Pourquoi le breton n’est pas devenu une langue de scolarisation (1499-1794)
p. 189-204
Note de l’auteur
Une première version de cet article a paru dans les Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 2022, t. CXXIX, no 1 (p. 71-91). Je remercie l’éditeur de m’avoir autorisé à le republier ici.Texte intégral
1L’histoire de la place du breton à l’école est surtout celle d’une absence. Alors que les classes bilingues ou immersives actuelles sont volontiers mises en avant comme signe du dynamisme de la langue, il faut rappeler que celles-ci sont un phénomène relativement jeune et qu’elles concernent encore une proportion assez réduite d’élèves. Car même si un mouvement revendicatif visant à introduire l’enseignement du breton a existé dès le xixe siècle, il n’aura guère réussi à se faire entendre. L’idée-reçue de l’inadaptation fondamentale du breton à un usage scolaire est en effet longtemps restée la règle : nombre d’inspecteurs, d’enquêteurs, d’instituteurs sont persuadés que le breton est le principal obstacle à la diffusion de l’alphabétisation1. Idée tellement ancrée qu’elle est encore avancée par certains historiens jusqu’à la fin du xxe siècle2. Ce qui représente donc l’aveu en creux du postulat que l’alphabétisation ne peut être conduite qu’en français. Ceci malgré les exemples alsacien et flamand, où de hauts niveaux d’alphabétisation ont pu être atteints en s’appuyant sur la langue locale3. Malgré aussi le contraste frappant à la fin du xviiie siècle entre une Bretagne romane également sous-alphabétisée et la Normandie très en avance, malgré des pratiques linguistiques vraisemblablement assez similaires4.
2Le jugement négatif sur le breton paraît d’autant plus infondé qu’il a un long passé de langue d’instruction : les catéchismes en apportent la meilleure attestation depuis la Réforme catholique. Plusieurs manuels ont par ailleurs été produits en breton à partir du xixe siècle5 et en 1831, le ministère de l’instruction publique envisagea même l’enseignement du français par le breton, projet finalement rejeté6. Plus tard, d’autres initiatives connaîtront davantage de succès, qu’il s’agisse de l’introduction du breton dans l’enseignement catholique au début du xxe siècle7, jusqu’aux écoles Diwan et aux classes paritaires d’aujourd’hui. Mais le bilan reste maigre : le relatif dynamisme contemporain ne parvient pas à compenser le fait que par le passé, le breton est entré à l’école soit de façon rudimentaire, soit dans le cadre d’expériences isolées ou résiduelles. En tout cas, il n’aura jamais accédé au statut de langue d’enseignement de masse.
3Pour expliquer cette situation, le rôle de l’État est volontiers mis en avant, particulièrement à partir de la période charnière de la Révolution. Désigné comme responsable d’une politique « linguicide », l’État aurait assigné pour principale mission à l’école la francisation des populations8. Peut-on cependant faire de la période révolutionnaire le point de départ de l’exclusion du breton de la sphère publique ? L’examen des faits conduit à en douter. Si le fameux discours de Barère occupe une place de choix dans la mémoire glottopolitique française, la Révolution ne fait qu’hériter d’une vision négative de la diversité des langues et d’une hiérarchisation des variantes largement antérieures. Dès 1719, 70 ans avant la prise de la Bastille, l’auteur d’une méthode d’enseignement du français tente ainsi de persuader le lecteur que grâce à son ouvrage, « on pourra extirper tous les patois & les jargons du Royaume9 […] ». Projet hautement souhaitable selon lui, car « la diversité des Langues est souvent la cause de la diversité des sentimens. Les patois & les jargons dans un état produisent à peu près le même effet que la diversité des Langues ; ainsi quand il n’y aura plus qu’une Langue, il y a lieu d’esperer que les esprits &. les cœurs seront unis plus étroitement10 ».
4Que cette position représente l’opinion commune du temps ou un parti pris individuel, sa précocité conduit pour le moins à s’interroger : si Barère n’invente rien, où se situe le point de rupture ? Et y a-t-il un point de rupture, ou une lente maturation ? Si ce n’est pas le politique qui disqualifie le breton, mais la société civile, faut-il en chercher les indices dans les discours ou dans les pratiques culturelles ? Quelles sont ces pratiques, qui ont contribué à maintenir le breton hors de la sphère scolaire ? Ce sont ces interrogations qui ont motivé une recherche qui, de fil en aiguille, m’a conduit à l’exploration de cette vaste période de trois siècles précédant la Révolution française. Je précise que n’étant pas historien de formation, mais linguiste, j’ai adopté dans le cours de mon travail une périodisation qui pourra sembler contestable, mais qui se fonde sur des données que j’ai jugées pertinentes sociolinguistiquement. De ce point de vue, les Temps Modernes débutent pour l’histoire de la langue bretonne en 1499, avec le Catholicon, dictionnaire trilingue breton-français-latin et premier livre imprimé en breton. Ce qui montre qu’à la charnière entre Moyen Âge et Renaissance, le breton bénéficie des dernières innovations techniques, que ses locuteurs ne sont pas en retard sur leur temps et que le breton avait toutes ses chances pour réussir la mue culturelle de l’époque. La période se clôt avec le décret de la Convention du 8 pluviôse an II (27 janvier 1794), qui établit des « instituteurs de langue française » dans un certain nombre de départements non francophones11. Après une période de tolérance, la Révolution se rallie au programme de l’abbé Grégoire, revendiquant la nécessité « d’anéantir les patois12 ». Et alors que le mot « instituteur » apparaissait seul dans les premiers projets éducatifs révolutionnaires13, cette adjonction « de langue française » indique bien le nouveau but désormais assigné à l’école. Manifestement, entre ces deux dates, on ne peut donc que dresser le constat d’un échec : l’idée s’est imposée que le breton n’était pas, ne pouvait pas être un outil d’instruction et d’alphabétisation.
5Et si l’on accepte l’idée que la réponse est à chercher avant et non pendant la Révolution, il semble possible d’avancer que le breton a en quelque sorte manqué la Modernité. Ou pour être plus précis, les bretonnants ont manqué la phase de démarrage des Temps Modernes, tandis qu’au contraire, ils profiteront à plein de la phase centrale de la Modernité, celle de la Réforme catholique. Mais ceci en conservant le handicap initial, ce qui sera également cause de l’échec à entrer dans la troisième Modernité, celle de la rationalité triomphante du xviiie siècle.
1499-1563 : le breton manque la première Modernité
Le français, grand gagnant du recul du latin
6Du point de vue de l’histoire linguistique, la première Modernité commence avec la fin du monopole du latin, induisant la promotion des langues vernaculaires. Le français, vieille langue de cour, administrative14 et littéraire, connaissant déjà une certaine diffusion, était mieux armé que d’autres pour négocier un tel virage. Mais même pour le français, la lutte fut âpre et sa légitimité dans certains secteurs contestée jusqu’au xviiie siècle15. Il va sans dire que le breton est quant à lui dans une position bien moins favorable.
