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Résistance à l’Inquisition et défense des statuts communaux dans les villes toscanes au xiiie siècle

p. 37-48


Texte intégral

1La déclinaison au singulier du terme « résistance » proposée dans le titre pourrait sembler incorrecte, puisqu’il existait différents types d’opposition contre l’officium de l’Inquisition en Toscane au xiiie siècle. En effet, la zone géographique prise en considération dans mon étude offre une riche série d’exemples de réactions, assez souvent sanglantes, à la répression antihérétique durant les décennies centrales du siècle, des épisodes parmi lesquels prédomine le célèbre conflit armé qui éclata à Florence en août 1245, à la suite de la condamnation prononcée par le juge de la foi Ruggero Calcagni à l’encontre de deux « excellents » accusés, les frères Pace et Barone Giubelli. Cet affrontement bien connu, déjà au centre de nombreuses publications approfondies1 – et pas uniquement de l’historiographie spécialisée – peut être considéré comme le terminus post quem idéal de trente ans de tensions sous-jacentes et parfois même ouvertes entre les communes toscanes et l’Inquisition : cette période se termina en effet essentiellement au moment où un autre affrontement, similaire à certains égards, éclata à Prato autour de 1276, opposant la famille du frère Giacomo da Pistoia et un bataillon mené par Gallo Bonaccorsi, dont la réaction violente fut provoquée par la condamnation de son frère, Cavalcante2. Ce qui unit ces deux épisodes est, d’une part, la profonde implication des dirigeants politiques de la ville, observable surtout dans l’affaire florentine (notamment à travers une intervention directe des représentants des deux pouvoirs universels, Frédéric II et Innocent IV) et, d’autre part, leur origine analogue, à savoir le verdict controversé d’un procès inquisitorial.

2Je concentrerai ici mon attention sur une forme de résistance à l’Inquisition qui s’avère différente et plus généralisée, et qui s’est produite au cours des années centrales de la période des trente années examinées ici, c’est-à-dire à partir de la réorganisation concrète du tribunal de la foi, coïncidant avec le pontificat d’Alexandre IV. Rinaldo di Jenne se vit contraint de gérer, en matière de politique antihérétique, l’important héritage laissé par son prédécesseur, Innocent IV, qui entre 1252 et 1254, au lendemain de l’assassinat de Pierre de Vérone (par la suite Pierre Martyr), avait réorganisé sur de nouvelles bases la structure, la législation et les procédures des officia italiens. Il est bien connu que le principal fruit de l’assassinat du frère dominicain, à un mois et demi d’intervalle à peine, fut la promulgation de la bulle pontificale Ad extirpanda (mai 1252), qui déclencha de fait le processus d’institutionnalisation du negotium fidei italien3 : à cette lettre s’associait la relance des lois de Frédéric II contre l’hérésie4, formant ainsi un corpus unitaire dont le pape ordonna la transcription dans les statuts des villes. Le nombre considérable de lettres papales émises durant les deux années suivantes fournit une consistance plus solide au projet inquisitorial d’Innocent IV. Parmi les décisions les plus notables, il y eut la division de la péninsule en huit provinces inquisitoriales, dont deux étaient confiées aux dominicains et six aux franciscains. En somme, on confiait aux frères Mineurs l’Italie centrale, y compris la Toscane et le Triveneto (soit environ tout le nord-est), tandis que le centre-ouest du nord de l’Italie (Marche de Gênes et Lombardia) et tout le sud du pays étaient réservés aux Prêcheurs.

3Pour en revenir à la législation élaborée par le pape Fieschi, il convient de noter que du point de vue de la procédure, l’efficacité de cette importante production fut en partie affectée par la rapidité de son élaboration. Ainsi, au début du mois de juin 1254, le pontife, avec la Cum super Inquisitione, annula la validité de toutes les dispositions en matière d’Inquisition concernant l’Italie de Noël 1253 à la mi-mai, ayant décidé, conjointement avec d’autres membres de la Curie, de prendre des dispositions plus pondérées (« de consilio fratrum nostrorum ipso negotio [fidei] melius providentes, […] Inquisitionis et predicationis officio, qualiter […] geri debeat, duximus consultius disponendum5 »).

4La mort rapprochée du pontife, survenue six mois plus tard, laissait ainsi en héritage à son successeur un projet répressif lancé dans ses grandes lignes, mais qui restait encore à construire à bien des égards. Dès le début de son pontificat, Alexandre IV s’appuya sur les inquisiteurs pour mener à bien l’un des objectifs clés fixés par son prédécesseur, à savoir l’insertion de la législation pontificale contre les hérétiques (Ad extirpanda et lois de Frédéric II) dans les statuts communaux. Il s’agissait d’une étape incontournable pour la mise en œuvre de son programme répressif, qui suscita néanmoins une hostilité généralisée à l’égard de ce que l’on considérait comme une ingérence de la papauté dans l’autonomie des villes. À en juger par les lettres de Rinaldo di Jenne et par les sources conservées, le projet d’Alexandre IV concernait principalement les communes du nord de l’Italie (Côme, 1255 ; Gênes, 1256 ; Mantoue, 1257-1258), une zone où des inquisiteurs dominicains obtinrent toutefois des résultats instables6. Ce n’est qu’en 1258, au lendemain de la promulgation au mois d’août de la bulle Virtute conspicuos sacri en faveur des frères Mineurs7, ordre dont Rinaldo avait été le protecteur quand il était cardinal, que le pape porta son attention sur l’Italie centrale : du reste, parmi les nombreux privilèges reconnus avec la bulle (dite aussi mare magnum) au ministre général Bonaventure et aux ministres provinciaux, on envisageait la faculté de destituer et de remplacer les inquisiteurs nommés par le Siège apostolique.

5Deux mois à peine après avoir émis la Virtute conspicuos sacri, Alexandre IV adressa sa première lettre aux inquisiteurs franciscains du centre de l’Italie : elle précisait notamment les titulaires de l’officium de Toscane, prescrivant avec la bulle Cum adversus du 27 septembre le respect des lois émises par Frédéric II contre les hérétiques de la part des autorités communales et leur insertion dans les statuts des villes8, sous peine d’excommunication et d’interdit sur leurs villes respectives. Comme le pontife le spécifiait, cette tâche devait être accomplie par un ou deux des juges de la foi nommés dans les limites géographiques qui leur étaient assignées9.

