Résister à la chasse aux sorcières
Le De synagoga demonum d’Humbert de Costa (o. carm.), c. 1470
p. 191-208
Note de l’auteur
Cet article a été présenté le 17 novembre 2021 dans le cadre du programme de recherche APR IA DIMAGIR (Divination, magie et répression à la fin du Moyen Âge), financé par la Région Centre-Val de Loire.
Texte intégral
1La dénonciation des abus de pouvoir imputés aux inquisiteurs dans l’exercice de leur fonction est aussi ancienne que l’Inquisition elle-même. Promulgué près d’un siècle après sa création, en 1312, par le concile de Vienne, le fameux décret Multorum querela qui oblige l’inquisiteur à collaborer avec l’évêque diocésain débute ainsi par une sévère critique de l’action inquisitoriale :
« De nombreuses plaintes ont été portées à la connaissance du Siège apostolique à l’effet que certains inquisiteurs désignés par le même Siège pour s’opposer à la dépravation hérétique, en sortant des bornes qui leur avaient été indiquées, étendent parfois à ce point l’exercice de leur pouvoir, que ce qui avait été salutairement prévu par la vigilance prudente de ce même Siège en vue de la croissance de la foi, tourne au détriment des fidèles, lorsque, sous prétexte de piété, des innocents sont accablés1. »
2Plus d’un siècle plus tard, l’avertissement de Multorum querela n’a pas été oublié par tous ceux qui tentent de s’opposer à l’essor de la chasse aux sorciers et aux sorcières. Parmi les rares voix qui s’élèvent dès le xve siècle pour dénoncer les violences procédurales infligées aux accusés par l’Inquisition (et d’autres tribunaux), celle du carme lyonnais Humbert de Costa mérite d’être entendue. Peu connue jusqu’à présent, cette « voix » de la résistance à l’Inquisition s’incarne dans un traité dense et touffu composé à Lyon vers 1470 : le De synagoga demonum (« De la synagogue des démons »). Resté jusqu’alors inconnu de la communauté scientifique, ce traité vient d’être retrouvé : dans l’attente d’une étude plus systématique en cours de réalisation, nous le présentons ici pour la première fois de manière nécessairement succincte.
3L’histoire du De synagoga demonum est d’abord celle d’un texte oublié et même occulté. Le traité d’Humbert de Costa semble avoir rapidement sombré dans l’oubli peu de temps après sa rédaction vers 1470. Il ressurgit brièvement au xviie siècle sous les yeux de l’érudit français Gabriel Naudé, avant de se perdre à nouveau jusqu’à son exhumation récente. C’est à Naudé, en effet, que l’on doit la première mention fugitive de ce traité rencontré presque par hasard à la bibliothèque pontificale2. Dans une lettre écrite à Rome, le 29 mars 1636, à l’intention de l’un de ses illustres amis, le grand érudit et collectionneur Nicolas-Claude Fabri de Pereisc, Naudé raconte comment, alors qu’il travaillait à la bibliothèque pontificale, il s’avisa soudain de la présence d’un livre abandonné sur un pupitre, sans protection particulière. Il le feuilleta rapidement, assez pour se rendre compte qu’il tenait entre les mains un traité attribué à un religieux de l’ordre des Carmes, un certain Humbertus de Costa, entièrement dirigé contre le principe de la réalité du sabbat des sorcières. Une allusion au roi de France, Louis XI, pique aussi sa curiosité de même que la présence de ce qu’il nomme un « décret de la Sorbonne » venant à l’appui des thèses de l’auteur. Ravi de sa trouvaille, enchanté de pouvoir ainsi converser par-delà les siècles avec un « galant homme de son opinion », Naudé demanda au bibliothécaire, le père Giustiniani, de lui donner l’autorisation de le copier. Bien à tort cependant, car ce dernier, après trois jours de réflexion, lui en refusa l’accès sous le prétexte que le traité d’Humbert de Costa contestait la compétence de l’Église en matière de sorcellerie. Un peu dépité, Naudé aurait alors tenté de discuter, en pure perte. Non seulement le gardien de la Vaticane ne lui remit pas le livre convoité, mais il s’engagea même à le dissimuler quelque part dans la bibliothèque « en tel lieu où personne ne le verroit jamais ». Fort contrarié, Naudé devait encore, des années plus tard, se souvenir de ce texte à peine entrevu et aussitôt escamoté, puisqu’il le mentionne une seconde fois, brièvement, dans le Mascurat, un ouvrage polémique composé en 1649 en faveur du cardinal Mazarin3.
4Séduits par ce scénario digne du Nom de la Rose et intrigués à notre tour par ce livre mystérieux, nous avons entrepris de le retrouver avec l’aide des différents catalogues de bibliothèque aujourd’hui pour la plupart numérisés. Cette recherche fut couronnée de succès puisqu’en dépit de la malédiction du père Giustiniani, nous avons pu remonter la piste jusqu’à l’ouvrage en question, toujours conservé à Rome, à la bibliothèque Vaticane, sous la cote Vat. Lat. 1055. Mieux encore, nous avons pu en identifier encore deux autres témoins, l’un à la Bodleian d’Oxford et l’autre à la Médiathèque Verlaine-Pontiffroy de Metz4. Sans pouvoir détailler ici la présentation des manuscrits5, on se contentera de préciser que celui de Rome (désigné sous le sigle V) restitue l’état le plus ancien du texte (vers 1471), tandis que celui d’Oxford (désormais appelé O) abrite la version la plus complète et la plus récente (vers 1473). Cette copie qui provient de l’abbaye de La Chaise-Dieu a également été validée par l’auteur en ce sens que celui-ci a systématiquement confirmé par une formule de constat juridique (« He Costa vidit ») toutes les pièces rassemblées dans le manuscrit avant d’apposer, à la toute fin, son propre paraphe (fo 88 vo). Le manuscrit de Metz (dénommé M) représente un état intermédiaire (vers 1472). Toutes trois probablement réalisées en France et dans une période très proche de la rédaction originale, ces copies se révèlent indépendantes l’une de l’autre. Elles pourraient fort bien en revanche procéder d’un seul et unique exemplar, une sorte de manuscrit autographe resté lui-même entre les mains de son auteur ; celui-ci ne cessant alors de retoucher et de compléter son texte au fur et à mesure de l’évolution du débat et de ses propres tribulations.
5Un premier examen superficiel de l’ouvrage permet de confirmer pour l’essentiel le rapide diagnostic porté en son temps par Gabriel Naudé : son auteur, Humbert de Costa, est bien un religieux et plus précisément un frère mendiant de l’ordre des Carmes alors rattaché au couvent de Lyon. Les données biographiques concernant le personnage sont encore très fragmentaires et éparpillées. Formé en théologie à l’université de Montpellier (et peut-être à celle de Paris), il est lecteur dans différents studii des carmes de la province de Narbonne, tels que Tournon en 1447-1448, puis Toulouse et Montpellier au début des années 1450. Après l’obtention de son titre de docteur en théologie (avant 1460), il réside principalement au couvent de Lyon, où il est attesté comme lecteur entre 1460-1463 et 1467-14696. En 1464, un document interne à l’administration de l’université de Montpellier, le Liber rectorum, le révèle en fâcheuse posture : il est amené, en tant que lieutenant du doyen de la faculté de théologie, à faire amende honorable devant ses pairs en réparation d’un affront infligé par les théologiens au recteur, un juriste gradué dans les deux droits7. Il élabore vraisemblablement son De synagoga demonum dans la seconde moitié des années 1460, au plus tard en 1470, puisqu’il se rend à Tours en novembre de la même année auprès du Conseil du roi, afin de solliciter sa protection et son soutien pour la diffusion de son traité. En parallèle, il effectue diverses tournées de prédication, notamment dans le diocèse de Lausanne en 1473, tout en restant rattaché au couvent de Lyon jusqu’à sa mort survenue après 1480 : la dernière attestation retrouvée de notre homme, alors âgé de 65 ans, est son témoignage lors de l’enquête de canonisation de Bonaventure en février 1480, toujours à Lyon8.
