Chapitre I. Une rencontre sur le terrain
p. 27-52
Texte intégral
1En 1969, Ali, jociste musulman à Valence, témoigne de son entrée dans le mouvement :
« Au foyer de jeunes travailleurs où j’habitais, j’entendais parler de la J.O.C. par Robert [militant jociste] surtout. Je voyais Robert parler aux copains du foyer et les aider dans leurs problèmes.
Mais pour moi la J.O.C. c’était pour les jeunes ouvriers chrétiens et non pas musulmans. Le jour où ça m’a touché c’est lorsque Robert m’a dit : J’ai un copain algérien, il ne comprend pas bien le français et son patron l’a mis à la porte, sans lui donner son avis préalable. Je suis allé avec Robert voir ce copain d’abord, puis le patron : on a pu faire valoir ses droits.
Ce jour-là, j’ai senti que nous aussi on pourrait s’aider entre nous et que la J.O.C. est pour tout le monde et qu’elle aide non seulement les chrétiens, mais aussi les musulmans1. »
2Comme pour Ali, c’est sur le terrain que se produit le plus souvent la rencontre entre jeunes musulmans et mouvements d’Action catholique. Cette rencontre au cœur des quartiers populaires est à l’image de la pédagogie de ces mouvements, qui renouvellent à partir des années 1920 la pastorale catholique en prônant l’apostolat par les semblables.
ACE, JOC-F, deux mouvements d’Action catholique au cœur des quartiers populaires
3C’est en Belgique que la JOC voit le jour, autour de la figure de Joseph Cardjin, un prêtre issu d’un milieu ouvrier et qui souhaite créer un mouvement de jeunes ouvriers chrétiens. Le mouvement s’organise aux lendemains de la Première Guerre mondiale et est officiellement fondé en 1925, avec une pédagogie originale : ce sont les jeunes ouvriers qui sont responsables de leur mouvement et les aumôniers n’ont qu’un rôle d’accompagnement. La JOC naissante se distingue ainsi des « œuvres » et patronages, où la figure du prêtre est omniprésente2. L’initiative belge essaime rapidement en France, par l’intermédiaire de contacts interpersonnels et par la diffusion des publications jocistes belges3. Elle entre en résonance avec les aspirations de prêtres français, notamment celles de Georges Guérin, vicaire de la paroisse Saint-Vincent de Paul de Clichy-la-Garenne, qui tente de mettre en œuvre les principes du Manuel de la JOC belge dans le cadre de sa paroisse4. Les statuts de la JOC française sont finalement déposés en 1927, suivis de ceux de la JOCF en 19285.
4Anthony Favier souligne que l’introduction du jocisme en France marque un tournant dans l’organisation du laïcat français, dans la mesure où elle inaugure une période dans laquelle la « spécialisation » devient une formule privilégiée d’action pastorale pour les évêques6. La JOC-F est en effet à l’origine de l’Action catholique spécialisée, qui est théorisée en 1931 par le pape Pie XI dans son encyclique Quadragesimo Anno : « Les apôtres immédiats des ouvriers seront les ouvriers, les apôtres du monde industriel seront des industriels et des commerçants. » Par cette encyclique, qui valide rétrospectivement l’intuition de Cardjin, Pie XI reconnaît l’existence de « milieux » (par opposition aux classes sociales de la pensée socialiste), conçus comme des espaces de vie et de solidarité naturelle7. Cette reconnaissance de la pertinence de la notion de « milieu » dans l’apostolat des laïcs signe le déclin du modèle de l’Action catholique générale, qui avait vu le jour sous le pontificat de Léon XIII pour permettre aux laïcs de conjuguer réflexion religieuse et action sociale et dont la principale émanation en France est alors l’Action catholique de la jeunesse française (ACJF), fondée en 1886 par Albert de Mun8. Peu à peu, de nouveaux mouvements d’Action catholique spécialisée voient le jour, à l’image de la Jeunesse agricole catholique (JAC) et de la Jeunesse étudiante catholique (JEC), créées en 19299. Tous sont regroupés sous l’appellation d’« Action catholique française » et coordonnés théoriquement par l’ACJF10. Ils sont mandatés par les évêques auprès de leur milieu. Ce mandat, qui est évoqué dès les années 1930, est défini de la manière suivante en 1946 par l’Assemblée des cardinaux et archevêques :
« Le mandat est donné au mouvement. Il lui assigne un champ d’action, à l’intérieur duquel les laïques ont leur pleine responsabilité pour rechercher les moyens nécessaires à l’accomplissement de leur apostolat. La hiérarchie juge, d’un point de vue spirituel, la valeur et l’esprit des méthodes, comme aussi les conséquences de leurs applications. Mais elle laisse aux laïques leur responsabilité dans l’action et leur fait confiance11. »
5Selon l’analyse d’Yvon Tranvouez, le mandat est donc à la fois un label et une assignation à résidence sous le contrôle de l’épiscopat12.
6La JOC-F française connaît un rapide développement dans l’entre-deux-guerres. En 1939, la JOC compte 12 000 militants, 45 000 adhérents et 130 000 « jeunes travailleurs » sympathisants à la présence irrégulière. La JOCF a un peu plus d’adhérentes et un peu moins de militantes et de sympathisantes13. Le mouvement est implanté en France métropolitaine mais aussi dans les colonies françaises. En Afrique du Nord, six fédérations existent (Constantine, Alger, Oran, Casablanca, Rabat et Tunis), avec des effectifs modestes14. En Afrique subsaharienne, les fédérations les plus actives sont celles du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, de la Réunion et de Madagascar. En Indochine française, c’est la fédération de Nam Dinh qui comporte le plus d’adhérents. La JOC-F française est également implantée à Saïgon, à Shanghai, en Syrie, au Liban, en Martinique et en Guadeloupe15. En un peu plus de dix ans, la JOC-F française est donc devenue un mouvement de jeunesse de masse, avec des implantations dans le monde entier qui œuvrent à son projet de « refaire chrétiens ses frères » et de réconcilier Église catholique et monde ouvrier.
7Pour réaliser ce projet, elle s’appuie sur la pédagogie du Voir-Juger-Agir, commune à tous les mouvements d’Action catholique. Le militant jociste est incité à observer avec attention son environnement, ses conditions de vie et celles de son entourage et à noter ses observations dans un carnet de militant. Pendant les temps de « révision de vie », qui remplacent à la fin des années 1930 les « cercles d’étude », les jocistes sont amenés à réfléchir ensemble aux causes des problèmes posés par les situations présentées, à analyser ces situations au regard de la législation mais aussi à les envisager d’un point de vue spirituel à travers une étude de textes bibliques, souvent extraits des Évangiles. Enfin, les jocistes décident collectivement d’actions concrètes pour améliorer les situations analysées (pétitions, grèves, etc.)16. La Seconde Guerre mondiale ne brise pas l’élan du jeune mouvement, qui continue ses activités en bénéficiant de la protection épiscopale17. Cet âge d’or de la JOC-F continue jusque dans les années 1950, aussi bien du point de vue des effectifs que de l’influence du mouvement dans l’Église et dans la société18.
8Ces années 1950 sont cependant marquées pour la JOC-F par la remise en question de la pertinence de la spécialisation. En effet, la forte croissance économique des Trente Glorieuses induit une importante mobilité sociale ainsi qu’une certaine uniformisation des modes de vie par l’accès du plus grand nombre à la société de consommation. Ces évolutions sociales bousculent les contours des « milieux » autour desquels s’étaient construits dans l’entre-deux-guerres les différents mouvements d’Action catholique spécialisée, ce qui engendre des conflits de compétence entre mouvements19. Dans les années 1950, une majorité des militantes de la JOCF ne sont ainsi plus des ouvrières mais des employées de bureau, des enseignantes, des infirmières, etc.20. Dans ce contexte, un projet voit le jour en 1954 qui vise à changer les statuts de l’ACJF pour lui donner un rôle plus important de coordination des différents mouvements d’Action catholique. À terme, l’objectif est que ces mouvements ne soient plus que des branches de l’ACJF. Soutenue par l’épiscopat, et plus particulièrement par Mgr Guerry, président de la Commission épiscopale du monde ouvrier, la JOC-F réussit à s’opposer à ce projet pour conserver sa pleine autonomie. Face à cette situation de blocage, le président général de l’ACJF démissionne en septembre 1956 et l’ACJF est dissoute21. Ce soutien fort de l’épiscopat à la JOC-F, à travers l’intercession de la Commission épiscopale du monde ouvrier dont Mgr Ancel prend la tête après Mgr Guerry, s’explique notamment par la place centrale accordée depuis les années 1930 à la pastorale en monde ouvrier par l’Église catholique de France, conséquence de sa conscience de sa difficulté à rejoindre ce monde ouvrier. La JOC-F, avec l’ACO, joue un rôle décisif dans cette pastorale, ce qui assure donc à ces deux mouvements une position privilégiée auprès des évêques22. La contrepartie de cette complicité est la prudence théologique et politique de l’ACO et de la JOC-F, qui, conscientes d’être en quelque sorte les dépositaires d’un patrimoine militant, ne remettent en cause ni le mandat ni la tradition de l’Action catholique spécialisée23. La JOC-F est ainsi restée en lisière du progressisme chrétien et demeure à l’écart de la crise qui secoue ce courant et qui culmine en 1954 avec l’interdiction des prêtres-ouvriers. Par la suite, le mouvement n’est que peu affecté par la guerre d’Algérie, est en retrait par rapport aux autres mouvements de jeunesse lors des « événements » de mai 1968 et refuse la « dérive gauchiste » qui affecte plusieurs mouvements catholiques après 1968, préférant l’action syndicale24. Par cette attitude prudente, la JOC-F ne connaît pas les grandes crises qui affectent les autres mouvements d’Action catholique spécialisée de jeunesse, et notamment la JEC et la JAC (qui devient le MRJC en 1965)25. À la fin des années 1960, le mouvement jociste est donc plus que jamais le modèle et le bastion de l’Action catholique spécialisée traditionnelle. Confronté aux bouleversements de la sociologie de ses militants, qui sont de plus en plus des jeunes scolarisés, il continue à affirmer son identité ouvrière. Françoise Richou estime même qu’il « renchérit dans l’invocation au mouvement ouvrier, faisant de l’appartenance ouvrière une référence idéologique26 ». D’un point de vue religieux, les évolutions sont cependant réelles par rapport au projet des fondateurs. Au moment où commence notre étude, l’objectif des jocistes n’est plus tant de « refaire chrétiens leurs frères » que de lutter à leurs côtés pour un monde plus juste. En cela, le mouvement s’inscrit pleinement dans la pastorale de l’enfouissement, qui connaît son apogée dans les décennies 1960 et 197027.
