Entre commerce, voyage et expérience religieuse : Nicolas Woldt, marchand lubeckois à Bordeaux au début du xviiie
p. 317-331
Texte intégral
1À la fin du xviie siècle, Bordeaux constitue aux dires des intendants de Guyenne, « la ville du Royaume du plus grand commerce à l’egard des étrangers1 ». Le grand port aquitain héberge, en effet, d’importantes communautés de marchands ibériques (les juifs portugais), britanniques, hollandais, Scandinaves et hanséates. Les membres des différentes communautés marchandes plus ou moins sédentaires ne représentent pour ainsi dire que la partie visible du flux migratoire de marchands parcourant, à l’époque moderne, les côtes de l’Europe maritime entre Riga en Livonie et Cadix en Andalousie. Hollandais, Hanséates et autres établis sur la place aquitaine correspondent à ce type de voyageur qui, pour reprendre, l’expression de Georg Simmel, « arrive aujourd’hui et reste demain2 ».
Le renouveau du commerce lubeckois avec la France à la fin du xviie siècle
2À l’intérieur de la communauté hanséate de Bordeaux, qui compte une vingtaine d’individus vers 1710, les trois marchands lubeckois ne constituent qu’une minorité. Si, dès 1660-1670, la flotte marchande lubeckoise participe - aussi modestement que ce soit — au commerce de France aux cotés des pavillons hambourgeois et brêmois, il faut cependant attendre le début du xviiie siècle pour relever le premier marchand lubeckois, Nicolas Woldt, durablement établi à Bordeaux. Deux autres Lubeckois, Gaspard Wolffraedt, commis de Nicolas Woldt, et Louis Mollwo, fils d’un marchand rémois établi à Lubeck, ne restent que quelques années sur les bords de la Garonne3.
3Ce « retard » lubeckois est probablement dû au caractère, dans l’ensemble, plus conservateur de la bourgeoise marchande du port de la mer Baltique qui ne dispose bien évidemment pas des mêmes opportunités que sa grande rivale à l’ouest du Sund. Il est vrai que Hambourg est, aux dires des contemporains, « une des meilleures villes de commerce du monde4 » et « la ville la plus florissante d’Allemagne tant pour ses richesses que pour son trafic5 ». De par sa situation géographique Lubeck, port de la mer Baltique, se trouve un peu à l’écart du centre de l’économie-monde occidentale. L’héritage historique, le poids des vieilles traditions s’avère plus lourd dans l’ancienne capitale de la Hanse que dans les deux autres villes hanséatiques, Brême et Hambourg, situées sur la mer du Nord. Des trois villes, Lubeck offre, en effet, au xviie siècle, une image plutôt statique.
4Certes, en 1638, le voyageur français Aubéry du Maurier se montre encore impressionné par la « Capitale des Villes Anséatiques [...] qui fait un très gros commerce dans tout l’Univers ». Si l’on croit notre voyageur, plus de cent vaisseaux portent les armes de la ville. La flotte marchande de Lubeck compte donc « plus de navires sur l’Océan et sur la Mer Baltique [...] que Dantzick, Hambourg et les autres villes maritmes ». Et Aubéry assure en avoir aperçu dans différents ports du Danemark, de la Suède, de la Prusse Royale et Ducale, de la Poméranie, du Mecklenbourg et des Pays-Bas.
5Considérant la situation géographique de la ville, construite sur une colline, entourée des rivières de la Trave et de la Wakenitz, la propreté de ses rues, la construction des maisons en amphithéâtre, le grand nombre des églises « dont les clochers, couverts de cuivre, sont si élevés qu’ils semblent menacer le Ciel », Aubéry du Maurier n’hésite pas à comparer Lubeck à Naples, « la plus noble et la plus agréable Ville de l’Europe6 ».
6Lorsque les directeurs de la Compagnie du Nord, en voyage de prospection dans les contrées septentrionales sur l’ordre de Colbert, s’arrêtent à Lubeck en juin 1671, une trentaine d’années après le passage d’Aubéry du Maurier, la ville sur la rivière Trave ne les fait pas vraiment penser à la célèbre cité au pied du Vésuve ; ils la trouvent néanmoins « plus belle » que Brême. Le commerce, en revanche, leur y paraît « plus mauvais7 ». L’année précédente, le résident français à Hambourg, l’abbé Pierre Bidal, avait déjà signalé au ministre que Lubeck était « fort sur son déclin de fortune8 ». En ce qui concerne la flotte marchande, les directeurs de la Compagnie du Nord constatent, que les bourgeois de Lubeck ne possèdent visiblement plus que « trente grands navires qui font leur commerce en Espagne et en Portugal9 ».
7William Carr, consul d’Angleterre à Amsterdam, de passage à Lubeck en 1688, partage l’impression des voyageurs français. Lui-aussi est charmé par le site et la beauté des églises, mais il constate également les signes de déclin : « Lubeck se trouve en pleine décomposition non seulement en ce qui concerne son territoire mais aussi quant à sa fortune et son commerce10. »
8Les impressions concordantes des voyageurs du xviie siècle se retrouvant dans une ville qui ne semble plus à la hauteur de son glorieux passé médiéval masquent quelque part un certain renouveau du commerce lubeckois qui se produit malgré tout sur le fond d’un déclin évident ; un renouveau qui est représenté, par exemple, par Thomas Fredenhagen, célèbre marchand et armateur, qui, autour de 1680, envoie ses navires à ses propres risques et périls vers la Péninsule ibérique, faisant fi des vieilles coutumes du commerce hanséatique11. Il est vrai aussi que l’ancienne capitale de la Hanse reste, dans une certaine mesure, un pôle d’attraction de l’immigration marchande. On voit ainsi arriver à Lubeck, au cours de la deuxième moitié du xviie siècle, des jeunes marchands originaires de la Westphalie, de la Basse-Saxe, voire de Brême, qui font carrière dans le port de la mer Baltique12. Selon Marie-Louise Pelus, « on ne peut pas parler d’une crise de l’économie lubeckoise au xviie siècle, même si la puissance de la ville a beaucoup reculé ; même si certains secteurs sont en crise durable ou temporaire13 ».
9En ce qui concerne la navigation à l’est du Sund, Elisabeth Harder-Gersdorff a pu montrer que Lubeck reste avant tout un important centre du commerce baltique. Au xviie siècle, la ville peut même consolider son rôle traditionnel d’intermédiaire entre l’ouest et l’est, dans la mesure où l’isthme holsteinois présente une voie alternative au passage du Sund pour certains catégories de produits14. Il s’agit, en effet, d’un courant d’échanges à double sens. La ville sur la Trave devient une place de transition pour des marchandises occidentales (merceries, textiles, produits coloniaux) venant par la route de Hambourg, l’emporium sur la rivière de l’Elbe qui ne se trouve qu’à « douze grandes lieues d’Allemagne de Lubeck15 », marchandises dont elle assure la réexportation vers la Baltique. Dans l’autre sens, des produits de la Baltique comme les célèbres cuirs russes gagnent Hambourg et l’Europe occidentale en passant par Lubeck16. Aux dires des directeurs de la Compagnie du Nord, le négoce des « vaches de Russie » (c’est-à-dire, des cuirs provenant de l’empire russe) que les Lubeckois viennent chercher à Reval et à Narva « est le commerce le plus utile que cette ville aye conservé17 ».
