Réfugiés « ordinaires » de Guinée au temps de Sékou Touré (1958-1984)
p. 65-80
Texte intégral
1Prendre pour objet, dans cette contribution, les réfugiés guinéens en France, des années 1960 jusqu’au début des années 1980 implique de se situer au croisement de plusieurs historiographies : celle, très générale, de l’histoire des réfugiés, dont le sort a été codifié par la convention de Genève en 1951 puis, en 1967, par le protocole dit de Bellagio qui élargit l’aire d’intervention aux continents extra-européens, et donc à l’Afrique dont il sera ici question1 ; celles des nouveaux États africains en construction, ici plus précisément la Guinée, ancienne colonie d’Afrique occidentale française2 ; et celle des régimes autoritaires, pour ne pas dire totalitaires, ce que fut sans nul doute celui de Sékou Touré, président de la Guinée de 1959 à sa mort en mars 19843.
Une Guinée tôt indépendante
2La Guinée acquit son indépendance deux ans avant les autres colonies d’Afrique sub-saharienne de la France, en 1958. Le pays avait en effet voté « non » au referendum constitutionnel qui donnait le choix entre l’adhésion à la communauté française et l’indépendance immédiate4. Quand de Gaulle était venu à Conakry, en août 1958, faire campagne pour le « oui », il avait été accueilli en une cérémonie qui donnait la part belle à Sékou Touré. Ce dernier y prononça un discours vite devenu célèbre où il déclara notamment, en une phrase qui fit le tour du monde : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’abondance dans l’esclavage5. » De Gaulle affirma le droit de la Guinée à l’indépendance immédiate, tout en prévenant que « la France en tirerait toutes les conséquences ». Une fois la Guinée devenue indépendante, le 2 octobre 1958, de par le vote « non », la métropole rapatria ses cadres, détruisit ou reprit son matériel, ne restant présente que via les entreprises officiant à Fria dans l’extraction de la bauxite dont était riche le sous-sol guinéen, et certaines formes de coopération, avant que les relations diplomatiques ne soient rompues en 1965. Elles ne reprirent qu’en 1975, sous l’égide de l’ambassadeur André Lewin, plus tard auteur d’une volumineuse thèse sur Sékou Touré6. Du fait de cette rupture anticipée, bien que non souhaitée, avec la France, Sékou Touré devint une icône dans le monde africain et nombreux furent ceux qui tentèrent, en s’y installant, d’apporter leur aide à la nouvelle Guinée. Les désillusions cependant ne tardèrent pas, dans un pays économiquement asphyxié, malgré l’aide des pays de l’Est, et où Sékou Touré, régnant en maître sur le pays et le Parti démocratique de Guinée (PDG), parti unique, s’affirma comme un despote paranoïaque, réprimant violemment des complots pour la plupart imaginaires7, tout en prétendant faire de la Guinée un paradis socialiste et du Guinéen un « homme nouveau8 ». Le paradis socialiste se transforma vite en enfer pour bon nombre de Guinéens, et la fuite fut souvent le seul moyen d’échapper à la prison et/ou à la mort dans un des camps dont le plus connu est le camp Boiro à Conakry. On estimait, en 1984, à environ 2 000 000 le nombre de Guinéens vivant à l’étranger : 630 000 en Côte-d’Ivoire, 590 000 au Sénégal, 230 000 au Liberia, 220 000 en Sierra Leone, 90 000 au Mali et 50 000 en Guinée-Bissau, le reste en Europe ou, très marginalement, en Amérique du Nord9. Ces migrations se situent, en partie, dans le cadre de migrations plus anciennes mais ont pris dans la Guinée de Sékou Touré, de nouvelles formes. Nous ne considérerons dans cette contribution que les demandeurs d’asile.
Toile de fond
3Les dérives violentes du régime guinéen composent une partie de la toile de fond sur laquelle vont s’inscrire les trajectoires des réfugiés. L’autre partie est évidemment celle de l’appareil législatif français, qui outre les conditions générales faites à l’immigration, comporte certaines dispositions spécifiques pour les ressortissants des anciennes colonies d’Afrique. De par la loi du 28 juillet 196010, les citoyens des nouveaux États africains peuvent se voir reconnaître la nationalité française, s’ils demeurent en France, par simple déclaration au tribunal d’instance de leur domicile11. Cette disposition restera en vigueur jusqu’en 1973, année au cours de laquelle est promulguée, le 9 janvier, une loi qui instaure une nouvelle procédure pour les ex-colonisés, celle de la réintégration dans la nationalité12. Cette disposition sera finalement abrogée en 1993 par la loi du 22 juillet dite loi Méhaignerie13, et de nombreuses reconnaissances de nationalité seront remises en cause. C’est aussi jusqu’au mitan des années 1970 que les ex-colonisés africains jouissent de la liberté d’établissement du fait de conventions signées entre la France et ses anciennes colonies. Même si ces conventions n’ont pas été signées avec tous les États, et a fortiori pas avec la Guinée, elles sont de facto appliquées pour tous les Africains d’Afrique francophone. Quant aux conditions générales de l’immigration, on sait qu’elles ont été considérablement durcies à partir de 1972 et de 1974, quand le premier choc pétrolier impacte aussi le besoin de main-d’œuvre. Ce sont en 1972 les circulaires Marcelin-Fontanet qui conditionnent l’entrée et le séjour en France à la possession d’un contrat de travail. Entre octobre et juillet 1975, le contrôle aux frontières se renforce et les ressortissants des ex-colonies africaines de la France se voient privés de la liberté de circulation dont ils bénéficiaient jusqu’alors. À partir de 1977, une politique encore plus restrictive est menée, à laquelle le secrétaire d’État au Travail manuel, Lionel Stoleru, a attaché son nom, encourageant le non-renouvellement des autorisations de travail, proposant une « aide au retour » et imposant de grandes restrictions au regroupement familial. Enfin, la loi dite Bonnet du 10 janvier 198014 et celle dite Peyrefitte de janvier 198115 confortent les dispositifs répressifs et policiers, faisant de la lutte contre les clandestins une priorité16.
Les Guinéens : des réfugiés africains parmi d’autres ?
4Politique en matière d’immigration répressive à partir de 1972 en France, dérives violentes en Guinée, tout est en place pour un afflux de demandeurs d’asile guinéens. Cependant les statistiques de l’Office français de protection pour les réfugiés et apatrides (Ofpra) ne distinguent pas les Guinéens en tant que tels avant 1980, ce qui semble indiquer qu’il y en a encore peu, et bien que cela ne veuille évidemment pas dire qu’il n’y a pas d’exilés guinéens en France. Dans les rapports d’activité antérieurs à 1980, il est seulement question, en 1971, d’un Guinéen dont la demande a été rejetée17, de même en 197218. De manière générale le nombre de demandeurs d’asile, originaires « d’Afrique noire » inscrits sur les contrôles de l’Ofpra reste très limité jusqu’en 1978. L’Ofpra ne détaille pas jusqu’alors les demandes et octroi de certificats – ou rejets – par pays et se contente de classifier ainsi : « Afrique du Nord, Libye, Éthiopie », « Autre », cet « Autre » recouvrant donc l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, à l’exclusion de l’Éthiopie. En 1978, les demandes émanant de ressortissants africains font cependant un véritable bond en avant.
