René de Naurois, et les religieux dans la France Libre
p. 85-96
Texte intégral
L’appel du 18 juin
1Il n’est pas évident pour beaucoup de prêtres de rejoindre de Gaulle et même pour des catholiques1. Et c’est ainsi que l’abbé René de Naurois, voulant partir à Londres dès la défaite de 1940, en est empêché par son archevêque Mgr Saliège2. Toutefois, Naurois est d’autant plus déterminé à se battre qu’il a vécu en Allemagne de 1933 à 1939 où il a observé la montée du nazisme. Ce danger extrême du totalitarisme, c’est ce qu’il exprimait encore en juin 2004 sur la plage de Colleville, en Normandie, lors de son dernier sermon en trois langues, français, anglais et allemand, alors qu’il célébrait la messe à l’endroit même où il avait débarqué avec le Commando Kieffer le 6 juin 1944.
2L’écrivain Gérard Bardy a noté dans Les Moines-soldats du Général : « À l’appel du 18 juin vont répondre des volontaires de toutes origines sociales et de toutes confessions. Auprès du Général à Londres ou dans les territoires de l’Empire, on ne cherche pas à savoir à quel Dieu croient ceux qui s’engagent3. » Ce livre contesté, car il passe sous silence le fait que la plupart des religieux sont restés fidèles à Vichy4, donne cependant une idée du nombre de religieux (15) à rejoindre de Gaulle, à travers plusieurs figures de volontaires. Ils sont plus nombreux – et plus divers – qu’on ne pourrait le penser dans ce contexte de 1940.
3Parmi les premiers à s’engager de cette manière figurent un certain nombre d’ecclésiastiques, principalement des missionnaires en Afrique. Le patriotisme est leur première motivation et l’héritage encore frais de la Première Guerre mondiale. Mais pour beaucoup d’entre eux domine aussi la volonté de lutter contre l’idéologie nazie, contraire aux valeurs évangéliques5. Le droit canon interdisant aux prêtres le métier des armes, ils se sont engagés, pour la plupart, comme aumôniers militaires6. Le Saint-Siège leur autorise le port d’arme, mais seulement en cas de mobilisation générale. Plusieurs ont choisi, toutefois, de se porter volontaires auprès de la France Libre, sans toujours porter d’armes. Ce sera le cas de René de Naurois, mais son exemple n’est pas unique. En effet, d’autres prêtres tels que François Bigo ou Pierre Finet, Compagnons de la Libération, auront des parcours similaires par leur engagement dans la Résistance spirituelle.
4La définition de ce terme a été débattue par les historiens7. Étienne Fouilloux a mentionné qu’il était « délicat d’isoler ce qui, pour l’engagement résistant, provient de la foi religieuse ou d’autres motivations : amour de la patrie, fidélité à la République et à la démocratie, nostalgie des libertés perdues8 ». Il y englobe, dans la Résistance chrétienne, ceux qui ont fabriqué des « armes de l’esprit » et ceux qui ont sauvé des juifs. Bernard Comte la définit comme l’action clandestine de volontaires, au nom de la liberté de la personne humaine, s’organisant pour lutter contre la domination (et le plus souvent l’occupation) de leur pays par un régime totalitaire9. Il ajoute qu’il ne s’agit pas du « repli sur la société des croyants voués à une action purement spirituelle, mais participation, en chrétiens, au combat des résistants pour délivrer à la fois les âmes du poison nazi et le pays de l’esclavage ». Cet engagement patriotique pour la liberté et la justice n’est pas séparé de l’engagement chrétien, pour le règne de Dieu, comme le soulignent les premiers rédacteurs de Témoignage chrétien. Cette résistance est spirituelle parce qu’elle fait appel aux consciences, au nom de la foi chrétienne, contre toute compromission10. Elle puise donc son enracinement dans les convictions religieuses et détermine le mode d’engagement.
5Ce qu’il s’agit de voir, ici, ce sont les points communs et les influences théologiques, par-delà les différences individuelles et la pluralité des parcours, qui ont amené plusieurs religieux à faire ce choix de l’engagement et à rejoindre la France Libre, faisant d’eux à la fois des engagés spirituels et des engagés sous les armes. Leurs motivations permettent ainsi de percevoir une unité dans ce noyau malgré la diversité de leur vocation, au milieu de civils par ailleurs refusant eux aussi la défaite.
6Ce chapitre éclaire, en particulier, l’itinéraire politique et religieux de René de Naurois qui fut en contact direct avec le nazisme en Allemagne avant 1939. Les archives, témoignages et mémoires de l’abbé de Naurois, ainsi que les biographies de religieux compagnons de la Libération permettent de présenter son engagement.
