Chapitre XII. Les ruptures de l’année 1958
p. 261-284
Texte intégral
1L’aggravation de la guerre d’Algérie et l’incapacité de la Quatrième République à dégager une solution, la crise du 13 mai 1958 qui conduit au retour au pouvoir du général de Gaulle, le ralliement de Guy Mollet à ce processus enclenché par l’homme du 18 juin, conduisent Tanguy Prigent à remettre brutalement en cause son admiration pour ces deux hommes avec lesquels il a travaillé. Sa conscience républicaine ne peut accepter ce « coup » du 13 mai. Le député de Morlaix prend la tête des parlementaires socialistes opposés au ralliement au général de Gaulle les 1er, 2 et 3 juin. Dans cette période fort agitée, faite de rumeurs et de complots, par un choix politique clair qui le porte sur le devant de la scène, le député finistérien remet en cause ses fidélités passées et engage sa vie et son action politiques vers des chemins moins bien balisés. Une nouvelle fois l’homme ne craint pas de prendre des risques pour défendre la conception du socialisme et de la République à laquelle il croit.
Un dirigeant qui soutient la ligne politique de son parti
2Rien ne laisse présager dans les derniers mois de 1957 et au début de 1958 un revirement de Tanguy Prigent sur la question de la guerre d’Algérie dans ses relations avec le parti communiste dans le Finistère. Si le PCF et la Nouvelle Gauche (NG) sont sur une ligne anticolonialiste et prônent un élargissement de l’unité d’action contre la guerre d’Algérie, notamment en direction de la SFIO, les relations entre socialistes et communistes sont empreintes de méfiance1. Les militants communistes appellent à l’unité d’action mais ne se privent pas d’attaquer les trois parlementaires socialistes du département, en particulier lors des élections cantonales d’avril 1958. De leur côté, les socialistes ne sont pas dupes vis-à-vis de cette propagande unitaire de communistes qui « espèrent provoquer une scission à l’intérieur du PS et attirer à eux des militants socialistes […] aigris et désabusés2 ». Ces deux derniers termes sont pour le moins l’aveu d’un malaise parmi les militants socialistes. Pourtant le responsable brestois Robert Gravot rejette toute possibilité de Front populaire type 1936 et tout Front républicain modèle 1956, sans tomber dans un anticommunisme systématique car socialistes et communistes travaillent ensemble dans la minorité municipale de Brest.
3La période du Front républicain a été favorable à la SFIO sur le plan des effectifs. Ils sont passés de 950 adhérents en 1955 à un maximum de 1425 en 1957 et se maintiennent à 1400 en 1958 malgré la crise politique et une première scission3. Lors du congrès fédéral de Quimper, le 8 décembre 1957, la fédération du Finistère soutient toujours la majorité nationale de la SFIO et ses militants approuvent la proposition de Tanguy Prigent d’interdire l’adhésion des socialistes à la CGT4. L’anticommunisme hérité de la scission de FO est toujours bien présent. Aussi, la SFIO ne participe-t-elle pas en tant que parti aux comités pour la paix en Algérie relancés par le PCF, la Nouvelle Gauche et l’Union de la gauche socialiste (UGS) au début de l’année 1958, ni aux comités Maurice Audin5. La situation bouge au printemps 1958 lorsqu’une cinquantaine de personnalités brestoises lance un manifeste « pour la vérité, pour les libertés » signé par des communistes, des progressistes, des syndicalistes, des catholiques et même quelques socialistes6. L’appel à l’opinion à protester contre les atteintes aux libertés et à faire connaître son « attente d’une solution pacifique » rencontre un certain écho. Des comités Audin, cet universitaire d’Alger « disparu », se forment à l’initiative d’enseignants et de militants d’extrême gauche (UGS) et de communistes à Quimper (janvier) et à Brest (mars). Les parachutistes commandés par le général Massu sont en fait responsables de sa mort7. À Brest, Robert Gravot n’a pas répondu à l’invitation des organisateurs du comité Audin8. Globalement, les socialistes restent en marge de ces comités, mais les dirigeants fédéraux de la SFIO ne peuvent plus échapper à une certaine pression extérieure voire intérieure, notamment dans les syndicats enseignants. Dans Le Breton Socialiste du 8 mars 1958, Robert Gravot doit reconnaître le mécontentement de la base de la SFIO vis-à-vis du comité directeur auquel appartient Tanguy Prigent. Il y voit trois raisons : « La discipline dictatoriale » de la direction, la collaboration trop étroite du parti avec la droite, la politique de la France qui mène « une guerre abominable » en Algérie. Pourtant, le Brestois défend la politique de participation au pouvoir des socialistes sinon ce serait pire : « Laisser la droite gouverner seule, c’est infailliblement aggraver la guerre en Algérie et voir le conflit risquer de se généraliser. » La région de Morlaix, le fief de Tanguy Prigent, reste en dehors de ces initiatives, signe que le secrétaire fédéral contrôle bien ses troupes.
4Une pause intervient néanmoins au second tour des élections cantonales, le 27 avril 1958 : le PCF encourage le désistement de ses candidats pour les socialistes arrivés avant les communistes et des réunions communes sont organisées à Brest entre Gravot (SFIO) et Menez (PCF), les candidats de gauche les mieux placés dans les deux cantons renouvelables9. L’UGS soutient aussi Gravot qui est élu conseiller général, ce qui permet à la SFIO de reconquérir un siège dans le port du Ponant, d’où elle a été éliminée depuis 1949. Mais il s’agit d’un accord électoral ponctuel, de discipline républicaine, sans plus. Tanguy Prigent commente même sévèrement les résultats et le recul électoral du PCF au niveau national. Il n’est absolument pas prêt à un rapprochement avec ce parti10.
Vers une remise en question de la politique algérienne de la SFIO
5En 1958, les parlementaires socialistes finistériens soutiennent le gouvernement du radical Félix Gaillard. Tanguy Prigent, avec la SFIO, a voté l’investiture de ce gouvernement le 5 novembre 1957 et s’est opposé à sa chute le 15 avril 1958 après avoir voté le 31 janvier la nouvelle mouture de la loi-cadre sur l’Algérie qui avait provoqué la chute du précédent gouvernement présidé par Maurice Bourgès-Maunoury. Les communistes ont voté contre à chaque fois. La SFIO soutient ces gouvernements à direction radicale notamment parce qu’elle y participe et que le socialiste Robert Lacoste, ministre résident en Algérie depuis le 10 février 1956, y conserve son poste et y poursuit une politique répressive. Le 15 avril 1958 le gouvernement Gaillard, mis en minorité par 321 voix contre 255 sans avoir posé la question de confiance, préfère démissionner, ce qui ouvre une nouvelle crise ministérielle qui va être fatale à la Quatrième République11. Elle intervient sur la question des « bons offices des États-Unis et de la Grande- Bretagne », c’est-à-dire sur la proposition appuyée de ces puissances de jouer les intermédiaires entre la France et la Tunisie après le bombardement aérien du village tunisien de Sakhiet Sidi Youssef, le 8 avril 1958. Ce bombardement de représailles sur un petit village tunisien situé à quelques kilomètres de la frontière algérienne et censé abriter des combattants de l’ALN se fait au nom du droit de suite. Effectué un samedi, jour de marché, il a tué 69 personnes dont beaucoup de femmes et d’enfants (des bombes sont tombées sur une école). L’émotion dans le monde est immense provoquant une internationalisation du conflit.
6Or, il semble bien que cette affaire de Sakhiet Sidi Youssef ait troublé Tanguy Prigent et que cet événement dramatique enclenche le processus de remise en question qui va le conduire à la rupture. La première fêlure se produit à ce moment-là mais était-elle inévitable ? Le trouble saisit d’autres socialistes et Le Populaire s’en fait l’écho face à la politique du fait accompli12. Tanguy Prigent est alors sur cette longueur d’onde. Dans sa lettre de démission du comité directeur du 15 juillet 1958, il avance quatre raisons à son geste dont la première concerne l’attitude de Robert Lacoste en Algérie à l’égard des initiatives de l’armée sur le terrain et notamment le fait que les ministres, en particulier les socialistes, couvraient toujours après coup des décisions contestables13. Rencontrant Robert Lacoste avec Guy Mollet, cité Malesherbes au lendemain de l’opération, il lui aurait dit : « Tu devrais démissionner en adjurant solennellement le gouvernement de ne plus se laisser court-circuiter par les militaires. Ce fut le silence. » Et on le sait, ce fut le maintien de Lacoste à son poste et de socialistes dans le gouvernement. La succession des affaires : Ben Bella en 1956, Sakhiet, le 13 mai, et la Corse amène l’ancien ministre qui, rappelons-le, n’a pas démissionné du gouvernement comme son camarade Alain Savary au moment de l’arraisonnement de l’avion de Ben Bella, à s’interroger sur les « grands ministres ». Les postes les plus importants « n’étaient-ils donc occupés que par des incapables ou par des complices ? » Les historiens ont répondu par la responsabilité de Guy Mollet, Robert Lacoste et Max Lejeune qui ont toujours couvert leurs subordonnés et le pouvoir militaire même lorsqu’ils n’étaient pas d’accord14. Le Breton ne veut plus avaler la version officielle du « Nous ne savions pas ! » Mais a-t-il lui-même réellement cru à la version officielle de l’arrestation de Ben Bella en 1956 alors qu’il était ministre des Anciens combattants et un des proches de Guy Mollet ? On peut en douter. Il doit aussi reconnaître que depuis 1956 « il n’y a eu – à de rares exceptions près – que des hommes de “gauche” aux ministères de la guerre et de l’Intérieur ». Résultat : l’Armée trahissait et la police n’était pas sûre ! Et le corps préfectoral ?… Tanguy Prigent ouvre-t-il brutalement les yeux sur la réalité de la guerre d’Algérie ou Sakhiet est-il l’aboutissement d’un long cheminement, la goutte d’eau qui fait déborder le vase ?
