je sais une autre histoire. Un jour, il y avait un Monsieur, un paysan dont je ne connais pas le nom, il avait un fils qu’il devait sacrifier… et un ange est arrivé et à la place de tuer le fils, il a mis un mouton et c’est pour cela qu’on fait la fête du mouton.
R. : Ce fait nous fait penser aussi à la religion catholique, Isabelle, peux-tu expliquer quelque chose ?
(Isabelle nous raconte la parabole de l’enfant prodigue je pense qu’elle connait moins l’A.T. et qu’elle a confondu, l’enfant prodigue et Isaac.)
R. : Pour vous Allah, qu’est-il pour vous ?
Nadia E. : Oui, pour moi il me dit quelque chose, c’est lui qui m’a créé, il m’a tout fait, c’est grâce à Lui que je peux vivre. Il y a beaucoup de personnes qui croient en Lui. Je connais en Arabie-Saoudite, où il y a une mosquée, C’est là que les musulmans vont prier.
R. : Est-ce que vous priez aussi à la maison ?
Nadia E. : Non chez moi, on ne prie pas, mais on croit en Allah.
R. : Et toi Nadia, est-ce que tu pourrais ajouter quelque chose ? Lorsque je vais chez toi, ton papa et ta maman sont parfois en train de prier.
Nadia M. : Oui, papa quand il revient du travail, il fait sa toilette (ce qu’on appelle les ablutions) et il va prier tous les soirs, il faut dire tous les jours un mot. Nadia le dit en arabe, mais Nadia ne sait pas le traduire en français. Je connais une autre phrase en arabe, et là je sais que ça veut dire “Allah, protège-moi”.
R. : Et pour toi Nadia, qu’est-ce que ça veut dire Allah ?
Nadia M. : Pour moi, c’est un grand Dieu, et on n’a jamais vu son visage.
R. : Et pour toi Nadia E. ?
Nadia E. : Si j’ai des difficultés, je pense à Lui, je pense à des choses étonnantes… je pense aussi que quand il y a du tonnerre et qu’il pleut ou neige, mais je ne sais pas si c’est juste, je crois que Dieu est en colère.
R. : Même en parlant d’Allah, tu dis cela ?
Nadia E. : Oui !
Nadia M. : Oui, quand il y a quelque chose de mal, ou quand on a fait quelque chose de grave, il faut toujours écouter nos parents, faire la prière et toujours dire le mot que je vous ai dit tout à l’heure3. »
4À l’image de cette conversation, les mouvements catholiques sont pour les jeunes musulmans des espaces confessionnels où ils peuvent évoquer librement leur religion. Cette possibilité offerte de partager ce qui fait leur identité de jeunes musulmans, mais aussi le compagnonnage avec des jeunes chrétiens pratiquants, peuvent être à l’origine d’un cheminement vers une plus grande pratique religieuse, comme en témoigne Yassine A., jociste à Roubaix dans les années 1980 :
« Moi je me souviens au travers des prières que j’ai pu vivre, des célébrations que j’ai pu vivre avec les chrétiens, c’est pas que j’ai été décomplexé par rapport à mes prières, mais ça a été justement un questionnement jusqu’à : “ben moi c’est bien beau, je suis musulman, mais on doit prier quand même aussi”, c’est comme ça que je me suis mis à faire la prière et puis à garder une pratique religieuse, quoi, même si elle est peut-être un peu en dent de scie […]4. »
5Enfin, la présence de « référents islamiques » au sein des mouvements permet dans certains cas une transmission plus structurée de connaissances sur l’islam, notamment lors des « temps musulmans ». À Beauvais, à la fin des années 1970, c’est Ammar Z., un jociste algérien ayant immigré en France alors qu’il était jeune adulte, qui sert ainsi de référent pour toutes les questions concernant l’islam. Aux Unités Soleil, ce sont des chefs musulmans qui tiennent parfois ce rôle. Amel B., Tunisienne de 21 ans et cheftaine aux Unités Soleil à la fin des années 1970, en est un exemple :
« Pour les musulmanes, j’ai la chance d’avoir un père qui a étudié très longtemps le Coran et me l’a expliqué. Et j’essaie à mon tour de transmettre le sens aux 13 filles musulmanes qui, je dois le dire, en savent bien peu sur leur propre religion : la plupart ne savent pas, par exemple, le pourquoi de la fête du mouton5. »
6Amel, comme Ammar, sont des migrants originaires du Maghreb. Au milieu des années 2000, dans le groupe « Plein Vent » des Scouts et Guides de France de Marseille, c’est aussi un migrant qui assure, selon les termes de la responsable de groupe de l’époque, le rôle d’« imam, parce que lui c’était le plus calé en religion musulmane », même si lui-même récusait ce titre. La responsable précise qu’il « avait une éducation littéraire et religieuse, assez sérieuse puisque venu du Maroc direct6 ». Il est intéressant de noter ce phénomène de transmission religieuse et culturelle entre migrants et descendants d’immigrés au sein des mouvements catholiques d’éducation populaire, même si nous manquons d’exemples pour en mesurer l’ampleur. Lorsqu’il n’y a pas de jeune musulman ayant reçu une éducation islamique, ce sont parfois les aumôniers catholiques qui servent de référents, lorsqu’ils se sont eux-mêmes formés sur l’islam. Slimane B., jociste à Roubaix dans les années 1980, en témoigne :
« Bah moi, à cet âge-là, je commençais à…, je me cherchais, donc je commençais à prier et tout ça donc j’avais un peu potassé le Coran. Mais après…, donc je connaissais un peu, puis c’est vrai que ça m’a aidé à approfondir. Si je connaissais pas, je savais qu’il y avait les aumôniers qui étaient là ils pouvaient aussi m’aider, et je savais qu’ils étaient pas intégristes donc je savais que leur réponse était correcte, quoi. Et ça c’était vachement important pour moi puisque j’avais déjà peur à l’époque7. »
7Jean-Luc Brunin à Roubaix et Robert Pousseur à Saint-Quentin sont deux figures emblématiques de ces aumôniers « référents », qui peuvent orienter les jeunes musulmans dans leur recherche spirituelle en leur donnant par exemple des références coraniques. Selon les termes de Leïla Babès, c’est donc bien « dans les mouvements d’Action catholique que des jeunes Maghrébins ont appris à devenir musulmans », souvent grâce à la figure d’un prêtre qui joue alors le rôle d’« agent de socialisation islamique8 », à une période où rares sont encore les structures de transmission de l’islam à destination de ces jeunes. Ce sont parfois de vraies conversions qui ont lieu, à l’image de celle vécue par cette jeune fille d’origine algérienne membre des Unités Soleil :
« Dans les collèges, il y avait de la violence, des rapports faux,… alors que chez moi, la porte était ouverte. J’ai retrouvé cette ouverture chez les Guides de France. On y parlait de religion, ce qui m’a donné envie de retrouver mes racines religieuses. J’ai commencé à être fiere de ma culture. Jusqu’à présent, j’avais tout refoulé pour m’intégrer.
Je suis devenue croyante parce que j’étais chez les guides de France. Il y avait des célébrations. J’ai fait des recherches avec mon frère pratiquant. Mon frère m’écrivait d’Algérie des sourates du Coran et il me les expliquait9. »
8Pour quelques jocistes musulmanes, l’expérience vécue dans le mouvement semble néanmoins avoir l’effet inverse d’amplifier un rapport distancié à l’égard de la religion de leurs parents. C’est le cas de Jamila, dont nous avons déjà cité le témoignage. Après avoir dénoncé les « coutumes absurdes » de l’islam, elle continue ainsi :
« Je ne les blâme pas [les musulmans pratiquants], ni ne les critiquent de pratiquer cette religion que je regrette, mais s’ils peuvent y trouver un certain réconfort, un moyen de montrer que, bien qu’ils sont trop souvent exploités et écrasés dans un pays qui n’est pas le leur, ils gardent une partie de leur culture et de leur fierté. Ce réconfort moi je ne le trouve pas dans la religion, je le trouve en voulant, en aidant, en essayant de militer pour que les revendications du monde ouvrier et immigré aboutissent. La J.O.C. donne le pouvoir aux filles, filles immigrées y compris, de s’exprimer librement10. »
9Le militantisme découvert à la JOC-F lui permet de vivre un accomplissement personnel qui ne passe pas par la pratique religieuse et semble donc accroître son détachement vis-à-vis de l’islam. Ce cas de figure est cependant minoritaire. Comme nous l’avons vu, le passage par les mouvements catholiques a le plus souvent intensifié le sentiment d’appartenance à l’islam des jeunes maghrébins et turcs. En ce sens, ces jeunes ont vécu dès la fin des années 1960 une réappropriation personnelle de l’islam que l’on observe plus généralement chez les jeunes musulmans à partir de la seconde moitié des années 198011.