6Cette digression a été nécessaire pour mieux cerner la situation dans laquelle Rinaldo di Jenne donna un démarrage concret à l’Inquisition franciscaine dans la région toscane, en reprenant – comme nous l’avons dit – le témoin idéal d’un projet qui n’avait pas encore connu une véritable traduction sur le plan pratique. Le but principal des deux premiers frères de l’ordre franciscain détenteurs de l’officium local, Giovanni Oliva et Compagno (dit aussi Boncompagno) da Prato, était donc de faire en sorte que la législation antihérétique promue quelques années auparavant par la papauté figure dans les statuts des villes10 : c’était la condition nécessaire à la réalisation concrète d’une action répressive, qui nécessitait une forme de collaboration active de la part des gouvernements communaux. Les acquisitions documentaires récentes, ainsi que l’exploitation de certaines sources puisées dans les archives toscanes, permettent aujourd’hui de mieux cerner les contours de l’action entreprise par les deux franciscains, qui concernait plusieurs municipalités – au moins Florence, Sienne, San Gimignano, Montieri, Prato – avec des résultats dans l’ensemble très inégaux.

7Le fait que l’insertion dans les statuts communaux constituât l’objectif principal ressort également de manière évidente à la lecture du premier manuel inquisitorial italien, l’Explicatio super officio inquisitionis, écrit spécifiquement pour l’un des deux frères évoqués, et probablement rédigé par le ministre provincial des frères Mineurs de Toscane11. L’auteur de l’ouvrage – une explicatio, donc des instructions concernant la mission de répression qui vient d’être confiée – suggère au titulaire de l’officium le caractère délicat de cette première étape fondamentale :

« Hoc […] erit primum quod facies, ut statuta reponas in singulis civitatibus, villis et castris, ubi statuta, sicut est consuetudinis in communitatibus, statuuntur. Quando vero statuta posueris, planior erit tibi via ad consummanda reliqua que sunt tui officii12. »

8La coïncidence chronologique de l’émanation de nombreuses dispositions pontificales concernant les différentes régions de l’Italie centrale tend à exclure l’hypothèse d’un besoin spécifique ou d’une planification pontificale limitée aux municipalités de la Toscane. Cependant, il ne fait aucun doute que cette région était caractérisée par un climat de tension généralisé et particulièrement accentué entre le pape et les communes en septembre 1258, c’est-à-dire essentiellement lorsque commença la mission de Giovanni Oliva et de Boncompagno da Prato13 : le gouvernement populaire de Florence, d’orientation guelfe, avait fait exécuter le légat pontifical Tesauro di Beccaria, ministre général vallombrosain14 ; en outre, Alexandre IV était de plus en plus inquiet de la politique expansionniste de Florence, qui avait récemment soumis à son domaine d’importants centres urbains, tels que Pistoia, San Gimignano, Poggibonsi et Volterra, sans cacher par ailleurs son intérêt à l’encontre du Patrimonium, et plus précisément la région de l’Ombrie, comme le confirmait la récente soumission de Massa Trabaria et Città di Castello15.

9Concernant Sienne, ville de référence pour la politique souabe dans la région, les relations avec le pape étaient également extrêmement tendues : quelques mois après l’envoi des deux inquisiteurs, dont l’un d’entre eux – Giovanni Oliva – résidait temporairement en ville16, Rinaldo di Jenne ordonna aux autorités civiles, sous peine d’excommunication, de retirer des statuts certaines normes au détriment de la libertas ecclesiastica17, sphère dont l’attaque a souvent été associée à l’accusation d’hérésie par les papes du xiiie siècle. Il est certain que l’action du frère Mineur ne produisit pas les effets escomptés et que le gouvernement communal put résister à la pression pontificale : peu de temps après, la victoire des Siennois à Montaperti18 et la domination des Gibelins sur toute la région toscane rendirent impossible l’exécution immédiate de la mission de Giovanni Oliva. Les statuts de Sienne de 1262 relatifs à la punition du crime d’hérésie ne prévoyaient d’ailleurs que l’action de l’évêque, n’envisageant dans aucune des sections antihérétiques la figure de l’inquisiteur19. Pour que la situation change, il fallut attendre la désagrégation du front gibelin toscan suite à la défaite du roi Manfred de Sicile à Bénévent en 1266 face à la victoire de Charles Ier d’Anjou. D’après les procès-verbaux du Conseil général de la commune de Sienne, il ressort qu’au début de l’année suivante (3 janvier 1267) le frère Giovanni présenta à nouveau la demande d’insertion de la législation pontificale contre les hérétiques dans les statuts de la ville, mais, malgré un accueil de prime abord positif20, sans succès : après la réapparition de nouvelles tensions, en effet, une demande similaire fut de nouveau réitérée par les frères Mineurs trois ans plus tard, en 127021. L’acceptation de l’instance n’eut lieu de manière certaine qu’en 127422, soit plus de quinze ans après ce qu’avait espéré le pape Rinaldo di Jenne, mort depuis plus d’une décennie23.

10La mise en œuvre concrète d’une tactique délibérément ralentie est vérifiable dans les décisions du Conseil de San Gimignano, ville entrée après le milieu du siècle – comme nous l’avons dit – dans le cercle du domaine florentin. Les statuts de la ville de 1255, rappelant la loyauté du château de Valdelsa à Florence d’une part et à l’évêque de Volterra Ranieri Ubertini d’autre part – nous reviendrons sur ce personnage –, prévoyaient comme unique sanction à l’encontre des hérétiques le bannissement du territoire communal imposé par le podestat24. En juillet 1259, le frère Giovanni Oliva ordonna au titulaire en charge, le florentin Fastello della Tosa, d’insérer dans le ius proprium de San Gimignano les constitutions antihérétiques de la papauté25. Grâce à une source précieuse interne à la commune, les délibérations du Conseil communal26, nous avons la possibilité de vérifier concrètement une forme de résistance à l’introduction de ces règles, et donc à la mise en place de l’activité inquisitoriale : de plus, il ressort clairement de ces rapports le lien étroit avec la ville dominante, contre le gouvernement de laquelle le frère franciscain fut confronté très peu de temps après. Les autorités civiles florentines suggérèrent à leurs homologues de Valdelsa d’agir avec sagesse face à la demande de réception de la législation pontificale27. Un membre du Conseil de San Gimignano, proche du gouvernement florentin, proposa explicitement de rejeter cette possibilité – « capitula a fratribus Minoribus apportata in costituto micti non debeant » – avec une forme de résistance passive, à savoir en prolongeant de manière démesurée l’examen de cette réception, « ita quod [fratres Minores] non habeant id quod petunt28 ». Cependant, l’inquisiteur Giovanni Oliva se montra intransigeant, excommuniant les conseillers du château de Valdelsa au mois d’août suivant et jetant l’interdit sur la ville29. Ainsi, la résistance s’apaisa assez rapidement30 et à la fin de l’année, le juge de la foi atteignit son objectif31.

