Chapitre VI. Victoires et désillusions (1936-1939)
p. 149-177
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Index géographique : France
Texte intégral
1La victoire du Front populaire aux élections législatives des 26 avril et 3 mai 1936, puis l’entrée en fonction le 5 juin du gouvernement dirigé par Léon Blum, sont accueillies avec espoir par la grande majorité des inscrits maritimes. Le nouveau sous-secrétaire d’État à la Marine marchande est Henri Tasso, député et maire socialiste de Marseille, à l’origine de la loi d’aide à l’armement du 13 juillet 1934.
2Alors que des grèves massives touchent tous les secteurs d’activités, les représentants de la CGT et ceux de la Confédération générale de la production française réunis à l’Hôtel Matignon sous la présidence de Léon Blum, concluent dans la nuit du 7 au 8 juin un accord portant sur les contrats collectifs de travail et une augmentation générale des salaires de 7 à 15 %. Cet « accord Matignon » est suivi par le vote avant la fin juin de trois lois qui modifient profondément les relations économiques et sociales dans le pays : la loi du 20 juin institue un congé annuel dans l’industrie, le commerce, les professions libérales, les services domestiques et l’agriculture ; la loi du 21 juin pose le principe de la semaine de 40 heures et prévoit que les modalités d’application aux différentes industries seront déterminées par des décrets particuliers et la loi du 24 juin modifie les dispositions du Code du travail relatives aux conventions collectives1.
3Dès le 11 juin, la FNSM écrit au CCAF pour demander l’ouverture de négociations sur le contrat collectif d’engagement. Quatre jours plus tard, elle lui transmet ses propositions2. Dès le lendemain, les marins, restés jusque-là à l’écart du mouvement massif de grèves, cessent le travail afin de faire pression sur les négociations.
Les avancées sociales de l’année 1936
4Si les marins ne se sont pas mis en grève, c’est à la demande expresse de la FNSM qui pense aboutir à un accord sans cessation du travail. Le port de Boulogne fait exception puisqu’une grève est lancée le 8 juin par le syndicat des marins CGT. Son secrétaire, Coppin, propose même un cartel intersyndical au syndicat libre des marins du Boulonnais qui l’accepte. Mais Ehlers, présent à Boulogne à partir du 13 juin, rompt ce cartel et le lendemain, Lamort ne peut prendre la parole lors d’un meeting. Un accord collectif entre les armateurs et le seul syndicat des marins CGT est conclu le 19 juin. Le même jour, alors que des négociations nationales ont débuté entre la FNSM et le CCAF la veille, les inscrits de Rouen cessent le travail sans l’aval de la fédération3. La grève va s’étendre rapidement à tous les autres ports.
La signature de conventions collectives dans la marine marchande
5Le déclenchement de la grève à Rouen surprend le CCAF. En effet, selon ses informations, « la FNSM a l’intention de déclencher la grève générale si un accord n’a pas lieu d’ici le 22 juin ». Mais le syndicat des marins de Rouen est dirigé par un ancien unitaire, Le Minter. Le 22 juin, à 1h30 du matin, les marins de Marseille cessent à leur tour le travail. À 14 heures, les navires présents dans le port sont occupés par leur équipage et « le drapeau rouge hissé à la place du pavillon de la compagnie ». Cette occupation des bateaux entraîne des protestations de la part des armateurs. Ceux-ci se plaignent, de plus, du fait que « la police n’a rien fait pour nous protéger et faire cesser cette situation véritablement intolérable ». Le lendemain, alors que 6 000 marins grévistes sont dénombrés, les syndicats des états-majors de Marseille « prennent l’engagement de conserver une neutralité absolue dans la grève des équipages en évacuant les navires où leurs ordres ne sont plus exécutés ». La détermination des inscrits marseillais leur permet d’obtenir la signature le 25 juin d’un accord venant compléter celui signé la veille au niveau national, pour tous les navires ayant Marseille pour port d’armement4.
6Après une lecture détaillée du projet de contrat collectif de la FNSM, le CCAF fait des contre-propositions. Le 19 juin, un texte partiel est adopté. L’arbitrage d’Henri Tasso est sollicité pour régler les points de désaccord. Ils concernent l’augmentation des salaires et les congés payés. Alors que le CCAF s’en tient à la stricte application de l’accord Matignon, la FNSM demande 20 jours de congés annuels et un salaire mensuel de 630 francs pour les dernières catégories de personnel et, pour les salaires des catégories les plus élevées, le maintien de la proportionnalité établie dans l’accord du 18 mai 1929, ce qui équivaut à une hausse des salaires de 22 %. Le 23 juin, les demandes de la FNSM sont rejetées par le sous-secrétaire d’État à la Marine marchande. Le lendemain Jacques Marchegay, secrétaire général du CCAF, et Ehlers, secrétaire général de la FNSM, signent la convention collective du personnel subalterne de la marine marchande, ainsi qu’une annexe concernant le régime applicable aux équipages des remorqueurs. Les salaires sont donc augmentés de 12 % et les marins bénéficient désormais d’un congé annuel payé de 15 jours, dont 12 jours ouvrables au moins. La conclusion de cet accord entraîne la fin des grèves en cours. La reprise du travail est votée à Marseille et à Rouen dès le 26 juin5. Débutent alors pour les armateurs de nouvelles négociations avec les fédérations des syndicats d’officiers.
7Le 29 juin, le CCAF fait part aux fédérations syndicales des états-majors de son accord pour ouvrir des discussions en vue de la signature d’un contrat collectif. Ces négociations sont les premières entre le CCAF et les fédérations de capitaines et d’officiers. En effet, les compagnies de navigation avaient fait le choix de ne pas confier au CCAF les rapports avec les états-majors, chacune préférant traiter directement avec son personnel. Mais la loi du 24 juin 1936 les oblige à abandonner cette position. Elle prévoit en effet que la réunion d’une commission mixte en vue de la conclusion d’une convention collective de travail sera provoquée par le ministre du Travail « à la demande d’une organisation syndicale, patronale ou ouvrière, intéressée ». Et en cas d’échec de cette commission, « le ministre du Travail doit intervenir pour aider à la solution du différend ». Les compagnies de navigation préfèrent donc négocier librement avec leurs états-majors plutôt que sous la pression du gouvernement. Le 20 juillet, les fédérations des syndicats de capitaines au long cours, de capitaines de la marine marchande et d’officiers mécaniciens brevetés déposent un projet de contrat collectif qui ne demande que l’application de l’accord Matignon. Le CCAF accepte la quasi-totalité des propositions des fédérations à l’exception de l’article 15 sur les heures supplémentaires. Alors que pour les organisations syndicales, « la réglementation du travail maritime devra être strictement appliquée et la compensation des heures supplémentaires déterminée par des accords passés entre les entreprises d’armement et les syndicats des états-majors », le CCAF obtient la rédaction suivante : « Les modalités de paiement ou de compensation forfaitaire des heures supplémentaires faites dans les limites de la réglementation du travail maritime feront l’objet d’accords particuliers6. » Ainsi l’utilisation des heures supplémentaires est rendue plus souple : elles peuvent être payées et non pas seulement compensées. Le contrat collectif de travail concernant les conditions d’engagement maritime des officiers brevetés de la marine marchande est signé le 24 juillet. L’article 2 instaure des rémunérations mensuelles minimales, laissant donc une marge de manœuvre salariale aux compagnies. De plus, la solde fixe ne peut être inférieure aux deux tiers du salaire global.
8Des pourparlers s’ouvrent ensuite entre le CCAF et la Fédération des officiers radiotélégraphistes. Ceux-ci ont en effet obtenu le droit d’être engagés et administrés directement par les compagnies de navigations par un arbitrage d’Henri Tasso du 8 juillet. C’est donc la fin du rôle d’intermédiaire de la CRM7. Les négociations aboutissent le 27 août 1936 avec la conclusion d’un accord collectif. L’article 1 prévoit que
« […] le personnel radiotélégraphiste sera engagé, administré et payé dans les mêmes conditions que les officiers Pont et Machines. Pour tout ce qui concerne l’exploitation et l’entretien des appareils loués ou entretenus par une société d’exploitation radioélectrique, ce personnel devra se conformer aux instructions données par cette société ».
9Un minimum de rémunération mensuelle est prévu par l’article 2. L’article 15 leur reconnaît le droit de se syndiquer : « Les radiotélégraphistes sont libres de s’affilier aux organisations syndicales professionnelles8. »
10À la fin de l’été, l’ensemble des navigants au commerce bénéficie d’une convention collective ou d’un contrat collectif de travail. Tous les salaires ont été relevés de 12 %. Les armateurs obtiennent par la loi du 26 août 1936 une aide exceptionnelle de 100 millions de francs pour faire face aux hausses de charges qui en résultent9. Par la rapidité avec laquelle ils ont conclu les accords de l’été, ils pensent obtenir un retour au calme rapide. Or l’agitation reprend à l’automne.
La reprise de l’agitation à l’automne 1936
11L’accord sur les conditions particulières conclu à Marseille le 25 juin est à l’origine de ce nouveau mouvement. Les syndicats des ports de la mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique souhaitent obtenir son application dans leurs ports. En septembre, le CCAF rejette le projet de contrat collectif présenté par le syndicat des marins CGT de Rouen et écrit à la FNSM que
« […] sur certains points, ce projet revenait sur des dispositions déjà réglées par la convention collective du 23 juin et, sur d’autres points, il soulevait des questions qui ne peuvent, à aucun degré, être considérées comme étant basées sur des usages locaux. […] Toute méthode qui ne limiterait pas les conditions particulières à chaque port à la consécration des usages locaux et qui tendrait à insérer dans les accords locaux des conditions générales écartées de nos discussions du mois de juin serait contraire à l’esprit et à la lettre de notre convention. Il s’ensuivrait, dans la pratique, des difficultés incessantes. »
12La FNSM ne relâche pas la pression. À la mi-octobre, le risque de grève est très grand dans le port du Havre. Afin d’éviter de nouveaux arrêts de travail, le patronat maritime cède. Le 31 octobre est conclu un accord sur les conditions d’engagement complémentaires applicables aux ports de la mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique. Les syndicats de Dunkerque, Le Havre, Rouen, Saint-Nazaire, Nantes et Bordeaux obtiennent la quasi-généralisation des conditions particulières régissant les navires armés dans le port de Marseille. L’article 6 accorde en particulier une prime de 65 francs aux équipages des navires armés au long cours. La question de la prime de doublement pour le cabotage est, elle, renvoyée à un examen ultérieur10.
