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Valorisation patrimoniale et changement social : un pléonasme ?

p. 265-280


Texte intégral

INTRODUCTION

1L’évolution de la politique patrimoniale, autant que les autres actions publiques urbaines, n’échappe pas aux tendances actuelles des pratiques urbanistiques et s’inscrit ainsi dans les démarches que l’on nomme tour à tour, projet urbain ou renouvellement urbain1. Quel qu’en soit le sens, cette démarche est conçue comme une alternative à l’urbanisme fonctionnaliste. La genèse même de la politique patrimoniale correspond à une opposition au mouvement moderne et à la société qui l’a généré, ainsi que le souligne Françoise Choay :

« La consécration du monument historique est, en outre, fondée sur un ensemble de pratiques dont l’institutionnalisation a été catalysée par la puissance des forces destructives, non plus délibérées et idéologiques, mais inhérentes à la logique de l’ère industrielle, qui menace désormais les monuments historiques » (1999, p. 107).

2Notre réflexion s’intéresse particulièrement à l’impact de la politique patrimoniale sur le tissu social des centres anciens. Intérêt suscité par les questions que pose l’évolution de cette politique. Elle s’est progressivement écartée d’une pratique exclusive de protection ponctuelle des édifices dont l’intérêt architectural était manifeste, pour englober l’ensemble du centre ancien, notamment les espaces résidentiels. Avec de nombreux hiatus, cette dynamique fait émerger la question de territoire, des rapports entre morphologie sociale et espaces patrimoniaux et de leur devenir. La première hypothèse de ce travail considère que les atermoiements du processus de modernisation de cette politique ont produit, quasiment à l’insu des acteurs institutionnels, une sorte de paradoxe en matière d’investissement social des centres anciens. Ainsi, des micro-territoires se gentrifient2, pendant que d’autres continuent à abriter des catégories sociales plus modestes. Cette diversité sociale s’accompagne d’une variété, plus ou moins grande selon les villes, d’activités économiques qui vont du tourisme à l’artisanat en passant par la restauration et le commerce. Cependant, si les hésitations de la politique patrimoniale de ces dernières années n’ont pas totalement bouleversé les équilibres sociaux des centres anciens, son affirmation actuelle apparaît, quant à elle, plus menaçante sur la diversité du peuplement.

3Dans cette optique, la seconde hypothèse estime que plus la politique patrimoniale prend en compte dans sa démarche de préservation et de qualification, la relation entre l’intérêt architectural des édifices et leur environnement urbain, plus le centre ancien retrouve une qualité et une valeur d’usage attractives des couches moyennes3 et des opérateurs économiques et, du même coup, enclenche, de façon plus franche, l’éviction des habitants dont les revenus s’avéreront insuffisants à leur maintien. Autrement dit, la nouvelle optique patrimoniale, quels qu’en soient les énoncés de principe, conduit inéluctablement, à plus ou moins brève échéance, au changement social des centres anciens.

4Depuis les premiers PSMV4 jusqu’à la panoplie de procédures des années quatre-vingt-dix, les résultats en matière de protection des centres anciens apparaissent pour le moins mitigés. Si des édifices, dont l’intérêt patrimonial était manifeste, ont pu être sauvés de la démolition et restaurés, en revanche de nombreux centres anciens, particulièrement ceux des villes petites ou moyennes en difficulté économique, présentent encore d’importants secteurs résidentiels dégradés, y compris ceux qui ont déjà bénéficié de restauration immobilière. Ainsi, cette politique qui s’est construite en opposition à toute destruction de patrimoine et pour sa sauvegarde à tout prix s’est avérée rapidement limitée dans sa capacité à valoriser les centres anciens dans leur ensemble et à leur restituer une valeur d’usage. Au cours des années quatre-vingt-dix, les révisions des PSMV et la mise en place de procédures moins contraignantes, initiées localement, comme les ZPPAUP5, et les ОРАН6, inscrivent la nouvelle politique dans une démarche résolument pragmatique. La logique de musée est alors sévèrement critiquée pour laisser place à une vision plus globale (A. Bourdin, 1984, F. Choay, 1992) du patrimoine qui s’appuie sur la pertinence du rapport typologie-morphologie urbaine et de sa valeur d’usage. Dès lors, le processus de qualification des centres anciens par la réhabilitation de l’espace résidentiel, sa mise aux normes d’habitabilité contemporaine et la création et la valorisation d’espaces publics, redonne effectivement une valeur d’usage au parc immobilier qui du coup est replacé dans le marché et ses appétences. Les promoteurs immobiliers se saisissent alors de la demande sociale d’habiter des couches moyennes en leur proposant le théâtre urbain du « village » amputé des significations sociales auxquelles il renvoie. Or si la mixité sociale s’avère récurrente dans le discours institutionnel, elle n’en reste pas moins incantatoire. Force est de constater que ces opérations n’intègrent pas ou très peu de mesures qui enclenchent les mécanismes nécessaires à maintenir les catégories sociales modestes dans les centres anciens. Aucune action n’est mise en œuvre pour agir effectivement et durablement sur la stabilité des loyers et pour permettre aux petits propriétaires âgés et fragiles socialement de garder leur patrimoine et de rester insérés dans un réseau de voisinage quasi communautaire.

