Les femmes de l’ombre : migrantes italiennes et polonaises dans l’entre-deux-guerres
p. 129-143
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Texte intégral
1Silencieuses et frappées du sceau de l’invisibilité, les migrantes cumulent les handicaps et sont l’objet d’un quadruple discrédit tant pour le populaire que pour le savant : elles sont femmes, paysannes, étrangères et pauvres, autant d’éléments expliquant la discrétion des sources les concernant et partant, le peu d’intérêt de la recherche historique à leur égard. Par ailleurs, au nom d’une universalité présupposée, ignorant la différenciation des sexes, il était admis que les expériences féminines étaient similaires à celles des hommes et de ce fait ne modifiaient pas la validité des catégories en usage dans l’analyse des faits sociaux1.
Une absence de légitimité
2D’une façon générale selon les directives appliquées lors des recensements quinquennaux de la population2, les femmes sont individualisées, professionnellement parlant, dans la seule mesure où elles exercent une activité différente de celle de leur conjoint, sinon elles sont comptabilisées comme épouse du chef de ménage. Sur les listes nominatives communales, la manière de les désigner varie d’un endroit à l’autre : elles sont cultivatrices, ménagères, sans profession, preuve de la difficulté à cerner leur identité et leur activité, mais aussi traduction d’une conception du statut de la femme fondé sur le familialisme. En règle générale, le chef de famille se confond avec le chef d’exploitation. Au regard du droit, « être agricultrice n’est pas une profession mais un état matrimonial3 ». En revanche les ouvrières agricoles, les filles de ferme sont considérées comme des salariées et, à ce titre, recensées comme telles.
3Ordinairement, les sources sont masculines, et le silence des femmes et sur les femmes est un obstacle sérieux à leur étude. Alain Girard et Jean Stoetzel coresponsables de la grande enquête de l’INED menée en 1951 sur les immigrés en font l’observation :
« Bien que le document ait été rempli au cours d’échanges où assistaient […] souvent les femmes, et qu’il ait abordé notamment les principaux aspects de la vie familiale, il s’est trouvé centré sur l’homme faute de questions spéciales destinées aux femmes. Cette lacune s’explique par la condition de la femme dans notre société4. »
4Depuis une vingtaine d’années, le concept de genre5 a introduit les femmes comme sujets de l’histoire. Pourtant, malgré une floraison de travaux concernant les activités féminines appréhendées dans leurs aspects les plus divers, les paysannes sont les grandes oubliées, à la différence de la recherche italienne6. Paradoxalement, L’Histoire des femmes fait l’impasse sur cette catégorie de travailleuses renvoyées dans leurs champs au profit des citadines qui sont les actrices du changement de la condition féminine7. Même indifférence de la part des spécialistes des migrations8 alors que les étrangères jouent un rôle important dans le secteur agricole, 29 % des effectifs en 1926, et de plus pâtissent de leur altérité dans cette période de l’entre-deux-guerres marquée par une xénophobie récurrente qui ignore la division des sexes9. Mieux encore, elles sont victimes de leur statut social, souvent inférieur en France à celui de leur pays d’origine10, et parfois de la dimension de leur famille jugée excessive, ce qui suscitait au sein de la population locale un sentiment de mépris mêlé de commisération. J. P. R. raconte : « À notre arrivée en France […] nous avons subi certaines petites humiliations, parce que nous étions plus pauvres que les Français, que nous avions vraiment besoin de travailler11. » En écho, l’une de ses compatriotes du même village renvoie comme un miroir, le regard des autres porté sur elle : « On ne peut pas dire qu’ils ont été méchants, mais ils nous jugeaient un peu inférieurs. Et puis de voir des familles si nombreuses, ils nous prenaient un peu pour… je ne dis pas des gitans, mais presque12. »
Un rôle de premier plan
5Somme toute les migrantes rurales font figure de dominées des dominés, et de ce fait sont hors champ d’une histoire où, au mieux, elles défileraient comme des fantômes. Pourtant leur rôle, quel que soit l’aspect sous lequel on l’envisage, est essentiel dans le processus de migration. Agent actif d’une stratégie familiale au service du projet de départ, elles contribuent à sa réussite comme elles peuvent le mettre en péril. Elles sont sollicitées aux deux extrémités de la chaîne migratoire. Aux « gardiennes » restées au pays, consentant au sacrifice nécessaire d’un long éloignement de leur mari13, échoit l’élevage des enfants, la responsabilité de la petite exploitation s’il en existe une, et la charge de divers travaux assurant de menus revenus, un modèle déjà évoqué par Rose Duroux dans l’Auvergne du xixe siècle14. Mais ces « veuves blanches » au statut peu envié de femme seule, n’ont qu’une indépendance illusoire et demeurent sous la tutelle de leur belle-famille ou de membres masculins de la parenté.
6Certaines femmes partent seules. D’autres, plus nombreuses, accompagnent leur mari ou le rejoignent avec leurs enfants, ce qui soude la cellule familiale. Souvent elles travaillent, permettant au ménage de constituer des économies nécessaires à la réalisation du projet initial. Mais il peut échouer si la migrante ne parvient pas à surmonter la déchirure de la rupture avec ses attaches d’origine, ou si elle ressent la froideur du milieu d’accueil. Enfin leur rôle n’est pas moins grand dans le processus d’intégration qu’elles peuvent freiner ou au contraire favoriser.
