Corrado Gini et « l’eugénisme latin »
Travail définitionnel, mobilisations scientifiques et luttes symboliques dans un mouvement biopolitique international
p. 115-132
Texte intégral
1Le travail définitionnel occupe une place essentielle, quoique souvent minorée, dans les discussions relatives à l’eugénisme. Cela est vrai aussi bien dans les débats historiographiques sur le point de savoir si telle ou telle action publique relève bel et bien de l’eugénisme, que dans les interrogations contemporaines sur l’éventuel « retour de l’eugénisme1 ». Plus encore que d’autres catégories historiques, le terme fait en effet l’objet de querelles d’interprétation portant en particulier sur son domaine d’extension : où « s’arrête » l’eugénisme et où « commence » la santé publique dans les dynamiques ayant abouti à l’institution d’une politique de puériculture, par exemple ? Suffit-il que les protagonistes aient qualifié leur action d’eugéniste pour que les commentateurs soient tenus d’entériner leur autodésignation ? Convient-il, au contraire, de réserver cette étiquette aux entreprises satisfaisant une série de conditions prédéfinies – mais dans ce cas, lesquelles2 ?
2Les innombrables tentatives de définition préalable de l’eugénisme qui se sont succédé débutent presque immanquablement par une évocation de Francis Galton qui, suivant l’exemple de nombreux savants du xixe siècle, fit fond sur les vertus intellectuelles associées à la Grèce ancienne pour forger le terme « eugenics ». Une simple note en bas de page de ses Inquiries into Human Faculties, publiées en 1883, détaillait ainsi comment, après quelques tâtonnements, il s’était contenté d’ajouter le suffixe « -ikos » (déjà fréquemment utilisé, au même titre que « -ismos » pour signifier l’apparition d’un nouveau projet scientifique) au terme « eugenes » (εὐγενής), auquel il attribuait la signification de « de bonne souche, héréditairement doté de nobles qualités3 ». Le terme eugenics, ce « mot bref », lui paraissait particulièrement adapté « pour désigner la science de l’amélioration du cheptel, qui ne se limite nullement à des questions d’accouplement judicieux, mais qui, surtout dans le cas de l’homme, tient compte de toutes les influences qui tendent, à quelque degré que ce soit, à conférer aux races ou aux souches (strains of blood) les plus adaptées (suitable) une probabilité plus élevée de prévaloir sur les moins aptes plus rapidement qu’elles ne l’auraient fait autrement4 ». Certains commentateurs français de Galton (tel Vacher de Lapouge, qui présenta ses travaux dans la Revue anthropologique en 1886) ayant préféré traduire eugenics par « eugénique », des auteurs francophones entreprirent de rationaliser cette différence en tentant d’ériger une distinction entre ce qui relèverait de la science (eugénique) et de l’action politique (eugénisme), masquant par là le caractère intrinsèquement hybride de leur domaine5. Les innombrables définitions successives de l’eugénisme qui furent proposées au cours du xxe siècle mêlaient immanquablement des affirmations relatives à l’état supposé des connaissances sur l’hérédité humaine à des éléments prescriptifs concernant a minima la possibilité d’améliorer les qualités ataviques de (certaines) populations humaines6. Les différences entre ces définitions ont souvent été analysées à l’aune de traditions nationales, voire, comme dans le cas de « l’eugénisme latin », supranationales, sans que la compétition internationale et, dans une certaine mesure au moins, transnationale entre acteurs du mouvement ne soit suffisamment prise en compte. Intégrer cette dimension constitue pourtant un préalable indispensable à toute tentative visant à rompre avec la réification, déjà évoquée, de collectifs anonymes aux contours imprécis et à restituer leur agentivité aux entrepreneurs de la cause eugéniste, tout en éclairant, ce faisant, la dimension polémique de nombreux mots-clefs du lexique forgé par les eugénistes. Ainsi, le syntagme « d’eugénisme latin », par exemple, ne désigne-t-il pas de manière évidente, quasi-naturelle, la manière dont le projet eugéniste fut envisagé et mis en œuvre dans une aire culturelle « latine » dont l’extension géographique et les spécificités iraient tout aussi naturellement de soi. L’objet de ce chapitre est, au contraire, de donner à voir l’importance du travail de mobilisation qui permit de faire exister, brièvement, cette identité stratégique. Pour ce faire, je commencerai par revenir sur les conditions ayant présidé à l’apparition d’une « faction » latine au sein du mouvement eugéniste international, avant de présenter le projet spécifique de celui qui fut son principal animateur, l’italien Corrado Gini, et, enfin, d’explorer l’agenda politique et les pratiques scientifiques promues par les médecins, savants, intellectuels et responsables politiques qui contribuèrent à cette mobilisation transnationale.
L’eugénisme latin comme mouvement inter/transnational
3Présentée dans de nombreux travaux comme un fait d’évidence7, l’existence d’une « latinité » culturelle que l’influence séculaire de l’Église catholique aurait contribué à renforcer résiste pourtant mal à l’étude des mouvements pan-latinistes qui se sont succédé. Même la détermination des frontières d’une supposée sphère d’influence latine ne va pas de soi, non pas tant du fait de la situation particulière des zones francophones de Belgique et de Suisse, ou du cas particulier de la Roumanie, que du faible niveau d’articulation de deux entités presque entièrement distinctes : « l’Europe latine », invoquée à partir du début du xixe siècle au nom de la proximité entre les différentes langues romanes (mise en exergue par Germaine de Staël) et « l’Amérique latine », qui fait son apparition au milieu des années 1850 sous la plume d’exilés sud-américains, avant d’être instrumentalisée par les propagandistes du Second Empire soucieux de justifier l’intervention militaire française au Mexique (1861-1867)8. Même aux époques postérieures, le « grand récit culturel » de la latinité, selon l’heureuse expression de Christophe Poupault9, n’a guère connu de réalisation institutionnelle concrète et durable, à l’exception de l’Union latine. Cette union monétaire qui lia, entre 1865 et 1927, la France, l’Italie, la Suisse, la Belgique et la Grèce, ne concernait toutefois le continent américain que de manière indirecte, l’Espagne, elle-même, n’y étant qu’associée. Le même type de latinité à géométrie variable se retrouve dans les tentatives successives, telle la Ligue de fraternité intellectuelle latine, créée en 1917 à l’instigation de l’écrivain Paul Adam, qui associa, pour sa part, de nombreux intellectuels latino-américains, mais ne connut qu’une existence éphémère. La solidarité latine, si souvent mise en avant par les diplomaties des pays du sud de l’Europe et d’Amérique australe, à partir de la seconde moitié du xixe, achoppa en réalité continûment sur les divergences géopolitiques induites, notamment, par leurs rivalités impériales : ainsi, l’institution, en 1882, de la Triple Alliance entre l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche faisait-elle suite à l’invasion par la France de la Tunisie (convoitée par les Italiens). Loin de ne constituer qu’une simple déclinaison « locale », dans un domaine émergent, d’une latinité anthropologique préconstituée, la création, en 1935, de la Fédération internationale latine des sociétés d’eugénique doit être analysée à la lumière des antagonismes qui polarisèrent graduellement ce champ.