René de Naurois et la résistance spirituelle
7Pour les prêtres qui répondent à l’Appel du 18 juin, la Résistance spirituelle puise ses racines dans tout un passé d’engagement dans des mouvements de jeunes intellectuels catholiques (Association catholique de la Jeunesse française, Sillon, Jeune République…). C’est le cas de René Jacobé de Naurois11, né en 1906 et ordonné prêtre en 1936. Il est aussi très proche de son cousin, Mgr Bruno de Solages, recteur de l’Institut catholique de Toulouse depuis 1932, et grande figure intellectuelle chrétienne. Solages a pris parti pour la modernité dans la crise moderniste, comme il est ami de Teilhard de Chardin, de Henri de Lubac, du philosophe Vladimir Jankélévitch qu’il accueillera quand ce dernier, en tant que Juif, sera destitué de son enseignement. Solages sera d’ailleurs lui-même arrêté et déporté en juin 1944 au camp de Neuengamme12. Naurois entre comme étudiant à l’Institut catholique de Toulouse en octobre 1931, pour y suivre les cours de philosophie pendant un an, puis de théologie pendant trois ans. Il est ordonné prêtre à Toulouse le 29 juin 1936 par l’archevêque Mgr Jules-Géraud Saliège. Après avoir obtenu sa licence de sciences, de lettres et de philosophie, il suit des cours dit de doctorat. C’est à ce titre, comme étudiant, que René de Naurois part en Allemagne pour travailler à une thèse de philosophie sur le philosophe allemand Ludwig Feuerbach13. Le studieux séjour révèlera un jeune catholique engagé, un futur « intellectuel d’action »14.
8Dès 1926, Naurois se rend alors très souvent en Allemagne et y résidera de 1933 à 1939 pour travailler à sa thèse15. Il apprend l’allemand assez rapidement, langue qu’il ne connaissait pas avant d’aller en Allemagne. Il fait son premier séjour dans une famille de Rhénanie, chez un ancien ministre de la République de Weimar, lié à ses parents, Heinrich Köhler. Ce dernier perçoit déjà le national-socialisme comme « une création perverse et même satanique16 ». Cette influence du séjour en Rhénanie sera déterminante. Avec son ami allemand, Naurois analyse la situation et sa gravité :
« Tandis que je lui demandais, un jour, comment il voyait le proche avenir, il y eut d’abord un silence, puis il me répondit, en français : “Ach !… la barbarie !” Cette réponse tomba comme un aveu désespéré devant l’irrémédiable. Plus tard, le 21 mai 1938, à la veille de la conférence de Munich, après l’annexion de l’Autriche en mars, je le trouvai fort alarmé : “[…] Nous sommes au bord de la guerre.” Je n’avais plus aucune illusion sur l’avenir de la paix17 […]. »
9La fascination de l’abbé de Naurois devant cette métamorphose de l’Allemagne fait vite passer au premier plan de ses préoccupations l’observation, la recherche de renseignements pour comprendre ce que ce pays est en train de traverser et les répercussions que cela pourrait avoir.
10Après son ordination en 1936, Naurois est nommé en 1937 aumônier adjoint de la colonie française à Berlin pour deux années18. L’observation attentive du peuple allemand lui permet de transmettre des informations à Solages, à Saliège et à ses amis de Toulouse, sur l’attitude de la population à l’égard du régime. Dans le Berlin de la fin des années 1930, il fait la connaissance d’Otto Abetz (1903-1958), grand admirateur de la France. En 1930, ce dernier a fondé le « Cercle de Sohiberg », destiné à rapprocher la jeunesse allemande et française, et sera d’ailleurs pendant l’Occupation ambassadeur d’Allemagne en France, du 3 août 1940 à juillet 1944. En 1936, des Français habitant Berlin ont conseillé à Naurois de rendre visite à une société, la Deutsch-Französische Gesellschaft (société franco-germanique), qui reçoit des Français et les aide à visiter la ville. Abetz s’y rend souvent et c’est là que l’abbé de Naurois le rencontre. Otto Abetz à cette occasion dit à l’abbé que les Allemands allaient faire une grande Allemagne, et les Français une grande France, mais… soumise à l’Allemagne19.
11Naurois quitte l’Allemagne en mars 1939 puis est mobilisé comme lieutenant d’artillerie de montagne. Il est ensuite envoyé près de Lille pour combattre l’invasion allemande avec la 1re armée. Après l’armistice, il est affecté au 1er bureau de l’état-major à Paris où il se trouve au moment de l’arrivée des Allemands :
« Je me levai d’un bond, et pieds nus, gagnai la fenêtre, la première à droite du grand porche des Invalides – je ne peux jamais regarder cette façade sans y penser : les Allemands étaient là.