« Un nombre important de réfugiés arrivent par ailleurs d’Afrique, l’Éthiopie a fourni un gros contingent mais de plus en plus de pays d’Afrique noire nous envoient des émigrants. En 1977 et 1978 ces émigrés, qui se comptaient par millions restaient dans les pays voisins de leur pays d’origine mais à partir du second semestre 1978 ces émigrés se sont découverts une attirance pour l’Europe et notamment pour la France. Il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions définitives mais cette tendance risque de nous valoir une poussée importante d’immigrants africains19. »
5En 1977, ils étaient 318 originaires d’Afrique subsaharienne inscrits sur les contrôles de l’Ofpra20 et 271 demandes avaient été rejetées, en 1978, ils sont désormais 629 inscrits21 (628 ayant un certificat en cours de validité), 430 demandes ont été rejetées et 278 certificats attribués22. En 1979, ce sont 967 certificats qui sont délivrés, et la demande ne va faire que s’amplifier23, l’Ofpra constatant que les réfugiés se lassent de chercher la sécurité sur leur seul continent et privilégient désormais l’Europe, voire la France qu’ils considèrent, malgré les souvenirs douloureux de la colonisation, comme une terre d’asile et de liberté. Mais paradoxalement, ce ne sont pas les ex-colonies françaises qui fournissent d’abord le gros des demandeurs mais l’Éthiopie, le Zaïre, le Ghana et l’Angola24. En 1980, l’office constate une forte augmentation de demandes mais ce sont toujours le Zaïre et le Ghana qui viennent en tête25. En 1981, les demandes font plus que doubler avec toujours les Zaïrois dans le peloton de tête. 143 demandeurs sont cependant originaires de Guinée Conakry26. En 1981 toujours, un évènement juridique va changer la donne. Le Conseil d’État promulgue l’arrêt Conté, du nom justement d’un Guinéen : la qualité de réfugié peut désormais être reconnue à des personnes ayant séjourné dans un pays constituant déjà pour eux un pays d’accueil. En 1982, la Guinée Conakry vient désormais en bonne place comme origine des demandeurs. Elle est, semble-t-il, le premier pays en la matière parmi les ex-colonies françaises d’Afrique.
Tableau 1. – Afrique (« autre ») et Guinée (G), 1971-1985.
Année | Inscrits au contrôle de l’Ofpra | CR en cours de validité | 1er CR | Rejets | Sans contact | Radiations |
1971 | ||||||
1972 | 410 | |||||
1973 | 440 | |||||
1974 | 380- | 299 | 32 | 38 | 81 | |
1975 | 449 | 368 | 74 | 81 | 43 | |
1976 | 202 | 202 | ||||
1977 | 318 | 318 | 271 | 36 | ||
1978 | 629 | 628 | 430 | 1 | 28 | |
1979 | 1 588 | 1 586 | 971 | 229- | 2 | 35 |
1980 | 3 364 | 3 360 | 1 793/G 79 | 1 028/G 49 | 4 | 43 |
1981 | 4 284/G 203 dossiers ouverts | 4 274 | 949/G 67 | 1 761/G 72 | 10 | |
1982 | 6 147/G 458 | 690/G 66 | 1 899 (2 028)/G 61 | G 5 | ||
1983 | 760 (800)/ G 104 | 2 924 (3 007)/G 177 (172 rejets et retraits) | ||||
1984 | 751/G 39 | 2 117/G 89 | ||||
1985 | 903/G 20 | 4 618/G 170 |
Tableau 2. – Afrique sub-saharienne (à l’exclusion de l’Éthiopie), 1982-1984.
Année | Nationalité | Dossiers ouverts | 1er CR | Rejets |
1982 | Zaïroise | 1 580 | 349 | 952 |
1982 | Ghanéenne | 702 | 86 | 277 |
1982 | Angolaise | 252 | 48 | 179 |
1982 | Guinéenne | 203 | 66 | 61 |
1983 | Zaïroise | 1 946 | 351 | 1 517 |
1983 | Ghanéenne | 904 | 91 | 472 |
1983 | Angolaise | 423 | 62 | 214 |
1983 | Guinéenne | 265 | 104 | 172 |
1984 | Zaïroise | 1 294 | 399 | 972 |
1984 | Ghanéenne | 1 159 | 97 | 441 |
1984 | Angolaise | 219 | 71 | 146 |
1984 | Guinéenne | 177 | 39 | 89 |
6On peut constater deux choses. D’une part, le nombre relativement plus faible des rejets opposés aux demandeurs guinéens. Par exemple, en 1982, sur l’ensemble des demandes faites par les ressortissants d’Afrique subsaharienne (hors Éthiopie) il y a eu 36 % de rejets et seulement 30 % pour la Guinée. D’autre part, et c’est là le plus important, il y a une baisse sensible du nombre de demandeurs guinéens en 1984. Cela s’explique par un évènement considérable : la mort de Sékou Touré aux États-Unis le 26 mars 1984. Une semaine plus tard, un groupe de militaires sous la direction de Lansana Conté prend le pouvoir et publie une série de communiqués dont un en particulier peut rassurer : « En ce jour 3 avril 1984, les Forces armées guinéennes ont pris en main les destinées du pays, sans effusion de sang… Le comité militaire de redressement national, actuel organisme dirigeant, ordonne à compter de ce jour la libération de tous les détenus politiques arbitrairement privés de leur droit naturel à la liberté et à la justice sociale27… » L’Ofpra, dans ses rapports d’activité, donne aussi quelques précisions : la grande majorité des demandeurs sont d’origine urbaine. On pourrait ajouter sans risque de se tromper qu’ils sont aussi très majoritairement masculins.
Vies brisées, familles en miettes
7Il existe en Guinée28 ce que l’on a appelé une « littérature de douleur29 », qui relate les exactions commises par le régime de Sékou Touré, l’histoire de vies brisées par une répression impitoyable, d’une violence ordinaire qui s’exerce partout et tout le temps. Certains témoignages ont acquis une notoriété, tels ceux de Camara Kaba 4130, d’Alpha Abdoulaye Diallo31 ou encore de Nadine Bari32. Les étrangers eux-mêmes n’étaient pas à l’abri. Le Français Jean-Paul Alata a ainsi raconté ses prisons guinéennes33.
