Le projet eugéniste panaméricain et ses réseaux épistémiques transnationaux pendant la première moitié du xxe siècle : le cas de la Colombie
p. 251-264
Texte intégral
1En 1920, un cycle de conférences eut lieu à Bogotá. Les médecins Miguel Jiménez-López, Luis López de Mesa, Calixto Torres-Umaña et Jorge Bejarano se réunirent afin de débattre autour d’une présumée « dégénérescence raciale » des Colombiens et de proposer des solutions. La tenue de ces conférences fut à l’origine d’un discours prononcé par le premier au séminaire de pathologie générale de la Faculté de médecine en 1916 et repris ultérieurement au troisième congrès colombien de médecine (Carthagène, 19181).
2Les arguments de Jiménez-López suscitèrent une polémique autour de la possible dégénérescence du peuple colombien. Cette polémique eut lieu au moment où la santé devenait un « problème social » et où les représentations sociales connaissaient un processus de biologisation2. Dans ce cadre, qui a apparu au xviiie siècle dans la sphère savante puis est passé dans les cercles politiques au cours du xixe siècle3, l’homme et la société furent définis comme des « organismes biologiques et physiologiques » assujettis aux lois naturelles de l’évolution4. Suivant cette conception, exprimée dans l’idée de race, le peuple devait être amélioré par des mécanismes scientifiques5. C’est ainsi que la communauté médicale colombienne, jouissant d’un pouvoir politique grâce à la « médicalisation de la politique6 », s’engagea dans une mission nationale de « régénération » de la population nationale. Son engagement répondait à l’expansion du mode de production capitaliste qui requérait une main d’œuvre saine et vigoureuse ainsi qu’au désir des élites politiques colombiennes de construire un État-nation « moderne » et « civilisé ». Des projets sociaux et la promulgation de lois publiques valorisant « le capital humain de la nation » furent ainsi mis en place7.
3Les théories évolutionnistes et héréditaires qui circulaient depuis la fin du xixe siècle, et se virent renforcées par l’arrivée du discours eugéniste, popularisé par le statisticien anglais Francis Galton à la fin du xixe siècle, changèrent la donne à partir des années 1920. Désormais, il ne s’agissait pas seulement d’assurer la « santé de la nation » mais aussi le bien-être de sa descendance. Il fallait donc contrôler la reproduction et la vie sexuelle des individus afin de produire des êtres « aptes » qui garantissaient l’avenir de la nation. Cette idéologie scientifique, sociale et politique se répandit rapidement dans les Amériques, ce qui donna lieu à de vifs débats dans les congrès académiques, à des publications dans les revues spécialisées et grand public et à la fondation de sociétés eugénistes. La Colombie ne resta pas à l’écart de ce « climat d’idées ». Le cycle de conférences de 1920 en est la preuve : les élites médicales se trouvèrent d’une part face à un supposé déclin inévitable de la « race colombienne », et d’autre part face à l’espoir de régénérer cette « race » pour qu’elle puisse répondre aux défis d’un système de production mondiale, synonyme de modernité8.
4La Colombie n’a connu ni un eugénisme institutionnalisé ni ces pratiques eugénistes dites « coercitives » (adoption du certificat médical prénuptial, stérilisations, euthanasie, etc.) qui, selon certains historiens, prouvent l’existence de l’eugénisme9. Pourtant, et comme le défendent d’autres auteurs dans la lignée desquels nous nous situons, d’autres actions, moins agressives mais tout aussi efficaces, ont été mises en place dans les années 1920 et 1930. L’anglaise Nancy Stepan, pionnière dans l’étude de l’eugénisme latino-américain, avait déjà mis en exergue cet aspect en affirmant que l’eugénisme latino-américain a été « préventif » : les eugénistes de la région préconisèrent des normes d’ordre biologique afin de mener un projet moderne de contrôle social au nom de la « science de l’hérédité10 ». L’argentin Andrés Reggiani soutient que même si l’intérêt des eugénistes du continent pour restructurer la politique sociale et démographique de chaque nation s’est créé à partir d’arguments fournis par la biologie et par la génétique, l’eugénisme latino-américain a connu des variantes plus diverses que celles reposant sur la génétique mendélienne11.
5Des travaux récents menés en Colombie montrent que les programmes d’hygiène et d’éducation mis en place dans les années 1920 et 1930, ainsi que l’institutionnalisation des disciplines comme la puériculture et l’hygiène mentale, témoignent de l’appropriation et de l’application des principes eugénistes12. Andrés Peña et Diego Gaviria affirment ainsi qu’un eugénisme dit néolamarckien s’est développé en tant que stratégie pour l’amélioration des conditions socioculturelles de la population, notamment à travers l’éducation13. Selon les auteurs, la circulation au niveau mondial de l’« évolutionnisme social », préconisé par le sociologue anglais Herbert Spencer, a aidé à la diffusion des croyances qui ont facilité la mise en place de politiques sociales, hygiénistes et éducatives avec une base eugéniste14.