4Dès l’émergence des premiers projets d’amélioration de traits héréditaires au sein de l’espèce humaine, l’internationalisme était apparu comme une nécessité autant qu’un problème. Car si le cadre national-étatique était d’emblée apparu inadapté à l’objectif poursuivi – et ce d’autant que la seconde moitié du xixe fut marquée par une internationalisation rapide de la science occidentale –, la centralité des hiérarchies raciales et autres schèmes inégalitaires dans les discours sur les populations humaines obérait la définition d’un agenda eugéniste partagé au plan international. Ainsi, au cours des premières conférences et réunions internationales, l’égalité supposée entre délégués de nationalités différentes n’achoppait-elle pas uniquement sur le différentiel de puissance économique et politique entre leurs pays respectifs (sensible dans toute réunion internationale), mais également sur leur assignation à des groupes raciaux plus ou moins valorisés par leurs collègues. La coopération internationale dans ce domaine s’en trouva d’autant plus compliquée que ces hiérarchies raciales avaient été formalisées dans un contexte de projection impériale européenne, états-unienne, mais également japonaise, qui érigeait en concurrents les pays d’origine de la plupart des eugénistes. De telles tensions étaient déjà sensibles dans certaines interventions au premier congrès international d’eugénisme, organisé à Londres en 191210. Elles s’envenimèrent entre la fin de la Première Guerre mondiale et le début des années 1930, au cours d’une série de litiges concernant le fonctionnement du Comité international permanent (établi dès 1912 pour assurer la liaison avec les différentes sociétés nationales), puis de la Fédération internationale des sociétés d’eugéniques, fondée en 1925 dans le but de renforcer la coordination internationale du mouvement. De fait, sinon de droit, la représentation internationale de la science de l’amélioration humaine était monopolisée par les représentants d’une poignée de pays : Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne et, dans une moindre mesure, les nations scandinaves. Présidée successivement par Charles Davenport puis par Ernst Rüdin, la Fédération (plus connue sous son sigle anglais : IFEO) était établie à Londres et opérait sous la direction opérationnelle d’une Britannique, Cora B. S. Hodson. Cette hégémonie suscita rapidement l’aigreur d’eugénistes ambitieux et extrêmement actifs, français et italiens en particulier, dont les perspectives d’ascension au sein des organisations internationales se trouvaient contrariées du fait de leur extériorité à ces jeux d’alliances. Le plus véhément d’entre eux fut sans conteste Corrado Gini.
5Statisticien formé au sein de la faculté de droit et d’économie de l’université de Bologne, universitaire brillant (il fut promu au rang de professeur à l’âge de 25 ans), Gini comptait parmi les principaux producteurs de ces « savoirs stratégiques » que le régime fasciste entendait mobiliser au service de ses projets impériaux11. Sa « chiamata » (mutation) à « La Sapienza », en 1924, pour prendre la direction d’un nouvel institut de statistique et d’économie politique entrait, précisément, dans un projet de grande ampleur visant à faire de l’université de Rome, phare du nouvel empire, un lieu de formation et de recherche excellant dans les savoirs les plus antiques aussi bien que dans les nouvelles sciences de gouvernement, plus adaptées aux exigences de l’État moderne. Membre coopté de la délégation italienne au congrès international d’eugénique de 1912, il devint vice-président de la Società Italiana di Genetica ed Eugenetica lors de sa création, en 1919, avant d’en prendre la direction, dès 1924. Chef de file de la démographie italienne, il intégra, au milieu des années 1920, le cercle des conseillers de Benito Mussolini, qui le promut à la présidence du Consiglio Superiore di Statistica, puis de l’Istituto Centrale di Statistica (ISTAT), avant de se lasser de cet expert ombrageux et imbu de lui-même12. Dans l’intervalle, entre le milieu des années 1920 et 1932, Corrado Gini eut néanmoins le loisir d’influer sur la politique démographique italienne, l’une des priorités politiques du régime fasciste, tout en profitant de ses ressources institutionnelles pour accroître sa visibilité au sein du mouvement eugéniste international. Il fut aidé en cela par l’importance croissante accordée, dès la seconde moitié des années 1920, à un espace savant foncièrement interdisciplinaire : les « sciences des populations », dont l’émergence et l’institutionnalisation progressive sont étroitement articulées à l’histoire de l’eugénisme. Il participa ainsi très activement à la première Conférence mondiale sur la population, organisée à Genève, en 1927, sous l’égide de la Société des Nations et à l’instigation de Margaret Sanger (dont le combat pour le contrôle des naissances rejoignait la cause eugéniste) ; puis à la création, l’année suivante, à Paris, de l’Union internationale pour l’étude scientifique des populations (UIESP)13. Cependant, là encore, son opposition aux thèses jugées néomalthusiennes des Britanniques, des États-Uniens et (dans une moindre mesure) des Allemands, et un sens (extrêmement) limité de la diplomatie lui interdirent d’occuper la position cardinale qu’il convoitait14.
6L’ambition et l’activisme inlassable de Corrado Gini eurent néanmoins pour conséquence de lui conférer visibilité et légitimité auprès de ceux qui, au sein de l’eugénisme international, ne s’identifiaient pas à l’approche défendue par une direction dominée par les Européens du Nord et les États-Uniens. Les médecins latino-américains, en particulier, entamèrent, au début des années 1930, une série de discussions finalisées à la création d’une nouvelle organisation transnationale. Les limites du cadre panaméricain, qui conférait de facto une influence démesurée aux représentants des États-Unis15, les conduisirent à nouer une alliance avec des eugénistes français, italiens, mais aussi suisses et belges. Les contours de cette nouvelle entité, enrôlée sous la bannière latine, furent révélés pour la première fois à Buenos Aires, en novembre 1934, par l’argentin Josué Beruti (l’un des plus importants obstétriciens latino-américains) lors de son intervention à la deuxième Conferencia Panamericana de Eugenesia y Homicultura de las Repúblicas Americanas16. La fondation de la Fédération latine des sociétés d’eugénique n’eut cependant lieu qu’en octobre 1935, toujours sur le continent américain, au cours d’une réunion inaugurale organisée en marge du septième Congreso Panamericano del Niño qui se tenait alors à Mexico. Aucun eugéniste européen ne semble avoir été présent, l’adhésion des sociétés française, italienne, catalane, wallonne et romane ayant été obtenue par voie de correspondances officielles17. C’est ainsi que, de manière quelque peu insolite, Corrado Gini fut élu in absentia à la présidence de la nouvelle organisation : son discours d’acceptation, en forme de manifeste pour une eugénique latine, fut lu par Alfredo Saavedra, le président de la société mexicaine d’eugénique et l’un de ses principaux alliés en Amérique latine. Un tel choix peut apparaître paradoxal si l’on considère la prépondérance des Latino-Américains dans la création de cette nouvelle fédération. Plus encore si, outre l’origine nationale des fondateurs, l’on s’intéresse à leur champ de compétence, la question se pose de savoir pourquoi une institution dominée par les médecins, obstétriciens, puériculteurs et hygiénistes sociaux, a-t-elle choisi un statisticien pour présider à sa fondation. Pourquoi, s’il s’agissait de s’assurer du soutien des Européens, ne pas avoir élu par exemple Nicola Pende – chef de file de l’école italienne de biotypologie, qu’il avait érigée en « science appliquée18 » ? Sans doute la réponse à ce double paradoxe est-elle à rechercher dans la trajectoire de Corrado Gini et, plus précisément, dans l’important travail, théorique autant qu’empirique, qu’il avait engagé au cours des années précédentes pour donner corps à cette fameuse « eugénique latine ».