Le choc du nombre
7La mesure quantitative des effectifs des migrantes n’est pas chose facile en l’absence de sources spécifiques et continues. Seuls les recensements généraux de la population15 autorisent une étude sérielle des étrangers, mais il s’agit d’une photographie renouvelée tous les cinq ans16. Malgré les biais de cette source17, elle demeure un instrument de connaissance indispensable du phénomène migratoire, tout en sachant que les chiffres indiqués ressortissent davantage d’un ordre de grandeur que d’une exactitude rigoureuse18.
8D’après le recensement de 1931, les femmes occupées dans le secteur agricole représentent 22,5 % de la population active étrangère féminine ; le pourcentage est nettement inférieur pour les hommes : 15,6 %. Globalement des années 1920 aux années 1930, les femmes fournissent 28 % à 30 % des effectifs étrangers de l’agriculture.
9En dépit de l’appartenance des travailleuses des champs à diverses nationalités : espagnoles, saisonnières belges – rarement citées – filles de ferme tchécoslovaques ou yougoslaves venues en France à la suite d’accords gouvernementaux19, il ne sera fait mention que des Italiennes et des Polonaises, les deux groupes les plus nombreux. Les premières représentent en effet en 1931 et 1936 respectivement 30 % et 34 %, les secondes 24 % et 28 % des quatre nationalités20, fournissant l’essentiel des effectifs. Par ailleurs, au-delà de certaines analogies caractérisant les trajectoires des migrantes venues de pays différents et implantées ordinairement dans les zones de cultures peuplantes, il nous a paru intéressant de fonder notre analyse sur l’opposition de deux modèles migratoires, l’un celui des femmes italiennes à structure familiale dominante, l’autre celui des isolées, jeunes filles et jeunes femmes polonaises venues en grand nombre, comme les Slovaques et les Yougoslaves21. Ce phénomène est observé par A. Demangeon et G. Mauco en 1939 : « Dans la commune d’Annapes [région du nord], les polonais sont généralement mariés. L’homme ou la femme reste en Pologne garder les enfants, l’autre conjoint vient travailler en France22. » Aussi bien les Polonaises représentent-elles dans le recensement de 1931, où l’immigration est à son zénith, 49 % des effectifs masculins contre 42 % chez les Italiennes. Dans le département d’Indre-et-Loire en 1930, selon le Service de répartition départemental de la main-d’œuvre étrangère, 110 Polonaises ont été embauchées contre 81 de leurs compatriotes. En 1931, les chiffres sont respectivement de 283 et de 198, les arrivées les plus nombreuses se situant en juin et juillet23.
10La nature de l’opposition se précise dans d’autres domaines : celui de la temporalité car dès le dernier tiers du xixe siècle, la présence des Piémontaises est confirmée dans le Sud-Est. En revanche, si les ouvriers agricoles polonais font leur apparition en 1910, il faut attendre l’après-guerre pour assister au flux des migrantes en provenance de l’est. Du côté italien, une longue tradition de séjours en France, plusieurs cycles migratoires s’échelonnant jusque dans les années 1960, de l’autre un cycle court, s’achevant avec la Seconde Guerre mondiale et la mise en place du rideau de fer. D’une part des Italiennes, choisissant le moment et le lieu de leur destination, saisonnières ou installées dans la longue durée comme dans ce Sud-Ouest dépeuplé, aux terres en friches données en métayage à des milliers de transalpins ; d’autre part des « permanentes24 » recrutées sur contrat. Différence encore du statut social, totalement inversé, lié à l’ancienneté du courant migratoire et à la nature des besoins de l’agriculture : 75 % des premières figurent comme « chef d’établissement », et il faut classer dans cette rubrique essentiellement les épouses d’exploitants, 83 % des secondes appartiennent au prolétariat. Enfin la variable espace et la nature des travaux creusent encore les différences : le Sud-Est et le Sud-Ouest constituent les zones d’implantation des Italiennes, les départements au nord de la Loire, celui des Polonaises dont beaucoup viennent de Galicie. Selon le recensement de 193625, dans le département de l’Aisne, elles sont au nombre de 2573, soit 55 % de l’ensemble des travailleurs de cette nationalité ; avec 2379 individus dans le département du Nord, elles atteignent 58 % de l’effectif global ; il tombe à 32 % dans l’Oise, 28 % en Seine-et-Marne, mais remonte à 38 % dans la Somme et avec 2024 femmes contre 1445 hommes dans le Pas-de-Calais, le pourcentage est analogue à celui du Nord. Dans ces régions de grosse culture qui combinent la production céréalière et betteravière avec l’élevage, le rôle de la main-d’œuvre féminine est fondamental dans les emplois de vachères, de bonnes de ferme, de bineuses et d’arracheuses de betteraves, sans oublier la participation à la moisson.
La force des stéréotypes
11Les patrons, dans leur majorité, apprécient les qualités de ces ouvrières et en donnent une image positive26. Leur courage et leurs capacités sont le plus souvent mis en avant : elles sont dociles, robustes, capables de travailler comme des hommes auxquels elles sont parfois préférées. Elles sont « bonnes vachères, font de longues journées, travaillent le dimanche à des travaux sales et fatigants27 ». Leur rusticité ou supposée telle aux yeux des exploitants, qui en font un attribut « naturel » de ces étrangères, est un autre atout en faveur de leur embauche : il dispense de faire des frais pour leur assurer de conditions matérielles correctes dans la mesure où « elles s’accommodent de toutes les sortes de nourritures et de logement […] et [qu’]elles aiment autant coucher sur la paille que dans un lit28 ». À partir du moment où la rudesse des Polonaises est tenue pour vraie, les exploitants éprouvent moins de scrupules à leur confier des travaux masculins.