13En dépit de cet accord, les relations sociales dans la marine marchande restent difficiles, tout comme dans les autres secteurs. Afin de faciliter la résolution des conflits, le gouvernement fait voter le 31 décembre une loi instaurant la conciliation et l’arbitrage obligatoire, avant toute grève ou lock-out. Le but est de permettre un règlement équitable des conditions de travail en vue de créer dans les entreprises une atmosphère de collaboration dans le respect des droits mutuels. Les surarbitres sont désignés par les parties dans les grands corps de l’État. La sentence rendue est motivée, sans appel, obligatoire et rendue publique. Un décret du 16 janvier 1937 précise les procédures. Quatre niveaux sont prévus, avec des délais de résolution de quatre jours à chaque échelon : une Commission paritaire de conciliation dans chaque département, une Commission nationale professionnelle de conciliation présidée par un représentant du ministre et paritaire, avec des délégués des organisations ouvrières et patronales de la branche, une Commission interconfédérale nationale présidée par le ministre, avec des délégués de la CGT et de la CGPF, et un arbitrage obligatoire par un arbitre nommé par les deux parties ou le ministre du Travail et pris dans les listes indicatives de la CGT et la CGPF. Cette loi est en fait appliquée dans la marine marchande dès le 30 décembre : une sentence arbitrale oblige les armateurs à payer à partir du 1er janvier 1937 une prime forfaitaire de redoublement de 40 francs par mois11. Après le rejet par le CCAF d’une demande d’augmentation des salaires de 30 % faite par la FNSM, une sentence rendue le 6 mars 1937 accorde une hausse de 11 %, avec une application rétroactive au 15 février 193712. La revalorisation des salaires concerne également les équipages des remorqueurs. Le CCAF et la FNSM acceptent cette sentence arbitrale. Cette décision est appréciée diversement par les syndicats locaux de la FNSM. Le syndicat des marins CGT de Marseille annonce qu’il se plie à la décision, « œuvre du gouvernement du Front populaire et de la CGT », mais adopte en même temps un nouveau programme de revendications : octroi d’une prime de cherté de la vie de 100 francs par mois, unification du régime de nourriture à bord, adoption de la loi sur les pensions, reforme du statut de la marine marchande. Le syndicat des marins CGT du Havre n’est pas satisfait de la sentence arbitrale et organise une grande manifestation de protestation le 9 mars13.
Des fédérations syndicales en pleine croissance
14Avec la création en juin 1936 d’un syndicat national des officiers de la marine marchande affilié à la CGT et l’adhésion au début de 1937 de deux fédérations d’officiers, la FNSM n’est plus la seule organisation syndicale regroupant des inscrits maritimes membre de la CGT. Mais elle est de loin l’organisation la plus importante.
15Après les succès obtenus en juin et octobre 1936, tous les syndicats locaux de la FNSM connaissent un afflux massif d’adhérents. Inexistant au début de l’année, le syndicat des marins CGT de Boulogne compte 1 800 membres et 2 permanents au mois d’août selon le syndicat libre des marins du Boulonnais. En février 1937, le commissaire de Bordeaux estime à 4 000 le nombre de membres du syndicat CGT. En avril, La Vie ouvrière consacre un reportage aux marins du paquebot Normandie, presque tous syndiqués à la CGT, soit plus de 1 200 personnes14. Au 28 février 1937, la FNSM compte 38 000 adhérents contre 13 000 lors du congrès confédéral de mars 1936. Cette croissance des effectifs des organisations syndicale est générale : au 1er mars 1937, la CGT déclare plus de 4 millions de membres, trois fois plus qu’avant le Front populaire15.
16Les dirigeants de la FNSM sont de mieux en mieux implantés dans les instances syndicales et politiques nationales. Ehlers, membre depuis le congrès confédéral de Toulouse de la commission administrative de la CGT, est nommé en septembre au Conseil national économique, en compagnie de Ferri-Pisani, qui devient en 1937 conseiller technique du sous-secrétaire d’État à la Marine marchande16.
17La FNSM n’est pas à l’abri de débordements internes. En janvier 1937, le conseil national de la fédération vote une motion délimitant strictement la fonction de délégué de bord institué par l’article 19 de la convention collective du 24 juin 1936 sur chaque navire comprenant plus 10 hommes d’équipage :
« Les délégués d’un même navire doivent agir de concert et présenter leurs réclamations au commandant sous une forme polie et correcte, ce qui n’exclut pas la fermeté. Au cas où leurs réclamations ne sont pas admises, ils doivent en référer au syndicat lors du retour dans un port français, le syndicat devant être le seul qualifié pour prendre des décisions définitives. Les délégués ne doivent jamais provoquer des arrêts de travail de leur propre initiative. Ils doivent être les premiers à donner l’exemple de la discipline syndicale, en se tenant strictement au rôle qui leur est dévolu ci-dessus et s’abstenir de toute action, toute immixtion contraire17. »
18Les délégués de bord visés sont ceux proches ou militants du Parti communiste. En effet, très minoritaires lors du congrès de fusion de janvier 1936, les communistes dirigent le syndicat de Rouen, avec à leur tête Le Minter, et sont très implantés dans celui du Havre, dont le secrétaire adjoint est Gruénais18. À Marseille une amicale des marins socialistes est lancée en janvier 1937 pour contrer le cercle des marins communistes créé quelques mois plus tôt. Début mars, une grève est déclenchée sur deux paquebots des Messageries maritimes, le Champollion et le Général Metzinger. Ferri-Pisani et Pasquini sont chahutés par les grévistes car ils condamnent dans un tract le mouvement en cours : « Camarades, nous sommes informés d’une agitation qu’on essaye de créer parmi vous au détriment de la discipline fédérale. […] Nous ne devons point perdre de vue que toute action dispersée et non concentrée ne peut que nous affaiblir. » Ferri-Pisani parvient à retourner la situation en sa faveur et les deux navires partent finalement sans encombre19.
19Les officiers de la marine marchande ne restent pas à l’écart du mouvement massif d’adhésion à la CGT. Dès juin 1936, un syndicat national des officiers de la marine marchande est constitué à Rouen. Son initiateur est César Fauxbras, ancien mutin de la mer Noire. Dès le 13 juillet, son affiliation à la CGT est acceptée. Cette organisation critique l’accord du 24 juillet 1936 et réclame un référendum auprès de tous les officiers. À la fin juillet il revendique 243 membres. À la même période deux fédérations souhaitent s’affilier à la CGT. Mais le processus est compliqué par l’existence du syndicat national de Rouen. Dans un courrier adressé à Jouhaux le 5 août 1936, Robert Andraud, le secrétaire général de la Fédération des officiers radiotélégraphistes dépose une demande d’adhésion. Le 8 août, Jouhaux répond de manière favorable tout en conseillant d’adhérer au syndicat national des officiers de la marine marchande CGT. La fédération accepte cette proposition et les officiers radiotélégraphistes rejoignent donc en masse le syndicat national, qui compte début octobre 844 membres : 356 officiers de pont, 141 officiers mécaniciens et 347 officiers radiotélégraphistes20. Cette modalité d’affiliation est critiquée par la Fédération des syndicats d’officiers mécaniciens, pourtant décidée elle aussi à rejoindre la CGT. Dans une lettre du 21 novembre, elle reproche aux officiers radio-télégraphistes d’être entrés à la CGT par la petite porte et non en tant que fédération autonome. À la suite de son congrès de Paris du 14 au 17 décembre, la Fédération des officiers radiotélégraphistes, forte de 300 adhérents, demande alors son affiliation directe, ce qui est accepté le 6 janvier 1937. Dans la foulée, la Fédération des officiers mécaniciens, qui compte 2 500 adhérents, rejoint la CGT21. Le 14 avril 1937, lors d’une réunion des représentants des trois organisations d’officiers membres de la CGT tenue sous la présidence de Julien Racamond, il est décidé que le syndicat national des officiers de la marine marchande CGT doit désormais se limiter à la défense des intérêts des titulaires des divers brevets d’officiers de pont et qu’il en est l’unique représentant au sein de la CGT. Il est prévu qu’il se transforme dès que possible en Fédération nationale des officiers de pont, car la Fédération des syndicats de capitaines au long cours a décidé de son côté de rester dans l’autonomie22.
20Durant l’été 1936, le syndicat des capitaines au long cours de Marseille a organisé un référendum auprès de ses adhérents sur la question de l’adhésion à la CGT. Celle-ci est rejetée par 116 voix contre 101 et 42 bulletins nuls. Le dix-huitième congrès fédéral tenu à Paris du 24 au 26 novembre décide que l’organisation d’un référendum national n’est pas opportune. Les congressistes acceptent toutefois de rencontrer Jouhaux afin d’étudier quelles seraient les conditions d’adhésion. Mais ils préviennent que « si nous entrons à la CGT, nous garderons farouchement notre indépendance ». Le 13 janvier paraît dans Le Peuple un appel adressé aux officiers de pont pour qu’ils adhèrent à la CGT. Finalement la Fédération des syndicats de capitaines au long cours ne rejoint pas la CGT. Ce choix est partagé par la Fédération des syndicats de capitaines de la marine marchande, présidée par Coste de Marseille et implantée en Méditerranée et dans les ports de la Manche et de la mer du Nord, qui se proclame « ennemie de toute surenchère et de démagogie outrancière », et pratique « un syndicalisme pur, dégagé de toute idéologie sectaire23 ».
21En octobre 1937 la Fédération des syndicats de patrons au bornage et de pêche brevetés rejoint la CGT. Seul le syndicat du port d’Alger s’oppose à cette décision et adhère à la FFSPM24. La Fédération des officiers de pont CGT est constituée le 1er janvier 1938. Elle est issue de la fusion du syndicat national des officiers de la marine marchande CGT, de la Fédération des syndicats de patrons au bornage et d’une partie de la Fédération des capitaines de la marine marchande. Elle tient son premier congrès à Paris le 5 janvier 1938. Son secrétaire général est Charles Mettler25.
