Introduction générale
p. 7-22
Texte intégral
1Depuis la Révolution cubaine de 1959, l’Amérique latine est souvent pensée à travers les évènements et faits d’armes les plus spectaculaires qui jalonnent son histoire politique. Vastes mobilisations protestataires et insurrections, guérillas et révolutions, coups d’État et dictatures militaires rythment les dernières décennies. En Europe, en partie du fait d’un rapport à la région pétri d’un « exotisme familier1 », les représentations les plus ordinaires de la politique latino-américaine sont souvent bien plus tranchées que s’agissant d’autres régions du monde2. Entre le poids des certitudes et la force des émotions, les bouleversements réguliers des scènes politiques outre-Atlantique déchaînent les passions et polarisent les discours politico-médiatiques, militants et académiques.
2À partir du milieu des années 1990, dans un contexte de luttes contre des gouvernements néolibéraux, cette dialectique de fascination-répulsion s’est intensifiée. Ces luttes ont pris de multiples visages : des résistances indigènes centre-américaines à celles des pays andins en passant par les paysans Sans-terre brésiliens, les combats des chômeurs (piqueteros) et travailleurs argentins3 ; de la fondation de communautés zapatistes du Chiapas (Mexique) aux processus constituants et « révolutions » se réclamant du « socialisme du xxie siècle » (Venezuela, Bolivie, Équateur), en passant par la démocratie participative à Porto Alegre (Brésil)4. Populistes sinon autoritaires pour les uns, démocrates et émancipateurs pour les autres, les mouvements associés au « tournant à gauche5 » des années 2000 ont ainsi suscité des réactions contrastées6. À partir de 2015, on a assisté à un « virage à droite » qui a entraîné son lot de réactions symétriquement inverses. Enfin, ces dernières années, d’immenses mobilisations féministes (Argentine, Chili) et des protestations antigouvernementales multiformes ont émaillé la région (Venezuela, Nicaragua, Chili, Équateur, Bolivie, Colombie). Ce contexte de polarisation a reconduit les politiques et médias européens dans leur enclin à la romantisation ou au dénigrement des acteurs politiques latino-américains du moment.
3Au demeurant, force est de constater que malgré la fréquence des reconfigurations partisanes et des entreprises charismatiques prétendant conjurer une instabilité économique et politique chronique, la région reste des plus inégalitaires et violente au monde. Les injustices de classe, les tensions raciales et les violences patriarcales se perpétuent. Ainsi, par-delà les multiples formes qu’emprunte le politique, les structures sociales de domination demeurent relativement stables. C’est là le constat paradoxal qui est au fondement de nos réflexions.
Identifier et penser ensemble alternances critiques et dominations ordinaires
4Si la recherche en sciences sociales n’est pas toujours étanche à la polarisation suscitée par la politique latino-américaine, elle a pu suivre deux tendances analytiques principales pour interpréter les évolutions régionales des dernières décennies.
5La première donne une place centrale à la caractérisation de la nature des régimes politiques. Depuis les années 1980, les « transitions démocratiques » et « sorties de conflit » ont fait l’objet de travaux sur les transformations des institutions qui les accueillent, la qualité ou stabilité de leurs « performances » et les adaptations des populations au rôle de citoyen actif dans de nouvelles démocraties, plus ou moins libérales. À partir des années 2000, une série d’analyses « par le haut » se sont penchées sur les crises et les alternances vécues dans différents pays, les cadres sociaux produits par les réformes néolibérales des années 1980 et 1990, l’arrivée de gouvernements progressistes au pouvoir à la suite d’une vague de mouvements sociaux, les « populismes ». À l’étude de modes de gouvernance « progressistes » devenus de moins en moins pluralistes – voire autoritaires –, a succédé celle des retours des droites dans certains pays et de leur très grande hétérogénéité, de ses variantes libérales plus classiques7 aux formes plus conservatrices ou réactionnaires, sinon fascisantes8. Si ces travaux informent sur les variables et tendances macrosociologiques qui traversent ces sociétés, ils peuvent écraser, sous le poids de catégories générales (et en particulier celles de classification de régimes), la complexité de phénomènes dont les logiques dépassent celles des soubresauts politiques conjoncturels.
6Une deuxième perspective de recherches explore plutôt les différentes évolutions politiques, économiques et sociales des sociétés latino-américaines à partir de l’observation d’acteurs non institutionnels et au moyen d’une approche « par le bas ». Si ces analyses ne prétendent pas faire l’économie de l’étude du champ politique et de son influence sur la société et son devenir, elles se préoccupent avant tout d’observer de près des dynamiques construites par d’autres acteurs, en général sous les angles de la « participation » et des mobilisations collectives protestataires. Il s’agit là d’un éventail large et pluriel de travaux qui s’emploient à saisir le gouvernement du social, ses résiliences et mutations, à partir de ses expressions hétérogènes dans l’expérience concrète de groupes pour la plupart dominés. Ces analyses tendent toutefois à ne pas prendre parti – ou seulement implicitement – quant à la théorisation de l’évolution des structures de domination. La montée en généralité est d’autant plus difficile que les terrains dits « subalternes » sont souvent cantonnés à des productions monographiques. L’un dans l’autre, on assiste souvent à une validation tacite des cadres analytiques macrosociaux préexistants en termes de classification de régimes et, par extension, de leur superposition avec les clivages gauche/droite et des biais qu’ils tendent à reproduire.
7Ainsi, s’il nous apparaît nécessaire de prendre appui sur ces traditions de recherche, c’est avec l’objectif de les questionner et de les approfondir conjointement. On constate en effet que les sociétés de la région font régulièrement l’expérience d’alternances gouvernementales que l’on peut qualifier de critiques. Critiques, d’abord, au sens où celles-ci sont communément assimilées à des ruptures plus ou moins radicales avec le passé, qu’elles prennent la forme de « refondations » ou de « durcissements de régime », « révolutions » ou « contre-révolutions ». Critiques, ensuite, car ces alternances ont très souvent lieu à la suite de moments de crise politique plus ou moins intense, quand des leaders et gouvernements nouvellement élus prétendent traduire, aménager ou au contraire conjurer les revendications protestataires qui ont émergé au cours des crises. Critiques, enfin, parce qu’en certains cas elles débouchent assez rapidement sur de nouvelles crises ouvertes.
8Or, quelles que soient les formes qu’elles aient revêtues, ces alternances critiques n’ont que marginalement affecté les logiques ordinaires d’exploitation et de domination dans la région. Quoique selon des modalités et avec des temporalités diverses d’un pays à l’autre, on constate la reproduction de structures économiques et sociales profondément inégalitaires, dans lesquelles l’accumulation de richesses par les uns produit l’exclusion des autres. Aussi, ces continuités ont pu prendre place au sein de cadres juridico-politiques de moins en moins pluralistes. Il s’agit là d’une dynamique qui transcende largement les clivages partisans entre gouvernants des pays de la région.
