Chapitre VI. Dans la guerre et contre Vichy
p. 99-124
Texte intégral
1Mieux préparé que d’autres au second conflit mondial par les discussions avec ses camarades, le pacifiste qu’est Tanguy Prigent doit se résoudre à voter les crédits de guerre avec son parti le 2 septembre 1939 et à rejoindre une nouvelle fois son régiment. Dans la débâcle de juin 1940, à la tête de ses hommes, le député de Morlaix est blessé mais cela ne l’empêche pas de participer aux réunions décisives des 9 et 10 juillet 1940 à Vichy et de refuser immédiatement d’accorder sa confiance au maréchal Pétain. Le 10 juillet 1940, il est l’un des Quatre-Vingts. Puis le Breton rejoint sa commune de Saint-Jean-du-Doigt occupée par les Allemands où il assume ses responsabilités municipales jusqu’au début de 1943. Mais pour le militant socialiste, il est inconcevable d’accepter la défaite et l’occupation. Dans une action peu connue, il s’engage rapidement dans l’opposition à la politique de Vichy et à sa Révolution nationale, utilisant jusqu’au bout les possibilités légales de publication. Tanguy Prigent s’engage parallèlement dans une action résistante clandestine au sein du parti socialiste et au sein du mouvement Libération-Nord, avant d’être contraint de gagner la clandestinité totale durant l’été 1943.
Un député aux armées
2N’ayant pas encore trente ans au moment de la déclaration de guerre, Tanguy Prigent est mobilisable et remobilisé le 4 septembre 1939, un an après la crise de Munich, avec le grade de sous-lieutenant octroyé à tous les députés aux armées. La loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la Nation en temps de guerre interdisant le service actif aux parlementaires âgés de plus de 40 ans est modifiée par un décret-loi du 5 septembre 1939 à l’initiative de quatre parlementaires. De toute façon, elle ne concerne pas le jeune député de Morlaix qui sert sous les drapeaux en 1940 comme 128 parlementaires français1. Sur proposition de son colonel des Dragons, il suit bientôt des cours à Vincennes dans le cadre de la préparation de la défense de Paris et, en décembre 1939, il est affecté à la défense aérienne du territoire (DAT). Dans la banlieue nord-est de Paris, près du Bourget, le sous-lieutenant Tanguy Prigent commande une section de mitrailleuses antiaériennes2. Il assistera à un bombardement sur Paris le 3 juin. Deux articles publiés pendant la « drôle de guerre » et surtout sa correspondance avec son ami Guy Le Normand permettent de connaître ses réactions durant la « drôle de guerre » et lors du Blitzkrieg allemand en mai et juin 19403.
3D’abord affecté en région parisienne avec des camarades du Trégor4, le député finistérien semble avoir conservé un minimum d’activités politiques, participant à des réunions du Conseil général du Finistère et à des réunions du parti socialiste à Paris, y compris au début mai 1940, à la veille de l’offensive allemande5. Dans une première lettre au Breton Socialiste datée du 12 septembre 1939, il précise ses positions vis-à-vis du conflit et du pacte germano-soviétique qu’il considère comme une trahison : « Je suis plus socialiste que jamais, par sentiment et par raison. Mais je sais aussi qu’au dernier moment, rien ne pouvait empêcher la guerre, voulue par Hitler et rendue possible par la trahison de Staline6. » Le maire de Saint-Jean-du-Doigt, refusant le pacifisme à outrance, patriote et antifasciste, est partisan de se battre : « Il faut se garder aussi bien du défaitisme que du bourrage de crâne résolu, chacun à sa place, à lutter pour gagner au plus vite la paix, une paix honnête et durable, une paix définitive. » Mais la « drôle de guerre » se prolongeant, quelque espoir est peut-être permis7. Le socialiste ne partage nullement l’analyse du PCF, dissous à la fin de septembre 1939 et frappé par la répression policière, qui justifie le pacte germano-soviétique et appelle le gouvernement français à négocier avec l’Allemagne (octobre 1939) tout en considérant que les impérialismes français et britanniques ont leur part de responsabilités dans ce conflit inter-impérialiste. En janvier 1940, pour Tanguy Prigent, la France et l’Angleterre ne sont nullement responsables de la guerre : « C’est pourquoi nous sommes prêts, tous, à nous battre avec tristesse et courage, si vraiment il n’est pas possible, mais pas du tout possible de faire une paix réelle autrement. » Puis, il explique à ses lecteurs que cette guerre confirme la doctrine socialiste qui voit l’origine des conflits dans les rivalités entre les pays capitalistes et « aussi parce que les peuples n’aiment pas assez les démocraties […], préférant hélas la toute puissance d’un individu, plus ou moins fou, plus ou moins grisé, plus ou moins barbare ». La réflexion de Tanguy Prigent sur la guerre va bientôt le conduire à une remise en cause très critique des nombreuses responsabilités, y compris celles de son propre parti. Engagé dans « la monstrueuse bataille » avec « un grand calme », se préparant à mourir – « j’accepte l’alternative, les arrêter ou se faire tuer » – le paysan du Trégor confie ses sentiments et ses analyses à Guy Le Normand dans une première lettre, le 18 mai 1940, alors que la bataille de France est commencée et que les avant-gardes allemandes arrivent sur les côtes de la Manche en Picardie dès le 20 mai8.
Réflexions critiques en mai et juin 1940
4En effet, lorsque l’invasion allemande commence à l’ouest le 10 mai 1940, Tanguy Prigent ne supporte pas de rester « planqué » à l’arrière, au Bourget où il a « passé un hiver bien agréable ». Sans doute protégé par des officiers de son régiment, il fait des démarches pour participer au combat9. Comme le colonel refuse de se séparer de lui, il écrit au président du Conseil Paul Reynaud et est muté à la tête d’un peloton de 36 hommes de la 7e division légère motorisée du 31e régiment de Dragons portés qui se reforme à Rambouillet10. Il veut combattre aux côtés de ses camarades en Belgique. Trente ans plus tard, il écrira : « Parce que j’avais obtenu de me battre à un poste particulièrement dangereux, j’avais retrouvé quelques bribes de la gaieté et du goût pour l’auscultation dont quatre ans de parlementarisme m’avaient singulièrement déshabitué11. »
5Dans sa lettre du 18 mai 1940, le Breton fait le point. Il faut d’abord barrer la route de Paris aux Allemands à tout prix. À deux reprises, il insiste sur le fait qu’il ne les hait pas (« cela m’étonne un peu »). Il analyse aussi les responsabilités de cette guerre : les capitalistes français et anglais qui n’ont pas su faire la paix en 1919 (traité de Versailles), la grande crise des années 1930, les « découpages criminels » des nouveaux États d’Europe avec leurs minorités, l’échec de la politique de désarmement et un réarmement trop tardif face au Troisième Reich (« Ils ont tout fait à moitié »). Seul la politique de réarmement engagée par Léon Blum trouve grâce à ses yeux (« c’est le Front populaire qui a un peu réarmé la France »), encore qu’il y avait à la Guerre « le médiocre Daladier ». « Cette loque n’a rien commandé et rien compris. Il a été le jouet de l’État-Major où il y avait des insouciants, des incapables et des partisans. Ils ont nié l’importance de l’aviation, ils ont insulté Blum (une fois de plus) lorsqu’il a dit de faire fabriquer des avions qui voleraient maintenant » et ils ont préféré lancer la construction de cuirassés qui ne seront achevés qu’en 1942. Le réquisitoire est sévère mais il n’est que partiellement exact car il néglige l’accélération du réarmement par Édouard Daladier de 1938 à 1940 et l’achat d’avions aux États-Unis. Dans un long développement, il dénonce un patronat qui traîne les pieds, fait tourner les usines au ralenti et a préféré mâter la classe ouvrière lors de la grève générale de la CGT du 30 novembre 1938 et envoyer ses capitaux à l’étranger. Le socialiste se demande ce qu’attend Reynaud pour faire fusiller ces patrons qui sabotent la défense nationale. Cette diatribe anti-patronale ne correspond pas à la réalité historique car l’effort de réarmement industriel a été bien réel sous la tutelle du gouvernement d’Édouard Daladier et de Paul Reynaud.
6Pêle-mêle, Tanguy Prigent dénonce « Ce Daladier, cet État-Major défaillant, ces industriels saboteurs, sans oublier les staliniens français […]. Jamais Hitler n’aurait été le maître de l’Allemagne si nous ne lui avions pas fourni ses plus sensibles arguments12. » « Mais tout cela n’excuse pas le moindrement le monstre de Berchtesgaden et les féroces jouisseurs qui l’entourent. » Cette longue lettre à son ami de Morlaix est une sorte de testament avant de partir au combat « parce que je peux très bien rester dans cette bagarre ». Mais sa critique n’épargne pas la SFIO. Si Tanguy Prigent justifie l’opposition des socialistes à la construction de la ligne Maginot au début des années 1930, il pense que son parti a eu ensuite « sa lourde part de responsabilité dans notre impréparation » même si elle a été plus légère que celle des majorités des années 1934-1936. Ces réflexions doivent servir à poursuivre le combat après la guerre pour la démocratie « à compléter » et le socialisme, en essayant d’abord « d’empêcher un parlement kaki ». Lucidement, le Breton craint « la vague de chauvinisme féroce qui déferlera sur le pays » mais il n’imagine pas un instant la défaite qui est pourtant bien engagée ce 18 mai. Il envisage déjà l’après-guerre : il faudra « se débarrasser des vieux partis » et « transformer complètement (esprit, méthode, organisation, conception tactique…) la SFIO ». Les socialistes au pouvoir devront faire régner l’ordre et la discipline et ne pas accepter les occupations d’usines. Et celui qui donne des leçons de démocratie se laisse aller à écrire : « Si 36 était à recommencer et si j’étais Blum, […], je fusillerais quelques patrons, quelques entrepreneurs et quelques meneurs staliniens. »
7Une lettre du 21 mai à Guy Le Normand affine encore sa vision de la situation. Il s’interroge sur les causes du désastre et comprend le remplacement du généralissime Gamelin par Maxime Weygand le 19 mai et l’arrivée du maréchal Pétain à la vice-présidence du Conseil le 18. « Que s’est-il passé ? Quelle est dans ce désastre la part de l’insouciance, de la trahison, de l’incompétence, de l’impréparation, de la sous estimation de la force allemande ? Quelles sont les responsabilités exactes de Gamelin, de Daladier ? (Ces derniers ne sont certes pas des traîtres). Tout cela sera connu un jour, passons. […] Acceptons tout pendant quelques jours. Reynaud et Mandel sont indiscutablement les hommes du moment, mais après ? » Inquiet des remaniements ministériels en cours, Tanguy Prigent s’interroge déjà sur l’après-guerre : « Les soldats de la liberté, vainqueurs ou vaincus, devront-ils subir une réaction cléricalo-militaro-fasciste ? Alors ce serait fini. Et quelle duperie. » Cette interrogation politique du militant socialiste nous paraît intéressante car elle permet de comprendre dans quel état d’esprit se trouve à la mi-mai, l’homme qui va refuser les pleins pouvoirs au maréchal Pétain un mois et demi plus tard. Il reprend ensuite l’analyse politique développée trois jours plus tôt : « Je hais “la guerre”. Je hais Hitler et Staline et tous les défenseurs et profiteurs du régime capitaliste qui est le responsable réel et constant de la guerre. […] Je reproche à Hitler de faire la guerre, je reproche à Staline d’avoir ouvert la porte à la guerre, je reproche à la bourgeoisie franco-anglaise d’avoir, par peur du communisme et du socialisme, d’avoir fourni les arguments qui ont fait son succès […]. » Le maire de Saint-Jean-du-Doigt confirme sa détermination à se battre dans « cette guerre totale » et il ne va pas tarder à le faire.