9Si la JOC-F se distingue des autres mouvements d’Action catholique spécialisée par sa résilience aux crises des années 1950 et 1960, elle n’est néanmoins plus un mouvement de masse au moment où débute notre étude. En 1967, la JOC compte 6 300 militants et la JOCF, 6 200. À ces militants qui cotisent, il faut ajouter tous les « jeunes travailleurs » que la JOC-F « rejoint », selon sa terminologie : ils participent à des temps forts ou à des actions ponctuelles du mouvement et lisent Jeunesse ouvrière, le journal jociste « de masse ». 50 000 jeunes environ participent au rassemblement jociste « Paris 1967 », ce qui donne une idée de la capacité de mobilisation du mouvement pour un événement exceptionnel28. Dans les années 1960, ces jocistes ne sont plus organisés en sections paroissiales comme dans l’entre-deux-guerres mais en groupes locaux, eux-mêmes divisés en équipes d’âge ou de « branches » (scolaires, apprentis, employés des PTT, malades, jeunes en service militaire, etc.). C’est le conseil national de la JOC de 1946 qui a introduit cette réorganisation, adoptée peu après par la JOCF, avec pour objectif de ne pas apparaître comme un mouvement paroissial réservé aux seuls chrétiens mais bien comme un mouvement s’adressant à la masse des jeunes travailleurs29. Au conseil national de Nevers en 1974, les « branches » deviennent les « milieux » et « catégories », avec toujours pour objectifs pour la JOC-F de « se fondre dans le mouvement ouvrier » et d’être un mouvement de masse30. Les groupes locaux sont regroupés en fédérations, dirigées par un « comité fédéral ». La fédération est un échelon important pour la vie du mouvement : ce sont les fédérations qui sont représentées lors des conseils nationaux et beaucoup d’actions et de temps forts sont vécus à ce niveau. Depuis les années 1950, les fédérations sont elles-mêmes regroupées en « secteurs », qui disposent de permanents salariés.
10Chaque année scolaire, une enquête-campagne sur un thème donné (travail, argent, loisirs, vie intime…) est le support de la réflexion et de l’action du mouvement. Dans la première moitié de l’année, les jocistes sont chargés de diffuser auprès de leurs camarades des questionnaires sous forme de tracts sur ce thème. Ces questionnaires sont ensuite dépouillés et analysés par les jocistes eux-mêmes et les résultats sont présentés lors de réunions ouvertes à tous. À partir du mois de février environ, les jocistes commencent à mettre en place des actions. Au mois de mai, le « mois d’action intensive », des « assemblées de masse » (rassemblements ouverts à tous) sont organisées pour présenter les premiers bilans des actions menées. Au niveau national, les conseils nationaux de l’été ou de l’automne sont l’occasion de clôturer la campagne d’année et de présenter un bilan final31. La campagne d’année est donc le support principal de l’action du mouvement, action sur laquelle la JOC-F met de plus en plus l’accent à partir des années 1950. Au début des années 1960, cette importance accrue accordée à l’action se traduit par la mise en place de « comités d’action » auxquels participent des jeunes en lien avec le mouvement sans pour autant en être membres de manière formelle32. Certains « comités d’action » sont thématiques, à l’image des « comités immigrés » ou des « comités chômeurs » qui se mettent en place dans les fédérations à partir de 1979, quand le mouvement décide de « rejoindre » prioritairement les chômeurs et les travailleurs précaires. Si l’action prend une place de plus en plus importante dans le mouvement à partir des années 1950, la révision de vie reste cependant centrale dans la pédagogie du mouvement et permet de distinguer le militant du sympathisant. Cette révision de vie est pratiquée en équipe de révision de vie et lors des week-ends entre responsables. Le plus souvent, l’aumônier jociste est présent. Une initiation à la révision de vie sous la forme de « réco-éclairs », plus courtes, est également proposée aux jocistes les plus jeunes ou aux sympathisants. Enfin, des rassemblements nationaux sont organisés régulièrement dans le but de mobiliser les militants autour d’un temps fort et de faire connaître le mouvement à de nouveaux jeunes. C’est lors du rassemblement de Paris 1967, qui a lieu en juillet 1967, que les jocistes musulmans sont pour la première fois un sujet de réflexion au niveau national et que leur présence est officialisée à travers l’organisation d’un premier « temps musulman33 ».
11Contrairement à la JOC-F, l’ACE n’a pas été fondée comme mouvement d’Action catholique spécialisée mais est issue du monde des patronages, et plus précisément d’une volonté de « revitaliser » ces patronages34. Le mouvement a retenu a posteriori comme date fondatrice celle du 8 décembre 1929, qui correspond au premier numéro du journal Cœurs vaillants, à l’intention des garçons fréquentant les patronages. L’équivalent féminin, Âmes vaillantes, est créé en 1938. À partir de ces journaux se structure progressivement un mouvement, Cœurs Vaillants-Âmes Vaillantes (CV-AV), dont les principaux artisans sont les prêtres Jean Pihan et Gaston Courtois, de la congrégation des Fils de la Charité35. Ce mouvement naissant reçoit la caution de l’Assemblée des cardinaux et archevêques le 22 février 193736 et commence alors à s’implanter dans les colonies françaises. Les premiers groupes d’Afrique du Nord sont reconnus officiellement en 1940 et des groupes sont créés en Afrique subsaharienne dans l’immédiat après-guerre. Des tournées de responsables et des échanges de correspondance et d’objets entre enfants permettent d’assurer l’unité du mouvement. En 1956, une commission internationale du mouvement est mise en place. Elle permet d’accompagner vers l’autonomie les groupes situés hors de France métropolitaine37.
12Dès les années 1930, le mouvement CV-AV tente d’être reconnu comme une proposition à destination des enfants qui prépare pleinement à la JOC-F et à la JAC-F. Elle conclut un accord en ce sens avec la JOC-F en février 1943 : les responsables jocistes accordent à CV-AV la charge des enfants jusqu’à 14 ans, renonçant à leur projet de pré-JOC pour les jeunes de 12 à 14 ans. En échange, les responsables jocistes obtiennent un rôle de conseil auprès du mouvement pour les enfants du monde ouvrier38. Un accord similaire est conclu avec la JAC-F, après des négociations très conflictuelles, en décembre 194439. En 1947, le mouvement se structure en quatre branches : une branche urbaine, avec des sections milieux populaires et milieux indépendants, une branche rurale dite pré-jaciste qui fait aussi partie de la JAC-F, une branche de l’enseignement et des institutions pour les enfants en internat ou en orphelinat et enfin une branche « extension » pour les enfants malades, handicapés ou délinquants. En parallèle de cette structuration, les années d’après-guerre sont marquées par d’importants questionnements, parfois conflictuels, sur la place respective des prêtres et des laïcs dans le mouvement. En effet, à partir de 1944, de nombreux militants de l’Action catholique s’investissent à CV-AV et demandent à pouvoir y exercer des responsabilités, remettant ainsi en cause un modèle initial où celles-ci étaient concentrées dans les mains des prêtres, souvent membres des Fils de la Charité, sur le modèle des patronages40. Ce qui est en jeu, c’est bien le passage progressif du mouvement, qui est toujours à cette période membre de l’Union des Œuvres, du monde des patronages vers celui de l’Action catholique spécialisée. Cette mutation apparaît au grand jour lors de l’assemblée générale du 6 septembre 1953 : les responsables du mouvement insistent sur la possibilité de confier aux enfants des missions à la mesure de leur âge. Les enfants sont donc présentés comme des acteurs militants de leur propre mouvement, sur le modèle des mouvements jeunes ou adultes de l’Action catholique spécialisée41. C’est à cette même période que se mettent en place deux aspects essentiels de l’identité du mouvement : la campagne d’année, qui donne son unité au mouvement, et l’organisation des enfants en « clubs », de trois membres minimum, qui sont accompagnés par un adulte choisi par les enfants eux-mêmes42.
13En septembre 1961, après d’intenses négociations, CV-AV obtient officiellement son autonomie de l’Union des Œuvres pour sa direction, son organisation et ses orientations43. Les années 1963-1967 sont marquées par une collaboration plus étroite entre les mouvements d’Action catholique spécialisée et CV-AV, même si ce dernier peine encore à être complètement accepté comme Action catholique de l’enfance, notamment par la JAC-F. Du côté du monde ouvrier, cette collaboration aboutit en 1967 à la signature d’une charte pour l’évangélisation du monde ouvrier qui reconnaît la nécessité de l’existence de trois mouvements voulant rejoindre les hommes dans les trois grandes étapes de leur vie : l’enfance, la jeunesse, la vie adulte. Autre étape symbolique, en 1971, CV-AV entre au secrétariat de la mission ouvrière44. Ce rapprochement progressif avec les mouvements d’Action catholique spécialisée ne fait cependant pas l’unanimité au sein du mouvement. La rencontre nationale de 1972 – où se décide une organisation par milieux (milieu ouvrier, milieu rural et milieu indépendant) sur le modèle de l’Action catholique spécialisée, avec une autonomie et des orientations spécifiques pour chaque milieu – est ainsi le théâtre de débats animés. Certaines fédérations boycottent même la rencontre45. Néanmoins, au milieu des années 1970, le mouvement – qui a officiellement pris le nom d’Action catholique des enfants en 1975 – a pleinement pris sa place au sein de l’Action catholique spécialisée.
