La politique britannique et la construction d’une identité française libre : 1940-1941
p. 111-130
Note de l’auteur
Texte traduit et relu par Cadenza Academic Translations.Texte intégral
1Le 15 juin 1940, Edward Spears, le représentant britannique auprès du Premier ministre français, s’attable pour dîner au Chapon Fin, le restaurant haut de gamme de Bordeaux situé 5, rue Montesquieu. Mais lorsqu’il voit son « ennemi », le défaitiste Pierre Laval, à une table voisine, il perd l’appétit. Spears se souviendra : « Le […] petit homme sympathique que j’avais connu des années auparavant […] était maintenant dégoûtant, flasque et rougeâtre. Le fait de savoir que c’était un ennemi a sûrement influencé mon impression, mais je l’ai trouvé répugnant et il m’a donné la nausée1. » Le lendemain, le Premier ministre britannique, Winston Churchill, donne à Spears son accord pour faire venir le général de Gaulle à Londres. De Gaulle avait promis de poursuivre le combat depuis Londres, aux côtés de la Grande-Bretagne. Général français peu connu, de Gaulle n’est certes pas le choix privilégié de Churchill pour diriger la résistance française. Pour autant, à la fin de la guerre, les relations du général de Gaulle avec Churchill comme avec Spears se sont considérablement dégradées2.
2Toutefois, de la même manière que Laval incarnait le défaitisme, à partir de juin 1940 de Gaulle va progressivement symboliser l’importance pour le gouvernement britannique de montrer que la France n’est pas vaincue et que l’alliance franco-britannique est bien vivante. Cela ne signifie aucunement que le statut de leader du Général est assuré. Cela n’implique pas non plus que la France Libre, qui repose sur le soutien politique et financier de la Grande-Bretagne, constitue un gouvernement français légal3. Ce qui compte alors, c’est que les décideurs britanniques reconnaissent la crédibilité de groupes tels que le mouvement de la France Libre du général de Gaulle. Ces mouvements dissidents ou, comme les a décrits Pavol Jakubec, ces « représentations en exil », tirent leur légitimité du fait qu’ils se présentent comme les représentants des intérêts de leur nation respective et de sa population4. Dans ce contexte, l’image d’une « vraie » France opposée à un armistice franco-allemand et favorable à la poursuite de la coopération franco-britannique confère un sentiment de continuité et une légitimité à la lutte des Alliés et au rôle de la France dans cette lutte5.
3Nous montrons ici que la politique britannique a largement contribué à façonner le mouvement de la France Libre, dirigé par de Gaulle, comme une alternative crédible au gouvernement de Vichy. Nous examinons ce qui a motivé les responsables politiques britanniques à promouvoir une identité cohérente de la France Libre, en situant fermement les intérêts français dans la lutte qui se joue et dans la victoire finale des Alliés. Nous interrogeons comment ces motivations se sont traduites dans des stratégies médiatiques et discursives spécifiques destinées aux publics de la France métropolitaine et coloniale, ainsi que de la Grande-Bretagne. Cette analyse mettra en lumière le langage et l’imaginaire mobilisés pour présenter les Français libres comme les représentants authentiques des intérêts français et l’incarnation de la continuité de la coopération franco-britannique. Simultanément, il apportera de nouveaux éclairages sur le caractère complexe de cette politique, notamment sur les efforts déployés pour lutter contre le sentiment anti-français en Grande-Bretagne, ainsi que sur les inquiétudes suscitées par le fait de promouvoir la France Libre tout en se préparant à une situation d’après-guerre incertaine.
4Pour saisir les nuances et la complexité de cette stratégie, nous nous appuierons sur un ensemble de documents politiques britanniques, en particulier sur les supports de communication et de planification du bureau britannique des Affaires étrangères. Ces documents recouvrent notamment les premiers efforts engagés pour « faire la publicité » de la France Libre en Grande-Bretagne, dans l’Empire britannique et aux États-Unis. Nous mobiliserons également des documents de la Direction de la guerre politique (Political Warfare Executive, PWE) britannique, qui, après août 1941, s’efforce de promouvoir l’image des mouvements dissidents auprès de la métropole française et à l’étranger.
5De nombreux écrits ont abordé l’effondrement de la défense franco-britannique et le retrait subséquent des forces françaises du conflit en juin 1940. Cette période demeure majoritairement interprétée sous l’angle de la rivalité franco-britannique et de la persistance de l’isolationnisme britannique6. Cependant, de récents travaux ont cherché non seulement à identifier les raisons de la défaite, mais aussi à repenser l’expérience franco-britannique de la guerre comme une expérience commune7. Cette évolution s’est notamment traduite par toute une série d’études revenant sur la coopération et la rivalité entre les acteurs britanniques et français dans la promotion des images de la résistance, de la culture et de l’identité françaises, en opposition directe avec le gouvernement de Vichy. Les chercheurs ont examiné comment les campagnes britanniques de radio, de presse et de propagande subversive ont ciblé le public français métropolitain après la conclusion de l’armistice franco-allemand8. Ces études ont plus particulièrement analysé la façon dont des programmes radio tels que le service français de la BBC (Les Français parlent aux Français et Honneur et Patrie), ainsi que la propagande de la presse imprimée, ont promu la certitude de la victoire britannique et célébré la continuité de l’amitié franco-britannique. Dans la même veine, Charlotte Faucher, David Drake et Janet Horne ont démontré que les réseaux de résistance extérieure britanniques, de la France Libre et d’autres réseaux français (parfois anti-gaullistes) ont eu recours à la propagande culturelle pour légitimer la résistance française en opposition au gouvernement de Vichy9. La récente biographie de Charles de Gaulle par Julian Jackson met en lumière l’évolution de la stratégie rhétorique du Général au cours de la guerre et sa conception de la nation française10. Eric Thomas Jennings a quant à lui mis en évidence le rôle essentiel joué par l’Afrique équatoriale française dans le positionnement des Français libres comme réprésentants de la nation française légitime11.
6En nous appuyant sur ce corpus de recherche, nous examinons comment et pourquoi les décideurs politiques britanniques ont cherché à forger une conception particulière de la nation française, en prenant pour cadre la France Libre et l’idée plus globale de continuité de l’alliance franco-britannique. Nous ne souhaitons pas seulement analyser les documents produits en soutien à de Gaulle et aux Français libres ; nous interrogeons donc les débats et les motivations qui ont sous-tendu cette publicité. Nous nous intéressons en particulier aux stratégies discursives employées par les décideurs britanniques pour légitimer Charles de Gaulle et la France Libre auprès de publics situés à l’intérieur et en dehors de la métropole britannique. Cet accent mis sur la construction du discours relatif à la France Libre fait également apparaître la pluralité de son identité. Le discours a constitué un moyen de mobiliser différents récits sur la France Libre afin de toucher des publics très divers. Un examen minutieux de la manière dont ces stratégies ont été conçues et déployées montre que de multiples notions relatives à l’identité française ont été questionnées et débattues. Cet examen révèle également comment des conceptions historiques de la relation franco-britannique, profondément ancrées, ont contribué à forger cette politique et amplifié l’inquiétude quant à la forme que prendrait cette relation après la guerre.
