Chapitre 1. La ville morte
p. 37-52
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Texte intégral
Avis de décès
1Le 19 juin 1940, l’armée allemande arrive à Brest, dont le port a été évacué la veille : « C’était le 18 juin ! Les quatre-vingts bateaux de commerce qui encombraient la rade appareillèrent un par un. Puis vint le tour du Richelieu, qui sortit, imposant et fier, avec deux torpilleurs d’escorte : le Frondeur et le Fougueux. Il avait embarqué le matin les cent quatre-vingts élèves de l’École Navale »1. Dès lors, Brest devient véritablement un port allemand – dont la population semble avoir, de ce fait, manifesté précocement des sentiments de résistance. La marine allemande se tient en embuscade à l’entrée de la Manche :
« La vie à Brest différa fondamentalement de celle de la plupart des villes et villages à l’heure allemande. Base de sous-marins, ce fut aussi le lieu de refuge des fameux bâtiments de ligne allemands Scharnhorst et Gneisenau, des croiseurs Amiral Hipper et Prinz Eugen, d’une division de torpilleurs, la 8e ; de “Sperbrechers” destinés à protéger des mines les navires appareillant du port ou rentrant d’opérations »2.
2Brest devint dès juin 1940 la cible de bombardements qui ne cessèrent de monter en puissance malgré l’intensité des tirs de la défense antiaérienne allemande.
3Entre le 8 juillet 1940 et le 14 septembre 1944, Brest connut 650 alertes et plus de 200 bombardements effectifs3. Contrairement à des villes comme Caen ou Le Havre, qui furent bombardées en un temps très court pour des raisons tactiques d’appui des opérations au sol après le débarquement, Brest fit partie pendant toute la guerre, comme Lorient, des objectifs stratégiques de l’aviation anglaise puis américaine. Il s’agissait de permettre l’approvisionnement du Royaume-Uni et de gagner la bataille de l’Atlantique. La bataille de Brest a commencé dès l’été 1940, probablement à la suite de l’arrivée du premier U-Boot en rade, en Août 1940. Elle se prolongea jusqu’à l’impact tardif, en septembre 1944, des bombes Tallboy de 6 tonnes, lancées à une altitude telle qu’elles atteignaient la vitesse du son, sur le plafond de la base sous-marine de Laninon désertée depuis quelques jours par les derniers bâtiments qu’elle avait abrités depuis sa construction en 1941. Un bilan des opérations aériennes menées, dans le cadre des opérations tactiques ultimes, par la 9th USAAF, fait état de 48 envols le 14 septembre, 69 le 16, 56 le 17, et encore 32 le 18 et 27 le 19 septembre – alors que Brest est libérée mais que le général Ramcke, réfugié sur la presqu’île de Crozon, ne s’est pas encore rendu4.
4La périodisation des bombardements comme les conditions dans lesquelles chacun d’entre eux fut décidé sont controversées. Il semble établi qu’après une première vague menée dès 1940 par des escadrilles anglaises peu expérimentées, qui ne firent que des dégâts mineurs, 1941 constitue un tournant, avec les tentatives de destruction de deux cuirassés, le Scharnhorst et le Gneisenau, mis en cale de radoub le 22 mars 1941 après une campagne qui leur avait permis de couler 22 navires de commerce.
5« À partir de ce moment, la vie à Brest devint un enfer pour la population. Pas un jour ne se passa sans – au moins – une alerte aérienne. Les bombes perforantes de 200 kilos – destinées aux cuirassés allemands – effondraient les maisons, des combles aux caves »5. En fait, les risques courus par les aviateurs anglais, qui surnommaient Brest « the mouth of the death » rendaient impossible un rythme quotidien d’intervention, et la pertinence d’une concentration des moyens aériens sur Brest fut l’objet de débats entre Churchill et le chef du Bomber Command, qui aurait préféré éviter de sacrifier des appareils et des équipages dans une bataille pour le ravitaillement et les jeter plutôt à l’assaut de l’Allemagne.
6L’imprécision des bombardements semble due en grande partie à l’efficacité de la défense allemande : « Philippon6 dénombra cent cinquante pièces de DCA de moyen calibre et environ mille deux cents de petit calibre. Toutes les hauteurs entourant la rade étaient garnies de diffuseurs de brume artificielle… »7.
7De fait, la seule avarie subie par le Gneisenau fut provoquée à la suite d’un bombardement raté : dans la nuit du 5 au 6 avril 19418, une bombe tomba enfin dans le bassin de radoub du Gneisenau, qu’il fallut sortir en rade le temps d’évacuer la bombe. Au matin du 6, c’est un simple chasseur qui découvrit le Gneisenau en situation vulnérable, et mena une attaque-suicide jusqu’à 400 mètres du cuirassé, qu’il parvint à toucher. Le 10 avril, le Gneisenau fut plus sérieusement touché : « on releva 50 morts et 90 blessés »9. Les deux cuirassés étaient cependant restés en cale sèche bien plus longtemps que prévu, et cette immobilisation fut ressentie comme une victoire. Ils purent néanmoins quitter le port le 22 février 1942 et remonter impunément la Manche avant d’être affectés en Norvège.