6Ce chapitre s’inscrit dans un courant historiographique cherchant à analyser les multiples dimensions de l’eugénisme au-delà des expressions les plus extrêmes de l’amélioration raciale. Nous adhérons à la proposition de Paul-André Rosental et Luc Berlivet selon laquelle il faut déplacer le regard vers des modes opératoires « plus diffus, plus diversifiés, moins sensationnels » de l’eugénisme15. Autrement dit, il ne suffit pas de se focaliser sur les institutions affichant le mot « eugénisme » mais sur des « espaces sociaux inédits16 ». En déplaçant notre regard vers d’autres pratiques qui ne sont pas fondées sur un eugénisme dit mendélien, nous pourrons rendre compte des discours et des pratiques eugénistes en Colombie et de leur insertion dans les réseaux épistémiques eugénistes transnationaux. À cet effet, nous allons aborder deux sujets qui ont été ciblés par les actions eugénistes en Colombie : l’enfant et l’immigrant. La promulgation de politiques publiques d’inspiration eugéniste les concernant révèle, d’une part la présence des courants eugénistes en Colombie ; d’autre part, le crédit que lui accordaient différents groupes politiques, scientifiques et réformateurs sociaux17. Par exemple, l’arrivée du parti libéral au pouvoir exécutif en 1930, après presque cinquante ans d’hégémonie conservatrice, n’a pas signifié une rupture totale du schéma politique en ce qui concerne la mise en place d’un projet eugéniste. Il s’agit de montrer, à la lumière de l’histoire transnationale et de l’histoire globale située, l’insertion de la Colombie dans un climat d’idées qui parcourait le monde occidental18. Ces approches mettront en valeur l’articulation entre les spécificités eugénistes nationales et les dynamiques internationales.
La race colombienne est dégénérée : « les problèmes de la race en Colombie »
7La circulation des thèses eugénistes à travers le continent a fait surgir une polémique très vive autour de la dégénérescence des Colombiens en 1920. Le discours selon lequel il fallait préserver la « qualité raciale » de la population à travers différents mécanismes de contrôle des individus (la reproduction, l’hygiène sociale et l’immigration, etc.) est devenu monnaie courante dans le débat public.
8En Colombie, plusieurs facteurs économiques et sociopolitiques semblaient démontrer la « faiblesse biologique » des habitants. Le premier était lié aux conséquences économiques et sociales du dernier conflit civil du xixe siècle, la guerre des Mille Jours (1899-1902). Un deuxième facteur fut la séparation du Panama. Le 3 novembre 1903, un an après la fin de la guerre civile, le Panama a déclaré son indépendance. Cette perte, dont un des acteurs principaux fut les États-Unis, a engendré un sentiment d’impuissance nationale face à la menace étrangère et a interrogé les élites scientifiques sur la « qualité biologique » des Colombiens pour s’en défendre19. Finalement, le début du processus d’industrialisation dans les années 1920 génère une série de problèmes sociaux : entassement de la population dans les grandes villes, problèmes d’hygiène, multiplication des maladies infectieuses, augmentation du taux de mortalité infantile et des « maladies sociales » (prostitution et alcoolisme). Ces derniers, attribués à la nature biologique des « pauvres » et de l’émergente classe ouvrière, ont réaffirmé la crainte d’un possible déclin de la population et le besoin de la régénérer20. L’interprétation biologique des conflits sociaux (ladite « question sociale ») ont amené les experts à cette réflexion sociobiologique sur l’état physico-social et intellectuel de la population colombienne. C’est ainsi qu’en 1920, l’Assemblée d’étudiants de Bogotá invita six experts de disciplines et d’idéologies politiques diverses au cycle de conférences intitulé « Los Problemas de la raza en Colombia ».
9Chaque conférencier incarnait une vision scientifique et sociale (du déterminisme biologique héréditaire aux effets du milieu en passant par l’inaction de l’État) qui expliquait les causes du déclin du peuple colombien21. L’intervention du conservateur Miguel Jiménez-López (1875-1955), la première du cycle, mit en valeur la transmission héréditaire des maladies mentales. Comme il l’avait affirmé lors de son séminaire de pathologie générale (1916) et du congrès de médecine (1918), la dégénérescence de la population colombienne était prouvée par la hausse progressive de malades mentaux dans le pays. Cela était dû, selon lui, à l’hérédité, « la cause des causes22 ». Ces arguments reposaient principalement sur les théories proposées par les aliénistes français comme Augustin Morel, qui privilégiait l’origine héréditaire des maladies mentales23.
10Selon Jiménez-López, l’existence des races jugées biologiquement « inférieures » et leurs pratiques sociales étaient aussi à l’origine de la dégénérescence. D’après lui, les attributs psychiques « négatifs » que les Colombiens possédaient n’étaient que le résultat des caractères hérités des races génitrices, les Espagnols et les Indigènes, qui s’étaient croisées. Les Indigènes étaient une « race déficiente » du fait d’une d’« évolution incomplète » ou d’une « dégénérescence complète24 ». Jiménez-López assurait que le croisement racial entre ces deux groupes avait produit un mestizo qui était parfois « aberrant » morphologiquement25. Le problème n’était pas la « fusion » raciale, disait-il, mais la « juxtaposition » de ces traits qui, restant latents chez l’individu, risquaient de se manifester26. Il affirmait que la seule façon d’éradiquer « l’origine du mal », était de « rénover le sang contaminé27 ».
11Ce renouveau du sang passait par la stimulation d’une immigration « blanche ». Le migrant blanc produirait une amélioration de la population locale du point de vue biologique (disparation éventuelle des traits indigènes grâce au processus du métissage) et du point de vue sociologique (diffusion des normes de comportement inhérentes à une société civilisée28).
12Selon le libéral Luis López de Mesa (1884-1967), l’immigration bien sélectionnée était prioritaire dans la « croisade rédemptrice de revitalisation de l’esprit national29 ». Avec une vision plus optimiste, il affirmait que c’était le manque de culture, indicateur de l’évolution des sociétés, qui était à l’origine de l’affaiblissement racial des Colombiens30. Malgré l’importance qu’il attribuait à cet aspect, l’élément racial-biologique, articulé à un déterminisme climatique et géographique, allait prendre le dessus. Le médecin soutenait que les traits physiques et moraux de l’individu étaient déterminés par le groupe racial auquel il appartenait et par son milieu31. Dans cette perspective, López de Mesa estimait que la stimulation d’une immigration bien gérée était nécessaire32.