12Dans le Sud de la France, les Polonaises s’effacent devant les Italiennes, originaires du Nord du pays, de la Toscane. Leur implantation recouvre un large espace, des Alpes au piémont pyrénéen avec de fortes densités dans le Midi méditerranéen et le Midi aquitain. 22 170 d’entre elles sont concentrées dans onze départements où elles représentent 34 % du total de la population active italienne29, mais ici encore, les variations locales ne sont pas négligeables. Pour ne prendre que quelques exemples, le Lot-et-Garonne où prédomine le métayage leur fait la part belle. Elles sont 4 066, soit 41 % du total, un pourcentage que l’on retrouve dans l’Aude et en Gironde, mais avec des effectifs bien inférieurs en nombre respectivement 866 et 1 161. On en recense 3 256 dans les Alpes-Maritimes, et 2 778 dans le Var, deux départements qui s’alignent sur la moyenne générale, 1 788 dans les Bouches-du-Rhône, soit un taux de 27 % par rapport à l’ensemble des actifs.
13Ces diverses régions se caractérisent par l’importance du faire-valoir direct dans le cadre de la petite exploitation et du faire-valoir indirect avec le système du métayage. Dans les deux cas, et surtout dans le dernier fondé sur la polyculture comme dans le Lot-et-Garonne ou dans le Gers, la main-d’œuvre familiale est essentielle. Elle l’est aussi dans les zones de cultures spécialisées et à haute valeur commerciale des terres du Sud de la France. Déjà l’enquête sur les salaires agricoles de 1912 évoque l’importance des saisonnières venues dans divers départements dont celui de l’Ardèche pour la récolte des olives et la cueillette des fleurs30. Ce même type de culture est pratiqué dans les Alpes-Maritimes, mais par une main-d’œuvre féminine fixée dans le pays. Enfin, lors des vendanges dans le Gard ou l’Hérault, il est fait appel à des milliers de migrantes. Le développement des cultures spéculatives durant les années 1920-1930 accentue encore les besoins de personnel et la fixation d’Italiens dans des campagnes délaissées par les autochtones.
14Ainsi dans l’imaginaire collectif, la cueillette devient la caractéristique essentielle des travailleuses italiennes. Cette activité requiert habileté, agilité, délicatesse du toucher, autant de qualités féminines dont elles sont porteuses et qui font bon ménage avec leur coquetterie et leur art consommé de la danse31, bref une légèreté aux antipodes des qualités viriles attribuées aux Polonaises. Une nouvelle fois, l’imaginaire collectif oppose deux catégories d’étrangères. Mais ici encore, il s’agit d’une vision stéréotypée dans la mesure où l’activité des travailleuses d’outre-monts va bien au-delà de la seule cueillette, en particulier dans le Sud-Ouest où se sont installés de nombreux colons dans des exploitations fondées sur la polyculture.
Travailler comme un homme
15L’enquête de l’INED32 déjà évoquée permet de reconstituer des trajectoires familiales où se lit en creux l’activité féminine. Née en 1900 dans une famille rurale de cinq enfants, X, après son arrivée en France, se marie à 25 ans avec un ouvrier agricole venu de la région de Plaisance dont elle a trois enfants. Installé à Condom (Gers), le couple voit son statut social évoluer favorablement puisqu’il devient fermier propriétaire, après avoir été domestique puis métayer. Pour s’occuper de 32 hectares en polyculture et du soin de 14 animaux, il n’y a que deux hommes (dont un valet, remplaçant le fils parti au service militaire) et l’épouse du chef de ménage qui « n’arrête jamais33 ».
16La fabrication du charbon de bois, d’avril à octobre, contrairement à une opinion commune, n’est pas du seul ressort des hommes. Disséminés dans les massifs forestiers où ils construisent une cabane rudimentaire pour la saison, et particulièrement nombreux dans les années 1920-1950 dans les départements de l’Isère et de la Drôme, les charbonniers, en provenance pour la plupart de la région de Bergame et de la Vénétie des montagnes34, viennent en équipe mais aussi en famille. G. F. installé dans le Vercors égrène ses souvenirs :
« Sur le chantier il y avait mes parents, ma sœur, mon frère et moi l’aîné. Il y avait aussi ma grand-mère venue pour faire du charbon. Il y avait ma tante Thérèse, et puis T.F (un cousin germain) qui faisait du charbon avec sa mère. […] On travaillait en tandem […] ma mère […] avec ma grand-mère […] mon père avec mon oncle. Ils abattaient le bois et faisaient la charbonnière. Ma mère a abattu du bois jusqu’en septembre et elle a accouché de mon frère, le quatrième, en novembre35. »
17On le voit, les femmes ne sont pas les dernières à contribuer à la réussite de l’entreprise. La chaîne opératoire des travaux de charbonnage est complexe et nécessite la participation de tous36. Ce métier qui suppose la longue acquisition d’un savoir-faire et une véritable culture de la forêt, se transmet souvent de génération en génération et pas seulement par les hommes comme le montre cet exemple parmi d’autres : « Ma famille est originaire de Solagna. Mon père était cultivateur, et ma maman […] fille de charbonnier, et c’est elle qui lui a appris le métier. Ma mère est née dans la forêt, sa famille faisait du charbon depuis des générations. […] Dans la famille, c’est une tradition37. »
18Ces divers témoignages, parmi d’autres, mettent à mal la vision convenue de travaux spécifiquement féminins telle la cueillette, et invitent à revoir sérieusement la notion de complémentarité des tâches, et par là même le statut social des femmes.