Le gouvernement britannique et la décision de soutenir le mouvement de la France Libre
7Le 17 juin 1940, le Premier ministre britannique Winston Churchill s’entretient avec le général français Charles de Gaulle à Londres. Les deux hommes se sont déjà rencontrés à trois reprises, mais c’est la première fois qu’ils sont réunis dans la capitale britannique. Le lendemain soir, de Gaulle prononce son désormais célèbre Appel à la BBC. Il y appelle ses compatriotes à refuser l’armistice et à le rejoindre à Londres pour poursuivre la lutte. Il situe également, de facto, la souveraineté française non plus en France métropolitaine mais à Londres12. Bien que peu de personnes aient entendu la première allocution du général de Gaulle, ce moment n’a rien d’insignifiant. Comme l’a écrit Julian Jackson, l’important est que le discours ait été diffusé : « Toute l’action future de de Gaulle – ce qu’il appellera plus tard sa “légitimité” – a découlé de ce moment13. »
8Pourtant, la naissance de la France Libre est alors loin d’être assurée en ce mois de juin. Le gouvernement britannique espère encore préserver ses relations avec le gouvernement de Pétain. William Strang, du bureau britannique des Affaires étrangères, estime qu’il serait mal avisé politiquement de chercher à soutenir en même temps le gouvernement de Pétain et un mouvement anti-armistice naissant à Londres14. L’Appel du 18 juin de Charles de Gaulle n’a été diffusé qu’après que Spears a reçu de Churchill une autorisation spéciale, ce que Spears et le ministre de l’Information, Duff Cooper, ont utilisé pour convaincre les membres du cabinet britannique15. Après cette première allocution, le gouvernement britannique adopte une attitude attentiste à l’égard du général de Gaulle.
9En parallèle, pas moins de trois missions britanniques sont envoyées à Bordeaux. Elles ont pour objectif d’évaluer la probabilité qu’un gouvernement français s’établisse en Afrique, de s’assurer que la flotte française sera protégée et de déterminer s’il est possible d’attirer à Londres un candidat plus qualifié et plus connu que de Gaulle. Les représentants britanniques ont encore l’espoir que le gouvernement de Pétain rejettera les conditions de l’armistice. Après avoir rencontré Pétain et le ministre des Affaires étrangères Paul Baudouin, le Premier Lord Alexander rapporte à Churchill qu’on l’a assuré oralement que les Français n’accepteraient pas de conditions déshonorantes. Il a également eu l’impression que la lutte avait de grandes chances de reprendre16. Ces espoirs sont alimentés par une série de télégrammes qui arrivent à Bordeaux en provenance de l’Afrique du Nord française et du Levant et qui incitent les représentants français à relancer le combat depuis l’Empire17. Tant que de telles possibilités sont à l’ordre du jour, les responsables britanniques maintiennent une certaine distance avec de Gaulle.
10L’attitude des responsables français et britanniques qui ont rencontré de Gaulle joue également un rôle dans cette hésitation à le reconnaître comme chef d’un mouvement d’opposition. Alexander Cadogan, sous-secrétaire britannique permanent aux Affaires étrangères, n’apprécie pas de Gaulle. Robert Vansittart, ancien chef du Bureau britannique des Affaires étrangères et désormais Premier conseiller diplomatique du gouvernement, oscille entre l’incertitude et un soutien à contrecœur. Le comité Vansittart jouera d’ailleurs un rôle clé dans l’opposition à la création d’un gouvernement français officiel en exil à Londres. Cette prise de position révèle une réticence continue à rompre tout lien avec le gouvernement de la métropole18. Le bureau britannique des Affaires étrangères s’agace des projets et de l’approche du général de Gaulle : « il est trop pressé et il en fait trop19 ». Charles Corbin, ambassadeur français, et Alexis Léger, ancien chef du ministère français des Affaires étrangères, font valoir auprès du gouvernement britannique que de Gaulle est un inconnu et n’est donc pas un leader crédible pour un mouvement français à l’étranger20.
11Même après la signature de l’armistice par le gouvernement français, de Gaulle demeure dans une position incertaine. Le lendemain de la signature, il demande à Churchill de reconnaître un Comité national français. Celui-ci représenterait les « vrais » intérêts français : la continuité de la coopération avec le gouvernement britannique en vue de poursuivre la guerre. Le cabinet de guerre britannique accepte de soutenir la proposition et, le soir même, de Gaulle prend pour la troisième fois l’antenne pour annoncer la création du Comité et déclarer que le gouvernement de Bordeaux ne représente plus un pays indépendant.
12Après la diffusion, Corbin se plaint auprès du ministre britannique des Affaires étrangères Lord Halifax que de Gaulle n’aurait pas dû être autorisé à communiquer son message. Il demande qu’une déclaration de la Grande-Bretagne en français qui soutient celle du Général soit tenue à l’écart de la presse21. Charles Corbin, Alexis Léger et Jean Monnet considèrent qu’un comité formé à Londres par un général français peu connu ne serait pas plus indépendant que le gouvernement de Bordeaux22. Le gouvernement britannique émet également des doutes à l’égard de ce Comité, d’autant plus qu’aucune personnalité prestigieuse n’a répondu à l’appel de De Gaulle. Le 24 juin, Halifax demande à la presse de ne pas publier le communiqué prévu, qui aurait donné une reconnaissance gouvernementale officielle au Comité national français provisoire.
13C’est seulement le 26 juin, lorsqu’il devient clair que l’empire colonial français restera fidèle au gouvernement de la métropole, que de Gaulle commence à consolider sa position de manière décisive. Toutefois, à ce moment-là, il a considérablement revu ses attentes à la baisse. À la place d’un comité national, il propose un comité français ou une légion française volontaire. Le 28 juin, n’ayant guère d’alternatives, Churchill et le gouvernement britannique reconnaissent finalement de Gaulle comme le « chef de tous les Français libres où qu’ils se trouvent ». Ils agissent sous la pression du Comité Vansittart, qui est enclin à soutenir cette organisation plus informelle23. Les relations entre le gouvernement britannique et de Gaulle sont formalisées par un échange de lettres, qui débouche sur un protocole d’accord le 7 août. L’accord fait du général de Gaulle le chef des forces françaises libres et garantit au mouvement un soutien financier de la Grande-Bretagne24.
14La création de la France Libre, avec de Gaulle à sa tête, n’était ni facile ni assurée. Au début, les projets du Général ne faisaient l’unanimité ni au sein du gouvernement britannique ni parmi les principaux acteurs français de Grande-Bretagne. De plus, l’opposition à de Gaulle a constitué une caractéristique majeure et continue de la résistance française extérieure tout au long de la guerre25. Compte tenu de l’existence même de ce scepticisme, il est d’autant plus important d’identifier comment, une fois que la France Libre a été officiellement reconnue, le gouvernement britannique a « fait la promotion » du mouvement, ainsi que du général de Gaulle, auprès des publics britannique et français. L’impression de certitude véhiculée par la rhétorique, alors qu’elle n’est pas toujours présente dans les échanges politiques privés, jouera un rôle essentiel dans la création d’un sentiment durable de légitimité autour du mouvement gaulliste.
