L’emprise du travail néolibéral au Chili
Continuités et résistances à trois niveaux d’analyse
p. 115-128
Texte intégral
Introduction
1Le Chili est souvent reconnu comme un laboratoire du néolibéralisme, d’abord expérimenté et structuré sous la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), et consolidé avec le retour à la démocratie représentative après 19901. Cependant, à l’aune des mobilisations sociales contestataires depuis les années 2000 et des journées massives de protestation contre les inégalités sociales en 2019, ce modèle de société, fortement ancré dans les institutions, est de plus en plus remis en question dans ses fondements mêmes. Le processus constituant en cours marque un point d’inflexion qui accélère la recomposition des forces politiques après une décennie d’alternances au pouvoir. Cependant, une analyse centrée dans le domaine politico-institutionnel ne rendrait pas compte de la dynamique d’ensemble qui traverse la société chilienne. Pour contribuer à cet éclairage, cette contribution aborde la trajectoire récente du monde du travail en tant qu’analyseur des continuités et des résistances au modèle néolibéral de société2.
2Domaine structurant de la vie sociale, le monde du travail a été modelé en profondeur par les transformations néolibérales depuis la fin des années 1970. Pourtant, l’emprise du néolibéralisme dans la régulation du travail ne détermine totalement ni les pratiques collectives à l’œuvre ni le rapport au travail des individus. Contrastée, la réalité du travail est examinée dans cette contribution au travers de trois niveaux d’analyse, abordés respectivement dans ses sections successives. Au niveau « macro », nous analysons la continuité d’une définition néolibérale du travail, cristallisée sur le plan juridique. À l’échelle « méso », nous constatons les contrastes de la redynamisation de l’action syndicale, sur fond de fragmentation des classes travailleuses. Finalement, à l’échelle « micro », une critique démocratique du travail se révèle derrière l’expérience répandue de la précarité, mais qui reste difficile à mettre en commun. Ce mode d’analyse n’est pas seulement un choix méthodologique, mais une interprétation de la manière dont le travail se configure au cœur de la société chilienne.
Contours et trajectoire du travail néolibéral
3Le travail néolibéral correspond à la configuration juridique introduite en 1979 à travers le « Plan du travail », un ensemble de décrets-lois remplaçant les normes en vigueur depuis les années 1930 et qui persiste après la transition politique de 1990. Il articule la flexibilité des conditions individuelles d’emploi et la rigidité des contraintes pesant sur l’action syndicale, selon une double logique qui est à la base de « l’économie sociale de marché » prônée par les économistes néolibéraux3.
4L’ancienne régulation (1930-1973) se caractérisait à la fois par l’encadrement juridique des relations de travail, l’intervention de l’État, notamment sur le plan collectif, et la segmentation entre « ouvriers » et « employés » en matière de sécurité sociale et de syndicalisation4. À l’inverse des employés, la législation rendait la syndicalisation obligatoire pour les ouvriers et limitait leurs négociations syndicales au périmètre de l’entreprise. Sous le gouvernement de la Démocratie chrétienne (1964-1970), l’État reconnaît les syndicats agricoles et renforce par ailleurs la stabilité de l’emploi à travers la loi 16.455 de 1966, dite « loi d’inamovibilité5 ».
5Durant le bref gouvernement socialiste de l’Unité populaire (1970-1973), la position relative des classes travailleuses se voit notamment améliorée au travers de l’élargissement du cadre de la négociation collective, de la participation ouvrière à la direction des entreprises passées sous le contrôle de l’État, et des expériences de contrôle ouvrier au niveau local mises en place dans les « cordons industriels6 ». Ce processus est interrompu par le coup d’État de 1973 et l’instauration de la dictature militaire (1973-1990).
6L’hégémonie néolibérale ne s’ancre véritablement au sein du régime de Pinochet qu’à partir de 1975 avec l’arrivée des économistes néolibéraux – les « Chicago boys » – aux postes-clés de l’administration. S’appuyant sur cette doctrine, le « Plan du travail » de 1979 refonde entièrement le code du travail de 1931, et avec lui l’ensemble des garanties et droits collectifs qui avaient été suspendus dès le lendemain du coup d’État. Le plan en question consacre la « flexibilité » de divers aspects clé du travail, dont les journées, les salaires, les modes d’embauche et le licenciement – une fois dérogée la loi d’inamovibilité. Cette flexibilité sera unilatéralement imposée par les employeurs, a fortiori en présence de forces syndicales très diminuées. En effet, le Plan du travail instaure un syndicalisme d’entreprise qui diminue considérablement le pouvoir des syndicats. Ces derniers ne sont plus les titulaires exclusifs des négociations collectives, lesquelles sont désormais cadrées explicitement au niveau de l’entreprise. Le droit de grève subit d’importantes limitations, dont la possibilité pour l’employeur de remplacer les travailleurs grévistes. Cette redéfinition juridique situe le travail à l’intérieur d’un espace économique reconfiguré à l’image du marché et de sa discipline, limitant l’action syndicale à une fonction économique, tout en amputant sa dimension de mouvement social7.
7En diminuant radicalement les coûts du travail, la nouvelle régulation prépare la transformation capitaliste des années 1980, centrée à la fois sur l’exportation de matières premières et sur le secteur financier, qui sera le grand bénéficiaire de la privatisation des droits sociaux (retraite, santé, éducation). La Constitution de 1980 facilitera le maintien de ces transformations économiques après la dictature. En effet, la Constitution fixe les termes dans lesquels se déroule la transition politique de 19908, tout en définissant un régime de démocratie restreinte qui se met alors en place, caractérisé par une série d’institutions autoritaires limitant, en partie, les réformes postdictature9.