10Et s’il est vrai que, vers 1670, Lubeck ne dispose que de trente navires employés dans le commerce avec la Péninsule ibérique, comme le constatent les directeurs de la Compagnie du Nord, il ne faut pas oublier que la navigation à l’ouest du Sund, la « Westfahrt », dans la mer du Nord et dans l’Atlantique, ne représente plus à la fin du xviie siècle qu’un sixième du commerce maritime lubeckois18. De l’autre côté, Lubeck sait innover aussi dans cette branche secondaire de son activité commerciale. Marie-Louise Pelus a ainsi souligné, à juste titre, le renouveau du commerce lubeckois à l’ouest du détroit du Sund basé sur l’essor des échanges avec la France à partir des années 167019.
11De même que Brême et Hambourg, Lubeck sait tirer profit des avantages commerciaux que Louis XIV offre aux villes hanséatiques neutres au début de la guerre de Hollande. Prenant le relais des flûtes hollandaises, le pavillon hanséate s’investit alors massivement dans le commerce de France. Dans leur grande majorité, les navires marchands hanséates se dirigent vers Bordeaux, port d’exportation de tout premier ordre.
12Dans l’ensemble, la participation lubeckoise dans le mouvement portuaire bordelais, à la fois stimulée et gênée par les guerres maritimes du règne de Louis XIV, va en s’intensifiant entre 1670 et 1715 avec des pics en 1689, 1699 et 1713. En 1712-1713, vingt-deux vaisseaux lubeckois représentant au total 3 565 tonneaux, sont enregistrés à l’entrée du port de Bordeaux. Quant aux départs à destination de l’ancienne capitale de la Hanse, on dénombre dix-huit bateaux d’un tonnage total de 3 055 tonneaux20.
13D’une moyenne de 750 « Oxhoft » de vin de Bordeaux (1650 hectolitres), majoritairement du vin de ville blanc, que les Lubeckois importent tous les ans dans la période 1650 à 1671, la moyenne s’élève à 7 260 « Oxhoft » (16 000 hl) autour de 1700. Deux tiers de ce vin sont réexportés dont un dixième par voie maritime et neuf dixième par voie terrestre. Pour Lubeck, Bordeaux joue le même rôle dans le commerce de France, que Lisbonne pour le commerce avec la Péninsule ibérique21.
14Pour consolider le terrain gagné dans le commerce de France lors de la guerre de Hollande, les trois villes hanséatiques dépêchent des délégations à Nimègue en 1678. Mis devant le fait accompli d’une entente franco-hollandaise, les diplomates doivent cependant se contenter d’une reconnaissance médiocre dans le cadre du traité de paix de la France avec l’Empire. Heinrich Balemann, l’envoyé lubeckois rentre ainsi les mains pratiquement vides22. L’échec diplomatique se renouvelle, après la guerre de la Ligue d’Augsbourg, lors des négociations de paix à Rijswijk en 1697. Les trois délégués de Hambourg, Brême et Lubeck, plus désunis que jamais, ne peuvent obtenir ni le renouvellement du traité de commerce de 1655 ni l’abolition du droit de 50 sous par tonneau auquel les navires hanséates étaient sujets en France23.
Les marchands en vins lubeckois
15À Lubeck, le commerce avec la France est pratiqué par un grand nombre de petits marchands ainsi que par quelques marchands d’envergure tels Dietrich Bartels, Franz Lefewer, Peter Hinrich Tesdorpf ou Adolf Wolffraedt. Dès le départ, en fait, le démarrage du commerce lubeckois avec la France est accompagné d’initiatives politiques. Ainsi, lors de leur passage à Lubeck en 1671, les directeurs de la Compagnie du Nord, sont accueillis par Dietrich Bartels, un homme que Paul Jacob Marperger décrira, en 1710, comme « un marchand distingué et savant » entretenant des relations commerciales avec les plus grandes maisons espagnoles, anglaises, hollandaises, russes, suédoises et danoises et qui a l’honneur de figurer parmi « les cent négociants les plus savants du monde24 ». Bartels propose aux envoyés de Colbert de leur livrer au printemps 1672, une cargaison de bois de la Baltique. Dans une lettre rédigée en français, il offre aux directeurs « toute ma maison et ma personne à vos services25 ».
16Sur une liste des marchands lubeckois qui, en 1693, importent ou réexportent du vin français figure également Hinrich Woldt. A cette date, Woldt (1649-1720), originaire de Brême, ne compte pas encore parmi les grands négociants en vins de la place. Son volume d’affaires est bien inférieur à celui d’un Dietrich Bartels, d’un Franz Lefewer ou d’un Peter Hinrich Tesdorpf26. Au début du xviiie siècle, ses échanges avec Bordeaux semblent néanmoins assez réguliers. Woldt est ainsi propriétaire d’un huitième du navire « la Main de Dieu de Lubeck », d’un port de 180 tonneaux, maître Jacob Rubeck, qui, en 1701 et 1702, effectue deux voyages retour de Lubeck à Bordeaux27. Au mois de mai de l’année suivante, il fait charger par les frères Hélies, « bourgeois et marchands de Bordeaux en compagnie », vingt tonneaux de vin dans le même navire qui est censé aller à Arkhangelsk en Moscovie28. Jacob Rubeck reviendra à Bordeaux à cinq reprises à la tête de « l’Aigle couronné de Lubeck » (240 tonneaux) entre 1708 et 1716, et il est probable que, comme « la Main de Dieu », le bâtiment appartient également en partie à Hinrich Woldt29. Le commerce avec la France est sans doute à l’origine de la réussite économique et sociale de notre marchand qui, en 1715, est élu sénateur de la ville de Lubeck30.
Les débuts de Nicolas Woldt à Bordeaux
17Au début du xviiie siècle, la maison Woldt figure parmi les grandes entreprises de la place de Lubeck, active dans toutes les dimensions du commerce de la ville, aussi bien à Arkhangelsk qu’à Riga, en Suède et au Danemark, qu’en Hollande, Angleterre, Espagne et en France. Dans l’univers commercial d’Hinrich Woldt, la France semble néanmoins occuper un rôle important, car Nicolas Woldt, l’un de ses quatre fils, s’installe à Bordeaux en 1704.
18Hinrich et Hermann Woldt, les frères de Nicolas - qui porte, en effet, le nom de son grand-père de Brême —, sont établis à Lübeck. Hermann Woldt (1684-1756) est membre de la « Compagnie des marchands de Lubeck », la « Kaufleutekompagnie », élu sénateur en 1736, il démissionne de sa fonction en 1748 lors de sa faillite31.