14En 1979, l’ACE réalise une vaste enquête sur le nombre d’enfants et d’accompagnateurs engagés dans le mouvement, en vue du conseil national de mai 197946. C’est la première enquête dans l’histoire du mouvement qui propose des chiffres précis, dans un contexte où ses responsables s’inquiètent de ce que l’ACE perde des effectifs et ne soit pas le mouvement de masse qu’ils souhaitent47. Il ressort de cette enquête que l’ACE est alors constituée d’environ 23 000 clubs qui regroupent 170 000 enfants de 6 à 15 ans. Les enfants sont répartis en trois tranches d’âge : les 6-8 ans (Perlins), les 8-11 ans (Fripounets) et les 11-15 ans qui prennent au début des années 1980 le nom de Triolos. Ce sont les Fripounets qui sont les plus nombreux, représentant 45,2 % des enfants lors de l’enquête de 1979. Chaque tranche d’âge dispose de sa revue : Les Mifasols pour les Perlins, Tric et Truc pour les Fripounets, Clés des Djins pour les filles de 11-15 ans et Atout J pour les garçons du même âge (puis Triolo, revue mixte, à partir de 1982). À l’organisation en classes d’âge s’ajoute une organisation en milieux : c’est l’ACE MO (monde ouvrier) qui est la branche la plus nombreuse, regroupant 45,3 % des enfants, contre 34,9 % pour l’ACE MR (monde rural) et 17,1 % pour l’ACE MI (monde indépendant). Au centre de la pédagogie et du fonctionnement de l’ACE se trouve le club, qui regroupe des enfants qui se sont « appelés » mutuellement, c’est-à-dire qui, à partir d’un noyau fondateur, ont proposé à des camarades de les rejoindre. Le club est accompagné par un adulte choisi par les enfants eux-mêmes et qui dispose d’une revue dédiée, Relais. En 1979, ces adultes sont estimés à 22 575 : 18 400 laïcs (des femmes à 85 %), dont une moitié d’étudiantes (et étudiants), 2 250 prêtres et 1 925 religieuses et religieux. Certains de ces adultes prennent des responsabilités dans le mouvement, au niveau des fédérations ou au sein des équipes nationales de milieu.
15L’enquête de 1979 indique que la moitié des clubs se réunit chaque semaine. Ces réunions en présence de l’accompagnateur ont lieu le plus souvent le mercredi ou le samedi, chez l’accompagnateur ou dans des locaux prêtés par la paroisse, la mairie ou les bailleurs sociaux. Lors de ces rencontres, les enfants jouent, font des travaux manuels, évoquent leur quotidien et mènent à bien des projets à leur taille, en lien avec la campagne d’année : demander à la mairie l’installation de jeux dans leur quartier, sensibiliser leur entourage à la propreté du quartier, organiser une fête pour les enfants du quartier, etc. Les adultes ont pour mission d’accompagner les enfants dans la réalisation de leurs projets et de noter dans un cahier les « ressaisies de vie » de ceux-ci, c’est-à-dire les expressions utilisées par les enfants pour parler de leur vie quotidienne, de leur famille ou de leur foi. Des temps forts organisés ou suggérés par le mouvement rythment l’année : fête de Noël, rassemblements, fête du jeu organisés par les enfants eux-mêmes dans leur quartier ou opération des Kilomètres Soleil en partenariat avec le CCFD pour venir en aide aux enfants des pays du Sud par exemple. Le projet apostolique de l’ACE au début des années 1970 est à l’image de son projet pédagogique, qui insiste sur l’entre-eux des enfants. Le texte commun intermilieux élaboré lors de la rencontre nationale de 1976 l’exprime clairement :
« Par leur mouvement, ils expriment à leur manière tout ce qui fait leur vie, et reconnaissent Jésus-Christ présent au cœur de cette vie. Ils se le révèlent entre eux, en témoignent autour d’eux et participent ainsi à la construction de son Église dans chacun des milieux avec les jeunes et les adultes. C’est un chemin pour la construction d’une Église universelle48. »
16En mars 1971, une session de travail de la Mission ouvrière regroupe des laïcs et des prêtres de l’ACE MO, de la JOC-F et de l’ACO pour évoquer la présence de jeunes musulmans49. C’est à notre connaissance la première réunion de réflexion de l’ACE sur ce sujet. L’année suivante, lors de la rencontre nationale de 1972, l’ACE MO affirme que le mouvement s’adresse à tous les enfants, quelle que soit leur religion, dans le respect des croyances, incroyances et du cheminement de chacun50. Cette prise de position est entérinée officiellement par le reste du mouvement lors de la rencontre nationale de 1976 :
« L’A.C.E. est le mouvement de tous les enfants, bien portants ou handicapés, malades, immigrés, croyants ou non croyants, ou de religions différentes, qui s’adresse à eux selon qu’ils soient du monde ouvrier, des milieux indépendants, du monde rural51. »
17C’est donc dans un mouvement officiellement ouvert aux jeunes de « religions différentes » que des enfants musulmans sont de plus en plus nombreux à s’investir dans les années 1970.
Des jeunes maghrébins issus des espaces de relégation sociale
18Lors d’un entretien, Rabah H., jociste à Épinay-sur-Seine de 1969 à 1971, évoque les conditions de son arrivée en France :
« J’habitais Épinay. […] Dans un taudis, dans un sorte de cinéma, un vieux cinéma transformé en pièces. Voilà et puis ils louaient ça pour les gens. Et donc moi j’ai venu […] de Saint-Nazaire, je me suis trouvé à Paris, j’ai connu quelqu’un sur le chantier, ce quelqu’un il me dit que y’a un lieu où est-ce que je peux venir plus près pour le travail, et je me suis retrouvé comme ça à Épinay.
[…] Toute ma famille est restée en Algérie. Moi je suis venu pour travailler un mois ou deux, acheter un tourne-disque, dix disques, et retourner. Vrai, vrai. Seulement je suis toujours52. »
19À l’image de Rabah H., la majorité des jocistes musulmans des années 1960 et du début des années 1970 sont des migrants originaires du Maghreb, le plus souvent Algériens, venus en France au début de l’âge adulte pour travailler dans les usines ou dans le BTP. Les archives mentionnent également quelques Turcs ou Sénégalais. En France, et plus généralement en Europe, les années 1956-1973 sont en effet une période de fort recours aux travailleurs immigrés. Toutes nationalités confondues, les étrangers en France passent de 1 765 000 en 1954 à 3 442 000 en 1975. Lors du recensement général de 1974, on dénombre 711 000 Algériens, 260 000 Marocains, 140 000 Tunisiens et 50 000 Turcs53. La majorité de ces migrants ont un statut précaire, qu’ils soient en attente de régularisation administrative ou titulaires d’une carte de séjour à faire renouveler tous les ans. Ils ont des contrats de travail provisoires mais régulièrement renouvelés du fait des besoins en main-d’œuvre dans un contexte de forte croissance économique. Ils sont considérés comme une « population nomade », selon l’expression de Georges Pompidou en 1967, qui n’a pas vocation à s’installer durablement en France54. En 1977, dans son article sur « Les trois “âges” de l’émigration algérienne en France », Abdelmalek Sayad met cependant en évidence le décalage entre le regard porté sur eux par la société française et le parcours migratoire de ces émigrés du « second âge55 ». En effet, contrairement aux émigrés du « premier âge », qui étaient des paysans envoyés par leur famille pour des séjours très courts afin de permettre le maintien de la société paysanne (le système de la noria, qui existe jusque dans les années 1950), ces émigrés du « second âge » ont un rapport beaucoup plus individualiste à l’acte d’émigrer. Ils émigrent « non plus pour se mettre au service de l’objectif communautaire […] mais en vue d’un objectif singulier ; non plus pour vivre comme autrefois parmi les autres émigrés et à leur manière, mais pour tenter une expérience individuelle originale56 ». Plus jeunes, plus souvent célibataires, rarement paysans, ces émigrés du « second âge » sont davantage soucieux de leurs parcours professionnels en France (plus grande stabilité dans l’emploi ou dans l’entreprise, attention plus grande accordée aux modes de rémunération, à la vie de l’entreprise, aux activités syndicales…)57. Ils allongent leurs séjours en France jusqu’à ce qu’ils deviennent quasiment permanents, entrecoupés seulement par les congés annuels58.
20Ces « travailleurs immigrés », pour reprendre l’expression qui s’impose dans l’espace public à partir des années 196059, expriment à la JOC-F les difficultés de leurs conditions de travail et l’exploitation dont ils estiment être victimes. Lors du rassemblement jociste du 8 juin 1969, Mohamed, jociste à Valence, témoigne ainsi :
« Nous dénonçons le racisme. Nous ne sommes pas des esclaves malgré que les gens nous regardent de travers. La France a beaucoup de bénéfices sur le travail des ouvriers étrangers mais l’hiver, ils sont au chômage. On est ici pour apprendre et non pas pour être des esclaves. On est des personnes et pas des chiens. On est envoyé sur des chantiers : Carcassonne, Marseille ou ailleurs… On couche sous la guitoune. Quand le chantier est fini, on est foutu à la porte ; on n’a pas de travail sûr. Il y a une “tache” entre nous et les français60. »
21Mohamed travaille dans le BTP, qui est le secteur d’activité qui emploie le plus de travailleurs étrangers au début des années 1970, comme le révèlent les statistiques du ministère du Travail en 197261. En utilisant le terme d’« esclave », il pointe les différences de traitement entre ouvriers étrangers et ouvriers français sur le marché du travail. De fait, les travailleurs maghrébins sont principalement employés dans les professions les plus dures (gros œuvre, travail sur les chaînes de montage ou dans les forges, les fonderies, les cokeries, les aciéries…) et ils y occupent les postes les moins qualifiés. Dans le secteur du BTP, des statistiques de 1972 révèlent que les travailleurs maghrébins représentent 43 % des manœuvres alors qu’ils ne représentent que 11 % du total des salariés62.