Femmes soumises
19Si l’on se réfère aux étapes de l’historiographie concernant le genre, l’opposition est nette entre les premières recherches attentives à la femme soumise, victime de l’oppression, de l’exploitation, d’une domination subie au-dehors comme au-dedans, et la seconde génération de travaux où au contraire l’accent est mis sur la femme forte, au caractère trempé, voire héroïque ou rebelle comme sur les activités qu’elle exerce. Ces deux problématiques peuvent parfaitement s’appliquer aux travailleuses étrangères.
20Soumises et acceptant les normes dominantes, elles sont d’abord ménagères, mères, gardiennes du foyer, des traditions et de l’identité originelle. Ce cantonnement dans un rôle subalterne au service de la famille, selon une vision traditionnelle des rapports masculins/féminins38 est parfois tellement ancrée, qu’il suscite encore maintenant chez certaines émigrées une adhésion sans faille teintée de nostalgie39.
21L’intériorisation des valeurs religieuses et des codes sociaux éclaire le comportement démographique des Polonaises et des Italiennes. Issues de familles nombreuses, les femmes ont tendance à reproduire le modèle parental. Selon l’enquête de l’INED de 1951, dans le département de l’Aisne, 45 % des ouvrières agricoles polonaises de l’échantillon ont trois et quatre enfants contre 24 % chez les familles d’agriculteurs indigènes40. Le cas des Italiennes du Lot-et-Garonne est encore plus significatif : 49 % d’entre elles ont plus de quatre enfants contre 14 % des autochtones41. Un taux de fécondité également explicable par la forte empreinte religieuse dont témoignent nombre de migrantes, une religion également conçue comme un moyen de conserver des repères après le déracinement et de trouver un refuge identitaire42 : « Nous, on était pratiquant […] je sais que maman avait dit à papa : “Trouve-nous quelque chose pas loin de l’église pour que nous puissions y aller43.” » La ferveur religieuse n’est pas moindre chez les journalières polonaises et peut verser dans l’exaltation.
22Autre survivance de comportements socioculturels originels, l’état de subordination des femmes soumises à l’autorité paternelle ou maritale, en particulier chez les migrants italiens. Dans la vie quotidienne, cette infériorité se traduit par le mode de gestion du budget du ménage : « En général, les chefs de famille […] ne laissent ce soin à personne et ont la garde du porte-monnaie44. » Le « patron » selon la mode italienne accompagne sa femme lorsqu’elle doit faire des achats et il paie45.
23Si les femmes seules ne vivent pas cette infériorisation, elles subissent en revanche d’autres contraintes. De ce point de vue, le cas des ouvrières polonaises est révélateur. La situation souvent pénible dans laquelle elles se trouvent : isolement, incommunicabilité, surmenage, mal du pays, frustrations, harcèlements et violences sexuels entraînent des troubles pathologiques. Après de laborieux pourparlers entre les gouvernements polonais et français et l’application par le premier de quotas d’émigrantes, un accord est finalement trouvé, prévoyant entre autres la création en décembre 1928 d’un Comité départemental d’aide et de protection des femmes immigrantes ; il se compose de personnalités bénévoles secondées par une inspectrice parlant polonais46. En 1931, il en existe une quarantaine, la plu-part sont fantomatiques ; en revanche celui d’Indre-et-Loire bénéficie d’une inspectrice zélée, Mme Duval, qui a laissé plusieurs rapports sur son activité entre 1930 et 1934 et une abondante correspondance avec les patrons et les ouvrières jusqu’en 1938.
24Volontiers moralisatrice dans ses relations avec les ouvrières, attentive à leurs doléances tout en les sermonnant, elle déplore les conditions qui leur sont faites dans certaines fermes et dénonce l’exploitation dont elles sont l’objet :
« Comment s’étonner que quelques-unes […] de ces filles auxquelles toutes distractions, tout plaisir, même les plus innocents comme celui de causer avec une compatriote est refusé, que l’on réduit à l’état de bêtes se laissent aller au seul plaisir qui leur reste et que le contact des hommes qu’elles côtoient journellement rend inévitable. […] J’ai en ce moment à la maternité, 7 mères abandonnées47. »
25Dans une lettre adressée aux autorités de tutelle48, elle constate que « souvent les patrons très gentils avec les ouvriers français, le sont bien moins avec les étrangères considérées un peu comme des esclaves rivées à leur maison pour un an49 ». Certains agriculteurs ne respectent pas les clauses du contrat fixant les tâches dévolues aux migrantes. Parmi les nombreuses doléances adressées à Mme Duval, retenons celle de l’ouvrière G. :
« [Elle] m’a écrit tout dernièrement que ses patrons étaient devenus très exigeants : elle travaille de 4 heures du matin à minuit. Depuis 8 mois chez eux, elle n’est allée que six fois à l’église, qu’on lui réserve pour dimanche tout le travail de la maison ; que l’après-midi elle va dans les champs, mène les chevaux et ne plus y tenir50. »
26Généralement, les conflits portent sur la durée et la nature du travail, sur des gages non payés (on argue de la crise économique), le repos du dimanche, les fêtes à observer, et sur la dureté des patrons qui eux-mêmes se plaignent du mauvais vouloir de leurs employées.