5La troisième hypothèse, fondatrice de ce travail, concerne la persistance du champ aveugle (H. Lefebvre, 2000), du non voir des acteurs institutionnels, à savoir le tissu social, ses ressources et ses contre-projets. La participation, par exemple, nécessaire dans le projet urbain « patrimoine », met en scène des associations très actives investies essentiellement par des couches moyennes, qui par ailleurs ont largement contribué à l’émergence de cette nouvelle politique patrimoniale. Ces associations qui se veulent représenter les habitants portent, quant à elles, haut et fort la question de la mixité sociale, même si celle-ci signifie plutôt partage de l’espace public. La permanence du thème de la mixité sociale chez une fraction des couches moyennes7 correspond à une quête mythique du « village » et des sociabilités auxquelles il renvoie. Le spectacle des sociabilités des couches populaires anciennement installées dans le quartier, suffit à donner corps à ces représentations. Proximité socio-spatiale, partage de l’espace public, convivialité, et contrat social (E. Goffman, 1992), sont précisément les représentations. Correspondant à la métaphore du village et les facteurs d’attraction de couches moyennes, en quête d’urbanité, et d’apprentissages sociaux. Cependant, cette demande sociale des couches moyennes fait partie du non voir (H Lefebvre, 2000) des acteurs institutionnels qui, malgré leurs énoncés de principe, opèrent une transformation d’image des centres anciens synchrone du changement social. En définitive, la démarche patrimoniale, amputée ainsi du patrimoine social, reste de portée limitée. Une approche contemporaine du patrimoine se doit de synchroniser les réflexions et l’action sur d’un côté, la conservation de la typo-morphologie, la réinterprétation et l’évolution des usages et de l’autre, sur l’urbanité, les sociabilités et les mécanismes socio-économiques (M. Roncayolo, 1999).

6La démonstration s’appuie sur les exemples des centres anciens8 de Montferrand9, à Clermont-Ferrand du Crêt de Roc10 à Saint-Étienne et d’Issoire au Puy de Dôme. Pour étayer nos propos, nous tenterons des mises en parallèles avec le Vieux Lyon et le centre ancien de Gênes, toutes proportions gardées, par ailleurs. Les contextes respectifs de nos trois cas d’étude sont certes différents mais similaires sur les images portées par les acteurs institutionnels qui visent l’attraction résidentielle des couches moyennes. Analyser ces phénomènes, suppose de s’affranchir du discours officiel pour considérer l’impact du projet urbain patrimonial, à la fois sur le système d’acteurs et sur l’espace social et de restituer ainsi le véritable sens des stratégies urbaines mises en œuvre dans les territoires étudiés. Toutefois, les griefs que nous exposons à propos de la politique patrimoniale portent davantage sur le dogmatisme qui touche l’habitat du centre ancien, tandis que la conservation/restauration des monuments et des édifices prestigieux est loin d’être en cause.

EFFETS MITIGÉS SUR LE PATRIMOINE MAIS INVESTISSEMENT SOCIAL DIVERSIFIÉ

7Si la politique patrimoniale a permis de sauver un grand nombre d’édifices monumentaux de la furie destructrice de l’ère industrielle, elle ne présente pas moins, malgré son ancienneté et son évolution11, des résultats mitigés quant aux actions en direction des centres anciens en tant qu’ensemble urbain. Elle a certes permis la conservation et la restauration des édifices dont l’intérêt monumental, historique et architectural était manifeste et, sinon le sauvetage de leur environnement bâti immédiat, du moins son « stand-by ». La dégradation du bâti résidentiel est bien souvent proportionnelle à leur plus ou moins grande proximité avec des édifices inscrits ou classés. Le dépeuplement et la paupérisation des centres anciens sont certes causés par la conjugaison de plusieurs facteurs, mais on peut se demander si les PMSV n’ont pas précipité ce processus, comme à Montferrand12 qui a vu la décrue de sa population113 s’accélérer dès 1968. L’opération de restauration immobilière, dont le bilan en 1984 était loin d’être concluant14, a procédé au desserrement de la population, en déplaçant les habitants15 les plus modestes sans pour autant réussir à maintenir les résidants aisés, exigeants en matière de conditions d’habitabilité. L’opération s’est limitée à mettre aux normes de confort de nombreux logements, à en rénover l’intérieur et à ravaler les façades, tandis que son action sur l’espace public a été quasiment insignifiante16. Si l’opération de restauration immobilière et les OPAH successives ont permis l’attractivité de couches moyennes, notamment à la résidence « Les Remparts », elles ont, par ailleurs, laissé de nombreux micro-secteurs17 aux prises avec la dégradation et l’inconfort, voire avec la vétusté.