22Mohamed évoque la « guitoune » qui lui sert de logement, Rabah le « vieux cinéma transformé en pièces » dans lequel il habitait. Comme eux, la plupart des travailleurs immigrés maghrébins de la JOC sont hébergés dans des conditions précaires. Mohamed et Brahim décrivent lors d’un meeting organisé par la JOC en 1974 l’entrepôt où ils ont habité un temps avec une centaine d’autres personnes :
« Selon la dimension des salles, nous étions entassés à 30, 40 personnes de différentes nationalités. Dans ces locaux : un poël à fuel, des lits superposés, des placards pour ranger à la fois nos habits, nos provisions et nos affaires de cuisine, et quelques tables. Pendant que les uns abrutis par le travail de nuit essayaient de trouver le sommeil, les autres, dans la même salle, préparent le repas63. »
23La « guitoune » de Mohamed et l’« entrepôt » de Mohamed et Brahim sont probablement des hébergements proposés par leurs employeurs dans le but de stabiliser leurs ouvriers64. Le cinéma dans lequel résidait Rabah appartient, lui, à la catégorie des garnis, ces « bidonvilles verticaux » pour reprendre l’expression de Marc Bernadot65. Ces garnis, ou hôtels-meublés, hébergent 70 000 célibataires algériens et 7 100 familles algériennes en 195866. Ils sont tenus le plus souvent par des Algériens, qui en font un commerce très lucratif. Les travailleurs y sont entassés à plusieurs par chambre, voire partagent le même lit. Rares sont cependant les témoignages de jocistes maghrébins hébergés en garnis à la fin des années 1960 et au début des années 1970, ce qui est à mettre en relation avec le fort déclin que connaissent les meublés dans les années 196067. Le plus souvent, ce sont dans des foyers de travailleurs immigrés ou d’apprentis qu’ils habitent. Parmi ces foyers, beaucoup sont gérés par la Sonacotral, Société nationale de construction pour les travailleurs originaires d’Algérie. Cette société d’économie mixte nationale est créée en 1956 pour « fournir des conditions résidentielles temporaires et au-dessous des normes de logement à des actifs seuls », avec le double objectif de contribuer ainsi à la résorption des bidonvilles et de limiter l’installation durable des travailleurs immigrés, qui n’ont pas le droit d’y vivre avec leur famille68. En 1966, on compte 69 foyers Sonacotra en service et les Maghrébins y représentent 77 % des résidents69. Ce système des foyers entre en crise à la fin des années 1960, ce qui se traduit notamment par des mouvements de grève des loyers. Les résidents dénoncent l’augmentation des loyers, les méthodes de gestion des gérants et les conditions de vie très dures dans les foyers70. Certains jocistes maghrébins sont partie prenante de ces mouvements de contestation, tels « Amar et ses copains » qui protestent auprès du directeur de leur foyer contre l’ouverture du courrier venant d’Allemagne.
24Si, à la JOC, c’est la figure du travailleur immigré venu du Maghreb et hébergé en foyer qui est la plus présente dans les archives consacrées aux jocistes musulmans sur la période 1960-1975, à la JOCF, ce sont les descendantes d’immigrés qui représentent l’immense majorité des jeunes maghrébines « rejointes » à ces dates. Muriel Cohen a consacré sa thèse à ces « familles invisibles » algériennes, présentes en France bien avant 1976 mais qui sont alors largement absentes de l’espace médiatique et politique et qui restent un angle mort de la recherche en sciences sociales71. Le premier essor de cette émigration familiale débute en 1947, à la suite de la loi portant statut organique à l’Algérie et par laquelle les Algériens deviennent citoyens français. En 1958, les conseillers techniques aux affaires musulmanes (CTAM) dénombrent 15 000 femmes algériennes en métropole72. Ce phénomène se poursuit après l’indépendance. Face à la désorganisation économique et politique qui règne alors en Algérie, de nombreuses femmes algériennes font le choix de migrer en France avec leurs enfants. Elles sont 38 000 en 1965, soit une croissance de l’ordre de 50 % en trois ans73. Cette migration est perçue négativement par l’État français. Alors que les accords d’Évian octroient officiellement la liberté de circulation à la population algérienne, les services administratifs de l’État vont s’appuyer sur l’argument du mal-logement pour limiter les arrivées de familles algériennes74. Un dispositif policier est mis en place pour surveiller les frontières et contrôler la légalité du séjour des familles en France75. Toutes ces mesures atteignent leur objectif : sur la décennie 1965-1975, l’immigration familiale algérienne progresse régulièrement mais ne dépasse pas 50 000 entrées par an, très loin des 450 000 entrées par an environ de familles portugaises au début des années 197076. Malgré ces fortes restrictions, la présence de familles algériennes en France est néanmoins une réalité dans les années 1960-1975. En parallèle de cette immigration familiale algérienne, les immigrations familiales tunisienne et marocaine prennent elles aussi leur essor à partir du début des années 1960. Moins contrôlées que l’immigration familiale algérienne, elles concernent une proportion plus importante de travailleurs77.
25Les jocistes issues de ces immigrations familiales en provenance du Maghreb sont toutes issues d’un milieu très populaire. Les plus jeunes sont scolarisées, généralement en CET (collège d’enseignement technique) ou en école ménagère. Les plus âgées sont ouvrières, souvent dans le secteur de la confection. Le fait que des jeunes femmes maghrébines occupent un emploi est encore peu fréquent à la fin des années 1960 et au début des années 1970. En 1973, seules 8,4 % des Maghrébines occupent un emploi78. Nous n’avons pas de chiffres précis pour la JOCF mais les jocistes maghrébines qui travaillent semblent proportionnellement plus nombreuses. Cet écart s’explique sans doute par un biais de recrutement – le mouvement « rejoint » plus facilement les jeunes femmes en usine que celles qui restent chez elles. Il s’explique également par le fait que les jocistes maghrébines ont majoritairement grandi et fait leurs études en France et sont donc plus nombreuses à travailler que les femmes de la génération de leurs mères, qui sont arrivées en France à l’âge adulte. Enfin, les archives évoquent quelques chômeuses parmi les jocistes maghrébines, ce qui nous rappelle que le chômage est une réalité pour les étrangers avant même la crise économique des années 1970. En 1974, au moment où débute la crise, le taux de chômage des étrangers est ainsi déjà de 8 %79, alors qu’il n’est que de 2,7 % au niveau national en 197280.
26Les jocistes maghrébines, qu’elles soient scolarisées, ouvrières ou chômeuses, vivent dans des quartiers populaires. Les comptes rendus des responsables jocistes donnent parfois des indications sur leurs lieux d’habitation, évoquant des « bidonvilles », des « cités d’urgence » ou des « cités de transit », qui sont effectivement des espaces où se concentrent les familles issues de l’immigration maghrébine dans les années 1960 et au début des années 1970. C’est à partir des années 1950 que l’on commence à parler de « bidonvilles » en France, même s’il existait avant cette date de l’habitat autoconstruit, par exemple dans la « zone » entourant Paris. Ce terme, importé des colonies françaises, est d’abord utilisé pour désigner l’habitat autoconstruit des Algériens à Nanterre puis son sens s’élargit à toutes les formes d’habitat autoconstruit et il remplace progressivement l’expression de « taudis », qui désignait depuis le xixe siècle les formes les plus dégradées de l’habitat81. Principalement peuplés de travailleurs isolés au départ, les bidonvilles constituent à partir du milieu des années 1950 un espace d’accueil pour les familles dont les arrivées augmentent. En mai 1958, sur 20 000 familles algériennes résidant en métropole, on en dénombre environ 1 900 en bidonville, ce qui représente environ 9 700 personnes, dont 1 400 personnes rien que dans la « région de Nanterre82 ». Dès la fin des années 1950, dans le contexte de la guerre d’Algérie, des tentatives étatiques de résorption des bidonvilles commencent à voir le jour à Nanterre pour lutter contre l’implantation du FLN dans ces quartiers83 mais la population des bidonvilles continue d’augmenter. Ce n’est finalement qu’au début des années 1970 que les plans de relogement, notamment vers les cités de transit, permettent une résorption effective des principaux bidonvilles84. Ces « cités de transit », de même que les « cités d’urgence », appartiennent à la catégorie des logements sociaux à norme réduite construits dans l’après-guerre pour répondre à la crise du logement et reloger les populations hébergées en habitat précaire. Les « cités d’urgence » sont rapidement construites en 1954, à la suite de l’appel de l’abbé Pierre, pour reloger des familles vivant en taudis85. Les « cités de transit », qui se situent dans la continuité des « cités de recasement » en Algérie86, apparaissent elles aussi au milieu des années 1950 pour reloger temporairement les familles mal logées. Au début des années 1970, le nombre de ces constructions augmente rapidement et cet hébergement s’impose alors comme le principal mode de relogement pour les familles algériennes des bidonvilles. Ces cités sont souvent construites avec des éléments démontables sur des charpentes métalliques. Elles sont conçues pour durer huit à dix ans mais les constructions s’avèrent fragiles et ne résistent guère à une dégradation rapide87. À Toulouse, la cité d’urgence de la Briqueterie est ainsi qualifiée de « cité très laide » par une responsable jociste88. À cette dégradation des bâtiments s’ajoute le fait que les objectifs initiaux d’action socio-éducative et de relogement rapide des familles dans des logements ordinaires s’avèrent être des « échecs coûteux » : le programme socio-éducatif est souvent très peu développé et les familles restent en moyenne bien plus longtemps que les deux à trois ans prévus initialement. Peu à peu, l’évolution des cités de transit, où habite une majorité de familles maghrébines, conduit ainsi au ghetto : dégradation du bâti, délinquance, stigmatisation, enfermement des habitants qui perdent le goût de changer de condition89.