8Brest ne sortait pas indemne de leur présence à ses portes. La pression exercée par la Flak (DCA) – l’une des plus imposantes de tout le dispositif antiaérien du Reich – obligea le Bomber Command à privilégier les bombardements à haute altitude, nécessairement peu précis. Afin de protéger le matériel et les équipages, les bombardements de jour furent abandonnés « à la fin de l’année 1941 […] Les Britanniques développent la recherche technologique dans le domaine de l’aide au bombardement sans visibilité d’objectifs de taille réduite (blind bombing). L’un des premiers dispositifs mis à la disposition du Bomber Command est expérimenté à Brest fin 1941 »10. Il s’agit d’un radioguidage qui oblige les bombardiers à voler en ligne droite et les rend vulnérables à la Flak.
9Le résultat n’est pas probant : les pertes et les erreurs de tirs se multiplient. L’entrée en action, contre la base sous-marine, de la 8th United States Army Air, à partir du 7 novembre 1942, n’apporte guère de changement. La base de sous-marins était si bien protégée sous des mètres de béton armé qu’il fallut se résoudre à mener des opérations plus diffuses sur des objectifs logistiques et économiques – dépôts de carburant, voies de chemin de fer. On devine les effets que put avoir ce recours à l’area bombing sur l’agglomération, avant même le coup de grâce des bombardements tactiques du siège.
10Les victimes civiles furent nombreuses : parmi d’autres, 5 morts et une dizaine de blessés le 13 décembre 1941, 11 morts et 18 blessés le 4 mars – pourtant les deux cuirassés ne sont arrivés dans le port que le 22 mars – 75 morts et 81 blessés le 24 juillet. Le recours aux abris et une évacuation progressive, rendue obligatoire le 15 février 1943 par la Kreiskommandantur11, n’empêchent pas le nombre des victimes décédées du fait des bombardements à la veille du siège de s’élever à 428 personnes. Il est vrai que la population a tardé à quitter la ville. Une majorité des salariés de l’Arsenal pouvait être considérée comme indispensable, et il n’était pas si facile de quitter le logis. Il fallut imposer la fermeture des écoles et restreindre la distribution des tickets de rationnement aux familles pour que le nombre de réfugiés s’accroisse. Ceux qui ne pouvaient trouver asile dans leur famille, leur résidence secondaire, ou ne pouvaient payer une location à l’extérieur de la ville, furent affectés dans la Sarthe et le Loir-et-Cher.
11La diminution de la population a connu d’importants paliers : après une baisse rapide dans les deux premières années, qui la fait passer de 115 000 à environ 75 000 habitants, la population augmente même de nouveau en 1942. Après la vague d’évacuation de 1943, un nouveau palier maintient 60 000 personnes sous les bombardements destinés à la base sous-marine. Il faut attendre le siège, du 7 août au 18 septembre 1944, pour voir vraiment la ville se vider. Le 4 août, une évacuation massive fut ordonnée par le Platzcommandant Habermass ; l’opération dut être réitérée le 13, à la faveur d’une trêve négociée par le Président de la Délégation spéciale, Victor Eusen, pour le 14. Dix jours après l’annonce du siège, il restait en effet encore 23 000 habitants dans l’ensemble de l’agglomération qui allait quelques mois plus tard constituer le « Grand Brest ». Après la dernière évacuation deux milliers de Brestois, élus, administreurs, médecins, infirmières religieuses ou civiles, responsables de la Défense passive côtoient quelques irréductibles qui tentent de survivre dans les ruines soudain accumulées12.
12Dans la nuit du 8 au 9 septembre, 353 Brestois trouvèrent la mort dans l’incendie de l’abri Sadi Carnot dû non aux bombardements mais au désordre régnant parmi les centaines de soldats allemands également présents dans l’abri. Cette catastrophe décapita une partie de l’appareil administratif brestois et aggrava en une seule nuit le bilan humain du siège13. Mais les Brestois ne furent pas dans leur chair, sinon dans leur cœur, les principales victimes du siège : les pertes américaines sont évaluées à une dizaine de milliers de soldats tués ou blessés ; autant, semble-t-il, du côté allemand.
13De même que le nombre des victimes, les sinistres immobiliers connurent une progression constante puis une accélération foudroyante pendant le siège. Avant le siège, 2 000 immeubles avaient déjà été endommagés. Dès le 11 janvier 1943, le Commissariat à la reconstruction immobilière admettait Brest au nombre des villes appelées à établir un Projet de reconstruction et d’aménagement (PRA). Cet arrêté ministériel clôturait une démarche antérieure : la sous-commission de la reconstruction du Finistère avait été consultée le 15 décembre 194214. Tirant les conséquences des sinistres qui rendaient caduc le Plan d’aménagement, d’embellissement et d’extension élaboré par Georges Milineau et adopté après de longues tergiversations en 193915, le Commissariat à la reconstruction décidait de nommer un nouvel urbaniste en charge de l’élaboration du nouveau plan, Jean-Baptiste Mathon16. À ce moment, selon le Commissariat, 211 immeubles avaient déjà été détruits, 1124 endommagés. Quant aux sinistres consécutifs au siège, les causes en sont multiples : imbrication du centre de la ville dans les installations portuaires militaires, imprécision inévitable de la technique du tapis de bombes, utilisation de bombes au phosphore et de napalm17, incendies volontaires allumés par des soldats allemands pris au piège et désespérés.
