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La rationalisation de l’entrave à la procédure inquisitoire

Sur la genèse d’un « crime de résistance » à l’inquisition dans les lettres pontificales (1231-1265)

p. 221-230


Texte intégral

1La qualification d’impedimentum officio inquisitionis est une qualification bien connue des historiens de l’Inquisition espagnole ; à travers elle les faits d’obstruction au tribunal inquisitorial étaient assimilés à un soutien aux hérétiques, en faisant ainsi l’un des crimes les plus labiles les plus poursuivis à l’époque moderne1. Elle permettait ainsi plus que toute autre au tribunal inquisitorial – comme pouvoir judiciaire – de s’imposer aux autorités politiques communales, voire royales2, et de neutraliser les résistances à l’Inquisition en tant que procédure, notamment vis-à-vis de l’anonymat des témoins et du secret de la procédure en général3. Dès l’année 1484, dans un passage des Instructions données au tribunal inquisitorial de Séville, Tomas de Torquemada enjoignait aux inquisiteurs de faire jurer à tous les fidèles chrétiens de ne pas entraver l’inquisition4. Ce dispositif en lui-même suivait une logique qui n’était pas neuve, celle veillant à contraindre l’assentiment des autorités communales aux actions inquisitoriales, et à fournir protection et soutien aux inquisiteurs, le plus souvent par un serment prêté sur les statuts de la ville qui, depuis la bulle Ad extirpanda, devaient intégrer les lois impériales et pontificales portant sur la répression de l’hérésie5. Il parachevait ainsi la patiente entreprise de construction d’un crime d’entrave à l’inquisition, qui ne se contentait plus seulement d’exiger l’assistance zélée de tous les bons chrétiens à la lutte contre l’hérésie, mais punissait de la sanction canonique tout manquement à ce devoir6.

2Pour autant cette manière précise de criminaliser la résistance à l’inquisition avait déjà été employée – et patiemment peaufinée  – bien auparavant, dès les premiers pas de l’inquisition languedocienne. Le point d’appui des juristes de l’époque moderne, le Directorium Inquisitorum de Nicolas Eymerich, reprenait et glosait la littérature pontificale et l’œuvre de son « glorieux » prédécesseur Bernard Gui7. Son utilisation dans le cadre du droit procédural est peut-être fautive, mais l’on ne peut que constater une juridicisation au Moyen Âge de cet emploi du terme d’impedimentum, dorénavant systématiquement sanctionné par l’excommunication, se rapprochant de la notion d’entrave à l’exercice de la justice, et dont la généalogie se trace dans le droit relevant de l’organisation du tribunal inquisitorial. La présente contribution vise à tenter un bref exposé de cette généalogie, depuis les premiers frimas de l’inquisition dans le Languedoc jusqu’à sa rationalisation par la papauté romaine au milieu du xiiie siècle.

Instaurer l’Inquisition, libérer les inquisiteurs

3« Sicque paulatim cepit maiores quosdam inquisitio prevenire, factumque est ut nonnulli, dorsa palleosa habentes, ceperunt difficultates opponere, quibus possent inquisitionis officium impedire. » Ces brebis « au dos galeux », sentant le souffle de la justice divine sur leur nuque, moquées par Guillaume de Puylaurens, ce sont les bourgeois de Toulouse qui, en 1235 viennent de bouter les dominicains hors de la ville8. S’ouvre alors un épisode fondateur de la construction d’un crime d’entrave à l’inquisitio hereticae pravitatis. À peine la « croisade judiciaire » lancée, les Prêcheurs avaient en effet rencontré déjà une forte résistance ; les couvents des dominicains sont envahis, les inquisiteurs battus ou massacrés, et les premiers registres inquisitoriaux détruits. À Albi, l’inquisiteur Arnaud de Cathala, scandalise la ville en maniant lui-même pelle et pioche pour déterrer une hérétique condamnée ; il est battu et manque de peu d’être jeté dans le Tarn. À Cordes, les dominicains sont tués par les habitants du bourg9. À Narbonne, c’est une société de secours mutuel, l’Amistance10, qui après avoir libéré par la force un hérétique condamné et emprisonné par l’inquisiteur dominicain Ferrier, et violenté ce dernier, se voit excommuniée pour entrave à l’inquisition par Pierre Amiel, l’archevêque de la ville et légat pontifical11. À Toulouse, c’est un procès intenté à douze notables qui enflamme la ville, bientôt excommuniée par Guillaume Arnaud. Après diverses protestations des bourgeois de la ville, menaces, actes d’humiliations et de violence (racontés avec force pathos par le dominicain Guillaume Pelhisson, ayant exercé lui-même la charge d’inquisiteur à Toulouse12), l’inquisiteur Guillaume Arnaud puis l’ensemble des dominicains, assiégés dans leur couvent, sont contraints par les consuls et leurs gens à quitter la ville, avec, là encore d’après le récit des chroniqueurs de l’ordre, la complicité au moins tacite des officiers du comte Raymond.