10Les trois mouvements se positionnent différemment devant ce constat de leur rôle dans la découverte et l’approfondissement de l’islam par les jeunes musulmans. Si les Unités Soleil, de part leur positionnement pluri-confessionnel, assument cette fonction, ce n’est pas le cas de l’ACE et de la JOC-F. Dans ces deux mouvements, les responsables nationaux font le choix dans les années 1980 de restreindre fortement les « temps musulmans », qui étaient les moments par excellence de cette transmission de connaissances sur l’islam. À la place, ils demandent aux responsables locaux d’inciter les jeunes à approfondir leur foi dans leur famille, entre jeunes musulmans ou au sein des structures islamiques existantes, tout en étant conscients du faible nombre de ces structures et de leurs divergences pour certaines avec le projet d’émancipation porté par l’Action catholique spécialisée. Ce refus des deux mouvements d’Action catholique d’être des « agents de socialisation islamique » va à l’encontre d’une demande émanant d’une partie des jeunes musulmans mais aussi de leurs parents. En effet, confrontés à l’absence de structures musulmanes à destination des enfants, certains parents musulmans confient explicitement l’éducation religieuse de leurs enfants aux animateurs ou aumôniers des mouvements, à l’image de ce père musulman de Vierzon dans les années 1980 :
« Ce que vous faites avec eux, c’est très bon. Nous, nous n’avons pas tout ça comme vous, pour nos enfants. C’est bien ce que vous leur avez fait faire On te fait confiance pour leur parler de Dieu12. »
11Michel Delberghe témoigne d’attentes similaires à Tourcoing. Un père, à qui il demandait ce qu’il proposait à ses enfants comme éducation religieuse, lui a ainsi répondu :
« Rien ! Il n’y a pas d’école coranique à Tourcoing. Mais vous êtes là13 ! »
12Ainsi, la présence de musulmans à l’ACE, à la JOC-F et aux Unités Soleil est pour ces jeunes l’occasion d’une découverte du catholicisme mais souvent aussi, plus paradoxalement, celle d’une redécouverte de l’islam. Cette appropriation de l’islam dans un contexte catholique n’est pas exempte de conséquences sur la manière dont ils vivent leur foi. Selon Leïla Babès, « c’est aussi, à en juger par certains actes de mimétisme, à une christianisation de l’islam qu’on assiste, étant entendu que celle-ci opère de manière très subtile14 ».
Musulmans dans des mouvements catholiques : des phénomènes de « mimétisme spirituel »
13Une étude des témoignages des jocistes musulmans les plus engagés dans le mouvement nous montre en effet la forte influence de la spiritualité jociste – caractérisée par son christocentrisme, par l’accent mis sur la libération de l’homme et par le lien fait entre libération spirituelle en Jésus-Christ et libération temporelle par le combat ouvrier15 – dans la manière qu’ont ces jeunes d’exprimer leur foi. Beaucoup de militants jocistes musulmans insistent ainsi sur le fait que la JOC-F leur a appris à structurer leur foi autour de l’action et de l’attention portée aux autres. C’est le cas de Mohamed et Brahim, jocistes à Compiègne, qui en témoignent lors du rassemblement « Objectif 74 » :
« Si la JOC nous a permis de nous mettre debout, elle nous a permis aussi de redécouvrir la force de notre foi musulmane. Nous aussi, nous révisons maintenant notre vie à la lumière du message de Dieu, révélé par notre prophète Mohamed. Nous sommes devenus conscients que par toute notre action ouvrière, nous répondons à ce que Dieu nous demande. Et ce qu’il a comme projet sur nous, c’est merveilleux.
Dans le Coran, il est encore écrit : “Soyez comme des briques cimentées les unes aux autres, liés pour toujours et sans se détacher.” La JOC nous aide à réaliser cette grande solidarité16 ! »
14Au milieu des années 1980, à Paris, une militante jociste musulmane va dans le même sens à l’occasion d’une révision de vie :
« Le Dieu dont je suis sûre c’est celui qui a un projet d’amour et de libération. Je le vérifie à travers tout ce que j’ai vécu, à travers les gens qui m’ont fait confiance. Je découvre que Dieu appelle à se libérer. Si on lutte pour que les gens soient heureux c’est qu’on les aime. Dieu ne peut pas être contre cette lutte sinon il serait contre l’homme. Il ne peut pas vouloir que les gens soient écrasés, qu’ils en aient marre de la vie. Cela j’y crois même si parfois j’ai des doutes17. »
15Certains jocistes musulmans, à l’image de Nagbib en 1979, vont même jusqu’à mettre l’accent sur la portée révolutionnaire de l’action du Prophète, qui devient alors un exemple à suivre dans leur vie de croyants :
« Je crois à la Foi. Le prophète, il a lutté contre l’esclavage. Il a commencé la lutte, à nous de continuer.
Nous les Musulmans, c’est difficile. Les gens prennent le Coran comme quelque chose de droit pas comme quelque chose de lutte. Nous les arabes, on lit le Coran, et on ne le suit pas. […]. Aujourd’hui, les jeunes prennent le Coran autrement que la prière mais pour une lutte. Moi je suis d’accord. Ça sert à rien de prier si tu t’en fous des mecs qui sont derrière toi. On est beaucoup en retard18. »
16Dans cette construction de la figure du Prophète, on perçoit l’influence de la construction de la figure d’un Christ révolutionnaire par les jocistes chrétiens. Cet accent mis sur la libération par la foi tend chez une partie des jeunes musulmans à se substituer à la notion de soumission à Dieu, héritée de leurs parents. Yassine A. l’exprime à sa manière lorsqu’il affirme :
« Le fait de se prosterner, ça ne va pas. Pour moi, c’est une peur… On se baisse devant DIEU…. Cela me vient peut-être de ce que je suis en JOC.
