Appel au pape et résistance à l’Inquisition en France au xive siècle
p. 115-128
Texte intégral
1Depuis la fin du xiiie siècle, le pape se présente de manière croissante comme l’un des interlocuteurs principaux auquel s’adresser afin de combattre les dérives de l’Inquisition. Durant cette période, se multiplient les efforts pour endiguer les irrégularités de l’office ou résoudre des situations de conflit en recourant à l’autorité du pape. La plainte, la querelle, ou encore l’appel au tribunal suprême de la papauté apparaissent ainsi comme des instruments potentiellement efficaces pour se soustraire à une procédure ou limiter l’action des juges de la foi. Sollicitée de cette façon, l’intervention du souverain pontife est multiple : elle détermine le transfert d’une procédure à la Curie, le règlement par le haut d’un conflit de juridictions ou l’instruction d’une enquête contre le personnel de l’Inquisition.
2L’implantation de la Curie en Avignon semble contribuer à renforcer ce processus. Comme plusieurs recherches conduites dans les dernières décennies l’ont montré, le fort élan conféré à la construction de la souveraineté pontificale au xive siècle s’accompagne en effet d’une véritable multiplication des enquêtes instruites par le Siège apostolique. D’une part, la cour pontificale se fait un laboratoire intellectuel de premier plan dans l’élaboration de nouvelles délimitations de l’hérésie, donnant lieu à des censures et des condamnations1. D’autre part, elle s’appuie avec insistance sur la voie judiciaire, érigée en véritable moyen de gouvernement2. Comme l’a souligné Julien Théry, plusieurs de ces poursuites peuvent être ainsi assimilées à une sorte d’« interventionnisme théocratique » de la papauté, au sein d’un système « proto-administratif », dans lequel les formes du gouvernement pontifical demeurent largement judiciaires3. Dans cette dernière perspective, plusieurs recherches récentes ont éclairé l’importance des poursuites menées contre les rebelles et les ennemis de la papauté en cette période, notamment sous le pontificat de Jean XXII, au croisement entre espace politique, juridique et religieux4. À la suite d’une multiplication des enquêtes pontificales contre des religieux, commencée aux xiie-xiiie siècles5, on a également relevé qu’au xive siècle les inquisiteurs figurent de manière croissante parmi les cibles de ces procès6. Centralisation pontificale et prolifération d’enquêtes semblent ainsi constituer au xive siècle un terrain favorable pour plusieurs parcours juridiques visant à combattre l’Inquisition au moyen de l’intervention du pape.
3En gardant les traces de nombreuses protestations parvenues au Siège apostolique, les registres des papes d’Avignon constituent des observatoires privilégiés sur la variété des tentatives de résistance aux inquisiteurs recourant à l’autorité du pape. Les finalités de ces démarches sont multiples : il s’agit à la fois de limiter l’intervention des inquisiteurs pontificaux, d’encadrer leurs collaborations, d’en rectifier les déviances et d’empêcher leur action répressive. Ces parcours centripètes de l’administration de la justice sont parfois encouragés par l’initiative individuelle de plaideurs ou par d’autres sujets touchés par une procédure défavorable, mais ils naissent souvent avec le concours d’autorités locales. Répondre à de telles sollicitations constitue pour le Saint-Siège un moyen d’apaiser des conflits locaux, pour superviser l’activité des juges délégués et pour assurer ainsi la pureté et l’efficacité de l’office. Mais surtout, cette action semble offrir à la papauté un moyen de réaffirmer une centralité et une plénitude de puissance, en faisant écho à des mécanismes plus vastes caractéristiques de cet « âge des procès7 ».
4Cette contribution se penche notamment sur trois dossiers de l’espace français. Tirés des registres pontificaux de la première moitié du xive siècle, ils sont relatifs à des phénomènes de résistance anti-inquisitoriale faisant appel à l’autorité du pape. Il s’agira d’abord d’examiner les vicissitudes d’un complot anti-inquisitorial ourdi sur le territoire de Valence, pour se pencher ensuite sur le transfert d’un procès de Paris à Avignon et aborder enfin la matière de la dénonciation des excès d’un notaire de l’Inquisition languedocienne. Le but de l’analyse est d’éclairer, à partir de ces cas, pourquoi et comment l’intervention pontificale est sollicitée dans une pluralité de situations d’opposition, ouverte ou cachée, à l’action des inquisiteurs. Il en ressort notamment les différents rôles joués par le recours au pape face à des cas de contestation violente, à des conflits de compétence ou à des demandes de supervision sur des procédures réputées injustes. Afin de mieux apprécier l’apport effectif de ces parcours, qui demeurent tout à fait exceptionnels, il nous faudra prendre en compte les acteurs concernés, ainsi que les démarches entreprises au niveau central en réponse à ces protestations. Ayant en commun le recours à la juridiction suprême du souverain pontife, ces dossiers permettent, chacun à leur manière, d’investiguer les rapports qui s’établissent entre résistance à l’Inquisition et centralisation judiciaire.
5Le recours en appel à un tribunal supérieur offre en effet une opportunité sans égale, définie par le droit, de se soustraire à une sentence désavantageuse, d’échapper aux velléités persécutrices d’autorités antagonistes, ou encore de rectifier des irrégularités procédurales. Suivant une tradition juridique ancienne, il constitue non seulement le moyen le plus sûr de corriger les défauts d’une sentence « après jugement », mais même « dès avant le jugement » lorsqu’un juge supérieur manifeste l’intention de poursuivre une procédure, en prenant une cause en main. De ce fait, on peut recourir en appel contre une sentence réputée injuste, mais aussi contre la menace d’une telle sentence. Les pages qui suivent traiteront à la fois d’appels préalables et successifs à la sentence, de façon à éclairer les opportunités de résistance à l’office offertes par le droit et encouragées par l’articulation multiple des tribunaux de l’Église8.
6En France, notamment dans le Midi, la proximité de la ville pontificale semble encourager le dépôt de plaintes et les recours en appel, favorisant le transfert de documents, d’accusés et de témoins. Les registres des papes d’Avignon témoignent ainsi de nombreuses procédures commencées localement et transférées ensuite à la Curie, concernant des cas d’abus et de violation des règles par le personnel de l’Inquisition. À ce propos, la documentation disponible éclaire la complémentarité des tentatives de limiter l’espace d’autorité des inquisiteurs par le haut et par le bas : il s’agit d’une part des efforts de la papauté pour surveiller les dégénérescences de l’office, d’autre part des ambitions d’individus ou de pouvoirs locaux de contrer les inquisiteurs par l’intermédiaire du pape.