Sur le front et dans la débâcle en juin 1940
8Le 5 juin 1940, dans une lettre brève griffonnée à la hâte, Tanguy Prigent annonce son départ pour le front. Elle contient ces quelques annotations : « Pas de haine pour le peuple allemand […] certitude que la démocratie totale, c’est-à-dire socialiste, peut seule empêcher la guerre. Mais aujourd’hui, nécessité d’arrêter Hitler13. » Le député de Morlaix part pour les Ardennes où il va participer à des combats contre des troupes allemandes. Le samedi 8 juin, il profite « d’un jour de répit » avant de prendre part à une contre-attaque sur l’Aisne, pour adresser une dernière et très longue missive à Guy Le Normand14. Déterminé à se battre, et peut-être à mourir, Tanguy Prigent ne regrette pas de s’être porté volontaire (« je suis à la place qui eût été normalement la mienne si je n’avais pas été député »). Il égratigne néanmoins ceux de ces collègues qui se sont fait affecter au train ou au service de santé : « Pour ma part, je ne me serai jamais pardonné un tel geste » estimant que les élus n’ont pas le droit de se dérober (« une lâcheté ») quand leurs « électeurs se font tuer », « même si l’on sait que tous les sacrifices seront vains ». Le paysan de Morlaix est lucide sur la situation militaire déjà désastreuse mais il refuse le défaitisme. « Les camarades y étaient. Ils tombaient. Je me serais suicidé si je n’avais pas été avec eux. » Les valeurs d’égalité et le patriotisme républicain ne sont pas des valeurs creuses pour le socialiste devenu un notable. Il demande à son ami Le Normand de veiller sur son épouse « en cas de mauvaises nouvelles », de ne pas lui dire « que j’ai exigé de partir » et de pas oublier son grand-père15. Dans cette lettre très personnelle, il revient sur sa vie passée, sur ses goûts pour la lecture et la réflexion dont il n’a pas pu vraiment jouir depuis son service militaire du fait de son travail à la ferme et du militantisme effréné. Il s’interroge et philosophe sur les grandeurs et les motivations de l’action publique, sur sa part de responsabilité dans ce conflit, et se remet même en question face à un de ses hommes qui refuse l’engagement politique fait d’affrontements souvent virulents.
9Mais dès le 6 juin le front a été enfoncé et le 12, le généralissime Weygand donne l’ordre de retraite générale16. Le repli se transforme vite en débâcle sur les routes de France encombrés de milliers de fuyards dans un exode sans précédent. Tanguy Prigent se bat avec ses automitrailleuses, d’abord en Champagne où il est blessé à La Fère-Champenoise le 9 juin. Là, il est extrait inanimé des débris de son véhicule17. Le 13 juin, le peloton commandé par Tanguy Prigent se replie sur la Marne, puis par Troyes, sur la Loire, où un combat de retardement sur une île à Cosne tente d’empêcher la Wehrmacht de foncer vers le Midi. Le 19 juin, son régiment est à Limoges. Dans une lettre adressée à son père le 1er juin, avant d’avoir participé à la bataille de France, Tanguy Prigent prédit des pertes plus importantes proportionnellement qu’en 1914-1918, mais s’interroge sur des batailles désespérées : « Devant la Loire ? C’est-à-dire faire la guerre jusqu’au dernier Français ? Non18. » Le député se prononce contre. Il n’est pas un « belliciste » jusqu’au boutiste : « Poursuivre en l’honneur de l’Angleterre et des politicards de tous bords ? Non. Ce jour-là il faudra sauver de la mort notre dernier carré d’hommes (quelles choses affreuses il faut écrire !). » Le Breton n’imagine pas encore l’ampleur et la rapidité du désastre qui se prépare, mais le patriote envisage déjà l’armistice comme solution au cas où l’invasion allemande serait victorieuse. Il est alors à l’unisson de la grande majorité des Français qui subissent le désastre, civils et militaires traumatisés en mai et juin 1940 qui aspirent à la paix. Trente ans après, il le reconnaît dans ses Mémoires comprenant même que le maréchal Pétain ait demandé l’armistice.
10À aucun moment, Tanguy Prigent n’envisage de répondre à l’appel du général de Gaulle qu’il n’a d’ailleurs pas entendu le 18 juin, ni en 1940, ni plus tard. Il n’envisagera non plus jamais de rejoindre l’Angleterre par mer comme certains Bretons et d’autres ont pu le faire en 1940 ou après. Imprégné de la culture républicaine et de l’exemple de la défense de la Patrie, condamnant les émigrés de la Révolution, il pense qu’il faut rester parmi les siens, les paysans du Trégor, et aussi sa famille. Tanguy Prigent a donc dû se retrouver dans les appels de Pétain, notamment celui du 17 juin, qui demande de cesser le combat, de négocier l’armistice et de rester en France. Mais son « pétainisme », celui du vainqueur de Verdun, va rapidement avoir des limites.
L’un des Quatre-vingts à Vichy : le non du 10 juillet 1940
11Replié à Limoges le 19 juin, Tanguy Prigent apprend par son colonel que les parlementaires sont convoqués à Bordeaux par le gouvernement19. Muni d’une permission, il arrive dans la capitale provisoire de la France, en pleine pagaille, au moment où, selon son témoignage, des cars venaient prendre des parlementaires pour les conduire vers le Massilia. Avec son camarade André Philip et quelques autres députés, en 1948, Tanguy Prigent dit avoir refusé immédiatement de s’embarquer sur ce bateau car il avait été écœuré par l’attitude de certains parlementaires cherchant à fuir le pays tout en reconnaissant que ce n’était pas le cas de tous les partants. Il concède que le socialiste Pierre Viénot ou le ministre Georges Mandel, veulent poursuivre le combat au Maroc ou en Angleterre. Il semble ignorer alors que le Massilia a été affrété au Verdon par la Marine de Darlan et que les plus hautes autorités de l’État envisageaient encore le 18 et 19 juin de gagner l’Afrique du Nord pour y poursuivre la lutte si les conditions d’armistice semblaient trop draconiennes20. Les intrigues et les pressions de Pierre Laval parviennent à empêcher le départ du Président Albert Lebrun et des autorités républicaines le 21 juin, jour de l’arrivée de Tanguy Prigent dans la marmite bordelaise.
12Le 21 juin donc, 27 parlementaires seulement (3 % du total) appareillent à bord du Massilia qui emporte néanmoins vers Casablanca de nombreuses personnalités (plus d’un tiers d’anciens ministres) dont Édouard Daladier, Jean Zay, Pierre Mendès France et Georges Mandel. Il s’agit principalement d’hommes de gauche (13 radicaux-socialistes, huit SFIO, un ex-communiste). En tout cas, Tanguy Prigent n’est à aucun moment tenté de suivre cet exemple qu’il condamne ensuite21. Le maire de Saint-Jeandu-Doigt, estimant comme la masse des parlementaires que la guerre est perdue et que l’armistice est inévitable, pense qu’il doit rester en France occupée pour y défendre la population de son village. En fait, des rumeurs de regroupement de troupes dans le Poitou circulant à Bordeaux, incitent le sous-lieutenant Prigent à repartir immédiatement pour Poitiers où il retrouve son régiment dans une situation « d’horrible pagaille ». C’est donc là qu’il prend connaissance de l’armistice. Le 2 juillet, les parlementaires sont convoqués à Vichy, ville où siège le gouvernement Pétain. Mais ce n’est que le 9 juillet que son colonel donne une nouvelle permission au député finistérien pour se rendre dans la ville d’eau22. Il n’a donc pas baigné dans le climat délétère, fait de pressions, de menaces et de promesses, développé par Pierre Laval depuis plusieurs jours afin d’obtenir le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
13Le 10 juillet 1940, le député de Morlaix est confronté au premier choix dramatique de sa carrière politique et l’on sait que l’appartenance politique et partisane ainsi que le clivage gauche-droite ne sont pas pertinents pour expliquer un choix d’abord personnel. Précisons que Tanguy Prigent est l’un des 75 élus combattants présents à Vichy et que 65 d’entre eux votent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain23. Le témoignage direct de ceux qui arrivent du front conforte les parlementaires dans le sentiment que la demande d’armistice était justifiée et en prépare certains à voter les pleins pouvoirs, assimilés souvent par des représentants des régions dévastées et occupées du Nord de la France à une cessation des hostilités. C’est l’une des raisons qui fait que les élus de la France occupée votent plus massivement pour le oui à Pétain que celle du Midi qui n’a pas connu les combats et échappe à la présence allemande.