19Selon la liste des marchands étrangers dressée par l’intendant Lamoignon de Courson en 1711, Nicolas Woldt a 22 ans lors de son arrivée dans le port de la Garonne32.
20Il est peu probable que le jeune marchand lubeckois soit venu en France pour faire son apprentissage marchand, même si on peut relever des jeunes hommes qui, ayant passé la vingtaine d’années, viennent perfectionner leur formation dans les comptoirs bordelais33. Dans le cas du jeune Woldt, nous avons plutôt à faire à un marchand qui avait été parfaitement formé au négoce dans le comptoir de la firme paternelle à Lubeck. La maison Woldt de Lubeck entretient des relations avec Bordeaux depuis au moins 1686 et a ainsi déjà une bonne expérience dans le commerce des vins34. L’arrivée de Nicolas à Bordeaux correspond ainsi à une stratégie d’expansion de la maison paternelle qui dispose dorénavant d’un représentant sur la place aquitaine.
21Comme la plupart des commissionnaires du Nord, Nicolas Woldt est établi au faubourg des Chartrons. Il semble que le jeune Lubeckois ne se soit pas installé à Bordeaux dans une perspective de courte durée. En tant que locataire d’une maison et d’un chai dont le loyer s’élève à 500 livres tournois par an, il fait renouveler le bail en 1709 pour neuf années consécutives35. L’année suivante, il prête 5 600 livres tournois à Jean Pichon, maître boulanger, pour la construction d’un chai avec deux chambres, une cuisine, un salon et une chambre à coucher à proximité de sa maison ; en contrepartie, Nicolas Woldt a le droit d’occuper ce nouveau chai à titre gratuit pendant neuf ans36.
22Il s’entend que Nicolas Woldt, au début de sa carrière, n’est que locataire aux Chartrons. D’autres commissionnaires allemands fortunés, établis depuis plus longue date, tel Jean Baumgaerten font construire des maisons et même ouvrir des rues dans ce quartier marchand en gestation. Mais Woldt dispose néanmoins d’un cadre immobilier qui lui permet de se consacrer convenablement à son activité de négociant. Les chais, entrepôts caractéristiques de Bordeaux, y jouent un rôle de premier ordre pour le stockage des « vendanges, des vins et autres marchandises », ainsi que pour les travaux de vinification et de la distillation des eaux-de-vie, très appréciées sur les marchés du Nord.
23Dans la mesure où, en 1711, Nicolas Woldt est dit marié et père d’un enfant, on peut supposer qu’il s’est marié à Bordeaux autour de 1708 ou 1710, cinq à six ans après son arrivée en France sans que nous connaissions pour autant le nom et l’origine de son épouse37. Il est pratiquement certain que Woldt a trouvé sa fiancée au sein de la communauté protestante du grand port aquitain où se cotoyaient hugenots ou « nouveaux convertis », bordelais et protestants étrangers. Au début du xviiie siècle, les commissionnaires hanséates ne font pas encore venir leurs futures épouses du nord de l’Allemagne. Woldt a ainsi sans doute épousé la fille d’un marchand bordelais, d’origine française ou étrangère.
24À notre connaissance, il est le premier marchand lubeckois qui s’est définitivement fixé à Bordeaux. Il y est mort vers 1733. Sa veuve, d’un deuxième mariage, vit encore à Bordeaux au début des années 1740. L’intendant Tourny, l’auteur de l’État des négociants hambourgeois en 1743, précise qu’elle « a toujours continué le commerce de son mary qui est des commissions pour le Nord. Elle a des grands enfants, partie en France et partie dans les pays étrangers38 ». Ceci confirme, une nouvelle fois, le constat de Pierre Jeannin que de nombreux commissionnaires étrangers fixés dans les ports de la façade atlantique française « ré-exportent » des membres de leur famille dans leurs pays d’origine ; une pratique qui correspond, en effet, à une stratégie d’extension du réseau marchand39.
25En dépit du pragmatisme, de l’opportunisme voire du cynisme du milieu marchand à l’égard du fait religieux — à nouveau mis en évidence, récemment, par Pierre Jeannin et Jacques Bottin — le négociant de l’époque moderne vit dans un univers imbibé de religiosité40. Une vie dépourvue de toute forme de dévotion, dépourvue d’actes religieux tels l’assistance à la messe ou au service, à la Cène et aux prières aurait été équivalent d’une vie en dehors de la communauté41.
26L’espace hanséate ne constitue pas une exception à la règle, bien au contraire. L’identité des villes hanséatiques de Hambourg et Lubeck est d’abord luthérienne ; Brême étant d’obédience réformée. « Cet état est luthérien », constate à son tour William Carr lors de son passage à Hambourg en 168842. Les Hambourgeois se plaisent de considérer leur ville comme le Sion du Luthéranisme dans le nord de l’Europe43. L’exercice public des cultes catholique, réformé, mennonite et juif est interdit dans la ville. Le service anglican a lieu dans la chapelle de la Cour des Marchands Aventuriers qui jouissent de privilèges particuliers44. À Hambourg et à Lubeck, les ministres protestants ont une telle autorité dans les affaires municipales que cela impressionne les voyageurs étrangers de passage. Pierre Bidal, résidant français à Hambourg, regarde d’un mauvais œil les activités du clergé, des « prédicants » excitant, à plusieurs reprises, « la canaille contre les Magistrats45 ». Carr, quant-à-lui, remarque bien les riches décorations des églises hambourgeoises, mais il est tout particulièrement impressionné par les grandes orgues de Sainte-Catherine et de Saint-Jacques qui lui paraissent « particulièrement imposantes ». Les concerts de musique sacrée y rassemblent toujours un grand public, car les Hambourgeois « sont très mélomanes46 ». Un demi-siècle plus tard, sous la direction de Georg Philipp Telemann puis de Carl Philipp Emanuel Bach, on présente, à Hambourg, tous les ans une nouvelle Passion au moment du Carême.
27À Lubeck, l’orthodoxie luthérienne — William Carr y voit même la cause principale du déclin économique de la ville — et la ferveur protestante semblent encore dépasser celle de Hambourg, car si les Hambourgeois apprécient particulièrement les orgues de leurs églises, les Lubeckois « passent beaucoup de temps à l’église en dévotion en chantant des chants liturgiques47 ».
28Les marchands hambourgeois et lubeckois s’installant à Bordeaux comme Nicolas Woldt au début du xviiie siècle, passent, en fait, d’un univers protestant marqué par l’orthodoxie luthérienne à un univers de iure catholique contraignant les « nouveaux convertis » et les protestants étrangers de vivre leur foi dans la semi-clandestinité. Les quelques testaments qui nous sont survenus dans les archives notariées indiquent cependant que les commissionnaires hanséates restent — comme leurs co-religionnaires hollandais, danois ou autres — majoritairement attachés au protestantisme. Un marchand comme Jean Behrens, originaire de Hambourg, dispose même de deux exemplaires de la Bible en langue allemande, dans la traduction de Luther, dans son comptoir48. L’héritage culturel s’avère important. Dans les villes hanséatiques, le pasteur et le négociant apparaissent comme les deux personnages emblématiques de la société urbaine49.