7Alors que le français n’a que le latin pour concurrent, le breton fait partie d’un complexus trilingue, qui le voit associé à la fois au latin et au français. Contrairement à la généralisation conceptuelle de Fishman16, je ne décrirai pas ces contacts comme une diglossie. En accord avec la définition originelle de Ferguson17 et avec Hudson18 et Aracil19, je réserve ce terme à la situation de tension interne, entre les variétés de breton : standard/vernaculaire20. S’agissant des rapports entre langues identifiées comme différentes, il convient de parler de bilinguisme, soit institutionnel, soit sociétal, dont les caractéristiques apparaissent dans le tableau suivant (H = langue haute ; L = langue basse) :
Diglossie | Bilinguisme institutionnel | Bilinguisme sociétal | ||
Identification des variantes | Deux langues différentes | X | X | |
Deux variantes d’une même langue | X | |||
Transmission | H est une langue étrangère ou construite, elle n’est apprise que par enseignement formel et personne ne l’a pour langue maternelle. Tous emploient L pour s’adresser aux enfants. | X | X | |
H est devenue langue maternelle, alors qu’elle était originellement la langue d’un groupe distinct. Ceux qui le peuvent emploient H pour s’adresser aux enfants. | X | |||
Distribution fonctionnelle | Les locuteurs de H parlent tous également L, le choix de la variante dépend du contexte. | X | X | |
Les locuteurs de H ne parlent pas tous L. Le choix de la variante est fonction des interlocuteurs. | X | |||
Statut des variantes | L est valorisée. Les locuteurs de L ne subissent pas de pression au changement. | X | X | |
L est dévalorisée. Les locuteurs de L sont stigmatisés et s’efforcent d’adopter H. | X | |||
Tendance évolutive | Stable. Si la société subit d’importantes mutations, la stabilité peut prendre fin : généralisation de L (étendue à de nouveaux domaines). | X | X | |
Instable à long terme. Évolution prévisible : généralisation de H (pratiquée par de nouveaux locuteurs). | X |
8Dans le cadre d’un bilinguisme institutionnel, la position haute (H) correspond à un usage officiel et administratif. Partout, le latin joue ce rôle face à la langue locale, en position basse (L). Chaque langue se voit ainsi assigner une fonction, qui n’empiète pas sur le domaine de l’autre. La position de subordination de la langue « basse », est donc toute relative et ne conduit pas à son dénigrement, mais à une complémentarité, à la façon dont l’anglais s’ajoute aujourd’hui aux répertoires linguistiques de toutes les sociétés d’Europe continentale, sans être en passe d’y remplacer aucune langue.
9Dans la Basse Bretagne médiévale, latin et français se partagent la fonction H (H1 pour le latin et H2 pour le français, langue judiciaire, de chancellerie et de cour), tandis que le breton représente la variété L. Pour autant, le breton est entouré d’une certaine considération : il n’est pas complètement exclu des lieux de prestige21 et il est donc bien présent sur les monuments publics. Sous cet angle, toutefois, l’usage apparaît très déséquilibré. Les 127 inscriptions des xve et xvie siècles recensées dans le Finistère par Abgrall22 dessinent des lignes de force quant à la distribution des rôles. Qualitativement : au latin l’adresse au divin, au breton la connivence ou l’édification, au français l’expression officielle neutre. Quantitativement ensuite : on dénombre 98 inscriptions en français, 23 en latin23 et seulement 6 en breton. Dès le xvie siècle, le partage entre langues vivantes, quoiqu’également estimées, est donc clair : il y a une langue pour l’oralité, le breton24, et une langue pour l’écrit, le français.
10Avec la conquête par le français de nouveaux domaines, le vieil équilibre éclate. Le latin, langue morte, ne peut que continuer à s’inscrire dans un rapport de bilinguisme institutionnel avec les langues vivantes auxquelles il est associé. Mais la promotion du français signifie le glissement du rapport entre français et breton d’un bilinguisme institutionnel vers un bilinguisme sociétal : la langue H (le français) n’est plus une réalité abstraite, cantonnée à l’administration et à l’ostension, mais devient une pratique de plus en plus courante, qui devient même exclusive dans les milieux les plus favorisés, au point d’y devenir une langue maternelle.
11Cette évolution est extrêmement lente : elle s’étend vraisemblablement sur plusieurs siècles, ce qui la rend indolore aux contemporains. La première étape dans le passage des élites du breton au français remonte probablement à l’an mil25. Mais ce processus d’assimilation par le haut26 n’avait pas empêché la société basse-bretonne de fonctionner durablement avec sa langue propre. Le français était longtemps resté soit la langue du voisin, soit une sorte de latin bis27. Au xvie siècle, la dynamique d’expansion du français s’accélère considérablement : même si le breton est encore présent chez les élites au xviiie siècle28, dès le xviie le français devient courant en milieu urbain dans toutes les couches sociales29.
Un pays pas encore mûr pour l’ère de l’écrit
12La superposition de ces deux partages fonctionnels : français/écrit vs breton/oralité, fournit déjà une explication à l’absence de volonté des bretonnants de faire du breton une langue de culture écrite. Mais si la Basse Bretagne reste réfractaire à l’écrit, c’est que deux facteurs déclenchants, étroitement imbriqués, lui font défaut : l’urbanisation30 et l’éclosion du protestantisme.
13Avant le décollage de Brest, lié à la marine, la Basse Bretagne est dépourvue de villes d’importance : le maillage urbain est une constellation de petites villes épiscopales ou marchandes, dont le rayonnement reste local31. Un réseau dans lequel le potentiel démographique, économique et culturel s’éparpille. Cette faiblesse urbaine se traduit par l’absence d’intelligentsia. À la différence de Montpellier, Strasbourg, Bologne… la Bretagne n’abrite aucun grand centre intellectuel. La première Université bretonne est fondée en 1460, alors qu’auparavant, les clercs bretons allaient se former à Angers, Orléans ou Paris32. Il y a bien à partir du xve siècle émergence d’une bourgeoisie négociante, urbaine et parlant le breton33. Mais elle reste quantitativement et culturellement sous l’emprise des modèles français. La graphie du breton en porte la trace : aux premiers siècles de l’introduction de l’alphabet latin, le breton avait développé un système de correspondances grapho-phonologiques qui lui était propre. À l’inverse, les textes médiévaux qui émergent au xve siècle après une longue éclipse34 empruntent désormais leurs normes orthographiques au français. Les graphèmes tels que -qu- ; -ou- ; -eu- font leur apparition, ainsi que des variantes typiquement françaises, employées « pour l’œil » : -y- avec valeur de /i/ (evyt35) ; -x- pour /s/ (gourdroux36)… Seules solutions graphiques indigènes rescapées de cet alignement, les graphèmes qui notent des phonèmes inconnus du français : -ff- pour la nasalisation des voyelles (vite concurrencé par -n-) ; -z-, -tz- ou -ts- pour les interdentales /θ, ð/.
14Périphéricité, sous-dimensionnement des villes, de la classe aisée éduquée et des infrastructures intellectuelles font que la Bretagne ne possède pas le terreau nécessaire pour voir s’implanter la Réforme protestante. Celle-ci ne s’épanouit que là où la population a déjà atteint une certaine masse critique d’alphabétisation, permise par un fort encadrement urbain37. L’échec de la Réforme en Bretagne s’expliquerait ainsi par la vigueur d’une riche culture populaire orale et rurale38. Une culture en tout point opposée à celle des réformés, issus des classes urbaines, aisées et instruites39, qui ne parviendront pas à la comprendre et à l’utiliser pour leur activité missionnaire. Les travaux sur les huguenots réfugiés à Genève montrent ainsi à quel point les Bretons sont faiblement représentés40 : avec le massif central et les Landes, la Bretagne constitue une des trois zones de vide protestant du royaume. Or, le lien entre protestantisme et alphabétisation est une sorte de relation gagnant-gagnant : dès lors que le protestantisme est installé, les nouvelles exigences éducatives exprimées par les Réformateurs41 contribuent à soutenir et massifier la diffusion de l’écrit42, accélérant ainsi l’impulsion initiale. Mais l’avantage éducatif acquis se maintient même sur les terres où la Réforme a reculé : l’Église catholique y mettant toute son énergie à lutter contre l’hérésie et donc à développer la scolarisation des humbles43. À l’inverse, là où le protestantisme n’a pas pu s’enraciner, l’indifférence à l’écrit se prolongera d’autant mieux.