Ils descendirent de voiture, s’approchèrent de la grande grille où les gardes mobiles les saluèrent. Quelques minutes s’écoulèrent. On parlementa. Puis les voitures entrèrent lentement, et s’engouffrèrent sous la voûte pour gagner la cour d’honneur. De cette même fenêtre, j’avais assisté, onze ans plus tôt, aux funérailles du maréchal Foch20. »
12Démobilisé le 1er août 1940, et faute de rejoindre de Gaulle à Londres puisque Saliège le lui a refusé, il accepte diverses fonctions comme aumônier. Il est ainsi aumônier du couvent des religieuses de Notre-Dame-de-la-Compassion, par où transiteront nombre de fugitifs grâce à l’engagement des religieuses et la proximité des Pyrénées. C’est là que son bureau sera plusieurs fois perquisitionné, dont une fois avec des résultats comiques : pensant tomber sur des tracts, les inspecteurs ouvrent un gros paquet contenant la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin21 ! Activement résistant, Naurois rejoint le mouvement « Vérités », dès 1940 des antennes s’étant constitués à Toulouse. Il est entre autres également aumônier des étudiantes de la faculté de Toulouse, et lors d’un séjour avec elles en camp de montagne à Argentières, il célèbre une messe le 15 août 194222 au Col de Balme et en profite pour vérifier la sécurité des lieux : en effet, durant une des nuits suivantes, il faisait passer une famille juive en Suisse par ce col23.
13Dans cette même période de sa résistance en France, René de Naurois est également invité comme aumônier et conférencier à l’École des Cadres fondée à Uriage par le capitaine Dunoyer de Segonzac24. Il en sera vite écarté par les autorités de Vichy le 17 février 194125. Un journal collaborationniste célèbre, Je suis partout, dans un article intitulé « Un rouge chrétien » d’avril 1942, en commente les raisons : « il s’y fit si vite remarquer par son hostilité contre le Maréchal qu’on ne put le maintenir à ce poste ». Le même journal vichyste, décidément bien informé, complète l’accusation : « hélas ! L’abbé de Nauroy [sic] n’a pas compris la leçon. Au lieu de se faire oublier, il donne aux étudiants catholiques [de la zone sud] des conférences violemment antifascistes26 ».
14Ses interventions finissent par attirer l’attention des autorités de cette « zone sud ». Averti avant la levée du jour, le 6 novembre 1942, qu’une perquisition est programmée pour le jour même, Naurois s’évade par l’Espagne. Pris en charge par les Britanniques à Gibraltar, il rallie l’Angleterre le 15 mars 1943 et signe son engagement dans la France Libre en avril. De Gaulle lui laisse plusieurs possibilités d’aumônerie, selon son souhait d’œuvrer auprès d’unités combattantes, dont l’escadrille de chasse Normandie-Niémen et les fusiliers-marins commandos. Ayant sympathisé avec des membres des commandos, il fait ce choix, auquel le général de Gaulle répond : « Eh bien, soit, Naurois…, vous serez marin27 ! » Il apporte également son aide à l’aumônier général à Londres. Lorsqu’il participe enfin au Débarquement du 6 juin 1944, il n’a qu’un couteau à bout rond dans sa poche, pas d’arme. Il porte le crucifix de bois des aumôniers sur une cordelette au cou ; il emporte dans son sac un calice et des hosties consacrées. Il doit abandonner l’autel portatif sur la plage après avoir donné la communion au commandant Kieffer blessé28 :
« C’est là que des hommes m’ont demandé la communion. Dans ce chaos effroyable. Sur ce sable qui tombait en averses, derrière quelques cabines de bain en planches pourries… Je portais sur moi une petite boîte d’hosties consacrées et je me suis glissé de l’un à l’autre. C’étaient des types épatants. […] Tous étaient unis par la conviction que cette guerre de libération était juste et que se battre contre le nazisme était faire son devoir29. »
15Après le débarquement à Ouistreham, en Normandie, avec le commando Kieffer, dont il est l’aumônier, il participe avec ce même commando aux combats de Walcheren et de Flessingue, aux Pays-Bas. Puis, après la capitulation allemande, il devient officier de contrôle à la Division des affaires politiques à Berlin d’octobre 1945 à mars 1946. Il assiste à quelques sessions des procès antinazis de Nuremberg.