Premier aperçu : une œuvre dédiée à la critique du sabbat
6On se fera une idée plus précise de l’objet en présentant la structure et le contenu d’ensemble de l’ouvrage d’une bonne centaine de folios (sur la base de V). Un court prologue (fo 1 ro-vo) introduit le traité lui-même :
« Au nom de la sainte et indivise Trinité, du Père et du Fils et du Saint Esprit. Amen. Le fait étant bien connu que, selon le témoignage extrêmement fréquent de plusieurs hommes très pieux, certaines cruelles et grandes oppressions, hors de l’ordre du droit – comme il est rapporté, estimé et comme il a été dit et pensé de manière probable – sont durement exercées, sous les apparences de la piété, à l’encontre de plusieurs personnes simples et de plusieurs pauvres chrétiens, à cause de telle ou telle opinion de certains portée de façon inappropriée en justice, chose que la piété du Christ ne saurait tolérer. C’est la raison pour laquelle j’ai cru bon d’écrire les propositions suivantes et la suite afin, qu’en guise de remède salutaire, toute disposition soit prise de manière opportune pour empêcher que des innocents, dans ce cas particulier, soient lésés, [et cela] non pas en vue de soutenir les hérétiques, mais afin d’éviter la mort à tous ceux qui pourraient y être conduits de manière injuste ; ceci en accord avec la doctrine du docteur saint Thomas, dans la Somme théologique (2a, 2ae, question 70, article premier), disant que nous sommes tenus de délivrer un homme menacé injustement de la mort ou d’un châtiment quelconque, d’une infamie imméritée ou même d’un préjudice excessif à une injuste mort ou à une quelconque peine, ou d’une fausse infamie et même de n’importe quel dommage : “Et même si le témoignage n’était pas demandé, il faudrait faire tout son possible pour révéler la vérité à celui qui pourrait aider l’accusé”. Il est dit en effet dans le Psaume (81, 4) : “Sauvez le pauvre et l’indigent, délivrez-les de la main des méchants” et dans les Proverbes (24, 11) : “Délivre ceux qu’on envoie à la mort”, ainsi que dans la première Épître aux Romains (1, 32) : “Ils sont dignes de mort non seulement ceux qui agissent ainsi, mais ceux qui les approuvent”. Là où la glose dit que “se taire alors que l’on pourrait réfuter l’erreur, c’est l’approuver”9. »
7L’invocation traditionnelle à la Trinité divine qui lui sert d’incipit lui confère un caractère assez solennel et formel. Il semblerait que le début du prologue imite en réalité la rhétorique des lettres officielles, d’origine pontificale ou royale, requérant l’ouverture d’une enquête de type inquisitorial, c’est-à-dire sans intervention d’un accusateur sur la base de l’existence d’une simple rumeur (diffamatio ou infamia) : véhiculé par un groupe anonyme de pieuses personnes, un premier récit (relatio) dénonce, en effet, l’existence de cruelles oppressions qui auraient été commises en violation de l’ordre du droit (citra iuris ordinem) à l’encontre de simples fidèles. À l’origine de ces manquements au droit se trouverait une « certaine opinion » toxique dont la teneur n’est pas d’emblée précisée, mais dont le lecteur apprendra vite qu’il s’agit de la « synagogue des démons », autrement dit de la croyance dans la réalité du sabbat des sorcières. À défaut de pouvoir véritablement diligenter ce qui serait une enquête ou plutôt une contre-enquête à propos de ces méfaits, l’auteur, tout en se défendant de vouloir favoriser l’hérésie, se propose, avec ce traité, de combattre cette « opinion » afin de protéger les innocents menacés de mort et de fausse infamie (falsa infamia). C’est à ce titre et en marge de son prologue (du moins dans M au fo 229 ro et dans O au fo 1 ro, marge gauche) qu’Humbert de Costa renvoie son lecteur au préambule du décret Multorum querela qui faisait droit, comme on l’a rappelé, aux plaintes anonymes à l’encontre des excès de l’inquisiteur. Comme on le voit, le De synagoga demonum porte bien mal son nom, car c’est bien plutôt d’un Contre la « synagogue des démons », autrement dit d’un Contre le sabbat des sorcières, qu’il s’agit.
8Le prologue est suivi d’une sorte de table des matières (fo 1 vo-7 vo) supposée « faciliter » la lecture de l’ouvrage. Contrairement aux promesses de l’auteur, ce sommaire se révèle peu fiable : constitué de titres et d’extraits mis bout à bout, il se conçoit davantage comme une suite de repères qui jalonnent grossièrement la démonstration. Quoiqu’incomplet, il permet néanmoins de distinguer les principales articulations du traité.
9Le corps du traité se divise entre une première partie plutôt démonologique et une seconde partie davantage juridique et procédurale. La première partie plus théorique (fo 7 vo-46 ro) se subdivise en plusieurs sections qui reçoivent le nom de « conclusions ». De taille et d’importance très inégales, ces « conclusions » sont toutes assorties d’un certain nombre de « corollaires ».
10La première conclusion (fo 7 vo-10 ro) [De modo essendi angeli in corpore humano] aborde le problème de la corporéité des anges, c’est-à-dire la manière dont les anges, par définition des créatures spirituelles, peuvent revêtir une apparence corporelle ou même endosser des corps d’emprunts, pour mieux communiquer avec les hommes. La seconde (fo 10 ro-10 vo) [De cognitione demonum] tente de préciser l’étendue de la connaissance angélique, en particulier dans le domaine de la divination portant sur le futur. La troisième (fo 10 vo-13 vo) [De motu transeunte in rem exteriorem] insiste sur l’incapacité des anges à intervenir sur l’ordre physique des choses dont l’inaltérabilité est garantie par le Dieu créateur. Elle s’accompagne d’un développement sur les modalités de la sensibilité humaine mobilisant les vertus imaginatives, estimatives, fantastiques et mémorielles. La quatrième (fo 13 vo-23 vo) [De immutacione sensus hominis] rend compte de la capacité des anges à agir sur le corps et l’esprit des hommes. La cinquième conclusion (fo 23 vo-40 ro) [Sans titre] apparaît de loin la plus importante et forme sans conteste la pièce maîtresse du traité en même temps que sa part la plus originale et polémique. C’est également sur elle que la « Sorbonne », pour parler comme Gabriel Naudé, se focalisera plus tard dans son « décret ». À défaut de titre, les premières lignes de sa présentation dans le sommaire initial (fo 2 vo-3 ro) en donnent le thème principal : « Quedam pretensa sinagoga cum multitudine demonum et hominum fit per transmutacionem fantasmatum et per illusionem et non realiter in corpore », formule que l’on pourrait traduire ainsi : « Cette prétendue synagogue remplie d’une multitude de démons et d’hommes se produit par une mutation fantasmatique et par illusion et non réellement en corps. » Elle se révèle en effet tout entière dirigée contre la thèse réaliste du sabbat, telle que celle-ci, par exemple, fut soutenue par le théologien dominicain Nicolas Jacquier dans le Flagellum haereticorum (1458)10. Il reste que ce dernier n’est jamais explicitement désigné, du moins dans cette partie de l’œuvre. La critique du réalisme sabbatique s’étend même au-delà de la seule assemblée démoniaque pour concerner une thématique absente de l’œuvre de Nicolas Jacquier : le principe du vol nocturne des sectateurs du diable. L’auteur mobilise ici contre la position réaliste du sabbat, vol magique compris, l’ensemble de la tradition médiévale de l’illusion et de la métamorphose (notamment augustinienne), ainsi que le célèbre canon Episcopi11. La valeur stratégique de cette cinquième conclusion se lit également dans l’acharnement intellectuel avec lequel Humbert de Costa a complété son argumentation au fil de nombreux appendices ou corollaires (fo 29 ro-40 ro) qui donnent à cette cinquième conclusion une allure foisonnante. En dépit de sa lourde armature scolastique, la réflexion du frère carme offre à cet endroit du traité l’apparence d’un assez grand désordre. Elle consiste, en effet, davantage à accumuler des preuves et des autorités à l’encontre d’un discours préexistant, qu’à argumenter de manière suivie. Tout se passe un peu comme si l’auteur tentait de parer au plus pressé ou plus exactement éprouvait le besoin de revenir sans cesse à la charge pour mieux s’opposer à un danger mal défini et surtout difficile à maîtriser. L’analyse comparée des témoins manuscrits révèle également qu’Humbert de Costa a sans cesse retouché cette partie, en lui ajoutant notamment des gloses marginales (par exemple au fo 31 ro-vo) : des gloses jugées suffisamment importantes pour intégrer plus tard le texte principal dans la copie manuscrite intermédiaire (M, fo 245 ro). La même glose a été ajoutée à la fin de la version O, avec signe de renvoi, aux fo 80 vo-81 ro.
