Introduction
p. 147-154
Texte intégral
HABITER LE PATRIMOINE S’EST SOUVENT ACCEPTER LE REGARD, LES INTERVENTIONS, LES OPPOSITIONS DES AUTRES...
1Le deuxième chapitre regroupe des textes qui cherchent à analyser les discours et les positionnements des acteurs dont les actions influent sur la manière d’ » habiter » les lieux patrimoniaux.
2Ces acteurs sont nombreux :
- Tout d’abord les habitants qui en tant qu’individus ont leurs propres stratégies de localisation et d’intégration, plus ou moins élaborées en fonction de leurs moyens, de leur statut, du contexte local ;
- Ensuite les associations et collectifs d’habitants qui cherchent à défendre en particulier les intérêts d’un groupe (social, professionnel, ethnique, communautaire, etc.) ;
- Les élus, qui placent la politique du logement au cœur des politiques urbaines pour des questions qui peuvent cependant être très diverses (volonté de maintenir une population dans un quartier ; volonté au contraire de la renouveler ; objectif de cohésion sociale ou objectif de mixité par l’apport de nouvelles couches sociales dans les quartiers historiques, etc.) ;
- Les architectes qui cherchent à promouvoir, à travers les typologies architecturales, un mode d’habiter. Ceci concerne l’architecte concepteur mais, dans le cas des éléments patrimonialisés, se fait souvent par « personne interposée » (architecte des monuments historiques, architecte des bâtiments de France) bien après la conception du bâtiment. C’est le cas des logements conçus par des architectes célèbres tels que Le Corbusier ou Auguste Perret, dont l’œuvre est protégée au titre des M. H. et sur lesquels veillent désormais les instances spécialisées.
- Les experts et techniciens du patrimoine de manière plus générale, qui soutiennent une vision ou une approche du patrimoine non exempte d’a priori liés à la politique locale, à l’air du temps, à des pressions diverses ;
- Les ONG qui portent sur les espaces et lieux habités ayant une valeur patrimoniale reconnue, un regard homogénéisant et qui impulsent des standards et des approches de protection et de gestion qui tendent à transcender les frontières régionales ou nationales.
3Entre ces différents acteurs, il n’y a pas forcément de consensus en terme de représentations patrimoniales. Les différents discours peuvent être superposés voire antinomiques : entre « un discours officiel pour la ville, une vision de socialisation pour le quartier où le patrimoine officiel est souvent inexistant et un patrimoine individualisé », les passerelles n’existent pas toujours (Dominique Couret, Anne Ouallet et Bezunesh Tamru). Et même si c’est le cas, il n’y a pas toujours de consensus en termes de gestion, de pérennisation ou de transmission du patrimoine en question.
4La société « habite » les lieux patrimoniaux en faisant continûment des ajustements, des transactions, des négociations. C’est le résultat de ces échanges qui « fait » société, qui permet d’« habiter » le patrimoine et de faire émerger des projets autour de celui-ci.
5Les écarts d’approches et de vision, les tensions, voire les conflits, peuvent ainsi nous renseigner sur la manière dont la société habite ses lieux patrimoniaux. Plusieurs textes mettent l’accent sur les incohérences entre représentations, pratiques et gestion des lieux patrimoniaux habités. Florence Paulhiac pointe à ce propos la situation « paradoxale » du Vieux Montréal où tandis que « les références au patrimoine sont toujours clairement énoncées par les pouvoirs publics au sein des documents d’urbanisme, ceux-ci opèrent des choix incompatibles avec la protection du patrimoine urbain ».
6Les consensus apparents masquent des approches qui tendent à favoriser le développement de fonctions souvent incompatibles entre elles.
7Dans tous les cas, à travers la diversité des discours patrimoniaux des différents acteurs en scène, on voit se profiler, au-delà de l’option de passé choisi, l’évolution souhaitée de l’espace patrimonialisé ; celle-ci puise en effet sa légitimité dans une référence patrimoniale sélectionnée (Sébastien Jacquot).