« Dans les phases paroxystiques de violence, l’ennemi du point de vue du régime se situe certes à l’extérieur du pays ; plus encore, plus essentiellement, il est représenté par l’ennemi intérieur, incarné par des parties du corps social. L’intérieur prolonge le danger venu du dehors ; il possède aussi sa propre existence en relation avec la vie, les problèmes non explicités, irrésolus, mal définis, logés dans la nation et le nouveau régime. Cette menace représentée sous la forme d’un ennemi à saisir et à abattre est, à cet égard, plus fluctuante, plus arbitraire. Ce combat contre “l’ennemi intérieur” est révélateur des problèmes surgis à des moments particuliers de l’existence d’un nouveau régime qui doit faire face à sa société et aux tâches parfois hors du commun qu’il se donne et impose à sa nation34. »
8Ce qu’écrit ainsi Roland Lew à propos de la violence ordinaire des pays du socialisme réel, peut parfaitement s’appliquer à la Guinée, où Sékou Touré prétendit instaurer le socialisme et proclama plus ou moins sur un modèle chinois imaginaire, une révolution culturelle. Outre les témoignages déjà cités, il existe de nombreux sites et blogs ou émissions sur Camp Boiro de même que des listes de victimes35. Thierno Bah, lui-même opposant au régime guinéen, a dressé des listes de dignitaires condamnés à mort ou aux travaux forcés36. Quitter le pays a été, pour beaucoup, la seule façon d’éviter les prisons du régime et/ou la mort. ll existe donc aussi, logiquement, une littérature de l’exil dont les plus célèbres auteurs sont incontestablement Williams Sassine ou Tierno Monénenbo, dont toute l’œuvre est traversée par cette problématique37.
9Les dossiers des demandeurs d’asile guinéens dévoilent ainsi des vies brisées par une répression aussi féroce qu’absurde. On a pu consulter, sur dérogation, une cinquantaine de dossiers sélectionnés de façon aléatoire, parmi les 633 dossiers de Guinéens conservés à l’Ofpra38. Ce qui frappe d’abord, et bien que ce n’ait pas valeur statistique, ce sont les origines sociales des demandeurs. Ce sont généralement, non des cadres du régime, bien que ceux-ci aient aussi été persécutés, mais aussi des gens du peuple. Ils sont tailleurs, mécaniciens, chauffeurs, commerçants, transporteurs, agriculteurs, ingénieurs, infirmiers, étudiants. Ces demandeurs viennent de toutes les régions de la Guinée : ils ou, minoritairement, elles39, sont originaires de Conakry, de Kindia, de Labé, de Pita, de N’Zérékoré, de Kankan, de Banko, de Mamou, de Kabaki, etc. On a là, alors que les exécutions des dignitaires du régime sont bien documentées, accès à la répression que l’on pourrait qualifier d’ordinaire et qui touche indifféremment tout le monde, quel que soit le statut social. Qu’ils ou elles soient ou non passés par les prisons du régime, il y a un schème récurrent : leurs pères, ou oncles, ou frères, ou sœurs, bref des membres proches de leurs familles ont été arrêtés, enfermés dans les divers camps dont la litanie s’égrène tout au long des récits qui dessinent une cartographie des prisons guinéennes : Camp Camayenne qui deviendra Camp Boiro, mais aussi Camp Alpha Yaya, Camp de la milice N’Krumah, Camp Soundiata… Les parents arrêtés ont parfois disparu sans qu’on en ait la moindre nouvelle, ils ont été fusillés, torturés, ou sont sortis de prison, mais infirmes, ou paralysés du fait des tortures subies. Le régime, quand il s’en prend à une personne, coupable à ses yeux de trahison, n’épargne pas le reste de la famille. Les biens sont confisqués et les enfants des « comploteurs » stigmatisés, obligés de dénoncer leurs parents, sauf à être à leur tour emprisonnés, ou à l’inverse les parents accusés : « En Guinée si un élément d’une famille et surtout un jeune de mon âge manifestait l’idée d’opposition au régime, les autorités politiques vont jusqu’à arrêter les éléments de la famille de l’intéressé pour avoir donné de telles idées à leur enfant raison pour laquelle il s’oppose au régime en place40 » raconte Y. C.41. Une jeune étudiante, A. D. explique :
« En octobre 1971 je fis l’objet d’une incarcération de quinze jours au commissariat central de Conakry pour avoir refusé d’assister à une réunion politique qui m’aurait obligé de voter la condamnation à mort de mon père. Au moment de l’interrogatoire au commissariat central par des miliciens du parti, on me fit comprendre que je n’aurai pas droit à la nourriture tant que je ne voterai pas publiquement la condamnation à mort de mon père, je résistais pendant deux jours, le troisième jour j’acceptais leur principe ; ma mère et son mari signèrent à leur tour un engagement qui les condamnait à une peine de six mois de prison et plus au cas où je recommencerai de tels agissements42… »
10Une autre fois, alors qu’elle est en cours, elle a mal à la gorge et elle ne crie pas assez fort « à bas les traîtres ». Les miliciens, présents pour contrôler la bonne tenue des étudiants, lui demandent le nom de son père, El Hadj Diallo Mamadou Cellou, et l’obligent alors à répéter « à mort le traitre El Hadj Diallo Mamadou Cellou… ». Elle est emmenée au commissariat central. On convoque sa mère et le mari de sa mère… Sa mère peut rentrer chez elle mais le mari et la jeune fille sont internés : « Je pleurais et je me sentais perdue car le fait de pleurer était puni, cela signifiait qu’on avait pitié des traîtres… » La même mésaventure est arrivée à M. B. :
« C’est ainsi l’or de l’anniversaire de l’indépendance du pays le 2 octobre 1976, il nous avait été demandé de présenter un concert musical car je jouais dans un orchestre de la capitale qu’on appelle SOFA de Camayenne. Il nous était donné un texte d’un poème du président qui traitait sur le complot ourdit en guinée et qui incriminait nos parents que moi j’ai refusé de jouer car je ne pouvais pas m’arrêter devant tout un monde chanter et insulter mes parents43. »
11Les demandeurs ont aussi été enfermés, et dans ce cas, torturés. La diversité des tortures infligées est ainsi égrenée comme une litanie : enfermement dans des pièces minuscules, sans air, bastonnades, chocs électriques, viols, « diète noire », c’est-à-dire privation d’eau et de nourriture. Cette dernière torture aurait été un héritage de l’Almamy Samory Touré, fondateur d’Empire finalement défait et interné par les Français, dont Sékou Touré se disait le descendant direct, qui l’infligeait à ses ennemis et que les sbires de Sékou Touré auraient réactivé.
La Guinée des « complots »
12Mais à quoi sont dues ces arrestations, quelle en est la cause ou plutôt le prétexte ? À travers les récits, on voit apparaître les « complots » dénoncés par Sékou Touré. Le premier mentionné44, qui marqua le début de ce qui serait bientôt le véritable modus operandi de la répression est le « complot des enseignants », en décembre 196145. A. S. en témoigne : « J’ai quitté mon pays fin de l’année 61. À la suite d’une réforme de l’enseignement les “choses” alors prenaient une tournure qui contrastait avec le passé et puis à la même année, il y a eu également une grève des lycéens et celle-ci déboucha sur un fameux “complot” des enseignants avec une vague d’arrestations. Les raisons alors étaient de fuir une réforme de l’enseignement dont l’esprit était de nature à inquiéter46. » Les délégués des enseignants, notamment Keita Koumandian, Ray Autra et Djibril Tamsir Niane avaient alors présenté un Mémorandum en défense de leurs privilèges, écornés par la réforme en cause. Ils furent accusés de complot, arrêtés et condamnés à de lourdes années de prison. Ils avaient été soutenus par les élèves qui firent une grève vite et violemment réprimée.