11Cette cinquième et dernière conclusion est encore suivie, sans que le sommaire initial l’annonce, d’une courte section autonome (fo 40 ro-46 ro) qui envisage sur un mode dialectique très scolastique une série d’objections soulevées à l’encontre des diverses conclusions, avec leurs réponses.
12La seconde partie du traité (fo 46 ro-103 vo), annoncée dans le sommaire comme étant celle où « il sera montré qui sont les hérétiques et comment il convient de procéder contre eux », est assez déconcertante au regard de ce qui précède et surtout du but que s’était assigné l’auteur dans son prologue. Elle se compose d’un assemblage assez complexe de citations empruntées à différents auteurs qui vont de l’inquisiteur catalan Nicolas Eymerich au juriste italien Ambroise de Vignate en passant par Thomas d’Aquin. Cette deuxième moitié du traité présente un fort caractère compilatoire dont la logique démonstrative n’est pas toujours évidente.
13L’auteur commence par dresser un tableau très normatif de la procédure inquisitoire applicable à l’hérésie (fo 46 ro-70 ro). Sans lien évident avec la sorcellerie démoniaque – le mot de synagoga daemonum disparaît alors complètement – le propos s’attache à traiter respectivement des différents statuts d’hérétiques (excommuniés, suspects d’hérésie, relaps, etc.) ; de la démarche procédurale à suivre en matière de foi (in causa fidei) ; ainsi que des différentes modalités d’introduction de l’instance (par la voie accusatoire, délatrice ou par le biais de la fama, etc.). Cet exposé formel de la procédure inquisitoire élaborée contre l’hérésie est littéralement démarqué du fameux manuel des inquisiteurs de Nicolas Eymerich, le Directorium inquisitorum (1376)12.
14À mi-parcours environ (fo 70 vo), le discours change sensiblement d’orientation pour aborder plusieurs cas litigieux tels que la divination par les sorts ou la confection de philtres amoureux dont l’appartenance à l’hérésie, à l’encontre cette fois d’Eymerich, est contestée. Sans véritable transition, l’auteur s’intéresse ensuite sur quelques folios (fo 76 ro-78 vo) aux conditions de validité des aveux obtenus en justice, en rappelant notamment aux juges la nécessité de disposer d’indices préalables suffisants avant de soumettre un accusé à la torture. On comprend mieux ce changement de tonalité si l’on s’avise qu’Humbert de Costa, délaissant la somme inquisitoriale d’Eymerich, sollicite désormais un autre traité plus récent, presque contemporain du De synagoga demonum : le De haeresi du juriste italien Ambroise de Vignate13.
15Ce traité fut composé vers le milieu du xve siècle – quelque part entre 1448 et 1468 – par un éminent juriste italien, docteur in utroque, proche de la maison de Savoie, au point d’intégrer vers 1450 le Conseil ducal cismontain, et dont l’essentiel de la carrière d’enseignant et d’expert juridique s’est déroulé à l’université de Turin14. Il n’est pas indifférent de noter que le duc Louis Ier de Savoie l’envoya en 1460 comme ambassadeur à Lyon où il a pu rencontrer Humbert de Costa.
16Son traité sur l’hérésie a pour visée principale de restreindre, par tous les moyens possibles, la qualification de l’hérésie, en même temps, bien sûr, que la juridiction de l’inquisiteur apostolique. Cette approche restrictive de l’hérésie se construit dans une opposition frontale avec le manuel des inquisiteurs d’Eymerich. Le juriste de Turin en reprend l’ordre de présentation pour le contester systématiquement du point de vue de la compétence inquisitoriale. Il pousse l’hostilité jusqu’à discuter le caractère hérétique de l’invocation des démons. Mais l’originalité principale du traité de Vignate réside dans son attention soutenue à la sorcellerie démoniaque de type sabbatique. Celle-ci fait l’objet d’une discussion majeure au centre du De heresi : celle-ci correspond à la questio 12 dont l’importance est telle qu’elle a pu également circuler de manière indépendante comme un petit traité autonome. Pour l’occasion, le juriste italien change d’ailleurs la forme de son argumentation en adoptant explicitement celle de la dispute scolastique qui revient à opposer le pour et le contre avant de proposer sa solution personnelle. Il n’hésite pas non plus à se faire théologien, en particulier pour discuter de la possibilité du sabbat au regard de la démonologie d’inspiration thomiste. À ce titre, Humbert de Costa le présentera d’ailleurs comme un juriste également « expert en théologie » (« Ambrosius de Vignate, egregius doctor et in theologia peritus », fo 74 ro). Il reste que la part la plus incisive de la critique de Vignate porte bien sur les aspects procéduraux de l’affaire : pour le juriste de Turin, il revient au droit savant de déterminer la vérité des accusations souvent fantastiques portées à l’encontre des sorciers et des sorcières. En découplant la sorcellerie, y compris sabbatique, de l’hérésie, Vignate peut partiellement reconstituer autour de l’accusé l’ensemble des garanties judiciaires qui le protégeaient contre les formes procédurales de l’exception, et surtout invalider les aveux relatifs au sabbat.
17Le De haeresi de Vignate a connu sur le moment une certaine diffusion en Italie, au point d’être relayé plus tard, en 1581, par l’imprimerie avec une édition commentée par Francisco Peña. Le fait de le retrouver dans le De synagoga demonum et en dehors de la péninsule constitue néanmoins une réelle surprise. On ignore de quelle façon le De haeresi est parvenu à la connaissance d’Humbert de Costa. Ce dernier était certes déjà établi à Lyon au moment du passage de Vignate dans cette ville comme ambassadeur du duc de Savoie. Mais ses liens avec les juristes de l’université de Montpellier – qui n’étaient pas que conflictuels – ont aussi et plus sûrement joué un rôle dans cette transmission. Il se trouve, en effet, que l’un des rares manuscrits du xve siècle comportant une version partielle du De haeresi, et aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale de France (Ms. lat. 3217), fut copié par un clerc du diocèse de Maguelone dont l’évêque exerçait formellement sa tutelle sur l’université de Montpellier15. L’ouvrage de Vignate représentait assurément pour un théologien comme Humbert de Costa une véritable aubaine. Ce dernier trouve chez le juriste de Turin ample matière à réflexion et surtout des références et des arguments d’ordre juridique susceptibles de renforcer son combat contre le réalisme du sabbat. Le citant nommément à plusieurs reprises, il recopie littéralement des pans entiers de son traité, tout en lui empruntant plus ponctuellement des arguments, comme ceux qui concernent justement la validité des aveux selon le droit criminel (fo 76 ro-78 ro).
18Après ce rappel impromptu sur la qualité probatoire des aveux, Humbert de Costa consacre un nouveau développement (fo 79 ro-92 vo) à différentes catégories de superstitions depuis l’idolâtrie jusqu’au port d’amulettes en passant par différentes techniques de divination. Ce passage provient tout droit et sans commentaire de la Summa theologica de Thomas d’Aquin (notamment la questio 95 de la Secunda secunde).
19Humbert de Costa achève sa démonstration (fo 93 ro-103 vo) sur une note plus juridique, là encore en grande partie dérivée de Vignate, où il revient sur la faible valeur des confessions extorquées sous la torture, sur la responsabilité morale et éventuellement pénale des juges qui condamnent des innocents et, enfin, sur la nécessité et la légitimité de la prédication en faveur du canon Episcopi.