Pour une approche pluridisciplinaire et ethnographique des alternances et dominations
9Pour saisir les alternances critiques et leurs relations aux dominations ordinaires, une approche pluridisciplinaire et empirico-inductive basée sur une recherche de terrain de type ethnographique est essentielle.
10Différentes traditions de recherches en sciences sociales peuvent être mobilisées pour parvenir à cette fin : les travaux portant sur l’analyse des régimes politiques, des crises et des transformations institutionnelles9, les recherches sur l’État et les politiques publiques10, les travaux sur les organisations politiques et l’action collective dans ses diverses expressions syndicales et contestataires11, les recherches sur les inégalités et leurs conséquences quotidiennes sur les individus, les groupes sociaux et les espaces12. Plusieurs disciplines, dont les frontières divergent selon les pays et dans le temps, ont un apport significatif sur plusieurs de ces thématiques sur les terrains latino-américains13. Pour certaines, ces thématiques renouvellent leurs recherches, à l’instar de l’anthropologie, de l’histoire, de l’économie, du droit au travers de questions de recherche somme toute très proches, parfois au travers d’approches voire interdisciplinaires qui décloisonnent les savoirs et les compétences.
11Le point de rencontre entre ces différentes disciplines, qui permet de proposer un regard pluridisciplinaire sur les alternances critiques et les dominations ordinaires en Amérique latine est la pratique de l’ethnographie en tant que méthode de recherche14. En effet, les divers travaux réunis dans cet ouvrage se construisent à partir d’enquêtes de terrain dans lesquelles les différents chercheurs ont observé et parfois participé à construire les dynamiques sociales qu’ils se sont proposé d’étudier. Si la relation au terrain est une question centrale15, c’est aussi la manière dont elle pèse sur le choix des catégories d’analyse et la définition des problématiques de recherche qui nourrit la réflexion collective. Ainsi se pose la question de la circulation de méthodologies et de connaissances16. Les manières d’entrer et d’exister sur le terrain de part et d’autre de l’Atlantique dialoguent entre elles pour saisir ce que le politique fait au social17.
12Enfin, notre attention toute particulière aux dominations ordinaires est pour partie nourrie par l’approche intersectionnelle18. Conscients des croisements des diverses formes de domination, et des spécificités de chaque forme d’hybridation possible des minorations par la classe, la race et le genre, nous concevons les dominations ordinaires comme agissant en système, tout en étant dépendantes de contextes spécifiques. Dans ce sens, les diverses expectatives propres aux périodes de crise et d’alternance politique sont une variable importante pour la compréhension des évolutions de ces phénomènes de domination, d’altérisation et de minoration19.
De la « transitologie » et de la typologie des régimes à l’analyse de leurs hybridations dans des conjonctures situées
13Des études classiques sur le populisme et l’autoritarisme à celles sur la « mort des démocraties20 », en passant par les sommes du Woodrow Wilson Center sur les « transitions démocratiques », la politique latino-américaine a donné lieu à des théories sur les conditions et les limites de l’exercice de la démocratie libérale qui ont pu faire autorité à l’échelle internationale. Si, à l’instar des pays jadis situés à l’Est du Rideau de fer, la question s’est posée de façon récurrente depuis le début du xxe siècle21, elle a acquis une tout autre dimension au tournant des années 1980-1990. Avec l’effondrement du bloc de l’Est et la promotion par les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) de la doctrine néolibérale, les élites du Nord et des Suds convergent dans la vision d’un horizon commun de « globalisation démocratique22 », où libéralisation économique et politique nourriraient un cercle vertueux. Entre les sorties des violents conflits d’Amérique centrale et celles des dictatures militaires dites de sécurité nationale du Cône sud, la région semble avoir acquis un tel savoir-faire « transitionnel » qu’elle en exporte les « recettes » de par le monde, avec ses experts attitrés23.
14Reste que dès le milieu des années 1990, sur fond de réformes néolibérales et de protestations sociales de grande ampleur, aussi bien une démocratie dite « consolidée » comme le Venezuela que celles réinstituées depuis peu comme l’Argentine connaissent des évènements (coups d’État, coups parlementaires, destitutions de présidents) qui mettent à rude épreuve les acquis de la première vague de transitions. En effet, contrairement aux lectures linéaires du sens de l’histoire régionale et globale24, et à l’instar de ce qu’on observe en Afrique et dans l’ex-bloc soviétique25, le multipartisme, la régularité des scrutins et la séparation des pouvoirs s’avèrent des conditions nécessaires, mais non suffisantes à la garantie du respect des droits civils et politiques des citoyens, en particulier les plus précaires ou dominés. Aussi l’idéologie développementiste, qui imprègne le secteur de la coopération internationale, se révèle-t-elle tout aussi dé-politisante dans ces néodémocraties que dans des configurations plus nettement autoritaires26. En outre, dans le contexte de l’après 11 septembre 2001, devant le risque d’investissements incontrôlés dans les États dits « fragiles », sinon « faillis » voire « voyous », les bailleurs internationaux promeuvent aux suds une « bonne gouvernance ». Celle-ci devient théoriquement synonyme de pluralisme et de stabilité, mais est aussi source de limitation des libertés fondamentales dans un climat sécuritaire propice au renforcement des capacités de l’État27.
15Partant, les « transitologues » vont interroger les phénomènes de « dépendance au sentier », c’est-à-dire les héritages autoritaires et les vecteurs d’instabilité institutionnelle qu’ils recèlent, tout en affinant leurs typologies avec les notions d’« autoritarisme compétitif » et de « régimes hybrides28 ». À notre sens, si ces dernières catégories peuvent caractériser certains États latino-américains à des périodes spécifiques des deux décennies écoulées, elles n’en demeurent pas moins prisonnières de deux écueils présents dès les premiers travaux de ce type. D’une part, elles sont enclines à la téléologie, c’est-à-dire à l’analyse des processus sociopolitiques à partir de leurs « résultats » à un moment donné. D’autre part, elles tendent à la naturalisation d’un type de régime (malgré tous les garde-fous posés à l’usage des catégories), et donc, par extension, à la réification des voies qui ont mené à son instauration, à sa consolidation ou au contraire à sa chute29.
16L’un dans l’autre, on perd de vue les multiples cheminements qui sont susceptibles de mener à un même type de régime. Nombreuses sont les circulations de pratiques et les convergences normatives autour du pluralisme et de la gestion du dissensus entre les États exportateurs de la « bonne gouvernance » et ceux qui se l’approprient30. Étant donné la confluence régionale et globale des modes de gouvernement qui « juxtaposent la compétition et le droit de suffrage à la clôture élitiste des lieux de décision31 » et la limitation judiciaire et policière du dissensus, il ne s’agira pas ici d’élaborer une nouvelle typologie, mais plutôt de recentrer les analyses sur les conjonctures spécifiques qui favorisent l’ouverture ou au contraire la fermeture du champ politique.