Commerce et réseau marchand
29Souvent, les jeunes marchands étrangers débarquant à Bordeaux travaillent dans les comptoirs d’un négociant en vin expérimenté avant de se mettre à leur propre compte.
30Nous n’avons relevé cependant aucun indice que Nicolas Woldt ait commencé sa carrière bordelaise en association avec un commissionnaire bordelais, hollandais ou hanséate établi depuis un certain temps dans la capitale aquitaine. Tout laisse à penser que Woldt est venu seul en Aquitaine et qu’il y a travaillé dès le départ à ses propres frais. Son premier acte commercial relevé concerne une petite cargaison de quatre tonneaux de vin de ville faite dans un navire norvégien qui est expédié à Berend Barkey à Brême50.
31À première vue, la date d’arrivée de Nicolas Woldt à Bordeaux, en pleine guerre de Succession d’Espagne, peut surprendre. Après la fin de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, le commerce maritime bordelais connaît une conjoncture parfaitement prospère au tournant du xviiie siècle. Avec le déclenchement de la guerre de Succession d’Espagne, l’activité portuaire de Bordeaux baisse considérablement entre 1702 et 1704 pour atteindre la moitié de l’effectif de l’année record 1701-170251. Grâce à l’instauration du système de passeports favorisant en particulier la marine marchande hollandaise, le trafic redémarre cependant à la fin de l’année 1704. L’Empereur ayant interdit le commerce avec la France, les navires hanséates sont absents du port de Bordeaux entre juin 1703 et juillet 1706 - ce qui n’empêche qu’une partie des échanges est maintenue par l’intermédiaire d’autres pavillons. Ainsi ces années ne semblent pas propices à l’établissement d’un marchand hanséate à Bordeaux. En même temps, la bonne conjoncture du commerce de France au tournant du siècle a certainement persuadé la bourgeoise marchande de Lubeck de poursuivre autant que possible le trafic en période de guerre. En plus, la ville, située aux confins des royaumes Scandinaves, dispose de bonnes relations avec le milieu marchand des nombreux ports du Danemark et de la Suède ce qui facilite les échanges avec la France sous pavillon neutre, danois ou suédois, pendant la guerre de Succession d’Espagne. Ceci peut expliquer l’« envoi » d’un des leurs à Bordeaux, étant donné que l’ancienne capitale de la Hanse est quelque part sous-représentée à l’intérieur de la communauté des commissionnaires hanséates. À Bordeaux, Woldt s’applique, en effet, particulièrement à la cause lubeckoise.
32Dans la deuxième moitié de la guerre, entre 1707 et 1714, il ne dépose pas moins de 34 « soumissions » auprès de la chambre de commerce de Bordeaux pour obtenir des passeports pour des navires battant pavillon lubeckois, sept demandes pour des vaisseaux hambourgeois et deux pour des bâtiments armés à Brême52. Il paraît ainsi que Nicolas Woldt ait été dépêché à Bordeaux pour assurer le maintien du commerce lubeckois - et dans une moindre mesure hambourgeois, et brêmois — avec la France en période de guerre.
33En règle générale, les commettants d’un commissionnaire étranger débutant à Bordeaux se recrutent dans le milieu marchand de sa ville natale. Ceci correspond parfaitement à la situation de Nicolas Woldt. S’il entretient des relations avec les banquiers Aron et Simon Abrahams à Amsterdam53 et avec quatre marchands à Hambourg54, c’est à Lubeck que Woldt dispose du plus grand nombre de commettants, en premier lieu les membres de sa famille, Henrich Woldt, le père, et les frères Herman et Henrich le jeune, ensuite Menno Froböse, Thomas Gertering, Jochim Philipp Lange, Jürgen Sieben, Johan et Daniel Weygandt, Andreas Zitschy, Jacob Stolterfoth, Jürgen Volprecht, Conrad Zerrahn, Jacob Rubeck et Albert Petersen. Pour les quelques années où nous avons pu suivre le développement des affaires de Nicolas Woldt à Bordeaux, entre 1704 et 1715, son réseau tel qu’il apparaît à travers l’étude des archives notariées, est centré sur Lubeck. En même temps, la « branche » hambourgeoise du réseau Woldt montre l’imbrication des bourgeoisies marchandes des deux villes hanséatiques voisines partageant, en effet, les mêmes intérêts dans les commerces de l’ouest et de la Baltique. Cette coopération est illustrée, par exemple, par la mise en place d’un véritable système de demande de passeports maritimes pendant la guerre de Succession d’Espagne comprenant les Woldt de Lubeck, deux marchands hambourgeois ainsi que Nicolas Woldt à Bordeaux. À l’intérieur du réseau commercial du commissionnaire bordelais, le groupe familial constitue une unité de travail solidement soudée. En règle générale, les Woldt de Lubeck sont propriétaires — au moins en partie — des navires qu’ils adressent à leur correspondant à Bordeaux. Nous supposons qu’au cours des années 1720 et 1730, le réseau de Nicolas Woldt s’est progressivement étoffé et étendu sur d’autres ports du Nord-Ouest et du Nord de l’Europe, mais il est clair que Lubeck y gardait un rôle prépondérant.
34Dans les dernières années de la guerre de succession d’Espagne, notre commissionnaire met en place un système de demande de passeports parfaitement bien rodé par l’intermédiaire d’un certain Joseph Danglade à Paris. Dans la capitale, Danglade s’occupe d’obtenir des passeports pour des navires armés dans les trois villes hanséatiques, passeports que lui demandent soit Nicolas Woldt à Bordeaux, soit Hinrich et Herman Woldt à Lubeck, ou Henry Behn et Henry van Somderck à Hambourg55. Le recours au soutien d’un représentant parisien accélère, en effet, les procédures administratives et facilite considérablement le commerce maritime sujet au régime des passeports. Nous voyons ici un réseau de cinq marchands dont deux à Lubeck et deux à Hambourg qui, pendant la guerre maritime, collaborent étroitement pour le maintien des échanges entre Bordeaux et les villes hanséatiques. Cet exemple montre, en outre, l’étroite coopération entre les bourgeoisies marchandes de Hambourg et de Lubeck conjuguant les atouts respectifs des deux places dans le commerce de la mer du Nord, voire de l’Atlantique, et le commerce de la Baltique. A Bordeaux, en cette fin de règne de Louis XIV, Nicolas Woldt apparaît comme un intermédiaire indispensable du négoce lubeckois — et hambourgeois — avec la France.