7Toujours est-il que depuis quelques semaines des membres du comité directeur et de la majorité de la SFIO ne croient plus à la ligne de leur parti et pensent qu’il faut trouver une autre solution que la guerre. Albert Gazier et Tanguy Prigent sont de ceux-là15. Lors de la réunion du comité fédéral du Finistère du 27 février 1958, Tanguy Prigent a proposé de convoquer un congrès national extraordinaire pour « réexaminer la position du parti face au problème du moment », c’est-à-dire l’Algérie. Au conseil national du 15 et 16 mars, le Finistérien reprend cette demande des minoritaires mais en l’assortissant d’une approbation de la politique suivie depuis 1956. Il se veut toujours dans la majorité. Guy Mollet rejette un congrès mais accepte d’avancer en juin une conférence d’information. Sakhiet accélère l’évolution de celui qui pressent qu’une crise politique majeure s’annonce16. Les événements du 13 mai, la gestion de la crise par Guy Mollet et son ralliement au général de Gaulle vont en quelques jours accélérer la prise de conscience du député de Morlaix, plus d’ailleurs sur la question du régime et de l’attitude des dirigeants de son parti face au général de Gaulle, que sur la question algérienne.
La défense de la République
Contre le coup du 13 mai et le retour au pouvoir du général de Gaulle
8Lors de la longue crise ministérielle d’avril et mai 1958, après l’échec de Georges Bidault, René Pleven (UDSR) a été chargé par le président Coty de former le gouvernement le 26 avril17. La tentative de l’ancien président du Conseil est torpillée lorsque le 2 mai, la SFIO refuse sa participation, tout en acceptant de soutenir ce gouvernement. En effet, le conseil national de la SFIO a refusé cette participation au lendemain d’une réunion de l’Internationale socialiste à Vienne qui a préconisé « une négociation sans préalable sur l’Algérie18 ». Pour de nombreux socialistes, Robert Lacoste qui croit être en train de gagner la guerre contre le FLN, est devenu de plus en plus encombrant, tant il incarne la politique de force et celle des partisans de l’Algérie française. Le meilleur moyen de s’en débarrasser, en douceur, est de quitter le gouvernement. Pour ne pas risquer d’être désavoué par ses camarades et pour éviter une cassure dans le parti, Guy Mollet est prêt à « lâcher » Lacoste. Le 4 mai, une conférence nationale d’information de la SFIO amorce un changement de politique sur l’Algérie, selon Robert Verdier, l’un des leaders de l’opposition à Guy Mollet et à sa politique algérienne19. De même, quelques jours plus tard, il n’est pas question pour les socialistes de participer au gouvernement de Pierre Pflimlin. Tanguy Prigent est certainement d’accord avec cette position. Le 13 mai 1958, l’émeute algéroise va changer la donne et replacer le général de Gaulle au centre du jeu politique. Les archives du député de Morlaix, celles de Guy Mollet et la presse socialiste permettent de suivre le cheminement de celui qui va rompre avec la majorité du parti.
9L’appel au MRP Pierre Pflimlin pour former le gouvernement met le feu aux poudres parmi les militaires et les ultras d’Alger. L’armée est troublée, les activistes notamment gaullistes s’agitent. L’Alsacien, alors ministre des Finances, est connu pour ses positions « libérales » sur l’Algérie, c’est-à- dire qu’il est prêt à dialoguer avec le FLN. Alors que se déroule à Paris le débat d’investiture du gouvernement, les Algérois prennent d’assaut le Gouvernement général. L’émeute gronde. Le coup de force réussit et un Comité de Salut public, formé d’officiers et présidé par le général Massu, exige la constitution à Paris d’un gouvernement de Salut public. Informés des événements algérois dans la soirée, les députés reprennent les débats. Trois possibilités sont proposées : première solution, former un gouvernement d’union nationale de Guy Mollet à Antoine Pinay. Le leader de la SFIO est disposé à l’accepter. Seconde solution : constituer un gouvernement de défense républicaine axé à gauche avec le PCF et s’appuyant sur les syndicats et la mobilisation populaire. À part les communistes, personne n’en veut. Troisième possibilité : revenir à la formule initiale, un gouvernement Pflimlin avec le soutien mais sans participation socialiste. Le groupe parlementaire socialiste, qui joue un rôle de pivot indispensable à toute majorité gouvernementale, appuie cette solution en désavouant son secrétaire général. Le gouvernement Pflimlin est investi vers deux heures du matin avec 274 voix seulement, grâce à l’abstention communiste (137 voix) et 129 contre, venant presque toutes de la droite. 87 députés socialistes sur 95 (sept n’ont pas pris part au vote) ont investi le gouvernement. Pierre Pflimlin s’empresse de déléguer tous les pouvoirs civils et militaires au général Salan, qui n’a cessé de réclamer des instructions de Paris, pour tenter de conserver le contrôle de la situation à Alger. Le 15 mai, Guy Mollet entre dans le gouvernement comme vice-président du Conseil avec Albert Gazier (Information), suivi le 17 de Jules Moch (Intérieur)20. Les socialistes assument à nouveau des responsabilités gouvernementales. Le secrétaire général ne peut être au four et au moulin. L’absence de direction du parti pendant cette période de crise grave sera la seconde raison avancée par Tanguy Prigent pour expliquer sa démission du comité directeur le 15 juillet 195821. Ce sera un argument développé par les minoritaires en juin et en juillet 1958 dont Édouard Depreux22.
10Tanguy Prigent a voté l’investiture du gouvernement Pflimlin sans état d’âme. « Je n’ai pas de sympathie particulière pour le MRP, ni pour M. Pflimlin. Mais à partir du mardi 13 mai, il ne s’agissait plus d’une étiquette. Il s’agissait du respect des institutions, de la légalité républicaine, de savoir si oui ou non, nous allons céder à la pression, aux ultimatums des factieux, quel que soit le sérieux des mobiles qui avait pu inspirer quelques-uns. Nous avons eu à choisir pour ou contre la République23. » C’est ce qu’écrivait Tanguy Prigent dans un article publié dans Le Monde du 19 mai, « Au milieu de l’épreuve », ainsi que dans Le Populaire avant la conférence de presse du général de Gaulle à Paris. Il s’y fait le défenseur de la Quatrième République, de la démocratie et des partis tout en reconnaissant les faiblesses du régime. Pour le député de Morlaix, le choix est donc clair et il rappelle Munich, 1939, le 10 juillet 1940, la Résistance, la guerre de Corée, les journées de février 1956 et l’opération de Suez, autant de crises qui ont nécessité des choix décisifs. Pour défendre la République menacée, il appelle tous les républicains et « tous les travailleurs au coude à coude » à se mobiliser24. « J’affirme ma conviction que la défense de la République exige en ce moment l’action cohérente et résolue de toutes les masses travailleuses de la Nation. » Il est dans la ligne de l’appel solennel du 15 mai précédent, du comité directeur et du groupe parlementaire de la SFIO. Ce communiqué annonçait la participation socialiste au gouvernement, s’étonnait que le général de Gaulle n’ait pas condamné l’insurrection civile et militaire à Alger et avançait une stratégie de mobilisation populaire : « C’est de l’union et de l’action des démocrates que doit surgir une volonté ardente de défendre les libertés25. » Tanguy Prigent s’était d’ailleurs battu lors de la réunion du groupe pour « que l’on fasse intervenir la classe ouvrière26 ».
11En effet, ce 15 mai, dans une déclaration très courte diffusée par l’AFP, le général de Gaulle s’est rappelé au bon souvenir des Français en affirmant : « Je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République. » De Gaulle se garde bien de condamner les factieux d’Alger et il affirme une légitimité qui affaiblit le gouvernement et relance de fait la crise à Alger. Les socialistes ne peuvent accepter une telle intervention. Le groupe socialiste a réagi par le communiqué évoqué. Le 16 mai Guy Mollet pose trois questions au général de Gaulle qui y répondra habilement dans sa conférence de presse du 19 mai27.
12Dans la nuit précédant l’interpellation de Guy Mollet, Tanguy Prigent a écrit une lettre au général de Gaulle – « une lettre qui ne partira probablement pas » – dont il révèle la teneur dans son article du Monde. Semblant craindre la suppression des partis politiques en cas de retour au pouvoir du général de Gaulle, il en défend la nécessité. La conclusion de sa lettre qu’il cite en fait un adversaire irréductible de l’homme de Colombey : « J’ai pour vous mon général, une haute estime, de l’admiration et aussi une affection sincère. Mais les circonstances et les conditions étant ce qu’elles sont, mon exigence consciente de républicain me commande impérieusement de monter sur la barricade pour contribuer à vous barrer la route du pouvoir. » Sa culture républicaine, forgée à l’école primaire de Saint-Jean-du-Doigt et par ses lectures, lui remet sans doute en mémoire la gravure du député Victor Baudin, tué sur une barricade du faubourg Saint-Antoine à Paris, le 3 décembre 1851, en s’opposant au coup d’État du prince Président Louis- Napoléon Bonaparte. Tanguy Prigent n’eut pas à en arriver là. Mais s’il avait combattu le général de Gaulle à l’époque du RPF, cette fois la rupture était consommée avec l’homme du 18 Juin qu’il admirait réellement. Elle allait provoquer une rupture plus douloureuse encore avec Guy Mollet.