17À cet égard, on gagne à penser une configuration nationale-étatique donnée comme un ensemble d’arrangements localisés entre les régimes partiels de régulation de différents espaces, secteurs ou champs d’activité plus ou moins autonomes, et dont les frontières évoluent dans le temps et dans l’espace. En l’espèce, tout changement de régime se matérialise dans des conjonctures situées de (contre)mobilisations affectant un nombre déterminé de secteurs d’activité, où il s’agit d’observer in situ comment s’étend ou se restreint l’exercice du pluralisme via les normes formelles et pratiques mises en œuvre. Et de fait, plus ces secteurs mobilisés sont nombreux, plus le degré d’incertitude est important, et moins les modèles des transitologues sont susceptibles de fonctionner32.
18Plusieurs contributions éclairent ici cette perspective. Pauline Vandenbossche analyse les fonctions politiques des audiences de la juridiction spéciale pour la paix, nouvelle institution qui témoigne d’une alternance dans la manière de lutter contre l’impunité militaire. Les témoignages teintés d’émotions des victimes servent un mouvement de politisation et de dépolitisation de la justice, grâce à la confiance inspirée par les magistrats qui permet de renforcer la légitimité de l’institution.
19Julie Massal retrace l’émergence du « droit à la manifestation », institué au cours des années 2010, réactivé ensuite par les mobilisations en faveur de demandes sociales réprimées en 2019 et marquées par des abus policiers. La trajectoire de ce droit témoigne de la restriction de l’ouverture démocratique pourtant attendue du processus de paix de 2016, malgré des demandes sociales fortes et souvent pacifistes.
20Enfin, Carla Tomazini étudie l’évolution des politiques sociales à la lumière des changements politiques dans le cadre des transitions critiques à la suite de la destitution de Dilma Rousseff, en particulier sous la présidence de Michel Temer et Jair Bolsonaro. Dans une analyse de l’État au concret, la chercheuse constate le démantèlement actif des politiques sociales au travers de politiques d’austérité promotrices de réduction structurelle des recettes, augmentant la précarité, la pauvreté et les inégalités du peuple brésilien.
Sociologie politique et continuité des dominations ordinaires. Ce que le politique fait au social
21L’étude des régimes et des crises politiques ne saurait suffire à appréhender les relations au sein d’une société. Les outils de la sociologie politique sont à cet égard indispensables pour comprendre plus finement la diversité des types de domination (de classe, ethnoraciale, de genre) inscrite dans des modèles de développement.
22Les discours qui accompagnent les changements politiques sont parfois enchantés. Ils prennent position pour dessiner les contours de l’État, pour mettre en œuvre rapidement des politiques publiques aux objectifs variés et aux conséquences inégales. Pourtant, ces changements politiques conjoncturels peinent à modifier les structures de domination. Qu’elles se perpétuent au travers d’institutions ou de manière moins formelle, ces structures renvoient à des enjeux relatifs au modèle de développement.
Entre appartenances territorialisées et quête de reconnaissance politique : les classes populaires face aux États
23Les relations entre les États de l’Amérique latine et les classes populaires de leurs pays ont historiquement été conflictuelles. En effet, au sein de ces sociétés extrêmement inégalitaires, l’accès à la citoyenneté pleine en termes de pratiques politiques et de capacités matérielles pour leur exercice n’est pas nécessairement garanti. Dans ces contextes, les normes internationales promues par les bailleurs de fonds depuis les années 1980, encouragent des politiques dites participatives, censées promouvoir l’inclusion politique et l’amélioration des conditions de vie de ces populations. C’est notamment le cas en contexte urbain, où se concentre depuis la deuxième moitié du xxe siècle le gros des populations des pays de l’Amérique latine. Dans ces cadres urbains se sont développés ce que l’on nomme selon les pays les barrios, les villas, les favelas, c’est-à-dire des quartiers populaires où l’installation et la construction des habitations sont notamment issues des formes diverses d’autoconstruction et d’autogestion. Aux bords ou dans les frontières de ce qu’on appelle la « ville formelle », ces « villes informelles33 » répondent aux besoins de logement des populations arrivées en ville par la concentration des activités économiques sur place. Dans ces territoires, les pouvoirs publics ne se portent pas automatiquement garants de l’accès aux biens et aux services publics. Sur ces bases, les relations contentieuses entre les organisations issues des quartiers populaires et l’État se construisent. Celles-ci sont historiquement canalisées par le biais des politiques participatives.
24Ainsi, par l’ensemble de dynamiques qui ont pu être appelées la « politique des pauvres34 », les classes populaires construisent des relations de coopération avec des réseaux politico-administratifs en capacité de faire parvenir des biens publics à ces populations et leurs quartiers. Ces dynamiques ont pu être étudiées de manière relativement normative à partir de la catégorie de « clientélisme35 ». Elles ont aussi été au cœur d’un renouvellement sociologique et anthropologique qui se donne à étudier « la politique vécue36 » au quotidien et les formes d’appropriation et de politisation construites par les classes populaires au sein de ces échanges37. Ces échanges sont produits au sein de relations toutefois inégalitaires et de domination. À leur tour, ces travaux peuvent être nourris par l’approche du « droit à la ville38 ». Elle observe comment les inégalités en termes d’appartenance ou de propriété foncière, d’accès aux services publics de base et du droit concret (c’est-à-dire, accompagné des capacités matérielles) à la mobilité et la circulation structurent finalement les véritables capacités à agir en tant qu’acteur politique des populations urbaines, au désavantage des classes populaires. La contribution de Yaneira Wilson, portant sur les promesses déçues de la mission logement de la Révolution bolivarienne au Venezuela est particulièrement éclairante sur ce point. Face à l’incapacité de l’État à garantir l’accès aux services urbains dans les nouveaux projets de logement, les habitants des quartiers mettent en œuvre des stratégies d’adaptation, de résistance et de résilience pour faire face à la précarité au quotidien.
25Du constat des inégalités découle la nécessité de l’organisation et de la lutte. Ces luttes se produisent justement en prenant appui sur les appartenances populaires qui s’enracinent dans les territoires. Ainsi, le quartier est le point d’appui pour des formes d’organisation et de mobilisation collective ayant pour but à la fois la reproduction et la durabilité de la vie, la conquête et la protection des droits sociaux et politiques. L’exclusion devient donc le stigmate à retourner afin de s’intégrer dans des rapports de force et de s’approprier le politique.