16Revenu à Toulouse, en 1946, il enseigne à l’Institut catholique, non sans commencer la rédaction de ses mémoires de guerre : une page est datée de 194730 – celle qui relate justement ses impressions à l’aube du 6 juin 194431. De même, il prend le temps de classer méthodiquement tous les documents et photos qui lui serviront pour sa rédaction et dont il fera la sélection avec son éditeur au moment de publier, en 2004. Mais l’aventure militaire semble terminée, même si, comme lieutenant-colonel de réserve, il se porte volontaire en décembre 1956 pour une période d’instruction comme chef d’escadron en Algérie. Une autre aventure l’attend, différée sans doute depuis son enfance, et motivée par sa passion pour les oiseaux. En 1960, il entre au CNRS, soutenant en 1969 une thèse volumineuse et remarquée sur les oiseaux de Mauritanie et du Sahara et publiera jusqu’à sa mort un nombre important d’articles, dont beaucoup centrés sur la question de l’endémisme des populations aviaires en particulier dans les îles équatoriales ou tropicales. Cette période est aussi ponctuée de séjours en Israël après avoir été fait « Juste parmi les nations » en 1988 et avoir planté un arbre à son nom dans « l’allée des Justes », à Yad Vashem. Il était tout particulièrement ému de cette distinction, comme il en fait part à la fin de ses mémoires32.
17Il décède le 12 janvier 2006 à Brunoy, chez lui, l’année de son centième anniversaire. Non sans avoir fait une dernière conférence, quatre jours plus tôt, pour dénoncer une dernière fois l’idéologie totalitaire contre laquelle il s’était tant battu. Appelé en effet auprès de son frère Louis, très malade, logé comme ancien prêtre et professeur à l’Institut catholique de Toulouse, il fit à cette occasion une conférence sur « la résistance allemande au nazisme », dernier hommage aux résistants allemands qu’il avait connu avant la guerre et l’avaient tant éclairé sur ce qui attendait l’Europe33.
Les moines-soldats
18Des parcours comparables à celui de René de Naurois sont bien identifiés parmi les aumôniers militaires, notamment ceux d’autres compagnons de la Libération religieux assimilés par certains à des « moines-soldats ». De Naurois rejetait cette appellation qui lui semblait peu correspondre avec la période historique ou avec son tempérament, et moins encore avec son statut ecclésiastique. D’autres prêtres du clergé régulier sont très connus comme « moines-soldats », comme l’amiral Thierry d’Argenlieu, premier responsable religieux à rejoindre de Gaulle à Londres34, en religion le Père carme Louis de la Trinité, dont Thomas Vaisset a écrit la biographie35. Provincial, il est ainsi le supérieur de Lucien Bunel, alias le Père Jacques de Jésus36, arrêté au Petit collège d’Avon, avec trois enfants juifs cachés dans l’établissement, le 15 janvier 1944.
19Passé par l’Angelicum à Rome, après avoir été officier de Marine, Georges Thierry d’Argenlieu avait pris l’habit en 1920, avec d’autres novices carmes. Il n’est pas un cas isolé dans sa famille : ses sœurs sont devenues religieuses, et il a deux frères dominicains. En 1932, il est placé à la tête de la province restaurée des Carmes de Paris. Il rencontre Mgr Pacelli, le futur Pie XII, en visite à Lisieux en 1938, et le père Élisée Alford affirme : « À partir de ce moment, ses amis avaient le sentiment très fort qu’il n’était pas un religieux comme les autres, mais un moine guerrier, pour qui l’anéantissement du nazisme devait être assuré par une sorte de croisade37. » De fait, le 27 mai 1942, il préside au ralliement à la France Libre de Wallis et Futuna. En 1958 il retourne au monastère d’Avon.