27Des années 1960 au milieu des années 1970, nous avons donc principalement deux profils de jeunes musulmans à la JOC-F : à la JOC, des travailleurs migrants originaires des pays du Maghreb, employés sur les chantiers ou dans les usines et souvent hébergés en foyer ; à la JOCF, des jeunes femmes, lycéennes ou ouvrières, issues de l’immigration familiale maghrébine et qui habitent majoritairement dans des quartiers de relégation sociale (bidonvilles, cités de transit, etc.). Nous manquons d’archives à cette période pour l’ACE mais, comme à la JOCF, les enfants musulmans sont issus de l’immigration familiale maghrébine et habitent dans des quartiers de relégation sociale. C’est le plus souvent sur leurs lieux de vie ou de travail que ces jeunes entrent en contact avec les mouvements.
Une rencontre grâce à « l’entre-eux », dans un contexte où rares sont les propositions à destination des jeunes musulmans
« Alors nous on avait beaucoup de musulmans ici à la JOC puisque les copains appelaient leurs copains et donc du coup ils s’invitaient entre eux quoi, dans leurs copains donc y avait des jeunes musulmans90. »
28Ce que décrit Marceline Z., c’est le phénomène de l’« entre-eux », qui est au cœur de l’intuition de l’Action catholique spécialisée91. Les jeunes musulmans qui entrent à l’ACE et à la JOC-F sont donc le plus souvent invités par des camarades d’école ou de foyer, des voisins ou des collègues de travail. Dans un deuxième temps, ces jeunes font souvent venir leurs frères et sœurs, notamment à l’ACE, ou leurs « bandes » d’amis. Cet « entre-eux » est parfois provoqué, notamment à la JOC-F. En 1965, le troisième congrès mondial de la JOC-F à Bangkok décide ainsi officiellement de « mettre l’accent » sur les immigrés, injonction reprise par la JOC et la JOCF française qui mettent les immigrés à leur « Plan d’action missionnaire ». Des militants jocistes font alors le choix d’aller habiter dans des foyers de travailleurs migrants pour vivre l’« entre-eux » avec ces immigrés et leur proposer de s’organiser autour de revendications concrètes, dans un mouvement similaire à celui des militants marxistes et maoïstes qui investissent eux aussi ces foyers en mai 1968 pour tenter d’y promouvoir les notions de grève des redevances et de comité d’autogestion92. À Saint-Étienne, Jacques Jouham, jociste et séminariste « en recherche », décide, lui, d’aller habiter dans un quartier de baraquements :
« En 67, j’avais 25 ans […] et je travaillais, un CAP mécanique général, et je travaillais à Saint-Étienne et j’habitais Saint-Étienne, dans un camp, […] des baraquements en bois, où habitaient des mineurs de fond et leurs familles. Moi j’habitais une des baraques. Alors c’était des plus précaires, […] mais enfin tout le monde travaillait par contre, y avait pas de chômage. […] Et dans ce quartier, qui s’appelait la Girardière, à Saint-Étienne, j’étais avec un autre copain le seul Français du quartier. […] Tous les autres étaient des immigrés, les pères de famille travaillaient à la mine – les femmes travaillaient peu, à cette époque-là – dans les mines de charbon évidemment, et y avait des familles italiennes, des réfugiés politiques espagnols, Franco était pas mort, et puis un ou deux Polonais et des familles maghrébines. […] Et tout cet ensemble on avait, dans cet espèce de bidonville amélioré, une vie de village assez fraternelle, assez sympa. Y avait même une petite chapelle dans ces baraquements, que les prêtres de la paroisse venaient desservir de temps en temps, bon. Moi-même j’étais, à cette époque-là, donc en JOC. […] Alors j’ai vécu deux ans dans ce quartier, donc de 65 à 67, […] et quand je me suis installé avec mon copain dans ce quartier, dans ces baraquements, et bien le premier soir, y a un jeune, un gamin, qui nous a apporté un plateau avec le thé, etc., en signe de bienvenue dans le quartier, voilà. Et puis, on ne savait pas qui on était, alors on nous a appelés pendant les deux ans qu’on a vécu là, sachant qu’on avait fait des études, on a toujours été appelés les étudiants. […] Et on travaillait tous en usine, parce qu’après on a eu deux Espagnols avec nous, on était quatre. […] On était séminaristes, mais en arrêt j’allais dire, en insertion, en recherche […], parce que c’est pas toujours tout automatique. […] Mais on avait déjà fait un peu de séminaire. […] Et donc, le premier geste, c’est cette famille musulmane, qui est venue nous offrir le thé, donc sens de l’accueil qu’on a mesuré tout de suite. Puis de là, peu à peu, on était jeunes, ben on a tissé des liens avec les jeunes du quartier […]. Et notre souci était, ben oui, étant en JOC, ben de dire : “Tiens, pourquoi pas, invite tes copains.” On avait des temps forts, on a eu des meetings par exemple, moi je me souviens d’un meeting à la bourse du travail de Saint-Étienne, on les invitait, et eux ils ont découvert une JOC de masse pour les jeunes travailleurs, comme on dit à l’époque […]. Et des liens qui se sont affirmés très forts et ils ont pris toute leur place. On a fait une équipe JOC, jeunes, ici sur le quartier […] et donc y avait, je pense, Aziz, Miloud, etc., parce qu’avec eux, Aziz et Miloud, presque cinquante ans après, j’ai toujours des liens, on est restés amis. Moi j’avais une équipe […] de révision de vie, de réflexion, sur Saint-Étienne, avec d’autres, et mon comité d’action, ma carte de relations était sur le quartier. […] Y avait des rassemblements qui se faisaient pour la masse des jeunes travailleurs, alors là on les invitait et ils venaient93. »
29Pour faire découvrir la JOC aux jeunes de son quartier, Jacques Jouham les invite donc à des rassemblements ou à des meetings. Passé le premier contact, les militants jocistes utilisent en effet les « moyens » du mouvement pour faire connaître la JOC-F aux « jeunes travailleurs » maghrébins ou turcs : ils leur distribuent les revues « de masse » (Jeunesse ouvrière ou Vivre) ; ils les invitent à des temps forts qui mêlent revendications politiques et dimension festive (meetings, veillées internationales, veillées populaires, assemblées de masse, booms) ; ils leur font remplir des enquêtes ou des dossiers « immigrés » sur leurs conditions de vie et ce qu’ils aimeraient changer. À l’ACE, ce sont davantage par les activités ludiques que les enfants et leurs responsables font connaître le mouvement.
30C’est donc souvent par l’intermédiaire d’amis ou de connaissances, qui peuvent eux-mêmes s’appuyer sur les publications ou les temps forts des mouvements, que les jeunes issus de l’immigration maghrébine et turque découvrent l’ACE et la JOC-F. Michel Delberghe, aumônier ACE et JOC à Tourcoing dans les années 1980, le résume de la manière suivante :
« Ben par le bouche-à-bouche [sic], par les copains, par leurs amis, parce que ils allaient à l’école ensemble, parce que ils allaient en classe ensemble, parce que moi je circulais aussi dans le quartier donc je les connaissais […]94. »
31Dans son témoignage, il insiste sur l’importance de l’« entre-eux » mais il souligne aussi son rôle d’aumônier sur le terrain. Les prêtres, religieuses et religieux en monde ouvrier jouent en effet un rôle central dans l’accompagnement des jeunes des quartiers populaires, et parmi eux dans l’accompagnement des jeunes issus de l’immigration maghrébine et turque.