8La Loi Malraux, une étape décisive de la politique patrimoniale, est apparue peu après les 1res expériences de rénovation urbaine initiées selon la logique de la « table rase », chère à l’urbanisme fonctionnaliste. Mais cette politique, construite dans l’opposition à toute destruction ou défiguration du patrimoine bâti, s’avéra rapidement limitée quant à sa capacité à valoriser les ensembles résidentiels anciens et à leur restituer une valeur d’usage. L’orthodoxie de la conservation à tout prix, conjuguée au dogmatisme de certains ABF18 a empêché d’importants secteurs du parc immobilier ancien d’évoluer et de s’adapter aux nouvelles exigences d’habitabilité. Le volume du parc immobilier antérieur à 1915, disparu au cours des 30 dernières années, est estimé19 à près de 20 % pour l’ensemble des centres anciens français. Françoise Choay ironise à sujet en affirmant :

« Nous ignorions qu’en l’espace de quelques décennies l’espèce humaine parviendrait, par sa pratique conservatoire même, à accomplir les destructions qui auraient autrefois demandé des siècles. » (1999, p. 175)

9On assiste alors à des processus paradoxaux, comme la stérilisation d’une partie du parc immobilier ancien qui se paupérise, pendant que l’autre subit le gavage économique et la gentrification. L’affirmation de ces mutations a fini par faire osciller les centres anciens entre des vocations qui, poussées à leur paroxysme, deviennent conflictuelles. Entre le musée touristique et le réseau commercial et de services, c’est la fonction résidentielle qui se trouve sacrifiée. Michel de Certeau et Luce Giard montrent combien le fonctionnement propre d’une logique de muséification soustrait aux habitants ce qu’il met en scène pour l’observateur.

« Il [musée] relève d’une opération théâtrale, pédagogique et/ou scientifique qui retire à leur utilisation quotidienne (d’hier et d’aujourd’hui) les objets qu’il offre à la curiosité, à l’information ou à l’analyse. Il les fait passer d’un système de pratiques (et d’un réseau de pratiquants) à un autre » (1994, p. 196).

10Malgré le fait que les 1res générations de PSMV marquent le passage d’une réflexion centrée exclusivement sur les édifices les plus prestigieux, à celle qui vise la restructuration du tissu, elles n’en sont pas moins restées partielles sur l’approche de la morphologie urbaine en tant que patrimoine. En effet, les caractéristiques de la morphologie urbaine, notamment la trame originelle et sa capacité à mettre en scène les édifices, à organiser leur repérage, à signifier les hiérarchies et à en traduire la cohérence, faisaient l’objet, sinon d’une totale omission, du moins d’actions limitées. Dans ce cas, la trame urbaine est souvent maintenue et préservée dans son état actuel, alors qu’elle a fait l’objet au fil du temps de transformations liées aux conditions d’usage. Des mutations qui ont été, somme toute, accompagnées et accentuées par la spéculation.

« Seules la densification et la paupérisation progressive ont, parfois à une époque très récente, transformé ces conditions par l’occupation des espaces libres, la surélévation des édifices et l’augmentation par tous les moyens de la densité du bâti, qu’elle soit due au fractionnement de la propriété ou, au contraire, à son transfert à des sociétés de spéculation avides d’utiliser l’espace des quartiers centraux » (G. Giovannini20, 1998, p. 292).

11Les travaux des Italiens sur la morphologie urbaine21 ne sont, sans doute, pas étrangers à l’audace de leur politique en direction des centres anciens. Très tôt, les Italiens ont pratiqué l’éclaircissage, une démarche qui consiste à valoriser la morphologie urbaine des centres anciens et ainsi, à redonner vie aux places, aux rues, aux traboules, aux squares, de même qu’aux cours et jardins intérieurs. Il s’agit en fait de débarrasser le tissu ancien des rajouts qui ont particulièrement étouffé l’habitat.

« Un type d’intervention légère sur le tissu urbain ancien qui permet de débarrasser celui-ci de constructions superfétatoires ou gênantes afin de lui assurer un meilleur fonctionnement social et de mieux mettre en valeur ses qualités esthétiques » (G. Giovannini, 1998, glossaire).

12Cependant, l’évolution récente de la politique patrimoniale, à travers les ZPPAUP et la dernière génération d’OPAH22, a certes pris en compte la morphologie des centres anciens mais hélas, uniquement dans sa dimension physique. Comme nous le verrons plus loin, leur morphologie sociale, quand elle est traitée selon une logique d’éviction de plus en plus affirmée, des catégories sociales modestes au bénéfice des couches moyennes. Il y a effectivement gentrification d’une grande partie du parc immobilier des centres anciens, en même temps d’ailleurs que leur investissement économique par divers opérateurs dans l’immobilier, le tourisme, le commerce et les services. Ce phénomène est d’autant plus visible que le centre ancien est important en taille et en patrimoine comme au Vieux Lyon23.

« Le phénomène d’embourgeoisement de Saint-Georges, qui était déjà partiellement visible au tournant des années quatre-vingt et plus nettement encore au lendemain de l’opération de réhabilitation, s’est renforcé au cours des dernières années » (J.Y. Authier, 1995, p. 1).

