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Reconfigurer l’accès au politique

Rivalités autour de la « démocratie participative » d’une municipalité multiculturelle au Mexique

p. 59-72


Texte intégral

Introduction

1À San Sebastián Tutla, dans le Sud du Mexique, à quelques kilomètres de la capitale de l’État d’Oaxaca, la parole est au peuple – paraît-il. Cette municipalité est gérée, depuis la réforme constitutionnelle de 1995, selon le principe coutumier : le pouvoir est diffus et partagé. Derrière les objectifs affichés au Mexique de renforcer l’unité de la nation, de véritables enjeux de pouvoir émergent et s’articulent autour de la réforme de la loi électorale locale de 1995, permettant aux communautés locales de choisir leur mode de scrutin et les procédures afférentes selon leurs principes coutumiers. À travers l’ethnographie d’un cas particulier, microlocalisé, on observe une reproduction des cadres d’exclusion des outsiders passant notamment, à San Sebastián Tutla, par la restriction du pluralisme politique et la répression des mouvements contestataires des habitants des zones périphériques, ainsi que par la mise sous silence des contestations internes à la communauté indigène. Le discours sur l’alternance politique proposée dans l’État d’Oaxaca, qui se veut l’écho d’une grande mutation constitutionnelle, du « multiculturalisme longtemps nié1 » et du changement social, semble au bout du compte permettre la reproduction de nombreuses structures inégalitaires et d’exclusion dans le pays.

2En 1989, l’Organisation internationale du travail (OIT) signe l’accord 169 sur les « Peuples indigènes et tribaux dans des pays indépendants2 ». L’État mexicain ratifie ce document et modifie l’article 4 de la Constitution fédérale, le 28 février 1992 : « La nation mexicaine a une composition pluriculturelle fondée sur ses peuples indigènes. La loi assurera la promotion de leurs langues, cultures, usages, coutumes, ressources et formes spécifiques d’organisation sociale, et garantira à leurs membres l’accès effectif à la juridiction de l’État. » Dans une même dynamique, l’État d’Oaxaca dans lequel j’effectue mes recherches se distingue en outre par une spécificité locale de l’organisation de la vie politique municipale : les communautés indigènes emploient des procédés coutumiers pour désigner leurs autorités municipales dans 418 des 570 municipalités de l’État. Dans ces municipalités, les candidats ne peuvent en principe se présenter sous la bannière d’un parti politique et ce sont les assemblées communautaires qui élisent les futures autorités par vote à main levée lors de réunions publiques sur la place centrale de la municipalité. Ces procédés coutumiers, longtemps pratiqués sans être reconnus par la loi, ont été avalisés par la réforme électorale de 1995 votée par le Congrès local. Depuis lors, la Constitution de l’État d’Oaxaca, qui officialise ces pratiques coutumières, est souvent considérée comme une avant-garde nationale et continentale en matière de droits indigènes.

3La reconnaissance de ces modalités coutumières n’a cependant pas été synonyme de résolution de la conflictualité politique postélectorale dans cette région, comme l’espérait pourtant le gouverneur en légalisant les procédures coutumières3. Chaque élection municipale entraîne ainsi son lot de contestations, d’occupations et de violences, exacerbé par la consolidation depuis les années 1970 d’une opposition électorale à cette échelle. On saisit donc l’importance des mutations traversées par le système politique au niveau municipal, induites en grande partie par l’émergence du multipartisme et des réformes politiques au Mexique. Nous verrons à travers cette contribution, comment ces changements légaux révèlent avant tout une période de redéfinition des rapports de force locaux et des formes de relations de pouvoir. L’État d’Oaxaca est le seul à avoir légiféré sur la question des principes normatifs internes, mais d’autres États débattent de ces problématiques et de cette option. L’ambition de cette contribution est alors de saisir comment le conflit de San Sebastián Tutla, micro localisé et s’exprimant à travers une quotidienneté, laisse percevoir une reproduction de dominations ordinaires et l’empêchement d’alternances critiques également à différentes échelles. Nous proposerons cette analyse à travers le développement de trois parties. La première sera l’occasion d’exposer le cadre politico-légal de la législation des « us et coutumes » et son implantation au sein de l’État d’Oaxaca. Dans la seconde partie, nous étudierons les conflits économiques et sociaux issus de la répartition inégalitaire des biens et installations publics induite par les politiques de décentralisation. Enfin, nous aborderons l’expression électorale des conflits économiques et politiques, en comprenant comment l’instrumentalisation de ces conflits leur donne un caractère identitaire.

Cadre politico-légal d’un État marqué par de fortes inégalités

4Le Mexique est une République fédérale, divisée en États ou entités fédérées, celles-ci se divisant à leur tour en municipalités. Dans cette étude, nous nous concentrons donc sur l’État d’Oaxaca, l’entité de la République avec la plus importante diversité ethnique, seize groupes selon un critère ethnolinguistique. Dans cet État en effet, 33,8 % de la population de trois ans et plus déclare parler une langue indigène4, ce qui place Oaxaca comme la première entité fédérée du pays au regard de cet indicateur (viennent ensuite le Yucatán et le Chiapas) [Institut national de la statistique, de géographie et d’informatique (INEGI), 2010]. Cette dimension oaxaqueña influe notamment sur les registres et débats de la vie politique locale, donnant aux discours une tonalité « indigéniste5 » plus importante que dans les autres États du pays. Elle connote également les revendications et les répertoires de l’action collective au sein de l’État6, via la mise en exergue de l’« indigénité » des mobilisations, la revendication d’une reconnaissance par le pouvoir de spécificités des pratiques politiques locales et des rapports au territoire. Mais encore, cette spécificité est, paradoxalement, à la fois mise en avant par les pouvoirs locaux comme une source de richesse culturelle – exacerbée et mise en scène chaque année lors de la Guelaguetza7 – et de « retard » socio-économique8.