11Le succès remporté, non sans difficultés, par le frère à San Gimignano rendait désormais inévitable, dans la poursuite de sa mission, une approche plus directe envers la ville dominante de Florence ; et ce fut précisément dans la cité de Dante que se vérifia la forme la plus violente d’opposition au délégué du pape. Dans un premier temps, le gouvernement florentin dut adopter lui aussi une tactique similaire à celle de la commune de Valdelsa, en opposant pour ainsi dire un « mur en caoutchouc » aux sollicitations du juge de la foi franciscain. Le pontife, à qui bien entendu n’avait pas échappé l’importance décisive de la domination exercée par Florence sur une grande partie de la région, intervint alors en personne, exhortant avec véhémence le gouvernement de la ville, dans une lettre du 13 septembre 1259 (donc quelques jours après la reddition de San Gimignano), à donner son consentement à la réception de la législation pontificale contre les hérétiques, sous peine de jeter l’interdit sur la ville32. Les dirigeants florentins, en aucune manière intimidés, réagirent avec force contre la nouvelle tentative de Giovanni Oliva : l’inquisiteur, qui ne fut pas même autorisé à prononcer son sermo generalis inaugural, fut de surcroît brutalisé physiquement et violemment chassé de la ville33. En conséquence inévitable de cette réaction qui, comme l’attestent les sources, avait empêché l’exercice de l’activité antihérétique sur l’ensemble du territoire soumis au contrôle de la commune de Florence, l’interdit pontifical fut jeté sur la ville34.

12D’après ce que nous avons vu jusqu’à présent, une seule matrice d’opposition à l’activité de l’officium semblerait émerger, exprimée uniquement par les gouvernements communaux. En réalité, avant septembre 1260, l’autorité épiscopale, théoriquement associée aux inquisiteurs dans la co-conduite de la pratique répressive, manifestait elle aussi, au moins dans un cas, une hostilité ouverte, bien que sur un terrain en apparence différent de celui examiné jusqu’à présent. Ceci se vérifia plus précisément à Montieri, important château non loin de Sienne, le plus riche de tout le diocèse de Volterra, où les frères Giovanni Oliva et Boncompagno da Prato avaient commencé une énergique activité inquisitoriale, ordonnant la destruction de maisons d’hérétiques ainsi que des mesures de confiscation. Le prélat de Volterra, Ranieri Ubertini – titulaire en charge, bien que n’étant officiellement que simple electus (il ne fut d’ailleurs jamais consacré, malgré ses quinze années dans cette fonction, de 1245 à 1260)35 – suspendit dans un premier temps les mesures prises par les inquisiteurs : il ordonna aux organes municipaux de Montieri de ne pas exécuter ce que ces derniers avaient prescrit et de bloquer l’important dépôt d’une somme résultant d’une condamnation prononcée par les frères eux-mêmes. Si les raisons de cette opposition, qui sera révoquée par la suite, nous échappent, il convient de noter que le château de la Valdimerse représentait un centre stratégique pour l’évêque, puisqu’il gardait – héritage de prérogatives plus anciennes et plus larges – non seulement un pouvoir seigneurial sur le comté, mais aussi, et surtout, le droit de monnayage. Et c’était précisément l’argent provenant de Montieri qui fournissait la matière première disponible et nécessaire à la fabrication de la monnaie, dont l’évêque de Volterra tirait d’importants revenus garantis par un pourcentage dû sur la monnaie forgée36. Ce fut peut-être l’altération des fragiles équilibres locaux déterminés par les sentences des inquisiteurs qui suscita l’opposition de l’évêque. La modération dont ce dernier fit preuve par la suite le 3 septembre 126037, revenant sur ses décisions, fut vraisemblablement due à une intervention directe du Siège apostolique, auquel Volterra était directement subordonné. Le fait que, quelques jours plus tard, Ranieri Ubertini ait pris, bien que dans des circonstances extraordinaires, tous les pouvoirs civils, en exerçant en même temps les fonctions de podestat et de capitaine du Popolo de Volterra38, jette un nouvel éclairage intéressant sur la nature de l’opposition dirigée contre les inquisiteurs : la valeur de cette fonction si caractéristique d’un point de vue temporel peut aider à clarifier une attitude hostile à l’égard de l’application des normes pontificales contre les hérétiques. Peut-être, plus en amont, le problème était-il représenté par la volonté de protéger l’intégrité du ius proprium de la ville, en particulier dans un centre financièrement stratégique situé dans le cercle de la seigneurie épiscopale. En outre, comme le prouve un fait survenu quelques mois plus tôt, à San Gimignano l’inquisiteur Giovanni Oliva avait déjà intenté une action en justice, alors même que les normes antihérétiques n’avaient pas encore été reçues dans les statuts de la ville39.

13La bataille de Montaperti, qui se déroula au lendemain de l’intervention de l’évêque de Volterra, le 4 septembre 1260, allait révolutionner – comme nous l’avons dit précédemment – les structures géopolitiques de toute la région toscane : le destin dramatique des guelfes et l’affirmation du front gibelin, composé de Sienne et des exilés de Florence et soutenu par le roi Manfred de Sicile, déterminèrent chez Alexandre IV la volonté de renforcer ses efforts répressifs contre l’hérésie. C’est ce que démontre la lettre Catholice fidei du mois de décembre suivant, dans laquelle la Toscane, ainsi que la Lombardia – en grande partie soumise à la domination politique de l’excommunié Uberto Pallavicino, allié de Manfred qui avait depuis peu chassé de Milan l’inquisiteur de confiance du pape, Rainier (Sacconi) de Plaisance40 –, est explicitement identifiée par le pontife comme une zone brûlante du negotium fidei italien41 (Manfred et les Gibelins victorieux à Montaperti, rappelons-le, avaient été excommuniés le mois précédent42). Avec cette disposition – « volentes omne […] impedimentum, omneque obstaculum removere », pour reprendre les mots du pape, on ordonnait entre autres la révocation des privilèges accordés aux plus hauts rangs des ordres vis-à-vis des juges de la foi43, rétablissant ainsi cette centralisation potentiellement minée par la bulle Virtute conspicuos sacri : ce qui explique d’ailleurs fort bien la nomination, moins de deux semaines plus tard, du cardinal Giovanni Gaetano Orsini en tant que référent pour les titulaires des officia dans le nord de l’Italie44. De toute évidence, la stratégie antihérétique dans les intentions pontificales devait s’intensifier sous une forme directement proportionnelle à la croissance de l’opposition politique à la papauté45.