27Dans les exemples précédents, Italiennes et Polonaises incarnent le statut subalterne des femmes dans la société, tel qu’il a été dénoncé dans les premiers travaux fondés sur une vision sexuée de l’Histoire : soumission aux codes sociaux de l’autorité maritale, au pouvoir patronal avec tous les excès qu’ils engendrent. Ces étrangères répondent aussi à des stéréotypes convenus : passives, suivistes fortement attachées aux pratiques culturelles de leur pays d’origine : dévotions ostentatoires, fidélité à la langue maternelle et aux habitudes culinaires régionales51, d’où leur repliement sur la communauté. L’enquête de Girard et Stoetzel est l’une des premières à réactiver ces clichés52 repris partiellement par des chercheurs53. En somme des travailleuses agricoles qui constitueraient un obstacle à l’intégration, cette fameuse problématique dont les études sur le champ migratoire ont du mal à se départir.
Fortes femmes
28Et pourtant bien des trajectoires s’érigent en contre modèles. La participation de la très grande majorité des femmes aux diverses activités agricoles et en particulier le travail d’homme auquel se livrent les charbonnières, bûcheronnes à leurs heures, a déjà été évoquée. Le rôle des femmes dans l’acculturation, un enjeu pour le devenir familial, doit être également revisité. Loin de la ralentir, elles en seraient un vecteur privilégié54.
29Dans sa thèse, Gérard Claude évoquant l’autorité de la mère au foyer dans les sociétés méditerranéennes, insiste sur le rôle particulier des femmes dans le processus d’intégration : « À la maison on ne parlait jamais l’italien, car ma mère ne voulait pas ! elle parlait le français55 » dit l’une d’entre elles. Souvent ces Italiennes progressent plus vite que leurs maris car pour assurer le quotidien, elles sont nécessairement en contact avec le voisinage, les commerçants, parfois l’institutrice et sont contraintes de « se jeter à l’eau » comme l’indique, parmi d’autres témoignages, la monographie consacrée à Nelle, originaire de Vicence, installée depuis 1931 dans un village de l’Aude.
30Loin du stéréotype d’une femme passive, vivant sous la tutelle maritale ou de la parentèle, elle est un modèle de débrouillardise et d’initiative. À 24 ans, Nelle part avec ses deux garçons et un nourrisson rejoindre son mari ouvrier agricole. Lors d’un voyage mouvementé, ayant perdu l’adresse de sa destination, elle conserve toujours son sang-froid et finit par arriver dans la maison, assez misérable, où le couple ne dispose que d’un matelas, d’un bol et d’une cuillère. Privée de deux mois du salaire de son époux car le patron, contrairement à l’engagement pris, se rembourse d’abord des frais du voyage, elle trouve une aide matérielle auprès de familles espagnoles, contacte les voisins pour trouver du travail et se trouve embauchée à la terre. Les rencontres féminines à la fontaine, au lavoir, lui permettent peu à peu de se faire comprendre. Dès lors, elle n’hésite pas à discuter avec les cultivateurs, à se renseigner à la mairie quand cela s’avère nécessaire. Nelle « investit l’espace social dans toute sa diversité, crée les liens, les solidarités, des réseaux56 ». D’autres compatriotes ont appris le français en allant vendre leurs œufs et leurs volailles au marché.
31Les femmes assument également des responsabilités bien éloignées de leur « domaine réservé ». Que dire de ces Polonaises mariées57, chargées d’enfants, qui, à la différence des Italiennes, laissent au loin les leurs pour travailler en France afin d’assurer un revenu vital pour le ménage ou de garantir le succès d’une stratégie familiale de promotion ? Elles affrontent, non sans risques une double rupture : avec la terre natale, avec leur foyer, parfois pour deux ou trois ans par renouvellement de leur contrat. L’éloignement et la solitude sont acceptés, un sacrifice qui doit permettre, du moins le pense-t-on, la réussite du projet initial. Venue en France en octobre 1930, M. B. âgée de 27 ans est vachère à Abilly (Indre-et-Loire). Son mari et son fils de 5 ans sont restés avec ses parents en Pologne. Le couple a une petite propriété et elle veut gagner de l’argent : régulièrement elle envoie ses économies à son conjoint. Très robuste, c’est « une vraie femme de la campagne58 ». Il est vrai que certaines de ses compatriotes, plus fragiles sombrent dans la neurasthénie, sont hospitalisées, ou s’enfuient de la ferme où elles étaient embauchées.
32D’une tout autre manière, les récriminations des exploitants concernant la qualité du travail de leurs ouvrières, les conflits qui les opposent peuvent être interprétés comme une forme de refus de ces dernières de se soumettre à des contraintes jugées excessives, des actes de rébellion, sorte de substitut à une grève impossible. C’est à travers les doléances des patrons mais aussi des appréciations négatives de l’inspectrice Duval qu’il convient de lire ces phénomènes de résistance.
« Les mauvaises têtes ne s’embarrassent pas de scrupules, se couchent se disant malades, vont se plaindre aux gendarmes ou écrivent à leur consulat des mauvais traitements qu’elles ne subissent point, elles s’enfuient de façon qu’on ne les retrouve plus, etc. Comme elles mettent de la mauvaise volonté au travail et que la colère de leur maître ne leur fait pas peur, on les déplace car le patron est mécontent de leur service59. »
33Les ouvrières jouent également sur la concurrence que se font entre eux les cultivateurs, toujours en quête de main-d’œuvre60.
Faux-semblants
34Il reste à aborder un dernier aspect des conséquences des migrations : celui des rapports de pouvoir à l’intérieur de la famille et particulièrement du couple. Dans quelle mesure, la place éminente des femmes dans le processus migratoire peut-elle les modifier ? Incontestablement, elle entraîne une rupture du statut du ménage ; les frontières de genre sont brouillées en raison de l’appropriation par ces dernières de tâches « naturellement » masculines comme biner les betteraves, conduire les chevaux, ou charbonner. À l’inverse, des migrants en l’absence de leurs épouses s’attellent à des besognes féminines : laver leur linge, faire la cuisine61. Substitution encore des rôles quand des femmes partent seules travailler à l’étranger et exercent en quelque sorte les responsabilités du chef de ménage.