7L’ingérence pontificale dans une poursuite judiciaire se vérifie parfois dans des contextes de résistance violente contre les inquisiteurs. En France, on le sait, ces phénomènes caractérisent notamment les décennies qui suivent l’installation de l’office. Les révoltes urbaines qui éclatent dans le Languedoc dans les années 1230 marquent déjà une période particulièrement bouillonnante de l’opposition anti-inquisitoriale9. En 1234, une émeute urbaine trouble Albi, où un groupe de citoyens frappe et menace l’inquisiteur suite à des exhumations posthumes, tandis qu’une véritable guerre partage la ville de Narbonne en deux partis, l’un en faveur de l’archevêque et de l’inquisiteur, l’autre du vicomte10. En 1235, c’est le tour de Toulouse, où l’inquisiteur Guillaume Arnaud, puis les Prêcheurs, sont chassés de la ville11. En 1242, se produisent les célèbres meurtres de deux inquisiteurs et de leur suite, commis à Avignonet par une quarantaine de nobles et de chevaliers12. Les années 1280-1307 sont encore le théâtre de révoltes urbaines en Languedoc, donnant lieu à une ligue anti-inquisitoriale. Le chef emblématique de la coalition, le frère Mineur Bernard Délicieux, sera condamné à Avignon en 1319 pour avoir entravé l’Inquisition et incité plusieurs villes à la sédition13. C’est sous l’impulsion de ses prédications, animées par le mépris du système inquisitorial, que les portes des prisons de Carcassonne sont forcées lors d’une émeute populaire en 130314. L’activité de Délicieux s’entremêle notamment avec l’histoire tourmentée de la résistance des Albigeois contre les persécutions de l’inquisiteur Jean Galand et de l’évêque Bernard de Castanet15.
Un complot anti-inquisitorial sur le territoire de Valence
8Même si les échos des émeutes urbaines du Languedoc se propagent jusqu’au pontificat de Jean XXII, les cas de contestations violentes de l’office sont plus rares dans les registres du xive siècle. Constitué d’une série de lettres produites par Jean XXII en novembre 1321, le premier dossier analysé ici témoigne d’une véritable conspiration ourdie dans la vallée du Rhône. Cathala Faure et Pierre Pascal, vicaires de l’inquisiteur de Provence Jacques Bernard, y sont assassinés à proximité de Valence16. Envoyés instruire le procès contre plusieurs hérétiques de ce diocèse, ils sont surpris pendant la nuit au prieuré de Montélier, où ils logent : la porte de leur chambre est abattue à coups de hache et les conspirateurs les blessent violemment et à plusieurs reprises, entraînant leur mort. Destinées à solliciter l’intervention de l’inquisiteur en charge, des évêques de Valence et de Viviers, des seigneurs locaux et des communautés citadines, les lettres envoyées par le pape sur cette affaire s’attardent délibérément sur la cruauté de l’assassinat17.
9Par une autre missive, adressée ensuite à l’inquisiteur Jacques Bernard par le comte de Valentinois, on apprend que les officiers de ce dernier ont arrêté trois responsables18. Les documents pontificaux suggèrent cependant que les personnes impliquées dans l’assassinat étaient plus nombreuses ; il s’agissait d’une « multitude d’autres complices […] munis d’armes de diverses genres » (« multitudo aliorum suorum complicium […] diversis armorum generis praemunita19 »). Si cette indication est fiable, l’assassinat de Montélier apparaît comme un épisode de résistance collective contre l’Inquisition, qui ne tarde pas à solliciter l’intervention du pape en soutien aux officiels inquisitoriaux et aux autorités impliquées dans la poursuite des conspirateurs20.
10L’écho des évènements relatifs à l’assassinat est d’autant plus amplifié que l’enquête contre les comploteurs se mêle tout de suite à une présomption de sainteté : la nouvelle (multorum relatio) s’est en effet répandue que les deux vicaires inquisitoriaux auraient confessé leur foi lors de leur martyre et que plusieurs guérisons miraculeuses seraient survenues sur leur tombeau dès le transfert de leurs corps dans l’église des Mineurs de Valence. Jean XXII charge donc les évêques de Valence et de Viviers d’instruire une enquête parallèle visant à vérifier la vérité de ces faits21.
11En dépit de son caractère incomplet, la documentation qui nous est parvenue est révélatrice de la pluralité des intérêts en jeu et du conflit potentiel des juridictions impliquées. D’une part, le pape revendique la supervision du procès des conspirateurs, en soulignant qu’en cas d’incertitude ou de difficulté les autorités citées devront soit transférer les coupables au Siège apostolique, soit consulter ce dernier22. D’autre part, la lettre du comte de Valentinois fait mention d’une dispute qui l’a opposé à l’inquisiteur de Provence à propos du procès instruit contre les responsables. Lorsque l’inquisiteur demande au comte de lui livrer les trois prévenus détenus dans ses prisons, ce dernier refuse, craignant les effets qu’une telle procédure produirait sur nombre de ses sujets (multi de terra nostra) soupçonnés d’hérésie. Afin de soustraire le cas à la juridiction inquisitoriale, il se résout alors à lancer un appel au pape (qui judex est omnium), en déclarant son intention de faire conduire les prisonniers à Avignon23. La documentation produite autour du meurtre du Valentinois témoigne ainsi d’un cas de double résistance à l’Inquisition, d’une part une conspiration violente aboutissant à la mort de deux commissaires inquisitoriaux, d’autre part la tentative de contourner la procédure inquisitoriale en tirant profit des opportunités offertes par le droit d’appel à la justice du pape. Alors que rares sont les cas de résistance violente, collective ou individuelle, qui émergent des registres avignonnais, le recours en appel au pape joue un rôle beaucoup plus significatif, en offrant à toutes les parties en cause les avantages d’une brèche laissée béante dans la rigidité du mécanisme juridictionnel.
Le transfert d’un procès de Paris en Avignon : le cas du seigneur de Parthenay (1323-1325)
12L’efficacité de cet instrument pour se défendre d’une poursuite inquisitoriale en tirant profit d’une situation de conflit de compétences est éclairée par un autre dossier conservé dans les registres de lettres de Jean XXII. Il s’agit de la démarche judiciaire entreprise en 1323 par le puissant seigneur de Parthenay Jean l’Archevêque contre l’inquisiteur de la province de Tours, le frère Prêcheur Maurice de Saint-Paul24. Le cas, qui selon plusieurs contemporains ne relève guère du domaine de l’hérésie, se situe au croisement entre rivalités locales et conflits de compétences et mobilise les divers appareils, centraux et périphériques, des justices de l’Église.