8Or, au-delà de ces institutions autoritaires, les gouvernements successifs de la « Concertation » (1990-2010), coalition regroupant principalement la Démocratie chrétienne et le Parti socialiste, ont consolidé à la fois les dynamiques de marché et le rôle économique subsidiaire de l’État, en conjuguant l’élargissement des privatisations et de l’ouverture commerciale à une politique sociale limitée à la gestion de l’extrême pauvreté. Ainsi, l’importance attribuée par la Concertation au monde du travail dans son projet de consolidation démocratique10 s’épuise rapidement. D’une part, les expériences de « concertation sociale » entre les représentants de l’État, du patronat et des travailleurs disparaissent après le premier gouvernement post-transition (1990-1994). D’autre part, un projet de loi pour amplifier le cadre des négociations collectives échoue au Parlement à la fin des années 1990, du fait de l’opposition de droite et de certains sénateurs de la Concertation, révélant au passage les clivages idéologiques internes à cette coalition11. Tout en maintenant le statu quo en matière de droits collectifs des travailleurs, la réforme de 2001 accentue la flexibilité de l’emploi, en organisant la protection des droits des travailleurs à l’échelle strictement individuelle.
9Lors du premier mandat de Michelle Bachelet (2006-2010), le dernier de la Concertation, la sous-traitance et l’intérim sont régulés dans le même sens, mais cette fois-ci dans un contexte marqué par le retour de l’action collective – absente dans les années 1990. En effet, après la mobilisation des lycéens contre les inégalités scolaires en 200612, les grèves de travailleurs en sous-traitance du secteur exportateur de 2007 et 2008 relancent le débat autour des inégalités au travail (brèches salariales, statuts précaires, fragilité des droits collectifs). Le gouvernement met alors en place une commission technique de consultation, dénommée « Travail et équité », qui recentre le débat public sur le rôle de la flexibilité dans la lutte contre le chômage et la création d’emplois13.
10L’épuisement du projet politique de la Concertation et l’absence d’alternatives électorales aux deux grandes coalitions favorisent (entre autres facteurs) le retour au pouvoir d’une coalition de droite, conformée par les partis Union démocrate indépendante et Rénovation nationale14, avec à sa tête le milliardaire Sebastián Piñera. Cependant, élu sur la promesse d’une forte relance économique, ce gouvernement fait rapidement face à l’accroissement de l’action collective contestataire, dont l’incarnation la plus importante correspond aux mobilisations étudiantes contre la marchandisation de l’éducation supérieure de 201115. Mais à l’instar de celle-ci les protestations restent toutefois dépourvues d’expression politique autonome aux partis traditionnels.
11Cette reprise de l’action collective et la façon dont elle se configure, expliquent, en partie, le retour au pouvoir de Michelle Bachelet (2014-2018) avec l’appui de la « Nouvelle majorité », une coalition inédite dans l’histoire du pays, rassemblant l’ancienne Concertation et le Parti communiste sur la base d’un projet de réformes importantes, dont une politique de gratuité de l’accès à l’université, une réforme tributaire progressive, l’élaboration d’une nouvelle Constitution et une nouvelle réforme du code du travail. Ce projet sera néanmoins mis à l’épreuve tant par le recours de la droite au tribunal constitutionnel que par les tensions internes à la coalition autour de l’ampleur et la profondeur des réformes. En témoigne la dernière réforme du code du travail visant à élargir les capacités des syndicats lors des négociations collectives, mais dont le résultat s’avère pour le moins mitigé. D’une part, on interdit définitivement le remplacement de travailleurs grévistes, mais ces derniers se voient obligés d’assurer un service minimum pour leur entreprise. D’autre part, le tribunal constitutionnel a jugé inconstitutionnelle la requalification des syndicats comme étant les titulaires exclusifs aux négociations collectives, malgré son approbation préalable au Parlement.
12Sur fond d’abstention considérable et de forte division entre la « Nouvelle majorité » et une nouvelle coalition de gauche baptisée le « Front large » et issue pour partie des mouvements sociaux des années 2010, Sebastián Piñera (2018-2022) est à nouveau élu au sommet de l’État, mais son gouvernement devra rapidement faire face aux mobilisations populaires les plus importantes que le pays ait connues depuis 1990. Alors qu’on assiste en 2018 à l’irruption d’un mouvement féministe conséquent contre les diverses formes de violence de genre (du harcèlement aux féminicides), à partir d’octobre 2019 les mobilisations étudiantes contre l’augmentation du prix du ticket du métro débouchent sur des journées de protestations massives contre la privatisation des droits sociaux (retraite, santé, éducation) et les bas salaires, étant à la base de la précarisation de la vie quotidienne de la plupart de la population. En dépit de la répression de la police, mais aussi des forces armées, appelées à rétablir l’ordre pour la première fois depuis la fin de la dictature, les protestations se prolongent massivement jusqu’à décembre pour diminuer progressivement jusqu’à l’arrivée de la pandémie en mars 2020.