15L’échec de la société basse-bretonne à entrer dans la Modernité apparaît donc comme la somme de ses caractéristiques anthropologiques. Elle perd ainsi l’occasion de faire accéder sa langue au rang de langue de culture écrite de large diffusion, même à l’échelle de son petit territoire. Le breton reste au contraire une langue aux caractéristiques médiévales : domination de l’oralité, usage domestique, dépendance à une langue de prestige (français en lieu et place du latin). Ce qui sera lourd de conséquences pour l’avenir, puisque le breton cesse d’être le complément oral d’une langue morte : il devient le pendant populaire et local d’une langue vivante qui prend son envol comme grande langue européenne.
1563-1725 : l’héritage à double tranchant de la Réforme catholique
Un effort culturel intense
16Si les bretonnants manquent la première Modernité, ils vont pourtant bénéficier de la seconde, celle de la Réforme catholique, qui fait coïncider deux vastes mouvements d’acculturation : celui émanant de l’Église, qui recherche une transformation spécifiquement religieuse des consciences, mais aussi celui issu de la sphère étatique, visant à un contrôle accru de la société civile44. Avec la naissance de l’État moderne et la complexification administrative qu’il entraîne, l’écrit atteint désormais jusqu’aux couches les plus modestes45. Baux, contrats, quittances, actes notariés, état-civil, délibérations des conseils de fabrique… concernent les paysans de plus en plus régulièrement46. Or tous ces écrits à caractère officiel sont rédigés en français, sans que jamais personne n’ait apparemment éprouvé le besoin de le spécifier47. C’est donc que l’idée est déjà admise que le breton est à usage interne et oral, tandis que le français est par essence la langue de l’administration et du pouvoir, des relations formelles et extérieures à la communauté locale. Cet état de fait ne résulte pourtant d’aucune fatalité liée à d’hypothétiques carences de la langue : les colloques de Quiquer48, traduits de modèles associant français et flamand, donnent ainsi des exemples de lettres de reconnaissance de dette ou de contrats en breton. De même, les décrets révolutionnaires traduits entre 1789 et 1794 montrent bien que le breton a pu jouer brièvement le rôle de langue administrative. Mais pour l’essentiel, cet usage est resté latent.
17Cette dichotomie, qui n’est pas nouvelle, entre langue à vocation orale et langue d’un pouvoir de plus en plus lointain va aller se renforçant au rythme de l’accroissement de la bureaucratie. Surtout, elle renvoie au divorce qui se met en place alors entre la culture du peuple et celle des élites49. Par les collèges nouvellement fondés, par le développement du rationalisme, par la prégnance de la culture classique50, les élites se forgent une culture radicalement différente de celle du peuple et entrent définitivement dans la civilisation de l’écrit. Pour l’homme du peuple, en revanche, la finalité de l’éducation reste essentiellement religieuse. Et en Bretagne, prise en charge par l’Église catholique. Il faut donc souligner ici une des singularités de la démarche éducative catholique, opposée au protestantisme : les protestants instruisent le peuple afin de lui permettre la lecture de la Bible après que celle-ci ait été traduite en langue vernaculaire. L’entreprise consiste donc à élever le niveau culturel du peuple au niveau de la norme livresque. À l’inverse, l’Église catholique, faisant le choix d’être « blâmée des savants plutôt qu’incomprise des ignorants », instruit le peuple dans sa langue, au moyen du catéchisme. Là où une langue littéraire existe (français, italien, espagnol etc.), elle la met à contribution. Mais là où aucune variété littéraire n’est solidement implantée, elle va, pour remplir sa mission, créer des standards accessibles à la masse des fidèles. En somme, elle abaisse le niveau de la norme pour la rendre compatible avec la culture du peuple. Ce sera le cas des langues du Nouveau Monde51, mais aussi des langues européennes où l’écrit n’a pas encore fait de percée décisive.
Les ambiguïtés de la Réforme catholique
18C’est pour cette raison que l’action de la Réforme catholique apparaît en Bretagne comme un héritage à double tranchant. À son crédit, elle dote le breton d’outils de littéracie renouvelés et efficaces : les graphies archaïques du Moyen breton sont abandonnées vers le milieu du xviie siècle, en particulier sous l’impulsion de Julien Maunoir. Elles sont remplacées par des solutions graphiques plus simples, tendant vers le principe phonétique, qui se stabilisent entre 1650 et 1700. Cette nouvelle graphie servira à l’impression des catéchismes, mais c’est aussi toute une littérature de piété qui voit le jour. Des dictionnaires et des grammaires complètent le mouvement, faisant du breton une langue de clercs, ce qui rendra possibles les traductions de la période révolutionnaire.
19Seulement l’Église, seule institution faisant usage du breton, est avant tout au service de du Salut des fidèles. L’usage qu’elle fait de la langue bretonne a donc une finalité exclusivement pastorale et ne vise absolument pas l’alphabétisation per se52. Ainsi qu’il en va sur toutes les terres catholiques : en 1752, lorsque les notables de Capbreton demandent à l’évêque de Dax des catéchismes en français plutôt qu’en gascon, celui-ci leur répond que l’école n’est pas instituée pour apprendre une langue, « mais pour faire comprendre et retenir la religion, ce qui ne peut et ne doit se faire que dans la langue que les peuples entendent et parlent eux-mêmes53 ». Le choix du breton par l’Église relève donc du pur pragmatisme, qui commande de se couler dans la culture vivante localement. Ce qui dans le cas du breton, signifie culture de l’oralité. C’est pourquoi les principaux vecteurs d’instruction religieuse seront les cantiques54 et les fameux taolennou55, les tableaux de mission servant de support visuel à une explication orale collective. De même, lorsque l’Église s’appuie sur le culte des saints locaux ou christianise rituels ou légendes locales, elle ne fait que recycler les pratiques populaires, prolongeant une sorte de long Moyen Âge tardif. Contrairement à ce qui se passe pour les élites, la modernité théologique et pastorale ne se traduit pas par une modernité culturelle.