14En résumé, les résultats en grande partie infructueux du projet d’Alexandre IV en ce qui concerne la Toscane s’étendirent bien au-delà de la nouvelle domination guelfe après la bataille de Bénévent en 1266. De fait, l’opposition de nombreuses villes avait conduit à une présence initialement disparate du tribunal antihérétique dirigé par les frères Mineurs dans la région de la Toscane : jusqu’au milieu des années soixante-dix du xiiie siècle, les juges de la foi, à en juger par les sources subsistantes, n’opérèrent qu’à Arezzo et San Gimignano46. À ces villes se joignit, dans la seconde moitié de la décennie, Prato47, commune dans les statuts de laquelle Boncompagno da Prato avait réussi à faire insérer les constitutions pontificales contre les hérétiques en 126048, tandis que pour Florence, il fallut attendre 1280, année où l’intervention du cardinal et légat pontifical Latino Malabranca, neveu du pape Orsini Nicolas III, assura la pacification des parties citadines, posant ainsi les conditions préalables indispensables à un régime de coalition49. Dans l’accord de paix obtenu par le cardinal dominicain était prévue la rédaction d’un nouveau corpus statutaire pour la ville, dans lequel – comme cela a été démontré récemment – la législation pontificale contre les hérétiques était enfin reçue50.

15Si l’Inquisition franciscaine démarra donc avec plus de vingt ans de retard par rapport aux intentions de la papauté, ce fut bien grâce à la résistance opposée par les communes – non seulement gibelines, mais également guelfes – à la fin des années 1260 ; pour que les frictions entre la papauté et les différentes communes de Toscane puissent ensuite perdurer et produire leurs effets sur une aussi longue période, il fallut compter sur l’élément fondamental de la concomitance avec des événements politico-militaires, dont les répercussions immédiates se reflétaient à l’échelle régionale. La conservation de l’autonomie, considérée comme minée par la lourde présence des délégués du Siège apostolique et par les normes permettant leur action répressive dans une synergie inévitable avec les gouvernements des villes, prévalut comme logique et bien suprême, quelle que fût l’orientation politique des classes dirigeantes. Du reste, si la phase de lancement du tribunal antihérétique de Grégoire IX, qui coïncidait avec la magna devotio de l’Alleluia (1233), avait déjà prévu la mise en œuvre inévitable de la réception d’une nouvelle législation dans le ius proprium des villes51, les nouvelles dispositions procédurales et organisationnelles décrétées par Innocent IV devaient elles aussi nécessairement passer par le même canal. Avec la fin du xiiie siècle, la décentralisation progressive des pouvoirs concernant les inquisiteurs du centre vers la périphérie, soit du Siège apostolique vers les sommets provinciaux des ordres mendiants, favorisa la mise en place de dynamiques d’intérêt mutuel dans la répression antihérétique entre les titulaires des officia – en Toscane, souvent expression des principales sociétés bancaires de l’époque52 – et les gouvernements communaux. Dès lors, les épisodes de résistance à l’Inquisition, au moins en ce qui concerne la législation statutaire, devinrent nettement plus rares53.

Notes de bas de page

1Face à la riche bibliographie sur cet épisode célèbre, nous nous limiterons ici à indiquer les travaux novateurs de Benvenuti Anna, « Una città, un vescovo: la Firenze di Ardingo (1230-1247) », in L’Ordine dei Servi di Maria nel primo secolo di vita, Florence, Convento della SS. Annunziata, 1988, p. 57-152 (repris dans ead., Pastori di popolo. Storie e leggende di vescovi e di città nell’Italia medievale, Florence, Arnaud, 1988, p. 21-124), et ead., « Tra devozione e politica: aspetti del culto mariano nella Firenze del Duecento », Rivista di storia e letteratura religiosa, no 49, 2013/3, p. 501-530, auxquels nous ajoutons Lansing Carol, Power & Purity. Cathar Heresy in Medieval Italy, New York/Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 71-78. Voir aussi le rappel de ces faits dans Parmeggiani Riccardo, L’Inquisizione a Firenze nell’età di Dante. Politica, società, economia e cultura, Bologne, Il Mulino, 2018, p. 17-32.

2Manselli Raoul, « Istituzioni ecclesiastiche e vita religiosa », in Fernand Braudel (dir.), Prato, storia di una città, t. 1 ; Cherubini Giovanni (éd.), Ascesa e declino del centro medievale (dal Mille al 1494), Florence, Le Monnier, 1991, p. 803-804 ; Alatri Mariano d’, L’inquisizione francescana nell’Italia centrale del Duecento, Rome, Istituto Storico dei Cappuccini, 1996, p. 125. Pour une réédition récente du document, déjà publié par Felice Tocco à la fin du xixe siècle, voir Fantappiè Renzo, Eresia e inquisizione a Prato (secolo xii-xiv), Prato, Società pratese di storia patria, 2017, p. 38-41, no 15. La datation des événements, relatés postérieurement à 1276 est justifiée par la résolution adoptée le 31 janvier de cette année-là par le conseil général de Prato à la demande de l’inquisiteur, par laquelle la famille du juge de la foi obtenait le droit de porter les armes. Vers la fin de cette même année, une autre controverse éclata entre le titulaire de l’officium, Giacomo da Pistoia, et la ville toscane concernant la compétence du salaire de « l’escorte » du frère Mineur, inquiet pour sa propre sécurité. Non sans difficulté, ce fut finalement le gouvernement de la ville qui prit en charge les frais des gardes de l’inquisiteur (ibid., p. 104-107 no 1-2).

3Paolini Lorenzo, « Il modello italiano nella manualistica inquisitoriale (xiiie-xive siècle) », in Agostino Borromeo (éd.), L’Inquisizione. Atti del Simposio internazionale (Città del Vaticano, 29-31 ottobre 1998), Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, 2003, p. 95-118 (désormais aussi dans id., Le piccole volpi. Chiesa ed eretici nel medioevo, éd. Riccardo Parmeggiani, Bologne, Bononia University Press, 2013, p. 175-193) ; voir aussi, avec une approche différente, Moore Jill, Inquisition and its organisation in Italy, 1250-1350, Woodbridge, York Medieval Press, 2019.

4Fiori Antonia, « Eresie », in Federico II. Enciclopedia Fridericiana, t. 1, Rome, Treccani, 2005, p. 540-553.

5Bullarium Ordinis Fratrum Praedicatorum, t. 1, éd. Thomas Ripoll et Antonin Brémond, Romae, ex typographia Hieronimy Mainardi, 1729, p. 248 note 335.