32Sœurs Élisabeth et Bernadette à Marseille ; sœurs Marie-Andrée et Françoise à Lyon ; sœurs Ambroise, Françoise et Marcelle à Mulhouse ; sœur Louis à Creil ; sœur Yvette à Flers, sœurs Cécile, Thérèse, Anne-Marie, Micheline, Michel-Marie et bien d’autres à Roubaix, sœur Claude à Saint-Claude… Ces religieuses appartiennent à des congrégations variées, souvent de petite taille : dominicaines de la Présentation, sœurs du Sauveur et de la Sainte Vierge ; sœurs du Saint Enfant Jésus (congrégation de Nicolas Barre) ; petites sœurs de l’Assomption ; filles du Saint-Esprit ; filles de la Charité de Saint-Vincent de Paul ; sœurs de l’Immaculée Conception de Saint-Méen ; petites sœurs de Jésus du père de Foucault ; sœurs du Prado, etc. Toutes ont en commun de vivre dans des quartiers très populaires pour « vivre leur solidarité dans toutes les dimensions du monde ouvrier au travail, dans le quartier, à l’école95 ». Engagées dans une « pastorale du quotidien96 », elles sont donc très attentives à créer des liens d’amitié avec leurs voisins et sont souvent invitées chez eux en retour. Leur appartement est ouvert à tous et il sert d’ailleurs souvent à accueillir les clubs de l’ACE ou les équipes jocistes. Beaucoup sont investies dans la vie de leur quartier, par exemple en militant à la CNL (Confédération nationale du logement) ou en assurant du soutien scolaire ou des cours d’alphabétisation. La plupart d’entre elles travaillent, comme enseignantes, infirmières, cantinières, femmes de ménage… Leur présence sur des périodes souvent très longues leur permet de gagner la confiance des autres habitants. Jacques Jouham, aumônier jociste à Lyon des années 1970 au début des années 1990, témoigne de ce rôle essentiel :
« Toutes les sœurs, dans les quartiers populaires, elles ont fait un travail énorme, […] et elles arrivaient avec leurs troupes de filles. Alors le téléphone n’existait pas, pratiquement […], mais elles passaient : “Tu te souviens, y a rassemblement cet après-midi ?”, […] et paf elles faisaient le lien machin et elles arrivaient avec quatre, cinq, six… Et puis après, les filles ou les gars, vachement contents […]. Mais on était là sans cesse pour remotiver, redire… Et puis elles allaient dans les familles, elles voyaient les parents. Et puis les sœurs, elles pouvaient voir les femmes. Donc nous, les hommes, on ne va pas […] dans les familles. […] Ça c’est le génie des sœurs, faut le faire, moi je leur tire mon chapeau, elles ont toujours habité, les sœurs proches du monde populaire, habité les quartiers les plus populaires. À Lyon, elles habitaient Mermoz, c’est le quartier le plus pauvre de Lyon, encore aujourd’hui97. »
33Trente ans après, Majid B., qui a fait de l’ACE et de la JOC à Mulhouse dans les années 1980, se souvient avec une émotion manifeste de sœur Marcelle :
« Elle [sœur Marcelle] nous invitait chez elle, boire un café, des petites limonades, puis elle était très très gentille. Et après elle nous invitait, Fripounet, à faire du découpage, et elle nous écoutait beaucoup. En fait elle nous écoutait beaucoup et le fait de nous écouter, de nous donner de l’importance… En fait elle nous aimait beaucoup, on le voyait, un peu comme une mère, et après on est resté avec elle : Perlin, Fripounet, et elle nous a fait découvrir la J.O.C. […] Mais d’ailleurs sœur Marcelle était venue chez chacun de nous. Chez tous les gars, […] elle est venue chez nous, elle a mangé chez nous, elle s’est assise chez nous, nos parents l’ont tout de suite cernée que c’était une femme gentille, qu’avait de bonnes intentions98. »
34Les religieuses apostoliques en monde ouvrier, par leur choix de vie dans les quartiers populaires, sont donc souvent le lien entre les jeunes issus de l’immigration maghrébine et turque et l’ACE ou la JOCF. À leurs côtés, quelques religieux – frères des écoles chrétiennes par exemple – et de nombreux prêtres en monde ouvrier assurent également cette fonction, plutôt auprès des garçons. Parmi ces prêtres en contact avec des jeunes maghrébins ou turcs à la JOC-F et à l’ACE, certains sont des prêtres-ouvriers, mais ceux-ci sont davantage actifs à l’ACO, où ils peuvent partager leur vie d’ouvrier avec d’autres adultes. La plupart sont donc des prêtres diocésains, que leur parcours personnel a amenés à se spécialiser dans l’apostolat auprès des jeunes de milieu populaire. À l’image de Jacques Jouham à Lyon, beaucoup ont fait de la JOC eux-mêmes avant d’entrer au séminaire. Gérard Vandevyver est un bon exemple de ces prêtres qui consacrent l’essentiel de leur vie aux mouvements catholiques ouvriers :
« Moi je suis prêtre depuis 1976, et j’ai été ordonné ici, à Wattrelos, à côté de Roubaix, et j’ai, jusque 2008, je n’ai jamais été curé de paroisse, j’ai jamais eu de responsabilités paroissiales, c’est la première que j’ai ici. Et donc, mon parcours, ça a été principalement avec les mouvements d’Action catholique. Et donc j’ai commencé par l’ACE, quand j’étais diacre en 75, et là j’ai travaillé pas mal avec Léon Sevin, frère Léon. Et puis à partir de 1980, j’ai été aumônier fédéral de la JOC, pour Roubaix/Tourcoing, pendant dix ans. Donc 80-90. Et après j’ai continué à Lille, six ans aumônier fédéral, j’étais rue des Meuniers, j’habitais là, et puis après, bon, j’ai toujours continué la JOC et puis j’ai été plus investi en ACO et j’ai été aumônier national de l’ACO de 2001 à 2008. Puis après je suis revenu sur Roubaix. Là où j’ai appris le métier de curé en plus du travail avec les mouvements d’Action catholique et la Mission ouvrière99. »
35Ces prêtres, religieux et religieuses en monde ouvrier, de part leur engagement dans la longue durée aussi bien au service des mouvements que dans les quartiers populaires, sont donc des acteurs importants de l’ACE et de la JOC-F auprès des jeunes issus de l’immigration maghrébine et turque. Ils parviennent d’autant plus à faire venir ces jeunes dans les mouvements que rares sont, dans les années 1960 et 1970, les propositions à destination des jeunes dans les quartiers populaires.
36Dans les entretiens, le constat que l’ACE et la JOC-F étaient les seules propositions régulières pour les jeunes, en dehors parfois des activités proposées par le centre social, revient en effet régulièrement. De fait, jusque dans les années 1980, le réseau associatif des quartiers populaires avec une forte composante immigrée est composé majoritairement de trois types d’associations : des associations villageoises structurées autour d’une région ou de quelques villages du pays d’origine ; des associations de solidarité avec les migrants ou de lutte pour leurs droits (FASTI…) et des associations de travailleurs organisés par nationalité, à l’image des Amicales encadrées par les pays d’origine avec des enjeux tournés vers ces pays100. Toutes ces associations s’adressent davantage à un public adulte, même si localement les Amicales peuvent être à l’initiative de propositions pour les plus jeunes. À Salon-de-Provence, à la fin des années 1960, l’Amicale des Algériens en Europe lance ainsi l’idée de créer une équipe de football. À la même période, à Creil, elle donne des cours d’arabe aux enfants de la cité du Moulin. La plupart du temps, les activités proposées sont cependant en décalage avec les attentes des adolescents et des jeunes adultes. Kira, jociste à Marseille au début des années 1970, en témoigne :
« Quand je leur ai parlé de la JOM [Jeunesse ouvrière musulmane], ils m’ont dit, pourquoi vous venez pas à l’Amicale, faut dire ce que vous attendez… mais je ne veux pas y aller toutes les semaines, il y a surtout des gens et puis c’est surtout de la détente101… »
37Ainsi, dans un contexte français où rares sont les propositions à destination des jeunes dans les quartiers populaires, des jeunes issus de l’immigration maghrébine et turque rejoignent des mouvements catholiques d’éducation populaire, amenés par leurs camarades ou par des aumôniers et religieuses apostoliques en monde ouvrier. Il est très difficile de quantifier l’importance de ce phénomène car les mouvements eux-mêmes ignorent précisément leur nombre.
La présence de jeunes musulmans à l’ACE et à la JOC-F, un phénomène difficilement quantifiable
38L’enquête « Photographie 78 », réalisée par l’ACE en 1978, « révèle que 3,22 % des enfants en club Monde Ouvrier sont musulmans102 » et que ceux-ci sont présents dans quasiment toutes les fédérations. Lors de cette même enquête, l’ACE comptabilise environ 23 000 clubs qui regrouperaient environ 170 000 enfants et elle estime à 45,3 % le nombre d’enfants en Monde ouvrier103. On aboutirait donc à environ 2 450 enfants musulmans fréquentant régulièrement ou ponctuellement l’ACE MO à la fin des années 1970. Nous ne savons pas quelle ampleur a eu cette enquête et nous ne pouvons donc pas évaluer la précision de ce pourcentage. Il doit de toute manière être pris avec beaucoup de précautions car l’ACE n’a pas de liste précise de ses membres. La création d’un club se fait souvent de manière assez informelle, grâce à la rencontre d’un adulte proche du mouvement avec des enfants ayant envie de faire des activités avec leurs amis. Des clubs peuvent donc exister sans avoir été officiellement déclarés au mouvement. De plus, lorsqu’un enfant commence à faire partie d’un club, il ne remplit pas de formulaire d’adhésion ni ne paie de cotisation et les enfants abonnés aux publications du mouvement sont une minorité. L’ACE ne peut donc procéder qu’à une évaluation indicative du nombre de ses clubs et de ses membres, grâce aux informations parfois incomplètes des fédérations. Cette évaluation est d’autant plus approximative que même les critères d’appartenance au mouvement sont flous : faut-il compter seulement les enfants membres réguliers d’un club ? Ceux qui viennent de temps en temps ? Ceux qui participent aux temps forts du mouvement comme la fête du jeu ? Il est probable que les chiffres donnés par l’ACE, qui se pense comme un mouvement de masse, soient plutôt des estimations hautes.
39À la JOC-F, environ 100 « Maghrébins » (parmi lesquels seulement 15 filles) sont dénombrés lors du rassemblement national Paris 67. Cela fait alors deux ans que la JOC et la JOCF évoquent au niveau national cette présence de jeunes issus de l’immigration maghrébine, signe que leur présence commence à être significative à l’échelle du mouvement. La faible présence des Maghrébines au rassemblement ne signifie pas nécessairement qu’il y a moins de jeunes maghrébins à la JOC-F qu’à la JOC mais plutôt qu’il a été plus difficile pour les jeunes filles maghrébines de s’y rendre. L’année d’après, en 1968, la JOCF fait le bilan suivant :
« Quelques équipes maghrébines : Clermont, Creil, Toulouse (+ beaucoup dans équipes françaises)104. »
40En 1972, la JOC dresse à son tour un état des lieux des fédérations qui ont des jocistes maghrébins. En additionnant les chiffres des fédérations, on arrive à un total de 146 Maghrébins, résultat auquel il faut ajouter les effectifs inconnus des sept fédérations qui indiquent uniquement « des maghrébins105 ». Il est de plus probable que toutes les fédérations concernées n’aient pas répondu. En 1977, une rencontre entre la JOC et la JOCF sur le thème de l’immigration donne lieu dans les deux mouvements à une nouvelle tentative de dénombrer les « Maghrébins ». La JOC estime alors qu’elle a « 15 à 20 groupes maghrébins106 », sans préciser combien de Maghrébins se retrouvent avec des jeunes d’autres nationalités. La JOCF avance de son côté le chiffre de 384 Maghrébines, sans donner de détails.