14Lors du premier vote du 9 juillet 1940, Tanguy Prigent accepte le projet de révision des lois constitutionnelles de 1875 approuvé par 393 députés contre trois24. Chacun se rend bien compte qu’il faut réformer des textes qui ont montré les faiblesses du régime républicain. C’est le 10 juillet 1940 que 570 parlementaires français votent en effet les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, acceptant du même coup la disparition de la Troisième République au profit de l’État français qui naît le lendemain. Mais ils sont 80 à voter non et 20 à s’abstenir dont Georges Monnet. Tanguy Prigent fait partie de ces 80 qui résistent à la pression de Laval et de Pétain. La crainte exprimée le 21 mai précédent de voir s’installer au pouvoir « la réaction cléricalo-militaro-fasciste » a sans doute joué dans ce choix décisif partagé par 36 parlementaires socialistes (29 députés et 7 sénateurs, 21,7 % du groupe) alors que 90 ont voté oui (87 députés et 3 sénateurs, 54,2 %), dont son ami Philippe Le Maux qui ne se remettra jamais de son vote25. Ce 10 juillet 1940, Tanguy Prigent se retrouve aux côtés de Léon Blum, Vincent Auriol, Jules Moch, Félix Gouin mais aussi de son camarade finistérien Jean-Louis Rolland. Trente ans plus tard, Tanguy Prigent, dans des envolées lyriques salue le choix de ces « 80 rebelles et hors-la-loi », sans s’expliquer réellement sur les raisons de son choix26. Il constate que ce vote « pulvérisait tous les carcans. Aucun antagonisme de naissances, de classes, de milieux, de convictions idéologiques ou religieuses ne voulait plus rien dire ». Il se brouille alors pour toujours avec des camarades et se fait pour toujours des amis parmi ses adversaires politiques. Assurément, ses convictions républicaines ont joué dans ce choix qui engage son avenir beaucoup plus qu’il ne l’imagine au soir du 10 juillet 1940.
15Sept parlementaires finistériens ont refusé les pleins pouvoirs au maréchal Pétain : les deux socialistes avec cinq autres élus bretons, deux députés radicaux-socialistes, Albert Le Bail et Jean Perrot, plus le sénateur-maire de Brest Victor Le Gorgeu, ainsi que les deux députés démocrates populaires, Paul Simon et Pierre Trémintin, les deux seuls de leur groupe (11 pour et 2 absents)27. Les Finistériens représentent 8,75 % des quatre-vingts. Dans ce vote républicain, hostile aux pleins pouvoirs, il y a bien là une spécificité de la Basse-Bretagne bretonnante qu’on ne retrouve dans aucun autre département de la région. Selon Olivier Wieviorka, sur 45 parlementaires présents à Vichy, 38 ont voté oui et 7 ont voté non, soit 15,55 %, ce qui place la Bretagne au 6e rang des régions françaises rétives à la disparition de la République, toutes les autres se situant dans le Midi28. Mais ce classement, somme toute honorable, doit être corrigé car il n’inclut que la Bretagne à quatre départements, créée par Vichy en juin 1941. Or tous les élus de Loire-Inférieure, les 9 députés y compris les quatre socialistes, et les sénateurs, ont voté oui. La proportion des non tombe alors à moins de 12 % des parlementaires bretons.
16Après cette mise à mort de la République, le sous-lieutenant Tanguy Prigent est démobilisé rapidement. Un laissez-passer lui permet de regagner la Bretagne occupée les 18 et 19 juin par la Wehrmacht triomphante, de retrouver les siens et de reprendre ses fonctions de maire de Saint-Jeandu- Doigt.
Premier emprisonnement (septembre 1940)
17De retour à Saint-Jean-du-Doigt en juillet 1940, Tanguy Prigent trouve dans sa commune côtière, bientôt inscrite dans la zone interdite, une garnison allemande commandée par un adjudant parlant le français. L’ancien député reprend l’exploitation de sa ferme tenue par son épouse. Dans le cadre de la politique de bonnes relations avec les populations occupées, ce commandant local tente de séduire le maire et sa famille en leur apportant des cadeaux (sucre, chocolat)29. Ce dernier les refuse pour lui-même mais propose de les déposer au bureau de bienfaisance de la commune pour les distribuer aux enfants, avec un éventuel contrôle de l’occupant. Cette attitude déplaît au sous-officier qui vient l’arrêter le 6 septembre 1940.
18Tanguy Prigent, à vingt ans de distance, donne deux versions de son arrestation. Dans ses mémoires, il écrit : « En septembre 1940, un soldat allemand ayant été découvert, grièvement blessé, sur la plage de Saint-Jean (je n’y étais pour rien), des saint-jeannais me dénoncèrent et m’enfermèrent dans un placard en attendant la Gestapo, dont l’arrivée me fut d’abord une libération ! La Gestapo me tortura et me jeta dans une cave de la Kreiskommandantur de Morlaix où j’attendis le matin de l’exécution30. » Cette version semble avoir été quelque peu dramatisée. Car dans son témoignage de 1948, s’il parle bien de plusieurs incidents dans sa commune, en août, il n’évoque pas l’attaque d’un soldat allemand, ni la torture en prison, ni l’enfermement dans un placard par des habitants de sa commune, hypothèse d’ailleurs peu plausible à l’été 1940 tant le rejet de l’occupant est déjà marqué dans les villes et les régions littorales de l’Ouest breton. On image mal ses administrés l’arrêter et le livrer aux Allemands. Cette mesure s’inscrit en fait dans la politique allemande mise en place dès les débuts de l’Occupation avec la désignation d’otages parmi les notables et leur arrestation aux premiers incidents. Plusieurs cas sont signalés en Bretagne dès la fin de l’été 1940.
19En 1948, Tanguy Prigent a donné au Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale une explication plus précise. Une réfugiée parisienne avec des enfants avait demandé au maire l’autorisation de rester dans la commune pour des raisons de santé et de continuer à percevoir son indemnité de réfugiée, ce qu’il accepta. Mais quelques jours plus tard, ayant appris que cette Française était la maîtresse de l’adjudant allemand, il lui fait savoir qu’il ne demandera pas de dérogation en sa faveur. C’est donc d’abord une dénonciation de cette dame et une basse vengeance de l’adjudant allemand qui le conduit en prison à Morlaix le 6 septembre 1940. À cela s’ajoutent d’autres éléments, contenus dans l’acte d’accusation, comme un changement d’attitude de la population de la commune à l’égard de l’occupant depuis le retour de leur maire. De correcte, cette attitude est devenue hostile, à l’image d’un édile qui refuse de désigner une main-d’oeuvre gratuite. On lui aurait reproché aussi de chercher à regrouper des gens contre l’occupant « dans le but de préparer des mouvements insurrectionnels » lors de nombreuses visites en voiture chez des amis du Trégor. Il est exact que Tanguy Prigent a repris contact avec ses camarades paysans et socialistes sous couvert d’activité coopérative. Enfin sa germanophobie, rapportée à l’occupant, est retenue comme une activité antiallemande en pleine bataille d’Angleterre. Il aurait dit publiquement : « J’ai hâte d’être plus vieux de quelques semaines. En effet, si les Allemands ne peuvent pas débarquer en Angleterre ces jours-ci, ils perdront la guerre, car la suprématie aérienne changera vite de camp. L’an prochain, l’aviation anglaise sera la plus forte. Qui sait ? Nous irons peut-être plus tard occuper l’Allemagne. » Optimisme démesuré et anglophilie qui ne plaisent guère à l’occupant et justifient son internement. Tanguy Prigent proclame tout haut ce que beaucoup de Bretons pensent et espèrent comme l’indiquent les rapports du préfet du Finistère dès octobre et novembre 1940. Il est détenu 17 jours à Morlaix avant d’être libéré le 23 septembre 1940.
20Tanguy Prigent attribue sa libération à l’arrivée à Morlaix d’un nouveau Kreiskommandant, le Hauptmann Peter Klein, un magistrat allemand de Sarrebrück, de mère française, non membre du parti nazi. Après avoir écouté les explications du maire de Saint-Jean-du-Doigt, il le fait libérer avec des excuses. Pendant deux ans, ce commandant allemand s’efforce de régler au mieux les problèmes et les relations avec l’administration et la population françaises31. On peut penser aussi que son ami Le Normand, professeur d’allemand, requis comme interprète de la Kreiskommandantur, a plaidé sa cause auprès des autorités allemandes. Relâché, ayant « charmé » selon ses dires, cet officier allemand, Tanguy Prigent reprend rapidement une activité professionnelle que l’on peut qualifier de militante, en bénéficiant d’une relative protection des autorités allemandes32. Cette libération lui vaudra une terrible polémique et une mise en accusation du PCF en 1949.