Vers la rupture avec Guy Mollet
13Engagé dans la défense de la Quatrième République, Tanguy Prigent ne va ni comprendre, ni accepter le ralliement de Guy Mollet au processus de retour au pouvoir du Général au moment où les parachutistes débarquent en Corse le 24 mai et en prennent le contrôle. Guy Mollet qui est en contact par Olivier Guichard avec le général de Gaulle renonce provisoirement à le rencontrer. Mais pour lui deux dangers menacent la démocratie, un putsch militaire ou un Front populaire à direction communiste conduisant à une démocratie populaire, les communistes pouvant utiliser le désordre provoqué par un putsch pour tenter de prendre le pouvoir. Le 25 mai, le vice-président du Conseil, dans une lettre au général de Gaulle, et malgré quelques réserves, est en train de se rapprocher de l’ermite de Colombey. De Gaulle va accélérer le processus de retour au pouvoir les 26 et 27 mai, à l’issue d’une rencontre secrète avec Pierre Pflimlin à Saint-Cloud. Guy Mollet pense en fait qu’il convient de lutter contre un coup d’État, de type franquiste, « alors même qu’il est impossible de se lancer dans une nouvelle guerre d’Espagne sans armée républicaine ». C’est aussi cet argument choc qu’il développera à la Conférence nationale d’information de la SFIO du 6 juillet 1958 pour justifier son ralliement au général de Gaulle. Tanguy Prigent réfute cette « déclaration offensante » et en fera la quatrième raison de sa démission du comité directeur le 15 juillet. Il ironise sur ces dirigeants des travailleurs qui dans ce cas « devraient se cacher pour toujours au lieu de devenir ministres de quelque vague chose ou ministres d’État ». Mais il dénonce aussi « les fautes et les crimes des chefs staliniens » qui « ont usé la combativité d’une partie de la classe ouvrière ».
14Tanguy Prigent conteste la manière dont la crise est gérée par la direction de la SFIO – des réunions à 120 (députés, sénateurs et membres du comité directeur) dans un petit bureau de l’Assemblée nationale – et surtout le manque de transparence et d’informations sur les tractations en cours28. Lors de ces réunions : « Des silences ou des informations incomplètes étaient leur seule pâture. » La proposition du député de Morlaix de créer une commission tripartite avec une représentation à égalité des membres des trois instances pour une plus grande efficacité des décisions n’a reçu aucune réponse.
15Après l’affaire Corse, la situation change très vite. Les CRS envoyés sur l’île par le ministre de l’Intérieur socialiste Jules Moch se sont laissés désarmer par les rebelles. Alors que Guy Mollet est sur le point de se rallier au général de Gaulle, le 26 mai, le groupe parlementaire socialiste penche pour entrer en résistance avec des hommes comme Alain Savary et même Gaston Defferre, alors que Paul Ramadier propose une solution d’attente. Le 27 mai, pour forcer la main aux indécis, l’homme de Colombey publie un communiqué dans lequel il déclare : « J’ai engagé hier le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain. » Dans une lettre, Vincent Auriol l’exhorte à rompre avec « les séditieux ». Dans la nuit, sous la pression de l’opération Résurrection, un débarquement des parachutistes sur Paris et en métropole, l’Assemblée nationale vote une révision constitutionnelle par 408 voix contre 165 grâce aux voix communistes que Pierrre Pflimlin refuse. Dans la nuit, il porte sa démission au Président Coty qui la refuse.
La « défense de la République » : les manifestations du 28 mai
16À la fin mai, Guy Mollet voit dans de Gaulle un rempart de plus en plus indispensable contre le « gouvernement des colonels ». Le vice-président du Conseil est alors totalement en porte-à-faux avec ses camarades socialistes en état de choc après le communiqué du général de Gaulle. Le 27 mai, son analyse de la situation, qui se veut « réaliste », a été accueillie au groupe socialiste par un auditoire presque hostile. Le Comité républicain pour la Défense de la République, dirigé par Pierre Commin et Maurice Deixonne, est favorable à la résistance. Par 117 voix contre 3 et une abstention, les socialistes adoptent un texte affirmant « qu’ils ne se rallieront en aucun cas à la candidature du général de Gaulle qui dans la forme où elle est posée et par les considérants qui l’accompagnent est et restera en toute hypothèse un défi à la légalité républicaine ». Cette position bloque apparemment toute possibilité légale d’investiture du général de Gaulle à la tête du gouvernement car la position socialiste est déterminante compte tenu du poids du PCF. Mais il y a là une unité de façade car certains députés socialistes voient déjà le salut en de Gaulle. Tanguy Prigent est certainement l’un de ceux qui sont le plus fermement convaincus de la justesse d’un refus clair. Le 15 mai déjà, lors d’une réunion du groupe, puis le 19 mai dans son article au Monde, il plaidait pour la mobilisation de « toutes les masses travailleuses de la Nation ». Comme l’écrit Gilles Morin : « Mais c’est Tanguy Prigent qui se positionne comme le chef de file des socialistes hostiles à toute idée de capitulation et pour cela partisans de l’unité ouvrière29. » Depuis le début de la crise du 13 mai, le Breton est dans une logique de défense de la Quatrième République totalement différente de celle de Guy Mollet. Le groupe socialiste prépare activement la grande manifestation populaire prévue le 28 mai 1958.
17À 17 heures ce mercredi, à l’appel des syndicats et des partis de gauche, le cortège de défense de la République qui s’ébranle de Nation vers la République rassemble de 100 000 à 150 000 personnes au moins30. Tanguy Prigent marche en tête du cortège de la manifestation parisienne aux côtés de Pierre Mendès France, François Mitterrand, Édouard Daladier, André Philip et Waldeck Rochet. Le socialiste Albert Gazier est le seul ministre présent. Ces responsables politiques défilent aux côtés des dirigeants du parti communiste et de la CGT, mais aussi avec des membres de la CFTC et des élus du MRP. Mais c’est déjà un baroud d’honneur car le coeur n’y est pas et surtout les manifestants sont divisés sur les solutions. Les communistes voient en de Gaulle un général qui risque d’instaurer un régime fasciste quand beaucoup, dont Tanguy Prigent qui le lui a écrit, refusent son utilisation des factieux pour tenter de revenir au pouvoir et pour renverser la Quatrième République, mais sans mettre en cause ses convictions démocratiques et républicaines. À Brest et dans plusieurs villes du Finistère, socialistes et communistes défilent ensemble pour défendre la République. La grande majorité des socialistes finistériens est au diapason de leur secrétaire fédéral. Dans sa lettre de démission du comité directeur, le 15 juillet, Tanguy Prigent accusera la direction de son parti d’absence « de réflexe et d’action de classe ». Il considère que « l’appareil du Parti, en accord avec certains dirigeants FO, a brisé les reins » à la mobilisation populaire. Après le débarquement de Corse, le groupe parlementaire avait appelé à toutes les formes d’action y compris « une grève générale prolongée » mais le soir même cette décision avait été annulée par la majorité du comité directeur. Tanguy Prigent a donc été un fervent partisan de la mobilisation populaire aux côtés de tous les démocrates, y compris les communistes. Son analyse de la situation diverge alors radicalement de celle de Guy Mollet.
18Le 29 mai, les militaires insurgés durcissent leurs positions : le déclenchement de l’opération Résurrection sur la métropole est imminent mais elle est reportée une troisième fois à l’annonce d’un message du président Coty aux Assemblées. René Coty annonce l’après-midi qu’il a invité le général de Gaulle à venir le rencontrer afin de discuter de la formation d’un gouvernement de salut national. La nuit précédente, Charles de Gaulle a rencontré les présidents des chambres. Avec ses échanges épistolaires avec Vincent Auriol qu’il publie, à midi le Général annonce qu’il « a proposé de former, par la voie légale, un gouvernement » tout en dramatisant la situation : « Je crains que nous allions à l’anarchie et à la guerre civile. » Depuis plusieurs jours, l’ancien président de la République socialiste Auriol s’efforce de jouer un rôle de médiateur en exhortant le Général de ne pas apparaître comme le représentant des insurgés qu’il se refuse toujours à condamner clairement. Il a pris le relais de Guy Mollet qui paraît isolé dans son parti. Le 29 mai après midi, une réunion du groupe parlementaire socialiste se tient dans un climat de forte tension. Tanguy Prigent ne dit pas autre chose que Vincent Auriol quand il propose d’aller voir de Gaulle pour lui expliquer en quoi son attitude est grave31.
19Mais, « le processus régulier » de retour au pouvoir est déjà bien enclenché. Ce même jour à l’Élysée, Charles de Gaulle pose à René Coty les conditions de la transition vers le pouvoir (pleins pouvoirs en Algérie, révision constitutionnelle). Le lendemain 30 mai, il reçoit à Colombey successivement Vincent Auriol, suivi de Guy Mollet, seul puis avec Maurice Deixonne, enfin Paul Ramadier le lendemain à Paris. Celui qui veut obtenir régulièrement l’investiture de l’Assemblée nationale a absolument besoin de convaincre les dirigeants socialistes de lui apporter leur soutien dans le cadre des consultations parlementaires entamées tous azimuts les 30 et 31 mai afin de constituer un gouvernement.