41Nous pouvons conclure de ces quelques estimations que, dans les années 1960 et 1970, la présence de jeunes musulmans à l’ACE et à la JOC-F est une réalité très minoritaire mais qui n’est pas anecdotique. Pour la JOC-F, une analyse systématique des documents d’archives nous permet d’esquisser une géographie de cette présence.
Carte 1. – Cartographie des agglomérations selon le nombre de documents d’archives mentionnant la présence de jocistes « musulmans », « maghrébins » ou « turcs » de 1965 à 1978.

Réalisation : Myriam Bizien Filippi.
42Cette carte ne prétend en aucun cas proposer une photographie exhaustive de la présence des jocistes musulmans car les fédérations ne produisent pas la même quantité de comptes rendus et ceux-ci ne sont certainement pas remontés de manière homogène jusqu’au siège national pour pouvoir ensuite être archivés. Elle met néanmoins en évidence une présence plus importante des jocistes issus de l’immigration maghrébine et turque dans le Nord, l’Est, la vallée du Rhône et le sud-est de la France, ainsi qu’en région parisienne. Ce constat est à mettre en lien avec la présence dans ces régions de nombreux migrants originaires des pays du Maghreb et de Turquie. En 1975, les régions Île-de-France, Rhône-Alpes, PACA, Nord-Pas-de-Calais, Alsace et Lorraine concentrent en effet 77,8 % des ressortissants algériens, marocains et tunisiens présents sur le territoire français107. Les données démographiques sur la répartition des populations originaires du Maghreb et de Turquie ne suffisent cependant pas à expliquer cette carte. Pour la comprendre, il faut également prendre en considération l’implantation de la JOC-F. L’agglomération lilloise, qui ressort nettement sur la carte, est à la fois un espace qui concentre les personnes originaires du Maghreb et un espace où la JOC-F est très présente. En 1971, Françoise Richou dénombre ainsi 21 fédérations de la JOC sur le département du Nord108. Mulhouse, Lyon ou la région parisienne sont également des espaces qui cumulent forte présence de personnes originaires du Maghreb ou de Turquie et implantation jociste importante. Marseille et sa région, qui apparaissent comme un pôle majeur pour les jocistes musulmans, compensent une implantation moyenne du mouvement par la forte présence d’une population musulmane, originaire du Maghreb. À l’inverse, Nantes se distingue par un maillage dense de groupes jocistes qui permet de toucher des jeunes issus de l’immigration maghrébine pourtant peu nombreux dans la région. La faible présence de jocistes musulmans dans le quart sud-ouest de la France s’explique quant à elle par la conjonction d’une faible implantation du mouvement et d’une faible présence de personnes originaires du Maghreb et de Turquie.
43Pour l’ACE, nous n’avons pas assez de documents d’archives énumérant les clubs concernés par la présence de jeunes musulmans pour établir une carte comparable à celle que nous avons produite pour la JOC-F. Néanmoins, les quelques indications géographiques que nous y trouvons, complétées par les entretiens menés, tendent à dessiner une géographie similaire à celle du mouvement jociste.
44Ainsi, à partir des années 1960 à la JOC-F et des années 1970 à l’ACE, des jeunes issus de l’immigration maghrébine et plus rarement de l’immigration turque sont « rejoints » par leurs camarades ou par des religieux, religieuses ou prêtres en monde ouvrier. Il est difficile de donner une estimation numérique précise de ce phénomène mais cela concerne des centaines de jeunes, majoritairement concentrés dans le Nord, la région parisienne, l’Est et le sud-est de la France. Ces jeunes ont en commun avec les autres membres de ces mouvements d’être issus d’un milieu populaire mais ils s’en distinguent par leur confession musulmane, même si la majorité d’entre eux ne sont que peu pratiquants. Confrontés à cette situation paradoxale d’avoir des membres musulmans au sein d’un mouvement catholique, les responsables de l’ACE et de la JOC-F mettent en place peu à peu des espaces pour réfléchir aux adaptations pratiques nécessaires et aux implications éthiques, pastorales et théologiques de cette présence.
Notes de bas de page
144 J 1420, « JOC, 45e Conseil national, Dijon, 9-10-11 novembre 1969, rapport moral présenté par Denis Castellarnau ».
2Gérard Cholvy, « Patronages et œuvres de jeunesse dans la France contemporaine », Revue d’histoire de l’Église de France, no 181, 1982, p. 235-256 ; Yvon Tranvouez, Catholicisme et société dans la France du xxe siècle…, op. cit., p. 17-41.
3Pierre Pierrard, Michel Launay et Rolande Trempé, La J.O.C. : regards d’historiens…, op. cit., p. 13-29.
4Sur ce fondateur de la JOC-F française : Pierre Pierrard, Georges Guérin : une vie pour la JOC, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1997.
5Sur les débuts de la JOC-F, cf. Joseph Debès et Émile Poulat, L’appel de la J.O.C. (1926-1928), op. cit., p. 15-70, 111-136 et 165-180.
6Anthony Favier, Égalité, mixité, sexualité…, op. cit., p. 23.
7Ibid., p. 26.
8Charles Molette, « L’association catholique de la jeunesse française comme mouvement », in Gérard Cholvy, Mouvements de jeunesse chrétiens et juifs. Sociabilité juvénile dans un cadre européen 1799-1968, Paris, Éditions du Cerf, 1985, p. 83-108 ; Alain-René Michel, « Mobilité sociale ou séparatisme ouvrier à l’ACJF », in Bruno Duriez, Étienne Fouilloux, Alain-René Michel, Georges Mouradian et Nathalie Viet-Depaule (dir.), Chrétiens et ouvriers en France (1937-1970), Paris, Les Éditions de l’Atelier, 2001, p. 291-301. Sur la « génération Léon XIII » : Yvon Tranvouez, Catholiques d’abord. Approches du mouvement catholique en France, xixe-xxe siècle, Paris, Éditions ouvrières, 1988, p. 59-80.
9Anthony Favier, Égalité, mixité, sexualité…, op. cit., p. 24-32. Pour avoir une vision synthétique, sous forme de schéma, de cette galaxie de l’Action catholique spécialisée : Yvon Tranvouez, « Le militant d’action catholique », in Bruno Duriez, Étienne Fouilloux et Denis Pelletier, Les Catholiques dans la République, 1905-2005, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 2005, p. 226.
10Anthony Favier, Égalité, mixité, sexualité…, op. cit., p. 28.
11Documentation catholique, t. XLIII, 969, 21 juillet 1946, col. 741-744.
12Yvon Tranvouez, Catholicisme et société…, op. cit., p. 82.
13Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire, Histoire religieuse de la France contemporaine, t. 3 : 1930-1988, Toulouse, Privat, coll. « Bibliothèque historique Privat », 1988, p. 32.
14Oissila Saaïdia, L’Algérie catholique : une histoire de l’Église catholique en Algérie, xixe-xxe siècles, Paris, CNRS Éditions, 2018, p. 225.
15Pierre Pierrard, Michel Launay et Rolande Trempé, La J.O.C. : regards d’historiens…, op. cit., p. 78.
16Ibid., p. 48 ; Anthony Favier, Égalité, mixité, sexualité…, op. cit., p. 107-112.
17Yvon Tranvouez, Catholicisme et société…, op. cit., p. 56 ; sur cette période, on pourra se reporter à des recueils de témoignages : Roger Beaunez, Jeannette Beaunez, Albert Bouche et al., Jocistes dans la tourmente : histoire des jocistes (JOC-JOCF) de la région parisienne, 1937-1947, Paris, Éditions ouvrières, 1989 ; Henri Bourdais, La JOC sous l’occupation allemande : témoignages et souvenirs d’Henri Bourdais, Paris, Éditions ouvrières, 1995 ; Michel Lagrée, « La JOC en zone occupée, d’après de nouveaux témoignages », in Jacqueline Sainclivier et Christian Bougeard (dir.), La Résistance et les Français : enjeux stratégiques et environnement social, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1995, p. 141-154.
18Cette chronologique n’est pas propre à la JOC-F. La plupart des mouvements de jeunesse catholique connaissent un essor important dans les années 1950 et atteignent le sommet de leur audience au début des années 1960, avant de voir leurs effectifs décroître. Étienne Fouilloux, Les chrétiens français entre guerre d’Algérie et mai 1968, Plans-sur-Bex, Parole et Silence, 2008, p. 260.
19Gérard Cholvy, Bernard Comte et Vincent Feroldi (dir.), Jeunesses chrétiennes au xxe siècle. Actes des journées d’étude de Lyon, 1er-2 mars 1990, Paris, Éditions ouvrières, 1991, p. 84.
20Les militants de la JOC sont encore majoritairement des personnels techniquement qualifiés de l’artisanat et de l’industrie. Anthony Favier, Égalité, mixité, sexualité…, op. cit., p. 73-76.
21Gérard Cholvy, Histoire des organisations et mouvements chrétiens de jeunesse en France : xixe-xxe siècle, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Histoire », 1999, p. 320-323 ; Alain-René Michel, « Mobilité sociale ou séparatisme ouvrier à l’ACJF »…, art. cité, p. 291-301.
22Denis Pelletier, La crise catholique…, op. cit., p. 89-90.
23Ibid., p. 91-92.
24Denis Pelletier, « L’identité jociste à l’épreuve des Trente Glorieuses »…, art. cité, p. 25-40.
25Sur ces crises et la résilience de la JOC-F, cf. Claude Prudhomme, « Les jeunesses chrétiennes en crise (1955-1980) », in Denis Pelletier et Jean-Louis Schlegel, À la gauche du Christ. Les chrétiens de gauche en France de 1945 à nos jours, Paris, Seuil, 2012, p. 323-340.