13Le deuxième complot que l’on trouve évoqué dans les témoignages des demandeurs d’asile est le complot des commerçants ou complot dit « Petit Touré », qui fit suite au vote d’une loi-cadre en novembre 1964, loi qui imposait le contrôle de l’État sur le commerce, lui octroyant le monopole du commerce extérieur et supprimant de nombreuses cartes de commerçants, entraînant le mécontentement de ceux-ci. C’est dans ce contexte que Mamadou Touré, dit Petit Touré, dirigeant de l’entreprise nationale Sonatex (Société nationale de l’importation des textiles), déposa les statuts d’un nouveau parti. Il fut en conséquence arrêté et disparut à jamais à Camp Boiro. C’est ainsi dans le cadre du « complot petit Touré » qu’est arrêté le père de M. S. B.47. Parmi les demandeurs, on trouve aussi un neveu de Petit Touré. Au-delà d’ailleurs du complot « Petit Touré » les récits des demandeurs rendent bien plutôt compte de la détresse des commerçants. Mais ce sont incontestablement deux autres complots, plus tardifs qui provoquent des vagues de départ : le « complot de la cinquième colonne » et les arrestations massives et exécutions suite à l’agression, réelle par ailleurs, de la Guinée le 22 novembre 1970 par des mercenaires portugais et des opposants guinéens, et le « complot Peulh ». A. D. évoque ainsi le « Complot de la cinquième colonne » : « Tout commence par l’arrestation de mon père en décembre 1970 après le débarquement en Guinée des mercenaires portugais le 22 novembre 1970. Mon père El Hadj Diallo Mamadou Cello était accusé de trahison contre la révolution guinéenne c’est-à-dire le président Sékou Touré, président de la République48. » Le père de Y. C. a également été arrêté le 25 décembre 1970. Et encore A. D. : « Mon père a été arrêté, torturé et fusillé le 22 novembre 1970… mon père était accusé comme agent de renseignement de la France49. » M. C. est aussi une victime collatérale du « complot de la cinquième colonne » : « En Guinée, depuis l’agression du 22 novembre 1970, d’où par obligation je faisais partie d’un mouvement de milice, et dont j’ai refusé d’y participer à quelques mouvements dangereux concernant l’évacuation des mercenaires, depuis ces jours, j’ai pas cessé de rentrer et sortir en prison suivit de quelques souffrances50… » Quant au complot peulh il est présent dans nombre de témoignages. En 1976, Sékou Touré, sous prétexte de lutte contre l’ethnicisme et le tribalisme s’en prit aux Peulhs, accusés de « racisme », et prit un certain nombre de mesures de rétorsion à leur égard, appelant même contre eux à une forme de lynchage. Voyons ce qu’il en transparaît dans les récits des réfugiés :
« Après l’arrestation de Diallo Telli alors ministre de la Justice, beaucoup de personnalités de son ministère subirent le même sort. C’est ainsi qu’en 1978 mon père qui occupait la fonction d’attaché au ministère de la Justice fut arrêté à son tour. Depuis là, nous n’avons plus eu de ses nouvelles. Ma mère et mon frère multiplièrent les démarches auprès des autorités guinéennes mais malgré leurs efforts, ils n’eurent aucun résultat positif. Une fois, ma mère obtint une audience avec le Chef de l’État. Pas de suite positive à cette entrevue. Elle contacta aussi alla [illisible] Touré le responsable suprême du haut commandement. Rien de positif.
Devant tous ces échecs, nous fûmes obligés de rester maintenant passifs jusqu’au jour où nous reçûmes l’ordre d’évacuer les lieux que nous occupions. On nous donna trois jours pour quitter notre villa. En même temps, l’ordre fut donné de confisquer tous les biens matériels de mon père. Ce qui fut fait. Nous fûmes tous obligés de chercher refuge chez des parents. Ma mère partit chez mon oncle paternel, mon frère et moi chez notre oncle maternel.
Par ailleurs, je tiens à souligner que le gouvernement guinéen accuse les Peuls de racistes en Guinée. Ils sont à la base de tous les complots et autres inventions dans le pays. Mon père fut-il victime de son ethnie ? de son attachement au ministère de la Justice ? Seul le gouvernement guinéen peut répondre à ces questions51 » (B. M. B.).
14Ou encore, « [je demande asile] en raison des persécutions des Peuls. J’appartiens entièrement à cette ethnie52 » (M. S. D.). Diallo Telli, ministre de la Justice, ancien secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) fut en effet exécuté publiquement sous prétexte de connivences avec l’étranger, ce que confirmèrent ses aveux extorqués sous la torture53. Ce fut là le début d’un « complot peulh » qui fit des dégâts bien au-delà des personnalités peulhes du régime, comme en témoignent donc les récits de ces demandeurs d’asile ordinaires. Un autre témoignage fait état de réactions étudiantes au complot peulh. Il s’agit des étudiants guinéens en Union soviétique54 : « Je fus étudiant en URSS de 1974 à 1982 », écrit ainsi M. S. D :
« En URSS, nous, fils de comploteurs, n’avions pas droit au passeport. Cette décision discriminatoire du gouvernement à notre endroit nous poussa à former un mouvement de protestation afin que nous puissions bénéficier des mêmes avantages que les autres étudiants. Un an après la naissance de notre mouvement commença en Guinée le problème peulh (1977). Cette année, la presque totalité des étudiants peulhs intégra notre mouvement. C’est ainsi que de mouvement syndical notre mouvement devint politique. Son audience auprès des autres mouvements estudiantins grandit en même temps que l’hostilité de l’ambassade de Guinée. Nous ne pouvions plus nous adresser à l’ambassade pour quoi que ce ne soit ni nous hasarder à rentrer en Guinée pour les vacances. Enfin les autorités guinéennes ne ménageaient rien pour obtenir des Soviétiques notre rapatriement. Grâce à l’aide de la Maison de l’amitié des peuples de l’URSS nous sommes restés et avons poursuivi nos études.
En 1981, l’attitude de l’ambassade changea brusquement à notre endroit. Du côté soviétique, on nous disait que tout était arrangé et que suite à l’ouverture décidée en Guinée nous pouvions tous rentrer désormais sans crainte d’emprisonnement. C’est que mes études terminées, le 18 juillet 1982, je quittai l’URSS pour la Guinée. Arrivé en Guinée, je fus intercepté à l’aéroport Gbessi et conduit à la sûreté nationale. De la sûreté je fus expédié au camp N’Kourouma (camp de la milice nationale). Le 20 août eu lieu mon interrogatoire au cours duquel on me fit comprendre que c’est à cause des documents et souvenirs que je transportais que je fus arrêté. En vain je protestai longuement et refusai de lire la déclaration qu’on me demandait de faire. Enfin on me fit comprendre que ma seule chance de m’en sortir était dans la reconnaissance des faits. Ainsi je reconnus et ma déclaration fut enregistrée.