20Guy Mollet est revenu de Colombey convaincu que le général de Gaulle veut rétablir l’ordre républicain, dans les formes légales, et il tente le soir même d’en convaincre les parlementaires socialistes. Presque unanimement hostile à de Gaulle trois jours plus tôt, le groupe socialiste se divise entre ralliés et opposants tandis que Guy Mollet accepte de devenir ministre d’État du général. Pour éviter une scission qui paraît inévitable, Georges Guille fait adopter le principe de la liberté de vote pour l’investiture du président du Conseil Charles de Gaulle le 1er juin 1958. En effet, au groupe parlementaire, les partisans de l’investiture ne l’ont emporté par 77 voix contre 74 que grâce aux sénateurs. La plupart des fédérations sont divisées y compris celle de Guy Mollet32. Tanguy Prigent considère que dans toutes ces tractations, les élus socialistes ont été trompés car ils n’ont jamais été informés des contacts et des discussions en cours, affirmation qu’il faut nuancer car Guy Mollet est venu s’expliquer devant le groupe33.
Non à de Gaulle
21Tanguy Prigent qui s’est positionné depuis le 13 mai comme le chef de file des opposants socialistes prend la tête le 1er juin des députés de son parti hostiles à l’investiture du général de Gaulle. Le postulant a bien accepté de se plier au rituel républicain : il a lu sa déclaration mais s’est éclipsé avant le débat. De nombreux partis divisés alignent deux orateurs : la majorité de l’UDSR, derrière René Pleven, est pour l’investiture mais François Mitterrand s’y oppose ; même cas de figure chez les radicaux où Pierre Mendès France est contre. Jacques Duclos pour les communistes est très hostile mais le MRP est très largement favorable. Chez les socialistes, 49 députés se sont prononcés contre, 42 seulement pour, trois se sont abstenus34. Hervé Mao et le sénateur Jean-Louis Rolland ont suivi Tanguy Prigent dans son opposition lors des trois journées décisives du 1er au 3 juin (investiture, vote des pouvoirs spéciaux sur l’Algérie, loi constitutionnelle).
22Très ému, l’ancien ministre de l’Agriculture du général de Gaulle est monté à la tribune pour exposer les convictions des socialistes hostiles. D’abord il réaffirme l’estime, l’affection et le respect que ses amis et lui portent à l’homme du 18-Juin et se déclare favorable à une réforme des institutions, « mais pas sous la menace, pas dans l’agitation ». Le Général n’ayant pas condamné les factieux, approuver son retour au pouvoir dans de telles conditions n’est pas possible pour des républicains. Il rejette donc la posture de « l’homme providentiel, de l’homme miracle35 ». Le pouvoir personnel n’est pas la solution. Mais Tanguy Prigent ne propose aucune alternative. Il défend des positions , Maurice Deixonne a défendu la position des socialistes favorables au vote positif. Au soir du 1er juin, Charles de Gaulle est néanmoins investi par 329 voix contre 224 et sa majorité va s’élargir dans les scrutins suivants36. Ce jour-là Tanguy Prigent est devenu un opposant irréductible au général de Gaulle alors que Guy Mollet devenait ministre d’État et allait jouer un rôle important dans l’élaboration de la constitution de la Cinquième République.
23Le général de Gaulle ne semble pas avoir tenu rigueur à son ancien ministre de son opposition, certes très respectueuse du 1er juin, car il l’invite à venir le voir à l’hôtel Matignon. « Le 23 juin 1958, à la tapageuse campagne que je fais contre lui à la tribune de l’Assemblée nationale et dans la presse, le général répond sobrement par une lettre37. » Plus de dix après, le Breton tend à durcir son opposition38. En voici la teneur : « Mon cher Tanguy Prigent, sachez que si vous veniez me voir, vous me feriez plaisir, à titre amical et en considération de nos rapports des grandes années. » Le Général cherche-t-il à nouveau à séduire son ancien ministre et à obtenir son ralliement comme il l’a fait avec Gaston Defferre ? Peine perdue en tout cas. Selon sa version, le Breton alla le voir et tenta de le convaincre du danger présenté par les généraux factieux ; sans grand succès.
24Or, la question de la date de cette rencontre se pose. Eut-elle lieu en 1958 ? Dans Le Socialiste du 3 septembre 1960, à la veille d’un voyage du général de Gaulle dans le Finistère, l’ancien député évoque un tête-à-tête de 45 minutes à l’Élysée, le 5 décembre dernier, c’est-à-dire en 1959. Selon son récit, il aurait évoqué l’appel du 18 juin, acte fondateur de la lutte contre le pétainisme et de l’action résistante. Il assimilerait donc son combat politique à celui des résistants sans nous donner les réactions du chef de l’État face à ce parallèle pour le moins hasardeux et qui ne correspond pas à l’esprit et au discours du 1er juin 1958. La cassure avec le général de Gaulle est désormais définitive. Elle va l’être aussi au cours de l’été avec Guy Mollet et avec la direction de la SFIO.
Non à Mollet
25Plus grave sans doute est ce qui se passe pendant les journées de mai et pendant l’été 1958. Après le 1er juin, le comité directeur est divisé : 18 membres se sont bien ralliés à de Gaulle mais 23 s’y opposent39. Guy Mollet est alors minoritaire dans l’appareil du parti. Comment situer Tanguy Prigent ? Il existe en fait plusieurs types d’opposition : un premier pôle minoritaire constitué depuis 1956, le pôle de Gaston Defferre appuyé sur sa fédération des Bouches-du-Rhône et un troisième pôle formé de tous ceux qui se sont viscéralement opposés au retour du Général en mai et auquel appartient le député du Finistère40. Ce sont des opposants récents, disciplinés et attachés au parti. Ces opposants sont donc divisés et n’ont pas de stratégie de prise du pouvoir dans le parti.
26La fédération SFIO du Finistère passe sans coup férir à l’opposition. Après le 13 mai, et malgré une circulaire de Pierre Commin, des militants socialistes ont participé avec des communistes à des comités de vigilance et de défense républicaine41. Certains ont adressé des lettres de félicitations aux parlementaires finistériens, socialistes et communistes, qui ont refusé d’investir de Gaulle42. Lors du congrès fédéral d’information de Carhaix le 15 juin 1958, la motion adoptée approuve la position de ses parlementaires et « félicite M. Tanguy Prigent pour son intervention en cette circonstance à la tribune de la chambre43 ». Mais la motion de synthèse n’est pas votée à l’unanimité. Si les 130 délégués socialistes finistériens s’accordent sur le vote de leurs élus, ils n’en blâment pas pour autant Guy Mollet. Une telle position de compromis n’est pas tenable longtemps car on a envisagé une fédération de gauche avec le PCF pour défendre la République du péril fasciste. Une minorité, conduite par le vieil Hippolyte Masson, fidèle à Guy Mollet, va s’opposer au revirement politique brutal de leur secrétaire fédéral qui a le soutien des principaux responsables (15 sur 17). Lors du comité fédéral du 24 juin, des responsables fédéraux critiquent sévèrement Guy Mollet, certains envisageant même son remplacement par son adjoint Pierre Commin44. D’ailleurs, après son entrée au gouvernement, Guy Mollet a proposé sa démission du secrétariat général lors de la réunion du comité directeur du 4 juin. Mais les opposants à la ligne Mollet, dont les 15 membres qui ont voté contre l’investiture de De Gaulle, l’ont refusée45. Pourtant des opposants anticolonialistes comme Édouard Depreux critiquent la confusion gouvernement-parti.
27Les explications et l’analyse des événements par Guy Mollet lors de la conférence nationale d’information du 6 juillet n’arrangent pas les choses, au contraire. Elles conduisent, le 15 juillet, le député de Morlaix à démissionner avec fracas du comité directeur auquel il appartient depuis 194546. La presse nationale s’en fera largement l’écho47. Dans une lettre au secrétariat et à Guy Mollet, rendue publique, il dit encore espérer « que le congrès de septembre réaxera et “remusclera”, sur des bases saines, une SFIO qui aura mis sa montre à l’heure exacte, sera à l’abri de nouvelles défaillances et redeviendra un pôle d’attraction pour les jeunes travailleurs48 ». D’internes, les divergences éclatent désormais au grand jour d’autant plus que Tanguy Prigent s’est dit partisan d’une confédération des forces de gauches, donc avec le PCF, tout en étant hostile à un parti unique de la gauche49. Mais au-delà de la rupture politique, il y a une rupture personnelle douloureuse, la fin d’une amitié avec Guy Mollet. Dans le post-scriptum de sa lettre de démission du comité directeur, il écrit : « Ce dont il s’agit surtout dans cette lettre, c’est de la République, du Socialisme… et de l’Amitié, chose dont j’avais presque le culte, au point de négliger de contredire vivement des affirmations qui se révèlent exactes par la suite. Le rude choc que je viens de subir m’aura guéri de certaines faiblesses. » Le courrier échangé entre les deux hommes pendant l’été traduit l’intensité et la complexité de leurs relations.