20En définitive, la structure grossièrement binaire du traité, avec une première partie plutôt théorique et une seconde plutôt juridique, est révélatrice de la situation de l’auteur et de la nature de son engagement. Celui-ci ne combat pas seulement une « opinion » soutenue par d’autres théologiens, mais aussi des preuves constituées en justice à la faveur de procès en sorcellerie contemporains (même s’il ne les cite jamais précisément). En d’autres termes, la « synagogue des démons » à laquelle Humbert de Costa s’oppose n’est pas seulement faite de spéculations abstraites, mais encore de pièces de procédures, d’aveux couchés sur le papier susceptibles de faire preuve. À cet égard, il est significatif que le premier reproche adressé dans son prologue à ses adversaires anonymes soit de mettre la justice au service de leur fausse « opinion ».
21Cet aperçu du contenu du traité d’Humbert de Costa laisse également apparaître son caractère fortement compilatoire. Au premier abord, le De synagoga daemonum s’apparente à un « patchwork » de citations où la volonté de restituer le savoir le plus traditionnel et consensuel possible (à travers Thomas d’Aquin ou même Nicolas Eymerich) se conjugue à une réelle agressivité polémique quand il s’agit de contester la réalité du sabbat ou encore d’entrer dans le détail de l’obtention des aveux sur lesquels reposent les procès en sorcellerie. C’est là, bien sûr, que le recours au traité d’Ambroise de Vignate devient le plus sensible, mais une comparaison plus fine de la démarche des deux auteurs révèle cependant des décalages intéressants : Humbert de Costa semble davantage préoccupé par le problème de la réalité du sabbat, de sorte qu’il insiste beaucoup plus que Vignate sur son caractère illusoire. Le carme de Lyon ne conteste pas à proprement parler le principe des rencontres nocturnes avec le diable, mais il les cantonne exclusivement au domaine de l’illusion. De même, Humbert de Costa s’attache à intégrer le vol magique des sorcières dans le champ des impossibilia tandis que Vignate se contentait d’y inclure les transmutations réelles d’espèces (par exemple la transformation de la sorcière en souris). De telles nuances confortent l’impression que le carme de Lyon doit faire face à des adversaires fermement persuadés de la réalité du sabbat, voire du vol magique, dans un espace situé entre le royaume de France et les duchés de Bourgogne et de Savoie. Il est vrai que les accusations et les procès qui se multiplient dans ces régions depuis les années 1430 présentent justement de telles caractéristiques. On a pu avancer l’idée que le traité de Vignate, et plus particulièrement sa questio 12 consacrée aux striges, se voulaient une réponse plus ou moins directe à la pensée réaliste d’un théologien bourguignon comme Nicolas Jacquier16. Une telle appréciation mérite cependant d’être nuancée et même reconsidérée, car s’il existe un traité anti-Jacquier par excellence, c’est bien le De synagoga demonum.
22En effet, le Liber de synagoga daemonum est suivi d’un ensemble de pièces supplémentaires indépendantes de la démonstration. C’est alors que la pâle figure d’Humbert de Costa reprend soudain des couleurs, en même temps qu’un arrière-plan événementiel commence à se dessiner. L’examen de ces différents documents permet d’entrer dans les coulisses du Liber de synagoga pour découvrir, d’une part, les efforts de l’auteur pour diffuser son traité, d’autre part, ses méthodes de travail, en particulier sa lecture très critique des écrits de l’inquisiteur dominicain Nicolas Jacquier, qui, rappelons-le, considérait la sorcellerie démoniaque comme la pire des hérésies et plaidait pour l'exécution capitale des sorciers-fascinateurs.
Poursuivre et accréditer l’offensive : les pièces annexes au De synagoga demonum
23Ainsi que s’en était avisé l’œil expert de Gabriel Naudé, l’ouvrage ne se réduit pas au seul traité proprement dit, mais incorpore également d’autres textes adventices en forme de pièces justificatives dont voici la liste :
Lettre du roi Louis XI à l’université de Paris (V, fo 104 ro ; O, fo 79 ro-vo ; M, fo 288 vo-289 ro)
Détermination de Jean Luillier, doyen de Notre-Dame de Paris (V, fo 104 vo-106 vo ; O, fo 79 vo-80 ro ; M, fo 289 ro-vo) avec paiement.
Quittance délivrée par Henri Alexandre, bedeau de la Faculté de théologie (V, fo 105 vo ; O, fo 80 ro-vo ; M, absente).
Excusatio d’Humbert de Costa (V, absente ; M. fo 290 ro-vo ; O, fo 81 ro-81 vo).
Qualifications à propos des écrits de Nicolas Jacquier (O, fo 81 vo-88 ro).
Sans titre (Vers une censure pontificale de la prétendue synagogue des démons ?) [O, fo 88 ro-vo].
24Comme l’indique le tableau récapitulatif suivant, toutes les pièces ne sont pas recensées dans les trois manuscrits conservés. Seul le témoin le plus tardif (O) réunit l’ensemble des documents.
Tableau 1. – Tableau de synthèse des pièces annexes.
Pièces annexes | V | M | O |
Lettre royale | X | X | X |
Déterminatio | X | X | X |
Quittance | X | X | |
Excusatio | X | X | |
Qualificationes | X | ||
Vers une censure pontificale ? | X |
25Présent pour ainsi dire à l’identique dans les trois manuscrits, un premier sous-ensemble est constitué de la copie de trois « documents » qui nous éclairent sur la démarche d’Humbert de Costa auprès du Conseil du roi de France dans le triple but d’obtenir son approbation, sa protection et son soutien en faveur de la diffusion du Liber de synagoga.
Une lettre du roi Louis XI (no 1)
26La première pièce adventice au traité (no 1) fait état de la présentation par Humbert de Costa de son ouvrage devant le Grand Conseil royal réuni à Tours en 1470 (fo 104o). L’auteur qui entend placer son traité sous la protection du roi de France restitue « mot pour mot » la copie d’une lettre, rédigée en français, par laquelle Louis XI enjoint la Faculté de théologie de Paris d’examiner le traité en question avant de se prononcer sur la « requête » d’Humbert de Costa. Datée de Tours, le 24 novembre 1470, cette missive royale est adressée aux « doyen et maistres de l’Université de Paris en la Faculté de théologie ». À la suite de la lettre royale, figure le compte rendu à la troisième personne des démarches entreprises par Humbert de Costa lui-même auprès de l’université de Paris : le récit relate de quelle façon le frère carme remit son traité, accompagné de la lettre royale, entre les mains des représentants de la Faculté de théologie de Paris rassemblés en l’église Saint-Mathurin le 2 janvier 1471 (n. s.).
Une détermination contre le sabbat ? (no 2)
27Il s’ensuit alors, toujours dans les trois manuscrits, une « détermination » (no 2) de l’université de Paris, placée sous le nom du doyen de Notre-Dame, Jean Luillier, docteur en théologie (fo 104 vo-106 vo). Si la date précise de son élaboration demeure incertaine, elle doit cependant se situer entre le 2 janvier et le 11 mars 1471. Tout aussi inconnue jusqu’à présent que le texte du carme de Lyon, cette déclaration de Jean Luillier devant le Conseil royal constitue a priori le fruit de la consultation demandée par le roi. La découverte est de taille dans la mesure où cette détermination, s’il s’agit bien de cela, représenterait le seul témoignage connu d’une prise de position officielle de l’université de Paris concernant le sabbat des sorcières17. À y regarder de plus près, l’avis, détaillé en 4 articles, ne porte pas sur l’ensemble du traité, mais plus précisément sur l’une de ses parties réputées de major difficultas : il s’agit de la cinquième conclusion qui traite justement de la réalité de la sorcellerie ou de la « synagogue des démons ». En substance, la determinatio est catégorique quant au caractère illusoire du sabbat, voire du vol magique, en rappelant l’autorité du canon Episcopi. Elle invite à prévenir les crédules de leur erreur, en leur offrant le repentir, mais condamnent comme hérétiques et idolâtres ceux qui s’obstinent ou qui récidivent dans cette fausse croyance.
28Le document se conclut sur l’autorisation de publication du traité du carme, selon l’avis de Jean Luillier, avec mention de sa signature manuelle : « Ita mihi videtur publicandum doctori in theologia ordinis minoris teste signo manuali consueto. »
De l’or pour récompense (no 3)
29Dans les manuscrits V (fo 105 vo) et O (fo 80 ro-vo), mais pas dans M, un troisième et dernier document (no 3) vient clore ce premier sous-ensemble avec la demande faite par l’université d’une copie du traité qu’elle vient d’approuver, copie pour laquelle Humbert de Costa perçoit la somme d’un écu d’or auprès du principal bedeau de la Faculté de théologie, Henri Alexandre. La « cédule » qui enregistre la transaction datée du 11 mars 1471 est restituée de nouveau mot à mot.