Après l’interrogatoire, je fus transféré dans le groupe de rééducation. Et là c’étaient tous les jours des travaux dans les champs de maïs et d’ananas sous la surveillance des miliciens. Là-bas nous étions tous les jours soumis à des contraintes physiques de toute sorte, dans l’humiliation permanente.
Le 28 septembre 1982, je fus interpellé pour me charger d’une mission afin de me racheter devant la Révolution. Il s’agissait pour moi de me rendre à l’aéroport le 29 septembre pour repérer les élèves officiers rentrant de l’URSS ceux qui sympathisaient avec notre mouvement. On me conduisit à la maison (chez mon tuteur). Après avoir tout expliqué mon tuteur, El Hadj Lansana Bangoura m’aida à quitter Conakry, ce jour même (la nuit) pour Ouassou où je restai caché chez Hadja Nabinti d’où El Hadj vint me prendre le 15 novembre pour Boké55. »
Arrêtés pour (presque) rien
15D’autres motifs d’arrestation, aussi peu justifiés soient-ils, apparaissent, au-delà des « complots ». C’est l’implication, plus ou moins volontaire d’ailleurs, lors de la « marche des femmes ». Cette marche, en fait une manifestation, eut lieu en août 1977, les commerçantes s’insurgeant contre une énième tracasserie subie par l’une d’entre elles, de la part de la police économique, sur un marché56. Elles furent ainsi des dizaines de milliers à protester, et à marcher sur le palais présidentiel. Mais la révolte des femmes n’eut pas lieu seulement à Conakry et les demandeurs d’asile en témoignent. « Fuite du pays à 5 heures du matin après la mise en œuvre d’une tentative d’arrestation pour raison politique liée à la manifestation générale des femmes de ma ville natale Forécariah le 28 août 1977 (qui ont utilisé ma voiture personnelle pour étendre leur propagande et de l’acheminement des autres femmes se trouvant dans les autres sections), chose organisée par moi contre le régime policier (PDG-RDA) de Sékou Touré57 » (M. C.). Il arrive à peu près la même chose à M. A. D. car il conduisait un autobus que les femmes ont réquisitionné lors de leur marche vers le palais58.
16Il y a aussi ceux qui ont déplu au régime par leur intervention au sujet des problèmes alimentaires, ou plus généralement du quotidien. S. F. par exemple est arrêté en janvier 1980 au cours d’une réunion de son école sur la famine qui sévit alors. Mamadou Coulibaly était « le vice-président du conseil d’administration du comité populaire révolutionnaire des agriculteurs. Lors d’une réunion administrative sur la famine qui régnait dans toute la région… réunion dans laquelle nous cherchions une solution à cette famine je fus traité de démobilisateur et de semer la panique au sein du peuple… Cette accusation poussa mes camarades à faire une grève et cela occasionna nos arrestations59… ». A. T. a été arrêté en août 1981 pour avoir créé avec d’autres jeunes gens un comité de défense des consommateurs, suite à des pannes massives et répétées d’électricité60. I. D., quant à elle, est arrêtée car elle a protesté après qu’on lui ait refusé le permis d’inhumer pour sa mère. Cette mère était la femme d’un « traître », car ami de Diallo Telli61.
17Et puis revient aussi souvent comme motif de répression le refus d’assister aux pendaisons publiques. Les pendaisons publiques furent en effet une pratique courante. Elles furent massives, et dans tout le pays, le 25 janvier 1971, après le débarquement guinéo-portugais de 1970. À Conakry le spectacle eut lieu au Pont du 8 novembre rebaptisé Pont de la honte. Elles ont pu susciter des réactions d’horreur, comme en témoigne ce texte de l’écrivaine Fatima Barry, conservé dans les archives de Bernard Mouralis, et exhumé par Elara Bertho :
Le pendu
Le pendu aux panneaux de basket
Qui flottait, ample au vent,
Calme, hautain et plein de mépris
Le pendu au visage blême, barbe bleue
Qu’on avait trouvé en l’air le matin
En conversation suspendue avec Dieu
À qui il contait les malheurs des humains
Le pendu dont les gens effrayés s’écartaient
Que l’on désignait d’un doigt tremblant
Le pendu revient parfois le soir
Fait trembler le panneau et les filets de basket
Et selon son humeur fait pencher la victoire
Le pendu qui rit d’un rire sardonique
Ou qui pleure comme hulule le vent certains soirs
Celui qu’on avait pendu pour rien
Comme il a dû rire le jour de la résurrection62.
18Il y a aussi le refus d’assister aux cours d’endoctrinement, toutes formes de résistance modestes certes mais ô combien dangereuses. Ce n’est que dans l’un des témoignages consultés qu’apparaît l’appartenance à une organisation d’opposition, Le Mouvement pour la libération de la Guinée (MLG) auquel M. S. D. aurait adhéré en 1976 après l’arrestation d’un de ses oncles. C’est parce qu’on trouve chez lui des publications interdites qu’il est à son tour arrêté63. Nous n’avons pas trouvé trace de ce Mouvement parmi les organisations d’opposition des Guinéens de l’extérieur, une opposition par ailleurs très divisée et qui connut de multiples scissions et recompositions64. Un Mouvement pour la libération de la Guinée a bien existé, mais il s’agit alors de la Guinée-Bissau.
19Enfin, il y a de vagues raisons, diverses, et le plus souvent arbitraires qui prouvent à quel point il en fallait peu pour être arrêté et persécuté dans la Guinée de Sékou Touré. Un chauffeur de l’ambassade de Guinée au Sénégal réclame désespérément un salaire qui ne lui est jamais versé. Il est rappelé en Guinée, en principe pour toucher ce salaire, et est arrêté dès son arrivée65. Ce sont ainsi de multiples accusations, de trahison, d’opposition aux politiques du régime, aussi minimes et insignifiantes soient ces oppositions qui émaillent les dossiers des réfugiés. Il ne fallait pas grand-chose, voire rien pour être arrêté, torturé et libéré avec une épée de Damoclès toujours suspendue au-dessus de soi, pour être de nouveau arrêté, etc.
20Il est un cas qui tranche sur les autres, dans les dossiers consultés, car le demandeur n’a pas été personnellement ni familialement persécuté. Il s’agit d’un pilote déserteur de l’armée guinéenne, qui fait d’ailleurs sa demande d’asile de la prison de Fresnes, où il est incarcéré. Il explique avoir livré des renseignements aux opposants guinéens et se retrouver condamné à mort par contumace sur la liste noire du 2e bureau de l’armée guinéenne. Il a effectué de longs séjours à l’Est. De 1959 à fin 1962 il est en URSS (Moscou et Géorgie), et en 1964 et 1965 en Yougoslavie66.