5Situé au sud-est du Mexique, l’État d’Oaxaca est peuplé de trois millions neuf cent mille habitants, sur une population de 112 millions d’habitants pour l’ensemble de la République (INEGI, 2015). C’est en superficie l’un des cinq plus grands États de la République. Très accidenté, il est traversé par deux chaînes montagneuses, au nord et au sud, qui couvrent près de deux tiers du territoire. D’un point de vue administratif, l’État de Oaxaca comprend 570 communes – dont la plupart comptent moins de 5 000 habitants – sur les 2 445 que comprend le pays, et près de 3 000 communautés au statut juridique différencié en fonction du nombre d’habitants. Ce sont donc en tout 731 agencias municipales, 1 529 agencias de policía et 748 núcleos rurales9 rattachés aux 570 chefs-lieux municipaux, ce qui en fait l’État le plus morcelé de la République. L’État de Oaxaca est aussi l’un des États les plus pauvres du Mexique avec les États voisins du Guerrero et du Chiapas. Quel que soit le critère d’évaluation de la pauvreté considéré par le Conseil national d’évaluation du développement social (Consejo Nacional de Evaluación de la Política de Desarrollo Social, CONEVAL) pour l’année 2005, Oaxaca est systématiquement classé dans le groupe des États fédérés les plus marqués par la pauvreté.

Enjeux de légitimation et affirmations identitaires

6La commune au sein de laquelle j’ai choisi d’effectuer mes recherches, San Sebastián Tutla, se situe dans la région des vallées centrales de l’État de Oaxaca où se trouve la capitale. San Sebastián Tutla connaît de graves tensions politiques depuis les années 1990, avec des conflits notamment induits par la coexistence sur un même territoire municipal d’une population « allogène » et d’une population se revendiquant comme étant « indigène ». Les autorités locales se servent alors de la nouvelle législation électorale afin de contrôler les opposants et de maintenir leur pouvoir. On observe une véritable lutte pour le maintien des « coutumes » dans un contexte de changements sociaux et culturels accélérés, l’essentiel de la population étant notamment en périphérie urbaine. Le recensement réalisé par l’INEGI révèle que la municipalité de San Sebastián Tutla comptait en 2010, une population totale de 16 241 habitants. Le quartier à loyers modérés d’El Rosario récemment créé sur le territoire municipal de San Sebastián Tutla recense quant à lui près de 12 000 habitants, soit 80 % de la population totale de la municipalité. Les habitants du quartier d’El Rosario, créé en 1985, se mobilisent depuis 1997 pour réclamer leur droit de participer au gouvernement local. Les habitants du bourg chef-lieu de la municipalité de San Sebastián Tutla se considèrent comme membres d’une communauté aux intérêts communs revendiquant leur origine territoriale ancestrale et rejettent sur ce principe les membres du quartier d’El Rosario. Ils prétendent également que les habitants du quartier refusent de participer au système de charges10 et n’ont de ce fait, pas le droit de cité, car « faire partie d’une communauté c’est en accepter les contraintes et travailler pour l’intérêt commun11 ».

7Dans la commune de San Sebastián Tutla, l’historicité de cette affirmation identitaire découle d’un processus historique. La vente des biens communaux par les dirigeants de la cabecera (chef-lieu de la municipalité) dans les années 1980 a favorisé une croissance économique locale allant de pair avec l’exacerbation d’un localisme et d’une identité indigène. L’ancrage identitaire de ce nouveau groupe social revendiquant des « us et coutumes » en commun s’est alors justifié par une appartenance au territoire depuis au moins quatre générations et l’héritage de la terre par le mariage ou par un degré plus ou moins important de parenté sous le régime communal ou ejidal12. Les membres sont liés à un réseau de parenté essentiellement consanguin ou de parrainage rituel qui leur permet de participer aux activités politiques et sociales locales et influencer la prise de décision communautaire. Les postes qu’ils occupent alors sont représentés dans trois sphères de pouvoir : le religieux, le régime foncier et la politique territoriale. Tous ces éléments forment un réseau social qui s’entretient et se maintient sur le territoire défini comme communautaire. Les habitants venus d’autres territoires et ne partageant pas ces réalités construites sont alors perçus comme étrangers, avencidados (voisins).

8Il semble alors nécessaire de comprendre comment cette distinction a mené à une telle opposition, jusqu’au rejet même de ces membres non apparentés au réseau social communautaire. En analysant les archives locales, on saisit que de nombreux conflits sont apparus lors de luttes pour l’obtention de plus de considérations économiques. Les habitants de San Sebastián Tutla, ont en effet cherché à obtenir les avantages de services urbains qui allaient de pair avec la construction des nouvelles structures de grande ampleur à El Rosario. L’avènement de ces quartiers à loyers modérés grâce aux réseaux clientélistes locaux a permis une importante manne financière et un accès rapide et privilégié au confort de vie avec l’expansion des réseaux d’eau et d’électricité dans le quartier. Alors que le chef-lieu de San Sebastián Tutla imagine dans un premier temps l’expansion économique favoriser le quartier d’El Rosario, puisque les constructions sont plus récentes et soudaines, les tensions politiques s’accentuent. Il faut alors saisir que le politique devient la grammaire d’un conflit qui trouve sa source au sein d’une sensation d’injustice économique. Chaque groupe d’acteurs au sein de cette dichotomie se sent alors délaissé et entend ses actions comme légitimes.