30Ce premier sous-ensemble déjà pleinement constitué au moment de la réalisation de V (au plus tôt en mars-avril 1471) réunit ainsi des copies de documents (lettre royale, détermination, quittance) à caractère officiel, dont l’authenticité est garantie par le respect des formes notariales, telles que la mention d’un seing manuel ou des notaires présents18. Ces documents sont emboîtés dans un récit rédigé pour l’essentiel à la troisième personne dont le seul but semble de les relier entre eux. Sans encore entrer dans le détail de l’analyse de ces pièces, il convient de remarquer que celles-ci ne sont pas juxtaposées par hasard mais dessinent une séquence chronologique (échelonnée entre le 24 novembre 1470 et le 11 mars 1471) retraçant les étapes d’une procédure de reconnaissance officielle dont les acteurs principaux sont le Conseil royal, la Faculté de théologie de Paris, mais aussi le théologien Jean Luillier qui semble assurer le relais entre les deux autorités. Il semble que l’on ait voulu donner à l’ensemble de ce supplément toutes les apparences de l’authenticité : il s’agit bien de copies mais le locuteur se préoccupe de construire un cheminement cohérent et complet. Remarquons que ce locuteur n’est pas toujours le même : si Humbert de Costa inaugure la présentation de ce dossier sous son nom propre, il s’efface ensuite derrière une troisième personne fictive et anonyme. Le tout s’apparente à une procédure d’accréditation officielle. Si le manuscrit V s’achève sur la quittance du 11 mars 1471, tel n’est pas le cas de O ni de M. À partir de ce dernier manuscrit dont il faut sans doute placer la réalisation vers 1472, en tout cas avant celui d’Oxford, se distingue un second sous-ensemble de « pièces justificatives » absentes de V.
Un effort d’auto-justification (no 4)
31En effet, à la suite du traité De Synagoga demonum et de la determinatio parisienne, les exemplaires d’Oxford et de Metz (qui ne contient cependant pas la quittance d’Henri Alexandre) nous offrent un mot de justification (no 4) d’Humbert de Costa (une excusatio) à l’intention de ceux qui affirment qu’il aurait provoqué un « scandale » parmi la population en raison de ses positions (« Excusatio ipsius fratris Humberti ad eos qui dicebant per eum scandalum oriri in populo ex predictis positionibus »). Il commence ainsi sa défense :
« Certains, qui sont même dits experts en théologie, ont émis de graves plaintes contre moi devant mes supérieurs (maioribus), en disant que j’avais causé un scandale parmi la population et le clergé, en raison de la promulgation publique des propositions suscrites – qui ne sont pas les miennes, assurément, mais qui correspondent plutôt aux prescriptions canoniques – niant la prétendue synagogue. Il semblerait, comme certains l’affirment, qu’à cause de cette promulgation plusieurs simples fidèles dans le Christ ont été maltraités, contre l’ordre du droit. Or, ces propositions ont été promulguées, mises par écrit, discutées et examinées à l’université de Paris et dans plusieurs autres villes, en places publiques et dans des lieux insignes, et non pas secrètement ; aucun argument valide n’a été ni n’a pu être apporté contre elles de nulle part, que ce soit oralement ou par écrit19. »
32Où l’on apprend ainsi que les propositions du frère Humbert ont été fort mal reçues par des théologiens – ou prétendus tels –, qui s’en sont plaints auprès de ses supérieurs, soit potentiellement auprès du maître général de l’ordre, Jean Soreth (v. 1394-1471), en l’accusant non seulement de scandale, mais aussi d’avoir mal agi contre certaines personnes (sans en dire plus, malheureusement), à l’encontre du droit. L’accusation est grave. Humbert s’en défend, d’une part en précisant qu’il n’a fait que s’appuyer sur le droit canon, et d’autre part en rappelant que ces propositions ont fait ouvertement l’objet de discussions et de débats à l’université de Paris, et ailleurs, en place publique. La mention de l’institution parisienne évoque sans doute la determinatio rendue devant le Conseil du roi en 1471 par Jean Luillier, qui précède justement cette excusatio dans deux des manuscrits. Quant à l’insistance du carme sur le caractère public de ses propositions, elle renvoie assurément à son activité de prédicateur. On se plaît ainsi volontiers à imaginer notre carme dans le rôle d’un anti-Vincent Ferrier ou encore d’un anti-Bernardin de Sienne, dénonçant devant la population la réalité du sabbat et critiquant l’activité inquisitoriale. Ce portrait d’Humbert de Costa en prédicateur de choc, hostile à l’Inquisition, reste pour le moment très vague. Nous verrons plus loin de quelle façon il parvient à rejoindre la réalité dans un autre contexte et à un stade ultérieur de sa carrière de théologien et de prédicateur. Pour l’heure, vers 1470, il va de soi qu’une telle posture n’est pas sans danger : elle constitue certainement la source du scandale dénoncé à sa hiérarchie qui a cherché à le réduire au silence. C’est une chose de polémiquer entre théologiens, dans le secret des enceintes universitaires, c’en est une autre de le faire en place publique.
Détruire l’œuvre de Nicolas Jacquier (no 5)
33Si la version de Metz s’arrête à la fin de l’excusatio (fo 289 vo), le manuscrit d’Oxford nous offre une surprise de taille en poursuivant par six feuillets (fo 82 vo-88 vo) de notes inédites qui, sous le nom de qualificationes, visent directement les traités sur la sorcellerie de l’inquisiteur dominicain Nicolas Jacquier20 (no 5). Leur intitulé (fig. 1) est explicite :
« S’ensuivent les qualifications présentées aux dires de Nicolas Jacquier, de l’ordre des Prêcheurs, dans son traité qu’il nomme Flagellum fascinariorum, qui semble contredire plusieurs choses avancées ci-dessus21. »
34Ces feuillets ne sont pas signés de la main d’Humbert de Costa, mais leur contenu ne laisse aucun doute sur le fait qu’ils doivent se lire en complément de son traité comme autant d’arguments supplémentaires en vue de discréditer les écrits de l’inquisiteur bourguignon. Alors que Jacquier n’était jamais cité explicitement dans le tractatus proprement dit, il devient ici une cible manifeste. Le statut exact de ces notes est problématique et il est difficile de déterminer si elles furent rédigées avant l’écriture du traité ou bien après. Dans la première hypothèse, elles pourraient révéler en quelque sorte la genèse rédactionnelle du traité du carme, lecteur critique de Nicolas Jacquier. Dans la seconde, ces notes pourraient avoir été prises en vue de peaufiner un réquisitoire jusque-là implicite contre le théologien dominicain. Le fait est que ces pages originales du manuscrit O contiennent aussi, nous le verrons, quelques furtives indications postérieures à 1470 qui offrent une légère assise contextuelle au dossier, à l’instar d’une allusion au Conseil du siège archiépiscopal du Lyon, une mention du cardinal Guillaume d’Estouteville, ainsi que du pape Sixte IV.
35En substance, l’objectif principal d’Humbert de Costa est de démontrer, à l’encontre de Nicolas Jacquier, que l’existence de la « prétendue synagogue » est insoutenable et qu’elle s’oppose tout à la fois à des principes de la nature, de la théologie et du droit canon. Il s’en prend à des affirmations contenues dans plusieurs chapitres (6, 7, 18, 19/21, 24, 26 et 28) du Flagellum haereticorum (1458). Ces dernières font l’objet de critiques plus ou moins longues, suivant l’importance accordée. Le carme cite textuellement les passages du dominicain sur lesquels portent ses griefs, avant de présenter sa lecture sur le mode de la réfutation scolastique22.
36Pour mieux terrasser son adversaire, Humbert reproche à Jacquier sa mauvaise lecture de la Bible, des autorités (notamment d’Augustin et Thomas d’Aquin) ainsi que du droit canon (le sempiternel canon Episcopi, mais aussi In fidei favorem23). Du haut de son magistère, Humbert de Costa dénonce son usage de citations tronquées, ses propos confus, ambigus, dangereux et même inaudibles, et enfin ses erreurs en matière procédurale, en particulier au sujet des aveux et des témoignages.