4En 1236, c’est au tour de Grégoire IX de s’emparer de ce problème, par la bulle Olim ad apostolice sedis, dans laquelle il tonne contre le comte de Toulouse Raymond VII, accusé notamment d’avoir empêché l’office d’inquisition (inquisitionem hereticorum multipliciter impedis), et son maître d’œuvre Guillaume Arnaud. Après un préambule dans la plus pure tradition de la littérature pontificale, évoquant les mauvaises herbes dans la vigne du Seigneur, le roi de Babylone, Pharaon, les sauterelles et les déchirures dans la tunique du Christ, Grégoire IX en vient au fait :

« A civitate Tolosana vicarius tuus et consules civitatis ejusdem, qui ne contra hereticos procedatur, diversa difficultatum obstacula interponunt, post illatas sibi multas injurias, non sine turpi violentia ejecerunt, facientes in eadem civitate et ipsius suburbio voce preconia interdici […]. Iidem quoque consules, domum ipsius episcopi, eo ibidem infirmante teque presente in civitate predicta, per apparitores suos violenter invadere, equos et alia ex ea extrahere, quosdam canonicos et clericos Tolosanos in cathedrali ecclesia et ipsius claustro ac dicta domo graviter vulnerare, verberibus et aliis diversis afficere injuriis non verentes, et facientes ecclesia[stico]rum domos cum magna diligentia custodiri, ne per aliquos ad eos possent vite necessaria introduci, de civitate ipsa dictos episcopum et clericos suos compulerunt exire, et, prohibentes ibidem verbum Dei predicari publice vel audiri, de mandato tuo, ut asserebatur ab ipsis, priorem et conventum fratrum Predicatorum ex ea per violentiam expulerunt13. »

5Le registre d’action du front anti-inquisitorial a son importance ici. Il semble en effet que les violences et voies de fait sur les inquisiteurs et leur personnel soient pour beaucoup dans l’esquisse d’un crimen impedimentis. En 1242, Guillaume Arnaud et sa familia sont assassinés à Avignonet14 par des chevaliers descendus de Montségur. Menés par Pierre-Roger de Mirepoix, ils avaient auparavant rencontré le bailli du comte de Toulouse dans le bois de Mas Sainte-Puelles, lequel les avaient renseignés sur le déroulement de l’attentat. Plusieurs citoyens d’Avignonet devaient prêter leur concours à l’entreprise, en faisant le guet, ou en prévenant l’arrivée de secours. Parmi ceux-là, Bertrand de Quiders est interrogé par Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre, à propos de sa mère Blanche et de ses deux sœurs, Guillauma et Ermessende, qu’il tente de disculper, protestant que « nunquam consensit neci Fratrum Inquisitorum sed captioni ipsorum, et hoc in impedimentum Inquisitionis heretice pravitatis15 ».

6Si ces quelques occurrences, même isolées dans le registre des deux inquisiteurs, a quelque sens, c’est qu’entretemps le droit autour du crime d’entrave commençait à se développer. La tenue d’un concile en 123216 à Béziers par le légat pontifical Gautier de Tournai, renouvelé en 124617, nous offre la première occurrence du terme dans le droit relatif à l’inquisition. Le canon qui ouvre les décrets statue ainsi :

« Et si quis praedictorum credentium, fautorum, receptatorum, & defensorum personaliter monitus, & excommunicatus nominatim, infra quadraginta dies resipiscere noluerit, sed in eorum defensione perstiterit, vel inquisitionem eorum impedierit, pro hæretico habeatur: cum perseverantia & defensio erroris in talibus hominem faciat hæreticum judicari18. »

7Autrement dit, dès 1232 l’entrave à l’office inquisitorial est distinguée de la défense de l’hérésie19, mais reste constitutive d’un crime hérétique faisant rentrer son perpétrateur dans les catégories « secondaires » de l’hérésie que sont les credentes, fautores, receptatores et defensores. Ce concile, réitéré en 1246, inspira largement les canons issus du synode réunissant les prélats de Narbonne, Arles et Aix qui s’était tenu en 1244 sous la présidence de Pierre Amiel, légat pontifical. La qualification d’entrave y est approfondie, et rentre dans l’éventail des fautes définissant les fautores de l’hérésie20 ; on lit ainsi au canon xiv :

« Plane inter fautores accipimus tam eos, qui hæreticorum feu credentium reciderunt, extirpacionem, feu correctionem impediunt. Ex diligenti tamen circumstantiarum consideratione, plus minusve contingit culpae in talibus reperire. Nam multum favet haereticis, sive credentibus, qui caelat, cum possit & debeat indicare: plus, qui eos occultando, seu aliter, ipsorum examinationem, vel incarcerationem, vel punitionem malitiose nititur impedire: plurimum, qui captos vel incarceratos relaxat praeter ecclesiae voluntatem : seu cujus consilio, vel auxilio, mandato vel jure talia perpetrantu21. »

Nommer les rebelles

8Le 30 mai 1254, Innocent IV fulmine la bulle Licet ex omnibus22. Cette bulle, réitérée à de nombreuses reprises23, fixe pour les siècles à venir la formula canonique de nomination des inquisiteurs, la répartition entre les deux ordres mendiants des provinces inquisitoriales et les limites de l’exercice de l’office iuxta formam. Le sort de ceux qui tenteraient de résister à l’inquisition semble réglé au début du dispositif ; une clause « contradictores et rebelles etc. » est insérée juste après l’autorisation donnée aux frères Mineurs de recourir au bras séculier face aux hérétiques opiniâtres. Cette précaution semble cependant avoir été ressentie comme insuffisante puisque suit alors l’ordre donné aux inquisiteurs de procéder contre ceux qui entraveraient l’office d’inquisition ou le prêche de la croisade par les inquisiteurs, le tout, enfin, justifiant pour Innocent IV une croisade légitime contre ces impeditores.