9Le sentiment d’être laissés pour compte face à une expansion non maîtrisable à seulement quelques kilomètres de leur territoire a développé un sentiment d’appartenance fort au petit réseau social local, la communauté indigène zapotèque. Les pratiques visant à bloquer l’accès à plus de 12 000 habitants à toute forme de participation politique sont multiples, allant de la simple non-présentation des réformes en cours, la non-communication sur les jours d’élections ou de débats, jusqu’à certaines méthodes plus « musclées » notamment le jour des élections, avec l’érection de barricades où pleuvent coups et insultes, empêchant les résidents d’El Rosario d’approcher du palais municipal. Dès lors, certains habitants du quartier à loyers modérés se réunissent régulièrement depuis 1995 pour exiger leurs droits de participation à la vie politique locale. Les habitants d’El Rosario sont donc devenus dans les discours locaux, les « opposants » au système communautaire et parfois même plus simplement les « étrangers ». La manne financière issue de la grande augmentation du nombre d’habitants de la commune est alors captée par les membres de la cabecera et la redistribution se tarit, favorisant un conflit qui ne cessera de s’accroître.

Le fonctionnement du système normatif interne à San Sebastián Tutla

10En 1995, San Sebastián Tutla a choisi comme fonctionnement politique municipal le système normatif interne, comme il était envisageable de le faire grâce à la modification de la Constitution de l’État. Jusqu’à cette date, la municipalité était pourtant déjà pourvue d’un système de charges et d’élections propres à leurs « us et coutumes ». En revanche, ces fonctionnements étaient parallèles à des élections partisanes comme dans tout le reste du pays. Les deux systèmes, présentés dans les documents officiels de l’Institut électoral de l’État d’Oaxaca, comme étant d’un côté le système normatif interne des peuples et communautés indigènes, et de l’autre, le système des démocraties occidentales, ont donc cohabité jusqu’en 1995. Malgré la qualification de fonctionnement démocratique, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) a toujours été détenteur du pouvoir local, comme dans le reste du pays jusqu’à la remise en cause de son hégémonie et la montée en puissance du multipartisme. En 1995, le système normatif interne devient donc le seul fonctionnement maintenu dans la municipalité de San Sebastián Tutla, bien que les détenteurs des principaux privilèges perdurent à la tête de cette localité. Le pouvoir de ces acteurs locaux est donc passé d’un pouvoir purement symbolique à un pouvoir effectif, politique et surtout économique. Avec les normes de la décentralisation, leurs compétences en matière de redistribution et de gestion des fonds locaux vont être accrues, mettant à mal le quartier d’El Rosario, dont les habitants ne sont pas des citoyens légitimes aux yeux des membres de la cabecera. La totale autonomie déférée en matière de gestion locale aux nouveaux élus dans le cadre du système normatif interne ne laisse que peu de recours aux habitants d’El Rosario pour défendre leurs droits.

Conflits socio-économiques autour de la captation et de la gestion des budgets municipaux

11Cette seconde partie va nous permettre d’analyser les conflits économiques et sociaux issus de la répartition inégalitaire des biens et installations publics dans le cadre de la décentralisation. Les habitants du chef-lieu de San Sebastián Tutla, les membres du collectif d’El Rosario, le gouvernement de l’État d’Oaxaca, seront autant d’acteurs que nous suivrons pour saisir les enjeux de légitimation dans la captation et la gestion des budgets municipaux.

12Depuis les années 1980, les nouveaux logements créés sur le territoire de San Sebastián Tutla sont le cristallisateur de conflits et de pratiques de différenciation et de « ségrégation ». Ce besoin pour les membres de la communauté de créer et de revendiquer un « nous » effaçant de l’ordre social les membres de la municipalité de manière globale peut être difficile à déceler dans un premier temps en tant qu’observateur. En effet, dans le cas de San Sebastián Tutla, tout semble avoir été pensé pour écarter la présence du quartier d’El Rosario sur le territoire considéré comme communautaire par les habitants du bourg chef-lieu.

Relations de pouvoir et politique d’effacement entre la cabecera et El Rosario

13En arrivant sur la place centrale, en découvrant le panneau indiquant les contours du territoire, je suis d’abord frappée par l’absence de désignation de la partie d’El Rosario. Le quartier est totalement effacé de la présentation de la commune pour quiconque voudrait visiter San Sebastián Tutla. Le discours des membres du palais municipal est tout aussi explicite, ne présentant pas dans un premier temps mon intérêt pour le conflit électoral, la présence du quartier ne sera tout simplement pas évoquée. Cette éviction du quartier d’El Rosario est latente dans tous les discours des membres de la communauté. Tous les moyens semblent bons pour éviter d’évoquer la présence de ces habitants. Pourtant en consultant les archives et le fonctionnement de la municipalité, force est de constater que la présence du quartier est fondamentale, notamment sur le plan économique. Au-delà des facteurs communautaires, il est ainsi nécessaire de souligner un des aspects majeurs de la nouvelle conflictualité qui ébranle l’État d’Oaxaca : les tensions pour la captation des richesses. Le point névralgique des oppositions locales vient d’une mauvaise redistribution des budgets fédéraux, gérés par les cabeceras, laissant dans de nombreuses situations les quartiers périphériques à leur sort. Pourtant, dans le cas de San Sebastián Tutla, comme dans plusieurs zones périphériques de la capitale d’État, les quartiers à loyers modérés implantés sur le territoire communautaire sont la principale source de revenus des communes.