Il y a beaucoup de destin dans la religion musulmane, on n’est pas des pions19. »
17Deuxième aspect de cette influence de la spiritualité jociste, les jocistes musulmans les plus engagés dans le mouvement se forgent peu à peu une culture biblique. Une phrase de la Bible revient régulièrement dans leurs témoignages, extraite de l’Évangile de Jean (12.34) : « Aimez-vous les uns les autres. » Abdel, jociste à la fin des années 1970, l’évoque en ces termes :
« Il y a une chose que vous dites, vous les chrétiens, et que je répète beaucoup dans ma vie, c’est ce que disait Jésus : Aimons-nous les uns les autres. Pour moi, je retrouve cela aussi dans le Coran, car dans le fond nous adorons le même Dieu. Ce qui est important ce n’est pas de faire des voyages à la Mecque ou de ne pas manger de cochon, mais c’est ce que nous faisons pour nous aimer comme des frères… C’est comme cela que nous prouvons que Dieu est comme un Père pour nous20. »
18La figure de Jésus est quant à elle régulièrement évoquée par les jocistes musulmans comme un modèle. Si certains précisent bien que Jésus n’est pour eux qu’un prophète, d’autres utilisent spontanément les expressions de « Jésus-Christ » ou de « Christ », spécifiquement chrétiennes. C’est le cas d’Ahmed, jociste à Roubaix en 1968, qui déclare :
« Le Christ me pousse à être plus musulman et être plus près des autres Nord-Africains21. »
19Cette forte influence de la spiritualité jociste dans la manière qu’ont les musulmans les plus engagés dans le mouvement de vivre leur foi a enfin des conséquences sur leur rapport à la pratique religieuse. À l’image d’Abdel, certains jocistes musulmans insistent sur le fait que leur foi est moins centrée sur les pratiques rituelles que celle de leurs parents ou qu’ils éprouvent en tout cas le désir de comprendre le sens de ces pratiques pour pouvoir se les approprier. Omar K., jociste à Roubaix dans les années 1980, en témoigne :
« Nous musulmans, si on veut comprendre, on prie ; mais, moi, j’ai envie de comprendre je ne veux pas faire comme mon père, ma famille qui disent : “si tu ne pries pas, tu ne vas pas comprendre”22. »
20Quand ils évoquent leur manière de prier, nombre de jocistes musulmans décrivent une prière spontanée en français qui ne passe pas ou peu par les formules consacrées, qui ne sont de toute manière que rarement connues. C’est le cas des jocistes de Roubaix-Sud, au milieu des années 1980 :
« Nous-mêmes, nous ne vivons pas notre foi de la même façon que nos parents. Par exemple notre façon de prier est différente. On lit les versets du CORAN pour entrer en communication avec DIEU, mais après on prie à notre façon23. »
21Ainsi, une analyse de la manière qu’ont les jocistes musulmans les plus engagés dans le mouvement de témoigner de leur foi et de leur pratique religieuse corrobore la thèse d’un phénomène de « mimétisme spirituel » lié à leur appartenance à un mouvement d’Action catholique spécialisée. Très vite, les responsables de la JOC-F et de l’ACE sont d’ailleurs conscients de ce risque de christianisation de la foi des jeunes musulmans. Leur réflexion se focalise alors sur la question de la compatibilité de la démarche spirituelle de l’Action catholique spécialisée avec celle de l’islam, à l’image de ce responsable d’un club ACE en 1986 :
« De plus je suis bien conscient que proposer de faire le lien entre la vie et la foi, de “relire” l’histoire de leur club, ou de leur action – même si je les provoque à en débattre entre musulmans – c’est une démarche chrétienne ; est-ce qu’une telle pratique existe dans l’Islam ? La conception que la plupart des croyants musulmans ont du Coran (Parole révélée directement par Allah – qu’on ne peut donc pas interpréter) autorise-t-elle cette démarche24 ? »
22Cette question est reprise au sein des équipes nationales, qui la soumettent aux spécialistes de l’islam et du dialogue interreligieux proches du mouvement. Michel Serain apporte à plusieurs reprises un avis prudent, estimant que la démarche spirituelle de l’Action catholique spécialisée est étrangère à l’islam sans lui être incompatible. En 1982, à la demande de l’ACE, il développe son analyse :
« La démarche de l’A.CE., de l’action catholique en général, est assez étrangère à la démarche religieuse musulmane pour plusieurs raisons. Mais en Islam il y a un domaine de l’“interprétation personnelle”. C’est le cas de militants ouvriers musulmans qui dans un combat ouvrier s’appuient volontiers sur des convictions musulmanes. Cette façon d’être n’est pas contestée en Islam du moment qu’il n’y a pas contradiction avec la loi islamique et son interprétation dans le droit musulman. En conséquence la démarche de l’A.C.E. s’il n’y a pas révélation explicite de Jésus-Christ n’est pas contradictoire avec l’Islam25. »
23Si la pratique de la révision de vie, « assez étrangère » à l’islam selon les termes de Michel Serain, a certainement joué un rôle dans les évolutions spirituelles vécues par les jocistes musulmans, il serait cependant réducteur d’étudier leurs expressions de foi uniquement au prisme de leur passage à la JOC-F. Certains aspects du cheminement spirituel de ces jocistes musulmans sont en effet communs à nombre de jeunes musulmans de leur génération – et plus généralement à nombre de jeunes croyants. Danièle Hervieu-Léger rappelle ainsi que ce qui caractérise la modernité religieuse est la tendance générale à l’individualisation et à la subjectivisation des croyances religieuses26. À sa suite, les enquêtes sociologiques menées auprès de jeunes musulmans à partir du début des années 1990 mettent toutes en évidence le processus d’individualisation à l’œuvre dans leur foi, qui passe selon les termes de Leïla Babès par une « distanciation à l’égard de l’islam des parents », jugé trop traditionnel et trop tourné vers le communautaire27. Cette démarcation vis-à-vis de la religion des parents, qui se produit le plus souvent à l’adolescence28, s’accompagne d’un travail de tri qui se traduit notamment par le rejet du ritualisme et de l’« habitus de soumission29 ». Omero Marongiu-Perria, qui a mené à la fin des années 1990 une campagne d’entretiens auprès de trente jeunes musulmans de 18 à 30 ans habitant dans le nord de la France, souligne quant à lui que cette distanciation à l’égard de la religion des parents s’accompagne d’une « prédominance d’un discours sur l’importance de la communication directe avec la transcendance, et de la dimension spirituelle de la pratique religieuse, qui doit dépasser le rapport primaire aux obligations et aux interdits religieux30 ». Pour expliquer ces cheminements spirituels, Jocelyne Cesari insiste de son côté sur l’importance de l’expérience de l’islam comme religion minoritaire : être musulman en Europe ou aux États-Unis revient à faire sortir le lien à l’islam de son évidence, de son statut de donné communautaire, culturel ou social, pour le faire entrer dans la sphère des choix individuels et donc du questionnement31.
24En ce qui concerne l’ACE, nous manquons de témoignages structurés d’enfants musulmans sur leur foi pour étudier sérieusement une éventuelle évolution de celle-ci dans un sens « islamo-chrétien32 ». L’influence de la spiritualité de l’ACE est néanmoins perceptible dans les rares témoignages que nous avons, à l’image de celui de Farid et Bagdad en 1987 :
« On ne veut pas abandonner le club, parce qu’on a commencé à transformer la planète. Il faut continuer. Surtout que maintenant on est connu. Les gens trouvent que le club est bien. […] Alors ça nous change parce qu’on voit mieux l’importance de ce qu’on fait. C’est comme si Dieu nous avait dit d’aller aider la planète. Des fois dans Tric et Truc, on voit des pages sur Jésus. C’est comme si les Dieux des chrétiens et des musulmans(*) se mettaient ensemble pour nous confier une mission. C’est comme si la terre était malade, alors Il nous envoie pour la soigner. Dans Tric et Truc il y a des bandes dessinées sur les Transformeurs : il leur donne des missions. Il voit qu’il y a des clubs dans le quartier : c’est comme s’il nous avait dit de faire quelque chose.
(*) Celui des chrétiens et Celui des musulmans ; c’est le même33. »
25Dans ce témoignage, on note le lien fait entre la foi et l’action, qui est au centre de la démarche de l’Action catholique spécialisée, ainsi que l’insistance sur le fait que chrétiens et musulmans ont le même Dieu. On retrouve cette équivalence faite entre le Dieu des chrétiens et celui des musulmans dans l’expression du club Fripounet de Roubaix-Nord à l’occasion d’une célébration en juin 1986 :
« Au club on aime bien notre Dieu : Allah ; on aime bien Jésus-Christ et tous les deux c’est notre copain. Allah nous demande de partager nos idées. On veut que tout le monde soit heureux et vivre en paix. Nous dans notre club on est heureux et on fait la paix. Merci pour tous les clubs34. »
26Le fait d’évoquer Allah comme « notre copain » et de parler d’une relation personnelle avec lui qui incite à l’action (« Allah nous demande de partager nos idées ») montre bien là aussi l’influence de la spiritualité de l’ACE.
27Aux Unités Soleil, la valorisation par le mouvement de sa dimension plurireligieuse est perceptible dans l’accent mis par les jeunes musulmans sur le fait que l’islam et le christianisme ont le même Dieu et que la coprésence de jeunes de confessions différentes est un enrichissement pour tous sur le plan de la foi. C’est le cas lors d’une rencontre départementale des chefs et cheftaines de Saint-Quentin à la fin des années 1980 :
« Partager nous permet de mieux connaître nos religions différentes… nous pouvons parler de nos traditions, de nos coutumes et transformer nos différences en richesses.