14Les difficultés d’un recensement précis des sinistres dans un tel chaos, aggravé par l’enchevêtrement des parcelles et l’abondance des constructions annexes plus ou moins légales édifiées au fil du temps dans des arrière-cours qui étaient notoirement surpeuplées, expliquent quelques écarts d’évaluation, au demeurant négligeables au regard du fait principal, l’anéantissement du centre même de la ville, privée par ailleurs de ses installations portuaires : la Penfeld est obstruée par le Pont National effondré, les quais du port de commerce sont inutilisables, quelque 2 000 épaves encombrent la rade. Le rapport manuscrit d’une tournée d’inspection du Ministère de la reconstruction et de l’urbanisme, daté des 21 au 23 juillet 1945, mentionne 2 894 immeubles totalement détruits et 1039 partiellement touchés18. Ces chiffres ont été par la suite réévalués, à mesure que parvenaient les déclarations de sinistre. En 1948, Jean-Baptiste Mathon estimait les dégâts à 4 800 immeubles totalement détruits, 3 700 fortement endommagés, 2 000 modérément atteints19. 10 500 des 11 700 immeubles brestois auraient donc été, même véniellement, affectés. En 1949, le Délégué départemental adjoint à la reconstruction, Maurice Piquemal, comptait 10 640 immeubles affectés au total20. En 1963, deux ans avant la liquidation définitive des Associations de reconstruction, le maire Georges Lombard donnait une approximation nettement plus élevée de ce bilan :
« Le bilan des sinistres constitue un triste record : Sur 16 500 bâtiments : 5 000 étaient sinistrés à 100 %
5 000 étaient sinistrés à 50 %
1 500 étaient sinistrés à 25 %
1 800 étaient sinistrés à 10 % »21.
15Il semble que l’essentiel du traumatisme infligé aux Brestois fut celui de la disparition totale des quelque 5 00022 immeubles du centre ville, et singulièrement l’anéantissement de l’ancien intra muros dans lequel logeaient nombre d’entre eux, toutes classes confondues, mais qui constituait aussi pour tous l’espace public familier.
16Le déblaiement des chaussées fut effectué dans de réelles conditions d’urgence – il fallait rétablir une circulation sommaire parmi les gravats, les cadavres d’hommes et de chevaux, tout aussi bien pour les besoins de l’armée alliée, qui n’en avait pas fini avec la guerre, que pour ceux des secours. L’efficacité des bulldozers, et l’utilisation des prisonniers allemands, permirent dans un premier temps d’aller à l’essentiel : retrouver le niveau des pavés d’origine en repoussant les déblais de chaque côté de l’ancienne voie. De toute façon, l’irrémédiable était fait. Il fallut bien aussi précipiter l’écroulement de murs d’immeubles qui avaient perdu toute structure intérieure et qui avaient mal résisté au feu. Un coup de vent pouvait faire s’écrouler une façade entière23. Quelques propriétaires estimèrent plus tard que le déblaiement avait été excessivement radical : l’occasion leur en était donnée par la conception des dossiers d’enregistrement destinés à la préparation du remembrement, qui comportaient sur leur dernière page une rubrique « Déclarations personnelles et particulières du sinistré ».
17Cette rubrique est le plus souvent restée non renseignée, mais des récriminations apparaissent, dont celles d’un futur membre influent de l’Association syndicale de remembrement est représentative : « Le soussigné déclare faire toutes réserves sur la démolition par les services de la reconstruction du gros-œuvre et l’enlèvement des matériaux, car malgré l’incendie de l’immeuble par les Allemands l’immeuble pouvait être reconstruit »24. Ni Maurice Piquemal ni Jean-Baptiste Mathon ne nièrent avoir quelque peu poussé au déblaiement pour préparer dans de meilleurs conditions la construction de la ville future : « il n’aurait pas été sage de ne pas profiter de cette démolition totale »25.
18Mais l’arasement du centre ville était loin d’être achevé. Il ne le fut qu’en fonction de décisions administratives, et par des entreprises françaises de travaux publics. L’histoire d’une rumeur durable faisant porter sur « les bulldozers américains » la responsabilité de l’arasement final reste à faire. En définitive, les plans de remembrement établis à partir de 1947 font apparaître une dizaine d’immeubles anciens qui ont pu être préservés, notamment à proximité du Cours Dajot. Mais dès 1944 un début de curetage des blessures inguérissables avait ajouté à la stupeur des premiers moments ce facteur aggravant du deuil inachevé qu’est l’absence de trace. Certes, les premiers observateurs de la ville détruite n’en étaient pas à imaginer l’inhumation du corps absent. Ils eurent à contempler un cadavre mutilé. Leurs récits expriment le premier stade de la douleur. (Photographies 1, 2, 3).
La douleur et l’absence
19Le choc provoqué par la découverte des ruines, deviné et appréhendé par les réfugiés les plus proches qui virent, à des dizaines de kilomètres de distance, des jours durant, le ciel s’embraser, a été parcimonieusement transmis par des photographes, des peintres et des écrivains. Non seulement l’accès aux ruines était difficile, mais la transcription artistique du traumatisme subi par les premiers visiteurs constituait un défi insoutenable. Pierre Péron, qui visita sa ville détruite dès que les hostilités eurent cessé, crayonna désespérément26 avant de regagner Paris. Il dut avoir l’occasion d’observer une photographie aérienne du Signal Corps, représentant les squelettes dressés des immeubles aux fenêtres béantes situés entre la place du Château et la rue Monge27. (Planches n° I et II, pages suivantes).