22Début 1938, trois fédérations d’officiers sont donc affiliées à la CGT. Le nombre de timbres mensuels délivrés en 1937 par la CGT est de 5 700 pour les officiers de pont, 30 000 pour les officiers mécaniciens et 11 500 pour les officiers radiotélégraphistes. Si l’on considère que 5 % des timbres délivrés ne sont pas réglés – la FNSM règle en 1937 427 916 timbres sur 439 500, soit 97 % – et que chaque adhérent paye 10 timbres sur 12, les effectifs à la fin de 1937 sont de 540 adhérents pour la Fédération des officiers de pont, 2 850 pour celle des officiers mécaniciens et 1092 pour celle des officiers radiotélégraphistes. En 1939, L’hebdomadaire d’extrême droite Gringoire donne pour l’année 1937 les chiffres suivants : 700 adhérents pour la Fédération des officiers de pont, 2 600 pour celle des officiers mécaniciens et 526 pour celle des officiers radiotélégraphistes. Restent dans l’autonomie les fédérations des capitaines au long cours, qui revendique 1 700 adhérents début 1938, des capitaines de la marine marchande et des syndicats de pilotes26. Le taux de syndicalisation des états-majors est alors important, puisque près de 6 000 capitaines et officiers sont syndiqués sur 8 000 à 9 000 embarqués.
23L’afflux d’adhérents touche également les fédérations membres de l’Entente interfédérale des pêcheurs de France alors en cours de disparition. La FFSPM connaît une forte hausse du nombre de syndicats affiliés. Fin 1936, elle regroupe 52 syndicats et sections. Au cours du premier semestre 1937 de nouvelles organisations se constituent dans le Finistère, en Normandie et en Algérie. Les dirigeants de la FFSPM se réjouissent de la multiplication des comités professionnels et interprofessionnels par type de pêche, prélude à une réorganisation complète des pêches maritimes27.
24Alors que l’Entente interfédérale des pêcheurs de France a été renouvelée « sans limitation de durée » lors du congrès tenu du 17 au 19 décembre 1936 à Paris, des divergences apparaissent sur l’attitude à adopter vis-à-vis de la CGT. Le 21 décembre, Lamort écrit à Tristan une longue lettre dans laquelle il s’oppose à tout rapprochement avec la FNSM. Tristan semble alors d’accord avec la position de Lamort. Le 26 février 1937, il lui écrit : « Il faut par des manœuvres adroites, éliminer tous les communistes ou cégétistes tout en faisant risette à la CGT. » Mais, trois mois tard, il lui indique qu’il est favorable à un rapprochement avec la CGT, seule solution selon lui pour ne pas être marginalisé :
« Tu sais que je suis d’avis de collaborer avec la CGT. Ce n’est pas l’avis de tout le monde, mais j’estime qu’il faut rechercher une union de tous les pêcheurs sur un même programme pour arriver à le réaliser. Et il est préférable que nous soyons présents à la rédaction de ce programme, sinon ce sera la CGT qui seule le réalisera. Nous serons ensuite forcés de l’appliquer. Hier j’ai eu une conversation avec Ehlers. De cette conservation, j’ai déduit qu’il est possible de trouver un terrain de collaboration. D’ailleurs pour le Comité de la sardine, il faudra cette collaboration, sinon rien à faire. Tous les ports du Finistère refusent de marcher avec nous, sauf peut-être Audierne28. »
25Lors d’une conservation à Paris, il essaie avec Emmanuel Garnier de convaincre Lamort de sa stratégie : adhérer à la CGT tout en négociant le fait de rester dirigeants des pêcheurs. Garnier indique même à Lamort qu’il deviendrait alors secrétaire général du syndicat national des pêcheurs affilié à la CGT. Mais un incident fait éclater l’Entente au début de juin 1937.
26Le 5 juin, en présence de Lamort, le syndicat des marins et patrons pêcheurs d’Étel, affilié à la Fédération des pêcheurs à la part de l’Océan, vote un ordre du jour de défiance envers Tristan : estimant qu’il y a incompatibilité entre la situation personnelle de Tristan, armateur thonier, et ses fonctions de président de la Fédération des pêcheurs à la part de l’Océan, le syndicat lui demande de démissionner du poste de président et donne mandat à Lamort pour le représenter au comité interprofessionnel de thon. Tristan accuse Lamort d’être l’instigateur de ce vote et rompt toute relation avec lui. L’Entente interfédérale entre en sommeil. Début janvier 1938, Lamort reçoit une lettre de Tristan le convoquant à une réunion du bureau de l’Entente afin de décider du maintien ou de la dissolution de l’Entente. Mais celle-ci n’a pas lieu. Un congrès se tient finalement à Paris le 15 février. Aucune décision n’est prise, mais l’Entente interfédérale cesse toute activité. Peu après, Lamort estime que « Tristan n’a jamais travaillé pour nous, et s’est contenté de se servir de son titre de président de l’Entente pour obtenir ses licences et autres faveurs29 ».
27Le 17 février 1937, Léon Blum annonce une « pause » des réformes30. Cette décision est une très mauvaise nouvelle pour les inscrits maritimes. En effet, la loi du 21 juin 1936 sur les 40 heures n’est toujours pas appliquée dans la marine marchande et les armateurs ne sont pas décidés à céder sur ce sujet.
Le durcissement des relations sociales dans la marine marchande
28Le conseil national de la FNSM du 5 janvier 1937 demande l’ouverture d’une enquête sur l’application des 40 heures dans la marine marchande31. Au même moment le CCAF lance une enquête sur les aménagements souhaitables pour les armateurs des accords de 1936 et rappelle son opposition à la semaine des 40 heures. Les discussions sur ce sujet sont donc très mal engagées.
La difficile application des 40 heures
29Le 6 mars 1937, un avis paru au Journal officiel invite les organisations patronales et ouvrières à se prononcer dans un délai d’un mois sur les conditions d’application aux entreprises de navigation maritime de la loi du 21 juin 1936 sur les 40 heures. Les armateurs proclament leur hostilité et expliquent qu’ils ne pourront pas lutter contre la concurrence étrangère, la durée hebdomadaire maximale du travail étant alors de 64 heures au niveau international32. À la demande des syndicats de Marseille, Bordeaux, Dunkerque, Le Havre et Rouen, une sentence arbitrale du 27 avril institue une indemnité de cherté de vie. Cela ne calme pas les marins de commerce qui veulent bénéficier comme les autres travailleurs de la loi du 21 juin 1936. Du 22 au 27 mai, une grève paralyse le port de Marseille. Les inscrits réclament la satisfaction des revendications établies en mars et l’application des 40 heures. Les navires ne sont pas occupés, contrairement à la volonté des communistes. La reprise du travail est votée le 26 mai après que Ferri-Pisani a obtenu des assurances auprès du sous-secrétaire d’État à la Marine marchande33.
30Le gouvernement décide de passer outre l’opposition des armateurs et prend le 8 juin un décret appliquant la semaine des 40 heures dans la marine marchande. Celui-ci prend en compte la spécificité du travail maritime et apporte quelques aménagements au principe de la semaine des 40 heures. Deux types de navigation sont distingués, entre les navires effectuant des traversées de plus de 12 heures et les autres bâtiments. Pour la seconde catégorie, le régime institué s’apparente à celui en vigueur dans les industries terrestres et une grande latitude est laissée aux syndicats locaux d’employeurs et d’inscrits. Pour la première, les dispositions sont plus strictes. Sur chaque période de sept jours, les inscrits doivent travailler cinq jours, à raison de 8 heures quotidiennes. Deux jours de repos sont octroyés : l’un résulte du repos hebdomadaire et l’autre constitue le repos résultant de la limitation à 40 heures de la durée du travail. Mais l’équipage est obligé d’effectuer toutes les heures supplémentaires exigées par le capitaine pour les besoins du service. L’article 3 pose le principe de l’interdiction de toute compensation financière. Les heures supplémentaires ouvrent donc le droit à des jours de repos compensateur. L’article 1 précise que le repos compensateur doit être accordé en une ou deux périodes de l’année, en même temps que les congés payés. Selon les chiffres avancés par le CCAF, les inscrits peuvent avoir jusqu’à 125 jours de congés par an : 60 jours de repos compensateur, 15 jours de congés payés et 50 jours de repos hebdomadaire34. Dans ses souvenirs, Jacques Marchegay revient sur ce décret :
« L’application de la loi de 40 heures à la Marine marchande était une hérésie et une lourde charge. La règle à l’étranger était la semaine de 56 ou 72 heures. L’application des 40 heures s’est traduite par une dépense supplémentaire de 120 millions par le fait de l’institution d’une compensation en jours de congé des heures supplémentaires qu’impliquait ce régime de 40 heures. À cela se sont ajoutés les congés payés de droit commun qui ont été étendus à la marine marchande35. »
31Il est enfin prévu une application rétroactive de la semaine des 40 heures au 1er avril 1937. Un décret du 19 octobre règle l’application de la loi du 21 juin 1936 dans la pêche industrialisée. Au même moment, la loi d’aide à l’armement de juillet 1934 est prorogée jusqu’au 31 décembre 1938 et étendue à tous les navires de pêche de plus de 25 tonneaux36.
32Tout en demandant un aménagement des dispositions du 8 juin 1937, les armateurs tentent de diminuer les charges de personnel en remettant en cause un certain nombre de primes et en refusant d’augmenter les salaires. En octobre, ils décident de ne pas payer la prime au long cours pendant les repos compensateurs. Mais une nouvelle sentence arbitrale les oblige à revenir sur cette mesure. Les négociations entre les armateurs et les syndicats d’inscrits semblent alors impossibles et le recours à l’arbitrage quasi systématique. Le 24 octobre deux sentences fixent le mode de calcul des salaires de congé et des gages des repos compensateurs ; le 30 décembre une sentence instaure une prime temporaire de cherté de la vie de 75 francs pour les états-majors, de 65 francs pour le personnel subalterne et de 35 francs pour les novices, grooms et mousses, et les tarifs des heures supplémentaires sont augmentés en moyenne de 8 %37.