13Plusieurs lettres envoyées par Jean XXII entre 1323 et 1326 résument l’état de la question25. L’aristocrate Jean l’Archevêque a été arrêté et emprisonné à Paris sur ordre de l’inquisiteur de Tours et personne n’a été autorisé à lui rendre visite : ni sa femme, ni ses proches, ni clercs ou conseillers, bien qu’il soit peu chevronné en matière de droit (« juris ignarus seu inscius et in simplicitate militari nutritus »). Mais surtout, l’accusé soutient que l’inquisiteur le persécuterait pour des raisons de haine personnelle (« ex odii fomite »), en lui attribuant des propos « en saveur d’hérésie26 ». Afin de se soustraire à la procédure engagée par le frère prêcheur, le noble se résout donc à récuser son juge et à lancer un appel au Siège apostolique (« ad Sedem apostolicam appellatum ») avec le soutien de sa femme et de ses proches. Mais la tentative de se défendre des accusations calomnieuses du juge en passant par la voie du droit provoque en retour la réaction de l’inquisiteur, qui menace tout de suite d’excommunication les notaires qui veulent se charger de la rédaction de ces actes27. Une fois apporté en Avignon, l’appel est encore ignoré par l’inquisiteur, qui continue à persécuter le noble28.
14L’intervention du pape ne se fait pas attendre : elle vise tout d’abord à la résolution des conflits de compétence relatifs à cette affaire, pour se pencher ensuite sur la matière même de l’accusation, évaluée grâce à la consultation d’avis faisant autorité. Sans retirer encore l’affaire à l’inquisiteur Maurice, Jean XXII lui défend le 5 septembre 1323 de prononcer une sentence sans avoir d’abord consulté l’ordinaire du diocèse d’origine de l’accusé (Poitiers). Au cas où celui-ci ne voudrait ou ne pourrait pas quitter son territoire pour se rendre à Paris, l’affaire sera alors confiée aux évêques d’Arras et de Viviers : la collaboration initiale entre l’inquisiteur et l’évêque de Paris (diocèse où le noble a été emprisonné) est ainsi tout de suite découragée29. De leur côté, l’inquisiteur et l’évêque de Paris feront appel à leur tour au pape afin de pouvoir poursuivre l’enquête conjointement30.
15Différents conflits de compétence se mélangent évidemment dans le procès de Jean de Parthenay, non seulement en raison des appels multiples lancés au Saint-Siège, mais aussi à cause du déplacement immédiat de l’enquête en dehors du diocèse de l’accusé. La solution proposée initialement par Jean XXII après consultation des cardinaux est de laisser Maurice de Saint-Paul conduire le procès sur place tout en délimitant le champ d’action de l’inquisiteur. Le pape autorise ainsi le Dominicain à mener des enquêtes même à l’extérieur de sa circonscription inquisitoriale31. En outre, il contrôle d’en haut la désignation de l’autorité épiscopale compétente : il s’agit à la fois de relancer la collaboration entre inquisiteur et évêque déjà réglementée par le Concile de Vienne et de nommer l’ordinaire destiné à prendre en charge l’affaire. Cette dernière question semble problématique notamment à cause de la multiplicité des domiciles de Jean de Parthenay, d’où la décision du pape de retirer l’enquête à l’évêque de Paris, considéré comme juge illégitime pour ce cas, et d’adjoindre à l’inquisiteur les évêques d’Arras et de Viviers. Ces prélats, comme l’explique le pape, devront prendre part à toute la procédure et en cas d’absence, recevront tous les actes du procès32.
16Mais la supervision pontificale sur l’enquête va bien au-delà de ces interventions. Plusieurs lettres produites entre décembre 1323 et septembre 1324, ainsi qu’un avis rédigé à la Curie, attestent que le procès est finalement transféré en Avignon, profitant cette fois de l’influence de l’accusé dans les milieux royaux. On cherchera à ajouter de nouvelles preuves. En décembre 1323, l’inquisiteur se rend à la cour pontificale, où il est écouté en tant que partie et non plus de juge, puis congédié même si certains souhaitent le retenir33. En juillet 1324, Jean de Parthenay arrive à son tour à la Curie, escorté de deux officiers royaux34. En septembre, le pape convoque également en Avignon plusieurs témoins35. L’enquête menée jusque-là à Paris est donc invalidée et Jean de Parthenay est interrogé à nouveau, tout en s’appuyant sur ses dépositions précédentes : les interrogatoires se déroulent d’abord devant le pape, puis devant une commission pontificale réunie « in nostro consistoriali palatio » et composée de quatre prélats : les évêques d’Arras et de Viviers déjà cités, et les auditeurs Bertrand de Déaux, archevêque d’Embrun, et Raymond de Moustuéjouls, évêque de Saint-Papoul36.
17De quelles accusations s’agit-il ? Les correspondances pontificales n’enregistrent que des indications assez vagues concernant l’« hérésie, l’idolâtrie et les sortilèges, autant simples, qu’ayant saveur d’hérésie37 ». Plusieurs informations supplémentaires, relatives à la pratique de la magie pour des buts amoureux, émergent toutefois au sein d’un avis recueilli au sujet de la même enquête. Une fois transféré au Siège apostolique, le dossier de Jean de Parthenay est soumis à l’examen d’une commission de jurisconsultes dont fait partie le juriste lombard et avocat consistorial Oldrado da Ponte38. L’avis qu’il rend aux commissaires pontificaux nous est parvenu dans ses célèbres collections de consilia, réunissant les opinions que le juriste avait rendues pour plusieurs clients, notamment pour la cour avignonnaise39. Suivant de peu la consultation de 1320 qui prépare la rédaction de la bulle Super ilius specula, l’examen du dossier de Jean de Parthenay par un éminent maître de droit traduit une inquiétude croissante pour les phénomènes de magie, envoûtement et invocation de démons chez Jean XXII et s’insère dans la toile de fond d’une multiplication des enquêtes concernant les faits magiques à la cour pontificale40.
18L’avis d’Oldrado s’articule autour de deux noyaux thématiques principaux, concernant d’un côté la nature des faits qui font l’objet de l’enquête et leur éventuelle qualification d’hérésie, de l’autre côté la qualité des preuves apportées pour et contre l’accusé41. Tout d’abord, le juriste se demande si les accusations attribuées à Jean de Parthenay sont assimilables à la notion d’hérésie, dont il apporte une définition tirée du Décret de Gratien42. En s’appuyant également sur les décrétales, il démontre que « les sortilèges simples, les filtres amoureux et l’assomption consciente de l’hostie non consacrée n’ont pas une saveur manifeste d’hérésie43 ». Contrairement à Augustin et Thomas d’Aquin, et à l’inquisiteur qui avait entamé la poursuite, il considère notamment la fabrication d’images pour susciter l’amour d’une femme comme une pratique superstitieuse plutôt qu’hérétique et dénie la nature hérétique des invocations du démon pour des buts amoureux, la tentation étant elle-même propre au Malin44. En outre, selon Oldrado deux circonstances atténuantes supplémentaires contribueraient à diminuer la culpabilité de l’accusé : d’une part la « simplicité militaire » (simpicitatem militarem) du seigneur de Parthenay, peu habitué aux subtilités théologiques, d’autre part la « folie d’amour » (furor amoris) qui l’aurait obnubilé lors des faits susmentionnés45.