« Quod si forte, quod non credimus, aliqui cujuscumque conditionis huic negotio, vel prædicationis Crucis officio contra hæreticos per vos, vel per alios, prout per litteras nostras nuper disposuimus exequendo se opponere, seu illud præsumpserint aliquatenus impedire ; ut non possit procedi libere in eisdem; immo nisi requisiti utrumque foverint: & juxta officium, & posse suum singuli juverint studiose, contra eos tamquam contra hæreticorum fautores, & defensores secundum Sanctiones Canonicas eadem freti auctoritate intrepide procedatis. Nos enim nihilominus ad comprimendam tam superbam, & perniciosam audaciam, & omnimode confundendam, in illos gladium Ecclesiasticae potestatis acriter extendemus & Reges, & Principes, aliosque Christi fideles, sive pro Terrae Sanctae succursu, sive alias pro Christi servitio Crucis caractere insignitos; nec non & ceteros Catholicos invocabimus contra eos, ut Cælum, & Terra adversus detestabilem temeritatem ipsorum pariter moveantur : cum non minus expediat, immo magis Fidem in locis prope sitis, quam procul distantibus defensare. »

9Il faut ici remarquer un détail capital : Licet ex omnibus est en grande partie une réécriture des brefs apostoliques Tunc potissime, daté du 27 septembre 125124 et Quia Tunc potissime daté du 28 mars 125425 eux-mêmes largement repris de la bulle Misericors et Miserator Domini du 8 juin 125126, mandement envoyé à Pierre de Vérone et Vivien de Bergame, leur enjoignant d’aller prêcher la Vraie foi et de poursuivre l’hérésie en Lombardie. Dans cette dernière bulle l’impeditor est, en premier lieu, l’imperator ; dépeint selon le vocabulaire inquisitorial, Frédéric II, « perfidus tirampnus », empêchait l’inquisition de procéder contre la peste hérétique, et ainsi favorisait celle-ci, dont il était ainsi lui-même suspect27. Mais le but de la bulle n’est pas de faire le procès, déjà achevé au concile de Lyon, de l’empereur. Ce sont les communes de Lombardie qui sont menacées, au cas où elles se mettraient elles-mêmes sur le chemin des inquisiteurs. Ainsi, après avoir donné pouvoir aux inquisiteurs de lancer les sanctions canoniques contre les « receptatores, defensores ac fautores » des hérétiques, et menacé les « contradictores et rebelles » qui auraient l’affront de s’opposer à l’Église28, Innocent IV menace de la croisade ceux qui oseraient entraver l’Inquisition, une partie reprise presque mot pour mot dans Licet ex omnibus.

« Verum quia tam salubre negotium super omnia promoveri cupimus, propter quod impedimenta quelibet ab ipso intendimus penitus cum Dei adjutorio removere, scire vos volumus et aliis aperte predicere quod si forte, quod non credimus, aliqua civitas seu communitas, sive aliqui magnates vel nobiles aut potentes huic negotio se opponere, seu illud presumpserint aliquatenus impedire, ut non possit per deputatos ad hoc a nobis procedi libere in eodem, immo nisi foverint illud et juverint studiose, nos procul dubio ad comprimendam tam superbam et pernitiosam audatiam et omni mode confundendam in illos gladium ecclesiastice potestatis acriter extendemus, et reges et principes aliosque Christi fideles, sive pro Terre Sancte succursu sive alias pro Christi servitio crucis caractere insignitos necnon et ceteros catholicos invocabimus contra eos, ut et celum et terra adversus detestabilem temeritatem ipsorum pariter moveantur, cum non minus expediat, immo magis, fidem in locis prope positis quam procul distantibus defensare29. »

10La mandature de Pierre de Vérone permet ainsi de faire le lien entre la codification par Innocent IV de la procédure canonique et les canons des premiers conciles méridionaux. Conformément à ce qui a été avancé auparavant, les assassins de Pierre de Vérone, poursuivis par l’inquisition jusqu’en 129530, le sont comme fautores et impeditores (et non comme meurtriers)31. Le crime d’entrave rabat du côté de l’hérésie ceux qui autrement auraient été jugés pour avoir molesté des clercs, et rattache ses perpétrateurs aux dispositifs judiciaires et disciplinaires de répression de l’hérésie.

11Ces deux bulles permettent aussi, par ailleurs, de constater une fois de plus, l’entremêlement du negotium fidei et pacis et de l’officium Inquisitionis : Innocent IV inscrit l’entrave, aussi bien au tribunal inquisitorial qu’au prêche de la croisade contre les hérétiques, dans le domaine de la guerre, et de la guerre juste par excellence, la croisade. Au regard du contexte historique qui a présidé à son développement, c’est un pas logique ; l’entrave est d’abord l’œuvre des pouvoirs séculiers qui ont sombré dans l’impiété, et refusent l’appui du glaive temporel à l’Église, à savoir Raymond VII, Frédéric II ou les communes italiennes.

12Licet ex omnibus cependant généralisait l’excommunication pour entrave à tous les « empêcheurs », quelle que soit leur condition, l’extrayant du contexte historique qui avait présidé à son apparition. La même bulle réitérée par Urbain IV voit ainsi l’ajout d’une clause non obstante32 qui écartait le risque de conflit de procédure, clause éloquente quant à l’ampleur prise par ce problème de la « liberté » de poursuivre de l’Inquisition.