35Les Woldt de Lubeck et de Bordeaux ne se contentent effectivement pas d’un système d’échanges bilatéral parfaitement rodé, ils pratiquent également une politique active de recherche de correspondants. Le travail du commissionnaire bordelais nécessite, à l’occasion des voyages plus ou moins étendus sur les marchés du nord de l’Europe pour entretenir les relations avec les commettants. Il est vrai que dans le commerce des vins, les questions du goût de la clientèle s’avèrent primordiales et demandent de temps en temps la présence du commissionnaire dans le nord de l’Europe56.
36En 1710, Nicolas Woldt part ainsi pour une destination que nous ignorons, mais probablement dans l’espace hanséatique. Si importants qu’ils soient, les voyages ne constituent cependant qu’un aspect du travail quotidien du commissionnaire à l’époque moderne. Il faut, en effet, prendre en considération la réflexion de Pierre Jeannin : « Plus que les déplacements nombreux ou pas des personnes, le trait important était l’existence d’un siège, d’un comptoir qui fonctionnait même pendant l’absence du chef57. » Dans le cas de notre commissionnaire, c’est le commis Gaspard Wolffraedt qui, en 1710, s’occupe de la gestion des affaires pendant l’absence du maître.
37Pratiquement tous les commissionnaires bordelais dont le commerce présente une certaine envergure accueillent dans leurs comptoirs des apprentis et commis français ou étrangers qui sont employés à la correspondance, à la tenue des livres ainsi qu’à d’autres devoirs marchands. Wolffraedt, comme Woldt originaire d’une famille de marchands en vins de Lubeck, commence sa carrière en tant que garçon de comptoir chez Nicolas Woldt en 1706, à l’âge de dix-neuf ans. Quatre ans plus tard, il y figure déjà comme commis58. Et vers la fin de l’année 1711, majeur de vingt-cinq ans, il se met à son propre compte en association avec un certain Frédéric Bernard Prongehren, lui-aussi sans aucun doute originaire du nord de l’Allemagne59. La jeune société s’emploie au commerce des vins et eaux-de-vie du Bordelais qui sont expédiés à Lubeck d’où on reçoit, en échange, des cargaisons de bois merrain et d’autres produits du Nord, apparemment sans grand succès commercial, car Gaspard Wolffraedt semble avoir regagné sa ville natale peu après 1711. Au mois d’avril 1715, à Lubeck, il figure parmi les destinataires de cargaisons de vins chargées à Bordeaux dans deux navires battant pavillon lubeckois60.
38L’association entre Nicolas Woldt et Gaspard Wolffraedt nous montre deux marchands dont les familles jouent un grand rôle dans le commerce de Lubeck avec la France. Adolf Wolffraedt, le grand-père de Gaspard, figure déjà au début des années 1670 parmi les clients de Daniel Oyens et Jasper Pelt, les plus grands marchands hollandais de Bordeaux. Ses fils, Johan Bendix et Diedrich Wolffraedt, comptent, au début des années 1690, parmi les dix maisons lubeckoises qui se sont entièrement spécialisées dans le commerce de vin. Entre 1676 et 1693, ils importent au total 4815 « Oxhoft » de vin français et 740 « Quardehl » d’eau-de-vie. Avec d’autres marchands de Lubeck, les Wolffraedt sont co-propriétaires de plusieurs navires employés dans le commerce entre Riga à l’est et Bordeaux à l’ouest dont, par exemple, l’« Arche de Noé de Lubeck » que nous relevons à neuf reprises dans le port de la Lune entre 1699 et 171561.
39Souvent, le commissionnaire bordelais héberge également des marchands de passage ou des membres de sa famille. Au début de l’année 1712, Jean-Martin Woldt, le frère de Nicolas, quitte Lubeck pour un voyage de prospection en France. Vu l’attachement de la ville de Lubeck à obtenir la reconnaissance diplomatique de son avancée commerciale en France, il n’est pas surprenant que le déplacement du jeune marchand lubeckois soit d’abord perçu par les autorités françaises comme une mission officielle. Brosseau, agent hanséate à Paris, considère ce marchand comme un délégué officiel de la ville de Lubeck. Le 22 février 1712, il écrit de Paris qu’un « Sr. Woldt de Lubeck est actuellement en France pour y establir un traitté de commerce avec la ville de Lubeck ». Dix jours plus tard, il précise : « Le Sr. Woldt qui est en France avec passeport du Roy ne s’y est rendu que pour y choisir et y establir des correspondances avec lesquels son pere qui est a Lubeck et son frère etably a Bordeaux depuis dix ans desirent entretenir leur commerce62. » Ce voyage de prospection du marché français amène Jean-Martin Woldt bien évidemment aussi à Bordeaux. C’est ici qu’il s’embarque le 11 décembre 1714, presque trois ans après son départ de Lubeck, dans un navire hambourgeois pour rentrer en Allemagne63.
40Le voyage de Jean-Martin Woldt, qui est probablement passé par Paris, montre que les Woldt n’ont pas laissé au hasard la formation de leur réseau commercial. Dans le but d’une recherche active de correspondants et de l’entretien des relations d’affaires, Jean-Martin occupe un véritable rôle d’émissaire agissant entre Lubeck et Bordeaux, les deux pôles du réseau Woldt. Cette « mobilité d’information » présente également un caractère de « mobilité de formation » (D. Roche) dans la mesure où Jean-Martin fut initié aux us et coutumes du commerce bordelais par son frère aîné64. Il y acquiert un savoir que le jeune marchand peut faire fructifier au sein de la maison mère après son retour à Lubeck. C’est par son voyage que Jean Martin-Woldt contribue, à sa manière, à l’élargissement de l’horizon commercial lubeckois dont la Baltique constitue jusque-là l’aire de prédilection. Le voyage prolongé sur des marchés étrangers constitue ainsi une étape décisive dans la formation du parfait négociant. À en croire l’envoyé danois Heinrich Wilhelm von Gerstenberg, de passage à Lubeck, bien plus tard, en 1780, c’est essentiellement aux voyages que les grands hommes d’affaires de l’ancienne capitale de la Hanse doivent leur culture ; une culture dont il se montre particulièrement impressionné65.
41Si les marchands de Lubeck s’engagent dans le commerce de France depuis les années 1670, il faut cependant attendre le début du xviiie siècle pour trouver l’un des leurs durablement installé dans le grand port aquitain. De par son activité commerciale, par la demande régulière de passeports maritimes, Nicolas Woldt apparaît bel et bien comme un représentant « quasi-officiel » du négoce lubeckois à Bordeaux. En même temps, il y a bien de la place à côté de lui ce que montrent les essais d’installation de Louis Mollwo et de Gaspard Wolffraedt, les « autres » marchands lubeckois de Bordeaux, des tentatives qui se soldent en fin du compte par un échec dû, dans le cas de la maison Wolffraedt & Prongehren, à la « crise de croissance » (Ch. Huetz de Lemps) du commerce bordelais à la fin du règne de Louis XIV66. Louis Mollwo, quant à lui, travaillant à Bordeaux en association avec les Hambourgeois Jean Behrens et Georg Wischhoff, est entraîné dans la banqueroute provoquée par son associé Wischhoff. Pour échapper à leurs créanciers, les trois marchands quittent Bordeaux au printemps de l’anneé 170967. Il est intéressant de constater que les familles Woldt et Mollwo étaient apparentées. À Lubeck, Isabella Woldt, la sœur de Nicolas, est mariée avec Jean-Martin Mollwo, le frère de Louis68.