Le Coran reconnaît les autres religions d’où un chemin vers une tolérance qu’il est nécessaire de plus en plus d’accentuer. […]
Malgré tous les conflits actuels, nous pensons que nos religions nous rassemblent vers Dieu. La preuve est qu’aujourd’hui nous sommes tous réunis. Maintenant ensemble, réfléchissons et travaillons à la Paix universelle35. »
28Ainsi, si c’est pour la JOC-F que nous avons le plus de témoignages nous permettant d’étudier l’influence de la spiritualité du mouvement sur le cheminement spirituel de ses membres musulmans, l’insistance sur le fait que les religions monothéistes ont le même Dieu semble donc un point commun aux jeunes musulmans des trois mouvements étudiés, qui leur permet de justifier leur appartenance à une organisation catholique36. On retrouve également cet accent mis sur un Dieu commun à l’islam et au christianisme chez les aumôniers et les responsables catholiques des mouvements, qui peuvent s’appuyer pour cela sur une réflexion théologique ancienne. Dès le xie siècle, le pape Grégoire VII, dans une lettre adressée à un prince musulman en Algérie, écrit en effet :
« Nous reconnaissons et confessons, de façon différente il est vrai, le Dieu UN que nous louons et vénérons chaque jour comme Créateur des siècles et Maître des mondes37. »
29Neuf siècles plus tard, la déclaration conciliaire Nostra aetate du 28 octobre 1965 lui fait écho :
« L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes38. »
30Cette affirmation de l’unicité du Dieu des chrétiens et des musulmans – Jacques Jomier estime ainsi que « Dieu, dans le Coran, est fondamentalement le Dieu de la théologie naturelle39 » – s’accompagne chez les théologiens catholiques d’une réflexion sur la manière dont chaque confession envisage sa relation à ce Dieu unique, qui elle diffère40. À leur suite, les aumôniers et responsables des mouvements étudiés doivent parfois rappeler à leurs jeunes qu’affirmer que chrétiens et musulmans prient le même Dieu ne signifie pas qu’il faille pour autant nier les différences entre les deux religions.
L’essor d’un relativisme religieux ?
31Moustapha, jociste à Denain, apporte le témoignage suivant à l’occasion d’une retraite fédérale en 1979 :
« À la JOC on a pris en compte de notre FOI. Moi je suis musulman, mais je suis aussi chrétien puisque ensemble on croit au même DIEU41. »
32Lors d’un stage jociste sur l’immigration qui se déroule à Aix-en-Provence du 2 au 7 juillet 1984, Jamel va dans le même sens :
« Le C de JOC, c’est une religion, c’est une façon de penser. Il n’y a qu’un Dieu, Chrétiens et Musulmans c’est pareil42. »
33On retrouve cette insistance forte sur la proximité, voire sur la similitude, des deux confessions au détour de presque tous les entretiens que nous avons réalisés auprès d’anciens jocistes musulmans43, à l’image de cet entretien avec Slimane B. :
« On a les mêmes points, donc sur les principes de base, et ça s’est bien ancré puisque je l’ai bien retenu et appris, […] on est pareil, y a que la religion qui change, quoi […] on a le même moteur à la base. […] Je sais que j’ai appris, je sais que je l’ai vécu, mais je sais qu’on est pareil, on est identique, et ça me réconfortait de savoir qu’il y avait pas de différence quoi, qu’on soit catholique ou musulman, y a pas de différence44. »
34Dans cet accent mis par ces anciens jocistes sur la proximité de l’islam et du christianisme, qui leur fait parfois tenir des propos qui seraient sans doute considérés comme hétérodoxes par les responsables religieux catholiques ou musulmans, on peut voir les conséquences de leur fréquentation assidue du monde catholique, qui a souvent perduré après leur départ de la JOC-F à travers le maintien de relations amicales. Cette insistance doit cependant aussi s’analyser à la lumière des circonstances des entretiens : affirmer avec force la proximité voire la similitude entre les deux confessions est une manière pour ces personnes de se présenter comme de « bons » musulmans, ouverts d’esprit, et de se distinguer ainsi d’autres musulmans présentés comme « communautaristes », voire même « intégristes », dans un contexte de forte stigmatisation d’une pratique islamique rigoriste.
35Certains jeunes musulmans vont plus loin dans leur réflexion sur la manière de penser la pluralité religieuse et développent des conceptions théologiques que Claire de Galembert qualifie de « pluralistes » dans la typologie qu’elle propose des différentes façons d’appréhender la coexistence de plusieurs religions45. Les pluralistes, à l’image du théologien protestant britannique John Hick46, considèrent que Dieu parle et se révèle différemment selon les cultures. La pluralité religieuse est donc acceptée comme faisant partie du dessein de Dieu. Cette conception pluraliste imprègne fortement le discours que prononce Mohamed, jociste de Valence, le 15 mai 1968 :
« Pourquoi les chrétiens qui travaillent pour Dieu comme les musulmans, qui eux aussi travaillent pour Dieu, ne font pas la même besogne, ne se servent pas des mêmes instruments et ne le font pas dans le même chemin ?
Dans ce champ, personne n’est seul. Autour de vous, vous avez des frères qui sont des hommes comme vous qui ont leur propre responsabilité et la liberté de semer et de récolter à leur manière. Vous n’avez aucun droit de les obliger à cueillir les mêmes fleurs que vous pourvu que ces fleurs soient des fleurs de bonheur, lavées des mauvaises odeurs. Quand vous défrichez un morceau de terrain, il faut un autre pour le semer, un autre pour moissonner, mais vous travailler pour la même récolte qui va dans le même foyer.
Ne vous étonnez pas si aujourd’hui deux instruments travaillent au service de Dieu. C’est parce que l’Islam ne peut faire plus le devoir du christianisme et que le christianisme ne peut pas remplir les deux tâches, tout comme nous qui avons souvent besoin de quelqu’un pour finir notre travail à l’heure prévue47. »
36Ces conceptions pluralistes (« deux instruments travaillent au service de Dieu »), voire même relativistes (« qu’on soit catholique ou musulman, y a pas de différence »), ont pu être favorisées par une insistance lors des temps spirituels sur les points communs entre christianisme et islam ainsi que par la mise en résonance d’extraits du Coran et de la Bible à l’occasion de certaines célébrations ou révisions de vie. Lorsqu’ils sont confrontés à de tels discours, les responsables ou aumôniers ont alors souvent la démarche d’amener les jeunes à réfléchir par eux-mêmes à ce qui fait la singularité de leur confession, à l’image de la responsable du « club de la Joie » :
« R. [responsable] : Vous venez de parler de religions, on parle de catholiques et de musulmans, est ce que vous pouvez dire ce qui est différent à ce niveau ?
Nadia M. : Catholique et Musulman, ça nous dit rien, c’est toujours pareil !
R. : Toujours pareil Nadia ! moi, je ne le crois pas.
Nadia E. : Non ! Parce qu’on n’a pas la même religion. On a qu’un seul Dieu pour tout le monde. L’histoire de Jésus et de Mohamed, c’est la même histoire, sauf que Mohamed il est musulman et que J. C., Lui, il est catholique… et avant il y a avait les Seigneurs et les rois qui faisaient la guerre contre les protestants et les catholiques.
R. : Et toi Géraldine, que veux-tu dire ?
Géraldine : Oui, c’est le même dieu, mais c’est pas la même religion. Les arabes font le carême, mais nous on le fait d’une autre façon48… »
37Le père Pousseur met en œuvre le même type de démarche lors d’un temps de réflexion sur Noël avec les guides Soleil de Saint-Quentin à la fin des années 1980 :
« Je me rappelle une réflexion que nous avions faite ensemble pour préparer Noël : au départ, les cheftaines pensaient que rien ne les séparait étant donné que chacune croyait plus ou moins au même Dieu. C’est ce Dieu que nous allions fêter avec des jeannettes et des guides de religions différentes au moment de Noël. Ensuite, la réflexion s’est approfondie entre nous : croire au Dieu miséricordieux qui a parlé au prophète Mahomet est un acte de foi, croire que Dieu s’est fait homme et être appelé à découvrir son visage en nous et tout spécialement dans les plus pauvres est une autre démarche de foi. Écouter le prophète pour faire la volonté de Dieu est une démarche très exigeante ; écouter Jésus ne faisant qu’un avec ceux avec qui je vis est une autre démarche exigeante. Les musulmanes mettaient l’accent sur l’écoute respectueuse et l’obéissance et cela a interpellé les autres cheftaines. Les chrétiennes mettaient l’accent sur la créativité pour aimer les autres sans exception, images du Fils de Dieu fait homme. Cette préparation des fêtes de Noël a été un temps d’approfondissement pour marquer notre différence et ensuite un temps d’accueil de l’autre qui peut nous interpeller et enrichir notre propre foi49. »
38Un tel travail, lorsqu’il est réalisé, permet alors aux jeunes musulmans de se réapproprier les spécificités de leur foi en dépassant le stade du « mimétisme spirituel ».