28Le 28 juillet, Guy Mollet répond personnellement aux mises en cause – « Dans cette lettre comme dans l’autre, tu te veux blessant et tu y réussis » – et se dit lui aussi très peiné de la perte de cette amitié, sachant que sa position est beaucoup moins populaire que celle de Tanguy Prigent50. Guy Mollet analyse les réactions de Tanguy Prigent comme le résultat de mensonges sur son compte et espère encore recoller les morceaux : « il me faut m’accrocher au souvenir d’une solide confiance ». Il lui propose une rencontre à Paris. Tanguy Prigent accepte cette invitation dans une carte postale du 10 août 1958, envoyée de l’hôtel du Blavet à Gouarec, où il se repose. Il conclut son bref texte par : « Tu es injuste et volontairement méchant » et rajoute : « Je ne subis ni barrage, ni pressions, ni détournement de courrier. » Le 27 août, Guy Mollet confirme son accord pour une rencontre après le congrès fédéral du Finistère en disant au Breton : « Tu ne pourras plus craindre que mon souci soit de t’influencer et de chercher à reconquérir la voix de ce “chien fidèle” que tu n’as jamais été, que tu n’aurais jamais accepté d’être. Le seul objet de notre rencontre est de savoir si tu me conserveras – après m’avoir entendu – estime, à défaut d’un peu d’amitié. » Et il reprend le thème de l’injustice blessante volontairement51. Les interventions publiques du député de Morlaix créent « une atmosphère difficile » mais Guy Mollet espère encore conserver des relations correctes : « Je te sens sincère même dans ton injustice, je te conserve une amitié que tu gardes la responsabilité de rompre. » Il prépare certes le congrès national de septembre. Au-delà des désaccords politiques dont la question centrale n’est pas la guerre d’Algérie mais l’attitude face au général de Gaulle, la rupture affective et sentimentale entre les deux hommes se fait bien durant l’été 1958 et le fossé ne va cesser de s’approfondir jusqu’à la mort de Tanguy Prigent.
29La dimension dramatique de ses journées de tension vécues intensément par Tanguy Prigent a des retombées sur ses sentiments et ses jugements à l’égard de Guy Mollet qu’il traite par le mépris dans les écrits de la fin de sa vie. Guy Mollet devient le « traître » de la cause socialiste. En 1958-1959 se termine dans la déception et la douleur une histoire « d’amour » qui dure depuis 1946. Tanguy Prigent parle lui-même du « coup de foudre » de cette rencontre52. Quelque temps avant sa mort, il s’interroge sur cette « aberration » qui l’a fait suivre la politique de Guy Mollet pendant douze ans sans se poser de questions. Il ne voit qu’une explication au fait que « cet homme, qui n’est pas la séduction même, [lui] ait fait littéralement perdre la tête ». Après la mort de Guy Le Normand, Guy Mollet, professeur comme lui, aurait joué le rôle de père de substitution. « Les raisons les plus courtes sont parfois les meilleures. » Cette explication psychanalytique est sans doute un peu courte mais elle n’est pas à écarter a priori car il y avait bien des relations amicales voire filiales entre les deux hommes. Le jugement de Tanguy Prigent est bien sévère : « À partir de 1946, j’ai été le mouton d’un Parnurge prénommé Guy. Pour l’avoir été pendant douze ans, il a vraiment fallu que je le suive les yeux fermés. » La rupture de l’été 1958 va laisser des traces durables sur la sensibilité et la santé du Breton, mais il n’en a pas encore pris toute la mesure au moment où il vit ces événements tant le combat politique absorbe toute son énergie.
Le refus de la scission du PSA
30Malgré le choc, la fédération SFIO du Finistère a suivi Tanguy Prigent dans son hostilité à la participation gouvernementale d’autant plus qu’il a appelé les socialistes du Finistère à rester unis en dépit des divergences53. Certains militants qui trouvaient leur secrétaire fédéral trop orthodoxe ou trop molletiste se réjouissent de son évolution. Mais Hippolyte Masson, le vieux fondateur du parti qui était délégué au congrès d’unification de 1905, ne peut l’accepter. Il prend la tête de la minorité qui défend la ligne de Guy Mollet et s’insurge contre l’attitude de Tanguy Prigent qui a par exemple publié sa lettre de démission dans Le Breton Socialiste du 23 août, en passant par-dessus sa tête de directeur politique du journal54. La tension entre les deux hommes est forte au point qu’Hippolyte Masson écrira à Georges Brutelle le 23 septembre 1958 : « Notre secrétaire est totalement désaxé. » En fait, Masson est le relais de la direction nationale molletiste dans la fédération55.
31En août, Tanguy Prigent s’est engagé dans la campagne pour le non au référendum alors que ni le congrès fédéral, ni le congrès national n’ont encore pris de décision. Le congrès fédéral du 31 août se déroule dans un climat tendu. Le non au référendum du 28 septembre, défendu par Tanguy Prigent, Hervé Mao et Robert Gravot l’emporte par 181 voix ; les partisans du oui obtiennent 57 suffrages, plus 12 abstentions56. C’est sur cette position que le député de Morlaix participe au 50e congrès national de la SFIO à Issyles-Moulineaux du 11 au 14 septembre 1958. Opposé à Guy Mollet, il n’est nullement prêt comme il l’a déclaré à un journaliste pendant l’été à participer à une quelconque scission : « Je ne suis pas décidé à sacrifier la SFIO, bien au contraire. Par contre, je souhaite que le congrès de septembre fasse que notre parti ne comprenne plus que de véritables socialistes57. » Les minoritaires (motion Depreux) sont encore peu influents dans la fédération du Finistère (30 mandats)58. Cet espoir est déçu au congrès car les partisans du oui l’emportent par 2786 mandats contre 1176 et 62 abstentions. Le rapport moral de Guy Mollet avait été adopté le premier jour par une plus forte majorité encore. Avec près de 90 %, la direction a été plébiscitée. Choqués d’un tel résultat, les minoritaires ont renoncé à s’exprimer sauf Depreux, Mazier et Badiou59. Et la motion sur l’Algérie qui gauchit la position du parti, en rejetant pour la première fois explicitement l’intégration, a été votée par 83,7 % des suffrages après de longues tractations entre les deux grosses fédérations du Pas-de-Calais et des Bouches-du-Rhône60. Après les turbulences de l’été, Guy Mollet a bien repris en main le parti. Le non n’obtient que 30 % des mandats et ne l’a emporté que dans 25 départements dont le Finistère61. Gaston Defferre qui avait rencontré Édouard Depreux et Pierre Mendès France en août et était alors partisan du non, s’est rallié au oui à la suite d’une entrevue avec le général de Gaulle. Le principal atout des minoritaires, eux-mêmes divisés, tombe. Jules Moch a fait de même. De nombreux partisans du non comme Roger Quilliot ou Albert Gazier, quoique sévèrement battus, n’envisagent nullement de quitter le Parti. Tanguy Prigent est de ceux-là, lui qui défend une motion réclamant la « condamnation de ce qui a été fait depuis le 13 mai » et qualifiant le projet de Constitution de « présidentielle autoritaire ». « Je dis non au coup de force, non au chantage, non à la caution que le parti va apporter à l’homme miracle, non à la Constitution qui va faire disparaître la République et la liberté62. » Sa position est ferme car, en démissionnant du comité directeur, il a déclaré ne vouloir « aucun rapprochement avec ceux qui ont aidé à démolir le précédent système et sont déjà dans le nouveau63 ».
32Tanguy Prigent participe bien aux réunions des minoritaires, mais il se refuse à les suivre, préférant encore « le débat et la lutte sur des motions au sein du parti ». Il rappelle à ses camarades que dans l’histoire du parti socialiste, les scissions ont toujours échoué. C’est que Tanguy Prigent, formé dans le moule socialiste dès son adolescence, conserve le sens de la discipline et le « patriotisme » de parti. Il a néanmoins signé avec 38 autres délégués, représentant 21 fédérations, le texte rédigé par Édouard Depreux et quelques minoritaires « traditionnels » (depuis 1956) le 11 septembre (ou le 12) et lu à la tribune le 12. Cette « déclaration » affirme que les 39 feront campagne pour le non mais tous ne sont pas prêts à faire scission et à rejoindre le PSA64. Tanguy Prigent est de ceux-là. Dans sa réponse, Guy Mollet s’efforce de diviser les opposants au nom de la fraternité socialiste et de l’esprit de parti65. Il est même prêt à faire une concession de taille : accepter que des socialistes fassent campagne pour le non. Connaissant les sentiments du député de Morlaix, il tente d’exploiter son désarroi en lui lançant de la tribune : « Ton parti a toujours besoin de toi, comme tu as besoin de lui. » Déchiré mais refusant la scission, Tanguy Prigent très applaudi lui répond du tac au tac : « Parmi les signataires de la déclaration, nous sommes nombreux à avoir décidé de rester dans le parti66. » Guy Mollet est assuré de reprendre la SFIO en main et de renforcer son influence au sein du comité directeur67. Même s’il était présent au moment où se décide la scission, Tanguy Prigent ne participe pas à la réunion de fondation du PSA qui intervient dès lors qu’Édouard Depreux, poussé par le Briochin Antoine Mazier, franchit le pas. Il les rejoindra un an plus tard après avoir mené le combat au sein de la SFIO.
33En effet, la fédération du Finistère est divisée sur le référendum. Lors du comité fédéral du 20 septembre 1958, afin de préserver l’unité du parti, une motion accordant « exceptionnellement » la liberté de vote est adoptée68. Les partisans du oui se réunissent à part et font campagne pour le oui, contrairement à la décision majoritaire du 31 août. C’est le cas à Landerneau, à Quimper et à Concarneau69. Des communiqués de presse portent sur la place publique les divisions des socialistes ; les menaces d’exclusion réciproque des « indisciplinés » volent bas dans les sections finistériennes. Sans surprise, 79,2 % des Français acceptent la Constitution de la Cinquième République, près de 83 % des Finistériens et 84,6 % des Bretons. Maigre consolation pour Tanguy Prigent, le non dépasse nettement les 20 % dans la région de Morlaix70.