42Woldt n’a pas non plus l’exclusivité du commerce entre Bordeaux et Lubeck. Les Lubeckois entretiennent, en fait, des relations avec de nombreux autres commissionnaires bordelais. Dans les villes hanséatiques, les marchands qui veulent participer au commerce français ne sont pas obligés de recourir aux services de leurs compatriotes établis dans les ports de la façade atlantique française. Ils disposent, au contraire, d’un véritable « pool » de commissionnaires français et étrangers dont ils peuvent choisir celui ou ceux qui leur conviennent le plus pour leurs affaires respectives. Il est vrai, cependant, que l’installation successive des Hanséates à Bordeaux à partir des années 1670, facilite les échanges entre les deux pôles. Avec l’afflux des Hanséates, Danois, Scandinaves, Prussiens et autres Britanniques lors du règne de Louis XIV, le milieu du négoce bordelais, cosmopolite de longue date, s’internationalise encore davantage.
43Sans négliger le clivage confessionnel, véritable « ligne de démarcation » (P. Butel69) dans la société bordelaise de l’époque moderne, on peut constater néanmoins que la bonne centaine de marchands « faisant les commissions pour le Nord » et habitant d’ailleurs majoritairement au faubourg des Chartrons, en aval de la ville, constitue un groupe cosmopolite soudé et caractérisé, en ce qui concerne les étrangers d’entre eux, par une triple « altération culturelle, juridique et géographique70 ». Il s’agit d’un groupe ouvert sur l’extérieur, marqué par une forte mobilité et l’accueil des nouveaux arrivants. Un groupe qui, dans ce port à 100 kilomètres dans les terres, vit au rythme de l’économie atlantique, dans cette ville qui semble encore tourner le dos au fleuve (J. Cavignac71).
44Le succès de l’installation de Nicolas Woldt dans le Bordeaux du début du xviiie siècle ne put se faire sans le soutien actif de sa famille. Le réseau fut tissé grâce à l’étroite coopération entre la maison-mère de Lubeck et la « filiale » bordelaise. Il montre le fonctionnement du capitalisme marchand à base familiale.
Notes de bas de page
1 Archives départementales de la Gironde (ADG), 3 JC 2 : Mémoire sur la Généralité de Bordeaux dressé par Monsieur de Bezons, intendant en l’année 1698, f° 50.
2 Dans son « Exkurs über den Fremden », Simmel traite de l’étranger : nicht in dem bisher vielfach berührten Sinn [...] als der Wandernde, der heute kommt und morgen geht, sondern als der, der heute kommt und morgen bleibt - sozusagen der potenziell Wandernde, der, obgleich er nicht weitergezogen ist, die Gelöstheit des Kommens und Gehens nicht ganz überwunden hat. Pour Simmel, le marchand est l’étranger par excellence - et vice versa : In der ganzen Geschichte der Wirtschaft erscheint der Fremde allenthalben als Händler, bzw. der Händler als Fremder. Georg Simmel, Soziologie. Untersuchungen über die Formen der Vergesellschaftung, Leipzig, Duncker & Humblot, 1908, p. 685-691.
3 Wolffraedt est établi à Bordeaux de 1706 à 1712, Mollwo de 1703 à 1708. Le père de Louis Mollwo, Louis Molveau, originaire de Reims, s’installe à Lubeck au cours du dernier tiers du xviie siècle. Il y meurt en 1697. Cf. Emil F Fehling, Lübeckische Ratslinie von den Anfängen der Stadt bis auf die Gegenwart, Lübeck, Schmidt-Römhild, 1925, p. 150,215.
4 Archives nationales (AN), Archives de la Marine, Sous-Serie B7, 489, f° 324 : Mémoires des choses principalles à observer par les Directeurs de la Compagnie du Nort dans le voyage qu’ils vont faire (1670).
5 AN, Marine B7 463, f° 75 : Mémoires touchant le commerce (1697).
6 Louis Aubéry du Maurier, Mémoires de Hambourg, de Lubeck et de Holstein, de Dannemarck, de Suède et de Pologne, Amsterdam 1736, p. 115, 119, 121 et 124.
7 AN, Marine B7 (Pays étrangers, Commerce, Consulats) 490, p. 406 : Lagny et Pagès à Colbert, Copenhague, 20 juin 1671.
8 AN, Marine B7 489, f° 308 : Bidal, Hambourg, 28 novembre 1670.
9 AN, Marine B7 490, p. 319, 1671.
10 William Carr, Remarks of the Government of severall Parts of Germanie, Denmark, Sweedland, Hamburg, Lubeck and Hanseactique Towns, but more particularly of the United Provinces, Amsterdam 1688, p. 159-160 : Lubeck is now exceedingly run into decay not only in territories, but in wealth and trade also.
11 Ahasver von Brandt, « Thomas Fredenhagen (1627-1709). Ein Lübecker Groβkaufmann und seine Zeit », Hansische Geschichtsblätter, 63 (1938), p. 125-160 ; Ulrich Simon, « Thomas Fredenhagen (1627-1709) », in Gerhard Gerkens & Antjekathrin Graβmann, (éd.), Der Lübecker Kaufmann. Aspekte seiner Lebens- und Arbeitswelt vom Mittelalter bis zum 19. Jahrhundert, Lubeck, Museum für Kunst und Kulturgeschichte, 1993, p. 133-138.
12 Citons, à titre d’exemple, Johann Gerhard Fürstenau et Bernhard Bruns d’Osnabrück et Jürgen Sieben et Nikolaus Woldt de Brême. Cf. Emil F. Fehling, Lübeckische Ratslinie, 1925, p. 140, 144.
13 Marie-Louise Pelus, « À Lübeck et Hambourg au xviie siècle : Crise financière, conjoncture économique, potentiel économique, progrès économique. Une série de questions », in Neithardt Bulst & Jean-Philippe Genet, (éd.), La ville, la bourgeoisie et la génèse de l’état moderne. xiie-xviiie siècle, Paris, Éditions du CNRS 1988, p. 258.
14 Elisabeth Harder-Gersdorff, « Lübeck, Danzig und Riga. Ein Beitrag zur Frage der Handelskonjunktur im Ostseeraum am Ende des 17. Jahrhunderts », Hansische Geschichtsblätter, 96 (1978), p. 109.