19Par la suite, l’avis du juriste porte sur la qualité des preuves rassemblées à partir des dépositions de l’accusé et de plusieurs témoins. Quant à Jean de Parthenay, sa confession ne semble nullement lui nuire. Oldrado se penche plutôt sur la faible fiabilité des témoins convoqués. Il s’agit en premier lieu de deux frères Prêcheurs, « auxquels il ne faut pas croire » : ils s’éloignent souvent du rôle de témoin pour assumer celui de juge et livrent leurs dépositions de manière astucieuse et malicieuse, en se contredisant souvent l’un l’autre. En outre, une inimitié personnelle aurait profondément entaché leurs dépositions : non seulement « ils sont des associés de l’inquisiteur », mais surtout « des ennemis du seigneur Jean de Partimacho, guidés par des sentiments excessifs envers leur ordre et envers l’office d’Inquisition46 ». L’évidence documentaire produite au cours de la procédure d’appel est invoquée pour appuyer ces remarques : les membres de la commission, précise Oldrado, pourront personnellement vérifier le bien-fondé de telles observations sur le cahier des dépositions apporté en Avignon, en marge duquel les vices susmentionnés ont été mis en évidence. En outre, d’autres lettres apportées en Avignon font apparaître le témoin Jean de Bordineria, un frère Prêcheur, comme vrai « adulateur » et « traître » de l’accusé. Les autres témoins ne semblent pas plus fiables : il s’agit du juif converti Jean de Forez, marqué par une vie médiocre et des comportements scélérats, et de deux ennemis de l’accusé, une femme et un certain Jean, qui seraient à l’origine de l’infamia47. Un certain Alain Breton, habitant de Parthenay et proche de l’accusé depuis longtemps48, et le noble Hugues Bisto figurent enfin parmi les témoins49. Sur la base de tout cela, Oldrado conclut en demandant l’absolution de Jean de Parthenay : cet avis sera finalement accueilli par Bertrand de Déaux et Raymond de Mostuéjouls, les deux auditores causarum contradictarum chargés par le pape de prononcer la sentence50.
20Le dossier de Jean de Parthenay est propre à éclairer à la fois les opportunités et les limites d’une démarche centralisée de la justice. Autour de cette procédure, se joue d’une part la protestation relative au droit de conduire une enquête : le recours à l’autorité supérieure du pape marque alors un passage nécessaire afin de débloquer les rouages de la justice en réglant une situation de conflit de compétences. Le cas échéant, l’enquête devra être transférée à la cour pontificale. Le but est cette fois d’assurer un verdit péremptoire : l’adjonction de nouvelles preuves et la consultation d’experts visent ainsi à parvenir à une sentence définitive. D’autre part, le procès de Jean de Parthenay illustre les limites de l’appel au pape en tant qu’instrument de défense. Les opportunités de se soustraire à une poursuite inquisitoriale augmentent en fait avec le rang de l’accusé : le transfert définitif de la cause de l’aristocrate auprès du pape ne pourra s’effectuer que grâce à ses relations dans l’entourage du roi. C’est peut-être dans ce contexte qu’il faut relire la constitution d’une commission évaluatrice et la consultation d’un éminent jurisconsulte sur un cas qui se situe aux limites de l’hérésie.
Autour de l’activité d’un notaire de l’Inquisition : Menet de Robécourt
21L’ingérence du pape dans les affaires des tribunaux de la foi est souvent requise par des manifestations de dévoiement de l’office, marquées par les excès ou les négligences des frères en charge. Les dysfonctionnements relevant de la pratique inquisitoriale sont multiformes : on dénonce l’utilisation abusive de la torture, la cupidité des juges et l’utilisation partiale des documents. Comme Lorenzo Paolini l’a relevé, surtout à partir du pontificat de Boniface VIII et dans les premières décennies du xive siècle, la papauté intensifie ses efforts de contrôle de l’office en recourant à des procédures judiciaires dirigées contre des inquisiteurs. Les dérives financières de l’office font, en particulier, l’objet de nombreuses enquêtes51. Portant une attention particulière au contexte italien mieux documenté, plusieurs études menées dans les dernières décennies ont démontré que la gestion des biens confisqués aux hérétiques offrait des opportunités d’enrichissement qui conféraient à l’inquisiteur un rôle économique de premier plan. Cette situation aboutissait à de nombreux cas d’extorsion, de falsification et d’accaparement de biens52. Au xive siècle, la tentative d’exercer une quelconque forme de contrôle sur la gestion des finances inquisitoriales demeure ainsi une des formes les plus notables d’ingérence de l’autorité centrale dans les affaires des tribunaux locaux.
22La plupart de ces poursuites concerne des inquisiteurs de l’aire italienne, mais plus sporadiquement elles sont également dirigées contre le personnel des tribunaux français. En 1344, Clément VI entame par exemple une information à propos du frère Prêcheur Arnaud Mandavin, lieutenant de l’inquisiteur de Poitiers à l’époque des faits, devenu inquisiteur lui-même. D’après une plainte parvenue à la Curie par le clerc Alain Bourret d’Exideuil, Arnaud avait incarcéré son père Guillaume Bourret sous prétexte d’hérésie, pour lui extorquer de l’argent. Cette opération avait reçu le soutien de prête-noms se faisant passer pour des créanciers du détenu. En outre, l’officiel inquisitorial engrangea d’autres profits lors de la libération de Guillaume Bourret, par la nomination de quatre fidéjusseurs tenus de payer une amende de cent marcs d’argent. Même la mort de l’accusé, survenue sept ans avant l’intervention du pape, ne parvient pas à interrompre ces vexations : dans le but de recueillir toutes les sommes relatives aux amendes, Arnaud Mandavin n’hésite pas à excommunier les fidéjusseurs et à exiger des paiements supplémentaires en échange de l’annulation des censures. Seule une intervention peut faire cesser les abus en cours, en donnant lieu à la restitution de l’argent extorqué, à l’absolution des fidéjusseurs et à la publication d’un mandat de comparution de l’inquisiteur à la Curie53.
23Un des dossiers les plus remarquables concernant la remise en cause des abus de l’Inquisition française est constitué par une série de lettres papales liées à l’activité du notaire Menet de Robécourt. Cette affaire était déjà connue par Jean-Marie Vidal, qui a reconstruit la participation active du notaire aux travaux de plusieurs tribunaux du Midi : il y figure en tant que collaborateur de l’inquisiteur de Carcassonne depuis 1320 et notarius apostolicus depuis 1323, membre de plusieurs assemblées consultatives réunies par les inquisiteurs de Toulouse et de Carcassonne, actif dans les villes de Montpellier, Albi et Pamiers54.