13Dans la littérature pontificale autour de la répression de l’hérésie, et en particulier à partir des différentes versions de la bulle Licet ex omnibus, les menaces d’entrave à la bonne marche de l’inquisition étaient envisagées comme provenant essentiellement des potentats locaux, ecclésiastiques comme laïques, « entraves légales » résultant en grande partie de conflits de juridiction. Elle prenait néanmoins, par rapport au pontificat de Grégoire IX, un caractère proactif plutôt que réactif. Les pontificats d’Alexandre IV, Urbain IV et Clément IV verront ainsi la multiplication des bulles pontificales permettant aux inquisiteurs de « lever les entraves », légales ou non, à l’action inquisitoriale, parallèlement à la réitération continuelle de Licet ex omnibus par ces papes. Parmi celles-ci, la bulle Catholice fidei negotium d’Alexandre IV pourrait en constituer le patron ; « souhaitant que tout entrave et obstacle [à l’affaire de la foi catholique] soit supprimé », Alexandre IV signale aux inquisiteurs, Mineurs, comme Prêcheurs, que leurs supérieurs ne peuvent les empêcher de poursuivre33, et la bulle Ne commissum vobis du même pape les encourage tout bonnement à poursuivre les impedientes à l’office qui auraient refusé de prêter assistance aux inquisiteurs.

« Contra impedientes illud, […] a vobis requisitos assistere non curantes, libere, juxta formam vobis per literas nostras traditam, procedatis, cum ex hujusmodi, vel aliis privilegiis, & indulgentiis nullum vobis in tante pietatis negotio velimus obstaculum generari34. »

14On peut citer encore, entre autres, deux lettres d’Alexandre IV Ne fidei negotium et Ne inquisitionis negotium35 signifiant aux inquisiteurs de Toulouse, puis de Lombardie et des Marches, qu’aucun prélat ne peut les excommunier, ni eux ni leurs notaires, afin que l’office d’inquisition ne soit pas entravé ni retardé, et peut-être encore une lettre Ut fidei negotium d’Alexandre IV aux inquisiteurs de Toulouse, les autorisant à s’absoudre mutuellement des irrégularités commises, afin que la procédure inquisitoriale n’en soit pas entravée36. Ces dispositions seront complétées par Clément IV, qui renouvelle le 3 novembre 1265 la bulle Ad extirpanda, laquelle énonce que les officiels incompétents peuvent être révoqués37. Il faut ici souligner que considérer comme impeditores les officiers royaux « négligents », ou bien ceux qui s’abstiennent de fournir greffiers et notaires, ou encore les notaires se récusant de manière intempestive, les évêques soulevant des questions de juridictions – tout cela met l’accent sur une forme particulière de résistance à l’inquisition, « institutionnelle » en quelque sorte, caractérisée aussi bien par une volonté de résister à l’office que par l’absence de zèle.

15De cette constitution d’un « droit de l’entrave » organisé et cohérent, témoigne en particulier la bulle Cupientes d’Urbain IV, enjoignant aux inquisiteurs de faire état des « periculosia et gravia impedimenta » qu’ils auraient rencontré au cardinal Nicolas Orsini38, ébauchant pour celui-ci le rôle d’inquisiteur général. Il est alors significatif que cette centralisation soit imaginée en vue de supprimer les entraves au pouvoir inquisitorial et d’en repousser ainsi les limites, puisque dans le même temps la décrétale Statutum Civitatis du même Urbain IV récusait la possibilité que les statuts et privilèges communaux puissent entraver l’action des inquisiteurs, et autorisait qui plus est ceux-ci à les révoquer, introduisant par là même un principe de hiérarchie des normes39. Même si la tentative d’instituer un office centralisé de l’inquisition ne se poursuivra pas au-delà de la mandature du futur Nicolas III, s’ébauche alors un schéma jurisprudentiel où la qualification d’entrave devient un moyen privilégié d’extension du droit inquisitorial.

16La plupart des dispositifs élaborés par Innocent IV et Alexandre IV, dont la clause quod si forte donnant pouvoir aux inquisiteurs d’excommunier les impeditores, seront repris dans la bulle Prae cunctis d’Urbain IV, réitérée à de nombreuses reprises, et adaptée du modèle de Licet ex omnibus. Le parachèvement de cet édifice interviendra avec la finalisation du Sexte par Boniface VIII ; la décrétale Ut officium inquisitionis40 fait rentrer dans le corpus de droit canonique certaines de ces dispositions. Boniface VIII y ajoute la décrétale Ut inquisitionis negotium de son cru, laquelle, dans une énumération un peu plus synthétique, fait place à des formes d’entraves qui n’apparaissaient pas auparavant, comme la libération des prisonniers. Mais surtout la décrétale, revenant aux canons des conciles méridionaux, rattache formellement ces entraves à l’hérésie :

« Si quis vero de praedictis potestatibus, dominis, temporalibus, rectoribus, vel eorum officialibus seu ballivis, contra praedicta fecerit, aut praefato fidei negotio, saepe fatis dioecesano episcopo vel inquisitoribus incumbenti, se opponere forte praesumpserit vel ipsum aliquatenus impedire, nec non et qui scienter in praedictis dederit auxilium consilium vel favorem: excommunicationis se noverit mucrone percussum. Quam si per annum animo sustinuerit pertinaci; extunc velut haereticus condemnetur41. »