20On voyait au fond la Penfeld, la Grande grue rescapée et le reflet dans les eaux de la Penfeld des installations portuaires de la rive droite. Une apparition du soleil fait apparaître blanche et fantomatique la partie centrale de la photographie, que l’ombre portée des autres bâtiments sinistrés auréole de noir. Pierre Péron conserva ce contraste et les grandes lignes de fuite de la photographie dans un dessin resté célèbre, mais il la transforma radicalement en une représentation de la ville morte centrée sur la rue de Siam28. Il recadra la photographie en inventant au premier plan une rue d’Algésiras transversale, creusa à droite une rue Pasteur bordée d’immeubles imaginaires – voire éclairés par on ne sait quelle électricité. Cette magnifique transposition de la douleur parvint à tromper jusqu’aux metteurs en page de la première Histoire de Brest. La photographie aérienne de la place du Château, reconnaissable à son jet d’eau, au bâtiment de la Banque de France, à l’arrivée du Pont national, y est ainsi légendée : « Le bas de la ville après le siège. On reconnaît à droite l’axe de la Grand Rue (rue Louis Pasteur) qui descendait à l’Arsenal29. De ce paysage de mort, seule subsistera la Grande grue »30. L’art avait créé une fausse mémoire en des années 70 où le souvenir proche s’était effacé. Un autre peintre de Brest, Ernest Nourry, publia sa propre vision des ruines deux ans plus tard, à un moment où la ville était arasée mais où aucun nouveau bâtiment n’avait encore été édifié31.
21François Péron32, journaliste à Ouest-France, était fier d’être le premier journaliste français entré dans Brest dès la fin du siège. Son récit est effectivement publié dans le numéro du 20 septembre 1944, deux jours seulement après la fin des opérations, dans des circonstances qu’il rappela en 1981 : « Au fur et à mesure que nous nous rapprochions du centre-ville les ruines se faisaient de plus en plus tragiques »33. François Péron note dans son reportage qu’il a atteint Brest à 16h30 : l’inimaginé lui apparaît alors, suivant une progression à la fois obligée et symbolique des quartiers périphériques vers le cœur brûlé.
« À droite, à gauche, des maisons en ruines […] Nous atteignons Kerigonan. Les grandes maisons de la cité sont en partie détruites. Nous traversons les rues Danton, Brizeux, Marengo, en ruines34. Le nouvel Hôpital, où il y a deux jours encore Américains et Allemands se livraient de sérieux combats, est criblé de trous d’obus […] L’auto ne peut plus nous être utile. Nous atteignons à pied la place de la Liberté d’où nous découvrons soudain un immense champ de bataille ».
22Soudain : l’adverbe en dit peut-être plus, dans un texte écrit en l’urgence, que le vocabulaire utilisé dans les paragraphes suivants qui peinent à dire l’indicible.
« Plus loin, le centre de la ville. Des ruines à droite, des ruines à gauche, des ruines partout. Paysage lunaire, nous dit le capitaine Belloc. Le bas de la rue Jean Jaurès est détruit par le feu en grande partie35. Il est 16 h 30. Nous atteignons le cœur de Brest… la place Anatole France, d’où rayonnent les rues de Siam, Louis Pasteur, Algésiras, Colbert36. La fumée s’élève encore de certains immeubles. La Poste est détruite. Les Arcades, les Voyageurs37. Le cœur de Brest a cessé de battre. Mais déjà des soldats américains s’emploient à déblayer les rues. La ville renaîtra ! »38.
23François Péron n’aurait pas pu, ce jour-là, aller plus loin dans une rue de Siam qui n’était pas encore complètement désencombrée : la suite de son article est consacré au récit de sa rencontre avec quelques survivants du siège.
24Ce texte a l’intérêt de l’immédiateté. Dans les conditions d’édition qui lui étaient imposées par les circonstances, l’auteur n’a pas eu à sa disposition plus de quelques heures pour le composer et le transmettre. Les récits ultérieurs ont bien sûr été plus longuement mûris. Mais ils gardent en commun la volonté d’exprimer la stupeur : on est alors à l’orée d’un travail de deuil en cours d’effectuation.
25La première interprétation littéraire de la découverte des ruines semble pouvoir être attribuée à Henri Queffélec, écrivain né à Brest, qui publie dès 1945 un recueil de nouvelles incluant le récit romancé du retour dans le centre dévasté d’un vagabond nommé Jules39. La construction métaphorique est frappante ; dans un premier temps, Jules s’identifie positivement à une ville dévastée qu’il voit comme une promesse de ressources infinies :
« Brest existait toujours, avec des rues bien tracées que bordaient seulement, par-ci par-là, des maisons mortes. Et puis son métier à lui, le Julot, ça n’était-il pas de dénicher l’existence où les autres ne voient que cendres et ordures. Les poubelles, si c’était son affaire […] Une ville entière jetée à la voirie, au champ d’épandage […] La dégringolade, sous ses crocs furieux, avait arraché dans la rue des pans de briques, des tas de gravats, des monceaux de poudreux immondices […] C’est bien simple, là-dessous ça devait grouiller de cuillers et de fourchettes […] de substantielles baignoires s’ennuyaient, le ventre clair, la peau sombre. Et des serrures, des compteurs, des fils, des livres à demi brûlés. Oui, bien sûr, ces ruines-là, c’était de l’or en barre »40.