24Comme il ressort de plusieurs lettres pontificales, l’activité du notaire justifie de graves accusations d’abus, de violation des règles et de corruption, non sans la complicité des inquisiteurs en charge55. En outrepassant son rôle de notaire, il exerce souvent des fonctions d’inquisiteur pendant l’absence du responsable de l’office. À Montpellier, vers 1325, il procède avec une sévérité immodérée contre Pierre de Tournemire, un prêtre provenant d’une famille de rang élevé, accusé d’avoir adhéré à la secte des Béguins pendant une période de six mois quand il n’avait que douze ans56. Pour cela, Menet emprisonne d’abord le religieux à Montpellier puis le fait conduire à cheval jusqu’à Carcassonne même s’il est gravement malade, presque mourant, sans tenir compte ni de son état de santé, ni de l’avis des médecins, ni de la généreuse indemnité offerte par ses amis. De nouveau interrogé par Menet à propos de ses déviations présumées, Pierre de Tournemire décède dans la prison inquisitoriale et est privé de sépulture ecclésiastique. Malgré plusieurs requêtes de ses proches et amis pour accéder aux actes et en dépit de leurs nombreuses protestations, la mémoire du prêtre demeure entachée d’hérésie pendant une trentaine d’années. En 1343, Clément VI ordonnera à l’inquisiteur Aymon de Caumont d’écouter les plaignants57. Mais ce n’est qu’en 1357 que la longue procédure se termine avec la réhabilitation posthume du prêtre : le verdict est cette fois confié à une assemblée de vingt-sept conseillers réunis à Montpellier, parmi lesquels le juriste Étienne Troche, qui démontrent l’irrégularité du procès-verbal rédigé par Menet58.
25Comme on l’apprend des registres de Benoît XII, en d’autres occasions le notaire semble s’être comporté en inquisiteur en l’absence du responsable du tribunal. À Albi, par exemple, Menet en arrive à recueillir les dépositions des accusés à la place de l’inquisiteur. En 1334, les plaintes relatives à cette violation de la procédure parviennent à Avignon, où une délégation de cinq consuls albigeois, parmi lesquels Géraud Coll, rencontre le cardinal Jacques Fournier dans l’espoir qu’il intercède auprès du pape. À cette occasion, ils dénoncent les injustices commises dans leur ville par plusieurs laïcs, « qui se disent jurés de l’office d’Inquisition » et oppriment les citoyens et leur extorquent de l’argent. Les consuls remarquent notamment qu’il serait bien qu’aucun notaire n’instruise de procès ni ne recueille de dépositions en l’absence de l’inquisiteur en charge : une pratique que Fournier lui-même déclare avoir évitée lorsqu’il était évêque de Pamiers59.
26Quelques années plus tard, Menet cherche à se venger de ces accusations, en ouvrant à Albi une véritable enquête contre le dit Géraud Coll et les autres consuls qui avaient porté plainte contre lui, pour les faire condamner comme fauteurs de l’hérésie et ennemis de l’Inquisition. Fournier revient sur l’affaire après son élection au Siège apostolique, en optant encore une fois pour faire transférer l’enquête à Avignon : le notaire et les cives d’Albi sont ainsi convoqués à la cour pontificale60, où la cause est confiée au cardinal Bertrand de Montfavez61. Les plaintes contre Menet sont rassemblées dans un livret, réclamant la destruction des documents relatifs à l’enquête d’Albi et demandant que le notaire produise, s’il le possède, le mandat qui l’aurait autorisé à conduire cette procédure. Après plusieurs séances, la cause passe à nouveau du cardinal au pape, pour être ensuite confiée au cardinal Pierre Bertrand. De nouveaux témoins sont convoqués et le cardinal analyse et publie les actes du dossier avant d’en faire rapport au pape62. Le 18 février 1340, Benoît XII prononce la sentence en consistoire : en raison du procès qu’il avait instruit sans en avoir l’autorité, le notaire est destitué à perpétuité de toute fonction auprès des tribunaux d’Inquisition, sa procédure est annulée et la bona fama du consul est rétablie. En outre, comme il le sera précisé au mois d’août suivant, Menet est tenu de payer à Géraud Coll une indemnité de 150 florins d’or à titre de remboursement des frais judiciaires63.
27En dépit de cette sentence, Menet paraît loin de cesser ses fonctions. Au contraire, des dérives de corruption, d’extorsion et de recours immodéré à la torture marquent son activité auprès d’Aymon de Caumont, inquisiteur de Carcassonne. Clément VI en est informé en janvier 1343. L’occasion est donnée cette fois par le procès instruit contre Jean de Lambers, un juif converti dénoncé pour hérésie. Face à plusieurs dépositions délivrées à sa charge par des clercs et laïcs des diocèses d’Albi et de Castres, le prévenu se refuse à comparaître et cherche à corrompre Menet, en lui offrant de l’argent en échange d’une intervention en sa faveur. Le « soi-disant notaire et commissaire de l’Inquisition » se prête évidemment à cette requête et exerce des pressions – promesses, terreur et même violence – pour que les témoins accusateurs modifient leurs propos. N’arrivant cependant pas à obtenir des dépositions plus favorables, il cherche ensuite à fausser les procès-verbaux. Ces opérations, effectuées jusque-là par le notaire, obtiennent bientôt le soutien de l’inquisiteur en charge : espérant passer sous silence l’affaire, Aymon de Caumont fait arrêter en 1342 les témoins et les emprisonne, en les détenant au cachot sine aliqua culpa. Mais les abus commis par le notaire corrompu sont loin d’être oubliés, ce qui nécessite encore une fois une régulation au niveau central : grâce à l’intervention de Clément VI en réponse aux suppliques des témoins emprisonnés, l’enquête sera finalement confiée à l’évêque de Carcassonne64.
28Comme il ressort de ces trois cas relatifs aux activités de Menet de Robécourt, les protestations conduites contre un notaire de l’Inquisition accusé de recours immodéré à la violence, corruption et violation répétée des règles, favorisent à plusieurs reprises une démarche centripète des actions de résistance. Portée à l’attention du cardinal Fournier à l’initiative de cinq consuls, l’enquête sur les irrégularités commises à Albi est transférée à la cour avignonnaise, où la destitution du notaire est prononcée. Le cas de Jean de Lambers montre encore une fois que seule l’intervention du pape entame une nouvelle étape de l’enquête contre le notaire responsable de violence, de corruption et de falsification d’actes de procès, en passant par la désignation de l’autorité compétente pour suivre l’affaire localement. La longue durée de l’iter conduisant à la réhabilitation posthume de Pierre de Tournemire démontre cependant toutes les limites de ces tentatives de contrer le personnel inquisitorial : ce n’est qu’avec un retard d’une trentaine d’années que les plaideurs obtiennent le verdict souhaité, prononcé après consultation d’une assemblée de conseillers.