Conclusion

17Telle que figée dans la littérature pontificale, la qualification d’entrave, éclatée au travers des différentes décrétales concernant l’hérésie, dessine ainsi un délit aux contours particulièrement flou et élastique. Le pouvoir donné aux inquisiteurs d’excommunier quiconque, d’une manière ou d’une autre, empêchait en quoi que ce soit la bonne marche de l’office, fut ainsi sans cesse renouvelé durant la première moitié du xiiie siècle. Le pontificat de Boniface VIII, et la publication de la décrétale Ut inquisitionis negotium, couronnement de cette élaboration judiciaire d’une qualification d’entrave, rabattait les impedientes, ou impeditores, du côté de l’hérésie, hereticales42, transformés ainsi en suspects d’hérésie de droit. Il y eut aux xiiie et xive siècles relativement peu de poursuites sur ce chef d’accusation ; virtuellement illimité, le crime d’entrave semble avoir été avant tout comminatoire, permettant de forcer la main aux laïcs rechignant à prêter main-forte à l’inquisition. L’édifice juridique patiemment élaboré par la papauté de Grégoire IX à Clément IV ne resta pourtant pas à l’état d’outil flambant neuf ; le procès de Bernard Délicieux43, qui fut aussi celui du mouvement anti-inquisitorial des communes languedociennes à la fin du xiiie siècle, témoigne que l’inquisition avait bel et bien pris la mesure du tranchant de l’arme juridique qu’elle avait en main.

Notes de bas de page

1La catégorie de « crimes contre le Saint-Office » telle qu’élaborée par Jean-Pierre Dedieu d’après les relations de causes du tribunal, regroupe fautores et impedientes : elle est l’une des plus représentées dans les poursuites du tribunal de Tolède (entre 1484 et 1530), après celles de judaïsme et blasphème. Voir Dedieu Jean-Pierre, L’administration de la foi. L’Inquisition de Tolède, xvie-xviiie siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 1992, p. 236-242. Les accusations de « crime contre le Saint-Office » sont plus nombreuses que celles de superstition et sorcellerie à Valence entre 1482 et 1530 ; Banères-Monge Patricia, Histoire d’une répression : les judéo-convers dans le royaume de Valence aux premiers temps de l’Inquisition (1461-1530), thèse d’histoire, dir. Raphaël Carrasco, université Paul-Valéry Montpellier III, 2012, p. 140. La charge est même majoritaire dans les procès menés par l’Inquisition en Sardaigne où elle représente 25,8 % des délits connus ; Bennassar Bartolomé, « Inquisition et pouvoirs civils dans les États des Couronnes de Castille et d’Aragon. Essai de synthèse », in Gabriel Audisio (dir.), Inquisition et pouvoir, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2004, p. 37. Une analyse sur le corpus beaucoup plus large constitué dans le cadre du projet Post-Scriptum dénombre dans 10 % des procès la présence de poursuites pour entraves : Martínez Martín Laura et Adámez Castro Guadalupe (juin 2015), « Nuevas ventanas para viejas fuentes: el proyecto Post Scriptum y su tratamiento de las fuentes inquisitoriales españolas y portuguesas », communication présentée au III Simposio Internacional de Estudios Inquisitoriales: nuevas fronteras, universidad de Alcalá, Alcalá de Henares ; Dedieu Jean-Pierre, « Les causes de la foi de l’Inquisition de Tolède (1483-1820) : Essai statistique », Mélanges de la Casa de Velázquez, no 14, 1978, p. 143-171 ; Santos Ignacio Panizo, « Aproximación a la documentación judicial inquisitorial conservada en el Archivo Histórico Nacional », Cuadernos de historia moderna, no 39, 2014, p. 273.

2Par exemple Parello Vincent, « Une famille converse au service du marquis de Villena : les Castillo de Cuenca (xve-xviie siècles) », Bulletin hispanique, no 102, 2000/1, p. 15-36.

3Galvan Rodriguez Eduardo, El secreto en la inquisición española, Las Palmas de Gran Canaria, Universidad de las Palmas de Gran Canaria, 2001, p. 111-112.

4« Y en fin del Sermon deve mandar ; que todos los fieles Christianos alcen las manos ponien. doles delante una Cruz, y los Evangelios, para que juren de favorecer la Santa lnquisicion, y a los Ministros della, y de no les dar, ni procurar impedimento alguno directe, ni indirecte, ni por qualquier exquisito Color ; y el dicho juramento deben de mandar recibir, especialmente de los Corregidores, y otras judicias de la tal ciudad, o villa, o lugar, y deben tomar testimonio del dicho juramento ante sus Notarios » (Argüello Gaspar Isidro de, Compilacion de las Instrucciones del Oficio de la Santa Inquisicion, Madrid, Diego Diaz de la Carrera, 1667, p. 3 et 4). Tomas de Torquemada suivait en cela la pratique de Bernard Gui. À partir de la mandature de ce dernier, les inquisiteurs languedociens avaient en effet systématiquement inclus dans le sermon précédant la lecture des sentences la formule canonique d’excommunication des impedientes. Voir Pales-Gobillard Annette, Le Livre des sentences de Bernard Gui, I, Paris, CNRS Éditions, p. 204, 336, 562, 868, 940, 970, et II, p. 1219, 1240-1245, 1280, 1436.

5Mansi Giovanni Domenico, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, t. 23, Venise, A. Zatta, 1779, c. 569-575.