RECONNAÎTRE LE PATRIMOINE : PROCESSUS DE SÉLECTION ET DIVERGENCE DE VUES ENTRE ACTEURS
8S’interroger sur le « patrimoine habité » présuppose de se pencher au préalable sur ce qui fait patrimoine pour les uns et pour les autres. Les mesures de protection, de labellisation, de mise à disposition de moyens, impliquent en effet la reconnaissance patrimoniale. Celle-ci ne peut qu’influer sur la manière dont les patrimoines en question sont ou seront habités.
9Plusieurs textes posent ainsi, dans un premier temps, cette question de la reconnaissance patrimoniale préalable, notamment dans un contexte urbain, où la superposition des acteurs et des compétences est plus dense et complexe. Ils tendent à mettre en évidence ou à confirmer la grande divergence de vues et d’approches entre ceux qui y habitent et ceux qui prennent les décisions.
10Dans le cas par exemple du quartier de la Ano Polis de Thessalonique, en Grèce, Kiki Kafkoula insiste sur le grand éclectisme des éléments patrimonialisés sélectionnés par les acteurs du patrimoine. Elle montre ainsi que les premières mesures de protection de ce quartier riche en architecture domestique du xixe et xxe siècles (dans un pays où les instances de protection et de restauration sont essentiellement préoccupées par des témoins de l’antiquité grecque ou romaine et de l’époque byzantine) n’ont concerné qu’une infime minorité des 4 000 bâtiments du quartier. Parmi ceux-ci ne figurait aucun témoignage de l’architecture « auto-construite » par les réfugiés qui s’y étaient massivement installés dans la première moitié du xxe siècle, aucun témoignage des logements sociaux construits à l’époque pour les accueillir...
11Les acteurs à l’origine de la patrimonialisation sélectionnent en effet les éléments qui pourront s’inscrire au « conservatoire de l’espace1 » selon des critères qui peuvent être pertinents ou non mais qui, dans tous les cas, sont les leurs : « exit la mémoire habitante, c’est du béton et rien d’autre » (Kiki Kafkoula). Dans le même registre, Vincent Veschambre montre les hiatus de la mémoire urbaine et l’effacement quasi total de la mémoire des populations qui vivaient dans les quartiers historiques d’Angers et du Mans avant le lancement de projets de rénovation ou de réhabilitation.
12Dans ce rapport de force entre habitants et « entrepreneurs de patrimonialisation » les derniers peuvent cependant jouer un rôle précurseur : ainsi, Tun-Chun Hsu montre que dans le cas de Troyes (mais ceci concerne certainement d’autres centres historiques) le rôle des habitants dans la reconnaissance du bâti médiéval, longtemps déprécié, a été crucial : en parallèle, voire avant l’action des acteurs locaux et des techniciens, ce sont les investissements des habitants et leurs actions soucieuses d’une certaine image de ville qui ont contribué efficacement à la reconnaissance de la valeur patrimoniale de l’ensemble urbain du centre historique.
RENDRE LE PATRIMOINE HABITABLE : APPROCHES, PROJETS, DIFFICULTÉS
13Habiter le patrimoine implique aussi, souvent, des projets de restauration, de reconstruction, voire de démolition sélective. La position de plusieurs acteurs (municipalité, ministère) qui y interviennent est souvent ambiguë. Toujours dans le cas du secteur sauvegardé de Troyes, Tun-Chun Hsu montre les divergences de vue entre techniciens (par exemple les Architectes des Bâtiments de France) et élus ainsi que l’inefficacité des outils utilisés. Comme l’auteur le souligne, « tout et son contraire est fait au nom de la préservation du patrimoine » : la démolition, la reconstruction « à l’identique », l’interprétation contemporaine des formes anciennes. Elle constate cependant que les quartiers anciens sont condamnés à une image figée, à la reproduction des formes urbaines idéalisées du passé, au risque de créer des « faux anciens ». Le discours sur la ville traditionnelle qui se met en place dans les quartiers « reconquis » et gentrifiés nécessiterait ainsi un cadre correspondant, où la modernité, la contemporanéité, l’innovation, seraient difficiles à accepter, notamment de la part de certains acteurs, tels que les élus.