Voyages de migrants
21Une fois la décision prise de partir, sous la menace, il faut arriver à quitter le pays en évitant les balles de miliciens ou des militaires qui ont l’ordre de tirer à vue sur tous les déserteurs. Dans son roman de l’exil, Un rêve utile, qui nous propose un aller-retour permanent de Lyon à la Guinée, de la Guinée à Lyon, Tierno Monénenbo trace ainsi le véritable parcours du combattant qui attend l’exilé :
« Quand le boui-boui aura fermé, tu iras nous attendre au nguérou [dit le passeur]. C’est le point de ralliement et ce sera cent cinquante mille sylis… Il y a cent vingt kilomètres de brousse en évitant les mines et les barrages… Nous sommes une cinquantaine d’ombres à nous retrouver autour du nguérou. On nous répartit en deux groupes. Le gamin a pris la tête du nôtre et la brousse a refermé sur nous sa guêtre compacte de lianes et d’épines. À l’aube, après l’ascension du mont Badiar, il nous a réunis au bord d’un marigot… Vous avez là-dedans [dit le passeur] autant de fauves que vous avez de cheveux sur la tête. Vous croyez marcher sur le sol, vous n’avez en réalité sous les pieds que gouffres et chausse-trapes.… Il y a en revanche des fauves contre lesquels il est beaucoup plus difficile de se prévenir : les militaires… Le chemin est un mince filet de terre… Mettez le pied où je vous dis de le mettre : sans fumer, sans tousser, sans faire usage de matières odorantes. Nous avons coutume d’achever les petites natures qui flanchent, histoire de protéger notre fuite et de nous garantir un retour sans risque. Une pause sera accordée toutes les deux heures de marche, à la demande en cas d’extrême chaleur. Je me charge des femmes et des enfants pour ce qui est de traverser les rivières, que ce soit à gué ou sur pont de liane. Les autres se débrouillent même les vieillards… Une fois le Corubal traversé, vous serez au Sénégal. Vous continuez alors seuls sur Linkéri qui est à quarante kilomètres et vous y trouverez des véhicules pour Dakar67… »
22Tierno Monénenbo, de son vrai nom Thierno Saïdou Diallo, a lui-même fui la Guinée en 1969, rejoignant à pied le Sénégal, puis la Côte-d’Ivoire. Il a été demandeur d’asile en France, avant d’y mener une brillante carrière d’écrivain. Son récit de fuite est évidemment tiré de sa propre expérience et corrobore parfaitement ce que l’on trouve dans les dossiers des demandeurs. Certains font en effet état de ces longues marches dans la brousse : « Tout de même désespéré à réussir dans ma tentative d’évasion j’ai quitté Forécariah à 5 heures du matin le 3 sept. 77, après avoir fait une marche de cinq jours en brousse pour la traversée de la frontière Guinée-Sierra-Leone. Je suis arrivé à Freetown… dans un camion qui transporte les fagots le 14-9-77. Départ 30-9-77 dans la citerne comme deuxième chauffeur… malade d’une diarré pour un bon temps68… » Ils ont le choix, si l’on peut dire, entre les pays frontaliers de la Guinée : Sénégal, Mali, Côte-d’Ivoire, Guinée Bissau, Sierra Leone et il y a autant de périples différents que de demandeurs. Ils ou elles restent également plus ou moins longtemps dans l’un de ces pays avant de partir, au hasard des possibilités, pour la France. La Côte-d’Ivoire notamment a abrité une forte communauté de Guinéens, qu’a bien décrit Mamadou Aliou Barry dans son autobiographie69. Lui-même la fréquenta un moment avant de partir en France et d’y réussir une carrière dans l’armée, puis de devenir consultant international en matière de droits humains. Thierno Bah a œuvré au sein de cette communauté d’exilés vivant dans des conditions souvent précaires. Il raconte s’être essayé à un recensement ainsi qu’être intervenu auprès du haut-commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU pour obtenir des aides.
23Les étudiants ont pu, parfois, bénéficier de bourses offertes par le président Félix Houphouët-Boigny, dont les rapports avec Sékou Touré ont longtemps été très mauvais. Limitée à l’origine à quelques commerçants, la communauté guinéenne en Côte-d’Ivoire a pris de l’ampleur – Houphouët-Boigny la chiffrait à 400 000 personnes dans une conférence de presse tenue en avril 1973 et nous avons vu qu’en 1984 elle était estimée à 630 000 personnes – alors même que les opportunités professionnelles se faisaient plus rares. M. C. par exemple est parti de Forécariah le 3 septembre 1977. Il a passé trois jours à Kassiri, ville frontière entre la Guinée et Sierra Leone, puis quinze jours à Freetown, sept jours à Monrovia, d’où il a réussi à gagner Abidjan où il est malade et contraint de rester vingt-trois jours avant de pouvoir gagner Anvers par bateau puis Bruxelles et enfin Paris. A. D., quant à lui, a séjourné quatre ans en Côte-d’Ivoire avant de partir pour la France. M. C. passe lui aussi par Abidjan, après avoir traversé la frontière à Kankan. Il travaille dix-huit mois au port en qualité de conducteur d’engins lourds avant d’être licencié faute du permis de travail adéquat. Ils sont bien entendu nombreux à avoir effectué des petits boulots lors de leur périple. Certains ont des trajets particulièrement compliqués. B. T. a quitté Conakry en janvier 1979 pour gagner le Mali. Il reste 6 mois à Bamako avant de gagner le Niger et séjourner 7 mois à Niamey puis repart pour le Burkina où il reste un peu plus de trois ans. Il arrive en France en juillet 1983 et est à Lyon au moment de formuler sa demande. Ils sont également toutes et tous tributaires des bateaux qui les transportent en Europe et où ils embarquent ou non en clandestins. Ces bateaux les conduisent en Belgique, en Espagne, en Italie ou en France. Parmi les dossiers consultés, seules deux jeunes femmes ont pu bénéficier d’un voyage en avion, la première que lui a payé un cousin demeurant en Côte-d’Ivoire, la seconde est venue de New York où avait résidé son frère70. Mais il est bien évident que ce n’est pas là un cas de confort fréquent. Une autre jeune femme a pu payer les passeurs grâce aux bijoux de sa mère71. Elle est passée par le Mali et par Alger. Ce qu’on peut également noter c’est que les demandes peuvent parfois être faites longtemps après l’arrivée en France, ce que peut expliquer une conjoncture en matière d’immigration de plus en plus difficile. Dans les dossiers des demandeurs, on n’a trouvé qu’un cas de demande de réintégration dans la nationalité française qui, semble-t-il, s’est heurté à un refus, ce qui tendrait à prouver que cette réintégration était plus difficile à obtenir que le statut de réfugié. Les réfugiés n’ont pas toujours des papiers en règle pour prouver leur nationalité. Mamadou Aliou Barry raconte comment il s’est procuré pour voyager un faux passeport voltaïque, grâce à une connaissance à l’ambassade de Haute-Volta en Côte-d’Ivoire. Il eut bien du mal ensuite lors de sa demande d’asile à prouver que le passeport était faux et qu’il était bien guinéen72. Il obtiendra ensuite sa réintégration dans la nationalité française.