13Pour autant, cette gentrification n’a pas totalement exclu les micro-territoires populaires. Malgré leurs écarts avec les processus lyonnais, les centres anciens étudiés ont également acquis une population nouvelle composée de cadres, de cadres moyens, de couches intermédiaires, d’employés, etc. La gentrification peut correspondre à plusieurs des modes d’occupation décrits par Alain Bourdin (1984, p. 167). Elle est culturelle lorsque les habitants s’inventent une identité en utilisant les emblèmes et les objets typiques ou, encore ostentatoire quand les relations sociales, théâtralisées usent des éléments de décor. Toutefois, ces modes d’occupation, ne sont pas exclusifs de l’occupation communautaire (A. Bourdin, 1984, p. 166) et du réinvestissement social du quartier fondé sur les représentations du village, en tant que lieu de convivialité et de sociabilité. Le spectacle des sociabilités chez les anciens du quartier suffit à donner aux gentries le sentiment sécurisant d’un contrat social (E. Goffman, 1994) tacite où le capital social (M. Pinçon et M. Pinçon-Chariot, 2000) peut-être mobilisable à tout moment.

« De part et d’autre s’affirme une valeur supérieure, particulièrement proche de l’image du village et l’occupation culturelle : le patrimoine. L’historicité, le travail artisanal, voire la convivialité servent de médiations dans cette quête de sécurité et de sens » (A Bourdin, 1984, p. 204).

14Ainsi, à l’instar de nombreux quartiers anciens, Montferrand et le Crêt de Roc abritent aujourd’hui une population d’artistes et d’architectes qui conjuguent ces modes d’occupation aux espaces de travail offerts par les anciens ateliers et aux coûts immobiliers encore bas. Inévitablement, ces processus, souvent non accompagnés d’une volonté publique de maintien du peuplement, aboutissent au changement social des quartiers anciens. Dès lors, ces lieux, selon leur taille, subissent de fortes pressions de la part de promoteurs et de groupes commerciaux qui cherchent à capter la population d’une aire de chalandise dépassant largement celle de l’agglomération24. L’assujettissement des centres anciens aux activités tertiaires, telles que le tourisme, les lieux d’artistes et d’artisans, la restauration, les commerces et les bureaux, finit par être en conflit avec la fonction résidentielle qui peut s’en trouver menacer. On assiste alors à la transformation du parc de logements, dont une partie continue à être délaissée et abandonnée et l’autre saucissonnée pour faire de petits logements pour les étudiants25. Le rétrécissement des résidants potentiels conduit, sinon au changement de vocation, du moins à l’augmentation de la vacance26. Ainsi, les conditions actuelles de l’appropriation économique rendent cette dernière, sinon antagonique avec la fonction résidentielle, du moins conflictuelle. À ce propos, Françoise Choay souligne à juste titre, les dérives et les effets pervers des politiques patrimoniales :

« Le conditionnement subi par le patrimoine urbain historique en vue de sa consommation culturelle, de même que son investissement par le marché immobilier de prestige, tendent à en exclure les populations locales ou non privilégiées et, avec elles, leurs activités traditionnelles et modestement quotidiennes. Un marché international des centres et quartiers anciens s’est créé. Pour prendre un exemple prestigieux, comment la Tchécoslovaquie va-t-elle pouvoir résister à la demande des flux touristiques qui envahissent Prague ? Comment va-t-elle éviter de vendre une partie de la ville capitale aux pays et aux entreprises qui, seuls aujourd’hui semblent pouvoir lui permettre de restaurer ce patrimoine aux infrastructures dégradées, et d’en tirer profit, avec tous les risques de détérioration secondaire et de frustrations des pragois que comporte l’opération ? » (1999, p. 170)

15Les cas étudiés sont représentatifs de la situation des centres anciens des villes petites et moyennes, généralement en difficulté économique, où la gentrification est moins manifeste tout en restant un objectif explicite de l’action publique locale. Leur peuplement se distingue par des catégories sociales à faibles revenus qui ont fini tant bien que mal, par s’approprier les quartiers anciens dégradés, notamment les petits propriétaires occupants, âgées et fragiles socialement et les ménages qui bénéficient d’une offre locative inférieure à celle des HLM27. Outre que les sociabilités, construites au fil du temps, accommodent ces habitants à l’inconfort de leur logement, elles permettent aux nouveaux venus de s’intégrer facilement à cette communauté de voisinage.

CONTEXTE DE CRISE, REPRÉSENTATIONS ET PATRIMOINE

16L’assertion d’Émile Durkheim, selon laquelle les représentations se nourrissent de l’environnement social, conduit à envisager pour Clermont- Ferrand, Saint-Étienne et davantage pour Issoire, le contexte de crise de ces dernières années comme la matrice féconde de l’imagerie de la technostructure. À l’instar des communes du Puy-de-Dôme, Issoire a connu une forte augmentation de sa population pendant les trente glorieuses, ensuite une baisse importante avec le déclin économique dont le dernier épisode dramatique est la fermeture de l’entreprise Ducellier au cours des années quatre-vingt. Les nombreux licenciements, à ce moment-là, ont fait de la région issoirienne et celle de son bassin minier, la zone du plus fort taux de chômage d’Auvergne. Le nouveau tissu de PME et de PMI a permis de diversifier l’économie issorienne, jusqu’alors totalement dépendante des grands groupes industriels (Péchiney, Ducellier, Valéo). Issoire se maintient dans la catégorie des villes industrialisées28 (J.-C. Édouard, 2001, p. 137) avec le statut de banlieue clermontoise puisqu’elle est située à peine à vingt minutes de la métropole auvergnate. La crise de l’industrie, vécue comme un traumatisme social aussi bien à Issoire, Clermont-Ferrand et Saint-Étienne a incontestablement nourri pour longtemps les représentations des acteurs de ces territoires. Évidemment, l’intérêt de leur étude se trouve dans leur visée pratique d’organisation, de maîtrise de l’environnement (matériel, social, idéel) et d’orientation des conduites et communications (D. Jodelet, Paris, 1993). Dans les cas de figure étudiés, si ces représentations ont parfois retardé le projet, elles n’en ont pas moins fondé la logique.