37Dans ces quelques feuillets au caractère relativement désordonné, les critiques d’Humbert de Costa à l’encontre des propositions de Jacquier se déploient sur trois fronts principaux. En premier lieu, le carme conteste le caractère réel et corporel des manifestations des démons, clé de voûte de la pensée « réaliste » de Jacquier. Deuxièmement, il souligne l’absence de décret, de positionnement officiel des autorités, relatifs à l’existence du sabbat. Enfin, il remet en question la valeur des témoignages et des aveux recueillis en justice, souvent sous l’emprise de la torture. Ces trois points majeurs ne sauraient nous surprendre, car ils font très précisément écho aux grandes lignes de la démonstration du tractatus du carme.
38Dans le cadre de ces qualificationes contre Nicolas Jacquier, Humbert de Costa se livre encore au passage à une sévère critique du procès d’Inquisition intenté à Guillaume Adeline en 1453, alors que le dominicain le brandissait comme une preuve de la réalité du sabbat en raison des aveux extorqués à l’inculpé. Pour rappel, ce prédicateur itinérant – et carme à ses heures – avait tenu publiquement des positions hostiles au principe de la réalité du sabbat24. Il avait surtout été condamné à Évreux par un tribunal d’Inquisition pour avoir appartenu à la « très exécrable synagogue des vaudois ». Ses juges lui reprochaient notamment d’avoir soutenu en chaire la thèse du canon Episcopi sur ordre du diable, pour mieux dissimuler la secte et ses agissements ! Pour Humbert, ce procès n’est qu’une mystification, un jeu frauduleux (« iocum truffatorium »), et il estime absurde cette invitation du diable à prêcher l’illusion du sabbat. À travers l’affaire Adeline, Humbert de Costa égratigne de nouveau les inquisiteurs et leur usage abusif de la procédure extraordinaire, comme il le développe plus amplement dans son traité.
39Humbert de Costa n’est pas toujours facile à suivre dans son raisonnement, dans la mesure où il passe volontiers d’une idée à l’autre, sans fil directeur évident. La lecture de ces notes un peu disparates révèle sans doute ses inquiétudes sur le plan personnel : il pouvait légitimement craindre de subir le même sort que Guillaume Adeline. Il semble aussi et surtout en attente d’une prise de position plus ferme et générale des autorités constituées sur au moins deux points : d’une part en faveur de l’irréalité du sabbat, et d’autre part sur la valeur probatoire des aveux judiciaires. Il évoque ainsi à deux reprises des décisions à venir d’une cour supérieure, qu’il s’agisse de la Curie romaine ou du Parlement de Paris25. À l’évidence, le soutien de l’université de Paris, en partie accordé par la détermination de 1471, ne lui suffit pas, ou plus, en 1473. Humbert de Costa attend des autorités légitimes – de la papauté, mais aussi du roi de France à travers son Parlement – qu’elles se prononcent sur le sabbat et qu’elles condamnent ce qu’il qualifie d’invention toute récente : « a paucis temporibus citra inventa » (O, fo 88 ro). Et il entend bien, par le moyen de son traité, influer sur ces instances pour en obtenir une forme de censure.
Vers une censure de Nicolas Jacquier ? (no 6)
40La toute dernière pièce (no 6), très brève et uniquement contenue dans le manuscrit d’Oxford (fo 88 vo), esquisse justement cette censure tant attendue. Il s’agirait en substance d’« affirmer que cette prétendue synagogue revient à s’opposer aux Saintes Écritures, aux sacrés canons et à l’ordre de la nature, [et ceci] au grand préjudice, au scandale et la ruine d’innombrables âmes de fidèles chrétiens, ainsi qu’à la perte de leur honneur et de leurs biens26 ». Une censure de nature doctrinale, donc, mais dont la portée est aussi de sauver des vies, des âmes ainsi que l’honneur des victimes.
41Imbriquée dans cette ébauche de censure, une rapide allusion est faite à la démarche de l’auteur auprès du pape Sixte IV (9 août 1471-12 août 1484), pour lui présenter son traité et ses arguments contre la réalité du sabbat. Le cardinal de Rouen, Guillaume d’Estouteville, aurait joué les entremetteurs. Il rapporte en effet que ses propositions ont été examinées par le pape et par plusieurs cardinaux, et qu’ils les ont approuvées. L’un des exemplaires conservés du De synagoga demonum a en effet bien été en possession de Sixte IV et se trouvait même dans son cabinet de lecture27. Le manuscrit V a effectivement pu lui être transmis par Guillaume d’Estouteville, peut-être par l’entremise de Jean Luillier, à qui l’on doit la détermination de 1471 favorable au De synagoga demonum. Ce dernier s’est justement rendu à Rome en juillet 1472, comme ambassadeur de Louis XI en vue du concordat concernant l’abolition de la Pragmatique Sanction28.
42En définitive, le Liber de synagoga demonum, tel que reconstitué à partir des trois manuscrits conservés, forme un objet littéraire insolite et d’une grande complexité : à la présence d’un tractatus de forme traditionnelle, où la personnalité de l’auteur s’efface derrière le recours massif à l’intertextualité, vient s’adjoindre, en nombre variable selon les manuscrits, une série de pièces hétérogènes de plus en plus personnalisées. Si les premiers « documents » (no 1, 2, 3) déjà présents dans le manuscrit le plus ancien (V), ont essentiellement pour but de renforcer le crédit du tractatus proprement dit, les suivants (no 4, 5, 6) ajoutés dans les manuscrits les plus récents (M et O) sont plus difficiles à caractériser. Il s’agit surtout d’une succession de notes personnelles qui rendent compte d’une situation assez confuse où l’on peine à distinguer ce qui relève d’un avant la rédaction du traité (par exemple, sa relecture critique systématique contre l’œuvre démonologique de Nicolas Jacquier) et d’un après (par exemple, ses efforts pour obtenir de la papauté une condamnation de ce même Jacquier). Cette relative confusion temporelle pourrait résulter d’une double stratégie de la part d’Humbert de Costa. Il s’agit bien d’abord pour lui de se protéger contre une accusation d’hérésie ou d’hétérodoxie consécutive à la composition de son traité, comme le montre notamment son excusatio, ainsi que son évocation paradoxale du cas de Guillaume Adeline. Vraisemblablement, notre homme a subi des pressions pour qu’il se taise, comme l’excusatio le suggère. Sa stratégie n’est cependant pas que défensive. D’accusé, Humbert de Costa ne tarde pas à se transformer en accusateur et même en censeur : les dernières pièces complémentaires suggèrent la mise en place, dans le courant des années 1472 et 1473, d’une véritable contre-attaque qui vise à obtenir la condamnation, voire la censure, des thèses de Nicolas Jacquier et par là même celle de la doctrine réaliste du sabbat. À l’évidence, le conflit avec Nicolas Jacquier n’est pas encore tranché en 1473, au moment où Humbert de Costa fait établir une dernière copie de son dossier à l’abbaye de La Chaise-Dieu.
43L’année 1473 est également celle à laquelle nous retrouvons notre carme en pays de Vaud à l’occasion d’une tournée de prédication rétribuée par la ville d’Yverdon. À lire les succinctes mentions des comptabilités urbaines retrouvées, Humbert de Costa s’en est pris avec une certaine virulence aux agissements de l’Inquisition et n’a pas ménagé ses efforts pour combattre par la parole un inquisiteur qui « diffamait du fait d’hérésie les bonnes gens du pays », et cela par cupidité selon les notables d’Yverdon29. L’affaire super facto inquisitoris mobilise alors toutes les instances d’autorité durant l’été 1473 : les États de Vaud, le vicaire épiscopal, les syndics de Lausanne et le baron de Vaud, Jacques de Savoie. Si l’issue du conflit entre Humbert et l’inquisiteur n’est pas connue, on comprend que le but de la manœuvre est de déstabiliser en profondeur l’Inquisition en pays de Vaud : derrière l’inquisiteur toujours anonymisé, ce sont l’office et ses méthodes d’exception à l’ordo qui sont visées. Les États de Vaud tentent ainsi, en coordonnant les actions individuelles de certaines villes vaudoises, de limiter l’extension d’une forme de justice qui échappe à leur contrôle. Sans lien direct avec le De synagoga demonum, cette affaire vaudoise témoigne encore de la résistance intellectuelle du carme, attestée cette fois-ci en place publique, sur le terrain de la prédication, alors que la répression de la sorcellerie fondée sur le sabbat bat son plein dans cette région. Ces démarches ont certainement contribué à fragiliser l’office d’Inquisition qui, au début des années 1470, vit une période troublée, marquée par des contestations et des conflits30.