20Même la modernisation orthographique rendant plus opérationnelle la graphie du breton en rapprochant écrit et prononciation apparaît comme profondément ambiguë. L’abandon de l’uniformité visuelle du moyen breton, qui recouvrait probablement déjà un certain degré de variation orale, facilite certes l’entrée dans l’écrit de ceux dont la prononciation est proche du nouveau standard. Mais il exclut tous ceux qui s’en distancient trop franchement et qui, faute d’un enseignement généralisé, ne peuvent l’acquérir. D’où la partition progressive du domaine bretonnant, après un siècle de tâtonnements, en deux zones aux pratiques graphiques différenciées : au début du xviiie siècle, le diocèse de Vannes dispose de son propre standard littéraire56. Encore que les deux standards écrits, fort peu employés, ne sont pas parfaitement uniformes et se présentent plutôt comme de grandes tendances, reflétant de part et d’autre une prononciation moyenne nulle part attestée telle quelle57. En adoptant le principe d’une écriture phonétique, l’Église a en fait ouvert une boîte de Pandore : face à la diversité des parlers, la renonciation à l’uniformité abstraite de la norme ancienne ne pouvait que conduire à un émiettement sans fin. L’utilitarisme de l’Église conduit ainsi dans la deuxième moitié du xviiie siècle à l’émergence d’une troisième norme, à destination de l’évêché de Tréguier58. Nouvel usage qui là encore repose sur la torsion de la norme antérieure, pour la rapprocher des prononciations locales (pluriels en <o> au lieu de <ou> par exemple) et qui ira se développant aux xixe et xxe siècles. Le cas le plus extrême d’adaptation sera le catéchisme du diocèse de Quimper à l’usage des paroisses d’Arzano, Rédéné et Guiligomarc’h. Ces trois paroisses, vannetaises avant 1789, devenues finistériennes ensuite, auront droit jusque vers le milieu du xxe siècle à un catéchisme spécialement imprimé pour elles en « vannetais ». Cependant, ce n’est pas la norme en usage à l’évêché de Vannes ni dans les publications morbihannaises qui fut retenue, mais un « vannetais » adapté aux spécificités du parler local : zalwet (sauvé), tadaou (pères), penost (comment), haon (nom) remplacent ainsi les formes vannetaises classiques : salùet, tadeu, penaus, hanù. Ce faisant, l’Église entérine la hiérarchie entre les langues en présence : face à la langue de la culture écrite qu’est le français, universelle et invariante, le breton apparaît d’autant plus comme une langue qui ne possède pas de norme partagée. C’est la langue du local, une langue qui ne s’écrit pas et si d’aventure il faut écrire en breton, ce ne peut être qu’en phonétique, pour satisfaire un besoin ponctuel.
21Une telle pratique bloque donc toute émergence d’une culture écrite autonome en breton. Devant l’écrit, les bretonnants se voient face à une double exclusion : lire et écrire en breton ne donne accès qu’à une littérature de dévotion ; lire et écrire en français est lié à un univers culturel étranger, non seulement par la langue, mais aussi par le mode de vie (la ville) ou le rang social. Si les privilégiés de la société paysanne trouvent là le moyen d’affirmer leur pouvoir, les communautés paroissiales, dans leur masse, font bloc. Ne voyant pas l’intérêt d’une technique (la lecture) ni d’une langue (le français) étrangères à leur mode de fonctionnement sociétal, les bretonnants ne peuvent exprimer une demande d’alphabétisation, qui est la condition du décollage59. Ainsi, au lieu de considérer que le breton gêne la progression de l’alphabétisation en français, il est possible de retourner la perspective et d’affirmer que c’est le français, entouré du poids de ses représentations élitaires, qui fait écran à l’alphabétisation. Une alphabétisation qui aurait été beaucoup plus aisée si elle avait été conduite en breton et précocement, si l’Église avait développé en Bretagne les mêmes techniques éducatives qui étaient les siennes dans les régions déjà en partie alphabétisées où elle craignait la contagion protestante.
1725-1794 : le breton, ce vestige…
22Le premier quart du xviiie siècle marque l’entrée dans une troisième phase de la Modernité, où les questions éducatives vont changer d’enjeu : désormais, le protestantisme est réduit à peu de chose, l’éducation va devenir un objectif en soi, détaché de son contenu religieux60. Mais si les bretonnants profitent du mouvement continu d’alphabétisation61, ils vont pourtant pâtir de leur trajectoire antérieure, associant une première modernité lacunaire et une seconde modernité surdéterminante.
Les progrès de l’écrit : la marginalisation du breton se renforce
23Le retard breton n’est pourtant pas absence complète de culture écrite : il faut donc nuancer les valeurs très basses des taux d’alphabétisation enregistrées par les signatures au mariage, comme le montrent Cariou et Roudaut62. Le xviiie siècle est pour le breton celui « des dictionnaires » : quatre sont imprimés entre 1723 et 1752, sans compter les projets restés manuscrits63. La littérature de piété qui s’imprime alors connaît de plus une réelle diffusion populaire : c’est la raison d’être de la Buez ar saent (Vie des saints) de Marigo (1752), ou de la traduction de l’Introduction à la vie dévote, de Le Bris (1710) et l’on sait qu’à Spézet en 1774, ces livres ou d’autres sont remis comme prix aux enfants les plus méritants le jour de leur communion64.
24Mais les progrès de l’école et le mouvement d’acculturation à l’écrit ne font probablement que renforcer la diffusion et l’appétence pour le français. Dès 1626, les colloques de Quiquer faisaient de son apprentissage un but de l’écolier65. Plus d’un siècle et demi plus tard, Le Jeune, auteur d’un manuel de grammaire bilingue en 1800, déplore que les écoles de campagne soient restées longtemps privées d’ouvrages permettant d’acquérir la « langue nationale ». Ce qui fait dire à Ogès que même les procédés pédagogiques bilingues ne visent en réalité qu’à permettre aux enfants d’acquérir rapidement le français, langue de l’accès au savoir66.
25Il ne fait par conséquent guère de doute que l’école concourt à la dévalorisation du breton, phénomène dont les premières manifestations sociétales sont décrites par Le Pelletier en 171667. D’une part en rendant évidente l’asymétrie des ressources écrites disponibles dans les deux langues : dans sa préface au dictionnaire de Dom Le Pelletier en 1752, Dom Taillandier n’a besoin que de six lignes pour dresser son pauvre inventaire de la littérature bretonne. D’autre part, en faisant contraster de même les deux langues, dont l’une, essentiellement parlée par des paysans, ne dispose pas de la tradition d’usage de cour, abstrait et intellectuel qui fait l’attrait de l’autre, à laquelle elle doit sans cesse emprunter. Dès 1576, Gilles de Kerampuil se croyait obligé de devancer les critiques que son lecteur ne manquerait pas d’adresser au breton : « prolixe, rude et mal poly en sa diction » ; en 1710, Le Bris s’excuse de son style, dû aux imperfections de la langue bretonne « extrêmement ingrate et stérile68 » ; en 1752, Dom Taillandier explique encore que la langue bretonne « n’est pas fort abondante. Les termes d’Arts, de Science, de Commerce, de Politique & la plûpart des Métiers lui sont inconnus. Renfermée dans les campagnes, elle ne met en œuvre que les termes de la maison rustique ». Enfin, en 1800, Tanguy Le Jeune règle son enseignement du français « sur le bon usage69 », tandis que pour le breton, chaque maître se voit invité à se débrouiller, la langue étant « sans règle fixe et si stérile70 »…
26Autant de remarques qui prouvent que l’écrit reste en breton une strate culturelle empruntée. L’ouvrage de Le Jeune utilise un breton tellement calqué sur le français, qu’un lecteur francophone ignorant le breton pourrait peut-être le suivre dans ses grandes lignes. Les emprunts lexicaux y sont légion, bien sûr, mais si l’habitude est ancienne, et somme toute assez normale, ce qui retient l’attention ce sont les constructions syntaxiques : passet evit (passer pour), essanciel da (essentiel à), en e particulier (dans son particulier), en em bresta da (se prêter à), antretien ar societe (entretient la société)71. De purs gallicismes, transpositions littérales qui n’ont pas d’attestation en breton et qui ne sont pas compréhensibles sans la référence à la langue source. Surnommé brezhoneg beleg (breton de curé), ce breton de traduction, pensé en français, va bien au-delà des seuls cercles ecclésiastiques, puisqu’il apparaît ici sous la plume d’un laïc, qui adhère à la Révolution et se démarque des hommes d’Église72. Le breton écrit est donc un registre linguistique en soi, qui a sa propre cohérence, à laquelle les auteurs doivent se plier. Un registre dont les règles sont transposées directement du français.