Politique britannique et identité française libre
15Depuis le début de la guerre en septembre 1939, les responsables politiques britanniques mettent l’accent en public comme en privé sur l’importance d’une coopération franco-britannique forte26. En avril 1940, le président du Conseil de l’éducation britannique, Lord De La Warr, se rend à Paris pour discuter des moyens de renforcer les relations culturelles franco-britanniques par le biais de l’éducation. Ce type de mesures, espère-t-on, améliorera la « solidarité morale et matérielle » entre la France et la Grande-Bretagne27. L’objectif est d’alimenter l’acceptation de la coopération franco-britannique, qui pourra se poursuivre en temps de paix. Le même mois, un mémo du Conseil de l’éducation britannique intitulé « Les Français et nous » décrit une initiative publique visant à « éduquer » le public britannique sur l’intérêt d’offrir aux Français une garantie de sécurité après la guerre28. D’après les responsables britanniques, de solides relations interculturelles seront essentielles pour assurer la continuité de la coopération franco-britannique après la défaite des puissances de l’Axe. Ils pensent qu’une méfiance ancrée dans l’histoire des deux pays continue de nuire à la façon dont le grand public perçoit les relations franco-britanniques. Dans un discours prononcé le 1er mars 1940, le futur ministre des Affaires étrangères Anthony Eden (alors secrétaire d’État aux Dominions), déclare que la coopération franco-britannique en temps de guerre doit être renforcée et se prolonger en temps de paix, malgré de probables difficultés. « Sur cette voie, si les progrès sont certes difficiles, ils sont toutefois possibles29. »
16Après la conclusion de l’armistice franco-allemand, les responsables politiques britanniques tentent de maintenir l’image de la coopération franco-britannique, même s’ils ne sont pas immédiatement d’accord sur la personne qui représenterait au mieux les intérêts français. Dans la nuit du 22 au 23 juin, Churchill enregistre son message radio initial après l’annonce de la signature par le gouvernement de Pétain d’un armistice avec l’Allemagne. Il exprime son « chagrin et sa stupéfaction » face à un accord qui s’est conclu directement à l’encontre d’un peuple qui soutient la poursuite de la guerre. La presse britannique relaie l’image d’une France qui demeure fidèle à la cause des Alliés. Cette idée est illustrée par une caricature publiée le 26 juin dans The Guardian et The Evening Standard. On y voit Hitler se prélasser sur un imposant trône. À sa gauche est accroché un « tableau d’honneur » sur lequel figurent les noms de Vidkun Quisling de Norvège, du Roi Léopold de Belgique et des « Hommes de Bordeaux ». Ces hommes sont représentés par trois silhouettes qui s’inclinent si bas en soumission à Hitler que leurs visages sont masqués. Au-dessus d’eux, dans une pose napoléonienne empreinte de fierté, se trouve un soldat français, dont le manteau est orné de l’inscription « France30 ».
17Les premiers efforts visant à susciter un sentiment de solidarité franco-britannique chez le public britannique n’ont pas toujours été couronnés de succès. Une partie de l’opinion publique britannique s’indigne de la décision de Pétain de retirer la France de la guerre et voit la conclusion de l’armistice franco-allemand comme une trahison31. Une série d’enquêtes d’opinion menées par le ministère de l’Information après le 17 juin montre que le public britannique se désintéresse de plus en plus du sort des Français. « Il ne faut jamais oublier l’existence d’un sentiment anti-français latent. Il y a quelques jours, la sympathie l’a submergé, mais il a trouvé un mode d’expression indirect dans une phrase courante : “Enfin, nous n’avons plus d’alliés, désormais nous combattons seuls”32. »
18Après que le gouvernement britannique a reconnu publiquement de Gaulle comme le chef de la France Libre le 28 juin, les responsables commencent à prendre des mesures plus marquées pour établir sa crédibilité et celle de son organisation naissante en Grande-Bretagne et au-delà. Les documents politiques britanniques précisent qu’il est important que le mouvement gaulliste apparaisse comme un acteur crédible à part entière. Sa légitimité et son « droit » à s’exprimer au nom de la « vraie » France reposent sur la perception de sa capacité à agir de manière indépendante et sur l’idée qu’il bénéficie du soutien de la majorité de la population française. Les cercles diplomatiques britanniques s’accordent globalement sur la nécessité de fournir à la France Libre un soutien moral, militaire et politique33.
19L’accord du 7 août a largement contribué à établir la légitimité des Français libres. Il leur attribue des éléments caractéristiques de la culture et de l’identité françaises. Les combattants français libres communiqueront en français, porteront des uniformes français et adhéreront à la réglementation militaire française. Comme l’a noté Steven O’Connor, l’accord place les Français libres aux côtés des Britanniques, et non au-dessous d’eux34. Le texte garantit que la force gaulliste « conservera […] le caractère d’une force française, en ce qui concerne le personnel, particulièrement ce qui a trait à la discipline, la langue, l’avancement et les affectations35 ». Bien que l’accord assure au mouvement le soutien financier de la Grande-Bretagne, ce soutien est décrit comme une « avance », ce qui renforce l’indépendance de la France Libre, tout au moins sur le plan rhétorique. C’est Strang qui prend la tête des négociations de l’accord du 7 août. Lui et les autres négociateurs sont déterminés à ce que le texte traduise « l’indépendance de la France Libre36 ». Selon le juriste français René Cassin, la signature de cet accord est de grande importance. Elle marque « la constitution officielle d’une force française libre et alliée » et garantit que les forces françaises libres demeurent un allié des Britanniques, et non leur subordonné37. Les négociations de l’accord révèlent l’engagement des Britanniques à soutenir un mouvement de la France Libre qui soit authentiquement français. Mais elles montrent également que les représentants britanniques et français libres agissent ensemble pour construire cette identité.
20Par exemple, de Gaulle reconnaît que son mouvement, ainsi que ses relations avec le gouvernement britannique, feront l’objet d’une surveillance minutieuse, en 1940 mais aussi dans les années qui suivront. Il prête une attention toute particulière aux termes qui lient son organisation à l’effort de guerre britannique. Il demande ainsi qu’un certain nombre d’ajouts et de modifications soient apportés au projet de protocole d’accord. Il exige ainsi que la phrase « Cette force ne pourra jamais porter les armes contre la France » soit ajoutée. Le Comité des forces alliées est informé que cet ajout reflète le souhait du général français d’expliciter la nature de sa force, pour ses membres, pour les « recrues possibles et pour les historiens de l’avenir38 ». Cette clause vise à protéger les Français libres de toute critique future. Toutefois, il est important de noter qu’elle n’interdit pas aux recrues de la France Libre de s’engager militairement contre les forces de Vichy39. Les modifications apportées par de Gaulle montrent qu’il a travaillé avec les Britanniques pour faire de la France Libre un mouvement authentiquement français. Elles montrent également combien il était difficile de forger cette identité en parallèle de celle du gouvernement métropolitain.
21Au département français du ministère de l’Information britannique, Oliver Harvey est impatient de publier l’accord du 7 août. Selon Harvey, ce document constituera la « pièce de résistance » de la campagne de promotion du mouvement gaulliste40. L’accord, accompagné de lettres de Churchill et de Gaulle, est publié dans la presse britannique le 8 août. Le traitement médiatique est favorable, l’accord étant présenté comme une évolution naturelle des relations. Le Times observe que « jusqu’à présent, les relations du général de Gaulle avec le gouvernement britannique n’avaient pas été codifiées ; il n’y en avait pas besoin. Mais son travail ayant pris de l’ampleur, il a été jugé bon de formaliser les relations […] sous la forme d’un accord clair41 ». Le contenu de l’accord est également rendu public par un communiqué de la France Libre, qui encourage les volontaires à rejoindre ses forces42. Dans un discours prononcé le 20 août à la Chambre des Communes, Churchill déclare : « Elle n’est pas morte, la vieille camaraderie qui nous unissait à la France. Dans la personne du général de Gaulle et sa vaillante cohorte, notre camaraderie prend une forme agissante43. » Pour Cassin, qui écrit après la guerre, l’accord du 7 août et la publicité qui l’a entouré ont renforcé l’autorité et l’identité du mouvement de la France Libre et de l’alliance franco-britannique. Selon lui, le texte a permis à la France Libre d’obtenir la reconnaissance des responsables politiques britanniques, auparavant sceptiques à l’égard du mouvement44.