6Scharff Thomas, Häretikerverfolgung und Schriftlichkeit. Die Wirkung der Ketzergesetze auf die oberitalienischen Kommunalstatuten im 13. Jahrhundert, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1996, p. 167-212. Voir aussi, dans une perspective différente, Padovani Andrea, « La repressione dell’eresia nei comuni dell’Italia settentrionale tra ius proprium e ius commune (secolo xiii) », Rivista Internazionale di Diritto Comune, no 22, 2011, p. 65-73. Sur la réticence des autorités municipales à accepter les normes antihérétiques promues par la papauté au xiiie siècle s’étaient déjà concentrées auparavant, bien que sous une forme plus partielle, les études suivantes : Dupré Theseider Eugenio, « L’eresia a Bologna nei tempi di Dante », in Studi storici in onore di Gioacchino Volpe, t. 1, Florence, Sansoni, 1958, p. 383-444 (publié à nouveau dans id., Mondo cittadino e movimenti ereticali nel Medio Evo, Bologne, Patron, 1978, p. 261-315 [en particulier, p. 292-294]) ; Padovani Andrea, « L’Inquisizione del podestà. Disposizioni antiereticali negli statuti cittadini dell’Italia centro-settentrionale nel secolo xiii », Clio, no 21, 1985, p. 346-393 ; Diehl Peter D., « Overcoming Reluctance to Prosecute Heresy in Thirteenth-century Italy », in Scott L. Waugh et Peter D. Diehl (éd.), Christendom and its discontents. Exclusion, persecution and rebellion, 1000-1500, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 47-66 ; Pour replacer cette forme d’opposition dans le cadre plus large de la résistance et de la contestation de l’Inquisition, en se référant au contexte italien, voir Parmeggiani Riccardo, « Manifestazioni di dissenso alla repressione del nonconformismo religioso », in Maria Pia Alberzoni et Roberto Lambertini (éd.), Manifestare e contrastare il dissenso (secoli xi-xiv), Milan, Vita e Pensiero, 2023, p. 101-112.

7Bullarium Franciscanum Romanorum pontificum constitutiones, epistolas ac diplomata continens tribus ordinibus Minorum, Clarissarum, et Poenitentium concessa, t. 2, éd. Giovanni Giacinto Sbaraglia, Romae, Typis Sacrae Congregationis de Propaganda Fide, 1761, p. 298-302, no 436.

8Ibid., p. 309, no 446. La lettre est également reprise par Pellegrini Luigi, « L’inquisizione francescana sotto Alessandro IV (1254-1261) », Studi francescani, no 64, 1967/4, p. 89 et note 61.

9« Cum adversus haereticam pravitatem quondam Fridericus tunc Romanorum Imperator promulgaverit quasdam leges, per quas, ne pervagetur, compesci poterit pestis illa : Nos illas volentes ad robur Fidei, et salutem Fidelium observari, dilectis filiis Potestatibus, Consiliis, et Communitatibus Civitatum, aliorumque locorum Patrimonii Sancti Petri, Tusciae, Ducatus Spoletani, Campaniae, Maritimae, et Romaniae nostris damus litteris in mandatis ; ut eas, quarum tenores ipsis mittimus insertos nostris litteris, faciant singuli in eorum Capitolaribus annotari, contra haereticos sectae cujuslibet secundum eas exacta diligentia processuri. Quocirca discretioni vestrae per Apostolica scripta mandamus, quatenus, si dicti Potestates, Consilia, et Communitates mandatum nostrum super hoc neglexerint adimplere, vos eos ad id per excommunicationem in personis, et interdictum in Terram, appellatione remota, cogatis. Quod si duo ex vobis his non interfuerint, unus ea nihilominus exequatur » (Bullarium Franciscanum, loc. cit.). La même lettre fut proposée pour toute l’Italie le 7 novembre suivant : Potthast August, Regesta pontificum Romanorum, t. 2, Berolini, Rudolphi De Decker, 1875, no 17405.

10Parmeggiani Riccardo, L’Inquisizione a Firenze, op. cit., p. 34-40.

11« Explicatio super officio inquisitionis ». Origini e sviluppi della manualistica inquisitoriale tra Due e Trecento, éd. Riccardo Parmeggiani, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2012.

12Ibid., p. 5.

13Comme nous le verrons plus loin (note 40), Giovanni Oliva était certainement actif dès le mois d’octobre suivant.

14Parmeggiani Riccardo, L’Inquisizione a Firenze, op. cit., p. 36-37.

15Davidsohn Robert, Storia di Firenze, t. 2, Florence, Sansoni, 1977, p. 640 (éd. orig. Geschichte von Florenz, Berlin, Mittlen und Sohn, 1896-1908) ; Tanzini Lorenzo, Firenze, Spolète, CISAM, 2016, p. 55.

16Firenze, Archivio di Stato, Comune di San Gimignano, fo 12 vo, 14 vo, 23 vo-24 ro. Voir aussi Davidsohn Robert, Forschungen zur Geschichte von Florenz, t. 2, Berlin, Mittler und Sohn, 1900, p. 105, no 775a.

17Avec la bulle Cum simus du 23 mars 1259 (Epistolae saeculi xiii e regestis pontificum Romanorum selectae, t. 3, éd. Carl Rodenberg, Berolini, Weidmann, 1894, p. 453-454, no 491). La lettre pontificale est rappelée également dans Mariano d’Alatri, L’inquisizione francescana, op. cit., p. 77.

18Pour le contexte historico-politique et les conséquences immédiates de cette célèbre bataille, voir l’ouvrage récent de Balestracci Duccio, La battaglia di Montaperti, Rome/Bari, Laterza, 2017.

19Il Constituto del Comune di Siena dell’anno 1262, éd. Lodovico Zdekauer, Milan, Hoepli, 1897, p. 53-54, chap. 119-122.

20« In nomine Domini, amen. Factum est generale consilium Communis et Populi civitatis Senensis in ecclesia Sancti Christofori, ut moris est, a nobilibus et sapientibus viris Gherardo de Lambertinis de Bononia Dei gratia Senensi potestate et domino Inghiramo de Gorçano eadem gratia capitaneo Populi et Communis eiusdem, facta prius imposita de infrascriptis apud palatium dicti potestatis de conscientia et voluntate camerarii et quatuor provisorum Communis secundum formam statutorum Senensium. In quo proposuerunt et consilium petierunt quod. cum frater Iohannes ordinis fratrum Minorum inquisitor domini pape contra hereticos requisierit potestatem et curiam quod recipiant et in statuto Communis ponant vel poni faciant quasdam constitutiones que sunt contra hereticos et quod predictas constitutiones ponant vel poni faciant et ipsas recipiant [infra diem] iovis proximi per totam diem et admonuerit predictos potestatem et curiam ac etiam Ecclesiam Senensem, de predictis consulant quid faciendum sit. […] Dominus Ranerius Mathei iudex consuluit et dixit quod placet sibi et vult quod recipiantur constitutiones factas contra hereticos datas per supradictum fratrem Iohannem inquisitorem et quod ponantur in statuto Communis Senensis. Et fiat super predictis quicquid iniunctum fuerit per predictum fratrem Iohannem inquistorem domini pape contra dictos hereticos. […] Concordatum est consilium supradictum cum dicto dicti domini Ranerii Mathei » (Sienne, Archivio di Stato, Consiglio generale, Deliberazioni, 11, fo 15 ro). L’identification plus que probable du frère Giovanni avec l’inquisiteur Giovanni Oliva a également été proposée par Severino Gabriella, « Note sull’eresia a Siena fra i secoli xiii e xiv », in Studi sul medio evo cristiano offerti a Raffaello Morghen, t. 2, Rome, Istituto Storico Italiano per il Medio Evo, 1974, p. 903, note 44 ; sur le Conseil général à Sienne, voir Mucciarelli Roberta, « Il consiglio generale e gli ordinamenta a Siena (fine xiii-inizio xiv secolo): una nota », in Ermanno Orlando et Gherardo Ortalli (éd.), Le delibere consiliari dei comuni italiani. Uno sguardo comparativo a partire dai Misti del Senato di Venezia, Venise, Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, 2023, p. 135-152.