33À cette date, le port de Rouen est alors paralysé. Le 21 décembre, suite à un désaccord sur la composition de l’équipage, le rôle du Cévennes est déposé. Le mouvement de solidarité lancé le 23 s’étend rapidement. Le 27, 35 navires sont immobilisés. Le personnel subalterne est soutenu par les officiers mécaniciens et de pont. Un meeting intersyndical réunissant 1 500 personnes a lieu le 30. Le même jour les armateurs sont reçus par le sous-secrétaire d’État à la Marine marchande. La grève se prolonge car les armateurs exigent que les capitaines restent libres de la composition des équipages et puissent donc ne pas reprendre certains marins, ce que le syndicat des marins CGT refuse. Le CCAF écrit alors une lettre à Henri Tasso, dans laquelle il rappelle la position de l’armement sur la question de la composition des équipages :
« Si [l’armement] subit sans défaillir les pertes matérielles considérables qu’entraîne pour lui cette grève, c’est essentiellement pour défendre l’autorité de ses capitaines, de ses officiers, autorité qui est la condition de la discipline à bord, la condition de la sécurité du navire et de l’expédition maritime. […] Le capitaine est libre, aux termes de l’article 223 du Code du Commerce, du choix de l’équipage, et il doit le rester. Personne n’a qualité pour lui imposer l’obligation de reprendre des hommes qu’il a débarqués. Il en est et doit être ainsi parce que, seul responsable du voyage, il peut, éloigné de son armateur et de tout autre concours, se trouver ainsi incarner l’autorité sans avoir la possibilité de recourir à aucune autre que la sienne. »
34La reprise de travail est finalement votée le 7 janvier 1938. Seuls cinq marins ne sont pas repris. Une sentence arbitrale du 27 janvier déboute les grévistes qui demandaient le paiement des salaires durant le conflit38.
35C’est dans ce climat tendu que s’engagent des négociations sur la révision des conditions d’engagement à l’initiative de la FNSM.
L’impossible renégociation des conventions collectives
36Les propositions de la FNSM sont conformes aux décisions de son conseil national des 9 et 10 novembre 1937, à savoir une hausse des salaires et l’application de l’échelle mobile39. Le CCAF ne répond que le 3 mars 1938 en présentant un contre-projet. L’écart entre les deux textes est telle qu’aucun accord ne peut être trouvé.
37Le projet de la FNSM est ambitieux, tant sur la question des salaires, que sur celles des types de contrat, de la nourriture et du logement à bord. L’article 5 prévoit une revalorisation des salaires et leur indexation sur l’indice du coût de la vie dans le département de la Seine. L’article 2 ne reconnaît que deux modes d’engagement, pour une durée déterminée ou pour une durée indéterminée, l’engagement au voyage étant supprimé. L’article 17 aligne les repas du personnel subalterne sur ceux des états-majors avec l’introduction d’un troisième plat pour les repas du midi et du soir. Un casse-croûte matinal est même instauré et les rations quotidiennes de vin augmentées. L’article 19 pose le principe d’un renouvellement semestriel des matelas pour les navires au long cours et de la généralisation des sommiers métalliques. Le contre-projet du CCAF rejette l’ensemble des demandes d’amélioration de la FNSM. Des articles marquent même un retour en arrière. L’article 4 fixe les salaires au niveau défini par la sentence arbitrale du 6 mars 1937. Toute nouvelle augmentation est donc refusée. L’article 6 définit le travail à bord sur la base de 8 heures par jour et n’évoque pas la limitation à 40 heures par semaine, à la différence du texte de la FNSM. L’opposition des armateurs au décret du 8 juin 1937 reste totale. Les deux parties campent sur leur position. Les discussions se terminent par la prorogation le 16 mars 1938 de la convention collective du 24 juin 193640.
38Les négociations entre le CCAF et les fédérations de capitaines et d’officiers, qui ont dénoncé en avril 1937 le contrat collectif du 24 juillet 1936, échouent également et se closent par la prorogation le 31 mars 1938 des contrats collectifs de 1936. Les seules discussions dont l’issue est positive sont celles qui aboutissent le 10 mars 1938 par la signature de la convention collective des officiers des entreprises du petit cabotage et du bornage. En février et mars, trois sentences arbitrales ont accordé des augmentations de salaires aux états-majors41.
39L’investiture le 12 avril du gouvernement Daladier, auquel aucun socialiste ne participe et qui marque la fin officielle de l’expérience du Front populaire42, renforce le patronat maritime dans son attitude inflexible face aux revendications des inscrits. Après la grève des agents du service général du Champlain au Havre du 3 au 10 mai contre la décision de la Compagnie générale transatlantique de faire durer quinze mois au lieu de douze les vêtements qu’elle fournit à son personnel, le CCAF adresse un courrier au président du Conseil, lui demandant de faire respecter les lois en vigueur, « de s’abstenir de toute pression pour faire prévaloir les solutions extralégales, ou pour chercher des transactions là où l’application de la loi ne laisse pas place à l’interprétation, de faire respecter en particulier les lois concernant l’autorité du capitaine et la discipline à bord43 ». La nouvelle politique gouvernementale sera conforme aux attentes des armateurs. Le 2 mai, la loi d’aide à l’armement a de nouveau été prorogée jusqu’au 31 décembre 194044.
40À la suite du trente-cinquième congrès fédéral, tenu à Paris du 21 au 23 septembre 1938, la FNSM dépose le 1er octobre une nouvelle demande de révision des conditions d’engagement45. Le CCAF donne son accord pour l’ouverture des discussions. Mais les négociations n’ont pas vraiment lieu. En effet, le 19 octobre, le conseil d’arbitrage rejette la demande d’augmentation des salaires présentée par la FNSM. Et les pourparlers sont interrompus à l’approche de la grève générale du 30 novembre décidée par la CGT en réaction aux décrets-lois pris par le gouvernement.
41Le 12 novembre, dans un discours à la radio, Paul Reynaud, annonce des décrets-lois destinés à « remettre la France au travail » selon l’expression de Daladier, et à assainir les dépenses publiques : augmentation des impôts, suspension des grands travaux, licenciement de 40 000 cheminots et surtout suppression de la semaine des « deux dimanches », c’est-à-dire l’aménagement de la loi du 21 juin 1936 sur la semaine des 40 heures. En réaction le congrès confédéral de la CGT, réuni à Nantes du 14 au 17 novembre, vote une grève générale pour le 30 novembre 1938. Afin d’en limiter l’ampleur, le gouvernement décide le 28 de réquisitionner l’ensemble des personnels des services publics et des compagnies de navigation. Cette mesure produit l’effet escompté puisque le 30 novembre, le pourcentage de grévistes est inférieur à 10 % chez les fonctionnaires et les ouvriers à statut, alors qu’il dépasse 50 voire 80 % dans la métallurgie, la chimie ou le bâtiment. Le mouvement est un échec et de nombreuses révocations seront prononcées contre les personnels réquisitionnés qui ont fait grève46. La participation des inscrits au mouvement est assez forte. Si les navires peuvent quitter sans encombre le port de Marseille, la grève est quasi générale à La Rochelle ou Le Havre. Dans ce port, les inscrits sont soutenus par le syndicat des officiers mécaniciens CGT, qui recommande à ses adhérents de « laisser faire et d’observer une attitude favorable à ce mouvement47 ». À la suite de licenciements prononcés à la Compagnie générale transatlantique, à la société de remorquage Les Abeilles et au service du bac du Havre, les inscrits havrais cessent de nouveau le travail le 3 décembre. Le 7 décembre, le paquebot Paris part avec 180 marins de l’État. Le 11 décembre, les 700 derniers grévistes reprennent le travail. Les responsables syndicaux Chedville, Lajoye, Laureau et Torracilas sont arrêtés pour entrave à la réquisition prévue par le décret du 28 novembre, et Torracilas est condamné le 19 décembre à 8 jours de prison. Le secrétaire général du syndicat des marins CGT, Augustin Gruénais, doit se cacher. Il est finalement interpellé le 3 janvier 1939 et emprisonné quelques jours. De nombreux inscrits maritimes sont condamnés à des amendes de 50 francs, en vertu du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande48. Le gouvernement ne se contente pas de réprimer, mais remet également en cause la loi des 40 heures dans la marine marchande.
Un gouvernement très sensible aux intérêts des armateurs
42Un décret du 31 décembre 1938 modifie des dispositions du décret du 8 juin 1937. Alors que ce dernier obligeait à ce que les heures supplémentaires soient compensées par des jours de repos, les armateurs peuvent désormais payer ces heures supplémentaires. De plus, le CCAF demande et obtient la répartition du temps de travail sur six jours, soit 6 heures 40 par jour. Officiellement la semaine des 40 heures n’est pas supprimée, mais dans les faits elle disparaît : les inscrits peuvent désormais travailler 12 heures par jour en mer, 10 heures dans les ports et 9 heures de nuit, le tout pendant 6 jours de suite. Ce décret risque enfin de conduire au licenciement des marins embauchés depuis 1937 pour pallier les repos compensateurs49. Les réactions de la FNSM à ce décret sont peu importantes. Des réunions sont organisées au Havre et à Rouen début janvier. Le décret du 31 décembre est condamné à chaque fois à une écrasante majorité. À Rouen les équipages de 17 navires et du service maritime des Ponts et Chaussées désertent le bord pour protester50. Une sentence surarbitrale du 15 février 1939 rejette une demande de hausse des salaires faite par la FNSM. Non seulement l’augmentation réclamée est jugée incompatible avec la situation économique de l’armement français, mais elle est également sans objet puisque les salaires ont été améliorés à la suite de l’aménagement du décret sur les 40 heures qui permet le paiement des heures supplémentaires. Des revalorisations de l’indemnité de nourriture et des allocations familiales sont néanmoins accordées51.