14En 2017, j’ai pu, après de nombreuses tractations auprès des membres du quartier d’El Rosario, obtenir un entretien avec le leader d’un collectif citoyen de revendications et de luttes contre l’hégémonie de la cabecera de San Sebastián Tutla. Le message est clair, et ses premières velléités concernent la faible propension du centre à redistribuer à la périphérie, pourtant plus « importante » :

« Nous habitons le quartier depuis un peu plus de 25 ans, ils ont construit des structures institutionnelles, appartenant au gouvernement d’Oaxaca (descriptif de toutes les structures créées), ces instituts ont alors construit des maisons, 400 pour commencer, puis 4 200, les dernières années, un autre constructeur a créé 14 édifices puis des maisons duplex, on parle de plus de 7 000 lieux de vie, 11 700 habitants en 2010, aujourd’hui, nous sommes près de 15 000, ceci signifie une augmentation de la demande de services et ici débute le problème. Parce que géographiquement, nous appartenons à la municipalité de San Sebastián et vous qui connaissez si bien la cabecera municipale, ils ne sont que 4 000 habitants, c’est un petit village et ici c’est un monstre. Petit à petit, le gouvernement a augmenté le flux d’aides parce que nous étions très nombreux. Nous avons demandé des milliers de fois de l’aide, depuis 1985, il y avait de nouvelles maisons, de nouveaux édifices et personne ne s’est posé la question de l’avenir, tout s’est détérioré, les structures d’eau potable se sont endommagées, parce qu’ils ont mis du matériel de mauvaise qualité et c’est un mal endémique de tout le gouvernement mexicain (descriptif détaillé de toutes les infrastructures se délabrant). Il faut les changer, mais tout cela ne les préoccupe pas, nous avons 15 rues dans le noir. Le désintérêt s’accroît, nous sommes les habitants “en trop”, nous sommes juste une bonne source financière, en impôts locaux, mais ce qui les intéresse ce sont les ressources fédérales. Ça urge, nous avons besoin d’aide, ils n’ont jamais fait cas de nous, ils sont venus construire une unité sportive [rires], d’accord c’est important, mais nous avons des problèmes d’eau potable, d’insécurité… Il faut prioriser, non ? Nous avons besoin de faire partie du gouvernement. Mais nous sommes face à ce problème, c’est un gouvernement d’us et coutumes, pas des coutumes de siècles ancestraux, il faut être originaire et natif de San Sebastián Tutla, avoir été mayodormo13, être topil14. Nous avons insisté pour qu’ils prennent conscience que nous parlons de deux localités radicalement différentes et chercher des solutions. Une de ces localités est soit, potentiellement indigène, et je dis “potentiellement” à dessein, parce que beaucoup de gens se collent à la figure de l’indigène, nous sommes fières de nos racines, mais de réelles communautés indigènes, ici, je n’en vois pas15. »

15Les propos d’Alejandro font spécifiquement référence aux ressources fédérales qui au cours des dernières années ont été décentralisées vers les municipalités par le biais des branches 28 et 33 du budget des dépenses de la fédération. Cette effervescence qui date de plusieurs décennies, mais s’est accentuée depuis près de vingt ans est alors le symptôme, l’effet des désaccords entre centres et périphéries municipales. Les zones périphériques ont revendiqué leur appartenance à un espace plus large que celui imposé par les communautés, générant ainsi, une nouvelle dynamique et surtout de nouveaux espaces et enjeux, comme permet de le comprendre l’analyse des conflits électoraux16.

La multiplicité des approches territoriales comme source de conflits

16Il est essentiel d’appréhender l’aspect territorial dans le questionnement des enjeux de conflits locaux, tant il existe une diversité de situations dans l’approche du territoire. En effet, certaines municipalités sont composées de plusieurs communautés de différentes origines ethniques qui se disputent alors la légitimité de leur pouvoir local en affirmant chacune une origine première. Au sein d’autres municipalités, on observe une totale discontinuité territoriale, ou bien encore, il n’existe pas de coïncidence entre le territoire agraire et le territoire municipal. Si la structure juridique demeure la même pour tous ces cas, le vécu du territoire et les représentations individuelles et collectives diffèrent cependant grandement d’une municipalité à l’autre. Lorsque nous interrogeons par exemple les habitants du bourg chef-lieu de San Sebastián Tutla, la majorité défend son identité indigène et ses origines ancestrales sur le territoire pour affirmer son opposition aux habitants des zones périphériques. En se déplaçant au sein d’autres territoires municipaux comme à Santa Cruz Papalutla, à seulement quarante minutes de route en camión (moyen de transport en commun local), les membres du palais municipal exposent quant à eux leur lutte contre les partis politiques et la corruption pour défendre le choix du principe coutumier. La persistance de cette situation et les incapacités politique et juridique à régler ces discontinuités expliquent en partie les situations de conflits au sein des municipalités dans lesquelles il existe une importante population indigène. Outre les réalités antérieures, il convient d’ajouter à la complexité de la réglementation en matière de gestion des fonds le centralisme présent depuis de nombreuses générations au niveau fédéral et étatique qui se reproduit également au niveau municipal, privilégiant de fait le centre politique de la municipalité, la cabecera, par rapport aux unités subordonnées, favorisant le caciquisme local17.