21Pellegrini Michele, « La norma della pubblica pietà. Istituzioni comunali, religione e pia loca nella normativa statutaria senese fino al Costituto volgare del 1309 », in Nora Giordano et Gabriella Piccinni, Siena nello specchio del suo Costituto in volgare del 1309-1310, Pise, Pacini Editore, 2013, p. 275-276, notamment notes 77 et 78 ; (desormais aussi, avec le titre Il caso di Siena, dans ead., Medioevo inquisitoriale. Manoscritti, protagonisti, paradossi, Rome, Salerno, 2021, p. 110-126).

22Pellegrini Michele, loc. cit.

23Pour un aperçu de l’activité répressive à Sienne entre le xiiie et le xive siècle, voir Severino Gabriella, « Note sull’eresia a Siena fra i secoli xiii e xiv », art. cité, p. 889-905 ; Benedetti Marina, « La documentazione inquisitoriale a Siena nel medioevo. Linee d’indagine », in Anna Benvenuti et Pierantonio Piatti (éd.), Beata Civitas. Pubblica pietà e devozioni private nella Siena del Trecento, Florence, Sismel/Edizioni del Galluzzo, 2016, p. 355-373.

24« De expulsione pattarenorum. Item teneatur potestas expellere de Sancto Geminiano et curte omnes hereticos et patarenos ab ecclesiis et dominis ecclesiarum denotatos pro pattarenaria vel aliqua secta contra fidem cattholicam credentes vel cuiuscumque nomine censentur bona fide sine fraude, et expellantur et extimientur de Sancto Geminiano et curte et exbanniantur ad mandatum ecclesie sive rectoris ecclesie si noluerit satisfacere ; et hoc capitulum de constituto in constitum mictatur et non extrahantur » (Lo statuto di San Gimignano del 1255, dir. Silvia Diacciati et Lorenzo Tanzini, Florence, Olschki, 2016, p. 116 [IV, 22]).

25« In Dei nomine, amen. Coadunato consilio Communis Sancti Geminiani more solito ad sonum campane et voce preconia in palatio plebis Sancti Geminiani, .xv. iulii. Dominus Fastellus de Tosinghis potestas Sancti Geminiani proposuit et dixit in dicto consilio et a consiliariis consilium p<e>tit si videtur et placet eis <quod> mictantur et scribantur in costituto Communis Sancti Geminiani costitutiones et capitula reducta a fratre Iohanne Aulive de ordine Minorum costituta et ordinata a domino papa contra patarenos et areticos [pour hereticos] et credentes in eis et contra illos qui sunt contra fidem catholicam » (Florence, Archivio di Stato, Comune di San Gimignano, 90, fo 5 vo). Nous devons l’indication de ce document à Davidsohn Robert, Forschungen zur Geschichte von Florenz, op. cit., p. 104, no 765.

26Sur les Conseils à l’époque communale, avec des exemples spécifiques faisant référence à San Gimignano, voir Tanzini Lorenzo, A consiglio. La vita politica nell’Italia dei comuni, Rome/Bari, Laterza, 2014.

27« In Dei nomine, amen. Coadunato consilio Communis Sancti Geminiani more solito ad sonum campane et voce preconia in coro plebis Sancti Geminiani, .xxi. iulii. Dominus Fastellus de Tosinghis potestas Sancti Geminiani proposuit in dicto consilio et a consiliariis consilium petit quid […] eis videtur fatiendum super licteris missis a potestate, capitaneo et ançianis Populi Florentini potestati, consilio et Communi Sancti Geminiani, continentibus quod sapienter se habeat consilium et Commune Sancti Geminiani et provide in hiis que petunt fratres Minores micti in costitutum Sancti Geminiani, aliquot capitula loquentia super pravitate heresie » (Florence, Archivio di Stato, Comune di San Gimignano, 90, fo 6 ro). Voir aussi Davidsohn Robert, Forschungen zur Geschichte von Florenz, op. cit., p. 104, no 766.

28« Masus Salvi […] dixit et consuluit quod capitula a fratribus Minoribus apportata in costituto micti non debeant Communis Sancti Geminiani et quod petitio <nem> eorum potestas prolongare debeat, si potest, ita quod non habeant id quod petunt » (Florence, Archivio di Stato, Comune di San Gimignano, 90, fo 6 vo). Le rôle que le conseiller avait lui-même joué quelques mois plus tard, représentant la ville en tant qu’élément d’une ambassade florentine de haut niveau, dirigée par le podestat et destinée au pape Alexandre IV, n’est peut-être pas sans lien avec l’évolution de l’affaire. (Davidsohn Robert, Forschungen zur Geschichte von Florenz, op. cit., p. 107, no 784b.) Indépendamment du lien avec la question statutaire, la même source indique clairement que le conseiller de San Gimignano a agi « in servitium Communis Florentie ».

29« In Dei nomine, amen. Coadunato consilio Communis Sancti Geminiani more solito ad sonum campane in coro plebis Sancti Geminiani, .viiii. agusti. Dominus Cinociardus et Ricoverus vicarii domini Fastelli potestatis Sancti Geminiani proposuerunt in dicto consilio et ad [pour a] consiliariis consilium petierunt quid videtur eis faciendum de licteris nobis missis a fratre Iohanne de Auliva, in quibus continetur quod excomunicati sumus et interdicti ecclesiasticum benefitium. Masus quondam Salvi […] dixit et consuluit de facto excomunicationis sententie, in qua sumus, quod supradictii vicarii mictant quandam licteram fratri Iohanni de Auliva et ipsum rogent ex parte Communis quod hinc ad .viii, dies post regressum nostre potestatis suspendere debeat sententiam quam contra nos tulit » (Florence, Archivio di Stato, Comune di San Gimignano, 90, fo 11 ro). Voir aussi Davidsohn Robert, Forschungen zur Geschichte von Florenz, op. cit., p. 104, no 769.