13La crise politique est atténuée par l’accord passé en novembre 2019 entre des représentants du gouvernement et de l’opposition, qui fixe une « feuille de route » pour changer la Constitution de 1980. La première étape est le référendum d’octobre 2020, qui a massivement entériné l’idée de l’élaboration d’une nouvelle Constitution par une Convention constituante assurant une représentation paritaire hommes et femmes et des sièges réservés aux peuples originaires16. Et de fait, la conformation de cette dernière après l’élection de mai 2021 met en jeu des clivages relativement inédits qui semblent confirmer l’avènement d’un nouveau cycle politique, l’hégémonie exercée autrefois par la droite et la Concertation cédant le pas à une alliance de gauche rassemblant le Front large et le Parti communiste, ainsi qu’une majorité de sièges occupés par des candidatures indépendantes des partis politiques.
14La recomposition politique qu’a connue le Chili depuis 2010 s’opère ainsi sur la base d’une remise en question progressive du modèle néolibéral de société, mais celui-ci n’en reste pas moins solidement ancré dans les institutions. Malgré quelques changements mineurs, force est de constater la permanence de la définition juridique du travail néolibéral : la flexibilité de l’emploi s’est approfondie et les restrictions aux droits collectifs demeurent depuis 1990. À cet égard, les projets de réforme ont été largement élaborés dans le cadre du syndicalisme d’entreprise imposé par le Plan du travail de 1979. La persistance de cette définition du travail répond à différents facteurs. Parmi les plus importants, on trouve les institutions autoritaires consacrées par la Constitution de 1980 déjà mentionnées et leurs effets sur la configuration du politique, notamment la configuration d’une pratique du pouvoir dominée par le consensus entre les deux principales forces politiques dès 1990 (la droite et la Concertation), où les principes néolibéraux sont devenus transversaux au fur et à mesure qu’elles se sont détachées des bases de la société. C’est cette même configuration qui entre ouvertement en crise avec la révolte populaire de 2019, après une décennie de mobilisations sociales.
15Reste que la configuration du système politique ne saurait expliquer à elle seule cette continuité du travail néolibéral. Les autres facteurs à prendre en compte renvoient d’une part à l’inégalité du rapport de forces entre patronat et syndicats, et d’autre part à la transformation culturelle du travail, dont témoigne l’expérience subjective du travail. Les sections suivantes sont donc dédiées à ces deux derniers facteurs.
Fragmentation du monde du travail et redynamisation syndicale
16Les transformations néolibérales ont affecté différemment entrepreneurs et travailleurs. Principal bénéficiaire de la privatisation de l’appareil industriel de l’État, des subventions publiques à l’exploitation des matières premières et de la marchandisation des droits sociaux, le grand patronat est conformé par un petit nombre de groupes économiques, organisés à travers des réseaux familiaux et de sociétés financières qui contrôlent les grandes entreprises du pays. Ces groupes ont été à l’avant-garde de la transformation capitaliste entreprise dès les années 1980 et articulée autour de l’exportation des commodities et la croissance du secteur financier, au détriment des industries centrées sur le marché national, le tout sur fond de rationalisation productive qui passe largement par la sous-traitance. Après 1990, le grand patronat consolide sa position dominante grâce à la poursuite des privatisations dans le secteur public (directes ou à travers des concessions d’exploitation) et à la multiplication d’accords de libre-échange, ainsi que son articulation avec le capital transnational dans des secteurs-clés de l’économie17. Outre l’influence qu’il exerce sur le système politique, l’hégémonie du patronat s’étend vers le champ culturel à travers le monopole des médias privés (journaux, radio, télévision) et le contrôle financier d’institutions académiques (universités privées et think tanks). Regroupé dans la Confédération de la production et du commerce (CPC), le grand patronat a soutenu la consolidation du travail néolibéral depuis 1990.
17Toute autre est la trajectoire du monde du travail. Après la proscription de la Centrale unique de travailleurs (CUT, fondée en 1953) au lendemain du coup d’État et sous le couvert de la répression politique de la dictature, la transformation capitaliste des années 1980 provoque une désarticulation durable du mouvement syndical, ainsi que des conditions de socialisation et d’interaction politiques ordinaires au travail. D’une part, la nouvelle stratégie de développement entraîne la disparition d’une grande partie de l’industrialisation protégée par l’État depuis les années 1930, accélérant la déstructuration du mouvement ouvrier. Dans le même temps, la reconstitution de grandes propriétés destinées à l’agro-industrie exportatrice porte un coup important à un mouvement paysan déjà affaibli18. D’autre part, l’imposition d’un syndicalisme d’entreprise et l’encadrement des négociations collectives accentuent la fragmentation des classes travailleuses produite par la généralisation de la sous-traitance et d’autres formes de flexibilité de l’emploi19.
18Dans ces conditions, la CUT (Centrale unitaire de travailleurs) est refondée de facto en 1988, à partir des référents syndicaux résistant à la répression politique et jouant un rôle important dans l’appel aux mobilisations sociales contre la dictature, notamment après la crise économique de 1982-1983. Or, cette refondation prend place dans un contexte marqué par le référendum donnant lieu à la transition politique et par la réarticulation des partis politiques à l’origine de la « Concertation », lesquels exercent une influence déterminante sur la centrale syndicale à travers, entre autres, le syndicaliste démocrate-chrétien, Manuel Bustos, qui deviendra le président de la CUT (1988-1996). En effet, pendant le premier gouvernement postdictature (1990-1994), la CUT est appelée par les élites de la Concertation à contribuer à la légitimité du processus de transition politique, contribution qui prendra deux formes. D’une part, la modération à la fois des mobilisations syndicales et des attentes du monde du travail vis-à-vis des réformes, notamment l’idée – refusée par la Concertation – de réintroduire l’ancien code du travail de 1931. D’autre part, la participation de la CUT aux expériences tripartites de « concertation sociale », avec la CPC et des représentants de l’État, donnant lieu à des « accords-cadres » qui sont à la base des réformes de travail, permettant, entre autres, l’établissement d’un SMIC et la légalisation de la centrale syndicale en 1991, mais sans modifier le centre du « Plan du travail » de 197920.