13La vision biologique de ces deux conférenciers n’était pas complétement partagée par les médecins Calixto Torres-Umaña (1885-1960) et Jorge Bejarano (1888-1966). Ces derniers étaient persuadés que les effets du milieu étaient responsables de l’affaiblissement de la population. Torres-Umaña, cofondateur de la Société colombienne de pédiatrie (1917)33, affirmait que les conditions climatiques et l’alimentation avaient un effet sur la physiologie des habitants, raison pour laquelle ils étaient affaiblis34. Torres-Umaña faisait aussi appel à d’autres facteurs qui « influaient sur la génération » des individus : l’alcoolisme, l’excessive consommation de chicha et la mortalité infantile35.
14Même si Torres-Umaña essayait de s’éloigner de la théorie de la dégénérescence proposée par Jiménez-López, il lui était parfois inévitable de se servir du mot « dégénération ». Cela était d’autant plus qu’évident lorsqu’il parlait des effets de l’alcool et des endémies tropicales dans la transmission héréditaire des tares : « Lorsque l’homme procrée en état d’ivresse, il obtient souvent un enfant difforme, épileptique ou avec d’autres tares de la dégénérescence36. » Torres-Umaña n’était pas complètement opposé à l’idée selon laquelle l’affaiblissement de la population colombienne était une conséquence des processus biologiques et encore moins à l’idée de la potentielle transmission héréditaire des caractères acquis37.
15La pensée de l’hygiéniste Jorge Bejarano s’est avérée être la plus diamétralement opposée à celle de Miguel Jiménez-López. Défendant une vision environnementale de la dégénérescence raciale, Bejarano assurait que le milieu en était la cause principale. Lors de sa première intervention, il souligna que les Colombiens n’étaient pas dégénérés mais qu’ils vivaient un processus de modification physique et morale qui allait permettre l’amélioration du pays, quelle que soit la « race38 ».
16Le rôle de la femme en tant que mère était au cœur de son intervention. Selon Bejarano, la mère pouvait améliorer « les conditions physiques de ses enfants condamnés à la dégénérescence […]39 ». Le lien mère-enfant fut le sujet qui lui permit de se faire remarquer lors de la deuxième conférence panaméricaine d’eugénisme et d’homiculture (Buenos Aires, 1934). Les causes environnementales, considérées, comme étant à l’origine des maux physiques et sociaux des Colombiens, furent exposées dans ses interventions. Il centra son attention sur l’hygiène, sur l’enfant et sur la criminalité. Les facteurs sociologiques étaient, selon lui, les causes de la criminalité : un cadre familial dysfonctionnel, l’alcoolisme et la misère. Cette vision sociale de la criminalité était celle du criminologue italien Enrico Ferri, cité par Bejarano à plusieurs reprises40. En adoptant la définition sociobiologique de Ferri au sujet du délinquant : « homme prédisposé organiquement au délit si les facteurs biologiques et sociaux le déterminent », Bejarano n’abandonna pas un certain déterminisme biologique.
17Malgré la divergence idéologique entre les conférenciers invités au cycle de conférences, il était évident qu’ils partageaient le même but : la régénération biologique du peuple colombien. La vision sociobiologique des experts sur cette question, qui prenait de l’ampleur à une époque où les médecins obtenaient un statut politique et social indiscutable (en devenant les nouveaux “technocrates”), amena les élites politiques et scientifiques du pays à mettre en place des programmes médico-sociaux et à adopter des lois nationales visant à améliorer le capital humain de la nation. Ces lois et programmes nationaux furent orientés vers deux sujets « biologiques » qui, dans l’imaginaire de ces élites, étaient aussi deux catégories sociales fondamentales dans la construction d’un État moderne : l’enfant et l’immigrant.
L’enfance au cœur de la croisade de régénérescence de la population
18La définition de l’enfance comme « problème social » a émergé dans le monde occidental au xixe siècle, lorsque la préoccupation de la société vis-à-vis de l’enfance et l’intervention de l’État pour assurer sa protection est devenue manifeste41. En Colombie, l’intervention étatique, accompagnée par la communauté médicale, s’est concrétisée à travers la structuration de l’instruction publique (la consolidation d’un discours médico-pédagogique) ; l’établissement d’institutions à caractère correctionnel-pénitentiaire (l’appropriation d’un discours médical, juridique et légal) ; et la consolidation de l’hygiène infantile comme un projet national de progrès qui permettait l’amélioration de la race et le contrôle des « maladies sociales42 ».
19L’apparition du discours eugéniste dans les années 1920 a donné de l’ampleur à la catégorie sociale de l’enfance43. Celle-ci devint dès lors la base du projet de construction de l’État-nation dont le patrimoine biologique devait être préservé afin de garantir le « progrès » de la race et de la patrie44. Ainsi, tout au long des années 1920 et 1930, la Colombie connut la fondation d’institutions et la mise en place de projets nationaux qui, cautionnés par la promulgation de lois nationales, cherchaient à instaurer tout un dispositif scientifique et national de protection à l’enfance. Dans ce contexte, la mère devait assurer un rôle « patriotique ».