Les dominations au travail : entre reconstitution d’arrangements corporatistes, résistances syndicales et maintien de l’informalité de l’emploi
26Les relations de travail en Amérique latine s’inscrivent également dans un cadre fortement modelé par l’État39. Depuis l’instauration de canaux de régulation au début du xxe siècle par l’adoption d’une législation sociale, les organisations syndicales sont plus ou moins contrôlées par l’État. La période néolibérale a profondément démantelé ce modèle corporatiste jusqu’à la destruction, quelques fois, des arrangements existants40. Le courant des nouvelles études du travail a montré que loin des spéculations sur la « fin du travail41 », le travail n’a jamais été aussi présent dans la vie des Latino-Américains42. Le salariat a ainsi profondément évolué vers des formes variées de travail atypique, beaucoup plus précaires, informelles, bien moins syndiquées, plus dispersées territorialement et moins stables en termes d’identités collectives. Ces évolutions participent à la déstructuration du travail dans ses dimensions statutaires, salariales et sociales43. Sur ces aspects, les gouvernements progressistes n’ont que très partiellement réincorporé le mouvement syndical, donnant davantage d’importance aux mouvements organisés dans les quartiers évoqués précédemment44.
27Toutefois, on peut constater d’importantes différences à l’intérieur de l’Amérique latine. La faiblesse des taux de syndicalisation en Amérique centrale et les Caraïbes contraste avec ceux, plus élevés, observés dans le Cône sud. En Uruguay, les gouvernements du Frente Amplio ont promulgué de nombreuses lois renforçant les libertés syndicales45. En Argentine, les gouvernements kirchnéristes ont favorisé les négociations collectives de branche (appelées paritarias) pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés46. L’action des gouvernements progressistes dans le champ syndical ne doit pas être appréhendée de manière unilatérale. À l’inverse des dynamiques précédemment citées, les gouvernements Chávez et Correa ont restreint les droits syndicaux tout en octroyant de nouveaux droits individuels aux travailleurs47.
28Dans l’ensemble de l’aire latino-américaine, les organisations syndicales demeurent des actrices majeures du mouvement social, même si elles ont perdu une partie de leur centralité qui les caractérisait au xxe siècle48. Nous nous interrogerons ainsi sur la résilience de cette domination dans les relations de travail et la persistance du paradigme néolibéral dans le travail en Amérique latine malgré de nombreuses résistances. La contribution de Sebastián Pérez Sepúlveda présente notamment ces enjeux dans le domaine de la sous-traitance du secteur primo-exportateur. Il analyse les évolutions de la définition normative du travail de la dictature de Pinochet aux révoltes de 2019, tenant compte de l’évolution des rapports de force entre patronat et syndicats à l’heure de la fragmentation du travail.
Dominations ethniques et raciales : entre autochtonie, afroaméricanité et quête d’égalité
29Les dominations de classe, vécues dans les territoires populaires ruraux comme urbains, et dans le cadre du travail, s’entrecroisent et se complexifient par les relations de pouvoir ethniques et raciales. La catégorisation de ces rapports sociaux suscite de larges développements académiques et militants, et une partie du vocabulaire des études critiques sur la race49 provient précisément d’études sur l’Amérique latine et de mouvements militants latino-américains50. Les usages des notions de race et d’ethnicité dépendent éminemment de leur contexte de production. Dans les situations latino-américaines, le travail de Peter Wade51 reste utile à la définition de ces termes. La race est ainsi selon lui une catégorie renvoyant à des rapports de pouvoir macro, au passé colonial, à l’histoire de l’esclavage ainsi qu’à la domination économique des populations racisées. Si la race est une construction sociale, le processus d’altérisation raciale prend généralement prétexte de caractéristiques phénotypiques pour catégoriser des populations. L’ethnicité est quant à elle entendue comme sans relation avec les phénotypes, mais comme l’appartenance réelle ou supposée d’un individu à un groupe défini par des traits culturels. Ceux-ci sont pensés comme étant en lien avec un territoire donné.
30Ainsi, les populations indígenas52 et afro-américaines53, historiquement marginalisées dans des États fondés au moment de la colonisation54, subissent toujours des pratiques discriminatoires. Longtemps exclue de l’exercice du pouvoir du fait de l’absence de reconnaissances de droits civils et politiques, leur participation s’est élargie au cours de la deuxième moitié du xxe siècle, inspirant un ensemble de travaux s’intéressant à un processus de démocratisation variable55. Cette participation reste en partie à conquérir : c’est l’objet de nombreuses mobilisations pour l’accès aux droits de certaines communautés indigènes, qui passe par des mobilisations locales, nationales et transnationales56. Mais l’égalité politique est aussi un objectif formel de certaines organisations internationales, gouvernementales ou non. Aussi, l’accès à des ressources dans le cadre de programmes internationaux dits de développement peut être conditionné à des formes d’organisation basées sur des identités communautaires qui deviennent alors à la fois une source de revendication, mais aussi une nécessité pour la reconnaissance par des acteurs porteurs de ces programmes57. Dans d’autres cas, la question de la captation de ressources prime sur celle de la quête d’égalité58.
31Dans sa contribution, Marjolaine Bédiat analyse ainsi l’évolution des cadres d’accès et d’exclusion au politique à l’échelle locale, en s’intéressant aux fortes tensions empreintes de rivalité des habitants d’une communauté indigène qui bénéficient du leadership communautaire. Cette communauté est celle d’une petite ville de l’État mexicain d’Oaxaca. Ne bénéficiant pas de cette reconnaissance ethnoraciale de type communautaire, les classes populaires du quartier le plus habité de la ville se retrouvent marginalisées.
Violences et dominations contre les femmes et les minorités sexuelles : des mobilisations en développement face à l’accroissement des pressions traditionalistes patriarcales
32Progressivement dans les différents pays latino-américains, les mobilisations de femmes à partir des années 1960 et les mobilisations féministes à partir des années 1970 ont favorisé l’apparition de nombreuses revendications comme le droit à l’avortement, la lutte contre les violences intrafamiliales, la mobilisation contre les grossesses précoces et la lutte contre les féminicides… Les études de genre se sont développées dans les institutions universitaires en s’appuyant sur certaines de ces logiques militantes antérieures. Dans la pratique comme dans les études de genre latino-américaines, l’approche intersectionnelle est mobilisée. Le genre qui n’est pas biologique est bien social, c’est un élément fondamental et non binaire qui fonde les rapports sociaux, dans nos sociétés patriarcales, et qui se combine avec d’autres logiques inégalitaires59. Ceci explique que ces études se soient intéressées d’abord et en particulier aux rapports sociaux inégalitaires subis par les femmes, en particulier dans les quartiers populaires, au travail, en migration, mais aussi dans leur vie quotidienne, dans les espaces privés et publics60.
33En parallèle, les recherches sur le genre ont questionné les sexualités, permettant une meilleure prise en compte des dominations et violences vécues par les populations LGBTI+. Celles-ci se développent même si elles restent limitées du fait de la forte stigmatisation encore dominante des personnes LGBTI+, dans des sociétés encore largement empreintes de normes traditionnelles et particulièrement violentes envers ces minorités.