Quand le breton disparaît des consciences
27On ne peut ainsi que faire le constat que les handicaps structurels qui affectent le breton depuis le début des Temps modernes ont un effet cumulatif : chaque progrès du français signe soit un nouveau recul du breton, soit un renforcement de sa dépendance. L’évolution des idées au xviiie siècle va le montrer également.
28Après avoir soutenu le développement des écoles quand celles-ci signifiaient renforcement de l’autorité royale, les pouvoirs publics, y deviennent hostiles dès lors que l’hérésie paraît éradiquée73. Certains intendants donnant même libre cours à une politique anti-scolaire, laissant l’Église poursuivre seule ses efforts74. Or, l’orientation fondamentalement pastorale, théologique et humaniste de l’éducation élaborée par l’Église finit par ne plus correspondre à la demande des élites, ce qui conduit à la crise du système scolaire du début du xviiie siècle75. À partir des années 1760, les élites s’émancipent franchement de la tutelle de l’Église et s’emparent de la question éducative, la redéfinissant selon leurs propres normes. La Chalotais, procureur général du Parlement de Bretagne, publie en 1763 son Essai d’éducation nationale, qui n’est pas le premier du genre, mais l’un des plus célèbres. Le maître-mot en est le pragmatisme. Parce que « le bien de l’État demande que chacun s’attache à sa profession76 », les enfants du peuple en sont exclus, eux qui « n’eussent dû apprendre qu’à dessiner & à manier le rabot & la lime77 ». C’est donc pour les enfants de l’élite que La Chalotais dessine un parcours depuis l’âge de six ans jusqu’au seuil de l’âge adulte. Et cette élite parle nécessairement français : s’il ne néglige pas le latin, il conseille de « donner le pas à la Langue maternelle78 ». Langue maternelle que l’on ne tarde pas à découvrir : dans l’apprentissage de la grammaire, « la première opération seroit de faire faire aux enfants sur un Livre François qu’ils entendent, la construction des phrases79 […] ». Qu’une part significative des enfants de France n’entendent pas le français n’est pas un problème, dès lors qu’ils n’ont pas vocation à bénéficier de cette éducation nationale : pas un mot n’est consacré à la (les) langue(s) du peuple. Pas même pour souhaiter voir le français la remplacer, dans le cas de dualismes linguistiques, comme celui de la Bretagne, que cet homme au patronyme breton80 ne pouvait ignorer. Le breton est tout bonnement absent de son horizon intellectuel.
29Or si tel est le cas d’un La Chalotais, malgré ses attaches avec la Bretagne, qu’attendre d’autre de la part des auteurs de projets similaires, qui écrivent à Paris ou dans une province francophone ? Depuis 1694, le dictionnaire de l’Académie française définit une nation comme « les habitants d’un même État, d’un même pays, qui vivent sous mêmes loix et usent de même langage etc. ». Il relève donc de l’évidence qu’en France, c’est le français qui est la langue nationale81. Et il est donc tout aussi évident qu’une éducation dite nationale, ne peut être dispensée qu’en français. Même pour ceux qui la destinent à toutes les classes sociales, donc à une masse non francophone. La simple existence de langues autres ne paraît même jamais envisagée avant la fin du siècle : si Condorcet estime qu’il « est important pour le maintien de l’égalité réelle que le langage cesse de séparer les hommes en deux classes82 », il semble que c’est surtout le latin qu’il vise83.
30C’est donc Talleyrand qui sera semble-t-il le premier des révolutionnaires à aborder la question linguistique. Pour faire de la diversité du royaume une bizarrerie84. Les langues autres que le français sont décrites comme une « foule de dialectes corrompus, derniers restes de la féodalité85 ». Elles sont ainsi d’entrée de jeu disqualifiées, réputées inaptes à transmettre une haute culture, permise par le français seul, que « ses grands écrivains ont rendu [la langue] de tous les hommes éclairés de l’Europe86 », légende très exagérée mais unanimement partagée87. Mais il ne s’agit pas seulement de vestiges : pour le député, la diversité linguistique du royaume a été « tourné[e] contre le peuple88 ». Il s’agit donc d’outils de manipulation, destinés à produire et maintenir une « étrange inégalité89 ». Comment dès lors pourraient-elles être admises au rang de langues de scolarisation ? Même si la loi du 27 brumaire an III (17 novembre 1794) autorise leur usage dans l’enseignement à titre auxiliaire, leur sort est fixé : les écoles primaires devront les faire disparaître, car « la force des choses le commande90 »…
Conclusions
31Les trois grands moments de la Modernité qui ont été identifiés pour les besoins de cet article ont en commun de marquer un envol du français, qui à chaque fois renforce sa position de grande langue de culture dans le concert européen : de la génération de la Pléiade aux Lumières, en passant par le siècle de Louis XIV, le français n’est pas la seule langue qui compte, mais il fait partie de celles qui comptent. Corrélativement, le breton, de longue date dans une position asymétrique, comptera de moins en moins.
32Éloignés de la dorsale rhénane, épicentre du mouvement d’alphabétisation de l’Europe, les bretonnants manquent l’étape cruciale de l’entrée en littéracie. Dès lors, puisque les élites disposent avec le français d’une langue toute prête pour les usages spécifiques que commande la civilisation de l’écrit, quel besoin auraient-ils eu de polir le breton pour l’y rendre également apte ? Si le breton ne disparaît pas dès le xviiie siècle, c’est parce que l’Église de la Réforme catholique en fait son vecteur de prédication, ce pour quoi elle développe les outils qui ont manqué jusque-là. Mais ce faisant, elle enferme le breton écrit dans un rôle de langue de la foi. Lorsque commence à poindre l’idée d’une éducation de masse, le breton est déjà disqualifié : en tant que langue de culture orale, sa contribution à la civilisation humaine n’est plus comprise par les élites urbaines, qui ne voient de culture que dans l’écrit. Quant à son registre écrit, il est si limité, quantitativement et qualitativement, par comparaison avec le français, qu’il ne peut apparaître comme un outil crédible. À terme, il semble même une langue vouée à la disparition pure et simple. En tout cas, son utilisation comme langue d’enseignement paraît tout bonnement impensable pour la plupart des décideurs.
33Les hommes de la Révolution n’inventent donc pas grand-chose. Ils ne font que mettre sous une forme nouvelle un ensemble de legs qui composent une idéologie linguistique largement implicite, dont les grands traits sont déjà fixés. Le premier est que le français est la langue de la nation, donc la langue de référence, la seule légitime en tout point du territoire. Ceci ne pose pas forcément une incompatibilité insurmontable entre langue commune de la citoyenneté et langues vernaculaires, l’une pouvant se superposer aux autres, sans en détruire l’usage. Mais ce principe général interfère avec deux mythes français. Tout d’abord, une conception de la souveraineté venue en droite ligne de la monarchie louis-quatorzienne : la souveraineté est absolue. Celle-ci étant transférée du roi au peuple, la souveraineté nationale implique l’unanimité entre les citoyens égaux91 : ceux qui professent des points de vue minoritaires se mettent en dehors de la communauté nationale, tout comme les protestants se mettaient autrefois en dehors du troupeau. Il en va donc potentiellement de même pour ceux qui parlent des langues autres que la langue nationale. Et qui pour cette raison ne participent pas pleinement à la communion nationale. C’en est donc fini de la maxime de Michel de L’Hospital, qui en 1560 pouvait dire que « la division des langues ne fait la séparation des royaumes ». Désormais, la langue remplace la foi comme ciment sociétal. Le deuxième mythe tient à l’histoire particulière du français, langue de culture universelle (au sens de langue permettant un accès général aux connaissances du temps). Langue de culture parmi d’autres, mais que beaucoup de Français voient comme la seule langue de culture possible.