39Ainsi, le fait que les jeunes musulmans les plus engagés dans les mouvements se réapproprient ou approfondissent leur foi musulmane dans un contexte catholique a des conséquences sur l’expression de celle-ci, avec des phénomènes de « mimétisme spirituel » ou l’apparition de conceptions pluralistes, voire même relativistes, chez certains d’entre eux. Pour une petite minorité, la fréquentation assidue de catholiques pratiquants les amène à se poser la question d’une conversion au christianisme.
De rares parcours de conversion
40Si la plupart des musulmans engagés à la JOC-F estiment que leur militantisme les a rendus « meilleurs musulmans », tout en étant souvent lucides sur l’originalité de leur rapport à Dieu par rapport à celui de leurs proches musulmans, certains prennent conscience d’un ancrage progressif dans le christianisme qui les interroge. Lors d’une session de responsables fédéraux au début des années 1980, Miloud, jociste à Sochaux, évoque ainsi l’importance de la figure de Jésus-Christ dans sa foi et le sens qu’a pris pour lui le partage eucharistique. Lorsqu’on lui pose la question du baptême, sa réponse est la suivante :
« Aujourd’hui, je suis prêt à me poser cette question, mais ça me couperait de ma famille. Ma mère est très croyante. Ça me couperait aussi de mes copains maghrébins. J’aurai l’impression de les quitter50. »
41Yassine, jociste à Roubaix, témoigne de manière similaire :
« J’ai fort appris la foi chrétienne… Ça s’ancre fort… J’ai des parents musulmans… Il faut que je me reprécise ce que c’est qu’être musulman51. »
42Nous avons vu que, jusqu’à la fin des années 1970, les responsables et aumôniers de la JOC-F et de l’ACE sont extrêmement réticents à l’égard d’une éventuelle conversion au catholicisme de leurs jeunes membres musulmans. À partir des années 1980, la position de la JOC-F sur l’évangélisation évolue et l’accent est davantage mis sur l’importance de ne pas cacher la dimension chrétienne du projet jociste, libre ensuite aux jeunes musulmans de reconnaître ou non Jésus-Christ comme Messie. Cette évolution s’inscrit dans une évolution plus générale du discours de l’Église de France sur l’évangélisation des musulmans. En effet, dans les années 1980, ces derniers apparaissent désormais moins aux yeux de l’institution catholique comme des immigrés exploités que comme les représentants d’une religion dont la croissance en France devient spectaculaire et qui, du fait de l’aspiration de ces deux religions à l’universalité, entre en concurrence avec le catholicisme52. À cette évolution de la figure du musulman, moins sacralisée que dans les années 1965-1980, s’ajoute une réorientation du discours de l’Église catholique de France sur l’évangélisation. Alors que l’assemblée plénière de l’épiscopat réunie à Lourdes en 1967 avait donné sa préférence à une présence missionnaire au monde sous la forme de l’« enfouissement », selon le modèle de l’Action catholique, cette option est remise en cause à la fin des années 1970 au profit d’une plus grande insistance sur l’importance de la visibilité de l’Église dans le monde et de l’affirmation publique d’une identité chrétienne. Cette « nouvelle évangélisation », selon l’expression que le pape Jean-Paul II utilise pour la première fois en 197953, est promue officiellement par le cardinal Etchegaray à Lourdes en 1981 et fait peu à peu son chemin dans l’Église de France. À partir de 1983, de nombreux synodes diocésains s’interrogent ainsi sur ce que signifie la mission54. Cette conjonction de l’évolution de la perception de la figure du musulman et de l’évolution de la conception de l’évangélisation infléchit donc le discours de l’Église sur la conversion des personnes venues de l’islam. Cela se traduit par exemple par la parution en 1984 d’une synthèse réalisée par le Service national du catéchuménat et intitulée « Devenir chrétien quand on vient de l’islam ». Il y est affirmé qu’il n’est pas question de refuser le baptême aux musulmans qui en manifestent le désir, tout en précisant une liste de critères très stricts à remplir pour pouvoir être baptisé (maturité, majorité, indépendance financière, conscience de la portée et des conséquences de sa décision…)55. Malgré la grande prudence du document, qui insiste sur le fait que certaines conversions véritables peuvent ne pas aboutir au baptême pour des raisons sociales, cette synthèse officialise le fait que les conversions de musulmans au christianisme existent et que ces convertis doivent être reconnus comme tels et accueillis dans l’Église. La publication en 1991 du livre Appelés par le Christ, ils viennent de l’islam du Père blanc Jean-Marie Gaudeul56 est une autre étape de cette reconnaissance au sein de l’Église catholique des phénomènes de conversion de musulmans. Dans son avant-propos, le Père blanc fait preuve d’une grande prudence théologique, ce qui nous rappelle à quel point le sujet est délicat :
« Quand ils [chrétiens ou musulmans] prient pour être guidés, quelque chose en eux (ou quelqu’un) semble reconnaître la Vérité, l’appel de Dieu. Ils y répondent. Ceci ne veut pas dire que leur religion d’origine n’était que mensonge. Cela ne prouve pas que leur nouvelle religion est la seule vraie. Cela veut dire que, pour eux, il y a eu un moment où cette nouvelle religion leur a permis d’entendre l’appel de Dieu comme ils n’avaient pas pu le percevoir dans l’autre. Nous nous plaçons ici sur le plan des consciences et non sur le plan des principes. Quels que soient les principes et les doctrines, l’appel de Dieu atteint tout homme au plus profond de lui-même. C’est là que cet appel (da’wa) est décrypté et interprété par chacun… d’une manière unique57. »
43Une fois ces précautions prises, Jean-Marie Gaudeul plaide pour une attitude des chrétiens envers les musulmans qui ne relève ni du « prosélytisme », ni de l’« apartheid » :
« Puisse ce livre aider à trouver l’attitude juste devant ces itinéraires spirituels. Le prosélytisme consiste à faire du racolage a priori sans se préoccuper de la vocation personnelle réelle de ceux que nous rencontrons. L’apartheid religieux refuse a priori d’accueillir un converti, tout simplement parce qu’on veut lui imposer de rester dans sa religion, sans se préoccuper de sa vocation réelle devant Dieu. L’attitude juste semble donc être celle qui aide chacun à découvrir, sans a priori, ce que Dieu lui demande, ici, et maintenant, que ce soit la décision de rester musulman, ou celle de devenir chrétien58. »
44En pratique, son ouvrage est surtout adressé aux chrétiens qui tendraient, selon lui, à avoir une attitude d’« apartheid » religieux, catégorie dans laquelle se trouvent a priori nombre de chrétiens investis dans la Mission ouvrière. Il les exhorte à un meilleur accueil des convertis venus de l’islam. Dans le dernier chapitre, intitulé « Entre l’accueil et le rejet », il énumère ainsi ce qu’il considère comme de mauvaises raisons de refuser le baptême à des musulmans (volonté de préserver des bonnes relations avec les musulmans, peur d’être accusé de prosélytisme, accent mis sur la « conversion au Royaume » et non au catholicisme, etc.) et insiste sur la nécessité d’un accompagnement bienveillant qui permette au converti de vérifier l’authenticité de son appel et qui doit pouvoir déboucher sur le baptême que l’Église n’a pas le droit de refuser s’il s’agit d’un appel de Dieu59.