30« In Dei nomine, amen. Anno Domini mocclviiii ind. .ii., die lune .xxv. augusti. Coadunato consilio Communis Sancti Geminiani more solito ad sonum campane et voce preconia in coro plebis Sancti Geminiani. In quo consilio dominus Fastellus potestas Sancti Geminiani proposuit et dixit quid videtur eis esse faciendum occasione interdicti sive excomunicationis occasione capitulorum in vobis facte contra ereticos [pour hereticos] a fratre Iohanne de Auliva […]. Rainerius olim Guidi consuluit et dixit quod potestas ex parte Communis mictat Senas duos fratres sive camerarium Communis vel syndacum pro Communi ad fratrem Iohannem de Auliva et dicant ei euntes, unus vel plures, ut ipse reducat costitutiones. Et mictantur et scribantur in constitutum nostrum. Ventriglus domini Mangerii consuluit et dixit quod sciantur et legantur clare et tali modo capitula dicti fratris quod eas [pour ea] consiliarii nostri consilii intelligant : et eis intellectis videbimus, Deo dante, quod erit melius pro Communi. Dominus Bernardus iudex consuluit et dixit quod potestas mictat pro illo fratre ut dixit supradictus Rainerius. Et <cum> sumerit et reduxerit capitula supradicta, videbimus et faciemus quod iustum erit. Et si vellet reducere, nisi pro firmo habeat quod faceremus sua precepta, veniat et mictantur in costituto nostro. Unde totum consilium et consiliarii omnes fuerunt in concordia cum dicto Rainerio et dicto Bernardo et ad eorum decretum reformatum est consilium et stantiatum. » (Florence, Archivio di Stato, Comune di San Gimignano, 90, fo 12 vo). Comme dans les cas précédents, la référence archivistique est indiquée par Davidsohn Robert, Forschungen zur Geschichte von Florenz, op. cit., p. 104-105, no 770.

31Le 30 décembre 1259, le conseil municipal de San Gimignano ratifia en effet les dépenses suivantes : « Item .x. solidos dicto Herrigo [notario Ianni] ex eo quod scripsit constitutiones fratrum Minorum reductas a fratre Iohanne de Auliva Communi Sancti Geminiani. Primo silicet scripsit eas pro dimidia : et alias dimidias [pour aliam dimidiam] Herrigus Berardecti, in cartis bambicinis. Et postea dictus Herrigus Ianni in costituto novo de mandato consilii scripsit eas secundum stantiamentum suprascriptorum » (Florence, Archivio di Stato, Comune di San Gimignano, 80, fo 42 ro).

32La bulle pontificale a été récemment publiée par Bivolarov Vasil, Inquisitoren-Handbücher. Papsturkunden und juristische Gutachten aus dem 13. Jahrhundert mit Edition des Consilium von Guido Fulcodii, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2014, p. 117-120, no 95. À propos de la résistance antérieure et persistante du gouvernement de la ville, nous sommes informés par les paroles mêmes d’Alexandre IV : « felicis recordationis Innocentius papa, predecessor noster, ardere intendens a grege fidelium hereticorum perfidiam, quasi spiritualium luporum rabiem truculentam, adversus eorum latebrosas insidias quedam salubria edidit statuta, mandans ea in singulis Italie civitatibus et locis recipi et servari, que nos digna emulatione duximus approbanda. Et nonnulli populi zelo fidei suadente obedienter assumpta in suis capitularibus facere conscribi. Vos autem, sicut nuper accepimus, non considerantes, quanto cautele studio vos ad presens oporteat previdere, ne in negotio fidei Christiane, quod veluti communem omnium salutem respiciens, principes et populi catholici contra perfidos evangelii perversores nobiscum fideli prosecuntur obedientia, generalitatis animos inexcusabiliter offendatis, qui divina et humana iudicia aliis non parvipendendis provocastis offensis, eadem recusastis statuta recipere a dilectis filiis… et fratribus… ordinis Minorum, in Tuscie partibus heretice pravitatis inquisitoribus, vel eorum altero auctoritate sedis apostolice moniti diligenter » (loc. cit.).

33Nous sommes informés rétrospectivement du déroulement des faits par une lettre adressée en 1261 par la commune de Sienne au roi Richard de Cornouailles : « Processit eciam de salubri consilio apostolice sedis, in Tusciam destinare legatum quemdam religiosum virum, fratrem Johannem de Oliva de ordine Minorum, inquisitorem heretice pravitatis, ad extirpandum illos, quos heresis macula fedaverat, ne contagium morbi eius corrumperet ecclesie filios, in detrimentum et periculum animarum, qui quomodocunque ab universis Tuscis fuisset admissus in suis peticionibus, tamquam verus salutis medicus animarum, et informator fidei orthodoxe, iuxta apostolicam sancionem, per florentinos eosdem, quos iam dire excomunicacionis sentencie multiplices, ex premissis et multis aliis excessibus, eos tamquam hereticos vulnerarunt, eiectus fuit et cum pudore repulsus, sic quod officium sibi commissum in tota dicione Florentie, non facto, sed solum sermone, exercere nequivit, vel exprimere legem dei » (Donati Fortunato, « Le lettere politiche del secolo xiii sulla guerra del 1260 tra Siena e Firenze », Bullettino Senese di Storia Patria, no 5, 1898, p. 264-265).

34Pour plus de détails sur le déroulement des faits, Parmeggiani Riccardo, L’Inquisizione a Firenze, op. cit., p. 36-40.

35Paganelli Jacopo, Dives episcopus. La signoria dei vescovi di Volterra nel Duecento, Rome, Viella, 2021. Je remercie vivement M. Paganelli pour ses suggestions concernant le contexte et la dynamique contemporaine de l’évêché de Volterra.

36Paganelli Jacopo, « “Commissio monetam cudendi”. L’apporto delle fonti scritte per la zecca di Alberto vescovo di Volterra (1261-69) », Annali dell’Istituto Italiano di Numismatica, no 63, 2017, p. 397-402.