Rester en place et s’opposer à la Révolution nationale par des moyens légaux
21Tanguy Prigent n’a jamais songé à gagner l’Afrique du Nord ni l’Angleterre lors de la débâcle de mai et juin 1940. Il a considéré le départ de certains parlementaires comme une fuite, voire une désertion. Comme de nombreux élus municipaux et la plupart des parlementaires, il est, dès le début de l’Occupation, partisan de pratiquer une politique de présence à la tête de sa commune afin de défendre les intérêts de ses administrés face aux exigences allemandes (prélèvements de denrées agricoles et de main d’œuvre). C’est ce qu’il a commencé à faire dès son retour, ce qui a été l’une des raisons de sa première arrestation. Naturellement, il n’est plus conseiller général de Lanmeur puisque le régime de Vichy a dissous les conseils généraux pendant l’été et les a remplacés le 13 octobre par des commissions administratives de huit à dix membres dans lesquelles sont nommés presque uniquement des élus de droite en Bretagne. Maire d’une commune de moins de 2 000 habitants, Tanguy Prigent n’est pas concerné par la loi municipale du 16 novembre 1940 qui permet à Vichy d’épurer les municipalités en destituant les élus de 1935, surtout de gauche, et en les remplaçant par des édiles nommés, en général favorables au régime et à sa Révolution nationale33. Mais en Bretagne, du fait de l’Occupation allemande, cette épuration municipale de la fin 1940 et du début de 1941 est fort limitée. Elle ne concerne que quelques villes et municipalités de gauche. C’est le cas dans le Finistère où les parlementaires qui ont refusé les pleins pouvoirs au maréchal Pétain ne sont pas inquiétés avant la fin 1941 ou durant l’année 1942. Tanguy Prigent, en dépit d’une activité d’opposant immédiat à la politique de Vichy, ne sera révoqué de son poste de maire que le 23 janvier 194334. Sa popularité le protège ainsi que la difficulté évidente à lui trouver un remplaçant. Un premier rapport du préfet du Finistère du 22 janvier 1941 est sans ambiguïté sur l’attitude de l’ancien député vis-à-vis du régime de Vichy au moment de la réorganisation municipale : « Je n’hésiterais pas à mettre en parallèle l’attitude de Monsieur Le Normand (chef SFIO de Morlaix que le sous-préfet dit être gagné au Maréchal) avec celle de Monsieur Tanguy Prigent, maire de Saint-Jean-du-Doigt, que je sais doctrinaire, dont la popularité est assez grande dans le canton de Lanmeur et dont l’action ne saurait être négligée. Intelligent, passionné, il est depuis peu de retour de Paris où il n’a certainement pas manqué de prendre contact avec les éléments SFIO35. » Ce rapport officiel est riche d’enseignements : il montre d’abord que Tanguy Prigent n’est pas de ces socialistes qui se rallient au régime de Vichy en 1940, ensuite qu’il est perçu comme un opposant et est immédiatement surveillé par les autorités françaises qui n’ignorent rien de ces activités politiques. En 1941 et 1942, le sous-préfet de Morlaix voudrait bien s’en débarrasser mais il hésite d’autant plus que l’occupant cherche l’ordre et la stabilité et ne s’intéresse guère aux désirs de Vichy.
22Garder la fonction de maire ne signifie nullement accepter la politique du nouveau régime et encore moins son idéologie. Tanguy Prigent va donc utiliser ses charges municipales ainsi que ses responsabilités syndicales pour se déplacer dans la région de Morlaix et y rencontrer ses camarades syndicalistes et socialistes. Durant l’été et l’automne 1940, il s’agit d’abord de renouer les fils alors que tous les partis politiques ont été dissous et que de toute manière le parti socialiste a volé en éclat avec la défaite. Dans un premier temps, il se contente de regonfler le moral en donnant le conseil : « Ne désespérez pas. Nous recevrons bientôt des consignes36. » Mais il va lui-même aller chercher les consignes lors d’un voyage à Paris, sans doute en novembre 1940. Selon ses souvenirs, il reprend contact avec des camarades socialistes alors que le parti n’est pas encore réorganisé.
23Pour contourner l’interdiction de l’activité politique, le maire de Saint- Jean-du-Doigt va se réinvestir dans l’activité syndicale et coopérative de la Fédération paysanne du Finistère qui n’a pas été dissoute. En effet, si Vichy a dissous les confédérations syndicales ouvrières et patronales au niveau national, il a laissé subsister les organismes de base, notamment les unions départementales de la CGT et de la CFTC. Son objectif est de reconstruire un système corporatiste en s’appuyant sur ces structures de base d’autant plus que René Belin, dirigeant de la CGT, est ministre à Vichy. Tanguy Prigent va habilement utiliser cette tolérance des nouveaux gouvernants, d’abord pour préserver sa coopérative agricole et son organisation syndicale, ensuite pour critiquer la politique agraire de la Révolution nationale.
24Le 27 octobre 1940, la Fédération paysanne du Finistère tient son assemblée générale annuelle à Morlaix, un mois après la libération de son fondateur. Elle reconduit ses principaux responsables, notamment son président François Charles de Plougasnou ainsi que son secrétaire administratif Henri Hémery de Morlaix37. Elle fera de même un an plus tard le 26 octobre 1941. Une assemblée générale extraordinaire, réunie le 29 février 1940, avait maintenu les activités de la coopérative durant « la drôle de guerre ». Son implantation en 1940 n’est pas négligeable car elle compte alors 2 826 sociétaires38. On voit bien le chemin parcouru depuis la première assemblée générale du 11 février 1934 qui a adopté les statuts de la Fédération paysanne du Finistère. Tanguy Prigent n’apparaît pas dans les structures mais il participe activement à la mise sur pied et à la publication d’un « petit journal » qui va exister pendant un an et demi.
Le Bulletin, un moyen de combattre la politique agraire de Vichy
25En effet, le premier numéro du Bulletin bi-mensuel de la coopérative de Défense Paysanne de Morlaix et de la Fédération paysanne du Finistère paraît le 1er novembre 194039. Il s’agit d’un véritable journal de quatre pages, de petit format, imprimé par l’Imprimerie nouvelle de Morlaix qui fabriquait avant la guerre Le Breton Socialiste. C’est donc une publication autorisée bénéficiant du cachet de la Kreiskommandantur de Morlaix, sans doute grâce au plaidoyer de Guy Le Normand auprès de Peter Klein. Les autorités vichyssoises doivent, de mauvais gré, tolérer ce Bulletin qui va rapidement critiquer la Corporation paysanne. Dès le 22 janvier 1941 – six numéros seulement ont été publiés – le rapport du préfet qui note l’attitude peu favorable de Tanguy Prigent, signale qu’il collabore activement au Bulletin « où il se laisse aller parfois à des critiques et à des exposés d’opinions personnelles sur les lois agricoles prises par le gouvernement ». Les dirigeants vichyssois sont parfaitement informés de l’orientation d’un organe de presse légal qui est susceptible de toucher plusieurs milliers de familles paysannes du Finistère, de l’ouest des Côtes-du-Nord et même du Morbihan. Tanguy Prigent et ses camarades se saisissent d’un espace de liberté, toléré par l’occupant, en jouant sur les contradictions entre les Allemands et Vichy. Les Allemands ne sont sans doute pas mécontents de voir cet organe critiquer le gouvernement français, à condition de ne pas s’en prendre à eux. Mais cette publication qui ignore les Allemands ne peut pas être considérée comme favorable au Reich, car rapidement et parallèlement, Tanguy Prigent va mener une action résistante.
26De novembre 1940 au 10 avril 1942, 47 numéros du Bulletin sont publiés. Sa périodicité bimensuelle jusqu’au n° 11 (1er avril 1941) devient ensuite trimensuelle. Le titre est alors modifié et devient le Bulletin de Défense Paysanne et des Coopératives de Stockage de Blé et de Meunerie de France (n° 12, 10 avril 1941). Un accord est intervenu avec le président de la Fédération nationale des coopératives agricoles de meuneries, ce qui signifie l’élargissement de l’audience de la publication en dehors du Finistère, sans que l’on connaisse son tirage et son aire de diffusion exacte. Tanguy Prigent revendique néanmoins 3 500 familles de lecteurs dans le Finistère au 1er janvier 1941, chiffres certainement gonflés. En septembre 1941, le titre est à nouveau modifié en Bulletin de Défense de la Coopération Agricole, d’Études et de Documentation Paysannes. Depuis le 10 avril 1941, une « édition nationale », destinée à la zone occupée, est publiée le 10 de chaque mois avec une périodicité mensuelle40. Peu de temps après l’autodissolution de la Fédération paysanne du Finistère, le 8 février 1942, l’ordre de suspendre la publication du Bulletin arrive à Morlaix le 17 avril comme Tanguy Prigent l’explique dans la Circulaire n° 1 de la coopérative agricole de Défense paysanne de Morlaix du 10 mai 1942. Il s’agit en fait d’une interdiction du Bulletin par les autorités françaises. Cette circulaire bimestrielle de deux pages imprimées aura 16 numéros jusqu’au 25 février 1943. Désormais, la Circulaire ne peut plus donner que des informations pratiques et techniques. Les articles « d’ordre général et éducatif », figurant en page une et deux du Bulletin, sont désormais interdits. Parallèlement une Circulaire confidentielle est publiée, mais seul le numéro 2, du 10 février 1943, a été conservé dans les archives de Tanguy Prigent. L’existence de ce journal se situant sur le terrain professionnel traduit un niveau d’organisation important avec publication régulière, collectage d’articles, système d’abonnements et gestion assurée par Henri Hémery à Morlaix.
27Des rubriques régulières font de cette publication un outil d’analyse et d’information pour les agriculteurs, notamment en ce qui concerne les textes et les décrets officiels, les prix, les prélèvements et les obligations des producteurs agricoles41. En outre le Bulletin va largement rendre compte des activités et assemblées générales de la coopérative de défense paysanne de Morlaix42. Tanguy Prigent et ses amis y signent souvent leurs articles. Le premier numéro explique les raisons de la création de ce Bulletin destiné à remplacer la Tribune de la Fédération nationale des coopératives de blé et de défense de l’Office du blé et à donner des « renseignements d’ordre professionnel, technique, législatif, administratif, etc.43 ». Cette publication est utile « dans la période nouvelle que nous vivons, parce que les lois, décrets et circulaires intéressant l’agriculture se succèdent rapidement et se contredisent souvent ». L’objectif est donc informatif et pédagogique (expliquer ces textes) tout en continuant à développer la « véritable notion de la coopération », dont on peut déjà penser qu’elle ne s’alignera pas sur celle des corporatistes qui ont investi le ministère de l’Agriculture. Concession à la censure, allemande et française, cet éditorial non signé, indique qu’ » ici, nous nous interdisons la politique ». Mais il porte la marque de Tanguy Prigent quand il ajoute : « Mais nous affirmons – aujourd’hui comme hier – que la Paix et le Bonheur humains ne seront possibles qu’à partir du moment où les producteurs seront convenablement rémunérés et protégés, le travail équitablement répartis entre les hommes, et les prix à la consommation maintenus à la portée des salaires. » Il s’inscrit donc dans la logique du remplacement de « l’ancien régime de la spéculation que les cyniques appelaient le libéralisme économique et monétaire » par « une économie dirigée et disciplinée », argument qui n’est pas pour déplaire à certains secteurs dirigistes qui ont investi le pouvoir à Vichy. S’agit-il d’un ralliement à l’air du temps et aux thèses des planistes de la SFIO ou de concessions provisoires ? L’attitude du Bulletin à l’égard de la Corporation paysanne va permettre de répondre à cette interrogation.