20Parmi ces programmes, la « Goutte de lait » vit le jour. Son institutionnalisation, en 1919, correspond au fait que les médecins colombiens ont associé les causes de la mortalité infantile du premier âge à un aspect social. Le projet cherchait à combattre la mortalité infantile, signe de la dégénérescence raciale, à travers les techniques de la puériculture : les causes de ce fléau « social » étaient la négligence, l’ignorance, la pauvreté et les habitudes des classes ouvrières. Cette nouvelle dimension sociale de la mortalité infantile a permis aux médecins de lier son étiologie aux pratiques d’éducation des enfants, y compris à leurs habitudes alimentaires. Ce lien leur a aussi conféré l’autorité nécessaire pour s’introduire dans le foyer familial et apprendre aux mères des « gestes et des actes intimes sur des comportements qui avaient un impact collectif45 ». Même si les actions menées par l’institution étaient justifiées par des raisons philanthropiques, elles révélaient une affinité avec le projet eugéniste de « […] développer des organismes forts et bien constitués et non pas des êtres rachitiques et inutiles qui seront plus tard des éléments racialement dégénérés46 ».
21En effet, la Goutte de lait fut une des institutions consacrées à la protection à l’enfance qui a véhiculé les préceptes eugénistes à travers la puériculture47. Le médecin colombien Alfonso Castro avait déjà proposé la fondation de l’institution en 1915 afin de contribuer au processus de « perfection raciale » de la population colombienne48. Jorge Bejarano, déjà évoqué et premier directeur de la Goutte de lait de Bogotá, décrivait le programme comme un espace pour former de « beaux exemplaires de race, modèles de vigueur » et aboutir ainsi « à la rénovation des peuples49 ». En raison de l’importance de la fondation, le président Miguel Abadía-Méndez (1924-1929), le dernier mandataire de l’hégémonie conservatrice, a encouragé la construction d’un bâtiment destiné aux Gouttes de lait dans chaque département du pays50.
22L’arrivée du parti libéral au pouvoir en 1930 n’a pas éteint le désir de poursuivre le programme. Au contraire, il a fait de l’enfant un des points centraux de son projet politique. Dans une étude sur l’hygiène et l’assistance publique, faite par l’Académie nationale de médecine à la demande du président Alfonso López-Pumarejo en 1934, la Goutte de lait continuait d’être un des emblèmes de la lutte contre la mortalité infantile51. Le ministère du Travail, de l’Hygiène et de la Prévision sociale, créé en 1938, a mis en valeur la fondation comme étant un programme à caractère médical et éducatif52.
23La campagne sanitaire et éducative de l’institution en tant que stratégie pour l’« amélioration raciale » s’amplifia. D’autres programmes de protection de l’enfance, comme celui des « infirmières visiteuses », furent créés. Même si le but principal de former un corps d’infirmières visiteuses portait d’abord sur la surveillance et le soin des individus souffrant de la tuberculose, leur rayon d’action s’étendit aux soins portés à l’enfant53. L’expérience fut lancée en 1929 par le directeur national de l’Hygiène, Pablo García-Medina, avec le soutien financier de la Fondation Rockefeller. Les activités des infirmières visiteuses tout au long des années 1930 se focalisèrent sur la protection de l’enfance et sur l’éducation de la mère. Jorge Bejarano a mis en valeur le rôle des infirmières visiteuses dans sa croisade pour la « rédemption de la race », tout en apprenant aux mères les préceptes eugénistes qui permettraient à l’enfant de naître et de grandir dans un environnement propice, à même de produire une « race dépourvue de mauvaises conditions » physiques et mentales54. À l’occasion du deuxième anniversaire de l’École nationale d’infirmières visiteuses (fondée en 1930), il soulignait que l’infirmière visiteuse, en se rendant dans les foyers des ouvriers, pourrait identifier la présence de maladies « sociales » (syphilis, tuberculose et alcoolisme) susceptibles de provoquer la naissance d’enfants « dégénérés, tarés, tourments pour la famille ». Il affirmait que l’objectif de l’hygiène était de veiller à ce que l’enfant naisse dans les meilleures conditions possibles car cela était un « bénéfice pour la race55 ». Si l’infirmière visiteuse pouvait identifier à un stade précoce les trois maladies mentionnées, des naissances irrégulières pourraient être prévenues.
24À travers cette intervention familiale, l’État a pu exercer une politique sanitaire et éducative qui a eu un impact collectif. La dimension éducative devint ainsi un pilier de ce projet. Il permit aux infirmières d’étendre leur action jusqu’à l’école publique grâce à l’intérêt que les experts de l’éducation leur portaient. À une époque où l’éducation était un des piliers du « projet civilisateur de la nation », les infirmières visiteuses devenaient un élément fondamental en tant que défenseures « de l’enfant et par conséquent, de la race56 ».
25Malgré sa courte durée, le programme des infirmières visiteuses a contribué à diffuser les idées de la puériculture et de l’eugénisme à travers l’hygiène et le programme éducatif que la Goutte de lait avait entrepris. La figure de l’infirmière, comme une femme dévouée et sensible aux enjeux infantiles et maternels, a donc facilité l’introduction de ces représentations au sein du foyer afin de participer à l’éducation de cette population « ignorante » dont les médecins et hygiénistes se méfiaient57.
La sélection de l’immigrant « apte » : l’incursion du discours eugéniste dans les politiques nationales d’immigration
26Au cours des années 1920, alors que l’eugénisme commence à conquérir les Amériques, on passe de la sélection de l’immigré « sain » à celle de l’immigré « apte ». Dès lors, ses traits héréditaires devaient être un apport important au patrimoine génétique de la société d’accueil. La physionomie, la santé mentale, la capacité intellectuelle et la provenance ethnique étaient des facteurs déterminants au moment de classer les « bons » et les « mauvais » immigrés. Cette tendance se poursuivit dans les années 1930. Même si le gouvernement libéral affirmait sa volonté d’améliorer la population à travers des dispositifs sanitaires et éducatifs et à travers un discours antiraciste et moins déterministe d’un point de vue héréditaire, les politiques migratoires montraient autre chose. D’ailleurs, elles se sont endurcies tout au long de la décennie, notamment envers la communauté juive qui était considérée comme une « race inassimilable ».