35Au contact de la population locale émergent certaines formes d’émancipation. Il en est ainsi de la gestion du budget confisqué par les hommes dans la péninsule italienne, mais cogéré dans le Lot-et-Garonne par 29 % des couples et même passé sous le contrôle des femmes dans 23 % des cas. Le pourcentage est infiniment plus élevé chez les ménages d’ouvriers agricoles polonais62, très proche du cas français, en raison de rapports familiaux moins codés et moins hiérarchisés que dans les sociétés méditerranéennes. Le comportement démographique des autochtones n’est pas sans influencer celui des jeunes italiennes qui ne souhaitent pas reproduire le modèle maternel et les grossesses répétées. Nelle n’est pas la dernière à adopter des pratiques malthusiennes. Au curé qui la soupçonne, elle rétorque que désormais « elle ne le fait plus à l’italienne mais à la française63 ».
36Les travailleuses italiennes apprécient, dit-on « la liberté de pouvoir faire ce qu’elles veulent sans le contrôle des parents ou des voisins64 ». Certes les saisonnières venues pour les vendanges peuvent éprouver ce sentiment. Mais qu’en est-il des Piémontaises et des Vénitiennes installées durablement dans les métairies de l’Aquitaine occupées par des proches ou des familles venant du même village. Peut-on échapper aux commérages qui font et défont les réputations, et contraignent à rentrer dans le rang ? Les jeunes Polonaises échappent à ce dilemme. Loin de leur village, elles ignorent toute contrainte, mais en réalité leur degré de liberté se mesure à l’aune du bon vouloir du patron auquel elles sont liées pour un an. Personne ne peut leur offrir une relative protection en l’absence de médiateur, rôle assumé par l’inspectrice Duval, ou d’une structure de groupe ou d’un système de réseaux caractéristique de la migration italienne.
37S’il est malaisé de faire le départ entre le sentiment de liberté et la réalité de cette liberté, il est encore plus difficile de saisir l’incidence des nouvelles responsabilités assumées par les femmes sur les rapports d’autorité au sein du couple. Rallument-elles la guerre de la culotte, cette fameuse Image d’Épinal où un mari et sa femme cherchent à s’approprier, bâton à l’appui, ce symbole du pouvoir dans le ménage ? En ce domaine, faute de croiser des témoignages, forcément subjectifs et d’autant plus rares qu’il s’agit d’une période déjà lointaine, seules des hypothèses peuvent être formulées. Il existe probablement une différence de degré d’autonomie entre les femmes de charbonniers, fortement impliquées dans un travail commun ou restées au pays, habituées à l’absence régulière de leur conjoint pendant près de six mois, les ouvrières polonaises en rupture de foyer conjugal durant une année, et les femmes de métayers enfermées, au moins dans un premier temps, dans un type de relation hiérarchique qui reproduit, peu ou prou celui de la région de départ65. De ce point de vue, on pourrait dire que les valeurs et les comportements inhérents à un certain statut social ont d’autant plus de chance d’être transmises que ce dernier, toutes choses égales d’ailleurs, est plus élevé.
38En définitive, dans quelle mesure l’expérience migratoire est-elle émancipatrice ? Trois variables sont à prendre en considération : la durée de l’expérience dans le pays d’accueil, l’âge de l’individu à l’arrivée et le phénomène générationnel. Les personnes d’un certain âge restent repliées sur le foyer : « Mes grand’mères […] quand elles sont arrivées là […] à qui parler ? […] qui voir ? Quand on est jeune, on se lie vite, à l’école, on sort. Mais là elles ne sortaient pas. Ma grand’mère paternelle, je la voyais soumise […] parlant seulement le dialecte66. »
39Les jeunes filles arrivées très jeunes ou nées en France, bousculent l’ordre hiérarchique familial grâce à leur maîtrise de la langue à laquelle elles initient leurs parents67. Ce sont elles qui intègrent le plus volontiers les modèles de la société environnante. Celles qui résident notamment dans le Lot-et-Garonne ont constamment sous les yeux des familles indigènes réduites à un ou deux enfants. Le mariage avec un Français, outre les divers avantages qu’il procure semble un moyen efficient de rompre avec la tradition et donne le sentiment d’un certain libre arbitre en matière de procréation.
40La génération intermédiaire des mères est celle dont le statut est le plus ambivalent ; du fait de l’appartenance à deux espaces culturels, elles sont tiraillées entre les liens affectifs conservés avec leur pays natal et ses traditions, et l’influence qu’exercent sur elles au quotidien les pratiques du milieu d’accueil. Elles « doivent faire preuve à la fois d’une conduite conforme aux rôles traditionnels et des capacités de “se débrouiller” dans la société d’accueil68 ».