34Contre ces mouvements appelant à une meilleure reconnaissance des droits des femmes et des minorités sexuelles61, les Églises évangéliques sont parmi les acteurs réactionnaires les plus mobilisés62. Dans des contextes de crises sociales et politiques où ces tensions sont renforcées, les études de genre ont porté leur regard sur les masculinités63. Du fait de la permanence de la domination patriarcale naît une quatrième vague féministe dans le monde latino-américain (en créant notamment le mot de féminicide qui connaît depuis une diffusion mondiale)64. Dans certains cas, des formes d’articulations novatrices avec le mouvement ouvrier65 et dans les économies informelles des marchés populaires66 sont inventées.
35Ces champs de recherche et les mobilisations sociales sont aussi stimulés par les programmes d’aide à la coopération et le développement d’ONG, qui conduisent à l’adoption de politiques publiques qui ont pour objectif de favoriser une meilleure inclusion des minorités selon une approche transversale qui intègre la composante de genre. Ces dynamiques ont conduit à une institutionnalisation relative des mouvements féministes, au sein des administrations publiques, mais aussi au sein du champ académique67. Ces dynamiques variées sont vectrices de débats ardents68 entre les tenants des approches sur la colonialité et les féministes, en particulier autour du concept de « colonialité de genre » créé par María Lugones, à partir d’une lecture critique du travail d’Anibal Quijano69. Dans sa contribution, Laura Cahier s’intéresse ainsi à des espaces de mobilisations locales de femmes mayas kaqchikels contre les violences faites aux femmes, où ces actrices s’approprient les normes juridiques internationales dans une logique d’hybridation de leur culture indigène afin de mieux faire valoir leurs droits au Guatemala.
Le modèle de développement questionné : contradictions entre alliance avec des activistes environnementaux et accentuation de l’extractivisme
36Les problématiques précédemment citées se heurtent au modèle de développement fondé sur l’exploitation de matières premières. Nombre de ces projets dits extractivistes s’inscrivent dans le cadre des dominations que nous venons d’évoquer. Situés dans des communautés indigènes, ils questionnent leur droit à cette terre que leurs ancêtres occupent depuis des siècles. Attirant des milliers d’hommes pour un travail souvent peu durable, ces activités impliquent également des dominations de genre et de classe. Au-delà des lieux d’exploitation, ces projets créent des cadres économiques spécifiques (dépendance au système économique mondial, États aux ressources fluctuant selon le cours des matières premières exportées) et une relation spécifique à l’État, lui octroyant une fonction « magique » de redistribution de la rente70.
37La prééminence de la production de matières premières est une caractéristique des économies latino-américaines depuis la colonisation dans le cadre de la division internationale du travail. Les affrontements autour du modèle de développement sont devenus l’un des clivages les plus profonds au sein des gauches latino-américaines. Certains désirent une exploitation irrépressible des matières premières pour accumuler des richesses en vue de les redistribuer. D’autres se préoccupent davantage de trouver un système économique moins dépendant et plus durable71. Si les gouvernements progressistes du début du siècle ont questionné dans les discours ce paradigme extractiviste, ils se sont largement inscrits dans cette continuité historique. Bénéficiant d’une conjoncture où les cours des matières premières étaient particulièrement élevés, ils ont même tenté d’investir un maximum dans ce secteur pour capitaliser le boom des commodities. En Argentine, par exemple, celui-ci peut prendre des formes différentes : de l’expansion de la culture du soja au développement de la fracturation hydraulique en Patagonie72. En Bolivie, un extractivisme « organique » est partiellement construit avec les communautés indigènes73. Ces configurations ne sont pas exemptes de contradictions entre alliances de forces politiques au pouvoir avec les activistes anti-extractivistes et accentuation d’un modèle de développement fondé sur ce même extractivisme.
38Deux contributions nous éclairent ici sur ces dynamiques à des moments différents. D’une part, Sunniva Labarthe propose un état des lieux de la question de « l’extractivisme » en Équateur, en revenant sur les déroutes successives de deux grandes campagnes emblématiques du double discours gouvernemental de la période, « l’initiative Yasuní-ITT » et le « procès Chevron Texaco ». Elle montre comment des acteurs multi positionnés entre différents espaces nationaux et transnationaux ont œuvré simultanément à la diffusion de la cause des populations autochtones face aux dégradations environnementales et à la déresponsabilisation de l’État équatorien.
39D’autre part, Simon Lévy questionne la profondeur des changements de l’alternance critique mexicaine produite depuis 2018 par la « Quatrième transformation » promue par le nouveau président López Obrador du parti Morena. Il identifie des modifications de structures locales des opportunités politiques, grâce à l’étude des trajectoires et discours de personnalités politiques locales face aux politiques promues par Morena, notamment face à l’enjeu de l’exploitation des ressources naturelles en tant que facteur de développement privilégié du pays, malgré des conflits extractifs.
40Au vu de l’actualité de différentes dimensions de la domination surgit l’évidence, par-delà leurs mutations, de la durabilité et de la pesanteur des structures de domination ordinaires dans les sociétés latino-américaines. Pour la saisir, il convient de relier l’étude des alternances et transformations politiques à l’analyse du social et des résistances opposées à ces dominations, pour ne pas surévaluer l’importance des changements « par le haut ».
41Partant de ces constats, l’objet de cet ouvrage est de saisir comment les alternances critiques s’articulent à la reproduction des dominations ordinaires en Amérique latine. Autrement dit, il s’agit de voir comment elles s’accommodent, se nourrissent, invisibilisent et redéploient sous d’autres formes, des structures sociales inégalitaires et excluantes, alors même qu’elles sont généralement pensées comme étant synonymes de changement social.
42L’ouvrage est composé de neuf textes qui développent des études de cas sur la base d’enquêtes de jeunes chercheurs, et qui ont été articulés en deux parties. La première porte sur le redéploiement de l’État dans des contextes de changements politiques plus ou moins profonds. Pour ce faire, les contributions de Carla Tomazini, Simon Lévy, Marjolaine Bédiat, Yaneira Wilson Wetter et Pauline Vandenbossche s’intéressent à des politiques publiques précises et questionnent dans quelles mesures celles-ci tendent à reproduire des dominations ordinaires. La seconde partie de l’ouvrage s’intéresse aux actions collectives de contestations et de résistances face aux dominations. Elle regroupe les articles de Sebastián Pérez Sepúlveda, Laura Cahier, Julie Massal et Sunniva Labarthe.
43Cet ouvrage est le fruit de réflexions collectives et recherches de terrain, dont certaines avaient été présentées dans un premier temps durant un colloque international organisé à l’université Lumière Lyon 2, en octobre 2019. Nous aimerions ici remercier chaleureusement les collègues discutantes et discutants, étudiantes et étudiants, autrices et auteurs, amies et amis, et institutions qui nous ont accompagnées et accompagnés dans cette aventure intellectuelle et sans qui la publication de cet ouvrage n’aurait pas été possible.