19Or, outre l’influence politique de la Concertation, la représentation incarnée par la CUT s’érige sur la base d’une déstructuration profonde du monde du travail résultant des transformations néolibérales, ce qui limite ses chances objectives d’articulation et de mobilisation collectives. En fait, le taux de syndicalisation – s’élevant à 19,2 % au début de la transition – diminue progressivement au cours des années 1990, alors que la flexibilité de l’emploi se généralise au profit de la fragmentation des collectifs de travail. Partant de cette fragmentation et sous l’effet de l’hégémonie dans ses rangs de la Concertation (1988-2012) puis du Parti communiste (depuis 2012), la CUT a privilégié la négociation politique plutôt que la mobilisation collective pour faire avancer les droits collectifs au travail.
20Cependant, on voit émerger vers la fin des années 2000, de nouveaux référents syndicaux qui portent un discours critique des pratiques de la CUT. C’est en particulier le cas de la Confédération de travailleurs du cuivre (CTC), qui regroupe des salariés en sous-traitance de l’exploitation minière et de l’Union portuaire du Chili (UPCh), le syndicat national des dockers. Ces nouveaux syndicats se sont forgés lors des grèves menées entre 2006 et 2008 puis en 2014 pour négocier directement avec les donneurs d’ordre de leurs employeurs respectifs. Rappelons que la négociation collective est fixée au niveau de l’entreprise et toute négociation dépassant ce cadre doit compter sur l’accord des employeurs impliqués, mais les entreprises avaient jusque-là systématiquement refusé de négocier avec des salariés qui ne sont pas les « leurs », c’était le cas de la sous-traitance dans le secteur minier et de l’emploi portuaire intermittent21. Cependant, entre 2006 et 2008, ainsi qu’en 2014, les syndicats ont fini par imposer la négociation collective de large portée, à force de manifestations et de grèves, ainsi que d’occupations ou encore de blocages des lieux de travail. Cela a permis l’adoption de régulations spécifiques et des accords ratifiés par les parties prenantes pour améliorer les conditions de travail (salaires, sécurité, entre autres). C’est par exemple le cas des « accords-cadres » établis entre la CTC et deux des principales donneuses d’ordre du secteur du cuivre, à savoir, l’entreprise publique CODELCO en 2007, puis l’AngloAmerican en 2014, et de la loi dite « courte » du secteur portuaire de 2014, à la suite des négociations entre l’UPCh, la Chambre maritime (le patronat du secteur) et l’État22.
21Générant des fissures importantes dans l’hégémonie du travail néolibéral, ces expériences n’ont pas seulement relancé le débat autour des inégalités au travail, elles sont aussi à l’origine d’une redynamisation de l’action syndicale, bien qu’elle s’avère très hétérogène sous différents aspects. En matière de syndicalisation, on constate une augmentation des adhésions depuis 2006 (s’élevant à 20,6 % en 201723), mais dans des syndicats de moindre taille : 50,5 % des syndicats ont moins de 37 membres, contre 8,5 % qui en ont plus de 200. De plus, la syndicalisation varie selon les secteurs d’activité : elle est plus importante dans le secteur financier (29 %), le transport (27,3 %), l’exploitation minière (22 %) et les services d’énergie (22 %) et de santé (23 %), mais pour le reste – dont l’industrie et le commerce – elle se situe en dessous de la moyenne nationale24. On constate une évolution similaire, c’est-à-dire positive, mais très limitée, du taux de couverture des conventions collectives, qui passe de 4,7 % à 6,9 % du salariat entre 2005 et 201525.
22Un constat analogue s’impose en matière de grèves. Si d’une façon générale ces dernières augmentent de 231 à 464 par an entre 2006 et 2016, les grèves dites « extra-légales », c’est-à-dire menées en dehors du cadre de négociation collective fixé par la loi, sont devenues plus nombreuses et massives que les grèves dites « légales », et même prédominantes dans le transport, l’agriculture et la pêche. Les secondes se concentrent quant à elles dans l’industrie et le secteur financier. Par ailleurs, un autre clivage important s’est donné à voir sur cette même période : tandis que les grèves menées dans le secteur privé ont pour principal leitmotiv la question salariale (62,1 %), celles affectant le secteur public portent davantage sur l’organisation et les conditions du travail. En outre, si la plupart des épisodes de grève ont en commun de se cantonner à l’échelle locale, c’est bien plus important dans le privé (9/10 des cas) que dans le public26.
23Ces éléments révèlent combien la redynamisation syndicale demeure fragmentée. En effet, les contrastes entre les secteurs d’activité et sa portée statistique encore limitée par rapport à l’ensemble de la force de travail expliquent, pour partie, la difficulté des syndicats à construire à la fois des articulations larges et stables et des mobilisations collectives concertées sur un plan interrégional ou national. Ce sont là des effets concrets du travail néolibéral, en tant que cadre normatif qui renforce le morcellement du monde du travail et fragilise sa représentation devant l’hégémonie du grand patronat. Pourtant, ce n’est pas un cadre indépassable, comme en témoignent la portée des négociations collectives évoquées dans le secteur exportateur et la place conquise par les grèves extra-légales dans les conflits liés au travail.