29Malgré leur diversité, les dossiers ici pris en considération partagent des traits communs, qui nous permettent d’esquisser quelques éléments de réflexion. Le recours à l’autorité du pape – effectué à travers un appel, une supplique, ou une plainte apportée à la Curie – semble un instrument incontournable pour s’opposer à l’office par la voie judiciaire. Préalable ou successif à une sentence, il peut constituer pour les prévenus de l’office une opportunité de se défendre. On utilise ces moyens afin de combattre des abus ou de se soustraire à une procédure. Il s’agit souvent de jouer de manière avantageuse autour d’un conflit de compétences : on s’adresse au pontife dans le but d’obtenir un changement des juges en charge d’un procès, au préjudice des inquisiteurs ou de leurs associés. Plus rarement, on recourt en appel dans le but de faire transférer une enquête à la Curie, la proximité à la cité pontificale favorisant le déplacement d’hommes et de documents. Ces démarches ont pour effet de limiter l’efficacité d’une poursuite inquisitoriale, sinon de la bloquer. Elles arrivent à modifier le rôle des inquisiteurs de juges en partie en cause. Elles sont propres à renverser des sentences ou à réviser des chefs d’accusation sur la base d’avis spécialisés ou de l’acquisition de nouvelles preuves. Globalement, elles offrent aux communautés des opportunités remarquables de s’affranchir des officiels pontificaux. En même temps, elles favorisent l’ingérence de l’autorité pontificale dans les affaires de l’office, en rencontrant ainsi les ambitions de centralisation et d’affirmation d’un pouvoir relancées par les papes avignonnais.
30Une telle opération s’avère cependant lacunaire. Elle se déroule parfois sur des rythmes excessivement lents, parfois pluri décennaux, qui ne peuvent satisfaire aucune tentative vraiment efficace de s’opposer à l’Inquisition. D’autres fois, les procédures sont renvoyées à rebours par le pape à la régie d’acteurs locaux, sans que l’on puisse en suivre la conclusion. Des réserves supplémentaires concernent les possibilités réelles de défense liées à la pratique de l’appel : comme le montre le cas du sire de Parthenay, l’accessibilité même à cet instrument juridique paraît proportionnée au rang des prévenus, ce qui révèle la nature tout à fait exceptionnelle du transfert d’un procès à la Curie65. De plus, les enquêtes conduites autour des excès des officiels inquisitoriaux n’aboutissent guère à la cessation de leurs fonctions : Menet paraît encore actif et prêt à se laisser corrompre même après la sentence de destitution prononcée en consistoire. Ces observations éclairent toutes les limites du recours au pape comme moyen de se soustraire aux démarches et aux dérives de la justice inquisitoriale : il s’agit surtout d’une opportunité, parfois plus symbolique que réelle, de contourner une autorité moyennant une autorité supérieure, qui demeure pourtant éloignée. Comme d’ailleurs le souligne Jean-Louis Biget, « l’Inquisition met en jeu les vies, les privilèges et les biens sans qu’on ne puisse rien contre elle, sauf à en appeler au pape, appel malaisé à interjeter et à faire aboutir66 ».
Notes de bas de page
1Parmi les nombreuses études sur les controverses avignonnaises et sur les procès qui les suivirent, je renvoie notamment à Trottmann Christian, La vision béatifique : des disputes scolastiques à sa définition par Benoît XII, Rome, École française de Rome, 1995 ; Boureau Alain, Le pape et les sorciers. Une consultation de Jean XXII sur la magie en 1320, Rome, École française de Rome, 2004 ; id., Satan hérétique. Histoire de la démonologie (1280-1330), Paris, Odile Jacob, 2004 ; Tabarroni Andrea, Paupertas Christi et apostolorum. L’ideale francescano in discussione (1322-1324), Rome, Istituto Storico Italiano per il Medio Evo, 1990 ; Burr David, The Spiritual Franciscans. From Protest to Persecution in the Century after Saint Francis, University Park, Penn State University Press, 2001, p. 191-204 ; Lambert Malcolm, Franciscan Poverty. The Doctrine of the Absolute Poverty of Christ and the Apostles in the Franciscan Order 1210-1323, Londres, SPCK, 1961, p. 208-246 ; Miethke Jürgen, « Papst Johannes XXII. und der Armutstreit », in Angelo Clareno Francescano. Atti del 34. Convegno internazionale: Assisi, 5-7 ottobre 2006, Spolète, Centro italiano di studi sull’alto Medioevo, 2007, p. 263-313 ; Piron Sylvain, « Censures et condamnation de Pierre de Jean Olivi : enquête dans les marges du Vatican », Mélanges de l’École française de Rome – Moyen Âge, no 118, 2006/2, p. 313-373 ; id., « Avignon sous Jean XXII, l’Eldorado des théologiens », in Jean XXII et le Midi, Cahiers de Fanjeaux, no 45, 2012, p. 357-391 ; je me permets de renvoyer également à Bueno Irene, Defining Heresy. Inquisition, Theology, and Papal Policy in the Time of Jacques Fournier, Leyde, Brill, 2015.
2Chiffoleau Jacques, « Le procès comme mode de gouvernement », in L’età dei processi. Inchieste e condanne tra politica e ideologia nel ’300, Rome, Istituto Storico Italiano per il Medio Evo, 2009, p. 321-347. Sur les usages politiques de la justice, voir Bercé Yves-Marie (éd.), Les procès politiques (xive-xviie siècle), Rome, Ėcole française de Rome, 2007, notamment Contamine Philippe, « Inobédience, rebellion, trahison, lèse-majesté : observations sur les procès politique à la fin du Moyen Âge », p. 63-82.
3Gilli Patrick et Théry Julien (dir.), Le gouvernement pontifical et l’Italie des villes au temps de la théocratie (fin xiie-mi-xive s.), Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2010, p. 15-22.
4Voir notamment Brufani Stefano, Eresia di un ribelle al tempo di Giovanni XXII: il caso di Muzio di Francesco d’Assisi, con l’edizione del processo inquisitoriale, Spolète, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 1991 ; Parent Sylvain, Dans les abysses de l’infidélité. Les procès contre les ennemis de l’Église en Italie au temps de Jean XXII (1316-1334), Rome, École française de Rome, 2014 ; id., Le pape et les rebelles : trois procès pour rébellion et hérésie au temps de Jean XXII (Marche d’Ancône, Romagne, Lombardie), Rome, École française de Rome, 2019 ; Danelli Tiziana, Inquisizione, frati Minori e cittadini di Todi (1329-1356), Spolète, Fondazione Centro italiano di studi sull’Alto Medioevo, 2018 ; Benedetti Marina, « Giovanni XXII, gli inquisitori, la disobbedienza », in Giovanni XXII. Cultura e politica di un papa avignonese, Spolète, Fondazione Centro italiano di studi sull’Alto Medioevo, 2020, p. 239-264.
5Théry-Astruc Julien, « “Excès”, “affaires d’enquête” et gouvernement de l’Église (v. 1150-v. 1350). Les procédures de la papauté contre les prélats “criminels” : première approche », in Patrick Gilli (dir.), La pathologie du pouvoir : vices, crimes et délits des gouvernants. Antiquité, Moyen Âge, époque moderne, Leyde, Brill, 2015, p. 164-236.