14Plusieurs auteurs témoignent d’ailleurs d’une déconnexion entre la restauration du bâti et son contenu social. Dans le cas du Vieux Québec présenté par Sarah Russeil, les acteurs en charge du patrimoine ont édité au début des années 1980 un Guide pour la conservation et la mise en valeur du Vieux Québec. Celui-ci, certainement très pertinent sur le plan architectural, a cependant été conçu sans prendre en compte des facteurs économiques et sociologiques du quartier. La pertinence d’ailleurs des outils architecturaux et la qualité du cadre urbain qui en résulte tendent d’ailleurs à accentuer davantage l’insuffisance des mesures sociales.
15Alexandre Abry montre que les politiques de restauration de la médina de Fès, patrimoine mondial de l’UNESCO, procèdent, en terme de prise en compte de l’habitat et des habitants, de logiques totalement différentes. Entre une logique « conservatrice » qui attribue la dégradation des habitats aux habitants déracinés qui sont venus s’y installer et une logique « moderniste » qui prône l’adaptation aux cultures locales, l’écart est considérable, à la fois en terme d’approches de restauration et en terme de contenu social.
16Le cas de la médina de Fès montre d’ailleurs de manière exacerbée les difficultés de prise de décision et de mise en place d’un projet de sauvegarde : entre l’élaboration de plans à long terme et au bout du compte irréalisables, et les opérations de rénovation radicales voire tout simplement de démolition, on réalise les difficultés de gestion efficace et continue d’un patrimoine prestigieux mais délabré.
17L’article de Naji Lahmini met en évidence l’importance du rôle de « l’habitant acteur » dans le contexte du logement social en France. Il montre le paradoxe de la situation du logement social conçu par les grands architectes du xxe siècle (et donc plus apte à être reconnu et à être patrimonialisé) qui consiste à offrir aux habitants un cadre bâti (à la fois intérieur et extérieur) figé, et donc à les « neutraliser ». L’auteur fait l’hypothèse que, au bout du compte, les transformations dans le logement sont les seuls moyens de se l’approprier, de le rendre « habitable2 ». Et que, plus le logement proposé est innovant (voire provocateur), plus les transformations seront lourdes. Ces tentatives de réappropriation d’une architecture imposée (qu’elles soient vues comme des formes de destruction ou comme des formes d’enrichissement) conduisent dans certains cas à enlever leur aspect d’origine aux logements transformés et entrent donc de fait en conflit avec les professionnels qui veillent sur la patrimonialisation de ces espaces.
18Les habitants peuvent donc être les véritables acteurs de la transformation des espaces patrimonialisés. La transformation apparaît d’ailleurs consubstantielle à l’acte d’habiter, puisque c’est à travers celle-ci que s’opère l’appropriation de l’espace habité. Qu’elles soient faites de manière « savante », au nom de la valeur patrimoniale ou qu’elles soient faites pour des raisons d’ordre pratique, les transformations opérées par les habitants sont souvent source de conflit témoignant de manière lisible de divergences de vue entre la conception des architectes et le vécu des habitants, entre « bien être » et « voir beau ».
SE CONCERTER POUR (CO) HABITER : RAPPORTS DE FORCE ENTRE HABITANTS, ACTEURS LOCAUX ET EXPERTISES INTERNATIONALES
19La gestion et le développement des territoires patrimoniaux sont l’occasion de partenariats publics, de négociations et de mises en réseau d’acteurs. Florence Paulhiac analyse, dans le cas de Montréal, la manière dont les citoyens participent aux prises de décision en introduisant un ensemble de questions particulièrement cruciales pour le patrimoine et ceux qui l’habitent : « Quel lien possible entre patrimoine et citoyens ? Dans quelles conditions ? Pour quel type de projet ? » L’analyse comparée de deux espaces, du Vieux Port de Montréal (une friche industrielle) et du Vieux Montréal (un quartier historique) met en évidence que les approches participatives possibles sur le premier ne l’étaient pas sur le deuxième. La marge de manœuvre, les contraintes et la concertation diffèrent considérablement entre les différents espaces, même si les acteurs en jeu sont communs.