15 Aubéry du Maurier, Mémoires, p. 102.
16 Id., p. 109. Voir aussi : Elisabeth Harder-Gersdorff, « Im Vorfeld der Industrialisierung : Riga als Emporium der Rohstoffausfuhr von Ost-nach Westeuropa. Bemerkungen zu Vassilij Vasil’evic Dorosenko, Handel und Kaufmannschaft Rigas im 17. Jahrhundert », Hansische Geschichtsblätter, 105 (1987), p. 51-81 ; Id., « Lübeck und Hamburg im internationalen Handel mit russischem Juchtenleder in der Frühen Neuzeit », Zeitschrift des Vereins für Lübeckische Geschichte und Altertumskunde, 67 (1987) ; Id., « Avoiding Sound traffic and Sound toll : Russian leather and tallow going West via Archangel and Narva-Lubeck (1650-1710) », in H. G. Heeres (éd.), From Dunkirk to Danzig. Shipping and Trade in the North Sea and the Baltic. 1350-1850, Hilversum, Verloren, 1988, p. 237-261.
17 AN, Marine B7 490, p. 406 : Lagny et Pagès à Colbert, Copenhague, 20 juin 1671.
18 Elisabeth Harder-Gersdorff, « Lübeck, Danzig und Riga », art. cité, p. 109.
19 Marie-Louise Pelus, « Eine Hansestadt im Planetensystem des Sonnenkönigs : Der Handel mit Frankreich und seine Bedeutung für die lübeckische Wirtschaft in der Epoche Ludwigs XIV », Zeitschrift des Vereins für Lübeckische Geschichte und Altertumskunde, 65 (1985), p. 119-142.
20 Peter Voss, Bordeaux et les villes hanséatiques, 1672-1715. Contribution à l’histoire maritime de l’Europe du Nord-Ouest, Thèse pour le doctorat d’histoire nouveau régime, université Michel de Montaigne-Bordeaux III 1995, p. 319-329.
21 Marie-Louise Pelus, « Lübecker Weinhändler im Jahre 1693 und ihr Handel mit Frankreich », in Elisabeth Spies-Hankammer (éd.), Lübecker Weinhandel, Lübeck, Amt für Kultur, 1985, p. 55-61 ; Rolf Hammel-Kiesow, « Von Tuch und Hering zu Wein und Holz. Der Handel Lübecker Kaufleute von der Mitte des 12. bis zum Ende des 19. Jahrhunderts », in G. Gerkens & A. Graβmann (éd.), Der Lübecker Kaufinann, op. cit., p. 26-27.
22 Antjekathrin Grassmann, « Lübeck auf dem Friedenskongreβ von Nimwegen », Zeitschrifi des Vereins für Lübeckische Geschichte und Altertumskunde, 52 (1972), p. 36-61.
23 Id., « Lübeck auf dem Friedenskongreβ zu Rijswijk 1697 », Zeitschrifi des Vereins für Lübeckische Geschichte und Altertumskunde, 57 (1977), p. 38-51 ; Id., « Lübeck auf dem Friedenskongreβ zu Rijswijk. Chancen und Probleme für eine Reichs-und Hansestadt », in Heinz Duchhardt (éd.), Der Friede von Rijswijk 1697, Mainz, von Zabern, 1998, p. 257-269.
24 Paul Jacob Marperger, Erstes hundert gelehrter Kauffleut, Berlin 1710.
25 AN, Marine B 7 490, p. 336 : Lettre de Diederich Bartels à Lagny et Pagès, 9 août 1671. Déjà en 1666, Bartels avait expédié des cargaisons de bois merrain et de chanvre de la Baltique à La Rochelle, voir Archiv der Hansestadt Lübeck (AHL), Spanische Kollekten. Nachlaβ Hagedorn 2a : Statistik der Spanienfahrt 1655-1693. Dietrich Bartels (1633-1689), fils du marchand Georg Bartels, est élu sénateur en 1687. Il entretient des relations commerciales avec plusieurs cours, en particulier avec la maison Mecklembourg-Schwerin, et est anobli par l’empereur Léopold I. Voir Emil F. Fehling, Lübeckische Ratslinie, 1925, op. cit., p. 132.
26 Marie-Louise Pelus, « Lübecker Weinhändler », art. cité, p. 61. En 1693, Hinrich Woldt réexporte seulement 38 Oxhoft de vin français. Dietrich Bartels reçoit 1188 Oxhoft de vin de France et réexporte plus de 1217 Oxhoft.
27 ADG, Série 6B - Amirauté de Guyenne, 299 : Départs des navires du port de Bordeaux, 14 mars 1701 ; 6B 300, 19 mai 1702.
28 ADG, 3E 13011, f° 319 Étude Parran, 10 mai 1703 ; 6B 300, 9 juin 1703.
29 ADG.6B 302,25 mai 1708 ; 6B 304, 18 avril 1711 ; 6B 305, 8 août 1713 ; 6B 306, 28 juin 1714 ; 6B 307, 24 mars 1716 ; 6B 230 Rapports à l’entrée des navires dans le port de Bordeaux, 30 mai 1714.
30 Marie-Louise Pelus, « Eine Hansestadt im Planetensystem des Sonnenkönigs », art. cité, p. 138. Voir Emil F. Fehling, Lübeckische Ratslinie, op. cit., p. 137.
31 Ibid., p. 137, 140, 149.
32 ADG, C 4473.
33 À l’âge de 24 ans, Martin Spiermann de Elbing en Prusse occidentale entre au service du commissionnaire Hendrick Luetkens en tant que « serviteur et apprenti ». ADG, 3E 8604 Étude Lemoine, f° 946, 18 septembre 1702.
34 AHL, Spanische Kollekten. Nachlaβ Hagedorn 2a. Statistik der Spanienfahrt 1655-1693.
35 ADG, 3E 8648, f° 941 Étude Lemoine, 21 novembre 1709, renouvellement du bail.
36 ADG, 3E 8649, f° 119 Étude Lemoine, 11 février 1710.
37 ADG, C 4473.
38 ADG, C 4439, f° 10 : État des négociants hambourgeois, 1743.
39 Pierre Jeannin, « Les pratiques commerciales des colonies marchandes étrangères dans les ports français. xvie-xviiie siècles », in Louis M. Cullen & Paul Butel (éd.), Négoce et industrie en France et en Irlande aux xviiie et xixe siècles. Actes du Colloque Franco-Irlandais d’Histoire. Bordeaux, mai 1978. Paris, Éditions du CNRS, 1980, p. 9-16.
40 Jacques Bottin & Pierre Jeannin, « Entre conviction et réalisme : deux hommes d’affaires protestants du premier xviie siècle », in Guy Martinière, Didier Poton & François Souty (éd.), D’un rivage à l’autre. Villes et protestantisme dans l’aire atlantique (xvie-xviie siècles). Actes du colloque organisé à La Rochelle (13 et 14 novembre 1998), Paris-Poitiers-La Rochelle, Imprimerie Nationale, 1999, p. 157-171.