Recherche scientifique et travail doctrinal : définir l’eugénisme latin
7En dépit de ses difficultés caractérielles et de la méfiance que suscitait chez certains sa proximité au régime fasciste, le statisticien italien contribua plus que tout autre à problématiser (au sens que Michel Foucault donnait à ce terme19) cette nouvelle instanciation d’une identité pan-latine. Une identité stratégique, produite et reproduite avec un certain succès durant une période de temps très limitée (une décennie tout au plus), qu’il importe de ressaisir de manière sociologique, c’est-à-dire relationnelle et, en l’occurrence, antagonique. Car, en matière d’eugénisme, les « Latins » n’existèrent en effet jamais véritablement que de manière réactive, en opposition aux « Anglo-Saxons » et aux « Nordiques ». L’imprécision de ces deux derniers termes est notable, puisque le premier agrégeait Britanniques et États-Uniens, comme s’il s’agissait d’une réalité monolithique, tandis que le second subsumait Allemands et Scandinaves, auxquels étaient parfois également annexés les Britanniques et les États-Uniens au nom de la contribution « nordique » aux races anglo-saxonnes… En outre, l’asymétrie est patente entre, d’une part, une catégorie émique, au sens des anthropologues, c’est-à-dire utilisée à des fins d’autodéfinition et (comme c’est souvent le cas des catégories émiques) connotée positivement et, de l’autre, une catégorie étique, puisque jamais pleinement revendiquée par ceux qu’elle était censée désigner. Car si les eugénistes et raciologues allemands avaient effectivement institué, bien avant l’accession des nazis au pouvoir, un signe d’équivalence entre « arien » et « nordique », le terme prenait toutefois un sens sensiblement différent dans les écrits des auteurs scandinaves. Et si certains eugénistes britanniques, d’une part, et états-uniens, de l’autre, recoururent parfois à ce vocable – plus rarement à celui « d’anglo-saxon » –, cet usage était loin de faire l’unanimité parmi leurs pairs. De fait, la seule caractéristique effectivement partagée par les représentants de ces différents pays était d’être associés par un jeu d’alliances à la direction du mouvement eugénique international et de certains espaces connexes, comme les sciences et politiques de la population. Les Nordiques dominaient les Latins, circonstance fâcheuse pour un savant et expert aussi ambitieux que Corrado Gini.
8Il serait cependant réducteur de ne voir dans l’activisme du statisticien italien et de ses alliés qu’une entreprise ad personam. Si Corrado Gini parvint à mobiliser sur son nom des dizaines de médecins, statisticiens, démographes, zoologues, voire généticiens, ressortissants de pays eux-mêmes très divers, situés dans une zone géographique s’étendant de la Roumanie au Pérou, c’est que son projet, irréductiblement scientifique et politique, fournissait une incarnation vraisemblable à un eugénisme latin trop souvent réduit à deux communs dénominateurs : la suprématie de « l’eugénisme positif » (en particulier de la puériculture) sur son versant « négatif » (la stérilisation des « tarés ») ; et la défiance vis-à-vis des théories (néo)mendéliennes de l’hérédité, au profit d’une série d’approches désignées sous le vocable éminemment polysémique de « néolamarckisme ». Face à cette indétermination au moins relative, Gini avait pour lui de proposer, tout à la fois, une doctrine (suffisamment) cohérente, un corpus scientifique et une série de résultats empiriques qui semblaient en mesure de saper le fondement scientifique des tenants de la pureté raciale, tout en affrontant la question du poids relatif de l’hérédité et de l’environnement dans la détermination des qualités et défauts des populations humaines. C’est qu’il s’était donné les moyens de ses ambitions, instrumentalisant à son bénéfice la relation directe qu’il avait établie avec Mussolini pour créer une institution unique en son genre : le Comitato Italiano per lo Studio dei Problemi della Popolazione (CISP).
9Fondé en 1928, à l’instar de nombreux comités nationaux à travers le monde, en tant que relai et « correspondant local » de l’UIESP20, le CISP sortit très rapidement de ce rôle purement administratif pour se muer, sous la férule de Gini, en centre de recherche sui generis. Affranchi des contraintes bureaucratiques pesant sur les laboratoires universitaires, aussi bien que sur les institutions étatiques (tel l’ISTAT, alors également dirigé par Gini), l’institution bénéficia rapidement d’une manne financière exceptionnelle, qui lui permit de mettre en œuvre un programme de recherche extrêmement ambitieux (voir infra) en pleine autonomie scientifique, y compris dans la période consécutive à la disgrâce politique de son président21. Jouant de ses différents capitaux (scientifiques, politiques, sociaux et symboliques), ce dernier mit en effet le Comité au service de son ambition intellectuelle forcenée et de son insatiable quête de revanche politique pour en faire un instrument scientifique finalisé à la démonstration, aux yeux du monde, de la supériorité scientifique de sa « démographie intégrale » et de son « eugénisme rénovateur » (eugenetica rinnovatrice) sur les thèses de ses (nombreux) rivaux au sein de l’IFEO et de l’UIESP. L’intégralité des éléments de problématisation biopolitique mobilisée par Gini s’articulait à un élément cardinal : sa « théorie cyclique des populations », dont il publia les premiers linéaments dès 1909, avant de la peaufiner et de la publiciser au plan international22. Sans être nécessairement très originale (l’idée chère à Ernst Haeckel selon laquelle l’ontogenèse récapitulait la phylogenèse était au fondement des nombreux récits forgés tout au long du xixe siècle autour de l’analogie postulée entre le cycle de vie individuel et la trajectoire historique des races et civilisations humaines), la problématisation ginienne intégrait néanmoins une innovation d’importance. Selon le statisticien italien, la dégénérescence programmée du potentiel vital (fécondité, qualités héréditaires…) des différentes populations humaines n’avait rien d’irréversible : « l’hybridation raciale », certains mélanges raciaux en tout cas, étaient susceptibles de « régénérer » les « vieilles souches », au point d’en faire surgir des « surgeons » (cespiti) pleins de vitalité et de grande qualité23. Non content de critiquer les politiques promouvant l’endogamie au nom de la préservation de la pureté raciale, qualifiées d’impasses démographiques, Gini en venait ainsi à défendre les vertus du métissage, ou plus exactement d’un projet biopolitique dans lequel des eugénistes s’emploieraient à étudier de manière véritablement scientifique les effets des différents types de mélanges interraciaux, afin de pouvoir, dans un deuxième temps, indiquer aux gouvernants quelles étaient les « hybridations » à privilégier. Et l’objectif du CISP, explicité dès 1928, consistait précisément à « étudier avec la plus grande attention les modalités et, si possible, les causes qui mènent à la dégénérescence et à la disparition graduelle de certaines races, ainsi que les causes derrière la formation et l’essor de nouvelles races, presque entièrement inconnues de nous24 ». Énigme que l’on ne pouvait espérer élucider de manière satisfaisante qu’en trouvant le moyen de faire la part de ce qui, dans ces phénomènes négatifs et positifs, était imputable aux effets de l’hérédité ou, au contraire, à l’environnement.