20François Bigo, autre ecclésiastique régulier, rallie les FFL le 18 juin 1940. Il participe au débarquement de Provence à Cavalaire, auquel participe également l’Alsacien Joseph Duhantoy-Schuffenecker. Ce dernier a témoigné de sa propre expérience, soulignant combien sa foi avait été un moteur décisif de son engagement38. Bigo est tué, abattu dans le dos alors qu’il allait donner l’absolution à un tirailleur mourant39. Un aumônier jésuite, Pierre Finet40 mettait en avant comme une sorte de révélation évangélique l’engagement de ceux qu’il appelait ses « petits gars » :
« Honneur et Patrie, voici la France Libre. […] Des saints, des vrais, il y en eut, et beaucoup, parmi nous. Dans l’ensemble, ils ne l’étaient pas originairement, le jour où ils ont opté pour la France Libre. Le cas du publicain Matthieu que le Seigneur appelle. Une grâce qui passe et rencontre au fond d’une âme quelque chose de clair |…]. C’étaient des pêcheurs. La cause était juste, elle les a sanctifiés41. »
21Raymond Defosse, Émile Dehon, Nicolas de Glos, Jules Hirlemann, l’aumônier de la Légion, qui affectionnait particulièrement la devise du Curé d’Ars : « On n’a rien fait tant qu’on n’a pas tout donné42 », le spiritain Jean-Baptiste Houchet, le Slovène Stanislas Malec-Natlacen (défroqué), le pasteur Michel Stahl font aussi partie de ces religieux engagés dans la France Libre. Toutefois, pour illustrer l’unité dominante de la résistance spirituelle, assortie du don de soi dans le combat des armes, par-delà la pluralité des parcours, l’exemple du dominicain Jacques Savey offre un contraste apparent avec l’itinéraire intellectuel et spirituel de René de Naurois. Tout, à première vue, les oppose – le contexte familial, le terrain de combat, et jusqu’à la terminologie qu’ils adoptent. Là où René de Naurois, séculier, récusait l’expression de « moine-soldat » et optait pour le combat sur le terrain intellectuel et politique, faute de pouvoir tout de suite rejoindre la France Libre, le dominicain Jacques Savey qui put rejoindre plus immédiatement le combat en s’engageant dans les FFL, a vécu au contraire son engagement comme un appel permanent à la « croisade ». Dès 1935, il prêchait : « Ne soyez pas des soldats vaguement catholiques, mais des Chrétiens soldats43. »
Le père Savey et la « Croisade » de la civilisation chrétienne
22Il existe des différences importantes en effet entre ces deux figures d’ecclésiastiques, et cela dès le début de leurs formations respectives. Le père Jacques Savey, en religion Réginald44, fils d’un officier de marine, était déjà militaire avant d’entrer dans les ordres. Dominicain, il est ordonné prêtre en 1934. Deux ans plus tard, il est envoyé en Syrie (Haute-Djézireh) pour régler en particulier des questions d’accueils de réfugiés consécutifs à la dislocation de l’Empire Ottoman. Lieutenant de réserve d’infanterie coloniale, Savey est alors mobilisé en 1939 dans les services de renseignements du Levant (au cabinet militaire du haut-commissaire). C’est de ce poste qu’il apprend la cessation des combats et rejoint dès le 22 juin 1940 les Forces françaises libres. On le retrouve au camp de Moascar, près d’Ismaïlia, en Égypte le 31 août. Le manque de cadres dans les FFL fait qu’on ne peut pas le détacher comme aumônier militaire.
23Tangi Cavalin, dans sa notice pour le Dictionnaire biographique des Dominicains, précise ses motivations : « Il justifie son départ en parlant, dans une longue lettre au père Drapier du 21 août, de “croisade” de la “civilisation chrétienne” contre “le messianisme hitlérien”45 » – ses propres mots pour décrire ce que représentent pour lui l’appel du Général de Gaulle et l’action que mènera la France Libre dans la poursuite des combats. Dans cet état d’esprit, il ne se voit pas poursuivre la mission à Djézireh qui impliquerait la fin de tout combat contre l’Allemagne et pourtant ce choix pour Favier est un déchirement dont il a du mal à s’expliquer auprès de sa hiérarchie : « Le pas est cependant d’autant plus difficile à franchir que tout dans son éducation et dans sa formation semble le prédispose à l’obéissance. C’est pour lui un angoissant cas de conscience. Il se tourne alors vers son supérieur, François Drapier, qui se serait dérobé : “Vous savez votre théologie morale. À vous de décider46. »
24Finalement, privé d’un avis amical ou éclairé dans ce choix difficile, le père Savey met en pratique la théorie de la théologie morale que prône son supérieur et suit donc l’avis de son libre arbitre en choisissant de poursuivre le combat dans la France Libre. Mais la forme de son engagement surprend – « enrôlé comme combattant et non comme aumônier, ce que proscrit, avec des nuances, le droit canonique47 ». Ce choix est même perçu comme une trahison qui entraîne une rupture jusque dans sa famille : « Son père se dit atteint dans son honneur d’officier. Quant à son frère aîné, également dominicain, Louis-Bertrand Savey, il conçoit une telle honte de l’acte de son cadet qu’il s’engage aussitôt, afin de laver l’honneur familial et celui de sa famille religieuse, comme aumônier dans l’armée de l’Air de Vichy48. » Il reviendra plus tard à une grande admiration pour son jeune frère.