L’opposition à la Corporation paysanne et aux institutions de Vichy
28Progressivement et par petites touches, le Bulletin va développer les positions du syndicalisme agricole d’obédience socialiste notamment avec les articles de Tanguy Prigent et d’Anthelme Lyonnet, secrétaire général adjoint de la CNP en 1940, dont la signature suivie de la mention « de la Confédération nationale Paysanne » apparaît dès le n° 6, le 16 janvier 194144. La continuité avec la CNP d’avant guerre, avec les mêmes militants du Trégor et de la CNP, est revendiquée. Elle se traduit par un rapide élargissement du journal au-delà du Finistère, notamment en zone occupée où il paraît à partir d’avril 1941. Tanguy Prigent a donc bien renoué des contacts avec ses camarades socialistes et syndicalistes dans les dernières semaines de 1940 et il poursuit un militantisme syndical immédiatement perçu comme tel par Vichy.
29Dès le n° 3, le 1er décembre, en expliquant le remplacement de l’ONIB (Office du blé) par l’ONIC (Office des céréales), Jean Morvan, gérant du journal, se réjouit de la mise en place d’une revendication des socialistes. Mais c’est pour mieux critiquer un article du quotidien régional L’Ouest-Éclair qui y voit un échec de l’ONIB et défendre sans le dire l’œuvre du Front populaire. Tanguy Prigent signe son premier éditorial le 16 décembre 1940 : « Économie dirigée ? Oui. Mais qu’elle soit sincère, totale et coopérative. » Observant la mise en place « d’une réglementation rigoureuse des marchés », l’ancien député feint de s’étonner qu’elle « est ordonnée par les mêmes hommes – ceux de Vichy – qui s’opposaient résolument, avant à la guerre, à toutes les propositions tendant à créer une économie et une monnaie dirigées et disciplinées. Mieux vaut tard que jamais, certes ; mais il est regrettable que l’on ne se soit décidé qu’au moment où le malheur s’est abattu sur notre pays ». Ce n’est pas là le discours d’un rallié au régime de Vichy mais celui d’un opposant qui y voit « la cause profonde de la guerre », dont il n’a pas « ici, le droit de parler », mais dont il parle quand même en rappelant « le grand désordre économique de l’Europe et du monde » et en dénonçant le capitalisme et le profit. Il fait alors de nombreuses propositions précises, reprenant le programme agraire de la SFIO, pour créer « une véritable économie coopérative » dont on est encore loin.
30En présentant ses vœux « Bloavez Gwelloc’h ? », le 1er janvier 1941, Tanguy Prigent dresse un bilan de la terrible année noire que la France vient de vivre sans se complaire dans « le découragement irraisonné et lâche ». « Mais les âmes bien trempées ont réagi et regardent la situation en face. Les esprits sains raisonnent à nouveau et trouvent des raisons d’espérer. […] Ils savent aussi qu’une nation ancienne et homogène ne peut pas disparaître de la carte du monde. » Ce n’est pas un appel à la résistance, mais un appel à l’espoir. Il met en garde les paysans, flattés par la propagande vichyssoise, contre un esprit de revanche à l’encontre des citadins et contre « la fraude », le marché noir. Il laisse déjà percer son opinion sur la loi du 2 décembre 1940 créant la Corporation paysanne et « certaines dispositions rétrogrades et dangereuses comme celle qui fait entrer dans le même syndicat unique, le châtelain oisif, son fermier et son domestique… ». C’est Anthelme Lyonnet qui, dans une série d’articles, est chargé de présenter la loi sur la Corporation paysanne, de faire « des critiques et des observations » et de proposer un projet amendé45. Acceptant apparemment le regroupement de toutes les anciennes organisations, il critique la mise « en état de tutelle des paysans français », l’étatisme et la bureaucratie. En fait, les exploitants « dont on vante par ailleurs beaucoup trop les qualités par pur intérêt politique, sont éliminés au profit des gros propriétaires terriens […], et d’une nouvelle classe de fonctionnaires ». Il n’est pas dupe de la propagande vichyssoise qui encense la paysannerie. Il critique nettement cette réforme qui est un compromis entre les vues du ministre Caziot et les propositions de corporatistes et des syndicalistes conservateurs de l’UNSA. Cette critique, affinée dans les articles suivants, débouche le 10 mars 1941 sur des propositions alternatives de Lyonnet contre la charte « octroyée » par Vichy et « pour une charte de la paysannerie française ». À cette occasion, le Bulletin précise que « le gouvernement de Vichy, en écartant la CNP et notre ami Calvayrac de la Corporation soit-disant Paysanne, a voulu en réalité, établir une charte de la Paysannerie sans les vrais paysans46 ».
31La cible des syndicalistes est constituée par ces « gros propriétaires terriens, qui sont avant tout des industriels et des financiers, sinon des spéculateurs, [qui] ont tout tenté pour conserver la direction de ces mouvements d’émancipation économique créés par les véritables paysans ». Le discours socialiste d’avant-guerre n’a pas beaucoup changé : il dénonce ceux qui ont investi la Commission nationale d’organisation corporative présidée par le vieil adversaire de Tanguy Prigent, Hervé Budes de Guébriant, le patron de l’Office central de Landerneau. Un autre adversaire a obtenu « un fauteuil » de délégué à la propagande de la Corporation paysanne : « un nommé d’Halluin, dit Dorgères47 ». Dans un article virulent, non signé mais dans lequel on reconnaît la plume acérée et l’ironie de Tanguy Prigent – « La tristesse des temps présents nous interdit de créer dans le “Bulletin” une rubrique “Pour rire” » –, le rédacteur se gausse de la nomination de Dorgères au Conseil national créé par Pétain et Flandin. Il rappelle longuement le discours de l’ancien chef des Chemises vertes contre les fonctionnaires trop payés et les parlementaires beaucoup plus encore : « Mais alors, direz-vous, quelle doit être son indignation et avec quelle fougue doit-il protester depuis que les “révolutionnaires” de Vichy ont institué un Conseil national, dans lequel 188 privilégiés (qui n’ont assumé aucun frais de campagne électorale, qui n’ont ni comptes rendus à faire, ni secrétariat à organiser, qui ne sont élus par personne et n’ont aucune responsabilité) toucheront 100 000 F par an ! Oui, 100 000 F par an pour ne rien faire ! » Dorgères est l’un de ces 188 nantis ainsi d’ailleurs que de Guébriant48. La critique politique de Vichy et de sa Révolution nationale est donc claire, ouverte et sans détour dans le Bulletin fondé à l’initiative de l’ancien député de Morlaix. On ne peut s’empêcher de penser que seule la mansuétude, voire la protection allemande, empêche l’interdiction du Bulletin par les autorités françaises.
32Le 1er avril 1941, Tanguy Prigent dénonce comme « un scandale », le refus aux paysans de la retraite aux vieux travailleurs (loi du 14 mars 1941), en rappelant que cette réforme sociale lancée en 1936 (le terme de Front populaire n’est pas écrit) n’avait pas pu être menée à bien. Le 20 mai, appelant à ne pas se décourager – la France n’est pas « foutue » sur le long terme si les Français savent rester dignes –, il critique certains comportements des jeunes gens (qui boivent, fument, etc.) et des jeunes filles (« tout le monde comprend de quoi il s’agit », sans doute vise-t-il les relations avec les Allemands ?) qui gagnent les campagnes. Il dénonce à nouveau les pratiques de vente directe à la ferme, notamment aux soldats allemands, et de marché noir, qui ne peuvent qu’élargir le fossé entre citadins et ruraux.
Le combat ouvert contre le monopole de Landerneau
33Dans l’ouest de la Bretagne, c’est l’Office central de Landerneau qui est chargé, avec l’appui de l’administration, de mettre en place les structures départementales, cantonales et communales de la Corporation paysanne en 1941. Sous prétexte de répondre aux questions des coopérateurs, Tanguy Prigent croise le fer clairement le 20 mai 194149. Il précise la position de sa Fédération des paysans vis-à-vis de l’Office central de Landerneau. Acceptant l’idée d’organisation unique, Tanguy Prigent en rejette le contenu : refus de la prétention de Landerneau à exercer un monopole de la représentation du monde paysan au sein de l’Union régionale corporative (URCA), rejet du syndic nommé et non élu. « Ce sera un petit dictateur proposé et nommé par les grands maîtres et non par les paysans cultivants. » Le paysan n’aura pas droit à la parole dans les institutions corporatives et il ajoute : « Le vote par ordre, supprimé en 1789, fait sa réapparition. » Une remarque qui n’est pas pour plaire aux conservateurs et autres tenants de l’Action française qui s’agitent alors dans les antichambres des hôtels ministériels de Vichy. Il refuse de fait ce « syndicat unique » contrôlé par Landerneau et appelle les adhérents de son syndicat à ne pas participer aux réunions locales de la Corporation tant que plusieurs syndicats locaux peuvent encore exister. Tant que c’est possible, il s’agit de préserver l’autonomie et l’indépendance des organisations syndicales agricoles.