10L’ambition de Gini, des médecins, anthropologues, biologistes, etc., cooptés au sein du conseil scientifique du CISP et de la dizaine de collaborateurs salariés par le Comité n’était donc pas purement théorique, comme ce fut souvent le cas des entreprises eugénistes. Ils se donnèrent au contraire les moyens empiriques de leur programme en puisant dans les abondantes ressources à leur disposition. Les enquêtes planifiées, financées et mises en œuvre sous l’égide du Comité ou directement par ses soins, avec parfois le concours de scientifiques et médecins étrangers, entre la toute fin des années 1920 et 1940-41, furent de deux types. D’une part, une poignée d’enquêtes statistiques menées avec le soutien de l’ISTAT, comme celle qui visait à objectiver les caractéristiques des familles nombreuses italiennes ; de l’autre, une longue série d’expéditions scientifiques auprès de « populations primitives » et « d’îlots ethniques » (isole etniche). La popularité du CISP au plan international découlait principalement de ce second type d’investigation, élaboré par Corrado Gini pour pallier les limites d’un savoir démographique reposant entièrement sur les dénombrements de population et, partant, sur les séries statistiques produites par un nombre réduit d’états « modernes », à propos d’une fraction extrêmement limitée de la population mondiale.
11Entre 1933 et 1940, un petit groupe de statisticiens, anthropologues et médecins italiens (moins de dix personnes au total), opérant sous la direction maniaque et tyrannique de Gini, n’organisèrent pas moins de dix expéditions sur trois continents différents. Leur intérêt pour les isolats démographiques (selon la dénomination contemporaine) n’était pas absolument unique : d’autres savants, dont l’anthropologue Robert Gessain (qui enquêta sur les Esquimaux – Inuits – d’Ammassalik durant l’hiver 1934-1935) commençaient à problématiser dans des termes scientifiques l’antique curiosité pour les populations isolées. L’œuvre du CISP se singularisait, cependant, par un mélange d’envergure empirique, d’ambition théorique (les différentes études de cas étaient toutes analysées à l’aune de la théorie cyclique des civilisations) et de rigueur méthodologique. Tandis que les expéditions anthropologiques s’intéressaient généralement à une population humaine spécifique ou à une zone géographique circonscrite (cas des expéditions coloniales de type régional ou même transcontinental), Gini choisit d’emblée de multiplier les points de vue tout en renforçant le caractère cumulatif de ses investigations, sans pour autant abandonner l’ambition totalisante de l’anthropologie. Afin de garantir la comparabilité des informations recueillies et de faire en sorte que les différentes investigations produisent un véritable espace de commune mesure et non plus une succession d’études de cas, plus ou moins idiosyncrasiques, le CISP élabora, au printemps 1933, dans le cadre de la préparation de la première expédition (en Libye), une méthodologie reposant sur le remplissage systématique et très standardisé de trois « schede » (terme que l’on traduit généralement par fiche ou formulaire) extrêmement détaillées et d’un dernier questionnaire plus « qualitatif25 ». Le premier de ces outils de mesure et de mise en comparaison produits par le CISP, la « scheda demografica », se présentait sous la forme d’un imprimé in-quarto de 4 pages destiné à recueillir une grande quantité d’informations sur chacun des membres de chaque famille (étendue) rencontrée au cours d’une expédition. Il s’agissait donc d’une scheda familiale (l’unité de cette formation humaine dans le recueil même des données était ainsi maintenu) à la différence des deux autres schede : un questionnaire anthropologique comportant 59 items (comprenant l’ensemble des paramètres classiques tels que couleur de peau, mesures anthropométriques, caractérisation de la chevelure, etc.), dont la fonction était de cerner au plus près les « types raciaux » rencontrés ; et un questionnaire médical, dont la finalité était de préciser l’état général et le groupe sanguin des individus étudiés, tout en évaluant la prévalence de « maladies sociales » (telles que la syphilis, la tuberculose ou l’alcoolisme) et de « tares congénitales » dans leur communauté. Le protocole du CISP prévoyait que chacune de ces schede devait impérativement être complétée par un enquêteur qualifié (médecin, anthropologue ou statisticien-démographe, selon le cas). La tâche du responsable scientifique de l’expédition (soit, dans neuf cas sur dix, Corrado Gini lui-même) et, dans le cas des expéditions les plus importantes, des chefs d’équipes placés sous ses ordres était donc de s’assurer du remplissage exhaustif, méticuleux et standardisé de ces trois documents, tout en renseignant en outre un quatrième questionnaire, plus qualitatif, concernant l’environnement physique et social des populations enquêtées (plusieurs des équipes mises sur pied par le CISP au cours de ses expéditions comprenaient d’ailleurs un ethnographe ou un sociologue diplômé).
12Une autre caractéristique distinctive du programme scientifique établi sous la direction de Corrado Gini au tournant des années 1930 et mis en œuvre dans les années qui suivirent tenait à la grande variété des populations humaines sélectionnées – une majorité d’isolats et quelques zones de « métissage racial », dont certaines n’avaient jamais été véritablement étudiées26. Si, dans un nombre limité de cas, le CISP put compter sur le concours du nouvel empire colonial italien ou de l’administration métropolitaine, nombre des destinations choisies différaient des terrains traditionnels de l’anthropologie coloniale européenne. Les trois voyages successifs en Libye, effectués en 1933, 1935 et 1937 pour étudier une population bédouine, les Dauadas (Dawada ou Duwwud) du Fezzan, puis les berbères Jadu des montagnes Nafusa, entrent bien évidemment dans le cadre de la science impériale, dans sa version la plus achevée. L’étude de plusieurs communautés bantoues du Natal, menée sous la direction d’Henry Sonnabend, s’y rattache également, même s’il ne s’agissait évidemment pas d’une colonie italienne et que l’investigateur en chef (juif apatride ayant étudié avec Gini et travaillé au sein du CISP avant d’émigrer en Afrique du Sud, puis à nouveau en Israël) n’appartenait pas à l’élite coloniale sud-africaine ou britannique27. Le caractère singulier des choix opérés par le Comité apparaît par contre distinctement lorsque l’on considère les expéditions menées pour étudier les Samaritains de Palestine et, plus encore, les Karaïtes vivant aux confins de la Pologne et la Lituanie (décrits à l’époque comme une « secte juive »). Même le Mexique, où le CISP organisa la plus importante de toutes ses expéditions (voir infra), échappait aux logiques coloniales et impériales stricto sensu. Quant aux « isole etniche », également appelées « gruppi » ou « colonie » « allogeniche », il s’agissait, certes, de populations italiennes, mais dont l’origine étrangère se traduisait (ou s’était traduite durant une période parfois longue de plusieurs siècles) par un isolement culturel doublé d’un très haut niveau d’endogamie :
les communautés italo-albanaises (arbëreshë) qui émigrèrent dans le centre de Calabre centrale entre la fin du xve siècle, après l’échec de la mobilisation anti-ottomane guidée par Scanderberg (le héros national albanais) et le xviie siècle ;
les « Ligures de Carloforte », descendants de la colonie ligure de Tabarka, en Tunisie, qui s’était repliés en Sardaigne (sur l’île de San Pietro) vers 1738 ;
enfin, une seconde communauté de pêcheurs sardes, les « Liguro-Piémontais » de Calasetta, issus d’une « hybridation » entre quelques familles ligures venues de Carloforte et des émigrés piémontais.