27Comme nous l’avons déjà dit, la Colombie n’a pas connu de vagues migratoires importantes pendant le xixe siècle ni la première moitié du xxe siècle. Cependant, cette absence n’a pas empêché les élites politiques d’adopter des lois restrictives entre 1920 et 1940, suivant la tendance continentale de fermer les portes aux immigrants, vus comme une menace pour la « préservation biologique » de la nation58. Les sentiments nationalistes qui émergent au début des années 1930 en raison de la crise économique de 1929 offrirent un terrain favorable à la consolidation de l’eugénisme. À une époque où le discours biologiste dominait les sphères scientifiques et politiques, l’identité nationale s’est traduite par la définition sociobiologique de la population. Cela voulait dire qu’il était nécessaire non seulement d’améliorer la population locale à travers des dispositifs d’hygiène mais également de réguler les politiques migratoires dans le but de choisir le « bon » immigrant qui allait contribuer à la revalorisation du capital humain de la nation59.
28Le discours scientifique, qui défendait l’idée de stimuler l’immigration d’éléments « aptes » du point de vue biologique, s’est finalement matérialisé par la voie législative, à travers l’adoption de la loi 114 de 192260. Cette loi est devenue la première loi migratoire colombienne à caractère eugéniste. En ayant recours à l’argument de la « préservation de la race », l’article 11 mentionnait explicitement que la sélection de ces immigrants reposait sur « leurs conditions ethniques, organiques ou sociales [fondamentales] pour la nationalité et pour l’amélioration de la race61 ». Les Afro-Antillais ont été un des premiers groupes d’immigrés ciblés par cette loi. Leur couleur de peau et les pratiques associées à leurs caractéristiques phénotypiques faisaient de ce groupe des « éléments pernicieux » dont l’entrée en Colombie était considérée comme « profondément nocive pour nos intérêts ethniques, voire pour d’autres intérêts qui exigent notre attention62 ».
29Au fur et à mesure que l’eugénisme se consolidait en Amérique latine, les politiques nationales d’immigration devenaient plus restrictives en Colombie, introduisant des critères de sélection en fonction du lieu d’origine. Contrairement aux lois migratoires d’exclusion des années 1920, celles des années 1930 établissaient explicitement quels immigrés étaient interdits d’entrée au pays. Le gouvernement libéral du président Enrique Olaya-Herrera (1930-34) appliqua le premier décret réglementé sous le système des quotas en 1931. Ce décret précisait le nombre de quotas pour les immigrés provenant de pays de l’Europe orientale, du Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient63. Il s’inscrivait dans un mouvement continental eugéniste et racialiste, voire raciste, qui définissait les lois d’immigration de la plupart des pays de la région. L’insertion dans ce mouvement continental fut un facteur qui permit d’expliquer la sélection des nationalités assujetties au système de quotas dans un pays comme la Colombie où les vagues migratoires n’avaient jamais eu lieu. Étant donné que d’autres pays de la région avaient mis en place des politiques migratoires restrictives contre les mêmes nationalités citées dans le décret de 1931, le gouvernement colombien se sentit obligé de suivre cette même tendance.
30Celle-ci s’accentua encore, au milieu des années 1930, avec la promulgation d’autres décrets qui, fondés sur l’article 11 de la loi 114 de 1922, ajoutèrent d’autres nationalités à la liste déjà établie en 1931. Outre le nombre excessif de documents officiels que les immigrés de ces nationalités devaient posséder pour rester en Colombie (certificat de moralité, certificat de santé établi par un médecin à l’« honorabilité reconnue », etc.), ils devaient payer des droits d’entrée très élevés64. Bien que des décrets postérieurs aient supprimé le système de quotas, ils continuèrent à fixer des restrictions pour certaines nationalités. Le pouvoir exécutif décida de durcir, notamment, les conditions administratives et fiscales imposées aux immigrés d’Europe orientale, du Moyen-Orient et d’Extrême-Orient65.
31La fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945 ne vint pas à bout de ces visées eugénistes en matière d’immigration. Divers projets de loi visant à freiner une immigration « indésirable » et à encourager une immigration « blanche » continuèrent à être déposés même quand ils ne furent pas concrétisés. Le projet de loi relatif à l’« immigration et l’émigration » en fournit la preuve. Déposé par les sénateurs colombiens Rafael Bernal-Jiménez et Francisco-José Chaux en 1946, il proposait l’élaboration d’un statut sur l’immigration prenant en compte « la valeur ethnique et culturelle des éléments immigrants en faveur […] de la défense de la population colombienne ; et les conditions morales, sanitaires et pécuniaires des immigrés66 ». Bernal-Jiménez et Chaux soutenaient que la qualité ethnique jouait un rôle fondamental dans la formation des cultures. Le mélange des races, facteur de développement, devait constituer, selon eux, des éléments menant à une « synthèse raciale à l’homogénéité relative67 ». Ces éléments correspondaient donc aux traits physiques et moraux définis par la latitude (aspect qui « favorise ou retarde l’évolution sociale ») et par le type de races croisées68.
Conclusion
32L’espace spatio-temporel dans lequel le cycle de conférences s’est déroulé, ses acteurs et leurs discours révèlent qu’il fut une expérience sociale qui a permis à la communauté médicale de sortir du cadre scientifique pour pénétrer dans l’opinion publique et y introduire le discours eugéniste. Plusieurs éléments politiques et socioculturels amenèrent les experts à une réflexion sociobiologique sur l’état physico-social et intellectuel de la population colombienne. Cependant, ce sont bien les courants de pensée autour de la régénérescence raciale, développés dans le monde occidental à partir des années 1910, ainsi que l’internationalisation des savoirs eugénistes, qui ont suscité ces débats dans le pays.