34La préparation des élections législatives de novembre 1958 se fait au sein d’une fédération socialiste en crise. Réunis au Faou le 4 octobre, les partisans du oui tentent de prendre la direction de la fédération en dénonçant l’indiscipline de ceux qui ont fait, avec les communistes, campagne pour le non71. Il s’agit de la fraction la plus anticommuniste de la SFIO72. Pour tenter de régler le conflit, le 13 octobre, la direction nationale envoie un médiateur, Routier-Preuvost, de Loire-Atlantique. Lors du comité fédéral du 19 octobre, ils veulent faire désigner des candidats favorables à la majorité molletiste du parti sans y parvenir73. Tanguy Prigent pense encore pouvoir préserver l’unité : « Tout en évitant la scission, la fédération du Finistère n’a pas échappé au trouble général et souffre actuellement d’un malaise évident74. » Pourtant, le 16 novembre 1958, une première scission se produit : des socialistes brestois se réunissent au local de l’Union de la Gauche Socialiste (UGS) pour fonder une fédération du PS autonome, le PSA, deux mois après sa naissance nationale. Il est créé par deux enseignants du lycée de Brest, André Roulleau et Paul Trémintin, le secrétaire fédéral des jeunesses socialistes75. La tension a été très forte dans la section brestoise et Robert Gravot n’est pas parvenu à les retenir76. En désaccord depuis longtemps sur la politique algérienne de la SFIO, ces minoritaires n’ont pas voulu attendre les résultats des élections législatives pour quitter le parti.
35Même s’ils ne sont pas nombreux, ces partants fragilisent un peu plus la SFIO finistérienne car de nombreux militants sont en proie au doute en cette fin d’année 1958. En décembre, Robert Gravot dans une lettre à E. Cazelles exprime ses sentiments : « En 56, 57, je n’ai cessé de défendre sa politique [de Guy Mollet] contre tous nos minoritaires, dont certains, aujourd’hui, nous abandonnent pour le PSA. Je continue à dire “nous”, tous ensemble. Je t’assure que ce n’est pas commode tous les jours. J’ai peur d’une réaction violente de Tanguy Prigent. S’il s’en va, il n’y aura plus de fédération du Finistère, mais des groupements locaux qui ne tiendront pas longtemps77. » Le responsable brestois anticipe d’un an, à l’issue d’une bataille électorale perdue.
Un combat difficile aux élections législatives de novembre 1958
36C’est divisés que les socialistes se présentent dans les huit nouvelles circonscriptions du Finistère aux élections législatives des 23 et 30 novembre 1958. Les candidatures sont nombreuses et le mode de scrutin radicalement modifié. En effet, Tanguy Prigent retrouve le scrutin d’arrondissement majoritaire à deux tours qu’il avait connu en 1936. La 4e circonscription du Finistère, celle de Morlaix 1, est composée de six cantons. Le découpage peut sembler, à première vue, pas trop défavorable à la gauche puisqu’elle inclut le Petit Trégor (cantons de Lanmeur et Plouigneau) et un morceau de la Montagne de Haute Cornouaille (canton du Huelgoat) qui votent majoritairement socialiste ou communiste. Mais outre le risque de division de ces deux électorats, cet avantage est contrebalancé par Morlaix qui vote majoritairement à droite et surtout par des cantons du Léon oriental (canton de Taulé et de Saint-Pol-de-Léon). Démographiquement, les deux cantons qui comptent les deux principales villes pèsent beaucoup plus lourds : celui de Saint-Pol-de-Léon (acquis au MRP) et celui de Morlaix (25,2 % des inscrits) qui ont un peu plus de la moitié des inscrits. Leur vote sera déterminant et il n’est pas favorable à Tanguy Prigent en 1958.
37Le député socialiste sortant se présente dans cette 4e circonscription avec le Dr Ary Fichez de Plougoulm pour suppléant. Il y affronte au 1er tour trois adversaires dont l’agriculteur Alphonse Penven, député communiste sortant (élu en 1956), maire et conseiller général du Huelgoat, ainsi que le Dr Jean Le Duc, indépendant CNI. Le MRP présente François Prigent, minotier et négociant en grains, maire de Plouénan depuis 1945 et conseiller général de Saint-Pol-de-Léon depuis 194978. Mais, le principal adversaire à droite de l’ancien ministre est le Dr Le Duc, 51 ans, ancien résistant (des réseaux d’évasion des aviateurs alliés), député MRP du Finistère à la deuxième Assemblée constituante de juin à novembre 1946 qui a rejoint le RPF gaulliste en 1948. En 1947, à la tête d’une liste MRP-RPF-RGR, il a pris la mairie de Morlaix à Hippolyte Masson, le secrétaire fédéral de la SFIO, puis le siège de conseiller général où il vient d’être réélu dès le 1er tour en avril 1958. Comme de nombreux autres Finistériens de droite qui ont adhéré au RPF, Jean Le Duc rejoint le Centre National des Indépendants (CNI) tout en restant fidèle à la personne du général de Gaulle. En 1958, il est donc considéré comme le défenseur du nouveau régime79.
38Le 23 novembre, à l’issue du premier tour, avec 13 720 voix (29,35 % des suffrages exprimés) Tanguy Prigent ne devance le Dr Le Duc (29,24 %) que de 51 voix seulement. François Prigent en recueille 26,34 % et Auguste Penven, 15,06 %80. La primaire à droite est gagnée par le Dr Le Duc qui affronte au second tour le secrétaire fédéral de la SFIO du Finistère mais surtout l’ancien ministre de la Quatrième République. Pour les électeurs, le duel entre les partisans et les adversaires de la Cinquième République est on ne peut plus clair. Le canton de Lanmeur a placé Tanguy Prigent largement en tête des quatre candidats avec 50,48 %81. 69,2 % des votants de Saint-Jean-du-Doigt ont suivi leur maire dans son opposition au général de Gaulle (25,6 % au Dr Le Duc). Mais le canton de Morlaix a donné 46,6 % des voix au Dr Le Duc et la ville elle-même 49,8 % à son maire, Tanguy Prigent ne recueillant respectivement que 25,3 % et 21,8 %. Il obtient un peu plus dans le canton de Saint-Pol-de-Léon (26,9 % des suffrages) et seulement 16,2 % dans celui du Huelgoat où Auguste Penven fait 52,9 %. Le candidat de la droite est donc en ballottage favorable pour le second tour d’autant plus que des désistements clairs interviennent le 25 novembre : à droite le candidat du MRP se désiste en faveur de l’indépendant tandis qu’à gauche le communiste se désiste pour le socialiste.
Première défaite électorale
39Au niveau national, s’étant affrontés sur le retour au pouvoir du général de Gaulle et sur le référendum, communistes et socialistes sont désunis sauf dans quelques départements où le PCF a décidé de se désister en faveur de candidats socialistes hostiles aux institutions de la Cinquième République. Cette décision concerne le Nord, le Pas-de-Calais et le Finistère82. Ainsi, à Morlaix 1, à Brest-ville et à Châteaulin, les candidats communistes se désistent en faveur des socialistes SFIO. À Morlaix 2, à Brest 2, à Quimper, à Quimperlé et à Douarnenez, les socialistes se retirent laissant les communistes en lice contre les candidats de droite et du centre.
40Pour tenter de conserver son siège de député, Tanguy Prigent mène, selon Ouest-France, « une campagne des plus actives auprès des éléments indécis83 ». Dans sa profession de foi du second tour « Justice-Liberté-Paix », il appelle à établir une paix durable et non forcée en Algérie et dramatise à dessein la situation, rappelant ses convictions : « Élu ou battu, je servirai toute ma vie le socialisme démocratique84. » Dans un texte imprimé, il s’en prend en termes durs à son adversaire : « Le Dr Le Duc, réactionnaire honteux, qui n’ose pas avouer une appartenance politique après avoir trahi 3 partis, refuse la contradiction claire et loyale et se contente d’utiliser les mille petits moyens que tout le monde a si souvent condamnés85. » Le Dr Le Duc fait lui campagne « pour la fidélité au général de Gaulle et à ses idées », « pour une République rénovée, stable et efficace » et « pour une France rajeunie, prospère, sociale et fraternelle ».
41À Morlaix 1, le taux de participation de 80,65 % au 1er tour reste quasiment le même au second (80,55 %). Le 30 novembre, avec 24 037 voix (51,60 %), le Dr Le Duc bat Tanguy Prigent (22 540 voix, 48,40 %). En supposant que toutes les voix communistes du 1er tour (7 043) se soient reportées sur son nom, le maire de Saint-Jean-du-Doigt a attiré quelque 1 800 voix centristes86. Comme de nombreux ténors et anciens ministres de la Quatrième République, de François Mitterrand à Pierre Mendès France et d’Edgar Faure à Pierre-Henri Teitgen à Fougères (Ille-et-Vilaine), Tanguy Prigent est battu pour la première fois de sa carrière politique mais il n’a pas mis son drapeau dans sa poche. La SFIO qui présentait des candidats au 1er tour dans les huit circonscriptions du Finistère et avait obtenu 15,45 % des suffrages exprimés n’a plus aucun député dans ce département, ni en Bretagne d’ailleurs. Des trois candidats du second tour, dans une quadrangulaire dans la circonscription de Brest-ville, Robert Gravot (31,2 % des voix) n’a été devancé que de 31 voix par Georges Lombard (CNI). Dans la 6e, à Châteaulin, le député sortant Hervé Mao n’a recueilli que 37,3 % contre Jean Crouan, lui aussi député sortant CNI, président du Conseil général87. Mais en perdant près de 20 000 voix sur ses résultats de 1956, le PCF est le parti le plus touché par la vague de 1958, le Finistère est à l’image de l’évolution nationale88. La représentation parlementaire du Finistère est profondément renouvelée puisque six députés sortants sur neuf dont trois anciens ministres sont battus : les deux communistes, les deux socialistes et les deux ténors du MRP André Colin à Brest et André Monteil à Quimper. La droite et le centre ont enlevé tous les sièges : le CNI a quatre députés, le MRP deux, l’UNR deux, tous favorables au général de Gaulle89.