17L’espace territorialisé, perçu à travers le prisme valorisation/dévalorisation, est alors hiérarchisé et surtout identifié à travers nombre de représentations qui, si elles ne sont pas forcément péjoratives ou négatives, elles marquent l’espace et les mentalités des hommes qui y vivent, avec une évolution plutôt lente. (F. Chignier-Riboulon, N. Semmoud, 2002). À Clermont-Ferrand et à Saint-Étienne, elles se conjuguent à la crainte obsessionnelle du dépeuplement et du vieillissement de la population, tandis qu’à Issoire, elles renvoient à l’image du mouroir. Le répertoire sémantique du discours institutionnel contient une kyrielle de termes dont la connotation est négative et dévalorisante : dépeuplement, désertification, vieillissement, dévitalisation, paupérisation, vacance, abandon, vétusté, répulsion, etc. Le discours institutionnel fonde sa démonstration sur la statistique et légitime du même coup ses représentations. Pourtant, la statistique peut permettre d’autres interprétations et signifier une réalité différente. Par exemple, la dévitalisation des centres anciens traduite par les taux de vacance (près de 19 %29 à Issoire, 11 % à Montferrand et 18 % au Crêt de Roc), est souvent considérée comme un facteur répulsif alors qu’il s’agit là d’une tendance vitale des centres anciens au desserrement30.

18Les politiques urbaines de ces différentes villes, pétries des représentations dominantes sur la dévalorisation/répulsion du centre ancien, vont développer des projets dont l’enjeu central sera l’attractivité de nouvelles catégories sociales, notamment par la qualité de vie proposée. À qui donc s’adresse ce « chant des sirènes » (N. Semmoud, Clermont-Ferrand, 2002, p. 212), à quelles catégories sociales ? Cette question est d’autant plus pertinente que les centres anciens des villes étudiées restent répulsifs aux couches moyennes, des catégories sociales, perçues comme inscrites dans le travail et l’ascension sociale, solvables, imposables et consommatrices. Une catégorie sociale que se disputent toutes les villes à travers la surenchère de la qualité de vie. Ainsi, les thèmes de la qualité du paysage et du cadre de vie, de la valorisation des espaces publics, des espaces verts, et du patrimoine, etc. profilés pour les couches moyennes sont aujourd’hui développés dans le marketing urbain jusqu’à la caricature. Dans nos cas de figure, le patrimoine est en outre considéré comme un atout du développement local, notamment par son attrait touristique potentiel. Le patrimoine est considéré ici plutôt comme une rente. Une vision réductrice qui conduit à un processus de valorisation/isolation des édifices remarquables, comme l’église romane Saint-Austremoine31 et le centre culturel Pomel à Issoire, tandis que le reste du tissu ancien est quasi abandonné.

19À Issoire l’OPAH mise en place pour requalifier le centre, rajeunir sa population et le rendre attractif se focalise actuellement sur les îlots de la Ferronnerie et du Parguet. Le projet envisage la démolition quasi totale de ces îlots32, la réalisation de 40 logements sociaux dont une trentaine à la Ferronnerie doit être incessamment livrée, la création et l’aménagement d’espaces publics et la couverture du bief, collecteur des eaux usées, par un faux ruisseau. Le discours officiel affirmait haut et fort que la population serait maintenue sur place, pourtant la déclaration d’utilité publique mise en place va progressivement conduire les habitants à vendre et à déménager. La logique de « table rase » et de déplacement de la population de cette OPAH ressemble aux opérations de rénovation, tant décriées33, des années soixante.

L’ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE PATRIMONIALE ANNONCE T-ELLE UNE EXCLUSION SOCIALE PLUS AFFIRMÉE ?

20L’opération issoirienne, le nouveau PSMV34 de Montferrand et le programme de la ZPPAUP du Crêt de Roc interrogent inévitablement sur leur logique sociale et son impact sur le tissu social. À Montferrand, par exemple, il est important de relever que les immigrés et principalement les Maghrébins ont repris des petits commerces, des épiceries, et d’autres magasins comme une boulangerie ottomane. Les Portugais ont également participé à cette relance des petites boutiques. Le marché du vendredi matin, sauvé par les Maghrébins d’Herbette, apporte le dynamisme vital au maintien du commerce. Pour autant, on peut se demander, quels sont les groupes sociaux ou ethniques qui seront touchés par les injonctions de renouvellement de la population, évoqué explicitement par le projet.