33La médicalisation des sphères politique et sociale facilita la présence des médecins à tous les niveaux69. Leur nomination aux postes politiques de haut rang dans les années 1920 et 1930 en est la preuve. Cette présence politique réaffirme que l’eugénisme en Colombie a été plutôt médical et préventif. Les médecins ont été les premiers à parler d’une dégénérescence raciale et aussi les premiers à proposer des solutions régénératrices tout en décidant, à la lumière des principes eugénistes, qui devait se reproduire70.
34Les politiques publiques pour la protection de l’enfance et les lois nationales d’immigration devinrent le point d’intersection entre l’eugénisme en tant que mouvement international et la volonté locale de mener à terme la construction d’un État-nation défini par l’imaginaire des élites scientifiques et politiques. Même si l’eugénisme colombien fut majoritairement médical et préventif, du fait, sans doute aussi, de l’influence de l’Église catholique, des pratiques eugénistes, jugées déterministes d’un point de vue biologique, ont également été appliquées. Les politiques nationales d’immigration ont prouvé que des pratiques eugénistes basées sur des principes mendéliens ont coexisté avec l’eugénisme dit néolamarckien. Les enjeux migratoires ont été alors un point de croisement entre deux idéologies, l’eugénisme et le racisme scientifique, qui avaient connu des développements différents71. Ce croisement donna lieu à une autre variante qui, selon l’expression du sociologue allemand Stefan Kühl, était un racisme eugénique72.
35L’année 1930 marqua le changement du parti politique au pouvoir en Colombie. Mais cela ne signifia pas une rupture dans la mise en place de politiques imprégnées du discours eugéniste. Ce qui changea fut la logique qui préexista à l’application des thèses eugénistes : à partir des années 1930, l’unité nationale renvoyait à un peuple dont les individus étaient des citoyens devant être formés dans l’intérêt d’une identité nationale. Cette vision s’insérait dans une nouvelle configuration globale, qui, après la crise de 1929, éveilla un sentiment nationaliste et renforça le besoin de constituer une population homogène pouvant s’identifier à une identité nationale.
Notes de bas de page
1Quevedo Emilio et al., Historia de la Medicina en Colombia. De la práctica liberal a la socialización limitada (1918-1975), vol. IV, Bogota, Tecnoquímicas, 2015.
2González-Leandri Ricardo, « Internacionalidad, Higiene y Cuestión Social en Buenos Aires (1850-1910). Tres momentos históricos », Revista de Indias, vol. 73, no 257, 2013, p. 23-54.
3Bonniol Jean-Luc, Edwards-Grossi Élodie et Wang Simeng, « Introduction au dossier “Race et biologie” », Cahiers de l’Urmis, no 20, 2021, p. 1.
4Olaya Iván, « El discurso eugenésico en la construcción de la infancia como saber social trasnacional en América Latina (1916-1942) », in Ricardo González-Leandri et Pilar González Bernaldo de Quirós (dir.), Perspectivas históricas de la cohesión social y la desigualdad en América Latina, siglos XIX-XX, Madrid, Sílex Universidad, 2020, p. 105-141.
5Noguera Carlos, Medicina y política: discurso médico y prácticas higiénicas durante la primera mitad del siglo XX en Colombia, Medellín, Universidad Eafit, 2003.
6Ibid, p. 47.
7Reggiani Andrés, Historia mínima de la eugenesia en América Latina, Mexico, El Colegio de México, 2019.
8Muñoz Catalina (dir.), Los problemas de la raza en Colombia. Más allá del problema racial: el determinismo geográfico y las « dolencias sociales », Bogota, Editorial Universidad del Rosario, 2011.
9Camargo Alexander, El discurso eugénico y la élite médica en Colombia, 1920-1936, Bogota, Universidad Nacional de Colombia, 1999 ; Noguera Carlos, Medicina y política: discurso médico, op. cit. ; Martínez Abel, La degeneración de la raza. La mayor controversia científica de la intelectualidad colombiana : Miguel Jiménez López, 1913-1935, Bogota, FEDESALUD, 2016.
10Stepan Nancy, The Hour of Eugenics: Race, Gender, and Nation in Latin America, Ithaca, Cornell University Press, 1991, p. 101.
11Reggiani Andrés, Historia mínima de la eugenesia, op. cit., p. 31.
12Runge Andrés et Muñoz Diego, « El evolucionismo social, los problemas de la raza y la educación en Colombia, primera mitad del siglo XX. El cuerpo en las estrategias eugenésicas de línea dura y de línea blanda », Revista Iberoamericana de Educación, no 39, 2005, p. 127-68 ; McGraw Jason, « Purificar la nación: eugenesia, higiene y renovación moral-racial de la periferia del Caribe colombiano, 1900-1930 », Revista de Estudios Sociales, no 27, 2007, p. 62-75 ; Márquez Jorge et Gallo Oscar, « Eufemismos para el hambre: saber médico, mortalidad infantil y desnutrición en Colombia, 1888-1940 », Historia y sociedad, no 32, 2017, p. 21-48 ; Gutiérrez Jairo, « Mens sana in corpore sano: incorporación de la higiene mental en la salud pública en la primera mitad del siglo XX en Colombia », Historia Caribe, vol. XIV, no 34, 2019, p. 91-121.
13Runge Andrés et Muñoz Diego, « El evolucionismo social », art. cité, p. 146-147.
14Ibid., p. 133.