22En ce mois d’août, alors que l’accord est en cours de finalisation, le ministère de l’Information britannique discute des possibilités de produire deux journaux pro-résistance, dont le nom reste à trouver, qui seraient imprimés en Grande-Bretagne. Leur diffusion serait la plus large possible. L’un d’entre eux serait distribué aux citoyens français résidant en Grande-Bretagne et l’autre aurait une diffusion plus large, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, dans l’empire colonial français et en France métropolitaine45. Il est important pour le ministère de l’Information de pouvoir maîtriser l’évolution du caractère et de l’identité de la résistance française. Sa stratégie discursive consiste ainsi également à dénigrer ou à décourager la création d’organisations et de publications de résistance plus officieuses. C’est le cas de l’Union des Français d’outre-mer, un mouvement lancé par le service de propagande de l’ambassade de France et dirigé par Messieurs Bret et Métadier. Son objectif est de réunir tous les citoyens français résidant hors de France46. Oliver Harvey a une vive réaction lorsqu’il apprend que le groupe prévoit de publier son propre magazine. Il écrit à Mack, du département français du bureau britannique des Affaires étrangères, et lui déconseille de soutenir cette initiative. Il l’avertit que Métadier est « un peu fou », l’Union des Français d’outre-mer étant le produit de ses tendances mégalomanes47. Cette stratégie n’est pas l’apanage du ministère de l’Information. Après avoir accepté de financer l’Institut français du Royaume-Uni, le British Council commence à jouer un rôle central dans le contrôle des politiques culturelles françaises. Il refuse notamment de financer des groupes culturels de la France Libre, qu’il considère comme rivaux48.
23Pour la Grande-Bretagne, le projet de promotion de la légitimité de la France Libre va de pair avec un objectif plus large : discréditer le gouvernement de Vichy. Le 16 juillet, le bureau des Affaires étrangères engage le journaliste britannique Richmond Temple pour faire la publicité du mouvement gaulliste en Grande-Bretagne, dans l’Empire britannique et aux États-Unis. Temple reçoit 1 500 livres sterling pour promouvoir la France Libre49. L’équipe de Temple est également chargée d’écrire un petit livre intitulé « De Gaulle et la clé de la prochaine invasion de l’Allemagne ». Le texte est rédigé par Richard Crawford, ancien directeur adjoint du Daily Mail et expert en politique électorale, et Georges Boris, ancien directeur de l’hebdomadaire parisien La Lumière et chef de cabinet de Léon Blum au ministère du Trésor en 1938. Il est publié sous le nom de James Marlow, le pseudonyme de Crawford, et se présente comme une prophétie constituée par les avertissements lancés par de Gaulle dans l’entre-deux-guerres sur le caractère probable d’une future guerre avec l’Allemagne50.
24À l’automne 1940, le travail de Temple consiste à présenter de Gaulle et la France Libre comme des acteurs crédibles et indépendants dans l’effort de guerre. Temple assure la promotion de la France Libre à travers une série de communiqués de presse et de manifestes stratégiquement conçus. Ces publications, d’après Temple, visent à fournir au public des « preuves tangibles […] de l’expansion des armées de de Gaulle51 ». Dans l’ensemble, ces documents critiquent le gouvernement « de fortune » de Pétain tout en célébrant « le général de Gaulle et ses armées de tous les Français libres52 ». Temple conçoit et signe les supports de presse du Général de manière à laisser penser que de Gaulle agit en qualité d’acteur indépendant. Bien que Temple planifie et rédige la campagne de publicité en faveur de De Gaulle depuis ses propres bureaux, les documents sont tous signés et émis par « le Quartier général du général de Gaulle, avec les compliments de l’attaché de presse ». Cela crée le sentiment que le mouvement gaulliste a non seulement une autorité morale sur le gouvernement de Pétain, mais qu’il dispose aussi de moyens militaires et administratifs qui lui permettent d’agir largement comme un gouvernement basé à l’étranger53.
25La campagne marketing de Temple cherche également à accroître la couverture médiatique de de Gaulle et de la France Libre, contribuant ainsi à forger l’image de la résistance extérieure française dans la sphère publique britannique. Une série de photos représentant de Gaulle et son épouse à leur domicile, une petite maison qu’ils louent à Petts Wood dans le Kent, est publiée dans la presse illustrée54. Ces clichés donnent une vision plus personnelle et plus intime du chef de la France Libre. La presse couvre également ses visites aux unités françaises et aux soldats français blessés présents en Grande-Bretagne55. Même le bureau britannique des Colonies se fend de conseils sur la manière de promouvoir la coopération franco-britannique. Un projet de publication décrit le personnel français de la marine travaillant aux côtés des Britanniques en ces termes : « Leurs bérets et leurs pompons rouges sont désormais aussi caractéristiques de certains ports britanniques que les pantalons à clochettes de leurs camarades britanniques. Eux aussi jouent un rôle de vigilance en patrouillant des mers dont la liberté est d’intérêt commun pour la Grande-Bretagne et la France56. »
26Cette publicité en faveur du général de Gaulle et de la France Libre n’implique pas que la Grande-Bretagne refuse toute forme de relation avec le gouvernement de Vichy. Dans les derniers mois de 1940, l’ambassade de Grande-Bretagne à Madrid sert de canal secret pour maintenir un certain degré de communication entre les deux gouvernements. Toutefois, il ne faudrait pas exagérer la volonté du gouvernement britannique de dialoguer avec Vichy. Le refus de la Grande-Bretagne de reconnaître publiquement la légalité et la légitimité du gouvernement de Pétain est davantage révélateur.
27À partir de 1941, la communication britannique semble présenter un message plus cohérent. Elle met en avant la légitimité du mouvement de la France Libre et son rôle dans la continuité de l’alliance franco-britannique. Au sein des cercles britanniques, l’idée de promouvoir activement une image de la culture française qui serait profitable à la France Libre fait également consensus57. Les messages britanniques destinés aux auditeurs français de la France métropolitaine et coloniale, ainsi qu’au public britannique, soulignent le caractère illégitime du gouvernement de Vichy, bien qu’ils s’abstiennent de critiquer Pétain lui-même. Ils promeuvent la continuité de l’alliance franco-britannique à travers des images et des discours dans lesquels l’ensemble de la population française est en accord avec le mouvement gaulliste et, par association, avec l’effort de guerre britannique. Des notes de synthèse des publications de la presse londonienne sur l’attitude à l’égard des Français présentent les Français libres comme l’incarnation de la vraie voix de la France. « Les Français libres, dit-on, parlent au nom de la France et de tous les Français, à l’exception d’une fraction d’entre eux […]. Ce sont eux la vraie voix de leur pays58. » D’après des rapports hebdomadaires sur les émissions d’information britanniques destinées aux auditeurs français, les messages de ces émissions associent la Grande-Bretagne « et les Français libres à l’opinion française dans son ensemble, tandis que Vichy est associée aux nazis59 ».