6Un exemple « paradigmatique », l’excommunication et l’interdit jeté sur la cité de Teruel en 1484 pour entrave à l’office inquisitorial ; les juges, le maire, le gouverneur et les officiers de la cité sont excommuniés. Voir Lopez polo Alberto, « Las puertas de la Muralla de Teruel », TERUEL, no 9, 1953, p. 79-117 ; Haliczer Stephen, Inquisition and Society in the Kingdom of Valencia, 1478-1834, Berkeley, University of California Press, 1990, p. 13-14. M. Sanchez Moya a commencé une transcription et traduction du procès, malheureusement non publiée, mais disponible sous forme de brouillon, [https://www.academia.edu/8822180/Juicio_de_la_Inquisici%C3%B3n_contra_el_Juez_alcaldes_regidores_y_oficiales_del_Concejo_de_Teruel] (consulté le 03-02-2023).

7Eymerich Nicolas (o.p.)., Pena Francisco de et al., Directorium Inquisitorum. In hac postrema editione iterum emendatum [et] auctum [et] multis litteris apostolicis locupletatum…, Venise, sumptibus Simeonis Vasalini, 1595, p. 374-376 ; Guidonis Bernardus, Practica Inquisitionis Heretice Pravitatis, éd. Célestin Douais, Paris, Picard, 1886, p. 209-217.

8Delisle Léopold et Bouquet Martin, Recueil des historiens des Gaules et de la France, Paris, Imprimerie royale, 1860, t. 20, p. 766. La redondance observée (… opponere…, impedire) n’est sans doute pas hasardeuse, et l’expression « officium inquisitionis impedire » doit probablement s’entendre comme locution juridique, par opposition aux corps de phrase précédent, si l’on prend en compte le fait que Guillaume de Puylaurens a occupé la charge de notaire de l’inquisition en 1253 et 1274. Voir Dossat Yves, « Le chroniqueur Guillaume de Puylaurens était-il chapelain de Raymond VII ou notaire de l’inquisition toulousaine ? », Annales du Midi, t. 65, no 23, 1953, p. 343-353.

9Lea Henry-Charles, A History of the Inquisition of the Middle Ages, New York, Harper, 1887, II, p. 12-13 ; Dossat Yves, Les crises de l’inquisition toulousaine (1233-1273), Bordeaux, Imprimerie Bière, 1959, p. 124, 130-132.

10Cette société de secours mutuel était de fait un parti politique consubstantiel au consulat formé par les bourgeois de la ville. Voir Emery Richard Wilder, Heresy and Inquisition in Narbonne, New York, Columbia University Press, 1941, p. 75 ; Caille Jacqueline, « Le consulat de Narbonne, problème des origines », in Les origines des libertés urbaines, Rouen, Publications de l’université de Rouen, 1985, p. 243-263.

11Emery Richard Wilder, Heresy and Inquisition in Narbonne, op. cit., p. 78 ; Lea Henry-Charles, A History of the Inquisition of the Middle Ages, op. cit., II, p. 13.

12Molinier Charles, De Fratre Guillelmo Pelisso Veterrimo Inquisitionis Historico Thesim, Anicii, L. & R. Marchessou, 1880, p. 27-41.

13Rodenberg Carl (éd.), Epistolae saeculi xiii, et regestis pontificum Romanorum selectae, Berlin, Weidmann, 1883-1887, I, p. 584-586, no 688 (MGH, s. Epistolae).

14Douais Célestin (éd.), Documents pour servir à l’histoire de l’Inquisition dans le Languedoc, Paris, Renouard, 1900, I, p. 144-147 ; Dossat Yves, « Le Massacre d’Avignonet », in Le Credo, la morale et l’Inquisition, Cahiers de Fanjeaux, no 6, Toulouse, Privat, 1971, p. 343-359 ; id., Les Crises de l’Inquisition, op. cit., p. 145-151 ; Lea H.-C., A History of the Inquisition of the Middle Ages, op. cit., II, p. 34-39 ; Wakefield Walter L., Heresy, Crusade, and Inquisition in Southern France, 1100-1250, Berkeley, University of California Press, 1974, p. 168-171. Le ms. Lat. no 5213 de la BnF, provenant de la collection Baluze, insère ce passage sous une rubrique « De impedimentis inquisitionis ». Voir Duvernoy Jean (éd.), Guillaume de Puylaurens. Chronique (1203-1275), Paris, CNRS Éditions, 1976, p. 150.

15Toulouse, bibliothèque municipale, Ms. 609, fo 140b. La transcription de Jean Duvernoy est disponible en ligne, [http://jean.duvernoy.free.fr/text/pdf/ms609_b.pdf] (consulté le 03-02-2023).

16Sur les circonstances de la tenue du concile, voir Cabié Edmond, « III. Date du concile de Béziers tenu par Gautier, légat du Saint-Siège, et itinéraire de ce légat de 1231 à 1233 », Annales du Midi, t. 6, no 63, 1904, p. 350-352 ; Dossat Yves, « I. Remarques sur la légation de l’évêque Gautier de Tournai dans le Midi de la France (1232-1233) », Annales du Midi, t. 75, no 61, 1963, p. 77-85, p. 82.

17Mansi Giovanni Domenico, Sacrorum conciliorum, op. cit., t. 23, c. 693-694.

18Ibid., c. 270.