Conclusion
44Au stade actuel de nos recherches, bien des questions – qui sont loin d’être anodines – demeurent en suspens. Comment expliquer, par exemple, que ce texte paré de tous les certificats de bonne doctrine, approuvé par l’université de Paris, ait trouvé si peu d’écho ? Comment comprendre son extrême discrétion à l’égard des procès ou affaires en cours ? Quel est, par conséquent, l’arrière-plan factuel de ce traité ? Comment encore expliquer l’intérêt momentané, peut-être seulement conjoncturel, de la cour de France pour ce traité ? Jusqu’où la papauté l’a-t-il vraiment soutenu ?
45Quoi qu’il en soit, le traité d’Humbert de Costa brille d’un éclat singulier dans le paysage démonologique de la fin du Moyen Âge. Cet éclat ne tient sans doute pas au charisme intellectuel du personnage ou au brio de son intelligence – il y a incontestablement quelque chose de laborieux, d’un peu brouillon, dans la démarche d’Humbert de Costa – mais plutôt à une force de conviction personnelle qui l’amène à remuer ciel et terre, à déranger pape et roi, pour promouvoir ses idées et défendre sa cause ; une cause qui est aussi, comme le rappelle le prologue du De synagoga daemonum, celle de victimes très concrètes de la chasse aux sorcières.
46La vitalité de cet engagement se reflète dans ce qu’il reste de son œuvre : trois manuscrits aujourd’hui éparpillés aux quatre coins de l’Europe, mais toujours étroitement liés au départ à son action personnelle. Le texte de base sous-jacent à la tradition manuscrite conservée – qu’il faut supposer entre les mains d’un Humbert de Costa toujours en mouvement – se révèle un objet dynamique, sensible aux événements extérieurs, plus proche sans doute du dossier de travail, toujours en chantier, que de l’écrit d’emblée figé dans une démonstration impeccable et définitive.
47Pour l’heure, l’histoire d’Humbert de Costa et de son traité dessine un étrange parcours qui emboîte plusieurs échelles : celle du royaume de France vers lequel semble tout d’abord le porter son inspiration combative, celle de la Chrétienté ensuite avec la tentative d’approche du pape Sixte IV et enfin celle de la région lyonnaise et du pays de Vaud où son engagement contre le mythe du sabbat trouve des débouchés concrets. À défaut de parvenir à intéresser le roi et surtout le pape à son traité contre l’invention du sabbat, c’est surtout, semble-t-il, sur le terrain concret de la prédication que notre carme a prolongé la lutte. Il se pourrait qu’il ait enfin trouvé une oreille attentive à son discours auprès de communautés urbaines ou rurales soucieuses de résister à l’Inquisition et aux poussées de « l’extraordinaire », autrement dit de l’exception judiciaire, dont la chasse aux sorcières est devenue au xve siècle la principale vectrice.
Notes de bas de page
1Trad. fr. Alberigo Giuseppe (dir.), Les conciles œcuméniques, t. 2 : Les décrets, vol. 1, Paris, Cerf, 1994, p. 787. Le canon 26 du concile de Vienne (Multorum querela) intègrera rapidement le droit canonique dans les Clémentines, Clem. 5, 3, 1 (Corpus iuris canonici, éd. Emil Friedberg, II, col. 1181-1182).
2Les correspondants de Peiresc. 13, Lettres inédites écrites d’Italie à Peiresc, 1632-1636, Gabriel Naudé ; publiées et annotées par Philippe Tamizey de Larroque, Paris, 1887, p. 63-65.
3Gabriel Naudé, Jugement de tout ce qui esté imprimé contre le cardinal Mazarin (1649), Paris, 1650, p. 316-321.
4Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. Lat. 1055, fo 1 ro-105 vo ; Oxford, Bodleian Library, Ms. Laud Misc. 560 (S.C. 1224), fo 1 ro-88 vo et Metz, Médiathèque Verlaine-Pontiffroy, Ms. 482, fo 229 ro-290 vo. Le dernier manuscrit est composite. Nous remercions Maxime Gelly-Perbellini de nous avoir signalé l’existence du manuscrit messin.
5Nous réservons cette présentation détaillée pour une étude plus large en cours de finalisation.
6Wessels Gabriel, Acta capitulorum generalium Ordinis Fratrum B. V. Mariae de Monte Carmelo, vol. 1 ad anno 1318 usque ad annum 1593, Romae, 1912, p. 217 : (Chapitre général de Rome, 1447, sous Jean Faci) « Sequitur ordinatio pro studio Tholosano : Item ordinaverunt in Studio Tholosano ad Bibliam… ; pro anno 1451 Fr. Humbertus de Costa ». Voir aussi Miscellanea atque collectanea F. Roberti Bulle juniensis, Vesontione, 1768. Dijon, bibliothèque municipale, Ms. 620, fo 49 ro.
7Liber rectorum, Montpellier, Bibliothèque universitaire historique de médecine, Ms. H 595, fo 108 vo (CIIII). Sur cet épisode, voir également Germain Alexandre, « La faculté de théologie de Montpellier. Étude historique d’après les documents originaux », Académie des Sciences et des Lettres de Montpellier, Mémoire de la section des Lettres, t. VII, 1882, p. 279-349, sp. p. 284 et Pièce justificative III, p. 334.
8R. P. Bonaventura Marinangeli, « La canonizzazione di S. Bonaventura e il processo di Lione », Miscellanea francescana di storia, di lettere, di arti, mai-juin 1916, no 17, fasc. III, p. 84 et ibid., nov.-déc. 1917, no 18, fasc. VI, p. 125-135, sp. 129.
9V, fo 1 ro-vo : « In nomine sancte et individue trinitatis Patris et Filii et Spiritus sancti. Amen. Quia innotescit quod virorum plurium piorum nimis frequentata relacione quedam immanes oppressiones ac crudeles citra iuris ordinem ut fertur opinatur et probabiliter dicitur et extimatur a pluribus simplicibus quibusdam sub pietatis specie ac pauperibus christianis crebro exercentur propter quorumdam opinionem talem vel talem importune flagitancium quod non valet Christi pietas tollerare. Eapropter sequentes proposiciones et sequencia duxi scribere ut de remedio salubri citius ne forte innocentes in hac casu graventur provideatur oportune non ad fovendum hereticos, sed ad eripiendum illos qui forte iniuste ducuntur ad mortem, secundum doctrinam sancte Thome doctoris 2a 2e lxxa quaestio articulo primo dicentis quod tenemur liberare hominem ab iniusta morte seu pena quacumque vel falsa infamia vel etiam ab aliquo dampno. « Et si testimonium non requiratur alicuius tenetur facere quod in se est ut veritatem denunciet alicui qui ad hoc possit prodesse. Nam dicitur in Psal. : “Eripe pauperem et egenum de manu peccatoris” et Prov. xxiiiio : “Erue eos qui ducuntur ad mortem” et qui trahuntur ad interitum liberare non cesses et Ad Romanos primo : “Digni sunt morte non solum qui faciunt, sed etiam qui consentiunt facientibus”, ubi Glossa dicit : “Consentire est tacere cum posset redarguere” […]. »
10Sur ce point, voir Ostorero Martine, Le diable au sabbat. Littérature démonologique et sorcellerie (1440-1460), Florence, Sismel/Edizioni del Galluzzo, 2011, plus particulièrement p. 451-502.
11Grat. C. XXVI, q. 5, c. 12, Episcopi (Corpus iuris canonici, éd. Emil Friedberg, I, col. 1030-1031).