28Ces messages présentent une image cohérente de la guerre. Ils légitiment la France Libre et célèbrent la continuité de la coopération franco-britannique. Toutefois, en Grande-Bretagne, les responsables politiques s’inquiètent de constater que le public britannique n’est pas convaincu par leurs efforts de promotion du général de Gaulle et des Français libres. Ils estiment que l’impopularité relative du mouvement gaulliste en Grande-Bretagne pourrait être liée à un sentiment anti-français persistant et profondément enraciné. Un rapport compilé par le comité du cabinet de guerre sur la résistance étrangère (alliée) indique que l’impopularité de la France Libre sera difficile à combattre, car elle est ancrée dans des sentiments « profond[ément enracinés] dans l’inconscient britannique60 ». Cette attitude comprend notamment « la méfiance traditionnelle des Britanniques à l’égard de la France, ravivée par la croyance populaire selon laquelle les Français nous ont “laissés tomber” pendant cette guerre et que, par conséquent, tous les Français sont “mauvais”61 ». Le sentiment anti-français en Grande-Bretagne a également eu tendance à augmenter à la suite d’opérations militaires qui ont opposé les forces britanniques aux forces françaises loyales au gouvernement de Vichy. C’est le cas en juin et en juillet 1941, alors que les forces impériales britanniques et celles de la France Libre luttent pour s’emparer des territoires français du Levant constitués par la Syrie et le Liban. Les rapports du renseignement intérieur britannique concluent que « la résistance des forces de Vichy intensifie l’aversion et le mépris à l’égard des Français et il semble que peu d’efforts soient faits pour établir une distinction entre Vichy et les Français en général62 ». On rapporte que des marins de la France Libre auraient été attaqués en Grande-Bretagne après avoir été pris pour des troupes de Vichy63. Ces éléments sont importants car ils montrent les fluctuations de l’opinion publique britannique à l’égard du général de Gaulle et de la France Libre.
29Les propositions qui cherchent à renverser la perception négative des Britanniques à l’égard des Français libres sont motivées par l’idée de continuité franco-britannique et la croyance diffuse en la victoire future des Alliés. Les responsables politiques britanniques s’accordent sur le fait que la solidité des relations franco-britanniques après la guerre dépend du soutien de l’opinion publique. Dans cette optique, le ministère de l’Information propose de lancer une vaste campagne de propagande pour lutter contre le sentiment anti-français en Grande-Bretagne64. Il suggère d’utiliser la radio et la presse écrite pour faire connaître les « actes de bravoure des Français libres », montrant ainsi qu’ils continuent à contribuer à l’effort de guerre65. Les discours venus de l’étranger jouent également un rôle important dans la légitimation de la France Libre auprès du public britannique. Les responsables de pays neutres, en particulier des États-Unis, sont sollicités pour émettre des déclarations reconnaissant publiquement l’importance de la France Libre et la place qu’elle occupe dans le conflit66. Chacun de ces textes partage la même préoccupation, à savoir que l’opinion publique britannique tend à juger les Français à travers le prisme d’une rivalité historique et d’une méfiance intrinsèque67.
30En parallèle, les messages britanniques destinés aux citoyens français en France et dans l’empire colonial français mobilisent un mélange de symboles culturels français et d’images de la coopération franco-britannique. Les propositions et les projets d’émissions de radio et de supports de communication imprimés sont conçus et débattus au sein du bureau britannique des Affaires étrangères, du département français du ministère de l’Information et du bureau de la Guerre (par l’intermédiaire de la mission Spears68). En juin 1941, après s’être rendu à Marseille, le major H. Dodds suggère que les émissions de la BBC destinées à la France seraient plus crédibles si elles étaient émises depuis une station de la France Libre. Dodds va puiser dans les conceptions culturelles profondes du caractère français pour recommander des intervenants appropriés : « Le choix des intervenants est très important et la manière dont ils s’expriment l’est tout autant. Elle doit être digne et convaincante. Je ne saurais trop insister sur l’importance que les Français accordent à la nécessité que ce soient des personnes connues qui leur parlent69. »
31En août 1941, la Direction de la guerre politique (Political Warfare Executive, PWE) est chargée de coordonner la propagande britannique dans les pays ennemis et occupés. Avant la PWE, c’était la SO1, l’organe de propagande de la Direction des opérations spéciales (Special Operations Executive, SOE), qui jouait un rôle central dans la promotion de l’image du mouvement de la France Libre et de la solidité des relations franco-britanniques70. Les deux organes publient des documents destinés à renforcer la crédibilité de la France Libre et plus largement l’idée de résistance française, en montrant qu’elle agit de manière indépendante. Un tract présente des photos des célébrations de « la Fête de la Sainte de France » (à la mémoire de Jeanne d’Arc) qui se sont tenues à Londres en mai 1941. D’autres photos prises lors de cet événement montrent des représentants de la marine, de l’armée et de la Royal Air Force britanniques. La légende du tract indique : « L’alliance continue ! » Des images des forces terrestres et maritimes de la France Libre s’accompagnent de statistiques sur les batailles qu’elles ont remportées contre « l’ennemi commun71 ». Une autre série de tracts de la PWE vise à promouvoir un récit plus global de la résistance française. Les textes et images de ces tracts communiquent l’idée selon laquelle la poursuite du combat contre les puissances de l’Axe est le seul moyen pour la France de retrouver sa place historique au sein de l’Europe. Un tract imprimé en novembre 1941 représente une Marianne révolutionnaire poignardée dans le dos par Mussolini. Une note du bureau britannique des affaires étrangères à propos du tract explique que la mauvaise qualité du texte et des images était délibérée. Cela donne l’impression qu’il a été imprimé « en Afrique du Nord ou dans le sud de la France, dans des conditions plus ou moins clandestines72 ».
32Les publications britanniques mobilisent également des symboles plus contemporains de la puissance et de l’influence françaises, notamment l’empire colonial français, pour renforcer la légitimité de la France Libre et discréditer le gouvernement de Vichy. Par exemple, après la prise de la Syrie et du Liban aux troupes de Vichy en juin et juillet 1941, une série de tracts de la PWE célèbre le rétablissement de la position de la France dans ses mandats du Levant. Plusieurs photographies montrent l’entrée du Général de Gaulle dans Beyrouth, dont les rues sont bordées de spectateurs satisfaits73. Une autre série de clichés, destinée à l’Afrique du Nord française, représente l’empire colonial français comme le symbole du passé glorieux de la France et la clé de sa libération future et de sa grandeur retrouvée. Sous une photo du général Lyautey, héros colonial, est imprimé cet avertissement : « Son œuvre est en péril – SAUVEZ-LA74 ! » L’identité de la France Libre est profondément ancrée dans les concepts d’« unité et de grandeur nationales », et l’empire colonial ou son intégrité jouent un rôle important dans la définition de la nation française75. Ce type de textes et d’images revêt une signification d’autant plus importante que le territoire colonial est une source de légitimité extrêmement contestée aussi bien pour la France de Vichy que pour la France Libre.
33Les responsables politiques britanniques consacrent un temps et des efforts considérables à la promotion de la France Libre. En coulisses, la situation est plus complexe. Les responsables politiques britanniques et français libres n’ont pas la même vision du rôle à long terme du mouvement gaulliste. Par conséquent, ils ne sont pas toujours au diapason lorsqu’il s’agit de planifier la future identité de la France Libre. De 1940 à 1944, l’objectif principal du général de Gaulle est de créer une organisation qui soit perçue comme l’autorité légitime de la France76. Au plan rhétorique, de Gaulle se présente comme la voix militaire et morale de la France et des intérêts français77. Si la rhétorique britannique appuie la légitimité du mouvement de la France Libre, les autorités de Londres ne considèrent pas de Gaulle et la France Libre comme un gouvernement français légal. Ils ne sont pas encore certains du rôle de ceux-ci après le conflit. Ces incertitudes sont manifestes dans les débats privés qui ont lieu dans les cercles politiques britanniques dès 1941. Déjà à cette époque, les décideurs pensent au monde d’après-guerre et débattent du rôle qu’y tiendront de Gaulle et la France Libre. Robert Parr, consul général de Grande-Bretagne à Brazzaville, le cœur de l’Afrique française libre, estime que le mouvement gaulliste n’est pas juste un atout en temps de guerre et qu’il sera d’une importance vitale pour le redressement de la France après la guerre. Dans une lettre adressée au ministre britannique des Affaires étrangères, Anthony Eden, il écrit : « Que les troupes du général de Gaulle constituent le fer de lance de l’action qui libérera la France de l’ennemi est essentiel pour la rédemption morale de son pays78. » Parr prévient Eden que Vichy ne doit jouer aucun rôle en France après la guerre. D’après lui, si la vision de l’Europe d’après-guerre que défend Vichy, qui est fondamentalement anti-britannique, s’étend à l’après-guerre, cela entraînera une détérioration des relations franco-britanniques qui les fera revenir 40 ans en arrière.