19Qui plus est, les mêmes Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre avaient, dans ce qui est le premier formulaire inquisitorial connu, inséré une formule d’abjuration incluant le serment de ne pas entraver l’inquisition, soigneusement distingué des catégories déjà codifiées de receptores, defensores, fautores et credentes : « Omnem quemque, dum se ad confitendum presentat, facimus abjurare omnem heresim et jurare quod […] Hereticos, cujuscumque secte, non solum non recipiet aut defendet, eisve favebit aut credet, quin potius eos eorumve nuntios bona fide persequetur et capiet, vel saltem Ecclesie aut principibus eorumve bajulis, qui eos capere velint et valeant, revellabit, et Inquisitionem non impediet, imo eam impedientibus se opponet. » Ce formulaire, baptisé Ordo processus Narbonensis, a été publié par André Tardif et François Balme à partir du MS. 53 de la bibliothèque de l’université de Madrid : Tardif André et Balme François, « Documents pour l’histoire du processus per inquisitionem et de l’inquisitio heretice pravitatis », Nouvelle revue historique de droit français et étranger, no 7, 1883, p. 669-678. La datation et la paternité du document sont cependant incertaines : une lettre de commission à Guillaume Raymond et Pierre Durand datée de 1244 se trouve en en-tête, mais si Antoine Dondaine s’y fie suffisamment pour l’attribuer aux deux inquisiteurs de Narbonne, Yves Dossat attribue la pièce aux deux inquisiteurs de Toulouse et de Carcassonne Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre, tout en le situant plutôt entre 1248 et 1249 : Dondaine Antoine « Le Manuel de l’inquisiteur (1230-1330) », Archivum Fratrum Praedicatorum, XVII, 1947, p. 97-98 ; Dossat Yves, « Le plus ancien manuel de l’Inquisition méridionale : le Processus Inquisitionis (1248-1249) », Bulletin philologique et historique, 1948-1950, p. 33-37. Néanmoins, une étude plus récente de Lothar Kolmer réattribue la paternité du formulaire à Guillaume Raymond et Pierre Durand et à l’année 1244 : Kolmer Lothar, Ad capiendas Vulpes. Die Ketzerbekämpfung in Südfrankreich in der ersten Hälfte des 13. JAhrunderts und die Ausbildung des Inquisitionverfahrens, Bonn, Rohrscheid, 1982, p. 198-203. Voir aussi Wakefield Walter L., Heresy, Crusade, and Inquisition, op. cit., p. 250 ; Arnold John, Inquisition and Power. Catharism and the Confessing Subject in Medieval Languedoc, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2001 p. 243 note 2 ; id., « Inquisition, Texts and Discourse », in Caterina Bruschi et Peter Biller (dir.), Texts and the Repression of Medieval Heresy, York, Boydell & Brewer, 2003, p. 65 note 10 ; Sackville Lucy, Heresy and Heretics: The Textual Representations, York, Boydell & Brewer, 2011, p. 136 ; Parmeggiani Riccardo, Explicatio super officio inquisitionis. Origini e sviluppi della manualistica inquisitoriale tra Due e Trecento, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2012, p. 15.

20Raymond VII et les capitouls de Toulouse ont d’ailleurs été excommuniés comme fautores après l’expulsion du couvent des Prêcheurs ; Rosenberg Carl, Epistolae saeculi xiii, op. cit., p. 585-586 ; Martène Edmond, Thesaurus Novus Anecdotorum, Lutetiae Parisiorum, Sumptibus Florentini Delaulne, 1717, c. 992.

21Mansi Giovanni Domenico, Sacrorum conciliorum, op. cit., t. 23, c. 360.

22Sbaralea Giovanni Giacinto (éd.), Bullarium Franciscanum (désormais cité BF), II, p. 740.

23Alexandre IV, Licet ex omnibus. Ripoll Thomas (éd.), Bullarium ordinis ff. Praedicatorum (désormais cité BOP), I, p. 326 ; Urbain IV, Licet ex omnibus, BOP, I, p. 417 ; Clément IV, Licet ex omnibus, BOP, I, p. 466.

24BOP, I, p. 199.

25BF, I, p. 717-718.

26BOP, I, p. 192-193 ; Théry Julien, Gilli Patrick, Le gouvernement pontifical et l’Italie des villes au temps de la théocratie (fin xiie-mi-xive s.), Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2010, p. 621-652.

27« Non potuit libere contra hujusmodi pestem precipue in ipsa Italia eo impediente procedi, cum non impugnaret, set foveret potius pestam ipsam, de qua cum evidenter haberetur suspectus, exigantibus nichilominus aliis multis et enormibus suis excessibus » (BOP, I, p. 192).

28« Ad extirpandam de civitate ipsa et ejus districtu hereticam pravitatem sollicite ac efficaciter prehabito diocesani consilio laborantes, si quos ibidem pravitate ipsa culpabiles inveneritis vel infectos seu etiam infamatos, nisi examinati velint absolute mandatis Ecclesie obedire, contra ipsos et receptatores, defensores ac fautores eorum, humano timore postposito, juxta sanctiones canonicas auctoritate apostolica procedatis, invocato ad hoc contra eos si opus fuerit auxilio brachii secularis; contradictores et cetera » (BOP, I, p. 192-193).

29BOP, I, p. 193. On peut lire dans le bref Tunc potissime : « Verum quia tam salubre negotium super omnia promoveri cupimus, propter quod impedimenta quelibet ab ipso intendimus penitus cum Dei adjutorio removere : si forte, quod non credimus, aliqua Civitas, vel Communitas, sive aliqui magnates, vel nobiles, seu potentes huic negotio se opponere, aut illud presumpserint aliquatenus impedire, ut non possit per deputatos ad hoc a Nobis procedi libere in eodem, immo nisi foverint illud, & juverint studiose, Nos procul dubio ad comprimendam tam superbam, & perniciosam audaciam, & omnimode confundendam, in illos gladium ecclesiastice potestatis acriter extendemus, & Reges, ac Principes, aliosque Christi fideles, sive pro Terre Sancte succursu, sive alias pro Christi servitio Crucis charactere insignitos, necnon & ceteros Catholicos invocabimus contra eos : ut & Celum, & Terra adversus detestabilem temeritatem ipsorum pariter moveantur; cum non minus expediat, immo magis Fidem in locis prope positis, quam procul distantibus, defensare » (BOP, I, p. 199).