13L’objectif scientifique de ces dernières enquêtes était, là encore, de rechercher des traces de dégénérescence plus ou moins avancée dans ces communautés réputées endogames, tout en étudiant les conséquences (somatiques autant que sociales) de leur assimilation graduelle à un nouvel environnement et d’une éventuelle « hybridation raciale », dans le cas où, au fil du temps, se serait opérée une levée (plus ou moins complète) de la règle d’endogamie et que des unions se soient nouées entre certains immigrants et les populations « autochtones ».
14De toutes les investigations organisées par le CISP, la plus notable, pour des raisons scientifiques mais également politico-diplomatiques, fut sans conteste l’expédition du Mexique. Au point qu’elle occupe une place spécifique dans l’histoire de l’eugénisme latin.
Metizaje et rinnovazione. L’eugénisme latin en action
15Les différentes publications issues de l’expédition italo-mexicaine de 1933 et les documents la concernant, conservés dans les archives italiennes et mexicaines, constituent indéniablement un matériau de premier choix pour l’étude des pratiques scientifiques et des schèmes intellectuels d’eugénistes ressortissant de pays caractérisés comme latins. Mais son importance est redoublée du fait que cette recherche empirique, menée aux quatre coins de l’immense territoire mexicain, constitua également un « coup » (move), au sens du sociologue Erving Goffman28, c’est-à-dire une intervention par laquelle Corrado Gini et ses collaborateurs, d’une part, et un groupe d’anthropologues et responsables politiques mexicains, de l’autre, explorèrent, dans l’interaction même, la possibilité d’une alliance synergique articulant leurs intérêts respectifs, irréductiblement scientifiques et politiques.
16L’expérience italo-mexicaine n’avait pourtant rien d’une évidence dictée par quelques considérations géopolitiques pan-latines que ce soit. En réalité, l’intérêt de Corrado Gini pour « l’hybridation raciale » l’avait initialement conduit, dès le milieu des années 1920, à se documenter sur le cas du Brésil (terre d’émigration d’un million au moins d’Italiens), dont le caractère éminemment métissé constituait déjà un objet de discussion au sein des élites nationales et dans certains cercles internationaux (même si Gilberto Freyre et les tenants du « luso-tropicalisme » n’avaient pas encore contribué à en faire un objet de fascination mondiale29). Son voyage d’étude tourna cependant court, suite au naufrage, le 25 octobre 1927, du paquebot qui l’emmenait à la découverte des populations brésiliennes (la tragédie fit au moins 314 morts). Trois vecteurs distincts semblent avoir contribué au déplacement de son attention vers le Mexique et à sa sensibilisation graduelle à la place qu’y occupaient les « indios y mestizos ». Il y eut d’abord les échanges avec les étudiants mexicains venus apprendre la statistique et la démographie auprès de lui, à l’université de Rome. Deux d’entre eux contribuèrent plus particulièrement à son initiation mexicaine : Gilberto Loyo, qui mena ensuite une brillante carrière à l’interface de la politique (au sein du Parti révolutionnaire institutionnel), de l’Université (il fut recteur de l’Universidad Nacional Autónoma de México), de l’administration (en particulier au sein de la statistique publique) et finalement du gouvernement ; et Emilio Alanís Patiño, qui fit carrière au sein de la statistique nationale du Mexique jusqu’à en prendre la direction avant d’occuper une série de fonctions de premier plan au sein de nombreux organismes économiques et bancaires. Ce furent ensuite les écrits de José Vasconcelos, dont le fameux ouvrage La Raza Cósmica, publié en 1925, développait une vision quasi-mystique du mestizaje latino-américain et qui fut invité à prononcer une des conférences Norman Wait Harris en 1926, soit un an avant Gini. Enfin, ce dernier eut également le loisir d’aborder la question de « l’hybridation raciale » avec les délégués mexicains aux conférences internationales sur l’eugénisme et/ou la population, au tournant des années 1920-1930. Il se lia ainsi d’amitié avec Manuel Gamio, élève de Franz Boas à Columbia, devenu la figure de proue de l’anthropologie mexicaine et l’un des eugénistes les plus influents du pays, qui dirigea un temps le bureau de la Población rural y colonización au sein de la Secretaría de Agricultura y Fomento. Loin d’être unique, cette articulation mexicaine du savant et du politique témoignait au contraire de l’importance qu’avait pris « l’indigenismo » dans le programme politique des nouvelles élites gouvernementales, sorties victorieuses de la révolution. Gini eut l’occasion d’exposer les projets d’expédition du CISP à Gamio et probablement également à Saavedra (voir supra), en août 1932, à New York, en marge du troisième Congrès international d’eugénique. L’anthropologue mexicain se fit l’intermédiaire du statisticien italien auprès de son gouvernement et un accord fut établi, qui garantissait au CISP la mise à disposition par une série de départements ministériels de moyens personnels et matériels considérables, moyennant un dédommagement financier conséquent. Profitant des conseils de Gamio et de ses anciens étudiants mexicains, Gini et ses collaborateurs élaborèrent alors un programme de recherche d’une ambition inédite : là où un petit groupe d’anthropologues mettait des semaines, parfois des mois, à étudier une population humaine de taille réduite, les Italiens proposèrent de recueillir une masse de renseignements considérable sur un échantillon des multiples races indiennes et populations métissées du pays, de manière à acquérir une vision « intégrale » (au sens de Gini : anthropologique aussi bien que démographique, médicale et ethnographique) des facteurs de dégénérescence et de régénérescence à l’œuvre. Pour ce faire, il convenait de comparer de manière rigoureuse la situation de multiples populations isolées (appartenant à des races différentes) et de plusieurs populations métissées ou en cours de métissage (en confrontant les métissages entre races indiennes et européennes, d’une part et indiennes et africaines, de l’autre), tout en décrivant précisément les conditions de vie des uns et des autres, de manière à pouvoir distinguer le rôle de l’environnement de celui de l’hérédité.