15Rosental Paul-André, Destins de l’eugénisme, Paris, Seuil, 2016, p. 26 ; Luc Berlivet mène une enquête historiographique mettant en exergue les variantes de l’eugénisme de par le monde et comment elles se sont manifestées selon le contexte spatio-temporel. Berlivet Luc, « “Chassez le naturel…”. Les sciences sociales aux prises avec le déterminisme biologique (note critique) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 73, no 2, 2018, p. 443-473.
16Rosental Paul-André, Destins de l’eugénisme, op. cit., p. 26.
17Dikötter Frank, « Race Culture: Recent Perspectives on the History of Eugenics », The American Historical Review, vol. 103, no 2, 1998, p. 467-478.
18Saunier Pierre-Yves, « Circulations, connexions et espaces transnationaux », Genèses, vol. 57, no 4, 2004, p. 110-126 ; l’histoire globale « située » propose de « mettre l’accent sur des dynamiques culturelles ou économiques, plus attentives aux mécanismes de l’interaction des connexions in situ, quels que soient par ailleurs les mécanismes continentaux, impériaux ou “globaux” traduits sur place par cette interaction » : Zuniga Jean-Paul, « L’histoire impériale à l’heure de l’“histoire globale” », Revue d’histoire moderne contemporaine, no 54-4 bis, 2007, p. 54-68.
19Camargo Alexander, El discurso eugénico, op. cit. ; Quevedo Emilio et al., Historia de la medicina, op. cit., p. 33.
20Núñez Luz, El obrero ilustrado: prensa obrera y popular en Colombia 1909-1929, Bogota, Universidad de Los Andes, 2006 ; Pécaut Daniel, Orden y violencia: evolución socio-política de Colombia entre 1930 y 1953, trad. Alberto Valencia, Bogota, Grupo Editorial Norma, 2001 ; Noguera Carlos, Medicina y política, op. cit.
21Les premiers travaux consacrés à l’analyse partielle ou entière de ce cycle ont souligné l’aspect raciste et/ou médico-biologique des interventions (voir bibliographie). L’historienne Catalina Muñoz suggère de nouvelles approches analytiques afin d’éviter les interprétations biaisées et réductionnistes des discours prononcé et mettre en exergue la portée du débat dans la définition des politiques publiques nationales dans les années 1920 et 1930 : Muñoz Catalina (dir.), Los problemas de la raza, op. cit.
22Jiménez-López Miguel, « Primera conferencia », in Luis López de Mesa (dir.), Los problemas de la raza en Colombia, Bogota, El Espectador, 1920, p. 41-78.
23Morel Benedict-Augustin, Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine et des causes qui produisent ces variétés maladives, Paris, J. B. Baillière, 1857.
24Jiménez-López Miguel, « La locura en Colombia y sus causas », Cultura. Revista mensual, t. III, 2e année, no 16, 1916, p. 216-233.
25Ibid., p. 226.
26Ibid.
27Jiménez-López Miguel, « Primera conferencia », art. cité, p. 73.
28Reggiani Andrés, Historia mínima de la eugenesia, op. cit., p. 21.
29López de Mesa Luis, « Acción social », Cultura. Revista mensual, t. II, no 7, 1915, p. 68-77.
30López de Mesa Luis, « Segunda conferencia », in Luis López de Mesa (dir.), Los problemas de la raza en Colombia, op. cit., p. 79-110.
31López de Mesa Luis, « Segunda conferencia », art. cité, p. 86.
32López de Mesa Luis, « Tercera conferencia », in Luis López de Mesa (dir.), Los problemas de la raza en Colombia, op. cit., p. 111-149.
33Sur la Sociedad de Pediatría de Bogota, Vargas Alfonso, « Los fundadores de la Sociedad de Pediatría de Bogota, 1917-1919 », Revista de la Facultad de Medicina, vol. 46, no 3, 1998, p. 170-172 ; Rodríguez Pablo, « La pediatría en Colombia 1880-1960. Crónica de una alegría », in Pablo Rodríguez et María-Emma Manarelli, Historia de la infancia en América Latina, Bogota, Universidad Externado de Colombia, 2007, p. 359-388.
34Torres-Umaña Calixto, « Cuarta conferencia », in Luis López de Mesa (dir.), Los problemas de la raza en Colombia, op. cit., p. 151-183.
35La chicha, boisson alcoolisée issue de la fermentation du maïs et fabriquée par les communautés indigènes, fut considérée tout à la fois comme un élément dégénérateur de la race et un marqueur social d’une race déjà dégénérée.
36Ibid., p. 172.
37Ibid., p. 174.
38Bejarano Jorge, « Quinta conferencia », in Luis López de Mesa (dir.), Los problemas de la raza en Colombia, op. cit., p. 185-212.
39Bejarano Jorge, « Sexta conferencia », ibid., p. 213-254.
40Ferri Enrico, La Sociologie criminelle, trad. Enrico Ferri, Paris, Arthur Rousseau, 1893.
41Armengaud André, « L’attitude de la société à l’égard de l’enfant au xixe siècle », Annales de démographie historique, no 1, 1973, p. 303-312.
42Vásquez María-Fernanda, « La higiene intelectual infantil o los comienzos de la psiquiatrización de la infancia en Colombia, 1888-1920 », Anuario Colombiano de Historia Social y de La Cultura (ACHSC), vol. 45, no 1, 2018, p. 105-129.
43Olaya Iván, « El discurso eugenésico », op. cit., p. 108.
44Gutiérrez Jairo et Silva Lina, « Ortopedia del alma. Degeneracionismo e higiene mental en la Casa de Corrección de Menores y Escuela de Trabajo San José, Colombia 1914-1947 », Revista Latinoamericana de Psicopatología Fundamental, vol. 19, no 1, 2016, p. 150-166.
45Márquez Jorge et Gallo Oscar, « Eufemismos para el hambre », art. cité, p. 26-27.