34Les responsables de la CNP maintenue ne s’en tiennent pas à leur journal. En juin et juillet 1941, ils organisent une campagne de réunions d’information le dimanche dans le Trégor et la Haute Cornouaille50. Cela va de pair avec un appel au développement des coopératives existantes. L’assistance à ces réunions, notamment des jeunes, semble avoir été nombreuse permettant de renforcer les liens face aux pressions de l’État et de Landerneau51. Mais, il n’est pas question de déserter le terrain professionnel et « d’abandonner aux mains de la faction – de la coterie pourrions nous dire – de la Corporation, l’organisation des syndicats uniques52 ». Après la critique sans concession, la politique de présence, telle est la position définie par la CNP de zone occupée dans un Bulletin à diffusion nationale. Ainsi le combat pour le fonctionnement démocratique se poursuit avec la contestation du mode de désignation des conseils d’administration des coopératives qui envisage la nomination de 2/5e des membres par le syndicat corporatif et l’élection des 3/5e par les coopérateurs53. Cette période de débats s’achève par un congrès extraordinaire de la CNP-FPF du Finistère, à Morlaix, le 21 juillet, en présence de 82 délégués. Il ne s’agit rien de moins que d’une contestation en règle, point par point, de la loi du 2 décembre 1940, avec le vote à l’unanimité d’amendements permettant un fonctionnement démocratique de la Corporation paysanne54. Sous la houlette de Tanguy Prigent, à l’heure où de nombreuses municipalités votent des hommages au maréchal Pétain, la CNP du Finistère est bien une force d’opposition à la Révolution nationale et une force de contestation de la Corporation nationale qui s’exprime publiquement tout en prétendant s’inscrire dans la politique nationale de cet organisme dont elle rejette les principes55. Mais les autorités n’osent pas encore s’en prendre à Tanguy Prigent car sa coopérative de Défense paysanne est l’une des 13 coopératives autorisées dans le Finistère à stocker le blé et les céréales secondaires en 194156.
35Lors de ce congrès, la décision de faire de l’entrisme dans la Corporation a été prise : il a été conseillé aux militants d’accepter les fonctions de syndic ou de syndic-adjoint dans les syndicats uniques communaux en formation57. Dès le 22 juillet, la FPF a adressé par lettre à François-Marie Jacq, vice-président de Landerneau et délégué régional du comité d’organisation du Finistère et des Côtes-du-Nord, la liste des coopérateurs et militants susceptibles d’occuper ces fonctions. Sans refuser totalement cette offre de service, F.-M. Jacq répond le 4 août qu’elle « semble peu compatible » avec les décisions prises par le congrès du 20 juillet « dont quelques résolutions sont résolument hostiles à l’esprit de la loi du 2 décembre ». Il exige une loyauté totale des syndics nommés. Le 13 août, François Charles répond à cette mise en demeure en affirmant que la FPF a voulu contribuer au débat, apporter le concours des « paysans-cultivants » et « marquer notre attachement profond à la démocratie syndicale ». Dans ce cadre, il se dit prêt à agir dans la Corporation « pour le bien général de la profession et de la nation » sans renier ses convictions syndicales. Ces lettres adressées aux militants réaffirment les consignes de la FPF : accepter un poste de syndic proposé mais ne signer aucun engagement, ni ne prendre aucun engagement oral contraire aux conceptions du syndicat. Enfin, conformément aux décisions du congrès de Morlaix, celui qui accepte doit faire le serment « muet » de démissionner si en 1942 les syndics ne sont pas élus à bulletin secret. On le voit, cet entrisme dans la Corporation paysanne a pour objectif d’y insuffler des pratiques démocratiques ou de s’en aller si ce n’est pas possible.
36Tanguy Prigent et ses amis poursuivent leur combat pour la défense des coopératives indépendantes et contre les pratiques commerciales de ces temps de pénuries. L’ancien député de Morlaix, tout en dénonçant « les bureaucrates » de la Corporation et des divers services de prélèvements créés par l’État français s’en prend au marché noir et aux ventes directes à la ferme aux soldats allemands. Conscient que les pénuries frappent les plus modestes, il appelle à livrer les céréales à l’aube d’un hiver difficile « pour alimenter ces Français, ces frères, nos seuls clients de demain, quand la situation sera redevenue normale ». Craignant la coupure entre producteurs et consommateurs, il incite à faire preuve de solidarité (envoi de colis familiaux) envers nos « camarades citadins58 ». La crainte du fossé ville-campagne est un leitmotiv qui revient sans cesse sous la plume et dans les interventions publiques de Tanguy Prigent. Mais ce n’est nullement un ralliement à la propagande vichyssoise car dans le même temps A. Lyonnet dénonce « la responsabilité des marquis dans la faillite actuelle » et l’échec de « l’ordre nouveau » institué en 194059.
37On peut mesurer l’ampleur de la mobilisation paysanne lors du 6e congrès annuel de la Fédération paysanne du Finistère à Morlaix le 26 octobre 1941. 174 « travailleurs » mandatés par 55 sections se sont réunis lors de cette « belle manifestation des paysans authentiques qui veulent rester libres ». Le titre du compte rendu des travaux est tout un programme60. C’est Tanguy Prigent qui présente le rapport moral de la FPF dans lequel il dresse le bilan de l’action accomplie depuis un an grâce à la publication régulière du Bulletin qui a des abonnés dans douze départements de la zone occupée en dehors de la Bretagne. En réponse au monopole de l’Office central, le congrès décide de boycotter la réunion des syndics du Finistère et des Côtes-du-Nord, convoquée à Landerneau le 28 octobre 1941, et de maintenir ses propres syndicats tant que l’entrée dans les syndicats uniques ne sera pas obligatoire. En effet, la continuité entre l’Union des syndicats agricoles du Finistère et des Côtes-du-Nord, celle de Landerneau, et l’URCA est telle qu’Hervé Budes de Guébriant est élu syndic régional par les syndics communaux et qu’Ar Vro Goz devient l’organe régional de la Corporation paysanne. Les offres de service des syndicalistes socialistes ont été rejetées et la journée inaugurale de l’URCA à Landerneau a été totalement encadrée : hommes de l’Office central pour orchestrer les applaudissements de Budes de Guébriant, procurations de vote nombreuses aux syndics de confiance61.
38Prévoyant la dissolution des syndicats agricoles indépendants, Tanguy Prigent en appelle à la solidarité paysanne, « à ces intelligences et à ces cœurs », et donc à poursuivre la lutte sous d’autres formes. Ce combat pour « le syndicalisme et la coopération agricoles libres et sincères » se poursuit dans un éditorial non signé de la fin 194162. C’est sans doute la pression des autorités vichyssoises qui fait que les articles de politique générale (17 d’avril 1941 à avril 1942) sont de plus en plus souvent signés « Le bulletin63 ». Car l’existence de la FPF est de plus en plus menacée.
Poursuivre le combat agraire jusqu’au bout ?
39Jouant le jeu de la légalité de l’État français, Tanguy Prigent et ses camarades doivent se soumettre aux décisions d’un régime de plus en plus autoritaire, en feignant d’ignorer dans leur publication la présence allemande dont il n’est jamais fait mention. La mise en place des syndicats uniques de la Corporation conduit à la dissolution de la Fédération paysanne du Finistère lors de l’assemblée générale extraordinaire de Morlaix du 8 février 1942. Cette dissolution est le résultat « d’une invitation impérative du délégué régional de l’URCA du Finistère et des Côtes-du-Nord » par une lettre du 17 janvier. Les 80 syndicalistes prennent acte de cette décision autoritaire, nomment Tanguy Prigent liquidateur du syndicat, affirment qu’ils resteront fidèles aux décisions de leur congrès du 20 juillet 1941 et protestent contre des menaces qui planent sur l’indépendance des mutuelles agricoles. Mais, en même temps, les syndicalistes coopérateurs affirment haut et fort que la coopérative de défense paysanne de Morlaix poursuit son action64. Les militants paysans refusant de s’avouer vaincus reportent leur action du terrain syndical au terrain coopératif afin d’échapper à l’emprise totale de la Corporation paysanne. Dénonçant cette volonté d’hégémonie incarnée par Landerneau, jusqu’au bout ils tentent de préserver les espaces de liberté encore existants65.
40Cette résistance têtue des paysans bretons ne peut qu’agacer Budes de Guébriant et les autorités de Vichy. Le 17 avril 1942, la publication du Bulletin est suspendue sur ordre, une suspension qui sera définitive. Coïncidence ? Cette décision a été prise le jour de la démission de l’amiral Darlan de la tête du gouvernement et la veille de son remplacement par Pierre Laval. Tanguy Prigent annonce aussitôt le remplacement du Bulletin par la Circulaire de la coopérative agricole de défense paysanne de Morlaix66. Désormais, la publication « des articles d’ordre général et éducatif » est interdite. Mais derrière la fonction de service des informations pratiques et techniques, le maintien du contact est important. Tanguy Prigent y signe des textes courts qui servent d’éditoriaux67. Ainsi le 25 mai 1942, il écrit : « Vous devinez aussi que nous ne pouvons plus écrire tout ce que nous pensons, mais le même idéal nous unit plus que jamais : celui de la coopération professionnelle d’abord et celui plus vaste et plus grand de la coopération humaine, dans la juste répartition des produits du travail et dans la paix. » Le 10 juin, il rend hommage à Calvayrac disparu avant « de voir renaître cette CNP qu’il avait créée68 ». En juillet, l’ancien député socialiste se réjouit de la bonne résistance de sa coopérative qui, malgré les tentatives de débauchage de certains syndics comme celui du Huelgoat, a gagné des adhérents en 1941-1942 malgré des injustices dans les distributions d’engrais69. L’efficacité de ce combat qui est une forme tolérée de dissidence, voire de résistance à Vichy, se traduit dans les chiffres. Selon Tanguy Prigent, le nombre de coopérateurs n’a cessé de croître depuis le début de l’Occupation, passant de 3 062 adhérents le 31 juillet 1940 à 4 390 le 31 juillet 194270. En deux ans, dans des conditions difficiles, le nombre d’adhérents s’est accru de 43,37 %. Plus que de longs discours, ce chiffre traduit le rejet dans le Finistère de la Corporation paysanne, fleuron de la Révolution nationale dans les campagnes. De même, les résultats financiers sont excellents, ce qui n’est pas surprenant par ces temps de pénuries. Pourtant la coopérative de Morlaix se refuse à la spéculation sur les prix.