45C’est donc dans ce contexte d’une plus grande ouverture de l’institution catholique à la possibilité d’une conversion des musulmans et d’une réaffirmation du projet apostolique de la JOC-F que le discours officiel du mouvement évolue et insiste davantage sur l’importance de présenter tout le projet jociste aux jeunes musulmans, y compris sa dimension spécifiquement chrétienne. C’est au conseil national de Guidel en 1981 que la JOC affirme pour la première fois cette conception :
« La progression dans la démarche de Révision de Vie que la J.O.C. leur propose doit interpeller les jeunes de la classe ouvrière immigrés dans leurs convictions, dans leur foi. Parmi eux, certains sont musulmans. En mouvement, ils provoquent eux aussi les autres militants, le mouvement, à approfondir leur foi.
C’est à tous les jeunes travailleurs que la J.O.C. doit proposer la rencontre de Jésus-Christ, il appartient à chacun de choisir ou non de le reconnaître et d’en vivre60. »
46Cette évolution de la position nationale semble néanmoins peu perceptible sur le terrain, où les aumôniers jocistes sont majoritairement très « réticents », pour reprendre l’expression de Jean-Marie Gaudeul. Nous avons quelques exemples dans nos archives d’accompagnement de jocistes musulmans dans leur réflexion autour du baptême mais ils restent rares. Cette prudence – qui est celle aussi des aumôniers de l’ACE – est d’ailleurs dénoncée comme excessive par Zineb, une jeune femme membre de l’ACE puis de la JOCF dans les années 1980, qui est finalement baptisée en 1988 :
« Faisons attention… d’abord respecter la propre liberté des enfants, les laisser cheminer… On m’a tellement “respecté” alors que j’avais envie de venir aux célés. Il faut annoncer le C pas le cacher. En JOC aussi61… »
47À l’ACE, c’est dans les années 1980 qu’émerge au niveau national la réflexion sur l’évangélisation des enfants musulmans. Les responsables nationaux font alors appel à plusieurs théologiens catholiques proches du mouvement pour les éclairer sur cette question. Sans utiliser le même vocabulaire, tous sont d’accord pour dire, à la suite de Michel Serain, qu’il ne doit pas y avoir de « révélation explicite du Jésus-Christ des chrétiens » aux enfants musulmans en ACE mais qu’il peut néanmoins y avoir évangélisation en incitant ces enfants à « vivre des valeurs de l’Évangile », qui sont proches de celles de la Tradition musulmane62. Jean-Pierre Roche, dans son essai Le Christianisme comme dialogue, l’exprime en proposant une distinction entre la « conversion à une religion » et la « conversion à Dieu », aussi appelée « conversion au Royaume » ou « conversion du cœur ». Pour lui, la « conversion à une religion », ici le catholicisme, ne doit pas être proposée aux enfants musulmans mais ceux-ci sont par contre appelés à une « conversion à Dieu » dans le respect de leur tradition religieuse et cette conversion ouvre au Salut car le christianisme « n’a pas le monopole de l’action salutaire de Dieu63 ». Cette « conversion au Royaume » passe notamment par le fait de vivre davantage les valeurs évangéliques (partage, accueil, etc.). Bernard Lapize insiste, lui, sur la transmission d’une « démarche, celle de Dieu à l’égard des hommes, une démarche de solidarité, de salut », en précisant que l’essentiel est que les enfants musulmans « aient conscience que Dieu les aime et que cet amour de Dieu les sauve, en solidarité avec les autres » et non pas qu’ils « confessent Jésus-Christ64 ». André Costes, un jésuite membre du CIEMI (Centre d’information et d’étude sur les migrations internationales), souligne l’importance du « témoignage » dans l’accueil d’enfants musulmans en ACE65. Enfin, Pierre-Marie Bracq, dans sa réflexion de 1987 intitulée Mission-Évangélisation-Conversion, met l’accent sur l’attitude très respectueuse qu’il faut avoir envers des enfants jeunes et donc influençables et ce d’autant plus qu’un contrat, tacite ou explicite, a été conclu avec leurs parents quant au « respect total de leurs croyances66 ».
48Les responsables nationaux de l’ACE se réapproprient ces positions convergentes et en font la position officielle du mouvement. En 1988-1989, la synthèse de l’ACE MO intitulée « Points de repère, enfants de familles musulmanes » reprend ainsi des passages du Christianisme comme dialogue de Jean-Pierre Roche et de Mission-Évangélisation-Conversion de Pierre-Marie Bracq :
« La conversion à laquelle les uns et les autres sont appelés n’est pas la conversion à une religion mais la conversion à Dieu, ce que nous, chrétiens, appelons la conversion au Royaume. […] En ce sens, le mouvement a bien une mission d’évangélisation envers tous les enfants, y compris ceux d’une autre religion, dans le respect de leur tradition religieuse. […]
N’oublions pas qu’il s’agit d’enfants et nous avons à être très respectueux.
Nous avons à prendre garde : à leur âge, ils sont fragiles, influençables. Nous n’avons pas le droit de profiter de notre ascendant sur eux pour les pousser à faire une démarche qui les coupe de leurs racines (ce serait différent pour des adultes en âge de prendre leurs responsabilités).
Nous avons à respecter le « contrat » (souvent tacite, parfois explicite) conclu avec les parents ; leurs parents attendent de nous un respect total de leurs croyances.
Mais il peut arriver, et il arrive, que des enfants de famille musulmane posent des questions sur Jésus-Christ, qu’ils désirent mieux le connaître. La pratique de nombre de responsables nous semble bonne : ils répondent de façon claire « Voilà ce que moi Chrétien, Chrétienne, je crois. Voilà ce que croient les Chrétiens » – Il ne s’agit pas de violer la conscience de l’enfant, il a le droit de savoir ce que nous croyons comme nous avons le droit de connaître ce qu’il croit, ce que croient ses parents, ceci dans le respect mutuel67. »
49Cette position officielle de l’ACE sur l’évangélisation des enfants musulmans – qui implique notamment leur absence de participation aux célébrations eucharistiques – semble faire consensus dans le mouvement. Aux Unités Soleil, du fait du positionnement officiellement « pluriconfessionnel » de la proposition, la question de l’évangélisation des jeunes musulmans n’est jamais posée.
50Si aucun des trois mouvements étudiés n’a donc pour projet de convertir au catholicisme les jeunes musulmans, certains jocistes musulmans se posent néanmoins la question du baptême comme aboutissement du cheminement spirituel initié au sein du mouvement. Nous avons déjà évoqué Ramda, jociste algérienne à Nancy à la fin des années 1960, qui se heurte à un refus de baptême de la part de ses accompagnateurs. Au début des années 1980, un jeune stéphanois « d’origine maghrébine non chrétien et non musulman » découvre la révision de vie à la JOC, ce qui l’amène à « s’arrêter sur des textes de l’Écriture ». Devenu responsable fédéral, « il se pose des questions dans un cheminement vers le baptême68 ». Nous ignorons s’il a finalement été baptisé. À Toulon, à la fin des années 1980, une jeune femme issue d’une « famille traditionnellement musulmane mais sans pratique69 » demande le baptême et est effectivement baptisée, dans une assez grande discrétion. Elle avait été membre de l’ACE puis de la JOC-F, où elle avait pris des responsabilités fédérales. Sa fréquentation d’un jociste catholique aurait également joué un rôle dans son cheminement. La JOC-F est aussi le lieu où des jeunes font le choix du catholicisme qui est, au moins par héritage familial, la religion d’un de leurs parents. Nous avons deux exemples de ce phénomène. Nathalie A., « franco-musulmane, avec une liberté de pratique », milite à la JOC-F de Rouen dans les années 1980. Le mouvement l’accompagne dans son cheminement vers le baptême, qui est célébré vers 1989 ou 199070. La trajectoire de Lila, jociste à Lille entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, présente des similitudes. Laurent P., un de ses camarades jocistes de l’époque, témoigne de son cheminement :
« Et on a découvert la JOC, elle, elle se droguait un petit peu mais elle a arrêté la drogue pour le coup, donc on a mené des actions ensemble, et je pense qu’elle s’est sentie bien, elle s’est sentie tellement bien, dans cette communauté, qu’elle a demandé le baptême. Mais après, la copine, elle avait sa mère qu’était française et son papa qu’était musulman, donc ça s’est très bien passé, elle a fait la démarche, on l’a accompagnée, on l’a aidée à discerner. Mais, je vous dis, au niveau de la foi, l’objectif c’était pas de convertir les gens, c’était de vivre d’abord des choses ensemble, et quand les gens n’étaient pas de notre religion, on respectait la leur71. »
51Lila, comme Nathalie, ne vient pas d’une famille entièrement musulmane, puisque sa mère est désignée comme « française », ce qui signifie très probablement dans ce contexte qu’elle est de culture catholique.