43Le 21 avril 1939, un nouveau décret-loi impose la révision obligatoire des effectifs dans le mois de sa publication ou au premier retour des navires dans un port français. Le but de ce texte est d’uniformiser les effectifs à bord des navires de même type et de lutter ainsi contre les « abus » du poste personnel dans certaines compagnies, notamment marseillaises. La nouvelle règle pose le principe que l’effectif d’un navire ne doit pas dépasser le minimum réglementaire. Ce sont les agents de l’État qui décident désormais seuls des dérogations à y apporter. Les fédérations syndicales maritimes CGT protestent contre cette disposition :
« Le décret du 21 avril 1939, portant modification de la composition des effectifs embarqués, a été pris sans aucune consultation préalable, contrairement à des méthodes jusqu’à ce jour respectées, alors que l’autorité et la responsabilité des auteurs du décret, n’offrent aucune garantie légale supplémentaire. [Les] fédérations demandent la réunion d’urgence du Conseil supérieur de la Marine marchande pour y exposer leurs griefs et y faire leurs suggestions52. »
44L’ensemble des syndicats d’officiers et de marins de Marseille porte la même appréciation négative sur ce décret :
« Le décret du 21 avril 1939, pour des résultats financiers minimes, menace de jeter sur le pavé un certain nombre de marins. Il bouleverse une législation élaborée dans un long passé, et fondée sur le principe les moins discutés du libéralisme. Il diminue l’autorité du capitaine et du chef mécaniciens, du commissaire, des officiers en général et aggrave injustement les responsabilités qu’ils assument en limitant le droit de fixer les effectifs dont ils ont besoin. Il substitue la responsabilité morale de l’État à celle des armateurs en cas de sinistre pour lequel une insuffisance de personnel serait invoquée comme cause ou comme circonstance. Il perpétue enfin dans le personnel navigant le sentiment funeste d’une lutte éternelle entre catégories sociales avec épisodes alternativement favorables ou défavorables, les rigueurs extrêmes de l’action des uns expliquant et légitimant de futures revanches. »
45La Fédération des officiers de pont CGT déclare que ce décret « nous fait revenir dans certains cas, à plus de cinquante années en arrière ». L’opposition des organisations syndicales reste verbale et n’est suivie d’aucun mouvement de grève. En juin, le conseil national de la FNSM décide d’organiser des meetings de protestation dans les principaux ports53.
46Après avoir augmenté la durée du travail et comprimé les effectifs, le gouvernement prolonge les aides financières à l’armement et rend plus difficile l’action syndicale à bord des navires. Le 21 avril, le gouvernement a pris un autre décret concernant la marine marchande : il a prorogé à nouveau la loi d’aide à l’armement de juillet 1934, cette fois jusqu’au 31 décembre 1950. Le dispositif est étendu aux navires de construction étrangère, afin d’encourager les achats de navires en dehors de la France et d’accélérer le renouvellement de la flotte. Le 6 juin, un décret fixe les peines applicables aux personnes étrangères au service des navires, coupables de s’être introduites à bord sans autorisation du capitaine ou de l’armateur. Les responsables syndicaux ne peuvent donc plus monter à bord des navires sans accord préalable, comme ils avaient l’habitude de le faire lors de l’arrivée d’un navire dans un port. Cette pratique était contestée par les armateurs qui y voyaient une possibilité offerte aux syndicats de fomenter des mouvements de grèves et une violation du droit de propriété. Enfin, un décret du 29 juillet retire la connaissance des délits maritimes aux tribunaux de droit commun pour la confier aux tribunaux maritimes commerciaux rétablis pour l’occasion, et plus aptes à connaître les fautes maritimes et la mentalité particulière des gens de mer. Ce retour marque donc un arrêt du processus en cours depuis le début du siècle d’alignement des règles régissant les inscrits maritimes sur le droit commun54.
47À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, une des trois grandes mesures du Front populaire dans la marine marchande, la semaine des 40 heures, n’a plus de réalité puisque les aménagements et les dérogations se sont multipliés dans différentes branches d’activité. Dans la marine marchande, le patronat a repris le dessus sur les organisations syndicales de ses équipages. Il n’a pas cherché à faire aboutir la renégociation des conventions collectives, il a refusé systématiquement toutes les demandes de hausses de salaire s’en remettant à l’arbitrage qui lui est devenu favorable. Ses appels au gouvernement pour qu’il fasse appliquer strictement les lois ont été entendus. Des responsables syndicaux ont été arrêtés et emprisonnés, l’accès aux navires leur est devenu de nouveau difficile. Ces reculs ne sont limités à la marine marchande, le gouvernement Daladier remettant en cause de nombreuses avancées sociales du Front populaire55. De plus, après les très fortes hausses de leurs effectifs en 1936 et 1937, les organisations syndicales connaissent une baisse du nombre d’adhérents. Les fédérations d’inscrits maritimes n’échappent pas à ce mouvement.
Le reflux du syndicalisme maritime
48La puissance des organisations syndicales des gens de mer atteint son maximum au cours de l’année 1938. L’échec des négociations sur les conventions collectives, la répression gouvernementale de la grève du 30 novembre et enfin le décret du 31 décembre 1938 aménageant les 40 heures marquent une rupture. En effet, la baisse du nombre d’adhérents ne semble pas se produire avant 1939 : en 1937, la FNSM a payé et placé 47 504 cartes et 427 916 timbres mensuels (soit 9 timbres par carte) ; au 1er juin 1938, elle a déjà placé 46 841 cartes et 270 605 timbres et au final 51113 cartes et 446 164 timbres (soit 8,73 timbres par carte) sont placés en 193856. Mais si leurs discours restent virulents, les quatre fédérations affiliées à la CGT ne sont pas en mesure de s’opposer à la remise en cause d’une partie des avancées sociales obtenues lors du Front populaire et même bien avant. La FNSM est l’enjeu de luttes de pouvoir entre la direction fédérale et la minorité communiste. Le conflit devient ouvert avec la crise qui touche le syndicat de Marseille en janvier 1939.
La situation des fédérations affiliées à la CGT
49Chacune des quatre fédérations membres de la CGT tient un congrès entre juillet 1938 et février 1939. Ils permettent de se faire une idée sur la situation de chacune.
50Le congrès de la Fédération des officiers mécaniciens CGT se déroule à Paris du 6 au 8 juillet 1938. La situation des mécaniciens effectuant une navigation spéciale – grande et petite pêche, Ponts et Chaussées, PTT, baliseurs, remorquage – est étudiée attentivement, car ceux-ci ne bénéficient souvent pas des accords existant dans la marine de commerce. Vasset est réélu secrétaire général et Lumaret, Bocher, Coudurier et Pierre Naze sont nommés membres du bureau fédéral permanent. Enfin est décidé le transfert du siège fédéral à Paris à partir du 1er octobre. En novembre, lors du congrès confédéral de la CGT à Nantes, la fédération regroupe 10 syndicats et 2 660 membres57.
51Du 22 au 24 février 1939, la Fédération des syndicats d’officiers radio-télégraphistes est réunie en congrès à Paris. Huit syndicats sont présents, représentant les 800 membres que revendique la fédération. Le bureau fédéral élu est composé de Brochet, président ; Garcia de Marseille et Raoul de La Rochelle, vice-présidents ; Degrandsart, secrétaire général et Sahuc, trésorier. Les congressistes se plaignent du nombre insuffisant d’officiers radio-télégraphistes embarqués, tant par rapport à la répartition des heures de travail à bord qu’au point de vue de la défense nationale58.
52L’adhésion des fédérations d’officiers mécaniciens et radiotélégraphistes à la CGT en 1937 n’a pas modifié leurs rapports avec les armateurs. En effet, elles sont les seules à regrouper les officiers mécaniciens et radiotélégraphistes. Il n’en est pas de même pour la Fédération des officiers de pont CGT qui subit la concurrence d’autres organisations.
53Le second congrès de cette Fédération se tient à Paris les 5 et 6 décembre 1938. Sont représentés neuf syndicats. La fédération déclare regrouper 1 140 adhérents contre 607 lors du congrès confédéral de la CGT en novembre 193859. Elle n’est toujours pas reconnue représentative par le CCAF et n’est donc pas invitée aux réunions entre les armateurs et les fédérations de capitaines et d’officiers. Une plainte contre le manque de solidarité et de travail interfédéral est émise. Une motion, prévoyant que si la situation ne change pas dans les mois à venir un congrès extraordinaire aura lieu, est votée. Charles Mettler est élu secrétaire général60. En mars 1939, il fait le constat que les pourparlers ont repris entre le CCAF et les organisations syndicales d’officiers à l’exception de la Fédération des officiers de pont CGT. Il met en cause l’attitude des deux autres fédérations d’officiers CGT : « On nous objectera sans doute que les Fédérations d’officiers ont été admises à la CGT avec leur autonomie, mais si autonomie veut dire sans lien d’aucune sorte entre les membres d’une même corporation on n’aperçoit pas l’utilité d’une Confédération Générale des Corporations. » Il annonce donc le lancement d’un référendum avec trois questions :
« Êtes-vous pour la constitution d’une Fédération unique des officiers de la Marine marchande, à l’image de la Fédération actuelle des officiers de Pont, chaque catégorie de brevetés étant représentée également, mais l’administration étant commune ? Dans les conditions actuelles d’autonomie, jugez-vous utile le maintien à la CGT ? Estimez-vous indispensable la convocation exceptionnelle d’un congrès faisant suite à la volonté exprimée par le Référendum ? »
54Les résultats de ce référendum nous sont inconnus. Le 30 avril, la Fédération des officiers de pont CGT n’est pas invitée à une nouvelle réunion avec le CCAF, à laquelle les autres fédérations CGT participent. Sa principale organisation concurrente, la Fédération des capitaines au long cours, revendique 1 800 membres lors de son congrès de novembre 1939. Son président, Gervais, est accusé par la fédération CGT de tout faire pour empêcher que celle-ci soit reconnue par le CCAF61.