17Ainsi, on saisit toute l’influence qu’ont eue les mutations politiques proposées par la Banque mondiale en favorisant les réorientations des investissements, destinées à réhabiliter le rôle de l’État dans la gestion du développement en attribuant l’administration des fonds pour la lutte contre la pauvreté directement aux gouvernements locaux au nom d’une plus grande proximité et efficacité. Ces nouveaux enjeux ont augmenté de façon exponentielle les attentes des habitants des zones périphériques, espérant à travers leur implication politique et la lutte électorale une meilleure redistribution des ressources de la part des centres politiques municipaux. Cette récente motivation pour le pouvoir se voit confrontée à la réticence acerbe des membres des cabeceras. Les arguments sont divers, mais convergent fréquemment vers l’incapacité des habitants des quartiers périphériques à saisir ce que revêtent les principes coutumiers, n’étant pas indigènes et vivant trop loin des centres politiques pour appréhender la quotidienneté de ce système.

18Il est en revanche très intéressant de prendre en considération, une fois de plus, l’ambivalence des discours des acteurs rencontrés. Si dans l’intimité de conversations informelles avec les habitants de la cabecera, il n’a jamais été envisageable de donner quelques pouvoirs aux habitants d’El Rosario, lors des discours officiels et des prises de paroles publiques, les propos sont plus nuancés. Les réunions18 sur la place centrale ont permis de saisir ces variations. Si par quelque hasard du calendrier, un habitant du quartier périphérique avait entendu parler de la réunion et s’y rendait, les membres du palais municipal envisageaient alors des « dynamiques nouvelles », des « négociations », des « discussions ouvertes et franches » pour « en finir avec de vieux conflits épuisants ». Les débats hors de la période électorale restent assez cordiaux et laissent entrevoir une volonté de consensus de part et d’autre. Après ces échanges synonymes d’absence absolue de propositions concrètes, aucune réforme ne prend forme, chacun reprend position dans son camp respectif invectivant ses adversaires. J’ai été tant de fois déstabilisée par un va-et-vient permanent entre les deux groupes paraissant si opposés, mais targuant un superficiel consensus. Après chaque réunion, je me rendais d’un côté puis de l’autre pour saisir le point de convergence, mais ne me heurtais qu’à leur opposition ferme19.

19Malgré l’apparente dévotion générale et l’affichage d’une harmonie communautaire bien réglée lorsque l’on arrive au sein de la municipalité, ces tentatives d’uniformisation de la pensée locale à travers des discours prônant à chacune de mes visites un accord parfait entre les membres de la cabecera, cachent des contestations discrètes si bien dissimulées qu’elles soulignent l’efficacité du contrôle mis en place par les membres du pouvoir local. Les moments de débats publics permettent l’observation de tensions, de conflits silencieux, qui ne s’analysent qu’en scrutant les corps. Ainsi, après avoir intégré les rangs à l’arrière des manifestations publiques, j’ai pu observer nombre d’hommes et de femmes, membres de la communauté indigène de San Sebastián Tutla se crispant sur leurs chaises, soupirant, chuchotant quelques oppositions. Pourtant, au moment du vote à main levée, ils sont presque systématiquement en accord avec les propositions de la présidence locale. Après quelques mois passés auprès des habitants de San Sebastián Tutla, je me permets de demander à plusieurs d’entre eux la raison de ce vote malgré leur mécontentement apparent.

20La réponse est évidente pour eux : la présidence locale et son système coutumier ont un pouvoir absolu sur les accords de construction, les problèmes individuels ou encore les demandes particulières. Alors, malgré les désaccords, voter à l’encontre du pouvoir en place de façon publique reviendrait à s’attirer les foudres du palais et à perdre ses privilèges. L’étonnement est encore plus grand pour moi lorsqu’à l’occasion de quelques repas familiaux, les langues se délient et un très grand nombre de citoyens avoue ne pas réellement se préoccuper de la participation ou de la non-participation des habitants du quartier d’El Rosario à la vie politique. « Faire taire » les opposants au pouvoir c’est en quelque sorte s’assurer le maintien de dynamiques souvent clientélistes bien rodées en « interne ». Comme observé sur le terrain lors des assemblées publiques, une véritable pression est exercée. Le vote à main levée permet aux acteurs politiques d’observer les dissidences et chacun sait qu’en lever une aurait de réelles conséquences sur les relations avec la présidence.

21J’envisageais de saisir ce que cette opposition revêtait, ce que les acteurs locaux et de fait, principalement les acteurs politiques, entendaient souligner comme différence fondamentale pour justifier leur volonté de ne pas se laisser « envahir » par les habitants d’El Rosario. Un élément de réponse me parvient lorsque l’on appréhende comment la nouvelle catégorisation a été posée de manière si rigide par les membres du palais municipal de la cabecera, celle d’avencidados. Ce terme signifiant « voisin » marque sur le terrain une distinction absolue entre les citoyens légitimes et ceux considérés comme étrangers. À plusieurs reprises, j’ai été confrontée aux discours des membres du palais municipal prônant un localisme de vigueur et qualifiant les habitants du quartier à loyers modérés d’étrangers. C’est finalement de cette notion d’étranger que découle celle d’avencidado, celui qui n’a pas de lien de parenté ou d’héritage territorial et qui pour diverses raisons s’est installé sur le territoire en question. Ce terme serait apparu au sein de la capitale, Mexico, alors que de nombreux quartiers à loyers modérés comme ceux d’El Rosario apparaissaient dans les années 1980 avec les politiques de décentralisation et les grandes vagues migratoires intra-urbaines.