24L’action syndicale trouve un nouvel élan lors de la révolte populaire de 2019, où la massivité des protestations sociales contribue à l’adhésion de syndicats de divers secteurs à des « grèves générales » convoquées par « Unité sociale » (Unidad Social), une instance de coordination qui rassemble des syndicats (dont la CUT) et différents mouvements sociaux27. Ces grèves générales28, tout particulièrement celle de novembre 2019, ont joué un rôle déterminant pour accélérer la mise en place du processus constituant par les élites politiques. Pour autant, les syndicats n’ont pas été capables de s’imposer comme des acteurs importants dans la conduite de ces protestations. Celles-ci se sont prolongées de manière assez désarticulée jusqu’à l’arrivée de la pandémie en mars 2020, moment où de nouveaux réaménagements à la loi du travail ont vu le jour en dépit de l’opposition des syndicats29. La situation reste donc contrastée : d’un côté, si le travail néolibéral reste d’actualité, il ne détermine pas entièrement l’action collective ; de l’autre, malgré la redynamisation de cette dernière, le monde du travail demeure dans un état de fragmentation important.
L’expérience subjective du travail : démesure et attentes démocratiques
25L’analyse de la trajectoire du travail au Chili depuis la dictature serait incomplète sans prendre en compte son expérience subjective, révélatrice des effets culturels des transformations économiques vécues par le pays. Suivant l’analyse de Kathya Araujo et Danilo Martuccelli, l’expérience du travail se caractérise par la perception généralisée de la « démesure », c’est-à-dire des exigences professionnelles qui s’imposent et impliquent la transgression continue des limites individuelles tant physiques que psychologiques30. Démesure qui se traduit par une injonction permanente à la mobilisation personnelle pour assurer de la stabilité matérielle, dans un contexte marqué à la fois par la privatisation des droits sociaux et un marché du travail fondamentalement précaire.
26En effet, même si le salariat reste le statut d’emploi majoritaire (64 %), il n’assure pas forcément la stabilité professionnelle. D’une part, la proportion des CDI a diminué de 82,8 % à 69,8 % entre 1998 et 2018, et les contrats à durée déterminée tendent à être systématiquement renouvelés, de sorte qu’une faible proportion des CDD (40 %) devient des CDI. D’autre part, la durée effective des CDI se révèle courte, puisque 63,9 % de ces contrats datent de moins de 5 ans, et seulement 18 % de plus de 10 ans31. Dans un contexte de chômage relativement bas (7 %), ces données reflètent le turn-over structurel du marché de l’emploi, auquel contribuent les facilités de licenciement assurées par le code du travail, dont profitent les entreprises32. Outre l’instabilité de l’emploi, les revenus du travail sont faibles : 50 % des salariés perçoivent un salaire inférieur à 432 €, alors que le seuil de pauvreté pour un foyer de quatre personnes est estimé à 480 €. De si faibles salaires se traduisent par la généralisation de l’endettement, atteignant 73,5 % du revenu annuel des foyers en 2019, contre 38 % en 200333. À cette précarité matérielle s’ajoute l’autoritarisme qui prédomine dans les espaces professionnels, où les dispositifs de flexibilité s’appliquent de manière simultanée et unilatérale, sans prévoir aucune participation des travailleurs aux décisions relatives à l’organisation du travail, au-delà des marges très restreintes de la négociation collective34. Dans ces conditions, les travailleurs privilégient largement l’adaptation individuelle à ces contraintes au quotidien sur l’organisation collective pour les transformer35.
27Or, plutôt que refléter une adhésion subjective au modèle du travail néolibéral de la part des individus, cet état de fait répond surtout à la transformation des significations que les travailleurs accordent à leur travail36. En effet, en parallèle de l’effondrement des références culturelles associées aux mouvements ouvrier et paysan, la transformation capitaliste s’est accompagnée de la formation de nouveaux imaginaires du travail, qui s’individualisent tout en se diversifiant. On peut distinguer deux grandes orientations en la matière. D’une part, on assiste à la généralisation d’une définition abstraite du travail, qui fait référence à l’occupation active des individus sur le marché de l’emploi. De l’autre, on constate la prolifération de significations individuelles attribuées à l’activité en question, dont le contenu varie en fonction d’expériences professionnelles très hétérogènes, du fait de la diversité des conditions de travail vécues à la fois entre les individus et pour un même individu tout au long de sa trajectoire. En effet, l’instabilité de l’emploi configure des trajectoires professionnelles marquées par la pluriactivité, séquentielle ou simultanée, ce qui participe de la différenciation de la manière dont les individus vivent et se représentent leur activité37. Dans ces conditions hétérogènes, l’expérience subjective du travail s’est de plus en plus individualisée, rendant d’autant plus difficile la construction commune d’identités collectives au travail.
28Or, dans ma recherche doctorale portant sur l’expérience du travail en sous-traitance dans le secteur exportateur, j’ai identifié un certain nombre de particularités propres à cette transformation culturelle du travail38. Malgré les injonctions matérielles et juridiques qui poussent à l’individualisation des parcours et des expériences professionnelles, on trouve des représentations collectives relativement consolidées. Ces dernières traduisent surtout des formes d’identification aux secteurs d’activité respectifs, où convergent deux grandes sources de production de sens. D’une part, la construction d’un type de rapport subjectif au travail qui, par-delà les « démesures » vécues, exprime un lien d’identification à l’activité. Ce lien se nourrit de l’importance symbolique attribuée à divers aspects de l’expérience du travail : le salaire contribuant au bien-être familial, les sociabilités engagées avec les collègues, la performance dans l’exécution des tâches ou le plaisir expérimenté, par exemple, dans l’exploitation du bois au cœur de la forêt. D’autre part, ces significations individuelles convergent dans l’élaboration d’un récit socioculturel qui souligne l’importance du secteur productif dans l’économie nationale.