Notes de bas de page
1C’est-à-dire où la proximité linguistique et plus généralement culturelle tend à donner l’illusion d’une meilleure prise sur les réalités du terrain. Saint-Upéry Marc, Le rêve de Bolivar. Le défi des gauches sud-américaines, Paris, La Découverte, 2008.
2Sur les enjeux de construction scientifique des aires culturelles voir notamment Demyk Noëlle, « D’un paradigme à l’autre : les apories de la notion d’aire culturelle », Cahiers des Amériques latines, no 40, 2002, p. 178-187.
3Quijoux Maxime, Néolibéralisme et autogestion. L’expérience argentine, Paris, IHEAL, 2011.
4Gret Marion et Sintomer Yves, Porto Alegre. L’espoir d’une autre démocratie, Paris, La Découverte, 2005.
5Brisset-Foucault Florence et al. (dir.), dossier « Amérique latine : le tournant à gauche », Mouvements, no 47-48, 2006.
6Gaudichaud Franck, Le volcan latino-américain. Gauches, mouvements sociaux et néolibéralisme au sud du rio Bravo, Paris, Textuel, 2008 ; Saint-Upéry Marc, Le rêve de Bolivar…, op. cit. ; Dabène Olivier (dir.), La gauche en Amérique latine, Paris, Presses de Sciences Po, 2012 ; Gaudichaud Franck et Posado Thomas (dir.), Gouvernements progressistes en Amérique latine (1998-2018). La fin d’un âge d’or, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2021.
7Vommaro Gabriel, La larga marcha de Cambiemos. La construcción silenciosa de un proyecto de poder, Buenos Aires, Siglo XXI, 2017.
8Delcourt Laurent (dir.), « Le Brésil de Bolsonaro : le grand bond en arrière », Alternatives Sud, vol. 27, no 2, 2020.
9Voir notamment Dabène Olivier, Amérique latine, les élections contre la démocratie ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2008 ; Rouquié Alain, À l’ombre des dictatures, La démocratie en Amérique latine, Paris, Albin Michel, 2010 ; Couffignal Georges, La Nouvelle Amérique latine. Laboratoire politique de l’Occident, Paris, Presses de Sciences Po, 2013.
10Voir notamment Alcantara Saez Manuel (dir.), Politicians and Politics’ Latin America, Boulder, Lynne Rienner Publishers, 2008 ; dossier « Expériences de développement en Amérique latine : la politique et l’économie », Mondes en développement, no 188, 2019/4 ; dossier « Les gauches en Amérique latine : un état des lieux », Revue internationale de politique comparée, vol. 12, 2005/3 ; dossier « Dynamiques de la participation en Amérique latine », Participations, no 11, 2005/1.
11Voir notamment « Mobilisations en Amérique latine », Revue internationale de politique comparée, vol. 17, 2010/2 ; Svampa Maristella, « Mouvements sociaux, matrices sociopolitiques et nouveaux contextes en Amérique latine », Problèmes d’Amérique latine, vol. 74, no 4, 2009, p. 113-136 ; Goirand Camille, « Penser les mouvements sociaux d’Amérique latine. Les approches des mobilisations depuis les années 1970 », Revue française de science politique, vol. 60, no 3, 2010, p. 445-466 ; Masson Sabine, « Genre, race et colonialité en Amérique latine et aux Caraïbes une analyse des mouvements indigènes et féministes », in Olivier Fillieule (dir.), Le sexe du militantisme, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, p. 299-316.
12Voir notamment Dimensiones de la desigualdad, numéro spécial de la revue Política y Cultura, UAM – Mexique, no 22, 2004 ; Portes Alejandro et Hoffman Kelly, « Latin American Class Structures: Their Composition and Change during the Neoliberal Era », Latin American Research Review, vol. 38, no 1, février 2003 ; Zagefka Polymnia et Zumello Christine, Égalité/inégalités dans les Amériques, Paris, La Documentation française, coll. « Institut des Amériques », 2008 ; Labarthe Sunniva, « Les résultats mitigés des gauches latino-américaines », in Bertrand Badie (dir.), Un monde d’inégalités, Paris, La Découverte, 2017, p. 215-227.
13Le Tourneau François-Michel, Harter Hélène, Lacroix Jean-Michel et Giraud Paul-Henri, « Recherches françaises contemporaines sur les Amériques : Amérique latine », Les études sur les Amériques en France : Livre blanc du GIS Institut des Amériques, Paris, Institut des Amériques, 2017, p. 80-120.
14Lignier Wilfried, « Implications ethnographiques », Genèses, vol. 1, no 90, 2013.
15Ibid. Voir également Becker Howard S., « L’enquête de terrain : quelques ficelles du métier », Sociétés contemporaines, vol. 40, no 1, 2000, p. 151-164.
16Bourdieu Pierre, « Les conditions sociales de la circulation internationale des idées », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 1, no 145, 2002, p. 3-8 ; Vauchez Antoine, « Le prisme circulatoire. Retour sur un leitmotiv académique », Critique internationale, no 59, p. 9-16.
17Ici, il paraît important d’observer comment l’histoire propre à chaque champ académique diffère pour chaque continent, voire chaque pays. Ainsi, une forte valorisation de ce que l’on appelle la « recherche-action » en Amérique latine est en forte tension avec la revendication en termes de l’autonomie des sciences en France. Chacune de ces traditions produit des positions différenciées pour les chercheurs, variable qui doit être prise en compte au moment de faire dialoguer les recherches et les catégories portées sur la société et le politique. Pour la recherche-action, voir Palumbo María Mercedes (dir.), Educación popular. Para una pedagogía emancipadora latinoamericana, Buenos Aires, CLACSO, 2020.
18Crenshaw Kimberle, « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics », The University of Chicago Legal Forum, no 140, 1989, p. 139-167.
19GenERe (dir.), Épistémologies du genre : Croisements des disciplines, intersections des rapports de domination, Lyon, ENS Éditions, 2018.
20Germani Gino, Política y sociedad en una época de transición. De la sociedad tradicional a la sociedad de masas, Buenos Aires, Paidós, 1962 ; Linz Juan, Totalitarian and Authoritarian Regimes, Boulder, Lynne Rienner, 2000 (1975) ; O’Donnell Guillermo, Schmitter Philippe et Whitehead Laurence (dir.), Transitions from Authoritarian Rule. Prospects for Democracy, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1986 ; Levitsky Steven et Ziblatt Daniel, How Democracies Die, New York, Crown, 2018.
21Hermet Guy, « Les démocratisations au xxe siècle : une comparaison Amérique latine/Europe de l’Est », Revue internationale de politique comparée, vol. 8, no 2, 2001, p. 285-304.
22Camau Michel, « Globalisation démocratique et exception autoritaire arabe », Critique internationale, vol. 1, no 30, p. 59-81.
23Lefranc Sandrine, Politiques du pardon, Paris, Presses universitaires de France, 2018.
24Eisenstadt Shmuel N., « Multiple Modernities », Daedalus, vol. 129, no 1, 2000, p. 1-29.