6Sur l’ensemble de ces procédures en Italie, voir notamment Paolini Lorenzo, « Le finanze dell’inquisizione in Italia (xiii-xiv sec.) », in Gli spazi economici della Chiesa nell’Occidente mediterraneo (secoli xii-metà xiv), Pistoia, Centro italiano studi di storia e d’arte, 1999, p. 441-481, en particulier p. 477-481 ; Parent Sylvain, « Entre extorsion de fonds et procès truqués. Le contrôle de l’activité des inquisiteurs en Italie au xive siècle », in Franck Mercier et Isabelle Rosé (dir.), Aux marges de l’hérésie. Inventions, formes et usages polémiques de l’accusation d’hérésie au Moyen Âge, Rennes, PUR, 2018, p. 297-299.
7Voir L’età dei processi, op. cit., et en particulier Chiffoleau Jacques, « Le procès », art. cité.
8Amanieu A., « Appel », in Raoul Naz (dir.), Dictionnaire du droit canonique, Paris, Letouzey et Ané, 1935, t. I, col. 765-770 ; Padoa-Schioppa Antonio, « La delega “appellatione remota” nelle decretali di Alessandro III », in id., Studi sul diritto canonico medievale, Spolète, Centro italiano di Studi sull’alto medioevo, 2017, p. 199-208 ; id., « I limiti all’appello nelle decretali di Alessandro III », in ibid., p. 209-228.
9Pour le Languedoc, voir le tableau d’actes violents de résistance collective présenté dans Given James, Inquisition and Medieval Society: Power, Discipline and Resistance in Languedoc, Londres, Cornell University Press, 2001, p. 112-117.
10Douais Céléstin, L’Albigéisme et les frères Prêcheurs à Narbonne au xiiie siècle, Paris, Picard, 1894.
11Biget Jean-Louis, « L’Inquisition et les villes du Languedoc (1229-1329) », in Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.), Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2007, p. 527-551.
12Dossat Yves, « Le massacre d’Avignonet », in Le credo, la morale et l’inquisition, Cahiers de Fanjeaux, no 6, 1971, p. 343.
13Friedlander Alan, Processus Bernardi Delitiosi. The Trial of Fr. Bernard Delicieux, 3 September-8 September 1319, Philadelphia, American Philosophical Society, 1996 ; id., The Hammer of the Inquisitors. Brother Bernard Délicieux and the Struggle against the Inquisition in Fourteenth Century France, Leyde, Brill, 2000.
14Vidal Jean-Marie, Bullaire de l’Inquisition française au xive siècle et jusqu’à la fin du grand schisme, Paris, Letouzey et Ané, 1913, no 2, p. 5 et no 4, p. 13-15.
15Théry Julien, Fama, enormia : l’enquête sur les crimes de l’évêque d’Albi Bernard de Castanet (1307-1308). Gouvernement et contestation au temps de la théocratie pontificale et de l’hérésie des bons hommes, thèse, dir. Jacques Chiffoleau, université Lumière Lyon 2, 2003 ; id., « Les Albigeois et la procédure inquisitoire : le procès pontifical contre Bernard de Castanet », Heresis, no 33, 2001, p. 7-48.
16Eubel Konrad, Bullarium franciscanum, Rome, Typis Vaticanis, 1898, t. V, no 453, p. 215-216 ; ibid., no 454, p. 217. Vidal Jean-Marie, Bullaire, op. cit., no 33-35, p. 64-66. Sur ce cas, voir Chevalier Jules, Mémoire historique sur les hérésies en Dauphiné avant le xive siècle accompagné de documents inédits sur les sorciers et les vaudois, Valence, Jules Céas et fils, 1890, p. 12-16 ; Chiffoleau Jacques, « L’inquisition franciscaine en Provence », in Frati minori e Inquisizione, Spolète, Centro italiano di studi sull’Alto Medioevo, 2006, p. 270-271.
17« Immani et terribili impetu irruerunt ac in eorum capitibus, cervicibus atque membris tot atrocia et lethalia vulnera terribilibus ictibus frequentius iterarunt, ut, quamvis ad extinctionem eorum pauca de dictis vulneribus sufficissent, illam in cruenta caede ipsorum rabidam ostenderent feritatem, ut non videretur de nimietate plagarum posse ipsorum crudelitas satiari » (Eubel Konrad, Bullarium franciscanum, op. cit., t. V, no 453, p. 216).
18Chevalier Jules, Mémoire historique, op. cit., no 1, p. 14.
19Eubel Konrad, Bullarium franciscanum, op. cit., t. V, no 453, p. 216.
20« Invocantes ad exequenda praemissa dilectorum filiorum comitum, baronum, militum et nobilium aliorum, universitatum civitatum, castrorum et villarum » (Eubel Konrad, Bullarium franciscanum, loc. cit.).
21Ibid., no 454, p. 217.
22Ibid., no 453, p. 216.
23Chevalier Jules, Mémoire historique, op. cit., no 1, p. 14-15.
24Vidal Jean-Marie, Le Sire de Parthenay et l’Inquisition (1323-1325), Paris, Imprimerie nationale, 1904 ; Vidal Jean-Marie, Bullaire, op. cit., no 42, 43, 45-48, 51-52, 54-58, 60, 66.
25Voir notamment la lettre envoyée à l’inquisiteur Maurice de Saint-Paul en septembre 1323 (Vidal Jean-Marie, Bullaire, op. cit., no 46, p. 77-79), et la lettre adressée à Bertrand de Déaux, archevêque d’Embrun, et Raymond de Mostuéjouls, évêque de Saint-Papoul, en juillet 1326 (ibid., no 66, p. 106-110). Voir également ibid., no 45, p. 77 ; Lea Henry Charles, A History of the Inquisition of the Middle Ages, Cambridge, Cambridge University Press, 1888, t. I, p. 451 ; Kelly Henry Ansgar, « Inquisition and the Prosecution of Heresy: Misconceptions and Abuses », Church History, no 58, 1989, p. 449-450.
26Vidal Jean-Marie, Bullaire, op. cit., no 46, p. 78-79.
27Ibid., no 46, p. 78.
28Ibid., no 46, p. 78-79.
29Ibid., no 46, p. 79 et no 47-48, p. 83-85.
30Ibid., no 66, p. 108.
31Ibid., no 42, p. 74-75.
32Ibid., no 52, p. 89 et no 55-56, p. 93-94.
33Ibid., no 57-58, p. 95-97.
34Ibid., no 58, p. 96-97.
35Hansen Joseph, Quellen und Untersuchungen zur Geschichte des Hexenwahns und der Hexenverfolgung im Mittelalter, Hildesheim, Olms, 1963, p. 58.
36Vidal Jean-Marie, Bullaire, op. cit., no 66, p. 106-110.
37« Super articulis omnibus antedictis heresim, ydolatriam et sortilegia tam simplicia, quam heresim sapientia manifeste quoquomodo tangentibus » (ibid., no 66, p. 108).