41 Michael Stolleis, « Religion und Politik im Zeitalter des Barock. « Konfessionalisierung » oder « Säkularisierung » bei der Entstehung des frühmodernen Staates ? », in Dieter Breuer (éd.), Religion und Religiosität im Zeitalter des Barock. Teil I, Wiesbaden, Harrassowitz, 1995, p. 35-36.
42 « This Commonwealth is Lutheran » (William Carr, Remarks of the Government, op. cit., p. 152).
43 Franklin Kopitzsch, Grundzüge einer Sozialgeschichte der Aujklärung in Hamburg und Altona, Hamburg, Christians, 1982, p. 204.
44 William Carr, Remarks of the Government, op. cit., p. 158. Jochim Whaley, dans son ouvrage Religious Toleration and Social Change in Hamburg, 1529-1819, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, montre justement les limites manifestes de la tolérance confessionnelle, longtemps idéalisée par l’historiographie hambourgeoise.
45 AN, B7 489, f° 308, Bidal, Hambourg, 28 novembre 1670.
46 William Carr, Remarks of the Government, op. cit., p. 157 : They are great lovers of Musick. I have told 75 masters of severell sorts of Musick in one Church, besides those who were in the Organ-gallery.
47 Ibid., p. 161 : They spend much time in their churches at devotion, which consists chiefly in singing. On connaît bien l’impact de la Réforme sur le développement de la musique sacrée et, en particulier, le rôle important du chant pour le culte luthérien. Voir Patrice Veit, Das Kirchenlied in der Reformation Martin Luthers : eine thematische und semantische Untersuchung, Stuttgart, Steiner, 1986. Il est probable, en effet, que lors de son passge à Lübeck, William Carr ait assisté aux célèbres veillées musicales (Abendmusiken) du compositeur Dietrich Buxtehude (1637-1707), titulaire des grandes orgues de l’église Notre-Dame de Lübeck dès 1668.
48 ADG, 3E 8647 Étude Lemoine, f° 376, 15 mai 1709.
49 Cf. Michel Espagne, Bordeaux Baltique. La présence culturelle allemande à Bordeaux au xviiie et xixe siècles, Paris, Éditions du CNRS, 1991.
50 ADG, 3E 8619. f° 447 Étude Lemoine, 4 mai 1705.
51 En 1702-1703 et 1703-1704 avec respectivement 1506 et 1566 navires, on compte mille unités de moins à la sortie du port de Bordeaux qu’en 1701-1702. Christian Huetz de Lemps, « Le commerce maritime des vins d’Aquitaine de 1698 à 1716 », Revue Historique de Bordeaux, 14 (1965), p. 36 ; Id., Géographie du commerce de Bordeaux à la fin du règne de Louis XIV, Paris-La Haye, Mouton, 1975.
52 ADG, C 4251, Premier Registre des Délibérations de la Chambre de Commerce de Bordeaux, 1705-1714.
53 ADG, 3E 13018, f° 827 Étude Parran, 12 décembre 1715.
54 Parmi les marchands de Hambourg, nous relevons Jochim Kunow, Johan Jakob Leers, Henry Behn et Henry van Somderck.
55 ADG, 3E 8652, f° 703 Étude Lemoine, 23 novembre 1711.
56 Pierre Jeannin, « Distinction des compétences et niveaux de qualification : les savoirs négociants dans l’Europe moderne », in Franco Angiolini et Daniel Roche (éd.), Cultures et formations négociantes dans l’Europe moderne, Paris, Éditions de l’EHESS, 1995, p. 363-397.
57 Ibid.
58 ADG, C 4473.
59 ADG, 3E 8653, f° 108 Étude Lemoine, 5 mars 1712.
60 ADG, 3E 6B 1150 Procédures, 11 et 20 avril 1715.
61 ADG, 6B 298 à 307, Départs des navires du port de Bordeaux. Diedrich Wolffraedt meurt en 1720 à Lubeck. Une de ses filles, Katharina Elisabeth, est mariée avec Heinrich Balemann, fils du sénateur Heinrich Balemann, docteur en droit, sénateur (1717), puis maire de Lubeck (1724). Emil F. Fehling, Lübeckische Ratslinie, op. cit., p. 137.
62 AN, Marine B 7 12, f° 273 : Brosseau, Paris, 12 février 1712 ; f° 369 : Brosseau, Paris, 22 février 1712. Voir aussi Marie-Louise Pelus-Kaplan, « Christophe Brosseau, résident hanséatique à Paris et son action de 1698 à 1717 », in Isabelle Richefort et Burghart Schmidt (éd.), Les relations entre la France et les villes hanséatiques de hambourg, Brême et Lübeck. Moyen Age-xixe siècles, Bruxelles, Peter Lang, 2006, p. 401-427.
63 ADG, 6B 45 Certificats d’identité et de catholicité, soumissions et passeports concernant les passagers embarqués à Bordeaux, 1713-1717, 14 décembre 1714.
64 Daniel Roche, Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003, p. 289.
65 « Il y a trois états à Lubeck ; la noblesse du chapitre, les érudits, qui constituent ici un corps à part, et les négociants qui, pour la plupart, se sont très instruits par leurs voyages et qui mènent un grand train de vie » ; cité par A. Graβmann, « Zur Unterhaltung und guter Korrespondenz. Aus dem gesellschaftlichen Leben des Lübecker Kaufmanns », in G. Gerkens/A. Graβmann, éd., Der Lübecker Kaufmann, op. cit., p. 105 ; Lübeck besteht aus dreyerley Ständen, dem Adel des Hochstifts, den Gelehrten, die hier einen eigenen Stand bilden, und den Kaufleuten, die sich meistenteils durch Reisen sehr gebildet haben und auf ungemein groβem Fuβ leben.
66 Christian Huetz de Lemps, Géographie du commerce de Bordeaux, op. cit.
67 ADG, 3E. 8647, f° 376, Étude Lemoine, 15 mai 1709. En 1713, par l’intermédiaire du résident français à Hambourg, Louis Mollwo demande « un sauf conduit afin qu’il agisse en toute seureté à Bordeaux pendant l’espace de dix ans pour le retablissement de ses affaires et de son commerce et pour satisfaire entierement ses Creanciers ». AN, B 7 Marine 19, f° 36, 5 juillet 1713.
68 Emil F. Fehling, Lübeckische Ratslinie, op. cit., p. 150.
69 Paul Butel, La croissance commerciale bordelaise dans la deuxième moitié du xviiie siècle, Thèse d’État, université de Paris I, 1972, Lille, Service de reproduction des thèses, 1973 ; Id., Les Négociants bordelais, l’Europe et les Îles au xviiie siècle, Paris, Aubier Montaigne, 1974.
70 Daniel Roche, Humeurs vagabondes, op. cit., p. 398.
71 Jean Cavignac, Jean Pellet, commerçant de gros (1694-1772). Contribution à l’étude du négoce bordelais au xviiie siècle, Paris, SEVPEN, 1967.
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