29Ainsi, le récit socioculturel dominant dans le secteur minier met au centre l’importance historique de l’exploitation du cuivre dans l’économie chilienne, à laquelle s’identifient les travailleurs. Un ouvrier en sous-traitance témoigne en ces termes de cette appropriation et de cette identification à l’histoire de son secteur d’emploi :
« Le mineur est un travailleur d’un profil technique, je dirais, plus élevé que la moyenne […] et puisque tu as un meilleur niveau d’éducation, tu te rends compte plus vite que c’est le pôle de production du pays. Même la télévision répète à chaque fois que nous sommes “le salaire du Chili”, ils le disent depuis des années39. »
30Dans le secteur forestier, les ouvriers insistent sur le fait qu’ils font partie du secteur le plus important de l’économie exportatrice après le cuivre, un propos qui jalonne la plupart de leurs récits de vie. Cependant, l’élément-clé de leur récit collectif réside dans la notion de « sacrifice » comme trait distinctif du travail forestier et, par extension, des travailleurs. Un ouvrier témoigne ainsi :
« Les travailleurs forestiers sont des gens acharnés et persévérants, des gens combatifs […] Dans le secteur forestier, nous sommes de vrais professionnels […] le forestalino [travailleur forestier] est un guerrier. »
31En revanche, dans le secteur portuaire, les dockers mettent en avant la « singularité » de leur emploi, une idée qui recouvre deux significations. D’une part, il s’agit là de souligner la spécificité de l’emploi intermittent dans le secteur, où sa répartition est contrôlée par les syndicats de dockers40, comme l’explique celui-ci :
« Le travailleur portuaire aime bien l’intermittence […]. C’est quelque chose qui marque un trait distinctif d’autonomie chez les travailleurs et qui nous sépare des autres secteurs. »
32D’autre part, la situation stratégique du secteur dans le modèle exportateur du pays est une source de valorisation de l’activité déployée. Un autre docker commente :
« En tant que travailleurs portuaires, nous mobilisons les richesses que produit le pays, nous recevons les produits qui arrivent et nous exportons ceux qui partent à l’étranger. Nous sommes donc l’un des facteurs les plus importants de l’économie du Chili, parce que tout ce qui vient ou sort du pays passe par nos mains. »
33Malgré le statut d’emploi « externe », la convergence des identifications individuelles à l’activité et aux récits collectifs produit un effet symbolique d’égale appartenance au secteur chez le personnel en sous-traitance, au même titre que celui directement embauché par les entreprises donneuses d’ordre. La dénomination des principaux syndicats témoigne de cet effet symbolique, en mettant en valeur l’identification au secteur plutôt que la représentation en tant que travailleurs en sous-traitance ou précaires41. Cependant, cette appartenance symbolique se heurte aux inégalités matérielles (salaire, conditions de sécurité) et sociales (formes de discrimination et de mépris) entraînées au quotidien par l’externalisation. Cette tension alimente une critique du travail qui, s’appuyant sur divers contenus selon les secteurs productifs, fait appel à un idéal d’égalité démocratique face aux dispositifs de sous-traitance. Je fais l’hypothèse que l’action syndicale, fondamentale dans les trois secteurs depuis les années 2000, a renforcé ces récits socioculturels tout en en bénéficiant en retour, et permettant ainsi la projection collective de certains éléments de la critique du travail, en particulier des inégalités matérielles entraînées par l’externalisation.
34Cette grille de lecture démocratique du monde du travail est également à l’œuvre dans l’économie de services, mais sous d’autres formes. Elle se manifeste principalement dans la critique des abus associés à l’autoritarisme des entreprises et dans l’émergence de revendications visant à des hiérarchies plus horizontales42. Cependant, en l’absence de récits collectifs, ceux-là mêmes qui opèrent comme des cadres de référence de l’action syndicale dans le secteur exportateur, la critique du travail dans l’économie de services peine à monter en généralité et à fonder un socle de revendications communes. Cet état de fait se donne clairement à voir lors de la révolte populaire de 2019, où le travail s’avère tout à la fois au centre des tensions sociales, mais relativement étanche à toute critique collective significative. La révolte visait essentiellement la marchandisation radicale des droits sociaux (santé, éducation, retraite) qui a creusé les inégalités sociales et l’endettement des familles sur fond de précarisation de l’emploi. Cependant, force est de constater que le travail en tant que tel occupe une place marginale dans les revendications de 2019, si ce n’est celle d’un salaire « digne », symptôme de la difficulté à élaborer et faire émerger au-devant de la scène une critique sociale robuste du travail.
Conclusion
35La conjoncture actuelle au Chili est marquée par la superposition de trois processus qui tendent à converger dans la remise en question généralisée du modèle néolibéral de société en vigueur : les résonances de la révolte populaire d’octobre 2019, le processus constituant en cours qui s’en est suivi, et la pandémie du coronavirus qui a approfondi les inégalités sociales, notamment dans ce contexte où les individus sont livrés aux dynamiques de marché face à un faible réseau de protection sociale assuré par l’État.