21L’armada complexe des procédures et des montages des opérations de revitalisation des centres anciens finit tout de même par aboutir à des résultats probants en matière de qualification des espaces. En effet, même si on peut déplorer une trop grande foi dans les procédures, la combinaison des ZPPAUP ou des PSMV, des PRI et des OPAH permet des opérations plus incisives. De la même façon, le partenariat, de plus en plus large, partage les risques et diminue les frilosités des acteurs. Le recours aux établissements publics fonciers décharge considérablement la municipalité du portage foncier, plutôt lourd de ces opérations. Par ailleurs, la volonté de renouvellement de la population montferronaise et les objectifs stéphanois, certes plus nuancés, de diversité sociale ou d’encouragement des parcours résidentiels dans les centres anciens, laissent craindre la remise en cause des équilibres sociaux qui se sont construits tant bien que mal dans ces quartiers. Force est de constater que plus la politique patrimoniale gagne en efficacité et s’éloigne ainsi des atermoiements qui l’avaient caractérisée par le passé, plus elle organise l’éviction des habitants pauvres au bénéfice d’une gentrification plus affirmée.

22Le cas d’Issoire est particulièrement significatif de l’effet social désastreux de cette dynamique. Le centre ancien d’Issoire a été le territoire d’accueil d’immigrations européennes35, notamment polonaise, espagnole et italienne. Cette population, aujourd’hui âgée est essentiellement composée de propriétaires occupants très attachés à leur quartier. Les habitants de la Ferronnerie et du Parguet, quartiers concernés par l’ОРАН, parlent d’un espace vécu, d’un espace concret et d’un espace social qu’ils ont architecturé avec des significations et des symboles. Le Parguet et la Ferronnerie sont avant tout, pour cette population immigrée le lieu où s’est effectuée sa socialisation. C’est le lieu où les échanges sociaux et les confrontations multiples ont placé les individus au cœur de l’apprentissage de nouvelles sociabilités dont la manifestation se trouve dans les réajustements, plus ou moins lents mais constants, des modèles sociaux culturels à la nouvelle réalité urbaine et sociale (G. Verpraet, 1994). Ainsi, de fait l’espace se confond avec leur histoire de vie, leurs épreuves, leurs moments de joie, leurs réseaux de sociabilités, etc. Dans ce monde essentiellement ouvrier car la plupart des habitants ont travaillé chez Ducellier, le réseau de sociabilités renvoie également à une importante tradition de solidarité. La Ferronnerie et le Parguet, lieux chargés et configurés par les histoires de vie des habitants, lieux de mémoire et d’accrochage de significations diverses, d’émotions et de symboles, suscitent un fort sentiment d’appartenance et d’attachement. Si à leur arrivée dans le quartier, les habitants subissaient l’espace, ils ont, tant bien que mal, fini par se l’approprier. Ils ont ainsi « transformé » l’espace par leur vécu et leur imagination et réussi à construire finalement un système plus ou moins cohérent de symboles et signes non verbaux (H. Lefebvre, 2000, p. 49). L’ironie du sort des politiques urbaines reste que c’est précisément cet espace social, invisible aux acteurs institutionnels, qu’elles cherchent désespérément à reconstruire dans les territoires concernés par la Politique de la Ville36. Dans le cas d’Issoire, l’espace conçu, celui des acteurs institutionnels, nie l’espace social jusqu’à le détruire sans aucune certitude sur ce qui va se substituer à cette réalité sociale. Initiée par la Municipalité, l’ОРАН d’Issoire, sera caractérisée par un double processus d’exclusion : le déracinement des habitants et leur précarisation sociale.

23La plupart des résidants, généralement des personnes âgées ont été contraints de déménager vers d’autres quartiers, le plus souvent périphériques. Cet arrachement, au lieu/théâtre de leur vie et parfois celle de leurs parents, est vécu comme un traumatisme déstructurant. L’étude H. Coing (Paris, 1967) réalisée à l’occasion de la rénovation37 d’un îlot du 13e arrondissement à Paris, démontre comme aucune autre, les liens entretenus par les structures spatiales avec l’ensemble des structures symboliques, mentales et comportementales des communautés résidentes. Comme à Paris, ces structures qui architecturent l’espace social invisible aux acteurs institutionnels, ont été balayées à Issoire. Les résidants ont ainsi perdu leurs repères, leurs sociabilités et, sont astreints aujourd’hui à l’isolement, une situation qu’ils n’ont quasiment jamais connue. Le discours sur leur vécu actuel traduit une profonde déprime mêlée de sentiments d’injustice, d’abandon et d’exclusion sociale. Le déracinement de cette population, pour paraphraser Pierre Bourdieu38 a totalement déstructuré leur être. Le déménagement des petits propriétaires occupants s’accompagne inévitablement de leur passage au statut de locataires à faibles ressources car l’indemnisation était loin de permettre l’acquisition d’une autre maison, aussi modeste soit-elle. Le statut de possédant, outre sa valeur symbolique dans l’image de soi, était pour la plupart des habitants, une sorte de rempart contre la pauvreté et l’exclusion. Les petits propriétaires considéraient que si leur niveau de vie était très faible et les fins de mois difficiles, ils avaient au moins un toit et ne pouvaient en aucun cas craindre de se retrouver à la rue. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux sont préoccupés par le loyer qui grève considérablement leur faible budget et rétrécie considérablement leurs possibilités de consommation.