34Tous les éléments de cette idéologie sont donc en place dès la veille de la Révolution. Le xixe siècle, et même en grande partie le xxe ne font que les répéter, sans y apporter rien de neuf. Et quand des voix s’y opposent, elles restent largement inaudibles tant que domine l’idéologie du Progrès, dont l’une des composantes est la diffusion du français : pas de place à l’école pour les « jargons barbares ». Si l’Église y est plus favorable, c’est par conservatisme moral, le breton apparaissant comme un moyen de préserver les valeurs de la société rurale qu’elle a largement façonnée au xviie siècle. Mais elle n’y est pas non plus viscéralement attachée, parce que nombre de prêtres de terrain croient aussi au progrès social et voient également dans le français le meilleur moyen de le réaliser. Malgré donc un attachement sincère au breton de la part de nombreux enseignants, fonctionnaires, prêtres ou hommes politiques de tous bords, il y a ainsi comme une incapacité à se mobiliser pour la défense de la langue. Face au rouleau compresseur de la langue française et de la modernité qu’elle est censée apporter, le breton est décidément trop indigent pour être considéré comme une langue à part entière.
35Or si tout le monde a le français pour idéal, si le breton ne peut servir de vecteur d’enseignement, s’il doit rester une langue orale, si l’on n’écrit en breton que par défaut en attendant que son lectorat accède à la vraie langue de culture qui est le français, ses jours sont forcément comptés. C’est dans la deuxième moitié du xxe siècle, au moment où l’analphabétisme devient un phénomène rare que la Basse Bretagne entre enfin dans la civilisation de l’écrit. Elle y est entrée par le canal du français. Le breton s’effondre alors, parce que les bretonnants n’avaient pas appris à voir dans leur langue une richesse, un patrimoine à conserver, à moderniser et à transmettre.
Notes de bas de page
1Furet François et Ozouf Jacques, Lire et écrire. L’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris, Éditions de Minuit, 1977, t. I, p. 325.
2Quintric André, Le développement de la scolarisation et la vie des écoliers en centre Bretagne au xixe siècle, Rennes, CRDP, 1988, p. 166-167.
3Furet François et Ozouf Jacques, Lire et écrire…, op. cit., t. I, p. 326.
4Ibid., p. 60.
5Marion Jean, Office bihan er Uéries, Vannes, Galles, 1788 (l’introduction présente un syllabaire sur le modèle de la Croix de-par-Dieu) ; Le Jeune Tanguy, Rudiment du Finistère, Brest, Malassis, 1800 ; Poullaouec Yves, Fæçoun neves evit desqui lenn e ber amzer, Brest, Lefournier, 1829 ; Jenkins John, An ABK, Morlaix, Lédan, 1835 ; Anonyme, Alphabet nevez pe reol eaz evit desqui d’ar vugale diguech hac assambli o Sylabennou, Landerneau, Desmoulins, 1852 ; Anonyme, Alfabet nehué eit disquein bean leine é breton, Vannes, Galles, 1853 ; Troude Aimable, Mignoun ar vugale, Brest, Lefournier, 1855 ; Toullec Joseph-Marie, Manuel breton-français, Morlaix, Roger, 1862 ; Perrot Jacques, Manuel à l’usage des élèves des écoles primaires de la campagne, Brest, Lefournier/Quimper, Salaun, 1865 ; Anonyme, Levrik evit deski lenn, Quimper, Salaun, 1872 ; Fr. Constantius, Abrégé de la méthode de Landivisiau pour apprendre le français à l’aide du breton, Saint-Brieuc, Prud’homme, 1899.
6Bernard Daniel, « La langue bretonne à l’école primaire : un projet officiel d’enseignement bilingue en Basse-Bretagne en 1831 », Annales de Bretagne, t. XXXII, no 1, 1917 », p. 1-9.
7Lagrée Michel, Religion et cultures en Bretagne (1850-1950), Paris, Fayard, 1992, p. 241-244, 266.
8Ce qui doit au moins être nuancé : s’il est indéniable que certains représentants de l’État manifestèrent au cours des deux derniers siècles une détermination sans faille à éradiquer les langues autres que le français (Broudic Fañch, La pratique du breton de l’Ancien Régime à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1995, p. 362-363, 382 ; Prémel Gérard, « Anamnèse d’un dommage, ou comment le français est venu aux Bretons », Langage et société, no 72, 1995), cette attitude fut loin d’être constante. Certains responsables administratifs ou politiques témoignèrent ainsi régulièrement sur la même période de bienveillance à l’égard de la diversité linguistique du pays et d’une volonté de la promouvoir, y compris à l’école. C’est ainsi le cas d’Édouard Lorois, préfet du Morbihan (1830-1848), cité par Daniel Bernard, « La langue bretonne à l’école primaire… », art. cité. D’autres acteurs sont mentionnés par Jean-François Chanet, L’École républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996, p. 228-231, 246.
9Vallange de, Nouveau système ou nouveau plan d’une grammaire françoise, Paris, Jombert et Lamesle, 1719, p. 178.
10Ibid.
11Certeau Michel de, Julia Dominique et Revel Jacques, Une politique de la langue, Paris, (Gallimard, 1975) Folio Histoire, 2002, p. 329.
12Ibid., p. 331.
13Talleyrand Charles-Maurice de, Rapport sur l’instruction publique, Paris, Baudoin et Du Pont, 1791, p. 21 ; Condorcet Nicolas de, Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique, Paris, Imprimerie nationale, 1792, article 2 ; Loi du 12 décembre 1792, article premier.
14Dans l’Angleterre des Plantagenêt à défaut de la France capétienne.
15Chervel André, Histoire de l’enseignement du français du xviie au xxe siècle, Paris, Retz, 2006, p. 49-54, 59-63 ; Lebrun François, Venard Marc et Quéniart Jean, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, t. II, Paris, Nouvelle librairie, 1981, p. 535.
16Fishman Joshua, « Bilingualism with and without Diglossia; Diglossia with and without Bilingualism », Journal of Social Issues, vol. 23, no 2, 1967, p. 29-38.
17Ferguson Charles, « Diglossia », Word, vol. 15, no 2, 1959, p. 325-340.
18Hudson Alan, « Outline of a theory of Diglossia », International Journal of the Sociology of Language, no 157, 2002, p. 1-48.
19Aracil Lluís Vicent, Papers de sociolingüística, Barcelone, La Magrana, 1982, p. 119.
20Le Pipec Erwan, « Diglossie et conflit linguistique : contribution à un vieux débat », in Henri Boyer (dir.), Pour une épistémologie de la sociolinguistique. Actes du colloque international de Montpellier, Limoges, Lambert-Lucas, 2010. Le lecteur peu familier de sociolinguistique pourra se référer à deux des exemples classiques de Ferguson pour illustrer la diglossie : la Suisse alémanique (Hochdeutsch/schwytzertütsch) et le monde arabe (arabe littéral/dialectal).