22Ces nouveaux conflits cristallisés autour des enjeux de captation et de distribution des richesses induites par les politiques de décentralisation, vont alors être instrumentalisés par les membres des pouvoirs locaux de l’État d’Oaxaca comme ceux des municipalités coutumières et s’exprimer sous la forme de conflits identitaires. Ce resserrement autour des questions identitaires va alors empêcher l’avènement d’alternances critiques.

Nouvel ordre politique : quels sont les rôles de l’État et des communautés dans la redéfinition du cadre politique local ?

23Nous analysons ici principalement la posture de l’État d’Oaxaca dans la reconnaissance des droits politiques indigènes. Cette position permettant de comprendre les ambitions et discours des membres de la « communauté » de San Sebastián Tutla dans un contexte local. Cette « communauté » revendiquée en tant que telle récemment afin de répondre aux exigences et aux dynamiques internationales et développée comme stratégie d’action politique.

24Dans ce sens, le soulèvement zapatiste du Chiapas en 1994 a eu un impact direct sur les initiatives du gouverneur de l’État d’Oaxaca. L’inquiétude du gouvernement face à une potentielle contagion du mouvement est grande et il choisit de répondre par l’élaboration consensuelle de programmes de développement en accord avec les populations concernées. En effet, dans les projets de loi formulés par le gouverneur de l’époque, Diódoro Carrasco Altamirano, on perçoit ces préoccupations. Dans ce contexte de mutations politiques, les moyens de lutte des groupes revendiqués comme homogènes autour de la question de leur ancrage communautaire ont été fortement impactés20.

25De nouvelles lois vont être proposées modifiant le cadre légal du principe communautaire. L’État va notamment mettre en place une éducation bilingue et biculturelle ajoutant aux programmes des contenus « ethniques et régionaux ». Ce qui est à noter dans ces nouvelles lois est le passage d’une politique principalement axée sur le caractère culturel et éducatif à des mutations incluant une dimension politique et administrative. Cette nouvelle démarche de la politique indigéniste locale est précisément celle qui est à l’œuvre dans la reconnaissance des coutumes électorales dans l’État d’Oaxaca. Ainsi, dès 1994 le gouverneur annonce sa volonté de créer des forums régionaux pour que les représentants des seize groupes ethniques de l’État participent à la réforme électorale, et se positionne lui-même en faveur d’une reconnaissance des mécanismes d’élection employés par les communautés21.

26Ces transformations nous permettent ainsi de saisir le passage d’une politique de développement dite « indigéniste » axée sur la promotion de la culture et l’éducation des coutumes indigènes, à une politique de transformation du cadre légal et institutionnel de l’État afin d’introduire dans la loi le respect des « us et coutumes » comme norme d’encadrement du gouvernement territorial.

27La catégorie « d’us et coutumes » posée de façon formelle va finalement émerger lorsque la compétition électorale s’impose progressivement également dans les zones rurales à partir des années 1990. La distinction entre élection coutumière et élection partisane qui n’avait alors jamais été recensée comme telle va finalement être posée comme une dualité, une contradiction insurmontable entre deux façons d’envisager les processus électoraux. Si la différence est réelle entre deux manières d’envisager la compétition électorale, la réalité est plus complexe sur le terrain. En effet, dans l’État d’Oaxaca les élections ne se sont jamais construites sur un modèle compétitif et il est particulièrement vain d’envisager une représentation politique équilibrée étant donné les liens indissociables entre l’État fédéré, le PRI et les communautés. Dans ce contexte, il est toutefois possible de questionner les transformations vécues, les mutations et les ambivalences de ces systèmes présentés comme opposés.

28Les dynamiques que traverse le pays nous contraignent nécessairement à questionner les réformes notamment en termes de mutations locales. Lorsque l’on s’intéresse à la représentation politique au niveau municipal, on est de fait confronté à la réforme de 1977 et à l’article 115 de la Constitution permettant aux partis d’opposition une représentation au sein des conseils municipaux dans les communes de plus de 300 000 habitants. Ce premier pas sera approfondi en 1983 avec une réforme intégrale dudit article qui étend la représentation proportionnelle à toutes les communes du pays, proposant alors une véritable « réforme municipale ». Cette mutation légale modifie la structure même du fonctionnement municipal. Les communes acquièrent surtout des compétences en matière de réglementation et d’administration des services publics et de gestion du territoire. Alors qu’avant la réforme tous les secteurs de dépenses étaient gérés par le Congrès des États fédérés, désormais les municipalités peuvent établir librement leurs programmes de dépenses. Cette modification du cadre légal au niveau municipal représente alors une véritable réforme de fond dans un pays où les communes étaient jusque-là assujetties à l’administration centrale en matière budgétaire et administrative.

29Toutefois, David Recondo dans son ouvrage sur la démocratie mexicaine en terres indiennes, nuance pourtant la vision d’une réforme faisant écho à un projet de décentralisation, démontrant dans son analyse la relativité de la marge d’autonomie gagnée par les municipalités. La réforme bénéficierait en effet davantage aux communes urbaines, les services publics correspondant à ceux prévus par la loi. Les municipalités sont en effet pour une immense partie dépendante des aides financières apportées par l’administration centrale, distribuant aux États fédérés le prélèvement des principaux impôts, qui à leur tour vont redistribuer seulement une infime partie de cette manne. Ainsi, bien que l’État fédéral envoie des ressources économiques aux États fédérés, ces derniers ne les font pas arriver dans leur entièreté aux municipalités.