34Parr voit en de Gaulle un leader qui pourra soit renforcer, soit détruire la coopération franco-britannique après la guerre.
« Si la tournure des événements devait voir le général de Gaulle rentrer à Paris comme le sauveur reconnu de la France, son attitude à notre égard deviendrait un facteur d’une importance considérable. Il pourrait faire beaucoup pour entretenir et nourrir les vieilles jalousies et récriminations ; il pourrait faire encore plus pour fonder notre relation future sur un socle de bonne volonté et d’estime populaires. De plus, il inspirera par son exemple toute une tradition79. »
35Toutefois, Parr craint que l’incertitude persistante du Général à l’égard du rôle que jouera son mouvement dans la France libérée alimente un « poids de défiance et d’aversion envers la Grande-Bretagne ». Laisser ces préoccupations sans réponse pourrait s’avérer désastreux pour les relations franco-britanniques après la guerre80. La lecture que fait Parr des événements rappelle la complexité qui sous-tend les relations franco-britanniques et le sentiment connexe d’incertitude sur la manière d’organiser la France après la guerre.
36L’accroissement des tensions entre de Gaulle et le gouvernement britannique au cours de la seconde moitié de la guerre dépassent le cadre de notre propos. Toutefois, il y a déjà en 1941 des signes qui indiquent que la politique britannique de soutien à la création d’une solide identité française libre devient difficile à contrôler. Alors qu’ils débattent de la formation du Comité national français qui sera lancé par de Gaulle en septembre, les responsables politiques britanniques insistent sur le fait qu’une reconnaissance officielle ne doit pas consacrer la France Libre comme un gouvernement d’après-guerre en attente81. Toutefois, si la Grande-Bretagne n’a jamais reconnu la France Libre comme un contre-gouvernement, la rhétorique britannique a créé une attente selon laquelle la coopération franco-britannique jouera un rôle important dans le monde d’après-guerre. Après avoir dépeint la France Libre comme le représentant légitime des intérêts français, laisser se manifester publiquement les tensions entre les Britanniques et les gaullistes mettrait en péril la crédibilité de cette vision82.
37Lors d’une réunion de la commission britannique des Affaires étrangères, Lord Vansittart déclare que la France ne sera qu’une puissance « de taille moyenne » après la guerre. Il ajoute toutefois que la Grande-Bretagne doit « soutenir tout effort visant à lui permettre de se relever, car il est dans notre intérêt qu’elle le fasse83 ». La déclaration de Vansittart est cohérente avec la politique menée par la Grande-Bretagne à la fin de l’année 1941, qui soutient publiquement la France Libre tout en évitant de prendre des engagements à long terme. En ce sens, l’approche attentiste qui caractérisait la politique britannique en juin 1940 perdure parallèlement aux campagnes publiques destinées à conforter de Gaulle et la France Libre dans leur rôle de représentants légitimes des intérêts français. Dans les années qui suivront, la politique britannique à l’égard de la France Libre sera soumise à une pression supplémentaire venant des États-Unis, notamment du président américain Franklin Delano Roosevelt, qui se méfiait personnellement de de Gaulle84. Cette pression rendra d’autant plus apparente la tension entre le soutien public de la Grande-Bretagne aux Français libres et les réticences plus privées concernant le futur rôle du mouvement. Les responsables politiques choisiront de minimiser cette tension afin de maintenir le discours d’unité du front franco-britannique qu’ils construisent depuis juin 1940.
Conclusions
38Au lendemain de l’armistice franco-allemand, un ensemble de politiques et de ressources britanniques ont contribué à forger l’identité de la France Libre en métropole, en Grande-Bretagne et dans leurs empires respectifs. L’enjeu qui sous-tendait ces efforts était important. Ils étaient le reflet des visées politiques à plus grande échelle de la Grande-Bretagne, qui tablait sur une victoire contre les puissances de l’Axe et sur un rôle à long terme de la France en tant que nation victorieuse et acteur majeur de la stabilité et de la reconstruction de l’Europe après la guerre. Par le biais de déclarations officielles, d’émissions de radio et de publications clandestines, le gouvernement britannique a promu l’image d’une France Libre comme incarnation de la nation française et de la solidarité franco-britannique dans la guerre contre les puissances de l’Axe. Il a présenté cette relation reconstituée comme la clé du rétablissement de la puissance française après la guerre.
39Le discours et les images mobilisés par les organisations et les individus britanniques pour promouvoir Charles de Gaulle et son mouvement de la France Libre ont été construits avec soin et de manière très stratégique. Ils remettaient délibérément en cause le gouvernement de la métropole au motif qu’il ne représentait pas la « vraie » France. Cette conception de l’authenticité française était transmise à travers un langage et un imaginaire qui évoquaient la place historique et donc « juste » de la France en tant que grande puissance européenne. De nombreuses publications émises par la Direction britannique de la guerre politique s’appuyaient sur des arguments émotionnels et éminemment moraux. Elles convoquaient la grandeur historique de la France, enracinée dans la tradition révolutionnaire, pour présenter la continuité de la résistance dans le présent comme le seul moyen d’obtenir du pouvoir et de l’influence à l’avenir.
40L’examen du rôle joué par les acteurs britanniques dans la construction de l’identité française libre ne minimise pas l’importance de la contribution, aussi bien symbolique que matérielle, des Français libres. De fait, il suggère l’opportunité de mener des recherches comparatives plus approfondies sur les efforts gaullistes et britanniques dans la création d’une identité française libre particulière en se penchant à la fois sur leurs complémentarités et sur leurs divergences. De même, de plus amples travaux sont nécessaires pour analyser les efforts engagés par le gouvernement britannique pour façonner l’identité d’autres mouvements de dissidence nationale à Londres.
41Notre recherche permet de mieux comprendre comment des mots et des images stratégiques ont été utilisés pour forger une certaine idée de la France et de l’alliance franco-britannique, même après la défaite militaire de la France. Reconnaître que l’identité de la France Libre a été soutenue par des politiques publiques et des ressources britanniques, c’est reconnaître que la continuité de l’Alliance a joué un rôle clé dans les relations franco-britanniques pendant la guerre. Simultanément, l’analyse des débats qui ont entouré ces politiques met en lumière les préoccupations et l’état d’esprit qui en ont guidé le processus d’élaboration.
Notes de bas de page
1Spears Edward, Assignment to Catastrophe, Londres, The Reprint Society, 1954, p. 559.