26Mais Jules croule paradoxalement sous l’abondance : « C’était trop, c’était trop. Trop de chats morts et trop de chats vivants. Trop de papiers jaunis et sales. Trop. Trop. »41
27Jules est alors saisi d’un vertige qui inverse sa vision gourmande. Il passe du plein au vide : « Ni tuiles ni ardoises ne battaient plus des ailes sur les toits ; il n’y avait plus de toits. Plus de boulangeries, ni d’épiceries, ni de cordonneries, ni de cafés, ni de merceries, ni même de ruines de boulangeries ni d’épiceries, mais un trou de maison, un reste de maison »42. Jules, désespéré, finit par s’infliger, au Cours Dajot, un semblant de hara kiri : « D’instinct il vint contre le parapet de granit et se frotta la veste sur la pierre jusqu’à ce qu’un craquement jaillît et qu’un bon morceau d’étoffe se mît à pendre comme une entraille »43. D’emblée, par un exercice impressionnant de « mentir vrai », Henri Queffélec posait la question qui rendait si difficile la tâche des producteurs de représentations de la ville détruite : comment dire l’absence ? Comment passer du plein au vide, qui constituait une nouvelle présence inattendue ?
28Là où Henri Queffélec manie de façon très élaborée les mots, d’autres que les peintres eurent l’idée de manier les images : la photographie pouvait passer pour un moyen de restitution du plein disparu. Ainsi, dès 1946, une brochure confectionnée par la rédaction locale d’Ouest-France à la demande de l’Association des Commerçants et Industriels Sinistrés (ACIS) mit en scène et en pages, pour la première fois, le face à face entre la ville disparue et ses ruines : accompagnant un texte reprenant pour l’essentiel, de façon détaillée, les étapes de la destruction, de nombreuses photographies mettent en regard l’avant et l’après.
« La rue de Siam, connue des marins du monde entier n’existe plus. Le pont tournant, orgueil de Brest n’existe plus. La place Anatole France, si vivante n’existe plus. Une ville inconnue : les Brestois eux-mêmes ne se reconnaissent plus dans le dédale des ruines. Une ville ruinée : amoncellement de débris et de ruines là où étaient les magasins et les docks du port de commerce »44.
29Quelques années de souffrance et de doute permirent de commencer à esthétiser le souvenir des ruines, à un moment où elles sont définitivement arasées. Ainsi en 1949 Noël Spéranze45, journaliste et publiciste actif avant la guerre, choisit le format de la « nouvelle » – terme ambigu qui laisse attendre une intrigue romanesque courte – pour offrir un récit de sa première rencontre avec sa ville sinistrée. Peut-être a-t-il voulu souligner, par ce sous-titre, le caractère sentimental de cette rencontre entre un homme et sa ville perdue : « Après quatre années d’absence, quatre années longues comme des siècles, j’ai voulu te revoir, Brest au cœur dévasté […] Comme un amant, j’ai visité, cette nuit, la tombe d’une maîtresse chérie. Et je n’ai point retrouvé son visage »46. Tout le texte est construit sur les thèmes de l’absence, du vide et de la disparition des noms. Contrairement à Henri Queffélec, Noël Spéranze n’ose pas avancer la thématique du trop-plein : « Un vide accru, rendu plus sensible par la présence des quelques murs encore debout. Çà et là, quelques chicots tragiques, percés d’ouvertures béantes, dressent vers le ciel noir des jalons de ce bouleversement […] C’est le vide, un vide total. Il n’y a même pas un goéland au ciel. Il n’y a même pas un goéland sur la mer ». La mention des jalons est essentielle : c’est la perte totale des repères, déjà mentionnée par Alain de la Noë, qui menace les Brestois : « La notion du temps elle-même disparaît dans ta nuit lugubre, Brest au cœur dévasté ». La dénomination elle-même est de plus en plus fragile : « Est-ce ici la rue de Siam ? » Le nom propre s’efface. « J’ai traversé des flaques d’eau, sur un tertre sans nom, où se dessine une voie de tramway »47. « Derrière un terre-plein nivelé, quelle est cette masse sombre ? Une église enterrée dont les cloches ne sonnent plus les heures. Et pour qui sonneraient-elles ? » – Les photographies de la ville en voie de dégagement permettent d’identifier dans cette description l’église Saint-Louis, qui n’est pas nommée.