17Il est malheureusement difficile à ce stade de dire si de véritables concertations eurent lieu entre les membres du Comité italien, d’une part, et leurs correspondants au Mexique : Manuel Gamio, Alfredo Saavedra, la direction de la Sociedad Mexicana de Geografía y Estadística et les anciens étudiants de Gini. Et il s’avère, de surcroît, impossible de déterminer dans quelle mesure ces intermédiaires négocièrent la finalisation et la mise en œuvre du projet élaboré par le CISP avec leurs collègues mexicains. Reste que, lorsque Gini, secondé de deux jeunes collaborateurs et d’une secrétaire, rejoignit Mexico via Veracruz à la fin du mois d’août 1933, muni d’un plan d’enquête ne prévoyant rien moins que l’étude « intégrale » de 12 populations distinctes réparties dans 7 États différents, un accord avait déjà été établi avec le gouvernement mexicain afin qu’il assure la logistique de l’expédition, garantisse sa sécurité et facilite les contacts avec les autorités locales concernées. Des expéditions, en réalité, puisque l’ampleur de la tâche à accomplir, en un peu plus de trois mois (les Italiens repartiront peu avant Noël), impliquait de répartir le travail entre plusieurs équipes – quatre, en l’occurrence. Là encore, la constitution d’autant d’équipes autonomes composées chacune d’un anthropologue, d’un médecin assisté d’une infirmière, d’un statisticien-démographe et enfin d’un ethnographe, économiste ou sociologue (selon les cas), sans compter l’ensemble du personnel d’intendance nécessaire, ne fut rendue possible que grâce au soutien du gouvernement mexicain, notamment à travers la mise à disposition d’anthropologues rattachés à la Secretaría de Educación Pública et de médecins et infirmières dépendants des services de santé publique. En échange, il fut décidé que l’expédition recueillerait également des renseignements sur les conditions économiques et sociales des populations rencontrées, au moyen d’un questionnaire mis au point par la Secretaría de Agricultura y Fomento. Chacun de ces quatre groupes fut chargé d’enquêter sur quatre populations indiennes ou métisses différentes, selon un calendrier extrêmement précis et en suivant un parcours prédéterminé à travers le pays. Avant que les équipes ne partent sur le terrain, les membres du Comité italien insistèrent toutefois pour réunir la dizaine d’enquêteurs mexicains mis à leur disposition à Ixmiquilpan (une localité de l’État d’Hidalgo, proche de la capitale fédérale). Arguant de la nécessité d’uniformiser strictement le travail de mesure anthropométrique et de recueil des différents types d’information (le remplissage uniforme des fameuses schede), ils entreprirent, durant plusieurs semaines, d’inculquer à ces scientifiques et médecins parfaitement compétents (certains, comme Carlo Basauri, faisaient déjà figure d’anthropologues chevronnés) un mode opératoire extrêmement standardisé. Ce contrôle scientifique tatillon, associé au sentiment d’arrogance donné par les Italiens et à la prétention manifestée par Gini de contrôler, quasiment jour par jour, le déroulement du travail scientifique des quatre équipes indépendantes, créèrent de vives tensions au sein de l’expédition, allant parfois jusqu’à la rébellion ouverte (l’un des chefs d’équipe mexicain abandonna ainsi la direction de son groupe au bout de quelques semaines).
18Si elles ne suffirent pas à faire dérailler le plan d’enquête titanesque élaboré par le CISP (au total, les questionnaires remplis au cours de ces quelques mois concernaient plus de 1900 individus), ces résistances témoignent néanmoins des difficultés concrètes qu’a pu recouvrir la mise en œuvre effective d’un programme de recherche biopolitique panlatin. Pour autant, il est remarquable que ni la mésentente entre les enquêteurs italiens et mexicains, sur le terrain, ni les protestations de ces derniers auprès de leurs supérieurs administratifs n’empêchèrent les eugénistes mexicains et leurs collègues latino-américains d’appuyer, deux ans plus tard, la candidature victorieuse de Corrado Gini à la tête de la Fédération latine des sociétés d’eugénique.
Conclusion
19L’histoire de l’eugénisme en tant que mouvement international constitue un cas d’école pour qui s’intéresse aux processus d’institutionnalisation et de désinstitutionnalisation, en ce sens que la phase de démobilisation débuta avant même que ne se tienne le premier congrès officiel de la Fédération latine des sociétés d’eugénique. Lorsque s’ouvre à Paris, le 1er août 1937, le premier Congrès latin d’eugénisme, « [a]ucun des pays ayant participé à la réunion du Mexique n’y joue […] de rôle actif30 ». De fait, le brésilien Renato Kehl est le seul eugéniste latino-américain à présenter une communication tandis que parmi les Européens ne sont présents que les Français, Italiens, Roumains et Suisses romands. Dans son discours d’ouverture, Gini se contente d’une allusion sibylline aux « difficultés qui ont empêché nos collègues d’outre-mer et ceux de la Catalogne d’assister à nos séances31 » ; le fait est qu’avant même l’alliance entre l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie, l’intervention militaire italienne en Éthiopie et le déclenchement de la guerre civile espagnole avaient déjà hypothéqué toute velléité d’unité panlatine au plan international. Faut-il pour autant en conclure à l’inintérêt historique de cette entreprise savante et (bio)politique ? Ce serait méconnaître la règle fondamentale selon laquelle les « échecs » méritent tout autant d’être étudiés que les « succès » (quels que soient les critères mobilisés pour distinguer les premiers des seconds). Et s’interdire ainsi de repérer la postérité de l’entreprise : tous ces éléments produits dans le contexte de l’eugénisme latin qui, reproblématisés en fonction des configurations scientifico-politiques nouvelles, resteront en usage parfois jusqu’au milieu des années 1970. C’est ainsi, par exemple, que loin d’avoir disparu avec le régime fasciste italien, le CISP de Corrado Gini a survécu jusqu’à nos jours en tant qu’institution de recherche démographique. De très nombreuses publications faisant fond sur des matériaux empiriques recueillis au cours des expéditions eugénistes des années 1930 continuèrent de paraître jusqu’à la fin des années 1970, à tout le moins, en particulier sur les pages de Genus, la revue officielle du comité, devenue dans l’après-guerre l’une des principales revues scientifiques internationales en science des populations.
20En définitive, l’influence du mouvement international qui prétendait incarner un eugénisme latin aura reposé sur ce type de postérité d’autant plus invisible que la brièveté de l’expérience et l’oubli qui la recouvra presque immédiatement contribuèrent grandement à occulter la généalogie des nombreux articles et ouvrages parus dans la seconde moitié du xxe siècle, interdisant ainsi de saisir à quel point ces publications demeuraient influencées par les problématiques sous-tendant les enquêtes originelles et les conditions de production des matériaux empiriques réutilisés. Si ce travail généalogique reste largement à mener, il ne constitue cependant pas la seule tâche à l’agenda des historiens de l’eugénisme latin. Une fois déconstruit le discours homogénéisant produit par les promoteurs du mouvement et leurs alliés, reste à analyser la multitude des réseaux inter et transnationaux qui polarisèrent le champ de l’eugénisme, lato sensu, de la veille de la Première Guerre mondiale jusqu’aux années 1940, 1950, ou même 1960-1970 selon les cas. Loin d’être monolithiques, les relations entretenues par les eugénistes des pays qualifiés de latins laissent au contraire fréquemment apparaître une multitude d’engagements dans des collectifs et autres réseaux de sociabilité associant des médecins et scientifiques originaires de pays de langue anglaise, scandinaves, d’Allemagne, aussi bien que sud-européens et, parfois, latino-américains. Il suffit par exemple, dans le cas français, de se rappeler que la visibilité internationale d’un Charles Richet ou d’un Alexis Carrel (établi aux États-Unis dès 1905) ne se limitait certes pas au « monde latin32 ». Et si le caractère composite de l’eugénisme brésilien est désormais bien connu33, resterait à poursuivre l’exploration initiée par Andrés Reggiani, Iván Olaya et quelques autres, des réseaux panaméricains et transcontinentaux qui innervèrent les milieux eugénistes dans l’Amérique hispanophone34.