CAPITAL SOCIAL ET CONTRE-PROJET PATRIMONIAL

24Les initiatives des habitants issues de leur vécu révèlent des pistes, sinon pertinentes, du moins adaptées à la fois, à leur maintien dans ces quartiers anciens et à l’attraction d’autres catégories. Ils mettent en place des contre-projets révélateurs de la vie sociale de ces lieux et des ressources qu’elle suppose. Si les contre-projets qui se dessinent se rapprochent de l’éclaircissage prôné par les acteurs institutionnels, ils n’en demeurent pas moins décalés par la diversité de peuplement qu’ils proposent. L’exemple génois39, relaté par Mariolina Besio, montre comment, face à l’échec des modèles traditionnels de la planification institutionnelle, les habitants ont conçu leur propre plan de requalification. Ils deviennent ainsi les protagonistes du processus de requalification dont l’un des aspects le plus significatif sera la synergie qu’il a permise entre les résidents, des acteurs multiples et les institutions. Les effets novateurs de cette démarche ne se résument pas seulement à une véritable enquête sociale40 et à la mobilisation de l’opinion publique, ils portent sur ce qui a toujours constitué le champ aveugle de la technostructure : l’espace social et les ressources qu’il représente dans une action de qualification. Le plan précise dans son énoncé de principe :

« Les ressources utilisables pour la réalisation d’un projet urbanistique ne se limitent pas aux données macro-économiques, aux valeurs historiques et culturelles et celles relatives à l’environnement et aux programmes institutionnels. Les habitants constituent des ressources d’humanité, de volonté, de micro-économie familiale et de comportement concrets sur lesquels on peut compter » (M. Besio, p. 30).

25Forts de l’apprentissage d’une première expérience d’auto réhabilitation spontanée sans l’aide des institutions, les habitants préparent un programme41 qu’ils soumettent, cette fois, à la municipalité en vue d’obtenir des financements. Les administrations publiques sont finalement obligées d’intervenir pour les aspects relevant de leur compétence : l’État pour l’ensemble monumental associé à l’église, la municipalité pour les rues et les réseaux. Dans ce cas de figure, le projet se présente comme l’objectif largement partagé de la communauté locale et prend place dans un renouveau civil et social. Il éveille les potentialités internes, qu’elles soient économiques, artistiques, culturelles ou sociales et les oriente vers un processus de requalification social du milieu : les bâtiments, les conditions sociales et le développement économique.

26À Issoire, un face à face conflictuel des habitants avec les acteurs institutionnels et la connaissance inégalable de leur quartier, qui aurait par ailleurs permis un diagnostic sans doute plus précis, ont conduit à la définition d’un contre-projet. La logique de ce contre-projet est évidemment de maintenir la population, de réhabiliter le bâti occupé, de démolir les réduits et les bâtisses qui tombent en ruine, de créer de nouveaux espaces publics pour valoriser le quartier et enfin de réaliser du logement social. Au-delà de l’adéquation de ce contre-projet avec les attentes des habitants, ce qui n’est pas des moindres, l’analyse de son contenu selon les critères de l’expertise urbaine, si tant est qu’elle puisse être neutre, présente plus de pertinence et de cohérence que le projet institutionnel. Il permet l’embellissement du quartier, préserve les caractères urbains du patrimoine ancien ainsi que des battisses témoins mais avec l’objectif de préserver le patrimoine social.

Bibliographie

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BIBLIOGRAPHIE

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Notes de bas de page

1 De la même façon que le projet urbain, ce terme, a priori, polysémique, semble signifier chez les architectes et les urbanistes un renouveau de leurs pratiques.

2 La gentrification est entendue ici, dans le sens des sociologues anlo-saxons : accroissement des couches supérieures et moyennes de salariés au détriment des catégories les plus modestes (M. Pinçon et M. Pinçon-Chariot, p. 41).

3 La définition des couches moyennes dans le Dictionnaire de l’essentiel en sociologie nous semble suffisante pour la démonstration. Élaboré par Jean-françois Couet et Anne Davie, 2002, éd. Liris, Paris, p. 175.

4 Périmètre de Sauvegarde et de Mise en Valeur de la Loi Malraux.

5 ZPPAUP (Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) : introduite en 1983, la loi intègre la notion de protection du paysage en 1993.

6 Opération programmée d’amélioration de l’habitat.

7 D’autres, sont plutôt dans une logique de distinction et d’entre soi.

8 Les données sur lesquelles s’appuie l’analyse sont issues pour Montferrand, d’une maîtrise de géographie en cours, sous ma direction ; pour Issoire, d’un article de mon cru, intitulé « Face à face entre habitants et acteurs institutionnels. Le centre ancien d’Issoire » et enfin, pour le Crêt de Roc, d’enquêtes de 1re main effectuées pour la Municipalité.