30S’il est évident de souligner la force de mutations locales et le nouveau poids donné aux municipalités depuis les années 1980, dans un pays jusque-là très centralisé, il n’existe pas d’absolue souveraineté locale dénuée du pouvoir hégémonique de l’État. Comme le soulignent les observations effectuées sur le terrain, l’accès au pouvoir municipal à la suite de ces réformes va malgré tout devenir un véritable enjeu stratégique :

« Les organisations d’opposition vont y voir une possibilité d’accéder à des positions institutionnelles et de consolider leur pouvoir régional. Malgré le caractère extrêmement centralisé du système politique mexicain, les gouvernements locaux sont des instruments indispensables dans la reproduction du mode de domination priiste. Accéder à ces positions de pouvoir permet de créer des contre-pouvoirs locaux et d’attaquer ainsi l’hégémonie du PRI par son maillon le plus faible : la périphérie22. »

31Ces réformes débutées en 1977 ont permis d’accentuer le pouvoir des municipalités et ont donné aux habitants des communes la volonté d’ancrer leur vision du politique. De plus, depuis 1995, l’autonomie municipale compte sur un moyen de défense institutionnel pour sa protection, avec l’établissement dans la Constitution de réformes permettant le regard de la cour suprême de justice de la nation lors de controverses constitutionnelles entre la fédération et une municipalité, entre deux municipalités de différents États, entre un État et une de ses municipalités ou avec une municipalité d’un autre État. Ce nouvel ordre politique établi va offrir une certaine légitimité aux autorités locales et leur offrir une protection des frontières et le maintien du contrôle local des ressources23.

Conclusion

32L’observation du conflit entre les membres de la cabecera de San Sebastián Tutla et de ceux du quartier d’El Rosario, a permis de saisir une nouvelle configuration des rapports à l’État. Les interrogations portent ainsi sur les processus d’invention de formes de citoyennetés et sur les hybridations présentes dans le système politique mexicain depuis les mutations induites par la transition démocratique et plus largement la décentralisation.

33À travers cette étude de cas, j’ai souhaité appréhender, « l’avènement d’une alternance politique » comme l’angle d’approche idéal pour observer la reproduction de mécanismes de domination et d’exclusion. Les structures, notamment de la participation et du vote, bien que présentées comme favorisant « la citoyenneté indigène », semblent reproduire des pactes clientélistes ainsi que les cadres d’exclusion des outsiders, passant, à San Sebastián Tutla, par la restriction du pluralisme politique et la répression de mouvements contestataires. Comme envisagé dans cette contribution, la légitimité des habitants de San Sebastián Tutla passe nécessairement par la définition d’une autochtonie territorialisée permettant une appartenance communautaire, où l’hérédité constitue l’unique droit d’accès au territoire. L’affirmation identitaire des Zapotèques, population dominante de San Sebastián Tutla, repose ainsi sur trois critères principaux : l’identification avec un passé lointain, le culte des saints, la participation à la vie politique villageoise et aux travaux communautaires. Ainsi, les membres non originaires, où qu’ils vivent dans la municipalité, ne peuvent s’ériger en citoyens à part entière, une exclusion qui fait s’entrecroiser des enjeux ethniques et sociaux. Une véritable invisibilisation d’une partie pourtant majoritaire de la population est ainsi pratiquée par les membres du gouvernement de San Sebastián Tutla et par les habitants du chef-lieu, considérés comme les citoyens légitimes de la communauté.

34À travers plusieurs discours informels avec les plus âgés, j’ai pu saisir toute la contemporanéité de ces problématiques. Cette crispation autour de la question de la préservation de l’identité nous permet bien d’envisager ces notions comme des constructions politiques, idéologiques, historiques, qu’il ne faut pas saisir comme des données ou des concepts analytiques. La volonté de défendre une identité figée envers et contre tout, et envers et contre tous, semble donc bien relever d’une forme de prise de position, mettant en scène un débat opposant de manière dichotomique indigènes et étrangers, omettant de multiples stratégies qui permettent de faire taire des opposants invisibilisés et conduit à la mise en exergue de nouvelles formes de dominations ordinaires.

Notes de bas de page

1Gros Christian et Dumoulin Kervran David, Le multiculturalisme « au concret » : un modèle latino-américain ?, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2011.

2Bellier Irène (dir.), Peuples autochtones dans le monde : les enjeux de la reconnaissance, Paris, L’Harmattan, coll. « Horizons autochtones », 2017.

3La décision de réglementer les coutumes provient du gouverneur d’Oaxaca, Diodoro Carrasco, et non des partis politiques. Cette décision visait à assurer la stabilité politique dans son État, face au conflit zapatiste qui se développait dans l’État voisin et à la croissance de l’opposition.

4Ce taux est de 1,5 % au district fédéral, de 6,6 % à l’échelle du pays (INEGI, 2010).