Notes de bas de page
1Pour une introduction à ces controverses souvent enflammées : Gayon Jean, « Le mot “eugénisme” est-il encore d’actualité ? », in Jean Gayon et Daniel Jacobi (dir.), L’Éternel Retour de l’eugénisme, Paris, PUF, 2006, p. 119-142. Le thème du retour de l’eugénisme a fait l’objet d’interventions extrêmement disparates, allant de la mise en garde politique (visant notamment l’essor du conseil génétique puis du dépistage prénatal dans un nombre croissant de pays du Nord) jusqu’aux analyses philosophiques, souvent critiques (voir notamment Habermas Jürgen, L’Avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral ?, Paris, Gallimard, 2002 [2001]), mais parfois enthousiastes : Agar Nicholas, Liberal Eugenics. In Defence of Human Enhancement, Oxford, Wiley-Blackwell, 2004.
2Le terme « étiquette » est à entendre ici au sens qu’il recouvre en sociologie (en tant que traduction du terme anglais « label ») à la suite des intéractionnistes symboliques et d’autres traditions sociologiques attentives au rôle du travail d’étiquetage (labelling) et de cadrage (framing) des situations dans la construction du sens ordinaire des interactions sociales ; cf. Becker Howard, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985 (1963) ; Goffman Erving, Les Cadres de l’expérience, Paris, Minuit, 1990 (1974).
3Galton Francis, Inquiries into Human Faculty and its Development, Londres, Macmillan, 1883, p. 24-25 ; le terme εὐγενής (eugénes) rapporté à un être humain est, aujourd’hui, généralement traduit en français par les syntagmes : « haute naissance » et « bien né », parfois également par le substantif « noble ».
4Ibid., « a brief word to express the science of improving stock, which is by no means confined to questions of judicious mating, but which, especially in the case of man, takes cognisance of all influences that tend in however remote a degree to give to the more suitable races or strains of blood a better chance of prevailing speedily over the less suitable than they otherwise would have had ». Galton semble avoir hésité entre plusieurs terminologies : dans ladite note il affirmait ainsi avoir préalablement songé à baptiser le nouveau domaine « viriculture » ; lors d’une conférence-débat organisée à la London School of Economics en 1904, il soutint également avoir préféré abandonner le terme de « stirpiculture » qu’il avait pourtant forgé à dessein, sans pour autant s’expliquer sur cette décision ; cf. Galton Francis, « Eugenics: its Definition, Scope and Aims », The American Journal of Sociology, vol. 10, no 1, 1904, p. 1-25 (citation p. 24-25).
5Carol Anne, Histoire de l’eugénisme en France, Paris, Seuil, 1995, p. 71.
6La première véritable synthèse disponible sur l’histoire de l’eugénisme fut celle de Kevles Daniel, In the Name of Eugenics: Genetics and the Uses of Human Heredity, New York, Alfred A. Knopf, 1985.
7Dans leur recherche des « précurseurs » de l’eugénisme latin, Turda et Gillette confèrent ainsi une efficacité historique à des proclamations panlatinistes de toutes sortes, qui n’entraînèrent pourtant guère d’adhésion durable au-delà de quelques cercles littéraires et culturels étroits ; cf. Turda Marius et Gillette Aaron, Latin Eugenics in Comparative Perspective, Londres/New York, Bloomsbury Academic, 2014, chap. 1 : « Precursors ».
8Fraixe Catherine et Poupault Christophe, « Introduction », in Catherine Fraixe, Lucia Piccioni et Christophe Poupault (dir.), Vers une Europe latine. Acteurs et enjeux des échanges culturels entre la France et l’Italie fasciste, Bruxelles, Peter Lang, 2014, p. 11-30, cf. en particulier p. 15 sq. Sur les premières mobilisations diplomatiques de la latinité, voir Zantedeschi Francesca, « “Panlatinismes” et visions d’Europe, 1860-1890 », in Sylvie Aprile, Cristina Cassina, Philippe Darriulat et René Leboutte (dir.), Europe de papier. Projets européens au xixe siècle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2015, p. 281-294.
9Poupault Christophe, « La latinité au service du rapprochement franco-italien (fin du xixe siècle-1940) : un grand récit culturel entre grandeurs et rivalités nationales », Cahiers de la Méditerranée, no 95, 2017, p. 31-45.
10International Eugenics Congress, Problems in Eugenics: Papers Communicated to the First International Eugenics Congress Held at the University of Londres, July 24th to 30th, 1912, Londres, Eugenics Education Society, 1912, vol. 1.
11Padovan Dario, Saperi strategici. Le scienze sociali e la formazione dello spazio pubblico italiano fra le due guerre mondiali, Milan, Franco Angeli, 1999. Pour une étude biographique complète, voir Cassata Francesco, Il fascismo razionale: Corrado Gini fra scienza e politica, Rome, Carocci, 2006.
12Ipsen Carl, Dictating Demography. The Problem of Population in Fascist Italy, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 80-88. Anna Treves a analysé en détail comment l’ambition (intellectuelle et politique) démesurée de Gini le conduisit à développer un usage extrêmement instrumental du fascisme, qui finit par se retourner contre lui : « [I]l suo era il criterio dell’intellettuale che giudica eventi e scelte politiche in base alla loro corrispondenza ai propri schemi e alle proprie teorie; criterio che in lui assunse via via quasi il carattere dell’ossessione, anche in ragione della, per dir così, strabordante certezza che egli nutriva nel superiore valore del suo pensiero. Sicché egli era fascista, e convintamente fascista, perché poteva leggere il fascismo come “giniano” », in Treves Anna, Le nascite e la politica nell’Italia del Novecento, Milan, LED, 2001, p. 227-228.
13Sur cette conférence et la création de l’Union internationale, voir notamment Connelly Mathew, Fatal Misconception: The Struggle to Control World Population, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2008, p. 68-73.
14Le jugement extrêmement acerbe que livre Margaret Sanger sur Corrado Gini dans ses mémoires : « highly egotistical […] the perfect mirror of Mussolini’s sentiments […] a most tiresome speaker and a general nuisance », traduit notamment la virulence des affrontements entre l’activiste états-unienne et le statisticien italien au cours et en marge de la conférence genevoise ; cf. Sanger Margaret, Margaret Sanger, an Autobiography, New York, W. W. Norton, 1938, p. 385.
15Sur la critique du panaméricanisme par les eugénistes latino-américains, voir Olaya Iván, Eugénisme et politiques de population en Amérique latine : réseaux épistémiques transnationaux, desseins panaméricains et visées locales. Le cas de la Colombie (1912-1955), thèse de doctorat d’histoire et civilisation, université de Paris, 2020, chap. 2, en particulier p. 309 sq.
16Sur Beruti et son rôle au sein de l’eugénisme panaméricain puis latin, Reggiani Andrés H., « Dépopulation, fascisme et eugénisme “latin” dans l’Argentine des années 1930 », Le Mouvement social, 2010/1, no 230, p. 7-26.
17Ibid., p. 22 ; voir également MacLean y Estenós Roberto, « La eugenesia en América », Revista Mexicana de Sociología, 1951, vol. 13, no 3, p. 359-387 ; ainsi que García González Armando et Álvarez Peláez Raquel, En busca de la raza perfecta: eugenesia e higiene en Cuba (1898-1958), Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1998, p. 220 sq.