25Dufy Caroline et Thiriot Céline, « Les apories de la transitologie : quelques pistes de recherche à la lumière d’exemples africains et post-soviétiques », Revue internationale de politique comparée, vol. 20, no 3, 2013, p. 19-40.
26Ferguson James, The Anti-Politics Machine: “Development”, Depoliticization and Bureaucratic Power in Lesotho, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; Allal Amin, L’autoritarisme participatif : politiques de développement et protestations dans la région minière de Gafsa en Tunisie, 2006-2010, thèse de doctorat en science politique sous la direction de Mohamed Tozy, Aix-en-Provence, Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, 2013.
27Carothers Thomas, « Democracy Assistance: Political versus Developmental? », Journal of Democracy, vol. 20, no 1, 2009, p. 5-19.
28Voir notamment Levitsky Steven et Way Lucan, « The Rise of Competitive Authoritarianism », Journal of Democracy, vol. 13, no 2, 2002, p. 51-65 ; Levitsky Steven et Way Lucan, Competitive Authoritarianism: Hybrid Regimes after the Cold War, Cambridge, Cambridge University Press, 2010.
29Dobry Michel, « Les voies incertaines de la transitologie : choix stratégiques, séquences historiques, bifurcations et processus de path dependence », Revue française de science politique, vol. 50, no 4-5, 2000, p. 585-614.
30Dabène Olivier, Geisser Vincent et Massardier Gilles (dir.), Autoritarismes démocratiques. Démocraties autoritaires au xxie siècle. Convergences Nord-Sud, Paris, La Découverte, 2008.
31Massardier Gilles et Camau Michel (dir.), Démocraties et autoritarismes ; fragmentation et hybridation des régimes, Paris, Karthala, 2009.
32Dobry Michel, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles, Paris, Presses de la FNSP, 1986.
33Ollivier Serge, Existir como comunidad. Vivre la démocratie dans les barrios de Caracas sous la IVe République vénézuélienne (1958-1998), thèse de doctorat sous la direction d’Annick Lempérière, Paris, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2017.
34Auyero Javier, La política de los pobres: las prácticas clientelistas del peronismo, Buenos Aires, Manantial, 2001.
35Iazetta Osvaldo M., O’Donnell Guillermo et Vargas Cullel Jorge, The Quality of Democracy: Theory and Applications, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2004.
36Quirós Julieta, El porqué de los que van: peronistas y piqueteros en el Gran Buenos Aires: una antropología de la política vivida, Buenos Aires, Editorial Antropofagia, 2011.
37Combes Hélène et Vommaro Gabriel, « Relations clientélaires ou politisation : pour dépasser certaines limites de l’étude du clientélisme », Cahiers des Amériques latines, vol. 2, no 69, 2012, p. 17-35 ; Bracho Yoletty, « L’économie morale de la révolution », Sociétés contemporaines, vol. 2, no 118, 2020, p. 79-102. Ces débats sur les échanges politiques se font largement en référence au travail de Thompson Edward P., « The Moral Economy of the English Crowd in the Eighteenth Century », Past and Present, no 50, 1971, p. 76-136.
38Lefebvre Henri, Le droit à la ville, Paris, Anthropos, 1968.
39Collier David et Collier Ruth Berins, Shaping the Political Arena: critical Junctures, the labor Movement, and regime Dynamics in Latin America, Princeton, Princeton University Press, 1991.
40Oxhorn Philip, « Is the Century of Corporatism Over? Neoliberalism and the Rise of Neopluralism », in What Kind of Democracy? What Kind of Market? Latin America in the Age of Neoliberalism, University Park, Pennsylvania State University Press, 1998, p. 195-217.
41Rifkin Jérémy, La Fin du travail : le déclin de la force globale de travail dans le monde et l’autre de l’ère post-marché, Paris, La Découverte, 1996.
42De la Garza Enrique, « Fin del trabajo o trabajo sin fin », in Los estudios laborales en América Latina, México, Anthropos/UAM, 2016, p. 211-236.
43Parmi une littérature très abondante, citons De La Garza Enrique et Pries Ludger, Globalización y Cambio en las Relaciones Industriales, México, Fundación Ebert, 1999 ; De La Garza Enrique (dir.), Tratado Latinoamericano de Sociología del Trabajo, Ciudad de México, FCE, 2000 et De La Garza Enrique, Trabajo no clásico, organización y acción colectiva, México, Plaza y Valdés, UAM, 2011, 2 tomes. Pour aller plus loin, voir la cinquantaine d’ouvrages publiés sur le sujet par Enrique de la Garza depuis 1983 : [http://sgpwe.izt.uam.mx/pages/egt/publicaciones/libros/index.htm].
44Gaudichaud Franck et Posado Thomas (dir.), « Syndicalismes et gouvernements progressistes », Cahiers des Amériques latines, no 86, 2017, p. 17-144 ; Silva Eduardo et Rossi Federico (dir.), Reshaping the Political Arena in Latin America: From Resisting Neoliberalism to the Second Incorporation, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2018.
45Quiñones Mariela, « Cambios del sindicalismo en Uruguay: demandas de reconocimiento y nuevos repertorios de acción colectiva », Desacatos. Revista de Ciencias Sociales, no 67, 2021, p. 140-155.
46Anigstein Cecilia, « De la articulación orgánica a la confrontación: la CGT y los Gobiernos kirchneristas en la Argentina », Cahiers des Amériques latines, no 90, 2019, p. 141-159.
47Posado Thomas, Les reconfigurations du syndicalisme dans le Venezuela d’Hugo Chávez : une réincorporation ambiguë ?, thèse de science politique, sous la direction de Yves Sintomer, Paris, université Paris 8, 2015, p. 203-218 ; Marega Magali, « Le jardin aux sentiers qui bifurquent ? Le syndicalisme en Équateur », Cahiers des Amériques latines, no 86, 2017, p. 31-48.
48Etchemendy Sebastián et Collier Ruth Berins, « Down But Not Out: Union Resurgence and Segmented Neocorporatism in Argentina (2003-2007) », Politics and Society, vol. 35, no 3, 2007, p. 363-401.
49Delgado Richard et Stefancic Jean, Critical Race Theory: an Introduction, New York, New York University Press, 2017 (3e édition).
50Castro-Gómez Santiago et Grosfoguel Ramón, El giro decolonial: Reflexiones para una diversidad epistémica más allá del capitalismo global, Bogotá, Ciencias Sociales y Humanidades, 2007.
51Wade Peter, Race and Ethnicity in Latin America, New York, Pluto Press, 2010 (2e édition).
52Dans ce contexte latino-américain, le terme renvoie aux groupes sociaux dont la présence en Amérique est précoloniale et est mobilisé par les premiers concernés lors des diverses formes de mobilisations communautaires. Ce terme est distinct du vocable colonial d’índio qui en français se traduirait littéralement par « indien », mais renvoie bien à « indigène » dans son acception coloniale. Voir Canessa Andrew (dir.), Natives Making Nation: Gender, Indigeneity and the State in the Andes, Tucson, University of Arizona Press, 2005, p. 24-25.