2L’analyse la plus complète des relations entre Churchill et de Gaulle est celle de Kersaudy François, Churchill and de Gaulle, Londres, Collins, 1981. Sur les relations entre de Gaulle et Spears, voir Egremont Max, Under Two Flags: The Life of Major General Sir Edward Spears, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1997, en particulier les chapitres xi à xvii. Pour un examen plus global de l’évolution des relations entre de Gaulle et le gouvernement britannique, voir, par exemple, Jackson Julian T., A Certain Idea of France: The Life of Charles de Gaulle, Londres, Allen Lane, 2018 ; Mangold Peter, Britain and the Defeated French: From Occupation to Liberation, 1940-1944, Londres, I. B. Tauris, 2012.
3Faucher Charlotte, « Transnational Cultural Propaganda: French Cultural Policies in Britain during the Second World War », French Politics, Culture and Society, vol. 37, no 1, 2019, p. 49.
4Jakubec Pavol, « Together and Alone in Allied London: Czechoslovak, Norwegian and Polish Governments-in-Exile, 1940-1945 », The International History Review, vol. 42, no 3, 2020, p. 466. Pour en savoir plus sur les relations entre le gouvernement britannique et d’autres mouvements et gouvernements dissidents en exil à Londres, voir, par exemple, Conway Martin et Gotovitch José (dir.), Europe in Exile: European Exile Communities in Britain 1940-1945, New York, Berghahn Books, 2001 ; Eichenberg Julia, directrice du projet de recherche « The London Moment. Exile Governments, Academics, and Activists in the Capital of Free Europe, 1940-1945 » à Humboldt Universität zu Berlin, [https://exilegov.hypotheses.org].
5Il n’y avait pas pour autant un accord clair sur la nature du mouvement de la France Libre. De Gaulle concevait son organisation comme un contre-gouvernement et déployait d’importants efforts pour lui donner un statut juridique. Churchill la voyait comme un mouvement dissident, un regroupement beaucoup plus nébuleux et informel d’individus opposés à l’armistice franco-allemand. Jackson Julian T., A Certain Idea of France, op. cit., p. 134.
6Atkin Nicholas, The Forgotten French: Exiles in the British Isles 1940-1944, Manchester, Manchester University Press, 2003, p. 254 ; Dockrill Michael L., British Establishment Perspectives on France, 1936-1940, Basingstoke, Palgrave, 1999, p. 157 ; Gates Eleanor M., End of the Affair: The Collapse of the Anglo-French Alliance, 1939-1940, Berkeley, University of California Press, 1981, p. xiv ; Reynolds David, « 1940: Fulcrum of the Twentieth Century? », International Affairs, vol. 66, no 2, avril 1990, p. 325, 333.
7Voir, par exemple, Blatt Joel (dir.), The French Defeat of 1940: Reassessments, Providence, Berghahn Books, 1998, introduction ; Jackson Julian T., France: The Dark Years, Oxford, Oxford University Press, 2003 ; Hoffmann Stanley, « The Trauma of 1940: A Disaster and its Traces », in Blatt Joel (dir.), The French Defeat of 1940: Reassessments, op. cit., p. 354-371 ; Wierviorka Olivier, La Mémoire désunie : le souvenir politique des années sombres, de la Libération à nos jours, Paris, Seuil, 2010 ; Frank Robert, « The Second World War through French and British Eyes », in Tombs Robert et Chabal Emile (dir.), Britain and France in Two World Wars: Truth, Myth and Memory, Londres, Bloomsbury, 2013, p. 179-191.
8Voir, par exemple, Chadwick Kay, « Our Enemy’s Enemy: Selling Britain to Occupied France on the BBC French Service », Media History, vol. 21, no 4, 2015, p. 426-442 ; Eck Hélène, La Guerre des ondes. Histoire des radios de langues françaises pendant la Deuxième Guerre mondiale, Paris, Armand Colin, 1985 ; Stenton Michael, Radio London and Resistance in Occupied Europe: British Political Warfare 1939-1943, Oxford, Oxford University Press, 2000 ; Brooks Tim, British Propaganda to France, 1940-1944: Machinery, Method and Message, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2007 ; Luneau Aurélie, Radio Londres 1940-1944. Les voix de la liberté, Paris, Perrin, 2005 ; Bell Philip M. H., « L’opinion publique en Grande-Bretagne et le général de Gaulle (1940-1944) », Guerres mondiales et conflits contemporains, no 190, juin 1988, p. 79-101.
9Faucher Charlotte, « Transnational Cultural Propaganda », op. cit., p. 48-69 ; Faucher Charlotte, « From Gaullism to Anti-Gaullism: Denis Saurat and the French Cultural Institute in Wartime London », Journal of Contemporary History, vol. 54, no 1, 2019, p. 76-77 ; Horne Janet R., « Global Culture Fronts: The Alliance Française and the Cultural Propaganda of the Free French », European Review of History, vol. 25, no 2, 2017, p. 222-241 ; Drake David, « Raymond Aron and La France Libre », in Kelly Debra et Cornick Martyn (dir.), A History of the French in London: Liberty, Equality, Opportunity, Londres, University of London Press, Institute of Historical Research, 2013, p. 373-390.
10Jackson Julian T., A Certain Idea of France, op. cit.
11Jennings Eric Thomas, La France Libre fut africaine, Paris, Éditions Perrin, 2014, chap. ii.
12Gaulle Charles de, Discours et messages pendant la guerre. Juin 1940-Janvier 1946, Paris, Plon, 1970, 18 juin 1940.
13Jackson Julian T., A Certain Idea of France, p. 130. Sudhir Hazareesingh identifie également l’Appel du 18 juin comme le « moment fondateur » de la légende gaullienne. Hazareesingh Sudhir, In the Shadow of the General: Modern France and the Myth of de Gaulle, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 6.
14Jackson Julian T., A Certain Idea of France, op. cit., p. 130 ; Faucher Charlotte, « Du gaullisme à l’anti-gaullisme », op. cit., p. 67.
15Crémieux-Brilhac Jean-Louis, La France Libre : de l’Appel du 18 juin à la Libération, Paris, Gallimard, 1996, p. 49 ; Egremont Max, Under Two Flags, op. cit., p. 196.
16Archives nationales britanniques (The National Archives, ci-après TNA), PREM 3/174/4, « Note prepared of interviews at Bordeaux », 19 juin 1940.
17Truchet André, « L’Armistice de juin 1940 et l’Afrique du Nord », Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, vol. 1, no 3, juin 1951, p. 35-37.
18Fouchécour Clotilde de, « Le Comité Vansittart et les débuts de la France Libre », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 2, no 278, 2020, p. 23.
19Crémieux-Brilhac Jean-Louis, La France Libre, op. cit., p. 51.
20Jackson Julian T., A Certain Idea of France, op. cit., p. 133, 135.
21TNA, PREM 3/174/3, Déclaration de la Grande-Bretagne en français, 23 juin 1940.
22Crémieux-Brilhac Jean-Louis, La France Libre, op. cit., p. 59.
23Archives du Centre sur le Moyen-Orient (Middle East Centre Archives, désormais MECA), GB165-0269 Boîte 1 Dossier 3, « Comité Vansittart », 28 juin 1940.
24TNA, FO 371/24340, « Memorandum of Agreement », juin 1940.
25Faucher Charlotte, « Du gaullisme à l’anti-gaullisme », op. cit., p. 71.
26TNA, FO 432/6, « Extracts from recent speeches made on behalf of His Majesty’s Government about Anglo-French co-operation », 1940.
27TNA, FO 432/6, Campbell à Halifax, 17 avril 1940.
28TNA, ED138/27, Mémo 18, « The French and Ourselves », avril 1940.
29TNA, FO 432/6, « Extracts from recent speeches made on behalf of His Majesty’s Government about Anglo-French co-operation », 1940.