26Françoise Richou, La Jeunesse ouvrière chrétienne (J.O.C.) : genèse d’une jeunesse militante, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques sociales », 1997, p. 112.
27Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire, Histoire religieuse de la France contemporaine, t. 3, op. cit., p. 471.
28Anthony Favier, Égalité, mixité, sexualité…, op. cit., p. 66-68.
29Ibid., p. 102-103.
30Pierre Pierrard, Michel Launay et Rolande Trempé, La J.O.C. : regards d’historiens…, op. cit., p. 120.
31Anthony Favier, Égalité, mixité, sexualité…, op. cit., p. 104-105.
32Ibid., p. 105-106.
33Entretien avec Bernadette H. réalisé le 25 mars 2014 à Paris.
34L’expression est de Gabriel Bard, secrétaire général de l’Union des Œuvres dans les années 1920. Vincent Feroldi, « L’Union des Œuvres et la revitalisation des patronages, une réponse : Cœurs Vaillants », in Gérard Cholvy, Le patronage, ghetto ou vivier ?, Paris, Nouvelle Cité, 1988, p. 312.
35Sur la vie et l’œuvre du père Gaston Courtois : Agnès Richomme, Un prêtre, Gaston Courtois, Fils de la Charité (1897-1970), Paris, Union des Œuvres, 1971.
36Gérard Cholvy, Histoire des organisations et mouvements chrétiens de jeunesse en France…, op. cit., p. 172.
37Vincent Feroldi, La Force des enfants. Des Cœurs vaillants à l’ACE, op. cit., p. 231-238.
38Ibid., p. 178.
39Ibid., p. 171.
40Ibid., p. 206-207. Sur la place des prêtres dans les patronages : Yvon Tranvouez, Catholicisme et société…, op. cit., p. 17-41.
41Vincent Feroldi, La Force des enfants. Des Cœurs vaillants à l’ACE, op. cit., p. 210-211.
42Ibid., p. 212-215.
43Ibid., p. 245-246.
44Pierre Pierrard, L’Église et les ouvriers en France…, op. cit., p. 343.
45Vincent Feroldi, La Force des enfants. Des Cœurs vaillants à l’ACE, op. cit., p. 278-280.
46Ibid., p. 305-306.
47Nous disposons de très peu de chiffres sur les effectifs de l’ACE : en 1946, le centre national CV-AV est en contact avec 8 718 groupes Cœurs Vaillants et 8 457 groupes Âmes Vaillantes (Vincent Feroldi, La Force des enfants. Des Cœurs vaillants à l’ACE, op. cit., p. 198). En 1975, les effectifs avancés par le mouvement sont de 200 000 à 250 000 enfants présents lors des rassemblements annuels (ibid., p. 287), chiffres que Gérard Cholvy analyse comme en baisse significative par rapport à la période précédente (Gérard Cholvy, Histoire des organisations et mouvements chrétiens de jeunesse en France…, op. cit., p. 333). Cette baisse des effectifs continue par la suite : l’enquête de 1979 décompte environ 170 000 enfants. Ceux-ci ne sont plus que 70 000 en clubs en 1985 et 84 000 lors des rassemblements (Vincent Feroldi, La Force des enfants. Des Cœurs vaillants à l’ACE, op. cit., p. 307).
48Vincent Feroldi, La Force des enfants. Des Cœurs vaillants à l’ACE, op. cit., p. 296.
4945 J 331, « Notre responsabilité avec les travailleurs musulmans JOC JOCF ACO ACE mars 1971 ».
50Vincent Feroldi, La Force des enfants. Des Cœurs vaillants à l’ACE, op. cit., p. 280.
51Ibid., p. 296.
52Entretien avec Rabah H. réalisé le 31 janvier 2014 à Villetaneuse.
53Ralph Schor, Histoire de l’immigration en France de la fin du xixe siècle à nos jours, op. cit., p. 204-205.
54Marie-Claude Blanc-Chaléard, Histoire de l’immigration, Paris, La Découverte, 2001, p. 61-68.
55Abdelmalek Sayad, « Les trois “âges” de l’émigration algérienne en France », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 15, juin 1977, p. 59-79.
56Ibid., p. 66.
57Ibid., p. 69.
58Ibid., p. 67.
59Emmanuel Blanchard, Histoire de l’immigration algérienne en France, op. cit., p. 75.
6044 J 1420, « JOC, 45e Conseil National, Dijon, 9-10-11 novembre 1969, rapport moral présenté par Denis Castellarnau ».
61Belkacem Hifi, L’immigration algérienne en France, origines et perspectives de non-retour, Paris, L’Harmattan/CIEM, coll. « Recherches universitaires et migrations », 1985, p. 192.
62Ibid., p. 192-193.
6345 J 329-330, « Témoignage de Mohamed et Brahim (Compiègne). Meeting “Jeunes du monde ouvrier dans la société” ».
64Marc Bernardot, Loger les immigrés. La Sonacotra 1956-2006…, op. cit., p. 33-35.
65Ibid., p. 66.
66Muriel Cohen, Des familles invisibles…, op. cit., p. 111.
67Alain Faure et Claire Lévy-Vroelant, Une chambre en ville. Hôtels meublés et garnis à Paris 1860-1990, Grane, Creaphis, 2007, p. 265.
68Marc Bernardot, Loger les immigrés. La Sonacotra 1956-2006…, op. cit., p. 15-18.
69Ibid., p. 81.
70Marc Bernardot, Loger les immigrés. La Sonacotra 1956-2006…, op. cit., p. 106-111.
71Muriel Cohen, Des familles invisibles…, op. cit., p. 2-11.
72Ibid., p. 57.
73Ibid., p. 227.
74Ibid., p. 246-262.
75Ibid., p. 289-300.
76Ibid., p. 303.
77Ibid.
78Louis Dirn, Louis Chauvel, Michel Forcé, Henri Mendras et Laurent Mucchielli, « Chronique des tendances de la société française », Revue de l’OFCE, no 60, 1997, p. 79-106.
79Ralph Schor, Histoire de l’immigration en France de la fin du xixe siècle à nos jours…, op. cit., p. 241.
80Edmond Malinvaud, « Les causes de la montée du chômage en France », Revue française d’économie, 1-1, 1986, p. 50-83.
81Françoise de Barros, « Les bidonvilles : entre politiques coloniales et guerre d’Algérie », Métropolitiques, 5 mars 2012, [https://www.metropolitiques.eu/Les-bidonvilles-entre-politiques.html], consulté le 9 septembre 2022.
82Muriel Cohen, Des familles invisibles…, op. cit., p. 109-111.
83Ibid., p. 170-174.
84Marie-Claude Blanc-Chaléard, En finir avec les bidonvilles…, op. cit., p. 329-348.
85Muriel Cohen, Des familles invisibles…, op. cit., p. 134.
86Ibid., p. 136-142.
87Marie-Claude Blanc-Chaléard, En finir avec les bidonvilles…, op. cit., p. 350-352.
8845 J 333, « Octobre 1968. Toulouse sud CR sur le démarrage d’une équipe de musulmanes par une militante italienne à l’occasion de la préparation du 9 juin ».
89Marie-Claude Blanc-Chaléard, En finir avec les bidonvilles…, op. cit., p. 353-360.
90Entretien avec Marceline Z. réalisé le 18 novembre 2014 à Martigues.
91Joseph Debès et Émile Poulat, L’appel de la J.O.C. (1926-1928), op. cit., p. 38.
92Marc Bernardot, Loger les immigrés. La Sonacotra 1956-2006…, op. cit., p. 110.
93Entretien avec Jacques Jouham réalisé le 28 mai 2015 à Villeurbanne.
94Entretien avec Michel Delberghe réalisé le 5 avril 2014 à Lille.
95Commission nationale des religieuses en mission ouvrière, « Les religieuses en classe ouvrière font le point », 1979. Cité dans Julien Potel, Portes ouvertes chez les religieuses, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 88.
96Anne Sizaire, Religieuses apostoliques aujourd’hui. Des femmes presque comme les autres, Paris, Desclée de Brouwer, 1999, p. 17.
97Entretien avec Jacques Jouham réalisé le 28 mai 2015 à Lyon.
98Entretien avec Majid B. réalisé le 27 février 2014 à Mulhouse.
99Entretien avec Gérard Vandevyver réalisé le 5 avril 2014 à Roubaix.
100Catherine Wihtol de Wenden et Rémy Leveau, La Beurgeoisie : les trois âges de la vie associative issue de l’immigration, op. cit., p. 30-33.
10145 J 331, « Tournée sur Marseille 3-4 mars 1973 ».
10245 J 338, « ACE MO Commission du Laïcat du 20 et 21 Mars 1980. Les immigrés de religion musulmane ». Je n’ai pas eu accès aux résultats de cette enquête en dehors de la mention qui en est faite à l’occasion de cette commission.
103Vincent Feroldi, La Force des enfants. Des Cœurs vaillants à l’ACE, op. cit., p. 305.
10445 J 329-330, « JOCF et immigration Septembre 68 ».
10544 J 1207, « Présence de jeunes travailleurs immigrés – au 14/05/1972 ».
10645 J 332, « Rencontre immigration JOC-JOCF 1er décembre 1977 ».
107Ralph Schor, Histoire de l’immigration en France de la fin du xixe siècle à nos jours…, op. cit., p. 210. La région parisienne concentre alors 384 735 ressortissants algériens, tunisiens et marocains (34,6 % de ces ressortissants en France), la région Rhône-Alpes 174 510 (15,8 %), la région PACA 140 845 (12,7 %), le Nord-Pas-de-Calais 82 485 (7,4 %) et l’Alsace et la Lorraine 81 450 (7,3 %).
108À titre de comparaison, la Loire compte cinq fédérations. Françoise Richou, La J.O.C.F. dans l’Ouest…, op. cit., p. 186.

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