18L’influence de Pende en Amérique latine, encore renforcée par son voyage argentin de 1930, a été bien mise en lumière par Stepan Nancy Leys, The Hour of Eugenics: Race, Gender and Nation in Latin America, Ithaca, Cornell University Press, 1991. Cf. également Reggiani Andrés H., « Dépopulation… », art. cité, et Vimieiro-Gomes Ana Carolina, « Science, Constitutional Medicine and National Bodily Identity in Brazilian Biotypology during the 1930s », Social History of Medicine, vol. 30, no 1, 2017, p. 137-157.
19« Problématisation ne veut pas dire représentation d’un objet préexistant, ni non plus création par le discours d’un objet qui n’existe pas. C’est l’ensemble des pratiques discursives ou non discursives qui fait entrer quelque chose dans le jeu du vrai et du faux et le constitue comme objet pour la pensée », Foucault Michel, « Le souci de la vérité », in Michel Foucault, Dits et écrits, 1954-1988, éd. Daniel Defert et François Ewald, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2001 (1994), vol. 2, texte no 350, p. 1487-1497 ; citation p. 1489.
20Rappelons que l’Union internationale pour l’étude scientifique des populations fut créée à Paris, en 1928, dans le prolongement de la Conférence sur la population de Genève, qui s’était tenue l’année précédente : Albert Thomas l’appela de ses vœux dans son intervention devant les délégués : Connelly Mathew, Fatal Misconception, op. cit., p. 71.
21Les appels publics réitérés de Mussolini à soutenir la mission du CISP se traduisirent par de très nombreuses subventions émanant d’institutions étatiques, d’entreprises parapubliques et même de plusieurs grandes villes italiennes, pour un montant cumulé d’environ 895 000 lires (entre 1928 et 1933). J’ai détaillé ailleurs de quelle manière Mussolini fut contraint d’intervenir pour calmer les ardeurs des financeurs les plus obséquieux et revoir à la baisse le montant de leur versements : Berlivet Luc, « A Laboratory for Latin Eugenics: The Italian Committee for the Study of Population Problems and the International Circulation of Eugenic Knowledge, 1920s-1940s », História, Ciências, Saúde-Manguinhos, Rio de Janeiro, vol. 23, suppl. décembre 2016, p. 51-72.
22Pour une présentation synthétique, on peut se reporter à sa conférence Norman Wait Harris, prononcée à l’université de Chicago en 1929, qui accrut notablement la visibilité internationale de sa théorie ; Gini Corrado, « The cyclical rise and fall of population », in Corrado Gini et al., Population : lectures on the Harris Foundation 1929, Chicago, University of Chicago Press, 1930.
23Voir notamment Gini Corrado, « Discorso d’apertura », in Società italiana di genetica e di eugenica, Atti del secondo Congresso italiano di Genetica ed Eugenica (Roma, 30 settembre-2 ottobre 1929), Failli, Roma 1932, p. 17-27, dans lequel il détaille la supériorité de sa version de « l’eugénique latine ».
24Gini Corrado, « Le Comité italien pour l’étude des problèmes de la population », Bulletin de l’Institut international de statistiques/Review of the International Statistical Institute, vol. 23, no 1, 1928, p. 204-206, cit, p. 205.
25J’ai détaillé le dispositif et les protocoles mis en œuvre par le Comité italien dans la totalité de ses expéditions et analysé son originalité in Berlivet Luc, « A Laboratory for Latin Eugenics… », art. cité.
26Pour une chronologie précise et une description détaillée des circonstances relatives aux différentes expéditions du CISP, voir en particulier : Gini Corrado, « Appunti sulle spedizioni scientifiche del Comitato Italiano per lo Studio dei Problemi Della Popolazione (Febbraio 1933-Febbraio 1935) », Genus, vol. 2, no 3/4, 1937, p. 225-257 ; Federici Nora, « Le più recenti spedizioni scientifiche del C. I. S. P. », Genus, vol. 5, no 3/4, 1942, p. 119-132 ; Gini Corrado, « Méthodes et résultats de l’étude des populations primitives », Genus, vol. 11, no 1/4, 1955, p. 140-157.
27Gini Corrado, « Enrico Haskel Sonnabend, 1901-1956 », Revue de l’Institut international de statistique/Review of the International Statistical Institute, vol. 24, no 1-3, 1956, p. 162-164 ; Sonnabend Enrico Haskel, Il fattore demografico nell’organizzazione sociale dei Bantu, Rome, Zamperini & Lorenzini, 1935. La trajectoire extrêmement singulière de Sonnabend mériterait de plus amples investigations.
28Goffman Erving, Strategic Interaction, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1969.
29Freyre Gilberto, Casa-grande & senzala: formação da familia brasleira sob o regimen de economia patriarchal, Rio de Janeiro, Maia & Schmidt, 1933. Sur la réception de Freyre dans le monde lusophone et, plus largement, les usages politiques du « luso-tropicalisme », voir les études réunies in Warwick Anderson, Ricardo Roque et Ricardo Ventura Santos (dir.), Luso-Tropicalism and Its Discontents. The Making and Unmaking of Racial Exceptionalism, New York/Oxford, Berghahn, 2019.
30Reggiani Andrés H., « Dépopulation… », art. cité, p. 22. Voir notamment les actes du congrès, convoqué en concomitance avec l’Exposition internationale de Paris, Congrès latin d’eugénique, Premier congrès latin d’eugénique : rapport, Paris, 1er-3 août 1937, Paris, Masson, 1938.
31Ibid., p. 6.
32Sur Carrel : Reggiani Andrés H., God’s Eugenicist. Alexis Carrel and the Sociobiology of Decline, New York/Oxford, Berghahn Books, 2007 ; concernant Richet, voir notamment Schneider William H., « Charles Richet and the Social Role of Medical Men », Journal of Medical Biography, vol. 9, no 4, 2001, p. 213-219, et Quality and Quantity: The Quest for Biological Regeneration in Twentieth-Century France, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 (en particulier le chap. 4).
33Cf. en particulier les travaux de Robert Wegner et notamment sa contribution à ce volume : « “Eugénisme latin”, une construction de l’historiographie anglo-saxonne ».
34Reggiani Andrés H., Historia Mínima de la eugenesia en América Latina, Mexico, El Colegio de México, 2019 ; Olaya Iván, « Le projet eugéniste panaméricain et ses réseaux épistémiques transnationaux pendant la première moitié du xxe siècle : le cas de la Colombie », dans ce volume, et Eugénisme et politiques de population en Amérique latine : réseaux épistémiques transnationaux, desseins panaméricains et visées locales. Le cas de la Colombie (1912-1955), thèse citée.
Auteur
CNRS, l’EHESS.
Luc Berlivet est chercheur au CNRS et enseigne à l’EHESS. Ses travaux se déploient à l’interface de la sociologie politique et de l’histoire des sciences. Après avoir analysé l’essor de la notion de « risque » en santé, il étudie désormais dans une perspective transnationale les transformations de l’hérédité humaine, de la fin du xixe siècle aux années 1980. Il a coordonné avec quatre autres collègues l’ouvrage Médecine et religion. Collaborations, compétitions, conflits (xiie-xxe siècle), 2013.
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