21Ernault Émile, « Une poésie officielle en moyen-breton », Revue de Bretagne, no 48, 1912, p. 185-192 ; Rio Joseph, « Entre Orient et Occident : le mythe des origines dans les textes bretons », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, t. CXV, no 2, 2008, p. 21-36.
22Abgrall Jean-Marie, « Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère », Bulletin de la société archéologique du Finistère, no 42, 1915, p. 189-216 ; Abgrall Jean-Marie, « Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère (suite) », Bulletin de la société archéologique du Finistère, no 43, 1916, p. 65-102.
23Près de la moitié du corpus total des inscriptions latines (allant du Moyen Âge au xixe siècle) ne peut être exploitée, faute de datation.
24La prééminence dans les inscriptions en breton de formes versifiées plaide également dans ce sens.
25Alors que les premiers rois et ducs de Bretagne avaient pour épouses des femmes portant des prénoms bretons, il semble que ce soit Alain II Barbetorte (932-950) qui ait le premier scellé une alliance dynastique avec une des microprincipautés de l’ouest de la France, en épousant Roscille d’Anjou. Ses successeurs l’imiteront, se mariant avec des princesses angevines ou normandes. Ce qui suppose l’arrivée, à chaque génération, d’un entourage roman à la cour ducale bretonne et d’un bilinguisme de plus en plus asymétrique, qui explique la francisation toujours plus grande des milieux de pouvoir.
26La romanisation de la Bretagne orientale relève sans doute d’une dynamique connexe mais distincte.
27En 1486, à Vannes, lors d’un accouchement tragique dans un milieu nobiliaire, la sage-femme qui a assisté la femme enceinte pendant une semaine jour et nuit, ne parle que breton. Lorsqu’un prêtre administre l’extrême-onction à l’enfant décédé (nécessairement en latin), elle n’identifie pas la langue (voir Kerhervé Jean, « Un accouchement dramatique à la fin du Moyen Âge », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, t. LXXXIX, no 3, 1982, p. 391-396). Il en ressort : a) que vraisemblablement, la patiente, de statut social élevé, parlait également breton (sinon, pourquoi la confier aux soins d’une bretonnante monolingue ?) ; b) que pour le peuple à cette époque, français et latin sont tout un.
28Calvez Ronan, « Du breton mondain », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. CXV, no 3, 2008, p. 135-153.
29Broudic Fañch, La pratique du breton…, op. cit., p. 254, 259-260.
30Lebrun François et al., Histoire générale…, op. cit., p. 310 ; Furet François et Ozouf Jacques, Lire et écrire…, op. cit., p. 183-184, 230.
31Meyer Jean, « Au rythme du monde atlantique (1550-1675) », in Jean Delumeau (dir.), Histoire de la Bretagne, Toulouse, Privat, 1987, p. 258-259 ; Minois Georges, Nouvelle histoire de la Bretagne, Paris, Fayard, 1992, p. 362.
32Minois Georges, Nouvelle histoire…, op. cit., p. 376 ; Chédeville André, « L’immigration bretonne dans le royaume de France du xie siècle au début du xive siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. LXXXI, no 2, 1974, p. 332-342.
33Le Berre Yves, Qu’est-ce que la littérature bretonne ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 40.
34Preuve de l’oralité fondamentale de la culture de langue bretonne au Moyen Âge, la rareté des textes : il faut attendre 1350 pour voir apparaître un fragment de poésie courtoise griffonné par un clerc sur un manuscrit. Le premier texte suivi ne remonte qu’à 1450 : le Dialogue entre Arthur roi des Bretons et Guynglaff, connu par un manuscrit de 1619.
35Anonyme, An dialog etre Arzur roe d’an Bretounet ha Guynglaff (Dialogue entre Arthur roi des Bretons et Guynglaff), texte établi par Hervé Le Bihan, Rennes, TIR, 2013, vers 27.
36Anonyme, An dialog etre Arzur…, op. cit., vers 83.
37Chaunu Pierre, Le temps des réformes, Paris, Éditions complexes, 1975, p. 487, 491.
38Croix Alain, L’âge d’or de la Bretagne, Rennes, Ouest-France, 1993, p. 365-391 ; Minois Georges, Nouvelle histoire…, op. cit., p. 380 ; Meyer Jean, « Au rythme… », art. cité, p. 273-275.
39Croix Alain, L’âge d’or…, op. cit., p. 397, 400 ; Meyer Jean, « Au rythme… », art. cité p. 282.
40Lebrun François et al., Histoire générale…, op. cit., p. 337.
41Ibid., p. 179, 251-255, 421 ; Furet François et Ozouf Jacques, Lire et écrire…, op. cit., p. 70.
42Chaunu Pierre, Le temps des réformes, op. cit., p. 474.
43Furet François et Ozouf Jacques, Lire et écrire…, op. cit., p. 72 ; Lebrun François et al., Histoire générale…, op. cit., p. 422 ; Chartier Roger, Compère Marie-Madeleine et Julia Dominique, L’éducation en France du xvie au xviiie siècle, Paris, SEDES, 1976, p. 105.
44Nassiet Michel, La France au xviie siècle, Paris, Belin, 2006, p. 110, 129.
45Ogès Louis, « L’instruction sous l’Ancien Régime dans les limites du Finistère actuel », Bulletin de la société archéologique du Finistère, no 63, 1936, p. 70.
46Grosperrin Bernard, Les petites écoles sous l’Ancien Régime, Rennes, Ouest-France, 1984, p. 84-85.
47Si ce n’est bien sûr par l’Ordonnance de Villers-Cotterêts, mais elle ne concernait que les « gens de Justice ». Le débat n’est pas clos pour savoir si en 1549 le latin était banni au profit du seul français ou de l’ensemble des « langages maternels » du royaume, breton inclus (voir Peyre Henri, La royauté et les langues provinciales, Paris, Les presses modernes, 1933, p. 84-90 ; Trudeau Danielle, « L’Ordonnance de Villers-Cotterets et la langue française : histoire ou interprétation ? », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. XLV, 1983/3, p. 461-472 ; Rey Alain, Duval Frédéric et Siouffi Gilles, Mille ans de langue française : histoire d’une passion, Paris, Perrin, 1983, p. 457-467 ; Clérico, Geneviève, « Le français au xvie siècle », in Jacques Chaurand (dir.), Nouvelle histoire de la langue française, Paris, Seuil, 1999, p. 149-150 ; Merlin-Kajman Hélène, « L’étrange histoire de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts : force du passé, force des signes », Histoire, épistémologie, langage, no 33, 2011/2, p. 79-101).
48Quiquer Guillaume, Dictionnaires et colloques françois et breton, Morlaix, Alienne, 1626.
49Lebrun François et al., Histoire générale…, op. cit., p. 30-34 ; Nassiet Michel, La France…, op. cit., p. 243.
50Ibid., p. 259 ; Grell Chantal, Histoire intellectuelle et culturelle de la France du Grand Siècle, Paris, A. Colin, 2000, p. 29, 63.
51Chartier Roger et al., L’éducation en France…, op. cit., p. 7 ; Bell David, The cult of the Nation in France, 1680-1800, Cambridge, Harvard University Press, 2001, p. 188.
52Chartier Roger et al., L’éducation en France…, op. cit., p. 10.
53Ibid., p. 41.
54Croix Alain, L’âge d’or…, op. cit., p. 497.
55Croix Alain, Cultures et religion en Bretagne aux xvie et xviie siècles, Paris/Rennes, Apogée/Presses universitaires de Rennes, 1995.