25Jacques Savey se voit confier par les FFL (Forces françaises libres) le commandement de la 3e compagnie du 1er bataillon d’infanterie de marine, bataillon dont il prendra le commandement à la fin de juin 1941. Devenu capitaine, il participe aux campagnes d’Érythrée en 1941, de Syrie et de Libye. Dans la nuit du 10 au 11 juin 1942, au cours de la sortie de Bir Hakeim, il tombe, criblé d’éclats d’obus. Sa chasuble et sa croix de guerre ont permis d’identifier son corps. Et l’un de ses frères affirme : « Il n’a rien demandé d’autre à Dieu, au jour de son départ pour le combat de la Libération, que “l’esprit de croisé”. C’est aussi la résistance du christianisme aux puissances du mal qui s’est incarnée en lui49. » L’amiral d’Argenlieu, ainsi qu’il le note dans son diaire le 2 juillet 1940, avait lui aussi répondu dans les mêmes termes à cette motivation : « Fidélité à la France et à Dieu dont les intérêts sont en jeu, [car] tant de voix qualifiées ont dit : c’est une croisade50. »
La « guerre juste »
26À tous s’est posée à l’évidence la nécessité de concilier l’inconciliable : d’une part le verset biblique – « Tu ne tueras point » – et d’autre part la nécessité de s’opposer par tous les moyens, dont la guerre, à une barbarie destructrice de tous les idéaux d’humanité, dont au premier chef l’idéal chrétien de paix entre les hommes. L’enseignement d’un Docteur de l’Église, Thomas d’Aquin, est présent à la mémoire de tous ces prêtres engagés dans la France Libre, aumôniers ou combattants, et la question, abordée dans leur formation, au premier plan maintenant y compris, la notion de « guerre juste51 ». Bruno de Solages, au retour du camp de concentration dans lequel il avait été déporté en juin 1944, publie une synthèse sur ce sujet, La Théologie de la guerre juste. Genèse et orientation52, qui décline toutes les influences de la pensée thomiste sur les positions de l’Église et les différents théologiens qui reprirent le sujet au fil des siècles. Mais déjà en décembre 1941, Thierry d’Argenlieu, encore capitaine de vaisseau, en appelle au jus ad bellum, au « droit à la guerre », quand les valeurs d’un pays sont menacées. Comme le relève son biographe : « Son appréciation de la situation procède à la fois de considérations spirituelles et d’un patriotisme aux élans mystiques fondé sur la conviction qu’“aimer sa terre natale, le sol de ses ancêtres, est un devoir sacré, car c’est de notre Patrie que nous recevons, sans mérite, les dons les plus précieux53”. » À ses yeux, poursuit-il, la licéité du conflit dans lequel le pays s’est engagé ne fait aucun doute au regard du jus ad bellum : « En thomiste convaincu, [d’Argenlieu] estime que le combat mené par la France satisfait aux critères de la guerre juste définis par saint Thomas d’Aquin. Cette légitimité est renforcée et le conflit lui-même sublimé, voire sacralisé, par la lecture [qu’il] fait des encycliques de 193754. »
27Ces encycliques de Pie XI publiées en 1937 – et nous voudrions conclure sur cet aspect car s’y concentrent tous les arguments qui autoriseront et justifieront les choix faits par les religieux combattants à venir de la Seconde Guerre mondiale – sont en effet des textes appelant à une véritable mobilisation générale de tous les chrétiens55. Néanmoins, elles n’appellent jamais explicitement à la lutte armée : Pie XI y dénonce ce que l’Église catholique en 1937 a vu monter comme les fléaux d’un antihumanisme, les deux totalitarismes du xxe siècle, le nazisme et le communisme. Souvent commentées dans les colloques d’historiens, elles ont été rééditées récemment sous leurs formes et titres originels : Mit Brennender Sorge, encyclique en allemand du 14 mars 1937 qui dénonce l’idéologie nazie, et Divini Redemptoris, plus diffuse mais non moins déterminée à dénoncer l’idéologie du Communisme, du 19 mars 193756. Ces deux encycliques de Pie XI paraissent bien être le facteur d’unité : l’appel vibrant à un engagement en effet de tout l’être, chez ces prêtres chrétiens d’horizons si divers.
28Le parcours de René de Naurois et d’autres religieux compagnons de la Libération permet de mettre en lumière les particularités propres à leur engagement associé à leur vocation, mais aussi les points communs entre eux et l’unité qui se dégage dans leurs actions avec ceux qu’ils accompagnaient lors des combats.
29Naurois fait partie des quinze ecclésiastiques parmi les 1 038 compagnons de la Libération57 : une minorité témoignant de la pluralité des origines, mais aussi exemple de l’un des « Padre » faisant le lien entre les Français libres, quelles que soient leurs convictions du point de vue religieux. Ce que rappellent dans la Résistance de manière générale les vers d’Aragon sur « Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas58 ».
Notes de bas de page
1Voir par exemple Fouilloux Étienne, Les Chrétiens français entre crise et Libération, 1937-1947, Paris, Seuil, 1997.
2Voir lettre reproduite dans ses mémoires : Naurois René de, Aumônier de la France Libre, Paris, Perrin, 2004, p. 102. L’édition de poche de cet ouvrage, publiée par Perrin en 2019, ne comporte pas les cahiers photos reproduisant ces documents. Nous citons toujours de la première édition illustrée de 2004.