36Dans les faits, la prégnance de la doctrine néolibérale dans la définition juridique du travail qui prévaut encore aujourd’hui ne préjuge ni de l’ensemble des pratiques collectives à l’œuvre sur le terrain ni de la façon dont se construit concrètement la subjectivité des acteurs. En effet, malgré sa portée mitigée, l’action syndicale s’est considérablement développée, bien au-delà du cadre prévu par la loi du travail. En même temps, si l’action collective au travail ne mobilise pas le plus grand nombre, c’est moins à cause de l’adhésion subjective au modèle dominant que par l’individualisation du rapport au travail, qui obstrue la construction d’identités collectives. Celles qu’on voit émerger dans l’économie exportatrice répondent à des conditions sociales particulières qu’on ne retrouve pas facilement dans l’économie de services, qui concentre la majorité de la force de travail au Chili. Ainsi, la propagation transversale d’un idéal d’égalité démocratique au travail ne débouche pas toujours sur des modes d’expression collective.
37Définition normative du travail, action syndicale et expérience subjective au travail : le décalage entre ces trois niveaux révèle à la fois les limites du mode de domination chilien et les voies fragiles de sa transformation. Le processus constituant ouvre, certes, un chemin pour changer de modèle de société au Chili, mais cela suppose également de parvenir à articuler autrement ces différents niveaux de réalité afin d’imaginer et d’instituer une alternative au travail néolibéral.
Notes de bas de page
1Harvey David, Breve historia del neoliberalismo, Madrid, Éditions Akal, 2007 ; Martínez Javier et Díaz Álvaro, Chile: The Great Transformation, Washington, The Brookings Institution, 1996 ; Gárate Manuel, La revolución capitalista de Chile (1973-2003), Santiago, Éditions Universidad Alberto Hurtado, 2012.
2Cette analyse est issue de ma thèse de doctorat en sociologie : Pérez Sepúlveda Sebastián, À l’ombre de la sous-traitance. Reconfigurations politiques du travail et des travailleurs au Chili, thèse de doctorat en sociologie, sous la direction de Gilles Bataillon, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 2018.
3Voir le témoignage rétrospectif de son principal promoteur, José Piñera, ministre du Travail à l’époque et frère de Sebastián Piñera, ancien président du Chili, Piñera José, La revolución laboral, Santiago, Zig-Zag, 1990.
4Montero Cecilia, Travail et travailleurs au Chili, Paris, La Découverte, 1984.
5La loi 16.455 oblige l’employeur à exprimer une cause justifiée pour licencier, laquelle pouvait être vérifiée par un juge à la demande du travailleur. Si le licenciement s’avère injustifié, le tribunal oblige la réintégration du travailleur et le paiement des rémunérations respectives. Rojas Miño Irene, « Las reformas laborales al modelo normativo de negociación colectiva del Plan Laboral », Ius et Praxis, no 13, 2007/2, p. 195-221.
6Gaudichaud Franck, Chili 1970-1973. Mille jours qui ébranlèrent le monde, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.
7Campero Guillermo et Valenzuela José, El movimiento sindical en el régimen militar chileno: 1973-1981, Santiago, Instituto Latinoamericano de Estudios del Trabajo, 1984.
8Prévu par la Constitution, le référendum de 1988 a été emporté par l’option « non » à la continuité de la dictature (55,9 %), donnant lieu à des élections présidentielle et parlementaire en 1989.
9Parmi les institutions autoritaires consacrées par la Constitution de 1980, on trouve les sénateurs désignés par des institutions politiques (éliminée en 2005), un système électoral binominal excluant les forces politiques minoritaires au Parlement (remplacé en 2015 par un système proportionnel). En revanche, les majorités qualifiées élevées pour les réformes à la Constitution et le contrôle exercé par le tribunal constitutionnel sur le travail législatif sont encore en vigueur.
10Ugarte José Luis, « El trabajador en su soledad. El modelo de relaciones laborales chileno y la promesa no cumplida », in Antonio Stecher et Lorena Godoy (dir.), Transformaciones del trabajo, subjetividad e identidades. Lecturas psicosociales desde Chile y América Latina, Santiago, RIL, 2014, p. 103-139.
11Campero Guillermo, La economía política de las relaciones laborales: 1990-2006, Santiago, CIEPLAN, 2007.
12Entre un secteur public sous-doté auquel ont accès les classes populaires, un secteur privé, partiellement subventionné par l’État, principalement investi par les classes moyennes, et un secteur entièrement privé, réservé aux enfants des couches les plus favorisées de la population.
13Pérez Sepúlveda Sebastián, « Tercerización y regulación laboral en Chile: una reconstrucción de las transformaciones del trabajo », Revista Estudos Institucionais, no 6, 2020/3, p. 1157-1183.
14Partis fondés dans les années 1980, dont les cadres ont occupé des postes dans l’administration de l’État pendant la dictature et ont revendiqué l’héritage de cette dernière après 1990.
15Les mobilisations mettaient en cause à la fois l’autofinancement des universités publiques, le but lucratif des universités privées et les frais élevés d’inscription dans les deux secteurs (privé et public), obligeant à l’endettement pour y accéder, notamment à travers des « crédits privés cautionnés par l’État » depuis 2005.
16Sur un taux de participation de 50,9 %, l’option pour une nouvelle Constitution a obtenu 78,3 % des voix et l’option « Convention constituante » en a obtenu 79 %, dépassant l’option d’une « Convention mixte », composée à moitié par des représentants de la société civile et des parlementaires en exercice.
17Montero Cecilia, Les nouveaux entrepreneurs : le cas du Chili, Paris, L’Harmattan, 1997.