52Ainsi, sur les centaines de jeunes issus de familles (au moins partiellement) musulmanes ayant milité à la JOC-F entre les années 1960 et les années 1980, nous dénombrons au maximum cinq baptêmes : ceux de Zineb, de Lila, de Nathalie et probablement ceux de Ramda et d’Ali. Il est possible que certaines conversions nous soient restées inconnues mais le phénomène est assurément très minoritaire, comme il l’est au niveau national72. Ces cinq jeunes ont en commun de s’être engagés à la JOC-F dans la durée, avec pour certains une prise de responsabilités jusqu’au niveau fédéral, ce qui signifie qu’ils ont eu l’occasion de faire des révisions de vie à partir de textes bibliques et de s’imprégner de la spiritualité jociste. Pour deux d’entre eux, nous savons qu’ils sont issus de familles non pratiquantes, et c’est donc à la JOC-F, dans un contexte chrétien, qu’ils se sont a priori posé pour la première fois la question de la foi. Il est probable que ce soit le cas des trois autres aussi mais nous n’avons pas d’indications explicites sur ce point à leur sujet. Ce sont donc davantage des conversions au catholicisme de jeunes de culture musulmane – ou un choix fait entre les religions des deux parents dans le cas des enfants de couples islamo-chrétiens – que des changements de confession religieuse. Nous pouvons aussi nous interroger sur la surreprésentation des filles, même si les chiffres ne sont pas assez importants pour faire des statistiques. Faut-il y voir une conséquence de l’existence chez un certain nombre de jocistes musulmanes d’un malaise, voire d’une révolte, quant à leur perception de la place de la femme dans l’islam ?
53Aux Unités Soleil et à l’ACE, les témoignages de cheminement vers le baptême de jeunes musulmans sont encore plus rares. Aux Unités Soleil, Yamina, « née au Vietnam avec une mère vietnamienne et un père algérien », évoque en 1979 son futur baptême mais nous ne savons pas comment elle se définissait d’un point de vue spirituel avant son parcours catéchuménal73. À l’ACE, nous n’avons pas d’exemples dans les archives ou les entretiens de baptêmes d’enfants de famille musulmane, ce qui est à mettre en lien avec la position très ferme du mouvement sur la non-conversion des enfants musulmans. Certains accompagnateurs musulmans, jeunes adultes, se posent en revanche la question. Nous n’en avons qu’un témoignage direct, celui de Samial, une jeune fille de 19 ans qui a été sept ou huit ans membre d’un club à Périgueux avant de devenir responsable. Elle évoque son cheminement en 1990 :
« Aujourd’hui, j’ai quitté l’ACE et je traverse une période hyper négative. Je n’ai rien pour m’accrocher. Je ne sais pas à qui demander l’énergie. Des jeunes qui croient en Dieu à fond, comme Gaëtane, ça leur donne une espèce d’énergie !… la religion musulmane, je n’en ai pas envie. Ils sont trop fanatiques. En fait, pour eux, aimer Dieu, c’est pratiquer, faire des tas de choses. Je pense plus à quelque chose de spontané qu’à quelque chose de tout réglé : À telle heure… Et puis, ils font la prière tout seul. Dans le catholicisme, les gens se réunissent, se rassemblent. La prière, pour eux, c’est autour de la table, au cours d’un repas. C’est aimer Dieu en communautaire.
Tout a été positif au niveau du club et de l’A.C.E. On ne m’a pas obligée à aller à la messe pendant les camps ou les fêtes. On m’a toujours laissé le libre choix. Mais, quand on est petit, le fait d’aller à la messe, de demander pardon, de vivre dans tout un contexte religieux, dans une certaine atmosphère qu’on aime, ça m’a donné envie de devenir catholique. On apprend des choses qui sont bonnes et on a envie de se donner à fond dans ce Mouvement, au point que je voulais me faire baptiser pour être comme eux. Ce qui m’a arrêtée, ce sont mes parents. Ma mère n’aurait pas été d’accord74. »
54Pour Samial, la peur de la réaction familiale a donc arrêté son cheminement vers le baptême. Si le témoignage de Samial est le seul que nous ayons, son parcours spirituel n’est pas unique : en septembre 1985, l’équipe nationale MO s’interroge ainsi sur l’attitude à adopter face à des responsables musulmans qui demandent le baptême, se demandant s’ils doivent s’en réjouir ou non. Il est probable que certains de ces responsables musulmans avaient été membres d’un club auparavant, à l’image de Samial. L’ACE est donc pour eux une étape dans un parcours de conversion qui aboutit au début de l’âge adulte.
55Ainsi, la présence de jeunes musulmans dans des mouvements catholiques n’a que très marginalement débouché sur des conversions au catholicisme, qui n’étaient d’ailleurs pas souhaitées par les acteurs de ces mouvements. Pour nombre de ces jeunes musulmans, particulièrement à la JOC-F, leur passage dans ces mouvements aura été au contraire l’occasion d’une réappropriation de l’islam à la lumière de ce qu’ils découvrent alors du catholicisme : « Le christianisme joue en quelque sorte un rôle de médiation, de réconciliation avec l’islam75. » Plusieurs jocistes musulmans estiment ainsi que la JOC-F les a rendus « meilleurs musulmans », tout en étant conscients qu’ils ne « [vivent] pas [leur] foi de la même façon que [leurs] parents76 », du fait de l’influence qu’exerce sur eux la spiritualité jociste.
56Cependant, malgré le regard souvent très positif porté par ces jeunes musulmans sur leur expérience à la JOC-F, à l’ACE ou aux Unités Soleil, leur nombre baisse nettement à la fin des années 1980. C’est ce basculement des années 1990 qu’il nous faut maintenant analyser.
Notes de bas de page
144 J 1525, « Journées Maghrébines de Nantes 22-23 mai 1982. Les nouvelles données de l’immigration interpellations pour les chrétiens ».
2Leïla Babès, L’Islam positif…, op. cit., p. 93.
39 H 8, « Les immigrés dans le club, mercredi 7 octobre 1987 ».
4Entretien avec Yassine A. réalisé le 22 avril 2015 à Lys-les-Lannoy.
5Carton Guides Soleil détail, article d’un journal inconnu, « Ouverture aux autres à l’échelle d’un mouvement : filles de Français et de migrants du même quartier, elles ont décidé de Vivre ensemble la proposition des guides ».
6Entretien avec Cécile et Sofiane A. réalisé le 16 novembre 2014 à Marseille.
7Entretien avec Slimane B. réalisé le 17 novembre 2015 à Lompret.
8Leïla Babès, L’Islam positif…, op. cit., p. 92.
9C.93.22, « Les Guides-Soleil en 1996, confidentiel ».
1045 J 191, La Jeunesse ouvrière, no 113, novembre-décembre 1978, p. 15.
11Cf. par exemple : Gilles Kepel, Les Banlieues de l’islam…, op. cit., chap. viii ; John Richard Bowen, Can Islam Be French?…, op. cit., chap. ii ; Catherine Wihtol de Wenden et Rémy Leveau, La Beurgeoisie…, op. cit., p. 100 ; Farhad Khosrokhavar, L’Islam des jeunes…, op. cit., p. 23-25 ; Leïla Babès, L’islam positif…, op. cit., p. 118-122 ; Olivier Roy, L’Islam mondialisé…, op. cit., p. 10.
1215 H 2, « B.I.C.N.ER. 1.X 87 no 113 Liaisons internationales (201). Présence de Musulmans dans des équipes de chrétiens – Enfants ».