3Sur 1 038 Compagnons de la Libération. Bardy Gérard, Les moines-soldats du Général, Paris, Plon, 2012, p. 15.
4Duquesne Jacques, Les Catholiques français sous l’Occupation, Paris, Seuil, 1996 ; Bédarida Renée, Les catholiques dans la guerre 1939-1945. Entre Vichy et la Résistance, Paris, Hachette Littérature, 1998 ; Fouilloux Étienne, « Église catholique et Seconde Guerre mondiale », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 73, janvier-mars 2002, p. 111-124.
5Bardy Gérard, Les moines-soldats du Général, op. cit., p. 13.
6Boniface Xavier, L’aumônerie militaire française (1914-1962), Paris, Cerf, 2001.
7Bédarida François et Bédarida Renée, La Résistance spirituelle 1941-1944. Les cahiers clandestins du Témoignage chrétien, Paris, Albin Michel, 2001 ; Molette Charles, Prêtres, religieux et religieuses dans la résistance au nazisme (1940-1945). Essai de typologie, Paris, Fayard, 1995 ; Clément Jean-Louis, « La notion de “Résistance spirituelle” : une étude de concept à partir des cas français et italien », in Sainclivier Jacqueline et Bougeard Christian (dir.), La Résistance et les Français. Enjeux stratégiques et environnement social, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1995, p. 85-94.
8Fouilloux Étienne, Les Chrétiens français entre crise et Libération, 1937-1947, op. cit., p. 135.
9Bédarida François, « L’histoire de la résistance. Lectures d’hier, chantiers de demain », Vingtième siècle, juillet-septembre 1986, p. 80, cité dans Comte Bernard, L’Honneur et la conscience. Catholiques français en résistance, 1940-1944, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions ouvrières, Paris, 1998, p. 8.
10Ibid., p. 116.
11[https://www.ordredelaliberation.fr/fr/compagnons/rene-naurois-de], consulté le 21 octobre 2019.
12Duffau Marie-Thérèse, Bruno de Solages. Biographie d’un intellectuel catholique engagé, Paris, Téqui, 2014.
13Souhaitant ainsi opposer des arguments philosophiques à l’athéisme prôné par Feuerbach.
14Voir la conférence intitulée « René de Naurois – un intellectuel d’action » prononcée à Montauban le 11 mai 2017 par Gisèle Venet, professeur émérite des universités, dans l’amphithéâtre « René de Naurois » inauguré quelques mois plus tôt au lycée Théas-de-Montauban.
15C’est le philosophe Maurice Blondel qui lui a fait obtenir la bourse d’étude qui lui a permis de partir en Allemagne. Naurois René de, Aumônier de la France Libre, op. cit., p. 38.
16Naurois René de, Aumônier de la France Libre, op. cit., p. 48.
17Ibid., p. 48-49. Voir Duffau Marie-Thérèse, « René de Naurois, témoin à Berlin en 1938 », Bulletin de littérature ecclésiastique, ICT, Toulouse, t. CX, 3, juillet-septembre 2009, p. 309-322.
18Naurois René de, Aumônier de la France Libre, op. cit., p. 52. Le père dominicain Henri-Jean Omez se trouvait en même temps que Naurois à Berlin à un poste voisin : voir la notice d’Étienne Fouilloux dans le Dictionnaire biographique des frères prêcheurs. Fouilloux Étienne, « Omez Henri-Jean », Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, en ligne, notices biographiques, lettre O, mis en ligne le 4 mai 2017, consulté le 24 octobre 2019, [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dominicains/1931]. Le Père Ambroise Carré (o. p.) donne une conférence à Berlin en juin 1939 devant les représentants de la jeunesse nazie P. Ambroise Carré de juillet 1939 : « La Jeunesse de France vue par les Jeunes Hitlériens », La Revue des jeunes, no 7, juillet 1939, p. 67-79 (information aimablement communiquée par Augustin Laffay).
19Naurois René de, Aumônier de la France Libre, op. cit., p. 54.
20Ibid., p. 93.
21Ibid., p. 142.
22La photo dans ses mémoires (dixième page d’encart photos) est mal légendée de juillet 1942 : une des étudiantes présentes dans ce camp, lisant son livre en 2004, lui avait écrit, heureuse de le retrouver, pour dire qu’il s’agissait en fait du 15 août 1942.
23Récemment, un de ses neveux, portant son nom, a été approché par une famille juive, Epstein, en Angleterre où il vit : on lui a demandé s’il connaissait un Monsieur de Naurois ayant sauvé quelqu’un de leur famille dans des circonstances analogues.