30Fumi Luigi, « Sentenza inquisitoriale contro il detenuto Stefano Confaloniero », Archivio Storico Lombardo, no 14, 1910, p. 197-200 ; Caldwell Christine, « Peter Martyr: The Inquisitor as Saint », Comitatus. A Journal of Medieval and Renaissance Studies, no 31, 2000/1, p. 137-174 ; Dondaine Antoine, « Saint Pierre Martyr. Études », Archivum Fratrum Praedicatorum, no 23, 1953, p. 66-162.

31Lea H.-C., A History of the Inquisition of the Middle Ages, op. cit. I, p. 400.

32« Non obstantibus aliquibus literis, ad quoscunque alios de Lombardia, & Marchia predictis, exceptis locorum Dioecesanis, super hujusmodi negotio ab Apoftolica Sede directis, quarum deinceps, ad Inquisitiones hujusmodi facies idas, nolumus auctoritate procedi, quinimmo, ne procedatur per illas, districtius inhibemus ; Nec prętextu commissionis, specialiter eisdem Dioecesanis super hoc facte, vestros processus, in eorundem Dioecesanorum Civitatibus & Dioecesibus, volumus impediri. Nec per hoc quod fidei negotium generaliter in ipsis Lombardia, & Marchia vobis committimus, commissiones a prefata Sede Dioecesanis eisdem factas, si forsan illarum, seu etiam ordinaria velint procedere auctoritate, intendimus revocare. Veruntamen sive auctoritate ordinaria, sive ex delegatione predicte Sedis, iidem Dioecesani in hujusmodi negotio processerint, nequaquam volumus, vel per concursum processuum, vel alias quomodolibet, vestros impediri processus, quin, Dioecesanorum ipsorum processibus non obstantibus, in eodem negotio procedere libere valeati » (BOP, I, p. 417).

33BOP, I, p. 402.

34BOP, I, p. 396.

35BOP, I, p. 369 ; BOP, I, p. 372.

36Paris, BnF, Doat, vol. XXXI, fo 196-197. Voir Lea H.-C., A History of the Inquisition, op. cit., I, p. 612.

37« Sed ad nullum aliud, quod istud officium impediat, vel impedire possit ullo modo, officium, vel exercitium compellantur. Nullum etiam conditum, vel condendum, eorum officium ullo modo valeat impedire. Si quis horum officialium propter ineptitudinem, vel inertiam, feu occupationem aliquam, vel excessum, Dioecesano, & Fratribus supradictis visus fuerit amovendus, ad mandatum, vel dictum eorum, teneatur, eum amovere Potestas, Capitaneus, vel quivis alius hujusmodi predictorum, & alium secundum formam prescriptam substituere loco ejus » (BOP, I, p. 463).

38BOP, I, p. 434.

39« Statutum civitatis, castri, villae vel alterius loci, per quod negotium inquisitionis haereticae pravitatis directe vel indirecte, ne in eo lìbere procedi valeat, contigerit impediri vel quomodolibet retardari […] si tale inventum fuerit, revocandum omnìno, vel saltera eatenus moderandum, quod per illud inquisitionis processus non impediantur vel ahquatenus retardentur, per censuram ecclesiasticam decernimus compellendos » (Sext., 5, 2, 9). Urbain IV suivait en cela Innocent IV, qui, par la bulle Ad extirpanda entendait contraindre les communes à intégrer dans leurs statuts la législation anti-hérétique : BOP, I, p. 209 ; BF, I, p. 608 ; Théry Julien et Gilli Patrick, Le gouvernement pontifical, op. cit., p. 569-588. Rome n’entendait pas laisser cette exigence lettre morte, comme le souligne Innocent IV lorsqu’il ordonne par la lettre Implacida Relatio à l’évêque de Mantoue d’excommunier pour entrave la commune et ses consuls s’ils refusent de révoquer des édits entravant l’Inquisition ; « statuta damnabilia ediderunt, perque negotium fidei, quod per Fratres ipsos salubriter geritur, ut in eo procedi libere nequeat, directe impeditur, vel etiam indirecte » (BOP, I, p. 357).

40Sext., 5, 2, 11.

41Sext. 5, 2, 18.

42Ce terme, forgé par Bernard Gui, lui permet de designer les « quasi-hérétiques », complices des parfaits selon l’inquisiteur, mais opposants à l’inquisition avant tout : voir Théry Julien, Hereticales and heretici: resistance to the inquisitorial persecution in Languedoc (1230-1330). Communication présentée au colloque « Heretical Self-Defence: Text, Law, Subterfuge, Flight and Arms ». Nottingham, Royaume-Uni (2018, avril), et sa contribution dans le présent volume.

43Bernard Délicieux est jugé, et condamné, sur des charges « tangentium fautoriam et impedimentum officii inquisitionis hereticae pravitatis » : Friedlander Alan, Processus Bernardi Delitiosi: The Trial of Fr. Bernard Delicieux, 3 September-8 December 1319, Transactions of the American Philosophical Society, vol. 86, Philadelphie, American Philosophical Society, 1996, p. 16-22.

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