55Le premier congrès de la FNSM depuis la fusion avec la FUMP en janvier 1936 se déroule à Paris du 21 au 23 septembre 1938. Passée de 10 000 membres début 1936 à près de 50 000, la FNSM est devenue une fédération puissante, avec plus de 70 syndicats affiliés et une situation financière solide, comme nous l’apprend son bilan financier de l’année 1938 retrouvée dans les archives de la FFSPM62. Lors du congrès, une motion est adoptée au sujet de l’emploi des marins coloniaux. Pour la première fois, l’égalité de traitement est revendiquée :
« Le congrès tient à affirmer sa volonté de n’établir aucune distinction entre marins du commerce. La fédération continuera ses efforts en vue d’obtenir des conditions de travail, de logement, de nourriture et de rémunération égales pour tous sans considération de régions ou de races. Elle participera à toute activité de la CGT tendant à étendre aux colonies le droit syndical et les lois sociales. Les syndicats locaux auront pour tâche de régler dans un esprit de large compréhension les difficultés que pourraient soulever certains litiges dus à l’insuffisance des emplois disponibles63. »
56Est-ce l’influence des anciens unitaires, ardents défenseurs des marins coloniaux au début des années 1930, qui est à l’origine de cette prise de position ? Nous pouvons le supposer. Ce dont nous pouvons être certains, c’est que la résolution suivante sur l’indépendance du syndicalisme est destinée aux marins communistes :
« [Le congrès] dénonce comme adversaires de l’unité syndicale les individus ou les groupements qui se font les agents de propagande de mots d’ordre pris à l’extérieur du syndicat ou qui s’efforcent de constituer sur les navires des groupements particuliers de marins. Sur les manœuvres que certains ont tentées dans le port de Marseille, et qui mêlaient la calomnie à l’organisation d’une opposition systématique à la direction syndicale, le congrès déclare que la fédération ne doit plus dans l’avenir tolérer de telles pratiques et mandate le bureau fédéral pour que les mesures les plus énergiques soient prises contre tout fauteur de trouble et de discorde. »
57Cette prise de position des instances de la FNSM contre les agissements du Parti communiste n’est pas la première puisque lors du conseil national du 14 décembre 1937 une résolution citant nommément le Parti communiste a été votée64. Des cellules communistes existent en effet au sein des syndicats du Havre et de Marseille depuis la fin de l’année 193765. À Marseille, la situation est d’autant plus tendue que c’est dans cette ville que le Parti communiste français et l’Internationale communiste ont installé depuis mai 1937 les navires de la Compagnie France-Navigation, créée pour acheminer en Espagne des armes et du matériel pour les républicains. Le chef d’armement de la société est Dumay, l’ancien secrétaire général de la FUMP66. De plus, des membres de la direction fédérale de la FNSM, Ehlers, Ferri-Pisani ou Pasquini, sont proches de la tendance confédérale organisée autour de l’hebdomadaire Syndicats, fondé en octobre 1936 par des responsables fédéraux et confédéraux de la CGT décidés à résister à la « colonisation communiste ». Son rédacteur en chef est René Belin, secrétaire adjoint de la CGT depuis 1933. Groupés à l’origine pour maintenir l’indépendance syndicale, leurs réflexions évoluent progressivement vers la nécessité de réviser les principes et les moyens d’action sur lesquels le syndicalisme a vécu depuis ses origines67. Ehlers y écrit de nombreux articles. À Marseille, Ferri-Pisani et Pasquini participent à un banquet des Amis de Syndicats en juin 1938. Lors du congrès confédéral de novembre 1938, Ehlers est signataire des textes présentés par Syndicats, aussi appelés textes Delmas, du nom d’André Delmas, secrétaire de la Fédération de l’enseignement et du syndicat des instituteurs, qui les défend lors du congrès68. Mais les communistes restent largement minoritaires au sein de la FNSM. Le nouveau conseil national élu à l’issue du congrès est quasiment identique au conseil sortant. Seuls deux communistes en sont membres, Le Minter et Pencalet. Le bureau fédéral est lui aussi reconduit dans son intégralité et est élargi à Guénédal de Lorient, qui devient secrétaire fédéral chargé de la pêche69. Début 1939, les tensions au sein du syndicat des marins de Marseille dégénèrent en conflit ouvert avec la prise du pouvoir des communistes par la force.
La lutte sans merci pour le contrôle du syndicat des marins CGT de Marseille
58Après la publication du décret du 31 décembre 1938 sur l’aménagement de la semaine des 40 heures dans la marine marchande, le conseil du syndicat des marins CGT de Marseille se prononce le 3 janvier par 54 voix contre 13 contre la grève générale réclamée par les communistes70. Ceux-ci décident alors de prendre le pouvoir par la force. Le lendemain est convoquée une assemblée générale des syndiqués marseillais. Alors que plus de 3 000 personnes se trouvent réunies et que la séance n’est pas commencée, des marins et des militants communistes pénètrent par la force dans la salle. Les secrétaires syndicaux quittent alors les lieux, suivis par tous les marins non communistes. Réunis place de la Joliette, ils prononcent l’exclusion de tous les syndiqués membres du Parti communiste. Pendant ce temps, les communistes restés dans la salle élisent un nouveau conseil syndical et envisagent de s’emparer le lendemain matin des locaux du syndicat. Ils n’y parviennent pas en raison de la présence sur place des forces de police.
59Il existe donc désormais deux syndicats des marins CGT de Marseille, un « régulier », celui dirigé par Ferri-Pisani, et un « dissident », avec à sa tête Pierre Badioux pour les agents du service général et André Fressinet pour les inscrits. Mais le véritable dirigeant du syndicat est Henri Brinetti, secrétaire de la section des marins communistes de Marseille. Le syndicat régulier décide de procéder à un référendum chez tous les marins du port de Marseille sur la question « Êtes-vous pour ou contre la grève ? », sujet à l’origine du conflit. Le vote étant ouvert du 6 au 13 janvier, les deux syndicats en profitent pour s’invectiver et s’accuser mutuellement dans de nombreux tracts. Le syndicat dissident estime que les anciens dirigeants ne représentant plus les inscrits et les accuse de s’être alliés avec la presse bourgeoise pour reconquérir le pouvoir qu’ils ont perdu71.
60Un manifeste est publié le 6 janvier par le syndicat régulier. Il met directement en cause le Parti communiste, agent du gouvernement soviétique et de Staline :
« Le Parti communiste a exécuté le 4 janvier un coup de force contre l’Assemblée syndicale des marins du commerce. Les services d’ordre de nos conseils syndicaux ont été emportés sous menace de revolvers et de matraques ; la salle a été envahie par des escouades de serfs moscoutaires de toutes origines. […] Marins, ouvrez les yeux. Demandez-vous par exemple, ce que peut être ce Parti communiste qui, lorsqu’il se préoccupe de la Marine Marchande met sur pied une entreprise comme “France-Navigation”, opération d’armement qui suppose l’investissement de plusieurs centaines de millions. Ne sentez-vous pas que seule une puissance étrangère est en mesure de donner à un parti cette formidable possibilité et que tout est trouble, suspect, dans pareille réalisation ? Marins, réfléchissez ! Vous verrez comment depuis deux ans les communistes ont fait la conquête des syndicats. Vous comprendrez par l’examen des récentes grèves que le seul souci des communistes a été de servir leur parti aux frais des corporations qui ont eu le malheur de se laisser diriger par eux. […] Et vous ferez votre devoir. Pour nous ce devoir est tout tracé. Contre les communistes qui ont enfin démasqué leurs batteries, nous n’aurons de cesse tant que la corporation intégralement maîtresse d’elle-même ne les aura pas chassés. »
61Le 10 janvier, un tract signé par Ferri-Pisani dénonce la Compagnie France-Navigation comme une « combinaison politique » et « une agence soviétique » :
« Qu’est-ce que France-Navigation ? Une Compagnie prétend dicter sa loi à votre corporation. Elle entend nommer vos conseils syndicaux et faire de son chef d’armement votre secrétaire général. Et les cellulards exécutent servilement ses ordres. France-Navigation est effectivement une combinaison politique. Elle est une agence soviétique qui accomplit une besogne trouble sur laquelle il faudra bien que la lumière se fasse. C’est parce que j’ai posé la question, c’est parce que je ne cesse de la poser, dans l’intérêt de la Sécurité nationale que les communistes ont reçu l’ordre de m’abattre72. »
62La contre-attaque menée par Ferri-Pisani, Pasquini et leurs partisans produit rapidement des résultats favorables.
63Les résultats du référendum lancés le 5 janvier sont sans appel. Par 919 voix contre 56, 60 nuls et 48 abstentions, les agents du service général se prononcent contre la grève. Le résultat est très proche chez les marins avec 1 139 contre, 30 pour et 51 abstentions. L’échec des communistes est donc sans appel même si 20 % seulement des inscrits du quartier de Marseille ont participé au vote. De plus les dirigeants du syndicat régulier sont isolés au sein des syndicats marseillais. En effet, les syndicats des dockers et des métallurgistes sont aux mains des communistes, tout comme l’union départementale CGT des Bouches-du-Rhône. Cette dernière a d’ailleurs reconnu le syndicat dissident. Le 8 février, la FNSM déclare que les seuls représentants du syndicat des inscrits maritimes et des agents du service général du port de Marseille sont Ferri-Pisani et Pasquini73. Cette décision est confirmée par celle prise le 18 février par la commission des conflits de la CGT. Le 3 mars, lors de la commission administrative de la CGT, Jouhaux communique les décisions prises : le syndicat dissident doit disparaître, les cartes et timbres spéciaux mis en circulation également, les syndiqués doivent rentrer dans le syndicat régulier, la FNSM prendra les dispositions nécessaires à la sincérité de la prochaine consultation des syndiqués marseillais74. La victoire de Ferri-Pisani, Pasquini et de leurs partisans est complète. Les relations avec l’union départementale CGT à majorité communiste restent très tendues. L’annonce de la signature le 23 août du pacte germano-soviétique provoque la rupture immédiate des relations entre les deux organisations.
Dès le 26 août, le conseil du syndicat des marins CGT vote la résolution suivante à l’unanimité : « Les événements confirment les accusations portées par le syndicat des inscrits maritimes contre les Communistes, agents de la Russie et ennemis de la France. Leur activité hypocrite a fait des travailleurs français les dupes de leurs pires ennemis. La conjonction du totalitarisme allemand et du totalitarisme russe prévue par nous depuis deux ans, réalise contre l’ouvrier français la pire des alliances, celle qui tend à l’anéantir en tant que prolétaire et en tant que Français. […] Le syndicat des inscrits maritimes rappelant ses appels antérieurs et les précisant, demande aux marins de veiller autour d’eux pour que soient détruits impitoyablement tous foyers de trahison plus dangereux sur les navires que partout ailleurs. Il demande particulièrement au gouvernement de ne plus permettre que la Compagnie France-Navigation soit soustraite à son contrôle le plus sévère. Le syndicat des inscrits maritimes fait connaître que la trahison du Parti communiste interdit aux marins du commerce d’accepter, même indirectement, de subir l’influence d’une Union départementale dirigée par des communistes notoirement connus comme agents de la propagande soviétique. En conséquence de cet ordre du jour, le paiement des cotisations à l’UD sera suspendu jusqu’à ce que la direction de cet organisme soit soustraite à l’influence communiste. »
64Lors de la même réunion, les résultats du référendum concernant l’élection du secrétaire général sont proclamés. Ferri-Pisani est réélu par 2 804 voix sur 2 810 votants. Pasquini reste quant à lui secrétaire de la section des agents du service général75.