37« In Dei nomine amen, omnibus presentem paginam inspecturis pateat manifeste quod Ven. Pater Dominus Rainerius Dei gratia Vulterranus Electus revocavit expresse preceptum factum per suas licteras et preceptum quodcumque sua auctoritate sit factum per aliquem tacite vel expresse potestati consilio et comuni Monterici ut non dextruerent vel dextrui facerent vel promicterent dextrui domos quasdam Burghi de Monterio quas occasione heretice pravitatis frater Johannes de Oliva et frater Compagnus de Prato Inquisitores super heretica pravitate sententiaverant funditus dextruendas, et preceptum factum dicte Potestati et consilio et comuni dicte terre quod.C. lib. habitas a Rainaldo Boinatii depositas de mandato dictorum fratrum apud Magistrum Bontempum, Bernardum Michaelis, et Bonristorum Pegalosti vel alios de dicta terra nulli facerent vel permicterent dari sine licentia dicti Domini electi, mandans per hoc publ. Instrumentum dicte potestati consilio et comuni d. terre et districte precipiendo ut circa dextructionem domorum restitutionem dictarum C. lib. et circa alia que ad exaltationem fidei pertinent ipsis fratribus tamquam ei pareant et intendant » (Giachi Anton Filippo, Saggio di ricerche sopra lo stato antico e moderno di Volterra. Appendice, parte prima, Sienne, Luigi e Benedetto Bindi, 1798, p. 178, no 46). Pour une édition plus concise du document, voir aussi Regestum Volaterranum, éd. Fedor Schneider, Rome, Loescher, 1907, p. 237, no 209.

38Paganelli Jacopo, Il forziere del vescovo, op. cit., p. 105.

39Si, comme nous l’avons vu, cette insertion n’eut lieu que vers fin 1259, un an plus tôt, le 25 octobre 1258, le frère Mineur avait néanmoins condamné au bûcher un hérétique : « In Dei nomine, amen. Nos Coppus quondam domini Abbatis Sancti Geminiani potestas, habita et recepta inquisitione facta per fratrem Iohannem de Oliva de ordine fratrum Minorum delegatum summi pontificis ad inquirendum contra hereticos, ut de eius delegationem constat per rescriptum domine pape, sicut idem fratrem Iohannes dicebat. Que inquisitio facta fuit de quibusdam articulis fidei per eundem fratrem Iohannem contra Gratianum de Persignano Vallis Arni in mea presentia, ut de dicta inquisitione constat in carta publica facta manu Sassi notarii, et etiam dicto Gratiano denuntiato, pronuntiato et semtemtiato ab ipso fratre Iohanne, eundem Gratianum esse hereticum consolatum, ut constat in carta facta manu dicti notarii, et etiam denuntiato nobis ut id, quod iura postulant nostro officio sequeremus, ideoque ipsum Gratianum ad comburendum in ignem, ita quod moriatur, nisi primo ad veram et cattholicam fidem secundum statuta et ordinationes Romane Ecclesie reddierit, sententialiter condennamus. Que condemnatio facta fuit et lecta in plebe Sancti Geminiani, in consilio coadunato ad sonum campane more solito coram domino Guiniçimgo iudice Communis Sancti Geminiani et Sasso notario et Primerano quondam Guidi et aliis.mcclviii., in dictione secunda, .viii. kalendas novembris » (Florence, Archivio di Stato, Comune di San Gimignano, 88, fo 10 ro). Voir aussi Davidsohn Robert, Forschungen zur Geschichte von Florenz, op. cit., p. 103, no 761.

40À ce propos, voir la bulle Ad audientiam nostram du 27 settembre 1260 : Bullarium Ordinis Fratrum Praedicatorum, op. cit., p. 398, no 282. Sur le célèbre inquisiteur Raniero Sacconi, nous renvoyons aux récentes contributions de Benedetti Marina, Inquisitori lombardi del Duecento, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2008, p. 39-73 et, plus succinctement, « Sacconi, Raniero », in Dizionario biografico degli Italiani, t. 89, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana Giovanni Treccani, 2017, p. 537-539.

41« Catholicae Fidei negotium, quod plurimum insidet cordi nostro, in vestris [inquisitoribus heretice pravitatis] prosperari manibus, ac de bono in melius procedere cupientes ; ac volentes omne ab eo impedimentum, omneque obstaculum removere ; praesentium vobis auctoritate mandamus, quatenus in eodem negotio de Divino, et Apostolico favore confisi, et omni humano timore deposito constanter, et intrepide procedentes circa extirpandam haereticam pravitatem tam de Lombardia, et de Tuscia, quam de omnibus aliis Italie partibus cum omni vigilantia, omnique studio laboretis » (Bullarium Franciscanum, op. cit., p. 411, no 587).

42Avec la lettre pontificale Olim discordia du 18 novembre 1260 ; Potthast August, Regesta pontificum Romanorum, op. cit., no 17969.

43Bullarium Franciscanum, loc. cit.

44Parmeggiani Riccardo, I consilia procedurali per l’Inquisizione medievale (1235-1330), Bologne, Bononia University Press, 2011, p. xx et note 41.

45Parmeggiani Riccardo, « Ein Modell und seine Reinterpretation. Die Entscheidungsverfahren der italienischen Inquisition in der Auffassung von Papsttum und Inquisitoren (1252-1334) », Frühmittelalterliche Studien, no 52, 2018, p. 424-425.

46Alatri Mariano d’, L’inquisizione francescana, op. cit., p. 78-80, p. 348.

47Fantappiè Renzo, Eresia e inquisizione a Prato, op. cit.

48Ibid., p. 93-101.

49Lori Sanfilippo Isa, « La pace del cardinale Latino a Firenze nel 1280. La sentenza e gli atti complementari », Bullettino dell’Istituto Storico Italiano per il Medioevo e Archivio Muratoriano, no 89, 1980-1981, p. 193-259.

50Parmeggiani Riccardo, L’Inquisizione a Firenze, op. cit., p. 50-55.

51Piazza Andrea, « “Affinché… costituzioni di tal genere siano ovunque osservate”. Gli statuti di Gregorio IX contro gli eretici d’Italia », in Andrea Degrandi, Orsola Gori, Giovanni Pesiri, Andrea Piazza et Rossella Rinaldi (éd.), Scritti in onore di Girolamo Arnaldi, Rome, Istituto Storico Italiano per il Medio Evo, 2001, p. 425-458 ; id., « Paix et hérétiques dans l’Italie communale : les stratégies du langage dans les registres du pape Grégoire IX », in Rosa Maria Dessì (éd.), Prêcher la paix et discipliner la société. Italie, France, Angleterre (xiiie-xve siècle), Turnhout, Brepols, 2005, p. 103-122.

52Parmeggiani Riccardo, L’Inquisizione a Firenze, op. cit.

53De nouvelles tensions, transitoires, refirent surface à Prato en 1287, lorsque les constitutions pontificales et impériales contre les hérétiques furent supprimées par malveillance (malitiose), bien que rapidement réinsérées dans les statuts de la ville (Fantappiè Renzo, Eresia e inquisizione a Prato, op. cit., p. 113-116, no 8-9).

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