18Salazar Gabriel et Pinto Julio, Historia contemporánea de Chile, t. 3, La economía : mercados, empresarios y trabajadores, Santiago, LOM, 2002.
19Montero Cecilia, Travail et travailleurs au Chili, op. cit.
20Pour une analyse du rôle de la CUT dans la transition politique voir, entre autres, Drake Paul, « El movimiento obrero en Chile. De la Unidad Popular a la Concertación », Revista de Ciencia Política, no 23, 2003/2, p. 148-158.
21On constate d’autres expériences similaires dans le secteur exportateur, par exemple, les industries forestières et du saumon, où l’organisation syndicale a été néanmoins plus fragile. Voir à ce sujet, Aravena Antonio et Nuñez Daniel (dir.), El renacer de la huelga obrera en Chile : el movimiento sindical en la primera década del siglo XXI, Santiago, ICAL, 2009.
22Pérez Sepúlveda Sebastián, À l’ombre de la sous-traitance. Reconfigurations politiques du travail et des travailleurs au Chili, op. cit.
23Proportion qui est encore loin de la moyenne de l’Organisation de coopération et développement économiques, OCDE (25,2 %), [https://stats.oecd.org/].
24Durán Gonzalo et Kremerman Marco, Sindicatos y negociación colectiva. Panorama estadístico y evidencia comparada, Santiago, Fundación SOL, 2015.
25Durán Gonzalo et Gamonal Sergio, « Collective bargaining Coverage in Chile: Increase or Illusion? », 2019.
26Observatorio de Huelgas Laborales, Informe huelgas laborales en Chile 2018, Santiago, 2019, [http://www.coes.cl/observatorio-de-huelgas-laborales/].
27Parmi ces mouvements sociaux, on trouve le mouvement contre le système de retraites « No+AFP » et le mouvement féministe représenté par la « Coordinadora 8M » (coordinatrice 8M).
28Nous suivons la définition de « grève générale » de l’Observatorio de Huelgas Laborales, correspondant aux grèves articulant au moins trois secteurs différents d’activité. Observatorio de Huelgas Laborales, Informe huelgas laborales en Chile 2019, Santiago, 2020, [http://www.coes.cl/observatorio-de-huelgas-laborales/].
29Le gouvernement a introduit un dispositif dit de « protection de l’emploi » qui autorise les employeurs à suspendre les contrats de travail (et le versement des salaires), obligeant les salariés à avoir recours à l’assurance-chômage, laquelle – comme le système de retraite – repose sur des comptes individuels, où cotisent employeurs et travailleurs. Selon l’information de la Superintendance de pensions au février 2021, on comptabilise plus de 120 000 entreprises ayant demandé la suspension de contrats, concernant un peu moins d’un million de salariés, [http://www.spensions.cl].
30Araujo Kathya et Martuccelli Danilo, Desafíos comunes : retrato de la sociedad chilena y sus individuos, Santiago, LOM, 2012.
31Dirección del Trabajo, ENCLA 2019. Informe de resultados novena encuesta laboral, Santiago, Ministerio del Trabajo y de la Previsión Social, 2019.
32En particulier, l’article 161 du code du travail établissant « les besoins de l’entreprise » comme une cause justifiée de licenciement et le plafonnement des indemnités respectives.
33Durán Gonzalo et Kremerman Marco, Los verdaderos sueldos de Chile, Santiago, Fundación SOL, 2020.
34Ramos Claudio, La transformación de la empresa chilena : una modernización desbalanceada, Santiago, Éditions Universidad Alberto Hurtado, 2009.
35Programa de las Naciones Unidas para el desarrollo, Desarrollo Humano en Chile 2012. Bienestar subjetivo : el desafío de repensar el desarrollo, Santiago, 2012.
36Pérez Sepúlveda Sebastián, « La précarité du travail à l’ère du néolibéralisme avancé : une analyse de l’expérience chilienne », Émulations – Revue de sciences sociales, no 28, 2019, p. 63-77.
37Stecher Antonio et Godoy Lorena (dir.), Transformaciones del trabajo, subjetividad e identidades. Lecturas psicosociales desde Chile y América Latina, Santiago, RIL, 2014.
38Ma thèse est basée sur une enquête ethnographique dans trois sites productifs : le travail en sous-traitance dans l’exploitation minière chez l’entreprise de l’État CODELCO et dans le secteur forestier dominé par le groupe Arauco, ainsi que l’emploi intermittent du secteur portuaire de la région du Bíobío, au sud du Chili.
39L’expression « le salaire du Chili » a été prononcée pour la première fois par le président Salvador Allende (1970-1973) lors du discours consacré à la nationalisation de l’exploitation du cuivre en 1971 et est restée depuis dans le sens commun pour faire référence au secteur.
40L’emploi portuaire s’organise avec un personnel stable, directement embauché par les entreprises portuaires, et du personnel intermittent, lequel est mis à disposition à chaque journée par des syndicats de dockers qui jouent le rôle de sous-traitants. Voir Pérez Sepúlveda Sebastián, À l’ombre de la sous-traitance. Reconfigurations politiques du travail et des travailleurs, op. cit.
41C’est le cas de la Confédération des travailleurs du cuivre (CTC), de l’Union des travailleurs forestiers d’Arauco (USINFA) et de l’Union portuaire du Chili (UPCh).
42Araujo Kathya, El miedo a los subordinados. Una teoría de la autoridad, Santiago, LOM, 2016.
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Alternances critiques et dominations ordinaires en Amérique latine
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