38Valsecchi Chiara, Oldrado da Ponte e i suoi Consilia : un’auctoritas del primo Trecento, Milan, Giuffrè, 2000 (sur l’activité d’Oldrade en qualité d’advocatus concistorialis, voir notamment p. 15-18) ; Mc Manus Brendan, « The Consilia and Quaestiones of Oldradus de Ponte », Bulletin of Medieval Canon Law, no 23, 1999, p. 85-113 ; Zacour Norman P., Jews and Saracens in the Consilia of Oldradus de Ponte, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1990.
39L’édition de cet avis est donnée dans Hansen Joseph, Quellen und Untersuchungen, op. cit., p. 55-59.
40Boureau Alain, Satan hérétique, op. cit., p. 17-59 ; Boudet Jean-Patrice, Entre science et nigromance. Astrologie, divination et magie dans l’Occident médiéval (xiie-xve siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, p. 450-455 ; Iribarren Isabel, « From Black Magic to Heresy: A Doctrinal Leap in the Pontificate of John XXII », Church History, no 76/1 (2007), p. 32-60 ; Bueno Irene, Defining Heresy, op. cit., p. 289-295 ; Hill Derek, Inquisition in the Fourteenth Century. The Manuals of Bernard Gui and Nicholas Eymerich, York, York Medieval Press, 2019, p. 176-193.
41« Et cum doctores dicunt illa indicia de hoc per testes plene probari […], his igitur sic peroratis ad prepositam materiam accedamus, ad cuius veritatem habendam dividatur causa in duas partes, scilicet in rem que dicitur commissa, et probationem que dicitur facta » (Hansen Joseph, Quellen und Untersuchungen, op. cit., p. 56).
42Ibid., p. 56.
43« Et videtur, quod sortilegia simplicia vel et pocula amatoria vel propter conscientiam hostiam non consecratam sumere heresim non sapiant manifeste » (ibid., p. 56).
44« An vero daemones invocentur ad temptandum pudiciciam mulieris, tunc, quia invocatur dyabolus ad id, quod est eius proprium, scilicet temptari (unde salvator eum temptatorem vocavit), tunc, licet hoc facere sit turpe et fedum et mortale peccatum, non censeatur tamen heresim sapere manifestam » (ibid., p. 57).
45Ibid.
46« Et in multis sunt sibi invicem discordes et in serie sui testimonii contradicunt contra ius extra de proba. c. licet causam. Sunt etiam inquisitores socii et quasi prosecutores negocii et inimici domini Iohannis de Partimacho et nimia affectione ut dicunt ad ordinem suum et inquisitionis officium ducti, quibus non est credendum » (ibid., p. 57-58).
47Ibid., p. 58.
48Vidal Jean-Marie, Bullaire, op. cit., no 60, p. 100.
49Hansen Joseph, Quellen und Untersuchungen, op. cit., p. 58.
50Ibid., p. 59.
51Pour une vision d’ensemble de ces procédures, voir Paolini Lorenzo, « Le finanze dell’inquisizione », art. cité, p. 477-481. Voir aussi Parent Sylvain, « Entre extorsion de fonds et procès truqués », art. cité. Je renvoie également au sein de ce volume à la contribution de Cédric Quertier et Sylvain Parent autour du procès contre l’inquisiteur florentin Pietro dell’Aquila.
52Paolini Lorenzo, « Le finanze dell’inquisizione », art. cité ; id., « In merito a una fonte sugli excessus dell’Inquisizione medievale », Rivista di storia e letteratura religiosa, no 39, 2003/3, p. 567-578 ; Benedetti Marina, « Le finanze dell’inquisitore », in L’economia dei conventi dei Frati minori e Predicatori fino alla metà del Trecento, Spolète, CISAM, 2004, p. 363-402 ; Parmeggiani Riccardo, L’Inquisizione a Firenze nell’età di Dante. Politica, società, economia e cultura, Bologne, Il Mulino, 2018, p. 105-156 ; id., « Teneatur insuper potestas seu rector omnia bona hereticorum […] dividere tali modo. Dialettiche istituzionali, modalità di gestione ed effetti delle confische sulle società comunali », Studi storici, no 62/3, 2021, p. 615-642. Pour le Midi de la France, voir Albaret Laurent et Lanoix-Christen Isabelle, « Le prix de l’hérésie. Essai de synthèse sur le financement de l’Inquisition dans le Midi de la France (xiiie-xive siècle) », Heresis, no 40, 2004, p. 41-67 ; Sackville Lucy, « Security and Competition: Confiscation in Early Southern French Inquisitions », Studi storici, no 62/3, 2021, p. 643-664.
53Vidal Jean-Marie, Bullaire, op. cit., no 194, p. 299-302.
54Vidal Jean-Marie, « Menet de Robécourt, commissaire de l’Inquisition de Carcassonne », Le Moyen Âge, no 16, 1903, p. 425-449 ; Vidal Jean-Marie, Bullaire, op. cit., no 176, p. 266-272.
55Vidal Jean-Marie, « Menet de Robécourt », art. cité, p. 434-435.
56Germain Alexandre, « Une consultation inquisitoriale au xive siècle », Mémoires de la Société archéologique de Montpellier, no 23, 1855/4, p. 309-344. Sur ce cas, voir notamment Leveleux-Teixeira Corinne, « Conseiller, aviser, contrôler ? Le rôle ambigu du recours à l’expertise dans les procédures inquisitoriales (xive siècle) », in Martine Charageat (dir.), Conseiller les juges au Moyen Âge, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2014, p. 25-46.
57Vidal Jean-Marie, « Menet de Robécourt », art. cité, p. 426-429 ; Vidal Jean-Marie, Bullaire, op. cit., no 189, p. 293-294.
58Vidal Jean-Marie, « Menet de Robécourt », art. cité, p. 428. Germain Alexandre, « Une consultation inquisitoriale », art. cité, p. 341, repris dans Molinier Charles, L’inquisition dans le Midi de la France au xiiie et au xive siècle : étude sur les sources de son histoire, Paris, Fischbacher, 1880, p. 287.
59Eubel Konrad, Bullarium franciscanum, op. cit., t. VI, no 176, p. 267.
60Les registres de Benoît XII conservent les actes de citation de Menet de Robécourt (Vidal Jean-Marie, Bullaire, op. cit., no 154, p. 230-231) et des citoyens d’Albi (ibid., no 155, p. 232).
61Ibid., no 176, p. 268.
62Ibid., no 176, p. 266-272.
63Ibid., no 176, p. 270-271 et no 181, p. 277-278.
64Ibid., no 186, p. 288-290 ; Vidal Jean-Marie, « Menet de Robécourt », art. cité, p. 433-434.
65Lea Henry Charles, A History of the Inquisition, op. cit., t. I, p. 451 : « cases like this, however, are fully exceptional ».
66Biget Jean-Louis, « L’Inquisition et les villes », art. cité, p. 532.
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Contester l’Inquisition (xiiie-xve siècle)
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