56Rolland Pascal, La formation de la langue littéraire vannetaise, xviie-xviiie siècles, mémoire de maîtrise d’histoire moderne, Brest, CRBC-UBO, 1995, p. 23.
57Thibaut Eugène-Louis, « Notes sur le parler breton de Cléguérec », Revue celtique, no 35, 1914, p. 1-28, 169-192, 431-440 ; Rolland Pascal, 2004, « Deux prônes en “breton de Vannes” de la première moitié du xviiie siècle », La Bretagne linguistique, t. XIII, p. 242-243.
58Le Pipec Erwan, « Le pater breton de Vaudelin, une transcription phonologique en 1715 », Études celtiques, no 41, 2015, p. 239.
59Lebrun François et al., Histoire générale…, op. cit., p. 386.
60La déclaration royale de 1724, demandant l’établissement d’écoles dans toutes les paroisses, sera le dernier texte anti-protestant faisant explicitement un lien entre éducation et lutte contre l’hérésie (Déclaration du Roi, donnée à Versailles le 14 mai 1724, concernant les Religionnaires, voir en particulier les articles IV, V et VI).
61Fleury Michel et Valmary Pierre, « Les progrès de l’instruction élémentaire de Louis XIV à Napoléon III, d’après l’enquête de Louis Maggiolo (1877-1879) », Population, t. XII, no 1, 1957, p. 71-92 ; Furet François et Sachs Wladimir, « La croissance de l’alphabétisation en France » (xviiie-xixe siècle) », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, t. XXIX, no 3, 1974, p. 714-737 ; Quéniart Jean, « Livre et lecture en Bretagne, quelques perspectives de recherche », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, no 42, 1985, p. 289.
62Pour le Morbihan, l’enquête Maggiolo donne en 1786-1790 des taux de signature au mariage de 9,64 % (hommes) et 6,82 % (femmes) ; l’enquête Cariou (commentée par François Furet et Jacques Ozouf, Lire et écrire…, op. cit., p. 328-330) indique de son côté qu’en 1789, ce sont 21,2 % des parrains et 7,5 % des marraines qui signent les registres de baptême. Pour le Finistère l’enquête Maggiolo donne 35,26 % des hommes et 6,82 % des femmes signant leur acte de mariage en 1786-1790 (Quéniart Jean, « Livre et lecture… », art. cité, p. 289). Mais là aussi, les registres de baptêmes examinés par Roudaut sont plus favorables et comportent sur la même période dans certaines paroisses (pas particulièrement favorisées) du Haut-Léon, des taux de signatures des parrains et marraines dépassant 60 % (Roudaut Fañch, « La difficile approche de l’alphabétisation en Basse-Bretagne », in Alain Croix, Jean Jacquart et François Lebrun [dir.], La France de l’Ancien Régime, études réunies en l’honneur de Pierre Goubert, Toulouse, Privat, 1984).
63Dictionnaire dit de Coëtanlem ; de Harinquin ; du P. Huchet ; du P. Thomas ; de Dom Raguideau ; dictionnaire breton-français de Cillart de Kerampoul.
64Ogès Louis, op. cit., p. 133.
65Quiquer Guillaume, Dictionnaires…, op. cit., p. 32-35.
66Ogès Louis, op. cit., p. 3-44.
67Le Menn Gwenolé, « Lange et culture bretonne », in Yves Pelletier (dir.), Histoire générale de la Bretagne et des Bretons, Paris, Nouvelle libraire française, 1990, p. 512.
68Roudaut Fañch, « La littérature religieuse en moyen-breton », in Jean Balcou et Yves Le Gallo (dir.), Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, Paris/Spézet, Champion/Coop Breizh, 1997, p. 234.
69Le Jeune Tanguy, Rudiment du Finistère, Brest, Malassis, 1800, p. ix.
70Ibid.
71Ces exemples sont tirés du paragraphe introductif p. iii.
72Le Jeune Tanguy, Rudiment…, op. cit., p. vii, xii, 99, 123, 125, 126.
73Lebrun François et al., Histoire générale…, op. cit., p. 392-396 ; Chartier Roger et al., L’éducation en France…, op. cit., p. 38.
74Ibid. ; Bell David, The cult of the Nation…, op. cit., p. 191 ; Ogès Louis, « L’instruction… », art. cité, 1936, p. 89, 108.
75Lebrun François et al., Histoire générale…, op. cit., p. 529-542.
76Ibid., p. 42.
77Ibid., p. 37.
78La Chalotais Louis-René, Essai d’éducation nationale…, op. cit., p. 102.
79Ibid., p. 107.
80Son nom complet est Louis-René de Caradeuc de la Chalotais. Sa mère était par ailleurs la fille du baron de Penmarc’h.
81Carpentier M., Nouveau plan d’éducation, Paris, chez l’auteur, 1775, p. 112.
82Condorcet Nicolas de, Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique, Paris, Imprimerie nationale, seconde édition, 1793, p. 13 (note de l’auteur).
83Son rapport à la Convention d’avril 1792 ne fait explicitement du français la langue d’enseignement qu’au niveau des instituts, correspondant, grosso modo, à nos lycées.
84Talleyrand Charles-Maurice de, Rapport sur l’instruction…, op. cit., p. 94-95.
85Ibid.
86Condorcet Nicolas de, Rapport et projet de décret…, op. cit., seconde édition, 1793, p. 135.
87Siouffi Gilles, « De l’“universalité” européenne du français au xviiie siècle : retour sur les représentations et les réalités », Langue française t. 2010/III, no 167, p. 13-29.
88Talleyrand Charles-Maurice de, Rapport sur l’instruction…, op. cit., p. 95.
89Ibid.
90Ibid.
91Rosanvallon Pierre, Le modèle politique français, Paris, Seuil, 2004, p. 25-29, 65-68.
Auteur
Université de Bretagne occidentale (Brest), INSPE de Bretagne (Saint-Brieuc), Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC).
Erwan Le Pipec est maître de conférences habilité à diriger des recherches en langue bretonne à l’université de Bretagne occidentale (Brest) et à l’INSPE de Bretagne (Saint-Brieuc). Membre du Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC), ses travaux portent sur la dialectologie, particulièrement du domaine vannetais, sur l’histoire du breton à une échelle macro-sociolinguistique et sur les pratiques scolaires. Il est actuellement engagé dans un projet de description micro-sociolinguistique, sous l’angle des transformations qui s’opèrent dans la langue, par la transition actuelle entre anciennes et nouvelles générations de locuteurs. Parmi ses publications figurent : « Les trois ruptures sociolinguistiques du breton », International Journal of the Sociology of Language, no 223, 2013 ; « Mathematics education in bilingual contexts: Irish-English, Breton-French », in Konrad Krainer et Nad’ia Vondrová (dir.), Proceedings of the 9th Congress of the European Society for Research in Mathematics Education, Prague, université Charles, faculté des sciences de l’éducation/ERME, 2015, p. 1468-1474 (coauteur avec Caroline Poisard et Máire Ní Ríordáin) ; « Le lexique mathématique breton : bilan et perspectives », La Bretagne linguistique, no 22, 2018, p. 41-75 ; « Entre objectif patrimonial et contraintes de l’acquisition scolaire : à quoi ressemble le breton des enfants d’aujourd’hui ? », in Nicolas Sorba (dir.), Transmettre les langues : pourquoi et comment ?, vol. 2 : Les défis pédagogiques, EME, Louvain-la-Neuve, 2022.
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