41En définitive, l’accomplissement de tâches et la charge de responsabilités ordinairement considérées comme spécifiques du domaine masculin n’ont pas véritablement remis en cause les rôles traditionnels dévolus aux femmes. En la matière est éminemment symbolique le précédent des paysannes françaises, les fameuses « gardiennes » qui lors de la guerre de 1914-1918, assurant la gestion de l’exploitation en lieu et place de leur mari mobilisé, n’ont pas connu un changement de leur statut après le conflit69. Le modèle de la femme au foyer, celui du mari détenteur de l’autorité reste très prégnant dans les représentations sociales et est fortement intériorisé par nombre de migrantes qui n’ont pas osé s’aventurer trop loin sur le chemin de l’émancipation ou n’ont pas vu d’autre alternative à leur condition. Si dans la pratique les migrations de l’entre-deux-guerres furent l’occasion d’une participation plus active des conjointes aux prises de décision et à l’exercice de nouvelles responsabilités, leur identité sociale n’en a pas été bouleversée70. Leur nouveau rôle a été occulté par les contemporains et les statisticiens qui n’ont modifié en rien dans les recensements les catégories existantes. Elles sont restées des femmes dans l’ombre.
Notes de bas de page
1 S. Magri et E. Varikas, « Femmes, genre, histoire », Genèses, 1991, p. 2.
2 Résultats statistiques du recensement général de la population, Statistique générale de la France, Paris, Impr. nationale.
3 C. Bard, Les femmes dans la société française au xxe siècle, Paris, A. Colin, 2001, p. 62.
4 A. Girard et J. Stoetzel, Français et immigrés, l’attitude française. L’adaptation des Italiens et des Polonais, Paris, INED, Travaux et Documents, Cahier n° 19, PUF, 1953, p. 71.
5 Il a donné lieu à une abondante littérature. Parmi les derniers travaux qui constituent une mise en perspective de la question : M. Riot-Sarcey, « L’historiographie française et le concept de genre », Revue d’histoire moderne et contemporaine, oct.-déc. 2000, p. 805 sq.
6 Cf. par exemple le numéro spécial (n° 12) des Annali, 1990, Instituto Alcide Cervi, Rome.
7 G. Duby et M. Perrot (dir.), t. 5 : Le xxe siècle, Paris, Plon, 1992.
8 Quelques thèses d’histoire régionale portant sur l’immigration effleurent le sujet.
9 À Saint-Julien en Vercors dans les années 1960, la femme d’un habitant du village venue dans les années 1930 était encore appellée l’« Italienne ».
10 Majoritairement, les migrants appartiennent à des familles nombreuses de petits propriétaires, de fermiers ou de métayers.
11 M. Rouch, « Un village du Sud-Ouest dans l’entre-deux-guerres : la sociabilité des immigrés italiens à Monclar d’Agenais », P. Milza (dir.), L’immigration italienne dans les années 1920, Paris, Éd. du CEDIE, 1988, p. 260.
12 Ibid.
13 Cet aspect longtemps négligé du phénomène migratoire, retient depuis quelques années l’attention des chercheurs italiens. Cf. notamment G. Letizia et A. Gagliardi, « Une réalité oubliée : les femmes de la Campanie », Migrants-formation, n° 105, 1996, p. 92-94.
14 R. Duroux, « Femme seule, femme paysanne, femme de migrant », Le Paysan, Paris, éd. Christian, 1989, p. 145-170.
15 Pour la période qui nous concerne ceux de 1921, 1926, 1931, 1936.
16 Pour saisir la population étrangère dans sa dynamique, il faut se reporter à une autre source : les statistiques de la main-d’œuvre étrangère (MOE) mais cette source ne porte que sur les entrées et les sorties contrôlées.
17 Sur la valeur et les limites des recensements concernant l’immigration, E. Guichard, « Manières de voir, manières de compter dans les recensements de 1931 et 1936 », E. Guichard et G. Noiriel (dir.), Construction des nationalités et immigration dans la France contemporaine, Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1997, p. 79 sq.
18 Lors du recensement de 1926, on dénombre dans la catégorie professionnelle « pêche, forêts et agriculture », 152 758hommes et 60 908 femmes.
19 Ils correspondent à des pays qui se situent dans la zone d’influence française de l’Europe de l’Est et des Balkans.
20 Il s’agit des nationalités belge, espagnole, italienne, polonaise.
21 Bien entendu, la réalité est plus complexe. Nous avons évoqué le cas des femmes de migrants italiens demeurées au pays. D’un autre côté il existe évidemment des ouvriers agricoles polonais venus en famille, mais on peut tenir pour vrai l’opposition indiquée plus haut.
22 A. Demangeon et G. Mauco, Les étrangers dans l’agriculture française, Paris, Hermann, 1939, réponse de la commune d’Annapes, p. 326.
23 AD Indre-et-Loire, 10M17-28, Comité d’aide et de protection aux femmes immigrantes employées dans l’agriculture, 10M18, Liste des ouvriers et ouvrières polonais, tchèques et yougoslaves envoyés en Indre-et-Loire (1930-1935), Dossier des femmes étrangères : A à D.
24 L’appellation de « permanentes » correspond à une embauche ne dépassant pas un an mais renouvelable.
25 Tableau XXXII, « Étrangers travaillant en France suivant la situation, l’industrie ou la profession, le sexe et la nationalité », p. 259. Ce recensement reflète les effets de la crise économique sur les étrangers en raison d’une législation restrictive. Alors que le nombre des femmes employées dans les industries de transformation diminue de 111 623 à 75 118 entre 1931 et 1936, l’agriculture, preuve de l’incompressibilité du marché du travail dans ce secteur, bénéficie d’un apport de main-d’œuvre supplémentaire ; le nombre des travailleuses de la terre augmente, passant de 69 090 à 85 391, soit un accroissement de près d’un quart contre 7 % seulement pour les hommes.