L’évolution du syndicalisme dans les pêches maritimes
65Après la fin de l’Entente interfédérale des pêcheurs de France, trois fédérations se disputent donc la syndicalisation des pêcheurs : la FNSM, la Fédération des pêcheurs à la part de l’Océan et la FFSPM.
66Fin 1938, les trois fédérations regroupant des syndicats de pêcheurs ont des implantations qui ne se chevauchent qu’en partie. La Fédération des pêcheurs à la part de l’Océan regroupe la grande majorité des syndicats de pêcheurs thoniers et sardiniers du Morbihan à la Gironde. Les zones de force de la FNSM sont la pêche industrielle et les pêcheurs sardiniers du Sud-Finistère. Quant à la FFSPM, elle conserve sa forte implantation chez les petits pêcheurs du Pas-de-Calais, de la Picardie, de la Normandie et de la Bretagne, ceux de la grande pêche et les goémoniers bretons76. Les trois fédérations sont implantées dans la grande majorité des ports importants, à l’exception de ceux du Croisic, de la côte méditerranéenne et de la Corse où existent des syndicats autonomes77. Sur les 80 ports dans lesquels existent des syndicats ou sections syndicales de pêcheurs, seuls huit connaissent la pluralité syndicale. Au niveau local, les possibilités d’opposition entre deux fédérations sont donc rares. Elles se produisent surtout au niveau national, notamment dans le secteur de la grande pêche.
67En effet, la FFSPM et la FNSM sont toutes deux signataires du contrat collectif d’engagement des équipages des chalutiers de grande pêche de février 1937. En février 1939, Lamort est mis en cause dans Le Travailleur de la mer, au sujet de la nouvelle réglementation du travail à bord des chalutiers de grande pêche. Lamort répond à ces attaques en expliquant que « la Fédération nationale des syndicats maritimes n’a pas encore admis de n’être pas la seule organisation représentative des marins de grande pêche, ni même la plus représentative, et elle manifeste son dépit comme elle peut et sans considérer l’intérêt véritable des marins78 ».
68Les organisations syndicales se rencontrent également au sein des comités interprofessionnels de pêche légitimés juridiquement par le décret-loi du 24 mai 1938. Celui-ci institue un Comité central des pêches maritimes afin de remédier au défaut d’organisation dont souffre l’industrie des pêches maritimes. En outre, la possibilité est offerte aux entreprises de pêche, industrielles ou artisanales, de former des comités professionnels ou interprofessionnels composés de représentants des armateurs et des pêcheurs. Pour créer un comité, l’accord de trois quarts des armateurs et patrons pêcheurs propriétaire (et dont le tonnage global est au moins égal aux deux tiers du tonnage total du genre de pêche concernée) est nécessaire. Les comités sont compétents pour prendre toutes les mesures visant à l’organisation de la profession. Ils fixent les dates d’ouverture et de fermeture des campagnes de pêche, détermine le nombre de navires admis à y participer. Ils définissent également la qualité minimale des produits, ainsi que les conditions de livraison des matières premières nécessaires à l’avitaillement et à l’équipement des navires de pêche. Les décisions prises ne sont valables que si elles sont adoptées par les deux tiers des membres. Un décret du 25 mars 1939 précise les règles à suivre pour former des comités de pêche à statut légal79.
69Mais ces comités ont du mal à fonctionner car les relations entre les armateurs, les fabricants de conserve et les pêcheurs sont difficiles. En juin 1938, un prix minimum d’achat du thon n’est fixé qu’après recours à un arbitrage, les pêcheurs et les usiniers n’étant pas parvenu à conclure un accord. À la même époque, le comité de la sardine ne parvient pas à élire son vice-président pêcheur, en raison des votes des armateurs. Un seul comité conforme à la nouvelle législation est constitué avant la Deuxième Guerre mondiale : celui du hareng en juillet 193980.
70À la fin de l’année 1938, la FFSPM doit lutter contre la volonté des armateurs à la grande pêche de Saint-Malo et Saint-Servan de supprimer les congés payés et le repos compensateur contenus dans la charte-partie de 1937. Dans une lettre du 18 novembre, ils justifient ainsi leur position : « Après les concessions multiples consenties depuis 15 ans, d’autre part, les charges sociales et autres inconsidérablement appliqués à notre industrie très particulière, nous sommes contraints d’envisager soit une réduction de ces divers avantages, soit une réduction de la part de pêche. » L’arbitrage rendu le 19 janvier 1939 est défavorable aux armateurs et le bénéfice des lois de 1936 maintenu pour les marins de la grande pêche. Lamort se déclare satisfait de cet « échec sérieux pour l’armement81 ». La FFSPM, qui déclare regrouper, fin 1938, 6 420 adhérents, connaît alors un isolement progressif82.
71Dès 1937, la FFSPM est confrontée à des difficultés liées à son étiquette CFTC. En avril, Lebret écrit à Mgr Mignen : « Le travail en Sud-Finistère n’est pas possible avec l’étiquette CFTC. Le moment n’est-il pas venu de régler officiellement cette affaire par une intervention de Mgr Courbe demandant à la CFTC de nous laisser pour un an notre autonomie et liberté ? » Mgr Mignen répond que « les syndicats qui le voudront adhéreront à la CFTC ; ceux auxquels cela ne conviendra pas adhéreront seulement à la FFSPM, qui, elle-même, n’aura pas de lien direct à la CFTC83 ». En avril 1938, Lamort écrit au secrétaire général de la CFTC, Gaston Tessier, une lettre faisant état de profondes divergences théoriques : « Ne travaillant pas sur le même plan que la CFTC du point de vue économique et sociale, il est impossible à la Confédération d’envisager et d’étudier les problèmes de la pêche, partant des besoins des pêcheurs qui sont des producteurs de base et non des salariés transformateurs. » En 1941, dans sa conférence de la Sainte-Beaume, Lebret reviendra sur les désaccords avec la CFTC :
« La CFTC était un syndicalisme de prolétariens, de salariés. Nos pêcheurs sont des associés. Nous avions un programme ! non pas de revendications, mais de salut économique. La CFTC était une démarcation de la CGT et donnait, bon gré mal gré, dans la lutte des classes. Nous, nous étions collaborationnistes, nous avions une notion corporative du syndicalisme84. »
72À l’automne 1938, un conflit avec la CFTC surgit à propos du syndicat des marins libres du Boulonnais. Celui-ci ne paye pas ses cotisations à la FFSPM. Selon Lamort, c’est l’union locale CFTC de Boulogne qui bloque le paiement car elle souhaite diriger une fédération des marins de la pêche industrielle. En décembre, Lamort exprime son refus à Levasseur d’une organisation regroupant les seuls marins industrialisés et défend les syndicats mixtes : « J’ai assez d’expérience et je connais assez le monde petit pêcheur pour affirmer que le jour où l’on fera un syndicat de patron et un syndicat de matelots à la petite pêche ce serait, à brève échéance, instituer la lutte de classes dans la petite pêche et ce serait le plus sûr moyen de la tuer. » Une réunion se déroule le 17 février 1939 à Arras entre la FFSPM, le syndicat libre, l’union locale de Boulogne et l’union départementale du Pas-de-Calais. Un accord est finalement trouvé : une autonomie technique est accordée au syndicat libre qui doit payer ses cotisations à la FFSPM. Contrairement à ce qu’il souhaite, Lamort n’obtient pas la suppression du journal local La Défense du pêcheur85.
73Lors de l’assemblée générale annuelle tenue le 19 février 1939 à Étaples, le changement de nom de la FFSPM est adopté : elle devient la Fédération française des syndicats libres de marins. Si ses statuts le permettent, la FFSPM n’a pas essayé jusque-là de syndiquer les navigants au commerce. Mais l’échec de la grève générale du 30 novembre 1938 entraîne une hausse des demandes d’adhésions de la part de marins et d’officiers de la marine marchande. Et la FFSPM semble désormais prête à les accueillir :
« Si les événements de 1936 n’étaient pas venus bouleverser nos plans, nous aurions certainement généralisé notre mouvement dans la marine de commerce mais, je n’ai pas besoin de vous dire que quand dans la CGT, socialistes et communistes réunis ont déclenché des mouvements de 36, cela a été une vraie terreur dans la marine de commerce, puisque pour naviguer, il fallait, souvent contre sa volonté et son désir, prendre une carte à la CGT et payer des gens qui desservaient la vraie cause des travailleurs, plutôt qu’ils ne leur rendaient service. Depuis la grève du 30 novembre la situation s’est complètement retournée, et c’est de toute part que nous recevons des demandes d’adhésions de marins du commerce. […] Pour débuter, il ne nous est pas possible de lancer des syndicats dans tous les grands ports sans avoir au préalable un certain nombre de syndiqués sur lesquels nous pourrions compter ; aussi avons-nous résolu d’accepter au SNEB aussi bien les chauffeurs, les mécaniciens, les matelots et les agents du service général que les pêcheurs industrialisés de grande pêche86. »
74En juin 1939, Lamort adresse une lettre aux syndiqués dans laquelle il proclame l’attachement de la FFSPM à la liberté syndicale :
« Tous les gouvernements qui se sont succédé de 1919 à 1936 ont violé les lois de 1884 et de 1920 en accordant un monopole de fait à une seule formation syndicale, empêchant ainsi les autres de se développer et de servir le bien général comme elles l’eussent certainement fait si les Pouvoirs Publics n’avaient eu la conception fausse qu’il n’existe en France que deux blocs : celui des travailleurs salariés et le Patronat et qu’en plus tous les ouvriers et patrons dans chaque groupe avaient les mêmes conceptions de la vie et les mêmes besoins. Je crois pour ma part, et je suis persuadé que cette dictature syndicale, si l’on veut éviter les pires catastrophes, doit prendre fin et il appartient à tous les marins, et ils sont nombreux, qui ont gardé le sens de la dignité humaine, l’amour de la liberté contre l’asservissement et le règne des mots d’ordre partant d’on ne sait d’où, de secouer le joug et d’adhérer, et de rester au syndicat qu’ils ont librement choisi. […] À ceux à qui ces lignes n’auront pas eu le bonheur de plaire et qui braillent sans cesse la liberté syndicale, je réponds ceci : vous voulez la liberté syndicale, c’est très bien ; mais commencez par la laisser à ceux qui ne veulent s’incliner devant votre dictature. Si vous entendez la liberté syndicale dans le sens qu’il n’y ait que vous à représenter les travailleurs, à parler en leur nom, et à prétendre les défendre, je vous réponds que vous n’avez aucun droit de condamner le corporatisme italien ou allemand, car vous vous présentez à la face des travailleurs comme des dictateurs de la pire espèce. Que tous les hommes qui veulent vivre libres se lèvent et nous suivent87. »
75À l’été 1939, le syndicalisme maritime semble moins atteint que la CGT par la chute des effectifs88. Pourtant les armateurs et le gouvernement ont remis en cause une grande partie des avancées sociales de juin 1936. La semaine de 40 heures dans la marine marchande et la pêche industrielle, qui n’a pas été supprimée, n’a plus de réalité depuis le décret du 30 novembre 1938. Les conventions collectives n’ont pas été renégociées depuis 1936 et le recours à l’arbitrage devient systématique pour régler les différends entre armateurs et organisations syndicales. Seuls subsistent les quinze jours annuels de congés payés, que l’armement à la grande pêche a tenté de supprimer. L’État a renforcé son pouvoir direct sur la marine marchande, notamment avec le décret du 21 avril 1939, qui confie à l’administration un pouvoir décisionnel en matière de composition des équipages. À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, « l’aspect commercial des transports maritimes [s’efface] au profit de l’impérieuse nécessité de disposer d’une flotte marchande rapidement mobilisable89 ».