46Pardo Luis, Consideraciones sobre las « Gotas de Leche », thèse de médecine, s. l., Universidad Nacional, 1927.
47Márquez Jorge et Gallo Oscar, « Eufemismos para el hambre », art. cité, p. 29.
48Castro Alfonso, « Meliorismo », Cultura. Revista mensual, t. II, no 7, 1915, p. 55-61 et 97-114.
49Bejarano Jorge, « Las Gotas de Leche. Su significado y valor social », Cromos 8, no 181, 1919, p. 189-190, cité in Stefan Pohl, « La Raza entra por la boca: Energy, Diet, and Eugenics in Colombia, 1890-1940 », Hispanic American Historical Review, vol. 94, no 3, 2014, p. 455-486.
50« Ley 43 de 1928 », Diario Oficial, Bogota, 64e année, no 20900, 21 septembre 1928, p. 1.
51Academia Nacional de Medicina, Estudio sobre higiene y asistencia pública hecho por la Academia Nacional de Medicina de Bogota para dar respuesta a la consulta formulada a la corporación por el presidente electo de la República Doctor Alfonso López, Bogota, Cromos, 1934.
52« Decreto 378 de 1939 », Diario Oficial, Bogota, 75e année, no 24010, 1er mars 1939, p. 7.
53García-Medina Pablo, « Organización del cuerpo de enfermeras sanitarias », El Tiempo, 13 novembre 1929, sect. Página médica a cargo del Dr. Jorge Bejarano.
54Bejarano Jorge, Higiene general. Escuela Nacional de Enfermeras Visitadoras (segundo año), Bogota, s. n., 1932.
55Ibid., p. 9.
56Archives générales de la nation (AGN), Bogota, MEN, Correspondencia, Educación Primaria, Sanidad e Higiene, Anzola Gabriel, Proyecto de recomendaciones sobre establecimiento del Servicio Médico Escolar, 4 août 1934.
57Une méfiance qui s’appuyait sur l’idée que le peuple colombien était une race malade, passionnelle, primitive et violente – notamment les pauvres – incapable de donner une formation morale à ses enfants et donc de régénérer la race. Sáenz Javier, Saldarriaga Oscar et Ospina Armando, Mirar la infancia: pedagogía, moral y modernidad en Colombia, 1903-1946, Bogota, Colciencias, 1997, vol. 1, chap. 7.
58David Fitzgerald et David Cook-Martin soutiennent que cette similarité peut être expliquée par différents mécanismes utilisés dans la diffusion des politiques migratoires restrictives tout au long du continent : Fitzgerald David et Cook-Martin David, Culling the Masses: The Democratic Origins of Racist Immigration Policy in the Americas, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2014.
59Reggiani Andrés, « Dépopulation, fascisme et eugénisme “latin” dans l’Argentine des années 1930 », Le Mouvement social, vol. 230, no 1, 2010, p. 7-26.
60Olaya Iván, « La selección del inmigrante “apto”: leyes migratorias de inclusión y exclusión en Colombia (1920-1937) », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, « Questions du temps présent », 10 décembre 2018, [https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/nuevomundo/73878] (consulté le 10 septembre 2019).
61« Ley 114 de 1922 », Diario Oficial, Bogota, 59e année, no 18693, 8 janvier 1923, p. 1.
62Extrait d’un article de journal (auteur inconnu) : AGN, MINFOM-DEP-BALDIOS, Departamento de Baldíos, SR.59, 184, lettre 234, 3 novembre 1921.
63« Decreto 2232 de 1931 », Diario Oficial, Bogota, 67e année, no 21873, 23 décembre 1931, p. 3.
64« Decreto 148 de 1935 », Diario Oficial, Bogota, 71e année, no 22814, 18 février 1935, p. 2.
65« Decreto 1194 de 1936 », Diario Oficial, Bogota, 72e année, no 23203, 9 juin 1936, p. 5.
66Bernal-Jiménez Rafael et Chaux Francisco, Proyecto de ley « sobre inmigración y emigración », Senado de la República, Sesiones de 1946, Bogota, Imprenta Nacional, 1946.
67Ibid., p. 11.
68Ibid., p. 14-15.
69Cueto Marcos et Palmer Steven, Medicine and Public Health in Latin America: A History, New York, Cambridge University Press, 2014.
70Saade Marta, « ¿Quiénes deben procrear? Los médicos eugenistas bajo el signo social (México, 1931-1940) », Cuicuilco, 11e année, no 31, 2004, p. 1-35.
71Berlivet Luc, « Chassez le naturel », art. cité.
72Kühl Stefan, The Nazi Connection: Eugenics, American Racism, and German National Socialism, Oxford, Oxford University Press, 2002.
Auteur
Université Paris Diderot.
Iván Olaya Peláez est docteur en histoire et civilisations de l’université Paris Diderot, exerçant les fonctions d’ATER à l’université Le Havre Normandie. Attaché au laboratoire Mondes américains/EHESS et PROCIRCAS, université nationale de Colombie. Sa recherche porte sur l’eugénisme en Amérique latine, notamment en Colombie, ainsi que les politiques de contrôle de la population – immigrants et enfants – pendant la première moitié du xxe siècle. Parmi ses dernières publications, on compte l’article « Colombia en las redes epistémicas latinoamericanas de eugenesia (1920-1940) », Historia y Sociedad (no 42, janvier-juin 2022) et le chapitre « El discurso eugenésico en la construcción de la infancia como saber social transnacional en América Latina (1916-1942) », in R. González-Leandri et P. González-Bernaldo de Quirós (dir.), Perspectivas históricas de la cohesión social y la desigualdad en América Latina, siglos XIX-XX, Madrid, Silex, 2020.
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