24Delestre Antoine, Uriage : une communauté et une école dans la tourmente 1940-1945, Presses universitaires de Nancy, 1989. Voir aussi Comte Bernard, Une utopie combattante. L’École des cadres d’Uriage, 1940-1942, Paris, Fayard, 1991.
25Delestre Antoine, Uriage : une communauté et une école dans la tourmente 1940-1945, op. cit., p. 97.
26Photo de l’article, reproduite dans Aumônier de la France Libre, op. cit.
27Ibid., p. 177.
28Bardy Gérard, Les moines-soldats du Général, op. cit., p. 178.
29Entretien avec Annick Cojean dans Le Monde, le 27 mai 1994, Cité dans Bardy Gérard, Les moines-soldats du Général, op. cit., p. 178.
30Détail communiqué par Gisèle Venet qui abrite encore la plus grande partie de ses archives à son domicile.
31C’est cette page précisément que son éditeur, Xavier de Bartillat, a voulu retenir comme prologue à son livre de mémoires, souhaitant qu’il coïncide avec les célébrations du soixantième anniversaire du Débarquement.
32Naurois René de, Aumônier de la France Libre, op. cit., p. 282.
33Après des échanges par lettres et téléphone, c’est lors de ce passage trois jours avant son décès que j’ai pu rencontrer l’abbé René de Naurois.
34Bardy Gérard, Les moines-soldats du Général, op. cit., p. 15.
35Vaisset Thomas, L’amiral d’Argenlieu. Le moine-soldat du gaullisme, Paris, Belin, 2017.
36Carrouges Michel, Le Père Jacques : « Au revoir les enfants… », Paris, Cerf, 1988.
37Cité par Vaisset Thomas, L’amiral d’Argenlieu. Le moine-soldat du gaullisme, op. cit., p. 7.
38Cité dans Carrouges Michel, Le Père Jacques : « Au revoir les enfants… », op. cit., p. 86.
39Ibid., p. 45.
40Son frère cadet, Georges Finet, est le fondateur du premier Foyer de Charité à la demande de Marthe Robin.
41Carrouges Michel, Le Père Jacques : « Au revoir les enfants… », op. cit., p. 104. C’est lui qui souligne. Des notices sur chaque Compagnon de la Libération existent aussi sur le site [https://www.ordredelaliberation.fr/fr/compagnons/francois-bigo], consulté le 21 octobre 2019.
42Carrouges Michel, Le Père Jacques : « Au revoir les enfants… », op. cit., p. 130.
43Je m’appuie ici sur cette notice très complète : Cavalin Tangi, « Savey Réginald », Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, en ligne, notices biographiques, lettre S, mis en ligne le 15 décembre 2017, consulté le 27 septembre 2019, [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dominicains/2616]. Voir aussi [http://www.france-libre.net/jacques-reginald-savey/], consulté le 27 septembre 2019.
44Cavalin Tangi, « Savey Réginald », Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, en ligne, op. cit.
45Ibid.
46Ibid.
47Ibid.
48Ibid.
49Avant-propos du livre de Savey Marcel, o. p., Jacques Savey. Dominicain. Héros de Bir Hakeim, Paris, Le Cerf, 1950, cité dans Bardy Gérard, Les moines-soldats du Général, op. cit., p. 191-192.
50Cité par Vaisset Thomas, L’amiral d’Argenlieu. Le moine-soldat du gaullisme, op. cit., p. 191.
51Présente aussi dans les travaux de René Coste, Georges Minois, Michel Walzer.
52Solages Bruno de, Théologie de la guerre juste. Genèse et orientation, Paris, Desclée de Brouwer, 1946.
53Cité par Vaisset Thomas, L’amiral d’Argenlieu. Le moine-soldat du gaullisme, op. cit., p. 166.
54Ibid.
55Laffay Augustin, o. p., « Une attitude chrétienne face à l’antisémitisme : les Dominicains à Marseille durant la Deuxième Guerre mondiale », Mémoire dominicaine, Paris, Éditions du Cerf, 2007, no 21 : Dominique, avant les Dominicains, p. 165-183.
56Nazisme et communisme Deux encycliques de mars 1937, présentation et introduction de Sales Michel, Rouleau François et Fourcade Michel, Paris, Desclée, 1991.
57« Les femmes et les hommes Compagnons de la Libération », Ordre de la Libération, [https://www.ordredelaliberation.fr/fr/les-femmes-et-les-hommes-compagnon-de-la-liberation], page consultée le 6 janvier 2022.
58Aragon Louis, « La Rose et le Réséda », mars 1943, dans La Diane française, Paris, Éditions Seghers, 1944, [https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/louis-aragon/la-rose-et-le-reseda/], consulté le 21 octobre 2019.
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Françaises et Français libres
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