30Les touristes n’éprouvaient pas nécessairement une aussi intime désolation. Le premier Guide Bleu édité après la guerre proposait une visite surprenante de la ville arasée, sans pouvoir éviter de chercher à combler le vide en entrelaçant une description rédigée au présent à l’imparfait d’une évocation du passé :
« La place de la Liberté se prolonge au Sud-Ouest par la place Anatole France qui formait la principale entrée de la ville fortifiée et d’où partaient les deux artères principales : la rue de Siam, la plus commerçante de Brest, longue de 750 mètres environ, qui descendait au pont tournant et la rue Louis Pasteur qui descendait par une profonde tranchée (en cours de remblaiement) à l’entrée de l’Arsenal […] Descendant un instant la rue de Siam, on prend à gauche la rue Jean Macé qui longe bientôt la place Wilson, naguère centre animé de la ville ». Les rues sont ici nommées, alors qu’elles ne sont plus des rues, mais des pistes tracées sur un plateau nivelé : « Toute la voirie subsiste, mais à travers une ville rasée : Brest n’est plus qu’un vaste plan, une cité réduite à deux dimensions »48.
31Aucun de ces discours dans les ruines n’échappe au mystère d’une présence de l’effacement qui oblige à reprendre la discussion de la notion de palimpseste urbain. Celle-ci a été proposée pour la première fois par Nietzsche, et reprise par Bernard Lepetit. Nietzsche attribuait à ceux qu’il nommait des historiens « antiquaires » le souci de déchiffrer les signes à eux seuls offerts par une ville dont ils pouvaient tirer fierté d’avoir compris par empathie les sens cachés :
« Ce qui est petit, restreint, vieilli, prêt à tomber en poussière, tient son caractère de dignité, d’intangibilité du fait que l’âme conservatrice et vénératrice de l’homme antiquaire s’y transporte et y élit domicile […] Sentir et pressentir à travers les choses ; suivre des traces presque effacées ; instinctivement lire bien le passé, quelque soit le degré où les caractères sont recouverts par d’autres caractères, comprendre les palimpsestes et même les polypsestes – voilà ses dons, voilà ses vertus »49.
32Sans le citer, Bernard Lepetit lui emboîtait le pas en 1993 :
« Une tradition d’analyse urbaine y correspond. Pratique d’antiquaire plus que d’historien, elle considère la ville à la manière d’un palimpseste dont la compréhension s’épuiserait à retrouver sur trace, sous l’écriture la plus récente, les anciens textes […] Mais la ville n’est pas un palimpseste […] La ville ne dissocie pas mais fait converger dans un même temps les fragments d’espace et les habitudes venues de moments différents du passé »50.
33Bernard Lepetit justifie sa critique par les exemples infinis de recréation toujours recommencée, par les habitants d’une ville, du cadre bâti passé qui interdit de prétendre, en grattant l’écriture présente, de découvrir celle du passé, elle même devenue l’encre du nouvel écrit : « À Paris, dans le Marais, l’ancien bâti s’accommode au contraire d’usages successifs contradictoires et les vieux hôtels sont susceptibles d’être successivement, au prix d’un simple “bricolage” interne, demeures aristocratiques, ateliers, logements bourgeois »51. Mais dans cette problématique, les villes sinistrées et reconstruites constituent un cas très particulier, qui réhabilite le terme palimpseste du fait de l’effacement physique de l’ancienne écriture de la ville. Il manquera toujours à la convergence des temps vécus le réinvestissement actif d’éléments du passé évoqué par Bernard Lepetit. L’arasement des ruines interdit tout « bricolage » créateur. La ville disparue ne peut être réinvestie que dans l’imaginaire d’une mémoire du reste de plus en plus évanescente, si l’on en croit la déploration écrite par Edmond Soufflet :
« S’il n’est pas déjà trop tard, il est, du moins, grand temps. Un souvenir qui sombre ne lutte pas comme un homme à la mer : il se laisse glisser plus vite dans la paix des profondeurs. Il renonce à s’attacher à qui s’en détache. Il meurt sans dire un mot. Et quel vieux Brestois oserait dire qu’en lui des souvenirs de Brest ne sont pas déjà morts, dont il porte les tombes de plus en plus nombreuses : Où était l’Asile de l’Impératrice ? Où était-il donc ?… – ci-gît l’asile de l’impératrice – Où était l’Aérium ? Où était-il donc ?… – ci-gît l’aérium. […] ci-gît la rue qui n’a plus de nom, le bistrot qui n’a plus d’enseigne […] On ne dit plus : C’était ici, très précisément ici… On commence à dire : C’était quelque part, par ici… L’imprécision topographique avant l’imprécision de l’image qui se délite, l’indécision de celui qui voudrait encore localiser avant l’indifférence de celui qui n’arrivera même plus à nommer… »52.
34Nommer cette ville qui meurt sans un mot, cette ville effacée réduite aux deux dimensions d’un plan est bien la difficulté posée par le choix fait de raser le centre sinistré. Bernard Lepetit ne critiquait l’image du palimpseste que pour mieux souligner qu’en était absente l’histoire elle-même, c’est-à-dire la dimension créatrice du temps humain. Or dans la ville sinistrée l’histoire s’est arrêtée, fût-ce un instant. (Planche n° III, page suivante).
35Si une ville n’est pas un palimpseste, une ville rasée est peut-être ce qui s’en rapproche le plus, avec plus de fragilité encore et cet inconvénient supplémentaire que le grattage de la couche la plus récente ne peut avoir lieu qu’à l’occasion de rares et imposants travaux publics, qui ne peuvent exhumer que quelques symboles.