26 Cf. enquête de Demangeon, op. cit.
27 Ibid., réponse du canton de Valenciennes, p. 83.
28 Ibid., réponse de la commune d’Eppe-Sauvage (Nord), p. 141.
29 Alpes-Maritimes, Aude, Bouches-du-Rhône, Dordogne, Haute-Garonne, Gers, Gironde, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne, Var, Vaucluse.
30 Ministère de l’Agriculture, Office de renseignements agricoles, Enquête sur les salaires agricoles, Paris, 1912, p. 37.
31 A. Demangeon et G. Mauco, op. cit., p. 412.
32 Nous avons reçu, du directeur de l’INED, l’autorisation de consulter les sources primaires ayant servi à l’élaboration de l’enquête.
33 Enquête de l’INED, dossier 52.
34 On recense des Bergamasques dès la fin du xixe siècle, des Vénitiens dans les années 1920.
35 P. Hanus, Je suis né charbonnier dans le Vercors, Petite histoire des hommes de la forêt, éd. Parc national régional du Vercors, 2000, interview de G. F., p. 140.
36 Ibid., p. 139-155.
37 Ibid., interview de S. S. de Villard-de-Lans, p. 108.
38 G. Campani, « La grande majorité des femmes disent avoir quitté le pays pour suivre ou rejoindre leur mari », Les réseaux familiaux, villageois et régionaux des immigrés italiens en France, thèse d’ethnologie dactyl., université de Nice, 1988, p. 176.
39 Y. Manzoni, D’Italie et de France. Récits de migrants en Dauphiné 1920-1960, Presses universitaires de Grenoble, 2001, p. 144.
40 INED, op. cit., « Ouvriers agricoles polonais dans l’Aisne », p. 406.
41 Ibid., p. 347. S’agissant de métayage, les propriétaires français ont pu exiger la venue de familles nombreuses pour avoir suffisamment de bras. Pour autant le taux de fécondité des Italiens est élevé.
42 L. Teulières, Français et Italiens dans la France méridionale de la fin de la Grande Guerre au sortir de l’occupation : opinion et représentations réciproques, thèse dactyl., univ. de Toulouse-Le Mirail, 1997, p. 233. (Réduite, cette thèse a donné lieu à un ouvrage : Immigrés d’Italie et paysans de France, 1920-1944, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2002.).
43 Ibid., témoignage de S. S.
44 Enquête INED, dossier 77. Dans 47 % des cas étudiés, le mari tient les cordons de la bourse (contre 23 % pour les femmes).
45 Ibid., dossier 50.
46 JO, lois et décrets, 27 janvier 1929, p. 1046.
47 Rapport dactyl. de Mme Duval, 31 janvier 1931, AD Indre-et-Loire, 10M17 (rapports d’inspection), p. 10.
48 Le service de la main-d’œuvre du ministère de l’Agriculture.
49 Lettre du 28-04-1934, AD, 10M24.
50 AD, 10M17.
51 C. Brisou, « Confit ou coppa ? L’alimentation à l’épreuve du contact des cultures gasconne et italienne », P. Guillaume (dir.), L’immigration italienne en Aquitaine, Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, 1988, p. 154-156.
52 Girard et Stoetzel, op. cit., p. 71-7c2.
53 Par exemple G. Claude, Les étrangers en milieu rural. Un siècle d’immigration italienne et espagnole en Provence, 1850-1940, thèse dactyl., université de Provence, 1992, p. 364 ; Teulières, Français et Italiens dans la France méridionale, op. cit., p. 234.
54 L’enquête de A. Demangeon comme celle de Stoetzel en fournissent des exemples.
55 G. Claude, op. cit., interview de N. G. de Pelissane, p. 402.
56 M. F. Brive, « Le rôle des femmes dans l’intégration des Italiens entre les deux guerres ; une étude de cas », L’immigration italienne en France dans les années 1920, Paris, p. 352. Cf. aussi pour la fin des années 1950 l’exemple de Virginia, in Y. Manzoni, D’Italie et de France, op. cit., p.73.
57 25 % de notre échantillon de 133 dossiers représentant un sondage au 1/5, AD Indre-et-Loire, 10M 18-21.
58 Ibid., 10 M 24 : dossiers des femmes immigrées ayant quitté le département.
59 AD Indre-et-Loire, 10 M 17.
60 J. Ponty, Polonais méconnus, histoire des travailleurs immigrés en France dans l’entre-deux-guerres, Paris, Publications de la Sorbonne, 1988, p. 98.
61 Ainsi dans le Vercors, les bûcherons et charbonniers italiens confectionnent eux-mêmes la polenta.
62 78 % des cas, in Stoetzel, « Ouvriers agricoles polonais dans l’Aisne », op. cit., p. 395.
63 M. F. Brive, art. cit., p. 353.
64 Campani, op. cit., p. 184.
65 « En Italie nous vivions en famille dans une métairie […]. Notre tribu était commandée par des cousins au second degré qui étaient les plus vieux » (M. Rouch, « La parole des immigrés italiens, premiers résultats d’une enquête », L’immigration en Aquitaine, op. cit., p. 141).
66 M. Rouch, « Un village du Sud-Ouest », art. cit., interview de P. P., p. 261.
67 Ibid.
68 S. Andizian et J. Streiff, « Transformation des rôles traditionnels chez les femmes immigrées : étude de cas », Pluriel, n° 14, 1978.
69 Titre du célèbre ouvrage d’Ernest Pérochon, Plon, 1924.
70 FL Lévi, « Modèles et pratiques en changement, le cas des Portugaises immigrées en région parisienne », Ethnologie française, VII, 3, 1977, p. 297.
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