30Low David, « Low on the Surrender of France », The Manchester Guardian, 26 juin 1940, p. 6.
31Crémieux-Brilhac Jean-Louis, La France Libre, op. cit., p. 71.
32TNA, INF 1/264, « Public Opinion on the Present Crisis », 19 juin 1940.
33Faucher Charlotte, « Transnational Cultural Propaganda », op. cit., p. 51-52.
34O’Connor Steven, « The Free French and British Forces in the Desert War, 1942: The Learning Curve in Interallied Military Cooperation », European Review of History, vol. 27, no 1-2, 2020, p. 179. L’accord n’implique aucunement que les forces britanniques et françaises libres agissent toujours comme deux unités indépendantes avec des réglementations distinctes. Voir l’article de O’Connor pour une discussion plus approfondie sur les défis culturels et stratégiques de l’intégration des forces britanniques et françaises libres dans le cadre d’opérations conjointes.
35« Accord entre le Gouvernement de Sa Majesté et le général de Gaulle », 7 août 1940, [https://mjp.univ-perp.fr/france/co1940fl2.htm].
36Winter Jay Murray et Prost Antoine, René Cassin and Human Rights: From the Great War to the Universal Declaration, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, p. 113.
37Cassin René, Les Hommes partis de rien : le réveil de la France abattue (1940-1941), Paris, Plon, 1975, p. 106-107.
38TNA, FO 371/24340, « Draft Note by the Chairman of the Allied Forces (Official) Committee », août 1940.
39Cassin René, Les Hommes partis de rien, op. cit., p. 109.
40TNA, FO 371/24340, Harvey à Strang, 6 août 1940.
41Correspondant diplomatique, « French Force in Britain, the Conditions of Service, Agreement Signed », The Times, 8 août 1940, p. 4.
42Cassin René, Les Hommes partis de rien, op. cit., p. 113.
43Hansard HC Deb vol. 364 coll. 1271, 22 août 1940, [https://api.parliament.uk/historic-hansard/commons/1940/aug/20/war-situation.
44Ibid., p. 114-115.
45TNA, FO 371/24340, Harvey à Mack, 6 août 1940.
46TNA, FO 371/24340, Mémorandum du département français, 5 août 1940.
47TNA, FO 371/24340, Harvey à Mack, 6 août 1940.
48Faucher Charlotte, « Transnational Cultural Propaganda », op. cit., p. 53.
49À titre de comparaison, le salaire hebdomadaire brut moyen d’un homme adulte au Royaume-Uni en 1940 est de 4,5 livres sterling. « New Earnings Survey (NES) Timeseries of Gross Weekly Earnings from 1938 to 2017 », Bureau national des Statistiques, [https://www.ons.gov.uk/employmentandlabourmarket/peopleinwork/earningsandworkinghours/adhocs/006301newearningssurveynestimeseriesofgrossweeklyearningsfrom1938to2016].
50Jackson Julian T., A Certain Idea of France, op. cit., p. 146 ; Crémieux-Brilhac Jean-Louis, La France Libre, op. cit., p. 72.
51TNA, FO 371/24340, Richmond Temple, 24 septembre 1940.
52Ibid.
53Pour en savoir plus sur la politique de la Grande-Bretagne concernant l’alliance franco-britannique en 1940, voir Chin Rachel, « After the Fall: British Strategy and the Preservation of the Franco-British Alliance in 1940 », Journal of Contemporary History, vol. 55, no2, 2020, p. 297-315.
54Crémieux-Brilhac Jean-Louis, La France Libre, op. cit., p. 72.
55Ibid.
56TNA, FO 892/24, Cypher Telegram, 11 septembre 1940.
57Horne Janet R., « Global Cultural Fronts », op. cit., p. 227.
58Churchill College Archive Centre (désormais CCAC), ABMS 1/2/2, Analyses de la presse londonienne, 24 avril 1941.
59CCAS, ABMS 1/2/2, Rapports hebdomadaires sur les émissions en français destinées aux auditeurs français, 9 juin 1941.
60TNA, FO 432/7, « Report on Anglo-French Relations », 1941.
61Ibid.
62TNA, INF 1/292, Rapports hebdomadaires du renseignement intérieur, 25 juin-2 juillet 1941.
63Ibid.
64Ibid.
65TNA, FO 432/7, « Report on Anglo-French Relations », op. cit.
66Ibid.
67David Drake fait également référence à cette tendance dans son étude sur la revue La France Libre dirigée par André Labarthe et Raymond Aron. Drake David, « Raymond Aron and La France Libre », op. cit., p. 384.
68Faucher Charlotte, « Transnational Cultural Propaganda », op. cit., p. 52.
69TNA, FO 432/7, « Memorandum by Major H. Dodds on Conditions he found in Marseille », 27 juin 1941.
70Concernant les actions de la SOE en France, voir Foot Michael R. D., SOE in France: An Account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, Londres, Whitehall History Publishing en association avec Frank Cass, 2004.
71TNA, FO 898/515, « La Fête de la Sainte de France célébrée sur le champ de bataille de Londres », 11 mai 1941.
72TNA, FO 898/515, McMillan à Tollenaar, 6 novembre 1941.
73TNA, FO 898/515, « Ce que la France doit savoir », 1941.
74TNA, FO 898/515, « Son œuvre est en péril – SAUVEZ-LA ! », 1941.
75Shennan Andrew, Rethinking France: Plans for Renewal 1940-1946, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 65-66.
76Crémieux-Brilhac Jean-Louis, La France Libre, op. cit., p. 60. Sur la structure administrative mise en place par de Gaulle pour ressembler à un gouvernement, voir Faucher Charlotte, « Transnational Cultural Propaganda », op. cit., p. 52.
77Hazareesingh Sudhir, In the Shadow of the General, op. cit., p. 18.
78TNA, FO 432/7, Parr à Eden, 26 juillet 1941.
79Ibid.
80Ibid.
81TNA, FO 432/7, « Documents concerning the formation of de Gaulle’s Free French National Committee », septembre 1941.
82Olivier Wieviorka examine les racines des tensions entre les organisations de résistance alliées et le gouvernement britannique à Londres dans Wieviorka Olivier, Histoire de la Résistance : 1940-1945, Paris, Perrin, 2013.
83CCAC, HARV 1/1, « Report by Parliamentary Private Secretary », 28 novembre 1941.
84Sur la façon dont Roosevelt conçoit la position de la France après la guerre, voir Kimball Warren. F., « Anglo-American War-Aims, 1941-1943, “The First Review”: Eden’s Mission to Washington », in Lane Ann et Temperley Howard (dir.), The Rise and Fall of the Grand Alliance, 1941-1945, Londres, Palgrave Macmillan, 1995, p. 1-21.
Auteur
Université de Glasgow.
Rachel Chin est lecturer in War Studies à l’université de Glasgow. Ses recherches portent sur l’histoire des relations franco-britanniques au prisme des conflits et des questions impériales. Son livre War of Words: Britain, France and Discourses of Empire during the Second World War paru à Cambridge University Press en 2022 explore le rôle de la rhétorique en tant qu’outil politique dans le contexte des affrontements autour des territoires coloniaux français pendant la Seconde Guerre mondiale. Des articles tirés de ses recherches ont été publiés dans Britain and the World, The European Review of History et le Journal of Contemporary History. Rachel Chin entreprend actuellement de nouvelles recherches examinant la rhétorique autour de l’empire et de la migration impériale pendant et après les deux guerres mondiales.
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L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008