53Nous entendons ici par afro-américain non seulement les populations noires étatsuniennes, mais toute autre population du continent américain revendiquant et étant perçue comme issue des populations africaines ayant été réduites en esclavage et amenées de force sur les territoires du continent durant la période coloniale. Dans la période contemporaine, divers termes sont mobilisés pour mettre en valeur l’héritage africain dont afro-latinidad et afro-americanidad sont parmi les plus répandus. À ce propos, voir Nueva Sociedad, no 292, 2021.
54Thibaud Clément, « Race et citoyenneté dans les Amériques (1770-1910) », Le Mouvement social, vol. 3, no 252, 2015, p. 5-19 ; Fisher Andrew et O’Hara Matthew D. (dir.), Imperial Subjects: Race and Identity in Colonial Latin America, Durham, Duke University Press, 2009.
55Verdo Geneviève et Vidal Dominique, « L’ethnicité en Amérique latine : un approfondissement du répertoire démocratique ? », Critique internationale, vol. 57, no 4, 2012, p. 9-22.
56Dávalos Aguilar Pablo, « Movimientos Indígenas en América Latina: el derecho a la palabra », Pueblos indigenas, Estado y democracia, Buenos Aires, CLACSO, 2005 ; Bellier Irène, « Les droits des peuples autochtones. Entre reconnaissance internationale, visibilité nouvelle et violations ordinaires », L’Homme et la société, vol. 206, no 1, 2018, p. 137-174 ; Martinat Françoise, La reconnaissance des peuples indigènes entre droit et politique, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017.
57Parizet Raphaëlle, Les paradoxes du développement. Sociologie politique des dispositifs de normalisation des populations indiennes au Mexique, Paris, Dalloz, 2015 ; Allain Mathilde, Défendre le territoire : la construction de solidarités internationales par les organisations paysannes colombiennes, thèse de doctorat de science politique sous la direction de Antoine Roger et Sylvie Ollitrault, Bordeaux, université de Bordeaux, 2016.
58Dávalos Aguilar Pablo, La « révolution silencieuse » de la Banque mondiale et du FMI, et le « Buen Vivir » : essais critiques sur le développement. Économies et finances, Grenoble, université Grenoble Alpes, 2017 ; Parizet Raphaëlle, Les Paradoxes du développement. Sociologie politique des dispositifs de normalisation des populations indiennes, Paris, Dalloz, 2015. En Bolivie, toutefois l’alliance entre les populations indigènes et le gouvernement a permis d’améliorer l’accès aux infrastructures des premiers durant la présidence d’Evo Morales. Voir notamment Poupeau Franck, Altiplano. Fragments d’une révolution (Bolivie, 1999-2019), Paris, Raisons d’agir, 2021.
59Bereni Laure, Chauvin Sébastien, Jaunait Alexandre et Revillard Anne, Introduction aux Gender Studies. Manuel des études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, 2008.
60Voir notamment Viveros Vigoya Mara, « Les études de genre en Amérique latine entre défi et méfiance », in colloque international « Le printemps international du genre : enjeux politiques et savants de l’institutionnalisation et de l’internationalisation d’un champ d’études » organisé par Anne E. Berger et Éric Fassin les 26 et 27 mai 2014 à l’université Paris 8 et aux Archives nationales.
61Femenías Maria Luisa (dir.), Perfiles del feminismo iberoamericano, Buenos Aires, Catálogos, t. I, 2002, t. II, 2005, t. III, 2007 ; Gaviola Artígas Edda et González Martínez Lissette (dir.), Feminismos en América latina, Guatemala, FLACSO, 2001. Pour une approche en français, voir Falquet Jules, « Le mouvement féministe en Amérique latine et aux Caraïbes », Actuel Marx, vol. 2, no 42, 2007, p. 36-47.
62Oualalou Lamia, Jésus t’aime. La déferlante évangélique, Paris, Éditions du Cerf, 2018.
63Viveros Vigoya Mara, « 2. Trente ans d’études sur les hommes et les masculinités de Notre Amérique », in Mara Viveros Vigoya (dir.), Les couleurs de la masculinité. Expériences intersectionnelles et pratiques de pouvoir en Amérique latine, Paris, La Découverte, 2018, p. 62-104.
64Koechlin Aurore, La révolution féministe, Paris, Éditions Amsterdam, 2019.
65Varela Paula (dir.), Mujeres trabajadoras: puente entre la producción y la reproducción. Lugar de trabajo y militancia en la Nueva Ola Feminista, Buenos Aires, CEIL CONICET, 2020.
66Gago Verónica, Économies populaires et luttes féministes. Résister au néolibéralisme en Amérique du Sud, Paris, Raisons d’agir, 2020.
67Falquet Jules, « Le mouvement féministe en Amérique latine et aux Caraïbes. Défis et espoirs face à la mondialisation néolibérale », Actuel Marx, vol. 2, no 42, 2007, p. 36-47 ; Viveros Vigoya Mara, « La institucionalización de los estudios de género en América Latina: entre desafíos y desconfianzas », in Catherine Verschuur (dir.), Qui sait ? Expertes en genre et connaissances féministes sur le développement, Paris, L’Harmattan, coll. « Genre et développement, Rencontres », p. 159-172.
68Mendoza Breny, « Épistémologie du Sud, colonialité de genre et féminisme latino-américain », Revue d’études décoloniales, no 3, 2018.
69Lugones Maria, « Colonialidad y género », Tábula Rasa, no 9, 2008, p. 73-101 ; Bourguignon Rougier Claude, « Colonialité de genre », in Un dictionnaire décolonial, Québec, Éditions Science et bien commun, 2021.
70Coronil Fernando, El Estado mágico. Naturaleza, dinero y modernidad en Venezuela, Caracas, Nueva Sociedad, 2002.
71Gudynas Eduardo, « Diez tesis urgentes sobre el nuevo extractivismo. Contextos y demandas bajo el progresismo sudamericano actual », Extractivismo, política y sociedad, 2009, p. 187-225 ; Bednik Anna, Extractivisme. Exploitation industrielle de la nature : logiques, conséquences, résistances, Paris, Le passager clandestin, 2016.
72Svampa Maristella et Viale Enrique, Maldesarrollo: La Argentina del extractivismo y el despojo, Buenos Aires, Katz Editores, 2014.
73Le Gouill Claude, « L’extractivisme organique en Bolivie. De la lutte contre le néolibéralisme aux luttes pour l’accès aux ressources naturelles », Cahiers des Amériques latines, no 96, 2021, p. 129-147.
Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Alternances critiques et dominations ordinaires en Amérique latine
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://0-freemium-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Référence numérique du livre
Format
1 / 3