9 Montferrand, centre médiéval datant du xiie siècle, a fait l’objet d’un 1er PSMV en 1964 et d’un 2e en 1998. L’évolution du contenu entre ces deux PSMV illustre parfaitement la nouvelle optique patrimoniale.

10 Comme le quartier des canuts à Lyon au xixe siècle, le Crêt de Roc était le quartier des passementiers stéphanois. L’inscription de ce quartier du centre dans la procédure GPV en 2000 a aiguisé l’intérêt porté au patrimoine architectural et urbain de la passementerie.

11 Sur la dimension historique de cette politique, l’ouvrage de Françoise Choay, L’allégorie du patrimoine, est incontournable.

12 Montferrand (24,3 ha), second site médiéval clermontois, classé PSMV le 27 août 1964, fait l’objet, de 1967 à 1977, sur 7 îlots opérationnels, soit 283 logements et 43 commerces.

13 1968 : -4,80 % ; 1975 : -11,20 % ; 1982 : -14,50 % ; 1990 : -3,90 % ; 1999 : -3,6 %. INSEE, 1999.

14 Estimé par le maître d’ouvrage à 90 % des objectifs.

15 Six immeubles ont été acquis par DUP.

16 Les seuls aménagements significatifs ont concerné un espace public de 400 m2 rue du Docteur Palme et les rues Rodade et Kleber qui ont été pavées et équipées de lampadaires stylés.

17 Notamment celui de la Vacherie.

18 Architectes des Bâtiments de France.

19 Alexandre Melissinos, Enquête sur 110 centres anciens français, 1997.

20 Le père de la démarche italienne de l’éclaircissage (diradamento). Il s’agit d’une métaphore, empruntée au vocabulaire forestier et agricole.

21 Muratori, Rossi, Aymonino.

22 Elles se démarquent du saupoudrage des précédentes pour se donner plus de visibilité en concentrant l’action sur des îlots de taille significative et des lieux majeurs.

23 RVL (Renaissance du Vieux Lyon) créée en 1946 a pesé sur la reconnaissance internationale du site ; PSMV en 1964 ; ZPPAUP en 1994 et inscription au patrimoine de l’Unesco en 1998.

24 À Avignon, par exemple, 30 ha d’aire commerciale sur 179 ha du centre ancien, n’attirent pas seulement les 180 000 habitants de l’agglomération, mais la population de l’aire de chalandise, estimée à 400 000 personnes.

25 Cette catégorie de résidents « transitionnels » est généralement la seule a toléré les nuisances occasionnées par l’activité touristique.

26 À Bourges, par exemple, dès que le délai de location exigé pour bénéficier de la défiscalisation est atteint, beaucoup d’immeubles restaurés ont été utilisés comme stockage pour les commerces, quand ils ne sont pas tout simplement vacants.

27 L’introduction du logement social, qui est passé de 7 à 10 % entre 82 et 90, par micro rénovation, participe aussi de ce peuplement. Il constitue 1,2 % du logement réhabilité dans les centres anciens en France.

28 Issoire se situe dans la tranche de villes qui comptent entre 35 % et 50 % d’emplois dans le secondaire (J.-C. Édouard, p. 129).

29 Selon la Mairie d’Issoire : la population du centre ville compte en 2002 1 723 personnes, soit 12 % des issoiriens. Selon le RGP 99 (INSEE), le Crêt de Roc compte 5 873 habitants et Montferrand 3464 résidents.

30 Les exigences d’habitabilité actuelles, en mettant en cause la faible taille des logements et la densité du bâti, préfigurent un peuplement moins important des centres anciens.

31 Monument historique classé. Il est surprenant de constater que les îlots du Parguet et de la Ferronnerie, destinés à la démolition, sont dans un rayon de moins de 300 m de ce monument classé.

32 Ferronnerie : 9 bâtisses (correspondant à des parcelles sur un ensemble de 12 parcelles) ont été démolies. 2 maisons ont été réhabilitées. Parguet : 25 bâtisses sur 19 parcelles doivent être démolies, 4 bâtisses seulement seront épargnées pour être réhabilitées.

33 H. Coing et F. Godard.

34 Approuvé en 1998.

35 Années trente et quarante.

36 Le lien social, le développement des sociabilités, la solidarité, etc. sont les thèmes récurrents des contrats-villes.

37 Destruction – reconstruction.

38 P. Bourdieu montre comment les déplacements massifs de populations paysannes pendant la guerre d’Algérie ont totalement déstructuré ces communautés.

39 Au moyen âge, le centre historique de Gênes avait déjà atteint à peu près sa superficie actuelle, environ 113 ha.

40 « En 1989 des groupes d’habitants commencent à sensibiliser l’opinion publique aux problèmes de la vieille ville. Ils s’organisent pour recenser, au moyen de questionnaire et d’enquêtes, les lieux où le malaise social est particulièrement fort : trafic de la drogue, concentration des immigrés clandestins, situation intolérables du point de vue hygiénique, bâtiments et équipements délabrés... » (Mariolina Besio, p. 31).

41 Le programme concerne 18 édifices, y compris l’église, le cloître, le clocher et l’aménagement des espaces publics. Elle touche environ 150 familles et à peu près six cents personnes.

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