24Nombre des certificats obtenus sont résiliés dans les années 1986-1990, sous raison que les conditions politiques ne sont plus les mêmes en Guinée. Les échéances sont diverses du fait que la demande de renouvellement doit être faite tous les cinq ans et que l’échéance est donc différente pour chacun. Après la mort de Sékou Touré, le régime militaire s’avéra également brutal et, même si la répression fut moins systématique et érigée en un véritable système qu’elle l’avait été sous Sékou Touré, elle fut néanmoins vigoureuse. L’actuel président de la Guinée Alpha Condé, qui avait été condamné à mort par contumace sous la première République, rentra en Guinée, candidata en 1993 puis en 1998 à la présidence de la République, contre Lansana Conté, et se retrouva en prison. Il ne fut libéré, non sans séquelles, que sous la pression de l’opinion internationale. La violence en Guinée, dès avant 1958, fit système. Céline Pauthier en situe la genèse bien avant l’indépendance, dans les replis profonds de la violence coloniale, ou dans les luttes pour le pouvoir du colonialisme tardif.
25En rendant compte des éléments contenus dans les dossiers des demandeurs d’asile, nous n’avons pas tenu compte de la décision de l’Ofpra d’accorder ou non le statut de réfugié. D’une part les fonctionnaires de l’Ofpra peuvent se tromper en jugeant ou non de la force de conviction du témoignage. Ils peuvent aussi ne trouver aucune trace matérielle susceptible d’étayer le récit : traces de tortures, listes de condamnés, résultats d’enquêtes menées par Amnesty International. Les comptes-rendus d’entretiens qui ont pu être déterminants, mais qui témoignent sûrement aussi des qualités du demandeur à susciter l’émotion, ont très peu été conservés. D’autre part, même si un témoignage est sujet à caution, ce qu’il dit de la réalité guinéenne ne l’est pas. Si on ne dit pas la vérité sur soi-même, on l’emprunte alors à d’autres qui ont vécu ce que l’on rapporte. Et cela dit la vérité, sinon du demandeur, au moins de la Guinée de Sékou Touré.
Notes de bas de page
1Texte de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés ; texte du protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés : [https://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62.pdf].
2Les études portant sur la Guinée sous Sékou Touré se multiplient, en Guinée comme à l’extérieur. Pour un bilan historiographique récent, voir notamment : Camara Mohamed Saliou, Political History of Guinea since World War Two, New York, Peter Lang Publishing, 2014 ; Iffono Gilbert, La Guinée : de Ahmed Sékou Touré à Alpha Condé ou le chemin de croix de la démocratie, Paris, L’Harmattan, 2013.
3Je remercie de tout cœur Aline Angoustures et Adélaïde Choisnet, des archives de l’Ofpra, qui m’ont été d’une aide précieuse et m’ont considérablement facilité le travail. Je remercie également Odile Goerg d’avoir bien voulu relire cet article.
4Voir à ce sujet : Diallo Abdoulaye, Goerg Odile et Pauthier Céline (dir.), Le Non de la Guinée (1958). Entre mythes, relecture historique et résonances contemporaines, Cahiers Afrique (25), Paris, L’Harmattan, 2010.
5[https://www.ina.fr/audio/PHZ09010864], consulté le 21 juillet 2023.
6Lewin André, Sékou Touré 1922-1984, président de la Guinée de 1958 à 1984, thèse d’histoire, Aix-Marseille, université Aix-Marseille, 2008. La thèse a été publiée en 7 volumes par L’Harmattan en 2009. Il existe d’autres biographies de Sékou Touré telle celle de Kaké Ibrahima Baba, Sékou Touré : Le héros et le tyran, Paris, Jeune Afrique, 1987.
7Pour une liste des complots voir : Iffono Gilbert, La Guinée : de Ahmed Sékou Touré à Alpha Condé…, op. cit., p. 257-258.
8Sur la Guinée de Sékou Touré, le travail le plus complet est certainement la thèse de Pauthier Céline, L’indépendance ambiguë. Construction nationale, anticolonialisme et pluralisme culturel en Guinée (1945-2010), thèse de doctorat, sous la direction de Odile Goerg, Paris, université Paris-Diderot, CESSMA, 2014.
9Bah Amadou Oury, Keita Binto et Lootvoet Benoît, « Les Guinéens de l’extérieur : rentrer au pays ? », Politique Africaine, no 36, 1989, p. 22-37.
10Loi 60-752, [https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000512211/], consulté le 21 juillet 2023.
11La démarche a été peu faite, ne serait-ce que parce qu’il n’y avait aucune formalité pour venir en France. De 1960 à 1962, il y a eu 200 déclarations puis 40 en 1963, 64 en 1964, 118 en 1965, 161 en 1966, 208 en 1967, 287 en 1968, 370 en 1969 (chiffres fournis par Alexis Spire).
12[https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006283737/1993-07-23], consulté le 21 juillet 2023.
13[https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000362019], consulté le 21 juillet 2023.
14[https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000886939/], consulté le 21 juillet 2023.
15[https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000516044/], consulté le 21 juillet 2023.
16Les synthèses proposées à ces sujets par le Gisti sont précises et documentées : [https://www.gisti.org/spip.php?article1389], consulté le 21 juillet 2023.
17Rapport sur l’activité de l’Office français des réfugiés et apatrides : année 1971, Neuilly-sur-Seine, Ofpra, 1972, p. 20.
18Statistiques de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour l’année 1972, Neuilly-sur-Seine, Ofpra, 1973, n. p.
19Rapport d’activité de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour l’année 1978, Neuilly-sur-Seine, Ofpra, 1979, n. p.
20Rapport d’activité de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour l’année 1977, Neuilly-sur-Seine, Ofpra, 1978, n. p.
21Ce chiffre est évidemment cumulatif.
22Idem pour l’année 1978.
23Rapport d’activité de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour l’année 1979, Neuilly-sur-Seine, Ofpra, 1980, n. p.
24L’Éthiopie a connu une des plus sanglantes révolutions qu’il y eut jamais. Le Zaïre est gouverné par le très autoritaire et répressif maréchal Mobutu. L’Angola est en guerre. On comprend moins l’importance numérique des demandes d’asile de Ghanéens, d’autant que le Ghana, ancienne Côte de l’Or était une ancienne colonie britannique.
25Rapport d’activité de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour l’année 1980, Aubervilliers, Ofpra, 1981, n. p.
26Rapport d’activité de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides pour l’année 1981, Aubervilliers, Ofpra, 1982, n. p.
27Bah Amadou Oury, Keita Bintou et Lootvoet Benoît, « Les Guinéens de l’extérieur : rentrer au pays », Politique africaine, 36, 1989, p. 23.
28Nous avons anonymisé les témoignages en ne conservant que les initiales.