41Et à la fin octobre 1942 encore, Tanguy Prigent insiste lourdement sur la censure de Vichy qui interdit de publier des contributions critiques de coopérateurs71. Le maire de Saint-Jean-du-Doigt engage un nouveau combat pour la survie de sa coopérative.
Ultime combat légal
42Sachant que l’État prépare l’unification départementale des coopératives, celle de Morlaix a pris les devants lors de son congrès du 5 novembre 1942 en proposant une « unification immédiate » dans le respect de l’autonomie de gestion72. Cinq responsables ont été mandatés pour cela. Le 28 novembre 1942, des responsables de coopératives « souhaitant s’unir pour défendre la vie et l’indépendance de leurs organisations » se sont mis d’accord pour s’unifier lors d’une rencontre à Quimper73. La stratégie de Tanguy Prigent consiste à rassembler tous les coopérateurs hostiles à une absorption par Landerneau sous couvert de mise en place de la Corporation paysanne. Ainsi, le 19 décembre, à Quimper, quatorze coopératives agricoles locales créent un comité provisoire d’entente. Il s’agit, dans le cadre de la loi du 2 décembre 1940 et des arrêtés de 1941, d’empêcher la fusion au sein d’un même organisme « qui aboutirait à détruire l’esprit coopératif » pour maintenir les coopératives existantes dans le cadre d’unions et de fédérations départementales uniques. La motion votée affirme clairement le refus de ces coopératives de tomber sous la coupe de Landerneau, juge et partie dans la politique agricole du gouvernement. Pour éviter toute confusion, elle propose de transférer le siège de l’URCA de Landerneau à Morlaix et de lui donner une assise départementale. Un mouvement de refus comparable des syndicalistes socialistes agite les Côtes-du-Nord. Encore maire et encore dans la légalité, Tanguy Prigent devient le secrétaire de ce comité d’entente.
43La résistance à Landerneau et donc à Vichy se poursuit encore au début de 1943 au moment où la loi du 16 décembre 1942 complète celle du 2 décembre 1940. La Corporation paysanne a bien du mal à trouver sa forme définitive du fait de la rivalité latente et de conceptions divergentes entre le ministre de l’Agriculture Pierre Caziot, théoricien de la petite exploitation familiale, et les tenants du corporatisme hostiles au dirigisme de l’État et représentés par Hervé Budes de Guébriant, président de la commission nationale d’organisation corporative paysanne74. Avec le retour de Laval au pouvoir en avril 1942, Caziot a été écarté du ministère au profit d’un représentant des grands agrariens, Jacques Le Roy Ladurie, secrétaire d’État d’avril à septembre 1942. Les crises et tensions internes retardent l’organisation définitive de la Corporation paysanne et les Finistériens jouent au maximum des retards et des contradictions. Le nouveau ministre Max Bonnefous est un tenant de l’étatisme autoritaire qui vise à faire de la Corporation une courroie de transmission de la politique gouvernementale, notamment dans les prélèvements agricoles, au grand dam des corporatistes comme de Guébriant75. D’ailleurs, le 2 décembre 1942, avec 27 autres membres, il donne sa démission de la commission nationale d’organisation. En janvier 1943, il n’en est pas moins nommé syndic provincial de Bretagne (région de Rennes) au comité permanent provisoire jusqu’à la mise en place de la Corporation en mars 194376.
44Tanguy Prigent est conscient de ces contradictions et du fait que la loi du 16 décembre 1942 réduit l’autonomie et les pouvoirs de la Corporation77. En tout cas, pour défendre les coopératives, il s’efforce de jouer les autorités de l’État contre les corporatistes bretons de Landerneau. La motion votée à Quimper le 19 décembre a été adressée au ministre de l’Agriculture, au préfet et au directeur des services agricoles du Finistère, commissaire du gouvernement, ainsi qu’aux responsables nationaux et locaux de la Corporation. Lors de la nouvelle assemblée générale du comité d’entente des coopératives locales du Finistère tenue à Morlaix le 4 février 1943, en présence de 36 délégués de douze coopératives finistériennes et d’une délégation des Côtes-du-Nord, il fait état d’une seule réponse, celle de Caziot désormais président de la Corporation, par « une lettre hostile et même menaçante » du 15 janvier 194378. En effet, dès le 12 janvier, les dirigeants de la Corporation ont écrit au ministre pour rappeler que seul le syndic régional, c’est-à-dire Budes de Guébriant, peut prendre des décisions et arbitrer les conflits locaux. Le ton de la lettre est bien à la demande de sanctions au nom de la « discipline corporative79 ». Peu impressionné, Tanguy Prigent s’est rendu à Paris, semble-t-il pour défendre son point de vue, après avoir répondu à Caziot le 21 janvier. Tanguy Prigent préconise de convaincre les personnalités chargées d’organiser définitivement la Corporation. Et, alors qu’il vient d’être révoqué de sa mairie de Saint-Jeandu- Doigt, il est dans la délégation du comité d’entente qui doit rencontrer le préfet du Finistère et le commissaire du gouvernement.
45Dans cette affaire, le ministère préfère temporiser. Un rapport remis au ministre Bonnafous le 8 mars 1943 précise : « Il apparaît improbable que l’on puisse dissoudre le Comité provisoire d’entente de Morlaix, ce groupement n’ayant aucun caractère officiel, ni d’existence légale ; il serait difficile, dans ces conditions, de l’empêcher de se reformer et de se réunir pour la défense de ce qu’il considère ses intérêts essentiels. » Manifestement Tanguy Prigent est la cheville ouvrière de cette opération qui consiste à gagner du temps alors que son adversaire de Guébriant assume toujours les fonctions de syndic régional du Finistère et des Côtes-du-Nord. Utilisant jusqu’au bout toutes les possibilités légales dans un affrontement public assez étonnant sous l’Occupation allemande, Tanguy Prigent dans cette ultime bagarre est déjà sorti de la légalité comme le reconnaît le gouvernement. Depuis des mois, il mène une activité résistante clandestine. Et, quand le 12 octobre 1943, un arrêté ministériel décide l’unification immédiate des coopératives agricoles, c’est par un tract clandestin imprimé que Tanguy Prigent riposte contre les « coopératives-trusts » en appelant à résister à toute fusion80. En réalité, dans les campagnes bretonnes, la Corporation paysanne et Landerneau qui sont devenus les auxiliaires de l’administration du Ravitaillement pour obtenir les livraisons agricoles, se sont discréditées depuis longtemps dans de nombreuses régions du Trégor et du Centre Bretagne. Les syndics sont le plus souvent isolés quand ils ne sont pas rejetés par une population agricole qui refuse de livrer ses denrées « aux Allemands » oubliant souvent leurs compatriotes des villes. Assurément, de l’automne 1940 au printemps 1943, Tanguy Prigent contribue à développer un esprit de résistance à la Corporation vichyssoise. Les réseaux de relations syndicaux et socialistes vont lui permettre de développer parallèlement une action de résistance et bientôt de faire paraître un nouveau journal clandestin. Le plus surprenant sans doute est la durée et l’ampleur de cette opposition tolérée par l’État français vichyssois. Outre la détermination et le courage de Tanguy Prigent, il est probable que la bienveillance du Kreiskommandant Klein n’a pas été étrangère à la longévité des diverses publications animées par le militant syndicaliste et socialiste du petit Trégor.
Notes de bas de page
1 Olivier Wieviorka, Les orphelins de la République. Destinées des députés et sénateurs français (1940-1945), Paris, Seuil, 2001, p. 29-32.
2 CDT de Nantes. Fonds Tanguy Prigent. PRI 19 (bis) et 26 (1). Lettre à Guy Le Normand du 18 mai 1940 et article biographique sur Tanguy Prigent dans le Midi Libre du 23 janvier 1961.
3 Ibidem. PRI 26 (1). Copies de lettres manuscrites de Tanguy Prigent à Guy Le Normand. Son épouse les avait enterrées dans son jardin en 1940 et les a restituées à Tanguy Prigent quand il a voulu écrire ses mémoires.
4 Il écrit le 12 septembre 1939 : « Je veux être comme eux un soldat moyen tout simplement. »
5 Dans une lettre à Guy Le Normand, datée du 18 mai, il écrit : « Les événements se sont singulièrement précipités depuis notre retour du Conseil général, c’est-à-dire depuis huit jours. » Il devait participer à un conseil national de la SFIO à Montrouge qui a été supprimé.
6 Le Breton Socialiste, « Lettre d’un soldat », 23 septembre 1939.
7 Idem, « Espérons quand même ! », 6 janvier 1940.
8 Tanguy Prigent insiste sur son calme et sur sa sérénité acceptant le combat et le sacrifice avec une comparaison étonnante : « Je suis beaucoup plus serein qu’au moment de monter sur les planches dans une grande réunion. »
9 AN 72 AJ 59. Lettre du 18 mai 1940 et témoignage de Tanguy Prigent recueilli par Marie Granet le 10 décembre 1948 pour le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Commission d’histoire de la Résistance. Fonds IHTP. Texte dactylographié de 9 pages. Ce témoignage est essentiel à la connaissance de son action de 1939 à la Libération mais nécessite d’affiner une chronologie souvent floue, voire inexacte.
10 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 109 et lettre à Guy Le Normand du 18 mai 1940.
11 Ibidem, p. 98-99. Dans une lettre à Guy Le Normand du 8 juin nous apprenons que son mentor « l’a supplié » de ne pas se porter volontaire pour le front, p. 99.
12 Dans un autre paragraphe, il parle des « affreux laquais de Staline ». Tanguy Prigent n’échappe pas à la vague d’anticommunisme qui submerge le pays à la fin 1939 et au début de 1940.
13 Lettre à Guy Le Normand envoyée de Clairefontaine (Seins-et-Oise).
14 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 99-109.