Notes de bas de page
1 Jacques Kergoat, La France du Front populaire, Paris, La Découverte, 1996 et Georges Lefranc, op. cit., p. 335-372.
2 AN 52AS415, correspondance avec la FNSM CGT, 1936.
3 AD SM 10M385, grèves des inscrits maritimes de Seine-Inférieure, 1936 et La Voix du marin (édition de Boulogne), de juillet-août 1936.
4 AN 52AS415, engagement des équipages et états-majors, 1936 et AD BDR 1M987, grèves des inscrits maritimes de Marseille, 1936.
5 AD SM 10 M 385 et AD BDR 1 M 987, grèves des inscrits maritimes de Seine-Inférieure et de Marseille, 1936.
6 AN 52AS416, engagement des états-majors, 1936.
7 L’Officier radiotélégraphiste de la marine marchande, juillet 1936.
8 AN 52AS327, engagement des radiotélégraphistes de la marine marchande, 1936.
9 Marie-Pierre Delaban, op. cit., p. 255.
10 Le Travailleur de la mer, décembre 1936 et janvier 1937.
11 AN 52AS474, salaires des équipages, 1914-1937.
12 AN 52AS502, correspondance avec la FNSM, 1937 et Le Travailleur de la mer, avril 1937.
13 AD BDR 1 M 988, inscrits maritimes, 1937 et La Vie ouvrière, 18 mars 1937.
14 AD G 1M610, inscrits maritimes de Bordeaux, 1937; La Voix du marin (édition de Boulogne), août 1936 et La Vie ouvrière, avril 1937.
15 Le Travailleur de la mer (édition du Havre), février 1937 et Georges Lefranc, op. cit., p. 348-350.
16 La Voix du peuple, mars et septembre 1936.
17 La Voix du peuple, janvier 1937.
18 AD SM 1M566, syndicats des inscrits maritimes de Rouen et du Havre (1933-1940).
19 AD BDR 1 M 988, inscrits maritimes, 1937.
20 L’Officier radiotélégraphiste de la marine marchande, juillet 1936 et Bulletin du syndicat national des officiers de la marine marchande CGT, août-octobre 1936.
21 Mer et Radio, janvier-février 1937 et La Voix du peuple, février 1937.
22 Mer et Radio, mars-novembre 1937.
23 AD SM 1 M 566, Fédération nationale des capitaines de la marine marchande de France et des Colonies et Les Annales maritimes, juillet-décembre 1936.
24 AN 50AS39, relations avec le syndicat des patrons borneurs du port d’Alger.
25 AN 52AS332, Fédération des capitaines de la marine marchande, 1930-1939; AD SM 1M566 et 4 M 515, syndicats des capitaines de la marine marchande, 1936-1939 et Bulletin des officiers de pont de la marine marchande, avril 1938.
26 La Voix du peuple, janvier 1938; Gringoire, 1er juin 1939; Les Annales maritimes, juillet 1937 à janvier 1938 et AD SM 4M515, Fédération nationale des syndicats de pilotes de France, 1905-1950.
27 La Voix du marin, décembre 1936 à juin 1937.
28 AN 45AS10, correspondance, 1937.
29 AN 50AS34 et 41, Entente interfédérale des pêcheurs de France, 1937-1938.
30 Dominique Borne et Henri Dubief, op. cit., p. 164-165.
31 La Voix du peuple, janvier 1937.
32 Marie-Pierre Delaban, op. cit., p. 241-244.
33 AD BDR 1 M 988, grèves des inscrits maritimes, 1937.
34 Le Travailleur de la mer, juillet 1937.
35 Jacques Marchegay, Quarante-sept années au service de l’industrie des transports maritimes, Paris, chez l’auteur, 1981, p. 24.
36 La Voix du marin, septembre-novembre 1937.
37 Le Travailleur de la mer, janvier 1938.
38 AN 52 AS 415, engagement des équipages, 1938 et AD SM 10 M 391, grève de l’équipage du Cévennes et mouvement de solidarité à Rouen, 1937-1938.
39 La Voix du peuple, novembre 1937.
40 AN 52AS415, engagement des équipages, 1938.
41 AN 52AS332, 415, 416 et 475 et 415, engagement des états-majors, 1938.
42 Dominique Borne et Henri Dubief, op. cit., p. 193.
43 AN 52AS428, grèves, 1938 et AD SM 10M396, grève des agents du service général du Champlain au Havre, mai 1938.
44 Marie-Pierre Delaban, op. cit., p. 313.
45 La Voix du peuple, septembre 1938.
46 Georges Lefranc, op. cit., p. 380-385.
47 Le Travailleur de la mer, janvier 1939.
48 AD SM 10 M 397, arrestation des responsables syndicaux du syndicat des marins CGT du Havre, 1938-1939.
49 La Vie ouvrière, janvier 1939.
50 AD SM 10M397, grèves des inscrits maritimes, 1939.
51 Le Travailleur de la mer, mars 1939.
52 Le Travailleur de la mer, mai 1939.
53 AD BDR 1M919, syndicats maritimes du port de Marseille, 1939; Bulletin des officiers de pont de la marine marchande, mai 1939 et La Voix du peuple, juin 1939.
54 Marie-Pierre Delaban, op. cit., p. 298 et 313 et La Voix du peuple, juin 1939.
55 Janine Kergoat et René Rémond (dir.), Édouard Daladier, chef de gouvernement, de avril 1938 à septembre 1939, Presses de la FNSP, 1977.
56 AN 50AS2, bilan financier 1938 de la FNSM et Le Peuple, août 1938.
57 La Voix du peuple, juillet 1938 et Antoine PROST, op. cit., p. 194.
58 Mer et Radio, janvier-avril 1939.
59 Antoine Prost, op. cit., p. 194.
60 Bulletin des officiers de pont de la marine marchande, janvier 1939.
61 Les Annales maritimes, octobre-décembre 1938 et Bulletin des officiers de pont de la marine marchande, mai 1939.
62 Le Travailleur de la mer, août 1938 et AN 52AS2, bilan financier 1938 de la FNSM.
63 La Voix du peuple, septembre 1938.
64 Syndicats, 23 décembre 1937 et La Voix du peuple, septembre 1938.
65 AD G 1M610, inscrits maritimes de Bordeaux, 1937 et La Voix du peuple, novembre 1937.
66 Émile Temime, op. cit., p. 266. Sur l’histoire de France-navigation, voir Dominique Grisoni et Gilles Hertzog, Les Brigades de la mer, Paris, Grasset, 1979.
67 Marie-France Rogliano, « L’anticommunisme dans la CGT : Syndicats » , Le Mouvement social, n° 87, avril-juin 1974, p. 63-84.
68 Syndicats, juillet et octobre 1938.
69 Le Travailleur de la mer, octobre 1938 et La Voix du peuple, septembre 1938.
70 Messidor, novembre 1938.
71 AD BDR 1 M 919, Fédération nationale des syndicats maritimes, 1939.
72 Syndicats, janvier 1939.
73 Le Travailleur de la mer, février 1939.
74 La Voix du peuple, mars 1939.
75 AD BDR 1 M 919, Fédération nationale des syndicats maritimes, 1939.
76 AN 50AS1, état des implantations de la FFSPM, de la FNSM et de la Fédération des pêcheurs à la part de l’Océan fin 1938.
77 AN 50AS36 et 39, relations avec les syndicats de Saint-Nazaire et de la Méditerranée.
78 La Voix du marin, mars 1939.
79 Louis Mordrel, op. cit., p. 160-164 et Professions maritimes, avril-juin 1938 et avril-juin 1939.
80 La Voix du marin, juillet-août 1939.
81 La Voix du marin, octobre-novembre 1938 et janvier 1939.
82 AN 50AS1, effectifs de la FFSPM fin 1938.
83 AN 45AS10, correspondance, 1937.
84 R. P. Lebret, Le Roman de Lamort, texte dactylographié de la conférence de Sainte-Beaume du 3 août 1941, 1976, p. 30-31.
85 AN 45AS10 et 50AS23, relations avec le syndicat des marins libres du Boulonnais, 1938-1939.
86 AN 50AS21, relations avec les syndicats de patrons et d’officiers de la marine marchande, 1939.
87 La Voix du marin, juin 1939.
88 Georges Lefranc, op. cit., p. 385.
89 Marie-Pierre Delaban, Administration, législation et politique maritime en France…, op. cit., p. 254.
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