Notes de bas de page
1 Albert Vuillez, Brest au combat, Paréédition dris, Ozanne, 1950. Réédition sous un autre titre, L’enfer de Brest, Paris, France-Empire, 1985, p. 37 de la e 1985.
2 François Péron, Brest sous l’occupation, Rennes, éditions « Ouest-France », 1981, p. 9.
3 La mise au point la plus récente sur les bombardements de Brest est celle de Jean-Yves Besselièvre, « Les bombardements de Brest (1940-1944) », in Revue historique des armées, 1998, n°2. Le développement suivant emprunte une grande part des informations apportées par cet article, qui permet de nuancer les sources classiques.
4 « Opérations aériennes menées par la 9e Air Force sur Brest du 25 août au 19 septembre », in Brest dans la guerre, Brest, éditions de la Cité, 1984, p. 108. Ouvrage collectif édité à l’occasion du quarantième anniversaire de la Libération de Brest.
5 Amiral Lepotier, Brest, Porte océane, Paris, France – Empire, 1968, p. 353.
6 Le lieutenant de vaisseau Philippon, nommé faute de mieux au moment de l’invasion nazie responsable des jardins de la Direction du port, fut recruté par le réseau de résistance « La Confrérie de Notre-Dame » (Colonel Rémy). Il faisait du renseignement sur les mouvements du port. Il devint plus tard amiral.
7 Amiral Lepotier, op. cit., p. 354.
8 La date est confirmée par l’amiral Lepotier et Albert Vuillez. Curieusement, Jean-Yves Besselièvre attribue cet épisode à l’opération « Veracity I » de décembre 1941.
9 Amiral Lepotier, op. cit., p. 355.
10 Jean-Yves Besselièvre, article cité.
11 « Toutes les personnes inutiles à la vie économique de l’agglomération brestoise sont instammant priées de se préparer à l’évacuer […] obligatoirement dans un court délai. » Avis cité par François Péron, op. cit., p. 87.
12 Ces chiffres sont issus d’un mémoire de fin d’études réalisé à l’École Normale de Quimper durant l’année scolaire 1949-1950 par Cécile Bramé. Tous les chiffres utilisés par Cécile Bramé lui avaient été communiqués par le secrétariat de Maurice Piquemal, alors Délégué départemental du Ministère de la reconstruction et de l’urbanisme : s’ils ne sont peut-être pas absolument exacts, du moins sont-ils ceux qu’avaient à l’esprit, dans le moment, les responsables de la Reconstruction et qu’ils acceptaient de divulguer. Mémoire inédit, source privée.
13 Comtesse Alix de Carbonnières, Antoine Coste : L’Assaut de Brest, op. cit. Antoine Coste fut expulsé de l’abri par le souffle de l’explosion causée par l’incendie d’un dépôt de munitions et de réserves d’essence.
14 Arrêté du Commissariat à la reconstruction immobilière, dépendant du Secrétariat aux communications, 11 janvier 1943. Archives nationales, Centre des archives contemporaines, dépôt de Fontainebleau, désormais dénommé AN, CAC. 770744 AFU 4431.
15 Ces plans avaient été rendus obligatoires pour toutes les agglomérations de plus de 10 000 habitants par la loi du 14 mars 1919, dite familièrement « loi Cornudet », du nom de son rapporteur, Honoré Cornudet des Chaumettes (1861-1959). Aucun délai n’était fixé, et le plan Milineau ne fut jamais appliqué. On verra que Jean-Baptiste Mathon lui a emprunté quelques idées.
16 Arrêté du 19 janvier 1943, AN, CAC, 770744 AFU 4431.
17 Général Middleton, Août-septembre 1944, le siège de Brest, opérations du 8e corps de la 3e armée des États-Unis, Brest, service mécanographique de la ville, 1969.
18 AN, CAC, 770744 AFU 4431.
19 Jean-Baptiste Mathon, Nos villes sinistrées, Brest, 1948. Il s’agit d’un tiré à part de quatre pages, reprenant le texte d’une conférence prononcée en 1948, semble-t-il adressé à un groupe confraternel, dont plusieurs exemplaires sont conservés aux Archives municipales de Brest sans que l’on puisse déterminer l’origine exacte du document. AM de Brest, O 401-1.
20 Chiffres communiqués par les services de Maurice Piquemal à Mme Bramé, mémoire cité.
21 Georges Lombard, Brest, prix de l’expansion régionale, Brest, Imprimeries des PAM, 1963, p. 8.
22 4875 selon Jean Bienfait, « Le nouveau Brest », in Histoire de Brest, Toulouse, 1976, p. 337. Il semble raisonnable de s’en tenir à ce dernier chiffre, donné dix ans après la clôture des opérations de reconstruction.
23 Témoignages de M. Jean Le Goualc’h, technicien affecté à ce moment à l’estimation du cubage des immeubles sinistrés, et de Charles-Yves Peslin qui faillit être écrasé par une façade. Jean Le Goualc’h fait certes partie des équipes de la reconstruction, mais ne peut être suspecté de partialité en faveur de l’option choisie par Jean-Baptiste Mathon : acteur parmi d’autres de l’arasement de la ville sinistrée, il est aussi l’un des animateurs de la mémoire brestoise.