15 Il lui écrit : « J’ai pour vous plus d’affection que pour mon propre père. »
16 AN. 72 AJ 59. Témoignage de Tanguy Prigent au CHDGM du 10 décembre 1948.
17 Tanguy Prigent, Le maître de la vanité, op. cit., p. 110. Il cite huit lieux de combat dans la région d’Épernay. Son action lui vaut la croix de guerre avec palmes.
18 Ibidem, p. 111-113.
19 AN. 72 AJ 59. Témoignage de Tanguy Prigent au CHDGM.
20 Olivier Wieviorka, Les orphelins de la République, op. cit., p. 37-39.
21 Dans ses mémoires, connaissant la suite c’est-à-dire la répression du gouvernement de Vichy vis-à-vis de parlementaires considérés comme déserteurs, il parle de piège et de naïveté.
22 Tanguy Prigent est en fait présent à Vichy le 9 juillet, il est certainement parti la veille.
23 Olivier Wieviorka, Les orphelins de la République, op. cit., p. 45-48.
24 Jean Pascal, Les députés bretons de 1789 à 1983, PUF, 1983, p. 520.
25 Ibidem, chap. 2. Listes détaillées en annexes, p. 141-154. Six socialistes s’abstiennent, huit sont partis sur le Massilia et 26 sont absents (24 % du groupe).
26 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 113-118.
27 Les quatre députés de droite ont voté oui, un cinquième V. Inizan n’a pas pris part au vote.
28 Olivier Wieviorka, Les orphelins de la République, op. cit., p. 47.
29 AN. 72 AJ 59. Témoignage de Tanguy Prigent du 10 décembre 1948.
30 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 119.
31 En 1948, Tanguy Prigent parle d’une « attitude systématiquement pro-française » de Klein. Il intervint d’ailleurs par lettre en sa faveur en 1945 auprès du commandement français en Allemagne occupée. Klein obtint un poste de Landgericht, de magistrat au tribunal de Sarrebrück, responsable de la Justice.
32 Tanguy Prigent, Les maîtres de la vanité, op. cit., p. 119-120.
33 Les élites locales dans la tourmente. Du Front populaire aux années cinquante, s.d. de Gilles Le Béguec et Denis Peschanski, Paris, CNRS éditions, 2000.
34 Élites et notables en Bretagne de l’Ancien Régime à nos jours, s.d., Christian Bougeard et Philippe Jarnoux, Brest-CRBC, Kreiz, n° 10, 1999. Christian Bougeard, « Les notables de l’Ouest breton (Finistère-Côtes-du-Nord) des années 1930 aux années 1950 », p. 243-255. Le sénateur-maire de Brest, Le Gorgeu, refuse de voter un hommage à Pétain à la fin décembre 1941 ; suspendu de ses fonctions, il démissionne. Le député socialiste de Landerneau, Jean-Louis Rolland, paul-fauriste qui a voté non, est suspendu de son poste de maire en mars 1942, puis révoqué en octobre pour « hostilité à l’œuvre de la Révolution nationale ».
35 CDT de Nantes. Dossier de Guébriant. Rapport de la Direction générale de la Sûreté Nationale de novembre 1946. Convaincu que son adversaire de Saint-Pol-de-Léon a cherché à le faire interner (2e semestre de 1942 ou début de 1943), Tanguy Prigent demande à son collègue du ministère de l’Intérieur une synthèse reprenant les rapports des autorités françaises sous l’Occupation. Cette demande a été faite par son cabinet le 26 octobre 1946 (AN. F 7/15504) au directeur des RG. Le document conservé aux AN ne comprend que deux rapports de police de l’automne 1943, signalant le départ de son domicile. En fait, Tanguy Prigent ne trouve aucune trace d’une quelconque intervention, ce qu’il signale dans ses mémoires (p. 121) mais il « oublie » de restituer les documents…
36 AN. 7F/15504. Rapport de police et notice biographique de Tanguy Prigent du début 1946.
37 CDT de Nantes. PRI 24 (19). Statuts. Le bureau est aussi composé d’Albert Madec de Hanvec (vice-président), Yves Laviec de Garlan (secrétaire général) et Jean Barazer de Saint-Jean-du-Doigt (trésorier). Yves Le Lann de Plouigneau (secrétaire général adjoint ) est prisonnier.
38 Idem, PRI 23 et Yves Le Thoër, Tanguy Prigent, op. cit., p. 150-165.
39 Id., PRI 23. Collection de Tanguy Prigent. En fait, il a dû être imprimé quelques jours plus tôt car il annonce l’assemblée générale de la coopérative du 27 octobre 1940.
40 Le Bulletin du 10 du mois porte la mention « édition nationale », ceux du 20 et du 30 la mention « édition bretonne » ; le 10 avril 1942 paraît le dernier numéro « édition nationale n° 12 ». L’éditorial du 10 avril 1941 précise que le journal est rédigé par des bénévoles compétents : « Ici, ne paraîtront pas d’articles rédigés par des pantins touchant de grosses sommes dans le seul but d’écrire des âneries. »
41 En page une et deux figurent les éditoriaux et articles généraux. En page deux une rubrique : Aux adhérents de la coopération ; en page trois : Voici des renseignements ; en page quatre : Taxes, foires et marchés avec souvent une chronique consacrée aux prisonniers de guerre tenue au début par Tanguy Prigent.
42 Bulletin, n° 2 et n° 32, 16 novembre 1940 et 30 octobre 1941.
43 Idem, n° 1, 1er novembre 1940, « Pourquoi nous publions le Bulletin ».
44 Isabel Boussard, Vichy et la Corporation paysanne, Paris, PFNSP, 1980. E. Calvayrac et A. Lyonnet sont allés porter au maréchal Pétain, au nom de la CNP, leur programme de rénovation le 10 août 1940, p. 29-31.
45 Le Bulletin, « La loi sur l’organisation corporative de l’Agriculture », « La paysannerie, force de redressement français », « Le problème paysan », « Pour une charte de la paysannerie française » 16 janvier, 16 février, 1er mars et 16 mars 1941.
46 Cette charte est republiée dans le Bulletin du 10 avril 1941, le 1er à diffusion « nationale », et expliquée le 10 mai 1941.
47 Le Bulletin, « Le fauteuil de Dorgères », 16 février 1941.
48 Le rédacteur ne va pas jusqu’à dire que quelques socialistes ont été nommés et vont siéger au Conseil national dont Paul Faure et son camarade L’Hévéder, ancien député de Lorient.
49 Le Bulletin, « L’attitude de l’Office central de Landerneau et la nôtre », 20 mai 1941.
50 Idem, 30 mai 1941. Des réunions d’information sont programmées dans 20 communes avec H. Hémery, J. Morvan, T. Prigent.
51 Id., « Camarades jeunes, sauvez l’honneur et les intérêts de la paysannerie française », 30 juin 1941.
52 Id., « La grande tâche du paysan français », 10 juillet 1941.
53 Id., « La coopération paysanne, école de formation des élites paysannes, doit être sauvée », 20 juillet 1941.
54 Id., « Le congrès extraordinaire », 30 juillet 1941. Romain Boquen, de la CNP des Côtes-du-Nord est présent, mais Lyonnet a été retenu à Paris.
55 Id., Henri Hémery, « Il faudra revenir aux conceptions CNP », 30 août 1941.
56 Id., 20 août 1941.
57 Échange de lettres de la FPF et de Landerneau du 22 juillet, du 4 août et du 14 août 1941. Les deux dernières, imprimées, ont été adressées aux coopérateurs.
58 Bulletin, « Au seuil de l’hiver », 20 septembre 1941.
59 Idem, « Alerte aux coopérateurs », 10 octobre 1941.
60 Id., 30 octobre 1941, 5 pages. L’assemblée générale de la coopérative de Défense paysanne se tient le même jour.
61 Archives privées Mireille Prigent. Dossier Guébriant. Cité par Yves Le Thoër, p. 158-159.
62 Bulletin, « Au seuil du nouvel an », 30 décembre 1941.
63 Idem, « le malaise paysan », 20 janvier 1942.
64 Id., 10 février 1942 et « Une pénible journée », 20 février 1942. A. Lyonnet a publié un éditorial : « Sauvons la coopération, facteur essentiel du redressement du pays. » Tous les textes d’orientation sont republiés le 20 février.
65 Bulletin, E. Jégaden, « Restons confiants et agissons » et A. Lyonnet, « L’avenir de la coopération », 20 mars et 10 avril 1942.
66 Circulaire n° 1, 10 mai 1942.
67 Tanguy Prigent signe sept textes dans les 16 circulaires publiées.
68 Circulaire n° 2 et n° 3, 25 mai et 10 juin 1942.
69 Idem, n° 5 et 6, 10 au 10 juillet 1942.
70 Id., n° 12, 10 novembre 1942. Rapport moral de Tanguy Prigent à l’assemblée générale de la coopérative de Morlaix du 5 novembre.
71 Id., n° 11, 25 octobre 1942.
72 Id., n° 13, 25 novembre 1942.
73 Id., n° 14, 25 décembre 1942.
74 Isabel Boussard, Vichy et la Corporation paysanne, op. cit., première partie.
75 Histoire de la France rurale, t. 4, de 1914 à nos jours, s.d. G. Duby et A. Wallon, Paris, Seuil, 1976, p. 442-449.
76 Isabel Boussard, op. cit., p 196-197 et 210.
77 Circulaire confidentielle n° 2, 10 février 1943.
78 Circulaire, n° 16, 25 février 1943 et Circulaire confidentielle n° 2 du comité provisoire d’entente, 10 février 1943. La Circulaire paraît au moins jusqu’au 25 août 1945 (n° 22) mais ne donne plus que des informations pratiques. Dans les archives de Tanguy Prigent, il manque les numéros 23 à 33. Le n° 34 est daté du 25 mai 1945. Le Bulletin reparaît le 15 novembre 1946 (n° 48) au moins jusqu’en 1948.
79 Yves Le Thoër, op. cit., p. 163.
80 Ibidem, p. 164 et tract « Aux responsables et aux militants de la coopération agricole ».
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