5L’indigénisme est considéré comme un mouvement politique et littéraire d’Amérique latine ayant comme fondement une préoccupation particulière pour la condition des populations se considérant comme natives des territoires colonisés par la couronne espagnole. Son versant politique désigne l’ensemble des politiques de gestion des populations indigènes mises en œuvre dans les États américains. Il répond ainsi à la problématique de l’intégration des populations indigènes à la « communauté nationale », conçue sur le modèle de l’État-nation occidental. Voir notamment à ce sujet Favre Henri, « L’Indigénisme mexicain. Naissance, développement, crise et renouveau », Problèmes d’Amérique latine, no 42, 1976, p. 67-84 ; Biasoni Sami et Nogaret Anne-Sophie, Français Malgré Eux, Paris, L’Artilleur, 2020.

6Berger Mathieu, Cefaï Daniel et Gayet-Viaud Carole, Du civil au politique : ethnographies du vivre-ensemble, Bruxelles/New York, PIE Peter Lang, 2011.

7La fête est un mélange d’une célébration divine préhispanique et de la fête catholique de Notre Dame du Mont Carmel qui a lieu le 16 juillet. Elle se fête tous les ans, les deux lundis suivant cette date. Mais la Guelaguetza porte également le nom de « lundis de la colline » (los lunes del Cerro) car une partie majeure de la célébration a lieu sur le « Cerro del Fortin » qui domine la ville d’Oaxaca. Elle réunit ainsi les communautés de la région qui en profitent pour exposer leur culture : spectacles de danse, concerts, expositions et conférences. L’État d’Oaxaca accueille donc une quinzaine de différents groupes ethnolinguistiques. Leurs membres portent des vêtements traditionnels pour l’occasion et font des danses folkloriques spécifiques à leur région. Les communautés font même cadeau de quelques objets qui symbolisent leur culture. Guelaguetza est le nom zapotèque donné à ces offrandes.

8Metais Julie, Maestros de Oaxaca : Ethnographie post-exotique des pratiques et espaces politiques locaux au Mexique, thèse d’anthropologie soutenue sous la direction d’Alban Bensa et Patricia Martin, Paris, EHESS, 2014.

9Agences municipales, agences de police et noyaux ruraux.

10Le système de charges consiste en la rotation des postes principaux inférant au bon fonctionnement de la municipalité. Chaque membre de la communauté doit consacrer au minimum une année à la municipalité en effectuant une charge. Il existe alors une échelle de douze charges à réaliser jusqu’à la plus prestigieuse, accessible seulement après avoir effectué toutes les autres, celle de président municipal.

11Explication donnée par les membres du palais municipal lors d’un entretien en janvier 2016 alors que je souhaitais comprendre leur définition des règles communautaires.

12L’ejido est une portion de terrain à usage public, elle peut appartenir à une municipalité ou à un État. Cette forme d’appartenance de la terre aurait fait son apparition à San Sebastián Tutla en 1927, et serait une conséquence de la Révolution mexicaine. Aujourd’hui il est encore possible d’observer la revendication ejidal de relation à ces terres publiques.

13Charge religieuse traditionnelle, le mayodormo est celui qui doit organiser et financer la fête patronale de son village avec ses propres moyens.

14Charge communautaire se rapprochant du statut de policier.

15Extrait d’un entretien datant du 6 avril 2017 avec Alejandro Hernandez, coordinateur du « movimiento ciudadano: Habitantes unidos del Rosario ». Ici « movimiento ciudadano », ce que nous pouvons traduire par « collectif citoyen » est une catégorie d’usage sur le terrain, mobilisée par le coordinateur lui-même.

16Diaz Jorge Hernández et Martinez Víctor Leonel Juan, Dilemas de la institución municipal, una excursión en la experiencia oaxaqueña, México, Éditions Miguel Angel Porrua, 2007.

17Issu de l’époque coloniale, le caciquisme désignait les relations politiques. Il s’agissait d’un système de structuration inégalitaire où les caciques choisissaient leurs dirigeants par le biais de clientèles caciquistes. Le cacique est alors un notable local qui exerce un contrôle sur la vie politique et sociale de son district. Voir à ce sujet la thèse d’anthropologie sous la direction de Marc Abélès de Melenotte Sabrina, Caciquismes, résistances, violences. Les pedranos et l’État mexicain dans le Chiapas postrévolutionnaire, Paris, École des hautes études en sciences sociales (EHESS), 2014.

18De façon ponctuelle, mais relativement régulièrement, environ une fois par mois dans le cas de San Sebastián Tutla, des réunions politiques ont lieu sur la place publique de la municipalité. C’est alors l’occasion pour les membres du pouvoir en place d’exposer les nouvelles réformes proposées, les plans budgétaires et autres sujets à débattre collectivement.

19J’ai pu aborder les différents lieux d’investigation en tant qu’observatrice et chercheuse. Chacun connaissait le fruit de mes recherches et avec les semaines passées sur le terrain (trois séjours d’environ trois mois chacun entre 2014 et 2017), je semblais me fondre dans leur paysage sans que plus aucun commentaire ne me soit adressé. J’étais pour certains devenue une amie, une confidente, pour d’autres je paraissais sans aucun intérêt, mais je ne cherchais en aucun cas à jouer un rôle au sein du conflit local. Cette imprégnation m’a permis de mesurer ces différences profondes entre les discours tenus pendant et hors périodes électorales.

20Combes Hélène, Faire parti. Trajectoires de gauche au Mexique, Paris, Éditions Karthala, 2011.

21Recondo David, La démocratie mexicaine en terres indiennes, Paris, Éditions Karthala, coll. « Recherches internationales », 2009.

22Ibid., p. 115.

23López Caballero Paula, Les Indiens et la nation au Mexique : une dimension historique de l’altérité, Paris, Éditions Karthala, coll. « Recherches internationales », 2012.

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