24 AD du Finistère, dépôt de Brest, dossiers d’attribution immédiate d’une parcelle remembrée, 211 W 51.
25 Jean-Baptiste Mathon, Nos villes sinistrées : Brest, op. cit.
26 Pierre Péron fit paraître dès 1946 un recueil d’aquarelles représentant les ruines, accompagné d’un texte de Pierre Mac Orlan : Brest, Paris, « sur les presses du maître-imprimeur J. Zichieri », novembre 1946.
27 Photographie disponible aux Archives municipales de Brest, une bonne reproduction en est donnée dans l’Histoire de Brest, Toulouse, Privat, 1976, hors-texte précédant la p. 305.
28 On peut voir une reproduction de ce dessin dans Pierre Jakez Helias présente Pierre Péron, Brest, éditions de la Cité, 1978, p. 136. Il est daté de 1944. Pierre Péron n’avait à cette époque aucun moyen de prendre une vue cavalière de la ville détruite. La sublimation de la photographie aérienne est évidente.
29 Il s’agit en réalité de la rue Monge, perpendiculaire à la rue Pasteur.
30 Histoire de Brest, op. cit., légende (anonyme) de la photographie.
31 Ernest Nourry, Brest à travers les cendres, texte de Yves-Marie Rudel, préface du vice-amiral Robert, préfet maritime, Morlaix, 1948.
32 François Péron n’avait pas de lien familial avec Pierre Péron. Il s’est trouvé un peu par hasard aux premières lignes de la renaissance de la rédaction locale d’Ouest-France.
33 François Péron, op. cit., p. 156 et 157.
34 Il s’agit de rues extra muros, du quartier de St-Martin, rattaché à Brest en 1861 et longtemps surnommé « Annexion ».
35 Parvenu sur l’ancienne place de la Liberté, méconnaissable, labourée par les bombes par une rue parallèle à la rue Jean Jaurès, le journaliste se retourne et découvre le bas de la rue Jean Jaurès avant de porter son regard sur l’ancien centre qui lui fait face – du moins organise-t-il son récit de cette manière : il souhaite évidemment mettre en valeur la découverte du pire des sinistres.
36 François Péron s’adresse à des lecteurs qui ont besoin de repères : ces rues n’existent de fait plus, elles ont disparu sous des tonnes de décombres. Seule la place Anatole France a été déblayée grossièrement : c’est là que s’est opérée la reddition de la garnison allemande, deux jours auparavant.
37 Il s’agit à cette époque d’établissements situés en haut de la rue de Siam.
38 François Péron, Ouest-France du mercredi 20 septembre 1944.
39 Henri Queffélec, Un homme à la côte, Paris, Stock, 1945, achevé d’imprimé en décembre 1945, soit à peine plus d’un an après les événements. La nouvelle est intitulée Un retour.
40 Ibidem, p.182 et 183.
41 Ibidem, p. 184.
42 Ibidem, p. 185.
43 Ibidem, p. 188.
44 Brest, ville héroïque et martyre, Rennes, Imprimerie bretonne, 1946. Reportage photographique de Georges Bourges et Alain de la Noë, préface d’Alain Lecomte, préfet du Finistère. Texte d’Alain de la Noë, qui était en 1944 le chef de la rédaction locale d’Ouest-France. François Péron reprend dans son livre nombre d’éléments de ce texte auquel il a pu collaborer. Les photographies du Brest d’avant-guerre sont empruntées à des éditeurs de cartes postales.
45 Pseudonyme de M. Chamel
46 Noël Spéranze, Au coeur de Brest, 1949, Rennes, éditions Nadoz Vor, illustrations Yuna Roazon.
47 Noël Spéranze ajoute que sous ce tertre « dorment encore les restes calcinés de l’abri Sadi Carnot », ce qui n’est pas contradictoire avec l’allusion au tramway : l’abri souterrain traverse en effet la rue de Siam. Mais les cadavres ont été évacués du 28 septembre au 19 octobre 1944. (entretien avec le Docteur Alexis Corre, février 1994). À cette date, Brest n’a pas encore été déblayée au point que Spéranze décrit. Son texte est probablement une composition issue de plusieurs impressions, recueillies sans doute entre 1944 et 1946 au plus tard.
48 Georges Monmarché, Guide Bleu de Bretagne, Paris, Hachette, 1948. Fils du directeur des Guides Bleus, Georges Monmarché fut en charge à pertir de 1924 de la rédaction des guides de Bretagne.
Il est a priori un visiteur attentif, même s’il lui arrive de se tromper. En 1948, il confond l’Hôpital Morvan et l’Hôpital Ponchelet.
49 Friedrich Nietzsche, « De l’utilité et des inconvénients des études historiques », in Considérations inactuelles, 1874, traduction par Henri Albert, Paris, le Mercure de France, p. 149 et 150 de l’édition de 1938. L’auteur de ces lignes espère ne pas être tombé dans le défaut épinglé par Nietzsche !
50 Bernard Lepetit, « Une herméneutique urbaine est-elle possible ? », p. 289 et 290, in Temporalités urbaines, ouvrage collectif coordonné par Deise Pumain et Bernard Lepetit, Paris, Anthropos, 1993.
51 Ibidem, p. 289.
52 Jean Neuville (Edmond Soufflet), Jim Sévellec, Notre vieux Brest, Brest, Union des libraires, 1954.
Introduction non paginée.
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