12Nicolas Eymerich, Directorium inquisitorum, éd. Francisco Peña, Rome, 1587. Édition et traduction française partielle dans Nicolau Eymerich et Francisco Peña, Le manuel des inquisiteurs, éd. Louis Sala-Molins, Paris, Albin Michel, 2001 (1973).
13Voir dans ce volume Mercier Franck, « Limiter l’hérésie ? Un discours de résistance face à l’Inquisition et au sabbat des sorcières. Le Tractatus de haeresi d’Ambroise de Vignate (vers 1468) ».
14Grosso Paolo, « Vignati (de Vignate), Ambrogio », in Dizionario biografico degli Italiani, Treccani, 2020, p. 255-258.
15Paris, BnF, Ms. Lat. 3217. Cf. Catalogue général des manuscrits latins, t. 4, Paris, Bibliothèque nationale de France, 1958, p. 362-363.
16Duni Matteo, « Doubting Witchcraft: Theologians, Jurists, Inquisitors during the Fifteenth and Sixteenth Centuries », Studies in Church History, no 52, 2016, p. 203-231, sp. p. 218.
17Mercier Franck et Ostorero Martine, « L’Université de Paris face à la sorcellerie démoniaque et à la magie au xve siècle », in Marco Cavina (dir.), L’università davanti alla stregoneria in Europa tra medioevo ed età moderna, Bologne, Il Mulino, 2022, p. 239-257.
18Par exemple, au terme de la determinatio : « Luillier hanc eciam determinacionem signavit suo signo manuali subcriptus hoc modo » (V, fo 105 ro-vo, O, fo 80 ro et M, fo 289 vo) ou à la fin de la quittance d’un écu d’or : « Actum Parisius […], etc., presentibus Jacobo de Ponte et Johanne Genest clericis, notariis publicis Andeganen. et Turonen. diocesium, testibus ad hec vocatis coram me notario apostolico et imperiali et curie Parisiensis jurato. F. Eynaudi. Deo Gratias. » (V, fo 105 ro et O, fo 80 vo).
19O, fo 81 ro : « Quidam, qui etiam periti in theologia dicebantur, graves querelas contra me coram maioribus meis proposuerunt, dicentes me in populo et clero scandalum generari ob causam publice promulgationis prescriptarum propositionum non mearum quidem sed potius canonicarum sanctionum negancium quamdam pretensam synagogam, ex qua, ut a multis magnifice declaratur, plures simplices Christi fideles contra juris ordinem gravari videbatur ; quequidem propositiones promulgate, cartulate, disputateque fuerunt in Universitate Parisiensis in plerisque aliis civitatibus, coram platis et locis insignibus, non latenter, contra quas nullum fuit nec potest esse validum argumentum nullibi adductum verbo vel scripto. »
20Sur les traités de Nicolas Jacquier, voir Ostorero, Le diable au sabbat, op. cit., p. 117-163 et 451-502 ; ead., « Vérités diaboliques et puissance divine. Le De calcatione demonum seu malignorum spirituum (1457), une première réflexion de Nicolas Jacquier concernant les démons et la sorcellerie », in Martine Ostorero et Julien Véronèse (éd.), Penser avec les démons. Démonologues et démonologies (xiiie-xviie siècles), Florence, Sismel/Edizioni del Galluzzo, 2015, p. 81-120 ; ead., « Promoter of the Sabbat and Diabolical Realism: Nicolas Jacquier’s Flagellum hereticorum fascinariorum », in Jan Machielsen (éd.), The Science of Demons: Early Modern Thinkers Facing the Devil, Londres, Routledge, 2020, p. 35-50.
21O, fo 82 ro : « Sequentur qualificationes ad dicta fratris Nicolay Jaquerii ordinis fratrum predicatorum in quodam tractatu suo quem nominat Flagellum fascinariorum positaque videntur contradicere aliquibus de supra positis. »
22Par exemple : « À sa première proposition, il faut répondre ceci […] » ou « Il faut dire à ceci, en le contredisant, que […] », etc. (« Ad ista dicendum est per ordinem ei contradicendo […] » ; « ad primam suam propositionem […] respondetur quod […] » ; « responsio ad predictam […] » ou encore « aliqua suorum dictorum dicendum est […] »).
23Sexte, 5, 2, 5 (Corpus iuris canonici, éd. Emil Friedberg, II, col. 1071).
24Ostorero Martine, « Un prédicateur au cachot. Guillaume Adeline et le sabbat », Médiévales, no 44, printemps 2003, p. 73-96.
25O, fo 87 vo : « Numquam credendum est illi processui nec illis confessionibus in eo contentis, quousque fuit decisus per curiam romanam aut saltem per parlamentum Parisiensis » et ibid., fo 88 ro : « illa synagoga pretensa ab ipso Jaquerii et confessata a multis, cui non est facile credendum, nisi fuerit pro curia determinatum. »
26O, fo 88 ro-vo : « Ponere illam synagogam sic pretensam, de qua agitur et ad intentionem quorumdam male sentiencium de sacris litteris, sacrisque canonibus ac ordine natura in hac re, ut sepe dixi palam verbo et scriptis, etiam sanctissimo Domino Nostro Pape Sixto IIIIto per reverendum in Christo patrem et dominum, dominum cardinalem Rothomagensem vulgariter nuncupatum, presentatis, ab eiusque Beatitudine visis et coram pluribus dominis cardinalibus et aliis non repulsis sed laudatis, est predictis sacris litteris, sacrisque canonibus ac ordini nature contravenire in grande preiudicium et scandalum seu ruinam innumerabilium fidelium Christianorum animarum ac jacturam honoris et bonorum eorumdem. »
27Piacentini Scarcia Paola, « Ricerche sugli antichi inventari della Biblioteca Vaticana: i codici di lavoro di Sisto IV », in Massimo Miglio et al. (dir.), Un pontificato ed una città: Sisto IV (1471-1484), Rome, Istituto storico italiano per il medio evo, 1986, p. 115-178, sp. p. 130, 138, 147.
28Ourliac Paul, « Le concordat de 1472. Étude sur les rapports de Louis XI et de Sixte IV », Revue historique de droit français et étranger, Quatrième série, no 20, 1942, p. 174-223.
29Archives communales d’Yverdon, Ba 10 (Comptes de ville 1470-1478), Comptes pour 1473, fo 30 vo ; Tallone Armando (per cura di), Parlamento Sabaudo, t. XII, Parte seconda: Patria oltramontana, vol. 5, Assemblee del paese di Vaud, 1260-1480, Bologne, N. Zanichelli, 1941, p. 378-379, no 6862 à 6864, à compléter par : Archives communales de Moudon, Compte 1472-1473, fo 79 ro ; Morerod Jean-Daniel, « S’ouvrir à d’autres sources : les visages de la sorcellerie et de sa répression au centre de l’Europe (1420-1481) – Partie II : un inquisiteur saisi par le vertige de la subversion (Pays de Vaud savoyard, 1470-1473) », in Loïc Chollet et al., Altérité et déviance religieuse. Regards sur l’hérésie entre Europe et Extrême-Orient, Turnhout, Brepols, à paraître ; Ostorero Martine, « “Sorcière”, “fils de vaudois” ! Comment réagir face à la rumeur infamante de sorcellerie ? (Duché de Savoie-Suisse occidentale, xve-début xvie siècles) », Micrologus, 32, 2024 : « Dicitur ». Hearsay in Science, Memory and Poetry, p. 371-401, sp., p. 390-398.
30Modestin Georg, « L’inquisition romande et son personnel », in Ostorero Martine et Utz Tremp Kathrin, en collaboration avec Modestin Georg, Inquisition et sorcellerie en Suisse romande. Le registre Ac 29 des Archives cantonales vaudoises (1438-1528), Lausanne, université de Lausanne, Section d’histoire, 2007, p. 317-411, sp. p. 364-372 ; id., « Controverses autour des procès de sorcellerie en ville de Lausanne pendant l’épiscopat de Benoît de Montferrand (1476-1491) », in Antoine Follain et Maryse Simon (dir.), La sorcellerie et la ville. Witchcraft and the City, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2018, p. 51-61.
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Contester l’Inquisition (xiiie-xve siècle)
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