1344 J 1524, « Roubaix Tourcoing 5 octobre 1982… ayant pour objet partage et réflexion de ce que nous vivons avec les jeunes maghrébins musulmans, particulièrement dans les mouvements ».
14Leïla Babès, L’Islam positif…, op. cit., p. 93.
15Pierre Pierrard, Michel Launay et Rolande Trempé, La J.O.C. : regards d’historiens…, op. cit., p. 101-102.
1645 J 329-330, « Meeting Immigrés [objectif 74] ».
17RC 93, « Lettre aux aumôniers, JOC-JOCF, novembre-décembre 86, “Débat de foi. Accompagner en JOC-JOCF, des jeunes de tradition musulmane” de Jean Minguet ».
1844 J 365, « R.D.V. Immigrés ».
1944 J 1524, « 30 janvier 1985 fédé de Roubaix Tourcoing Vincent Rembauville “petit travail” sur la présence des maghrébins en JOC-JOCF (principalement en JOC) ».
2045 J 339, « Immigrés 3.32 ».
2144 J 227, « 5 mars 1968, prise en charge des immigrés, Roubaix ».
2245, « Témoignage de Omar Khobzaoui, 19/12/1988 ».
2344 J 1524, « 30 janvier 1985 fédé de Roubaix Tourcoing Vincent Rembauville “petit travail” sur la présence des maghrébins en JOC-JOCF (principalement en JOC) ».
249 H 8, « A.C.E./M.O. 23 juin 1986. Synthèse des sondages. Sondage auprès de responsables A.C.E./M.O. accompagnant des enfants de religion musulmane ».
259 H 8, « Michel Serain S.R.I. Enfants musulmans en A.C.E. (en 1982) ».
26Danièle Hervieu-Léger, Le pèlerin et le converti, la religion en mouvement, Paris, Flammarion, 1999, p. 43.
27Leïla Babès, L’Islam positif…, op. cit., p. 122.
28Leïla Babès, « Le croire dans l’islam de l’intellectualisation à la spiritualisation », in Leïla Babès (dir.), Les Nouvelles Manières de croire, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1996, p. 131-133.
29Leïla Babès, L’Islam positif…, op. cit., p. 122-123.
30Omero Marongiu, L’Islam au pluriel…, op. cit., p. 205.
31Jocelyne Cesari, L’Islam à l’épreuve de l’Occident, op. cit., p. 72.
329 H 8, « Rencontre prêtres-religieuses en A.C.E. secteur ouest-Chantenay le 3 décembre 1986 ».
339 H 8, « “C’est comme si le Dieu des chrétiens et des musulmans se mettaient ensemble…” mai 87 ».
349 H 8, « A.C.E. m.o. Roubaix-Nord “Tous on joue”. Célébration et eucharistie mercredi 4 juin 86 ».
35C.93.22, Demain, no 82, janvier-février 1991.
36Ils peuvent en cela s’appuyer sur des personnalités musulmanes, à l’image de Dalil Boubakeur. François Bousquet et Dalil Boubakeur, Chrétiens et musulmans ont-ils le même Dieu ?, Paris, Salvator, 2009, p. 33-49.
37Cité dans Pierre Claverie, Humanité plurielle, Paris, Éditions du Cerf, 2008, p. 87.
381er paragraphe de l’article 3 de la déclaration Nostra aetate : [http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_decl_19651028_nostra-aetate_fr.html], consulté le 28 septembre 2016.
39Jacques Jomier, Dieu et l’homme dans le Coran : l’aspect religieux de la nature humaine joint à l’obéissance au Prophète de l’islam, Paris, Éditions du Cerf, 1996, p. 221.
40Jacques Jomier, Dieu et l’homme dans le Coran…, op. cit. ; François Bousquet et Dalil Boubakeur, Chrétiens et musulmans ont-ils le même Dieu ?…, op. cit.
41RC 93, « JOC-JOCF Fédération de Denain, retraite fédérale des 30/06/79 au 1/07/79 ».
4244 J 1523, « Stage immigration Aix en Provence 2 au 7 juillet 1984 ».
43Parmi les exceptions, nous pouvons citer le témoignage de Majid B., jociste à Mulhouse au début des années 1980, qui a connu par la suite un parcours de conversion à l’islam dans les années 1990 et qui était à la date de l’entretien président d’une des mosquées de Mulhouse, réputée dans les milieux jocistes comme étant celle pratiquant l’islam le plus rigoriste.
44Entretien avec Slimane B. réalisé le 17 novembre 2015 à Lompret.
45Claire de Galembert, L’Attitude de l’Église catholique à l’égard des musulmans…, op. cit., p. 103.
46John Hick, God Has Many Names, Westminster, Westminster John Knox Press, 1982.
4744 J 227, « JOC Valence Mai 1968. Immigrés Mohammed 19 ans ».
489 H 8, « Les immigrés dans le club, mercredi 7 octobre 1987 ».
49C.93.22, Demain, no 82, janvier-février 1991, p. 4.
5044 J 1523, « Jeunesse Ouvrière Chrétienne mai 1982 les maghrébins dans la JOC ».
5144 J 1524, « 30 janvier 1985 fédé de Roubaix Tourcoing Vincent Rembauville “petit travail” sur la présence des maghrébins en JOC-JOCF (principalement en JOC) ».
52Claire de Galembert, L’Attitude de l’Église catholique à l’égard des musulmans…, op. cit., p. 342-343. Sur les causes de cet affaiblissement de la pratique religieuse : Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien. Anatomie d’un effondrement, Paris, Seuil, 2018, p. 129-171.
53Ludovic Laloux, Passion, tourment ou espérance ?…, op. cit., p. 280.
54Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire, Histoire religieuse de la France contemporaine, t. 3, op. cit., p. 470-484.
55Claire de Galembert, L’Attitude de l’Église catholique à l’égard des musulmans…, op. cit., p. 242.
56Jean-Marie Gaudeul, Appelés par le Christ : ils viennent de l’Islam, Paris, Éditions du Cerf, 1991.
57Ibid., p. 10-11.
58Ibid., p. 28.
59Ibid., p. 297-331.
6044 J 1423, « JOC, 57e conseil national, 7-8-9 novembre 1981, Guidel. Rapport d’orientation », p. 66.
619 H 8, « 1995-1996 Travail autour “des enfants de familles musulmanes” : lundi 4 décembre 9 h-17 h 30 ».
62Les expressions entre guillemets sont de Michel Serain (9 H 8, « Michel Serain S.R.I. Enfants musulmans en A.C.E. [en 1982] »).
63RC 93, Le Christianisme comme dialogue, Jean-Pierre Roche (janvier-mars 1986).
648 H 20, « A.C.E.-M.R. – Enfants musulmans compte rendu de la commission Provence du 18 octobre 1986 ».
658 H 20, « ACE Relais Accompagnateurs, no 12, juillet 1987 ».
669 H 8, Mission-Évangélisation-Conversion, Pierre-Marie Bracq, décembre 1987.
679 H 8, « Points de repère, enfants de familles musulmanes, Monde ouvrier – 1988-1989 ».
6844 J 1530, « International ».
6950, « Les jeunes d’origine musulmane en JOC-JOCF, janvier 1990, document interne ».
70Entretien avec José G. réalisé en février 2014 à Paris.
71Entretien avec Laurent P. réalisé le 4 avril 2014 à Lille.
72En France, au début des années 2000, il y aurait environ 10 000 musulmans convertis au christianisme. Alain Boyer, « La diversité et la place de l’islam en France après 1945 », in Mohammed Arkoun, Histoire de l’islam et des musulmans en France du Moyen-Âge à nos jours, Paris, Albin Michel, 2006, p. 779.
73C.93.22, Cap Soleil, no 4, p. 18 à 20.
749 H 8, « L’A.C.E. et les enfants de Familles Musulmanes ».
75Leïla Babès, L’Islam positif…, op. cit., p. 126-127.
7644 J 1524, « 30 janvier 1985 fédé de Roubaix Tourcoing Vincent Rembauville “petit travail” sur la présence des maghrébins en JOC-JOCF (principalement en JOC) ».

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