Un opposant irréductible au régime gaulliste
42L’ancien député de Morlaix est amer mais il maintient ses analyses dans Le Breton Socialiste du 6 décembre 1958. « La France a aujourd’hui, en plus de la Constitution détestable et périlleuse, votée le 28 septembre, une Assemblée nationale plus réactionnaire que la plus mauvaise qu’elle ait subi jusqu’ici. La Chambre du “Bloc national” de 1919 était certes de droite, mais elle n’était pas fasciste. De plus, elle n’était tout de même pas composée d’élus ne représentant que la minorité du pays. […]. Nous vivons une aventure tragique. De graves échéances nous attendent. Dans quelques mois, quand la déception et la colère remplaceront l’euphorie, les naïfs qui auront cru au miracle crieront plus fort que les autres. Il faudrait, il faut qu’à ce moment-là, un parti socialiste fort, uni, fin prêt, soit en mesure d’aider le peuple (un peuple défié, trompé et humilié depuis le 13 mai) à reconquérir sa souveraineté90. » Reprenant les virulentes critiques du PCF à l’égard du régime, contestant le nouveau mode d’élection législatif et le découpage électoral, Tanguy Prigent qualifie l’Assemblée nationale sortie des urnes de « fasciste », une position qui ne correspond nullement à celle du leader de la SFIO, Guy Mollet qui participe toujours comme ministre d’État au gouvernement du général de Gaulle. En même temps, il n’envisage pas alors de quitter la SFIO dont il réclame le renforcement, car le parti socialiste doit servir de recours face aux dangers qui s’annoncent. Le qualificatif de « fasciste » peut surprendre après le double appel du général de Gaulle au suffrage universel, lors du référendum et lors des élections législatives. Il s’inscrit dans les débats et le vocabulaire politique de ces mois très agités de naissance de la Cinquième République.
43Au soir du 30 novembre 1958, à 49 ans, Tanguy Prigent n’est plus que maire et conseiller général. Et, dans une conférence de presse le 19 décembre à Quimper, dans laquelle il rend compte de son activité de conseiller général, il annonce qu’il ne sera pas candidat aux élections sénatoriales en 1959, contrairement aux deux députés du MRP du Finistère battus, André Colin et André Monteil91. De nombreuses personnalités de la Quatrième République battues en novembre 1958 empruntent ce chemin pour revenir rapidement au Parlement. Pas l’ancien député socialiste qui se trouve privé de revenus suffisants – il n’est pas « chômeur » comme l’écrit sa fille, même si ses revenus d’élus locaux sont sans doute modestes. En outre, au début 1959, il occupe une fonction à l’intercoopération à la SFIO, cité Malesherbes avec bureau et secrétaire, et reste domicilié à Paris92. Il est alors considéré sur le plan professionnel comme expert et conseiller technique à l’Institut national d’action coopérative, un organisme qui a son siège à Paris93. Cette situation nouvelle va obliger ou plutôt permettre à son épouse Denise, devenue paysanne malgré elle en 1934, de trouver un emploi d’enseignante pour faire bouillir la marmite familiale. Selon sa fille Mireille : « Elle en voudra toujours à son “plouc” de mari, même si elle prend heureusement, joyeusement, une courte revanche en 195894. » Elle y ajoute le tableau d’une situation matérielle difficile pour l’ancien ministre et sa famille : « Il n’a bien entendu aucune économie et n’a pas laissé à sa femme l’occasion d’en avoir. Après avoir vendu sa voiture, ses meubles, ses livres, il dépend d’elle, enfin ! Et, elle obtient que la marraine, Mélanie, un peu amnésique mais surtout très crédule, atteste sur l’honneur que la nièce a déjà enseigné ! Spectaculairement rajeunie de trente ans, Denise est donc, jusqu’à la réélection de son mari en 1962, institutrice à Poissy-Beauregard et subvient aux besoins du ménage. » Cette explication pour l’obtention d’un poste d’institutrice en 1962 peut paraître un peu courte. On peut supposer que le ministère de l’Éducation Nationale avait les moyens de vérifier les états de service de ses enseignantes ! Le beau-frère Marcel Hamon, député communiste depuis 1945, a aussi été battu à Lannion au second tour par Pierre Bourdellès, un centriste radical, de la mouvance de René Pleven, réélu lui à Dinan dès le 1er tour95.
44Mais désormais, Tanguy Prigent est minoritaire dans sa circonscription, dans son parti et aussi pourrait-on dire dans sa famille. Il ne baisse pas les bras pour autant comme en témoignent deux articles quelque peu excessifs publiés en janvier 1959 au moment de l’installation de la Cinquième République. Le premier est titré : « Un seul choix : la lutte inconditionnelle » contre le régime, le second : « Le Socialisme ou la mort96. » Pourtant, cet échec électoral est l’occasion de se retourner sur une vie trépidante depuis près de trente ans et il va certainement accélérer de nouvelles ruptures.
Notes de bas de page
1 Marie Férec, L’impact de la guerre d’Algérie sur la vie politique à gauche dans le Finistère (1954-1962), maîtrise d’histoire (M H), Brest, UBO, 1999, chap. 8, p. 181-192.
2 Le Breton Socialiste, Robert Gravot, « Front populaire et défense républicaine », 9 novembre 1957.
3 Données chiffrées de Gilles Morin citées par Marie Férec, op. cit., p. 46. Ensuite la fédération finistérienne ne cesse de perdre des adhérents : 1 000 en 1959, 800 en 1960 après le départ de Tanguy Prigent, environ 500 en 1962.
4 ADF 31 W 426. Note des Renseignements généraux (RG) du 9 décembre 1957. Cette position existe depuis la formation de FO en 1948. À Quimper, début 1958, des socialistes de la CGT EDF s’opposent à la distribution de tracts contre la guerre d’Algérie.
5 Dans les syndicats (FEN, CGT) ou à titre personnel (Balay, le maire de Rosnoen), des socialistes peuvent soutenir des appels à participer à la réunion de Quimper du 23 mars 1958. Une assistante sociale torturée lors de « la bataille d’Alger » y témoigne publiquement.
6 ADF 31 W 422. Note des RG du 6 mai 1958.
7 Les révélations et les aveux du général Aussaresses sur la torture ont relancé cette affaire en 2000 et 2001.
8 Un seul socialiste brestois, Paul Trémintin, responsable du SNES a signé l’appel du comité Audin. Il sera l’un des fondateurs du PSA et secrétaire fédéral du PSU dans le Finistère.
9 Cela concerne six cantons : à Plouigneau, le socialiste Yves Le Lann est réélu mais Hervé Mao et Jean-Louis Rolland sont battus à Châteaulin et à Landerneau. La SFIO passe de 3 à 4 conseillers généraux sur 43.
10 Le Breton Socialiste, « La crise ministérielle », 3 mai 1958. Le PCF « est isolé, d’une part parce que sa démagogie finit par lasser, mais surtout son alignement servile sur Moscou heurte de plus en plus de travailleurs ».
11 René Remond, 1958. Le retour de de Gaulle, Bruxelles, Complexe, 1983.
12 L’Année politique 1958, p. 16-19. Le journal socialiste écrit : « Les impératifs militaires les plus pressants ne sauraient s’imposer absolument sans considération des réalités politiques. À plus forte raison, la politique ne saurait endosser a posteriori toute initiative militaire en vertu du fait accompli. »
13 Le Breton Socialiste, 24 août 1958. Lettre de démission du 15 juillet.
14 Georgette Elgey, Histoire de la IVe République. Malentendus et passions. La République des tourments 1954-1959, tome second, Paris, Fayard, 1997.
15 Gilles Morin, De l’opposition socialiste à la guerre d’Algérie au PSA (1954-1960), thèse citée, p. 366-367.
16 Le Breton Socialiste, « Si la marmite ne saute pas… », 10 mai 1958.
17 Christian Bougeard, René Pleven. Un Français libre en politique, op. cit., p. 306-311.
18 Odile Rudelle, mai 1958. De Gaulle et la République, Paris, Plon, 1988, p. 142-144.
19 De Gaulle en son siècle, 1990, t. 2. La République. François Lafon et Gilles Morin, « Les socialistes français face au général de Gaulle et au gaullisme de 1940 à 1969 », p. 400-409.
20 Le groupe socialiste qui avait voté par 63 voix contre 8 le « soutien » au gouvernement Pflimlin, accepte l’entrée de ministres par 61 voix contre 7. Édouard Depreux réclame un « gouvernement de défense républicaine » basé sur la majorité de 1956. Odile Rudelle, op. cit., p. 178-180.
21 Le Breton Socialiste, « Lettre de démission du 15 juillet », 23 août 1958.
22 François Lafon et Gilles Morin, op. cit., p. 406-407.
23 CDT de Nantes. PRI 19 (bis). Le Monde du 19 mai 1958 repris dans Le Breton Socialiste, « Défendre la République » et « Au milieu de l’épreuve », 24 mai 1958.
24 Il ne s’aligne pas sur les positions du PCF : « Un fossé sépare, sur deux ou trois points essentiels, le bolchevisme et le socialisme démocratique », mais l’électorat des deux partis se ressemble.