20Les rapports entre acteurs se placent cependant souvent sous le signe du conflit, puisque les nouvelles fonctions commerciales et touristiques entrent en concurrence avec la fonction résidentielle. Plusieurs auteurs montrent les difficultés de cette cohabitation entre fonctions, d’autant plus importantes que les discours semblent se référer à des états antérieurs imaginaires (le « centre traditionnel », le « village dans la ville » sans les aspects négatifs indissociables à ceux-ci – insalubrité, vétusté, etc.).
21Dans le cas de Valparaiso, ville classée patrimoine mondial en 2003, Sébastien Jacquot témoigne de cette tension entre différentes fonctions, se disputant leur place et leur légitimité dans les quartiers patrimonialisés. La principale opposition est celle qui sépare habitants et fonctions tertiaires, touristiques et de loisirs principalement ; elle est exprimée, selon l’auteur, comme une opposition entre « espace visible et espace voyant », entre la ville telle qu’elle est vue par ceux qui y déambulent et la ville telle qu’elle est vue de l’intérieur des maisons, par ceux qui y habitent. Derrière ces oppositions, on peut voir pointer les mêmes discours qui, au nom d’une ville archétypale, cherchent à défendre la légitimité d’une présence dans les centres patrimonialisés (plus ancienne, plus enracinée, plus consciente) par rapport à d’autres fonctions, censées être moins légitimes.
22Dans certaines villes, l’opposition entre résidents au quartier et autres occupants, permanents ou temporaires, conduit à la mise en place de codes de bonne conduite, des « chartes de civilité ». Habiter le même espace patrimonialisé, convoité par plusieurs groupes pour des raisons différentes (qui ont certes toutes trait au caractère patrimonial des lieux tout en l’interprétant ou en l’évaluant différemment) impliquerait donc un « savoir vivre » spécifique...
23Dans le cas du Vieux-Montréal, Florence Paulhiac souligne le rôle des « arènes », auxiliaires de la mise en œuvre de l’action publique et relais vers les acteurs institutionnels. Dans certains contextes, « habiter le patrimoine » signifie pour les habitants d’adopter un mode d’habiter « actif », nécessitant une inscription au quartier et un investissement fort.
24Au bout du compte, que ce soit dans un contexte urbain ou dans le contexte des Îles du Ponant présentées par Céline Barthon, les contradictions d’un espace patrimonialisé sont tellement fortes que leur dépassement implique une concertation et une volonté locales affirmées, un volontarisme plus « militant » que dans un contexte plus neutre.
PATRIMONIALISATION – GENTRIFICATION : UNE TAUTOLOGIE ?
25Le cas du Vieux Québec, patrimoine mondial de l’Unesco, présenté par Sarah Russeil témoigne du changement considérable de la composition sociale d’un quartier accédant à ce prestigieux label. Populaire jusqu’aux années 1970, il est aujourd’hui majoritairement habité par des catégories sociales aisées. Comme dit l’auteur, la patrimonialisation du quartier a conduit à faire disparaître l’Hinderland du quartier historique... une inscription au patrimoine mondial n’étant de toute façon pas une action pensée en termes d’intégration du site visé dans la vie urbaine, que ce soit dans un souci d’habitat (cadre de vie) ou dans une optique de fonctionnement de la trame urbaine.
26L’analyse comparée des projets de rénovation du quartier de la Doutre à Angers et de réhabilitation du Vieux Mans présentée par Vincent Veschambre, montre que dans les années 1960 et 1970, période pendant laquelle la question des vieux quartiers urbains est posée en France de manière particulièrement aiguë, rénovation et réhabilitation ont eu le même impact : la relégation des plus pauvres et le changement de la base socio-démographique des quartiers en question. Il montre aussi que ceci a été le résultat prévu et attendu de la stratégie de gentrification des municipalités d’Angers et du Mans, qui ont ciblé dès le départ des nouvelles populations solvables. On se trouve ici face à des situations assez ambiguës : les villes souhaitent plus de mixité sociale dans ces quartiers, elles impulsent des projets qui sont à l’origine d’un premier mouvement de gentrification. En même temps elles souhaitent maintenir sur place des populations socialement plus fragiles, et adoptent, dans cet objectif, des stratégies de logement social. Une gentrification « spontanée » résultat de la réaction du marché à l’offre d’un contexte urbain désormais revalorisé complète cependant celle initiée par les municipalités et réduit la marge de manœuvre de celles-ci.