29Céline Pauthier, dans sa thèse, a instruit une analyse critique du concept : Pauthier Céline, L’indépendance ambiguë, op. cit., p. 49-50.
30Kaba Camara, Dans la Guinée de Sékou Touré : cela a bien eu lieu, Paris, L’Harmattan, 1998.
31Diallo Alpha-Abdoulaye, La Vérité du ministre, Dix ans dans les geôles de Sékou Touré, Paris, Calmann-Levy, 1985.
32Bari Nadine, Grain de sable : les combats d’une femme de disparu, Paris, Éditions du Centurion, 1983.
33Alata Jean-Paul, Prison d’Afrique : Cinq ans dans les geôles de Guinée, Paris, Le Seuil, 1976.
34Lew Roland, « L’ennemi intérieur et la violence extrême : l’URSS stalinienne et la Chine maoïste », Cultures et conflits, vol. 43, 2001, [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/conflits/868], consulté le 17 février 2021 ; DOI : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/conflits.868], consulté le 21 juillet 2023.
35Par exemple : [https://www.facebook.com/697046183672698/posts/memorial-liste-partielle-des-victimes-du-camp-boiroauteur-memorial-camp-boirocet/904376942939620/] ou [https://www.ina.fr/video/CAB90016514]. Le journal Horoya publiait en Guinée des listes de condamnés, consultés le 21 juillet 2023.
36Bah Thierno, Mon combat pour la Guinée, Paris, Karthala, 1996, p. 89-100.
37L’analyse de l’œuvre de Tierno Monenenbo, et de celle de Williams Sassine et la place qu’y tient l’exil ont donné lieu à de très nombreuses publications, articles, ouvrages ou thèses.
38Je remercie Adélaïde Choisnet d’avoir opéré cette sélection. Le chiffre de 633 est approximatif, étant donné le caractère peu précis des bases de données. Par ailleurs, il y a un certain décalage par rapport aux chiffres donnés dans les rapports d’activité de l’Ofpra.
39Il y avait quatre dossiers de femmes sur les cinquante consultés.
40On a pris le parti de reproduire tels quels les récits des demandeurs d’asile, fautes d’orthographe ou de français comprises.
41Archives de l’Ofpra (ArOfpra), dossier 90-11-00809.
42ArOfpra, dossier 90-08-11625.
43ArOfpra, dossier 89-08-01966.
44En 1960, il y avait déjà eu des « complots » mais le complot des enseignants marque vraiment le début de la dérive sécuritaire.
45Sur les complots voir Pauthier Céline, L’Indépendance ambiguë, op. cit., Sur le complot des enseignants voir aussi : Blum Françoise, « Une formation syndicale dans la Guinée de Sékou Touré : l’université ouvrière africaine, 1960-1965 », Revue historique, no 667, 2013, p. 661-691 ou encore Diallo Abdoulaye, Être acteurs et actrices du système éducatif guinéen sous Sékou Touré : enjeux politiques et implications sociales. 1957-1984, thèse d’histoire, sous la direction de Odile Goerg, Paris, université Paris-Diderot, 2008.
46ArOfpra, dossier AFR 978.
47ArOfpra, dossier 89-08-02669.
48ArOfpra, dossier 90-08-11625.
49ArOfpra, dossier 89-10-01795/04.
50ArOfpra, dossier AFR172.
51ArOfpra, dossier 89-10-01878.
52ArOfpra, dossier 89-08-01964.
53Voir Diallo Amadou, La mort de Diallo Telli – Premier secrétaire général de l’OUA, Paris, Karthala, 1983.
54Sur les étudiants africains en URSS, et donc aussi sur les étudiants guinéens, on consultera avec profit la thèse de Katsakioris Constantin, Leçons soviétiques : la formation des étudiants africains et arabes en URSS pendant la guerre froide, thèse de doctorat en histoire sous la direction de Nancy Green, Paris, EHESS, 2015. Déjà après le complot des enseignants, la Guinée avait exigé le rapatriement de ses étudiants à l’Est, car ils avaient envoyé une lettre de protestation à Sékou Touré. Malgré les réticences de l’URSS, ils furent rapatriés, « rééduqués » puis renvoyés en URSS ou en Europe de l’Est.
55ArOfpra, dossier 89-0802669.
56Pauthier Céline « “La femme au pouvoir, ce n’est pas le monde à l’envers” : le militantisme au féminin en Guinée (1945-1984) », in Muriel Gomez-Perez (dir.), Femmes d’Afrique et émancipation. Entre normes sociales contraignantes et nouveaux possibles, Paris, Karthala, 2018, p. 73-113.
57ArOfpra, dossier AFR 182.
58ArOfpra, dossier AFR 220.
59ArOfpra, dossier AFR 193.
60ArOfpra, dossier 90-07-01342.
61ArOfpra, dossier 90-05-03750.
62Bertho Elara, « L’effondrement du socialisme guinéen documenté sur le vif : utopies, satires et silences d’une littérature mineure », Canadian Journal of African Studies/Revue canadienne des études africaines, vol. 54/3, [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1080/00083968.2020.1839525], consulté le 21 juillet 2023.
63ArOfpra, dossier 90-08-02043.
64Les principaux mouvements d’opposition, basés à Paris, à Abidjan et à Dakar furent le Front national de libération de la Guinée (FLNG), l’Organisation pour la libération de la Guinée (OLG), le Rassemblement des guinnéens de l’extérieur (RGE). Thierno Bah a dressé le tableau des divisions de cette opposition dont il fut un membre actif en tant notamment que membre fondateur de l’OLG. Bah Thierno, Mon combat pour la Guinée, op. cit., p. 131-195.
65ArOfpra, dossier AFR225.
66ArOfpra, dossier 90-08-08948.
67Monenenbo Tierno, Un rêve utile, Paris, Le Seuil, 1991, emplacements 1526-1532 de l’édition électronique.
68ArOfpra, dossier AFR 182.
69Aliou Barry Mamadou, Revenir : l’Afrique au cœur, Paris, Descartes & Cie, 2018.
70ArOfpra, dossiers 90-08-11625 et AFR 108.
71ArOfpra, dossier 90-05-03750.
72Aliou Barry Mamadou, Revenir…, op. cit.
Auteur
Centre d’histoire sociale des mondes contemporains.
Françoise Blum est ingénieure de recherche CNRS au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains. Elle travaille sur les mouvements sociaux en Afrique subsaharienne, les socialismes africains et sur la décolonisation. Elle a également travaillé sur les étudiants africains en France. Elle codirige le Dictionnaire des mobilisations et contestations africaines ou « Maitron Afrique », au sein du dictionnaire en ligne du même nom. Elle a notamment publié Révolutions africaines : Congo, Sénégal, Madagascar, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014 et (avec Pierre Guidi et Ophélie Rillon) Étudiants africains en mouvements : contribution à une histoire des années 68, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016 et codirigé Socialismes africains/Socialismes en Afrique, Paris, Éditions de la MSH, 2021 et Les Partis communistes occidentaux et l’Afrique, Paris, Hémisphères, 2022.
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