25 Tanguy Prigent a souligné cette phrase de l’appel et rajouté à la main : « Le CD semblait résolu. »
26 Gilles Morin, thèse citée, p. 420.
27 René Rémond et Odile Rudelle, op. cit., p. 180-184.
28 Griefs dans sa lettre de démission du comité directeur, Le Breton Socialiste, 23 août 1958. Pour une présentation détaillée, voir Odile Rudelle, op. cit., p. 236-243.
29 Gilles Morin, thèse citée, p. 420.
30 René Rémond parle de 200 000 personnes au moins et le Populaire du 29 mai titre : « Ils étaient cinq cent mille au cri de nous défendons la République. »
31 Gilles Morin, op. cit., p. 425-426.
32 L’Année politique 1958, p. 68-75.
33 Le Socialiste, « Comment nous fûmes trompés en mai 1958 », 5 novembre 1960.
34 Ont voté contre Gaston Defferre, Édouard Depreux et Robert Verdier, Albert Gazier et Christian Pineau. Ont voté pour Guy Mollet, Jules Moch, Paul Ramadier, Robert Lacoste.
35 Journal Officiel du 2 juin 1958.
36 337 pour, 197 contre sur la reconduction des pouvoirs spéciaux et 350 pour, 161 contre et 50 abstentions sur la loi constitutionnelle le 2 juin.
37 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 180.
38 En fait, dans sa lettre de démission du comité directeur, rendue publique à la mi-juillet, Tanguy Prigent écrivait : « Le général de Gaulle auquel je conserve de l’estime et de l’affection n’est pas en cause ici, malgré mon pessimisme concernant son entreprise. Ce qui est en cause, c’est la façon dont il est venu au pouvoir. »
39 François Lafon et Gilles Morin, op. cit., p. 404-409. Les auteurs font remarquer que parmi les opposants se trouvent des résistants socialistes de la première heure et même des socialistes gaullistes.
40 On y trouve Albert Gazier, Georges Brutelle, Christian Pineau.
41 Des comités sont créés les jours suivants à Morlaix, à Saint-Pol-de-Léon et à Concarneau.
42 CDT de Nantes. PRI 21. Lettres des 2 et 13 juin.
43 ADF. 31 W 422. Note des RG du 16 juin 1958 et Le Breton Socialiste du 21 juin.
44 Marie Férec, op. cit., p. 196-199.
45 Gilles Morin, thèse citée, p. 433.
46 Le comité directeur accepte sa démission le 6 août par un vote (10 pour, 6 contre, 4 abstentions). OURS. PV du comité directeur.
47 AN. F 7/15504. Le Monde, L’Humanité, Libération, Combat, Le Figaro, L’Aurore publient des extraits plus ou moins longs de sa lettre de démission. Selon Combat : « elle traduit une crise de conscience personnelle qu’accroît encore une très grande fatigue physique ».
48 CDT de Nantes. PRI 26 (3). Courrier de 1958.
49 Le Monde, 15 juillet 1958.
50 OURS. Fonds Mollet. AGM 138. Correspondance Mollet-Tanguy Prigent. Guy Mollet commence sa lettre manuscrite par : « Pas un paragraphe de ta lettre qui ne contienne une injustice ou une erreur ou les deux. »
51 Ces deux lettres ont été publiées en annexes par Marie Férec, op. cit.
52 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 180.
53 Le Breton Socialiste, 12 juillet 1958.
54 OURS. Fonds Mollet. AGM 138. Lettre de H. Masson à Georges Brutelle du 22 août 1958. Dans des lettres à G Brutelle et à G.Mollet (fin août), il se dit offusqué par les attaques de Tanguy Prigent contre Guy Mollet.
55 Marie Férec, op. cit., p. 201-207.
56 Plusieurs notables sont pour le oui : Hippolyte Masson, le sénateur Jean-Louis Rolland, l’ancien député E. Reeb, Faou, adjoint au maire de Quimper.
57 CDT de Nantes. PRI 26 (3).
58 La motion Gazier (opposition récente à Mollet) a recueilli 159 mandats, la motion Laurent (soutien à Mollet), 54.
59 Gilles Morin, thèse citée, p. 482.
60 Marc Heurgon, Histoire du PSU. 1. La fondation et la guerre d’Algérie (1958-1962), Paris, La Découverte, 1994, p. 36-44.
61 Gilles Morin, thèse citée, carte p. 451 bis.
62 Ibidem, p. 484.
63 Lettre au secrétariat général citée par Roger Quilliot, La SFIO et l’exercice du pouvoir (1944-1958), Fayard, 1972, p. 833.
64 Gilles Morin, thèse citée, p. 485-493. Parmi les signataires on compte un membre et 15 anciens membres du comité directeur, 10 députés, cinq anciens ministres.
65 Gilles Morin, thèse cité, p. 467.
66 Jean Poperen, La gauche française. Le nouvel âge 1958-1965, Fayard, 1972, p. 91-96 et Marc Heurgon, op. cit., p. 38-41.
67 Tanguy Prigent a été réélu au comité directeur. Il est le seul à voter contre la réélection de Guy Mollet au secrétariat général (36 pour, une abstention, la sienne). Le Breton explique son vote par le refus du cumul des fonctions (ministre et chef du parti).
68 11 voix pour, 0 contre, 9 abstentions.
69 ADF 31 W 422. Notes des RG de septembre 1958.
70 Michel Nicolas, Jean Pihan, Les Bretons et la politique. 30 ans de scrutins en Bretagne 1958-1988, PUR, 1988, p. 14-17.
71 Marie Férec, op. cit., p. 203-207.
72 Par exemple, H. Masson dans une lettre à G. Brutelle du 23 septembre 1958 pronostique la victoire du oui malgré les enseignants et les communistes. Le non est soutenu par « quelques-uns des nôtres comme ceux de la section de Brest qui – de même que Tanguy Prigent – sont acoquinés avec les cocos ». OURS. AGM 138.
73 Par exemple, Heise, le maire de Camaret, se présente contre le député sortant Mao à Châteaulin puis se retire. Mao, Tanguy Prigent, Gravot, partisans du non sont investis, de même que les tenants du oui Linement et J.-L. Rolland.
74 Le Breton Socialiste, 11 octobre 1958.
75 CDT de Nantes. PRI 26 (3). Lettre de Robert Gravot à Tanguy Prigent du 12 octobre 1958.
76 Cinq sections du PSA sont créées dans le Finistère. Celle de Brest aurait de 15 à 20 adhérents.
77 CDT de Nantes. PRI 26 (3). Courrier de 1958.
78 Nous tenons à remercier Stéphane Prat, étudiant en histoire à l’UBO, pour ses notes de dépouillement des liasses des archives départementales sur les élections législatives de 1958, 1962 et 1967 ainsi que de nombreuses photocopies de la presse régionale de cette période, essentiellement Ouest-France.
79 Christian Bougeard, notice « Jean Le Duc », Dictionnaire des Gaullistes sous la IVe République, s.d. Bernard Lachaise, à paraître.
80 ADF. 145 W 103. Élections législatives des 23 et 30 novembre 1958.
81 Ouest-France, 24 novembre 1958. Précisons que dans certaines communes les résultats sont rapportés aux exprimés, dans d’autres aux votants. La différence votants/exprimés est de toute façon minime.
82 Ouest-France, 26 novembre 1958.
83 Ibidem.
84 ADF. 145 W 104. Élections législatives de 1958. Il écrit notamment : « Étant donné l’invraisemblable et tragique aventure que nous vivons, étant donné le déferlement du mensonge, de la démagogie, des slogans vides et bêtes que les Français subissent actuellement, nous avons lieu, nous socialistes, d’être satisfaits des résultats du 1er tour. »
85 CDT de Nantes. PRI 19 bis. Professions de foi et déclarations.
86 Avec 70 inscrits en plus au second tour, il y a eu 3 votants et 167 exprimés en moins.
87 ADF. 145 W 103. Un tableau préfectoral accorde 15,07 % des suffrages à la SFIO au second, un chiffre qui ne veut pas dire grand chose. Il s’agit sans doute des suffrages des voix de gauche des trois candidats de la SFIO rapportés aux 8 circonscriptions ? À Châteaulin, Le Jeune (MRP), s’est retiré deux jours avant le 2e tour, laissant place à un duel droite-gauche.
88 ADF 145 W 106. Élections législatives des 23 et 30 novembre 1958. Selon les RG, le PCF est passé de 74 159 voix en 1956 à 54 218 au 1er tour de 1958, la SFIO de 66 137 voix à 60 780.
89 Il s’agit pour le CNI de Jean Crouan (Châteaulin) et de Joseph Pinvidic (Landivisiau), réélus, et de Georges Lombard (Brest) et Jean Le Duc (Morlaix) ; pour le MRP de Louis Orvoën (réélu à Quimperlé) et de Xavier Trellu (Douarnenez) ; pour l’UNR en voie de formation d’Hervé Nader (Quimper, élu de droite de 1936 à 1940) et de Gabriel de Poulpiquet (Landerneau).
90 Cité par Sébastien Poquet, Les élus du Finistère et la guerre d’Algérie (1958-1962), op. cit., p. 103.
91 ADF. 31 W 422. Rapport des Renseignements généraux du 19 décembre 1958.
92 Le Breton Socialiste, 4 avril 1959.
93 AN. F 7/15504. Fiche biographique de Tanguy Prigent pour les cantonales de 1961 et du 5 novembre 1966.
94 Mireille Prigent, Ti Kaled, op. cit., p. 237.
95 Comme sa belle-soeur Denise Prigent, Marcel Hamon redevient enseignant de philosophie à Lannion.
96 Le Breton Socialiste, 10 janvier 1959.
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