27Nora Semmoud pose la question de l’évolution des politiques de protection des centres anciens au cours des dernières décennies. Elle montre que l’affirmation de la politique patrimoniale, plus franche au cours de la dernière décennie qu’auparavant, est aussi plus menaçante pour la diversité du peuplement : plus la politique patrimoniale s’affirme, plus le centre ancien retrouve une qualité et une valeur d’usage attractives pour les couches moyennes. Elle met ainsi en évidence que la nouvelle optique patrimoniale (glissement par exemple d’une procédure de PSMV3 vers une OPAH4, plus pragmatique) conduit inéluctablement au changement social des quartiers anciens et ce, quels qu’en soient les énoncés de principe.
28Elle souligne par ailleurs le paradoxe de ces opérations : tandis que les politiques publiques cherchent à reconstruire dans les territoires concernés par les politiques de la ville un « espace social » (du lien social, de la sociabilité, de l’urbanité), celui-ci reste invisible là où il existe déjà, c’est-à-dire dans les territoires centraux subissant les opérations de réhabilitation, et de ce fait expérimentant des changements sociaux.
29Les phénomènes de gentrification passent par une vision européocentrée de la notion du patrimoine, mais dans un monde globalisé, ils ne sont pas cantonnés aux villes européennes. Analysant les politiques urbaines à Mexico, Elodie Salin témoigne de la volonté des acteurs locaux de jongler entre, d’une part, le maintien des populations pauvres par l’intermédiaire de démarches participatives et l’implication des habitants aux prises de décisions, et, d’autre part, la gentrification spontanée cherchant à stimuler le retour des populations aisées dans les centres ville. Les contextes culturels et historiques jouent incontestablement un rôle important : dans la période douloureuse de l’après-séisme à Mexico en 1985, la nécessité de maintenir les populations résidentes dans le centre ville sinistré a généré des approches de réhabilitation qui apparaissent aujourd’hui globalement plus innovantes et moins élitistes que celles mises en place dans les vieux quartiers occidentaux. Considéré globalement comme un exemple réussi, le cas de Mexico aurait pu servir d’exemple pour les opérations de réhabilitation du Caire après le séisme de 1992. Il garde cependant un caractère de relative exception. L’auteur considère que de manière générale, les processus de gentrification « autochtone » dans les villes du Sud suivent des trajectoires différentes.
30À l’échelle du logement social, Naji Lahmini s’interroge aussi sur le rapport entre patrimonialisation et gentrification : la patrimonialisation est-elle compatible avec le maintien dans les quartiers et habitats patrimonialisés d’une population socialement plus vulnérable ? La réflexion de l’auteur est ici essentielle : la proposition d’une architecture d’avant-garde aux classes populaires est porteuse d’un risque de détournement du logement, avant même son éventuelle patrimonialisation, de sa destination sociale. Les exemples de logements sociaux construits dans les années de l’après guerre, mais aussi à une date beaucoup plus récente (logements Nemasus de Jean Nouvel à Nîmes) en témoignent.
31Les auteurs montrent la complexité de l’analyse des mouvements de gentrification, à la fois sur le plan spatial (celle-ci ne concernant pas l’ensemble d’un secteur patrimonialisé mais des « poches » spatialisées) et temporel (avec des « degrés » de gentrification progressive). L’analyse de l’emprise spatiale et de l’évolution temporelle des mouvements de gentrification apparaît d’ores et déjà comme un terrain de recherche fécond.
32De manière plus générale, la lecture des textes rassemblés ici tend à confirmer l’importance de l’analyse des processus et des discours sur la gentrification (y compris ceux produits ou véhiculés par les chercheurs) en parallèle avec ceux sur la patrimonialisation (son acceptation ou son refus). Nul doute que nous nous trouvons ici devant des pistes intéressantes à explorer...
Notes de bas de page
Auteur
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