Chapitre II. Entre grève générale et profond réformisme (1902-1914)
p. 41-76
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Texte intégral
1Lors des grèves d’août 1900, une nouvelle génération de militants syndicaux est apparue, en particulier à Marseille autour d’Ange Rivelli. Surpris par le mouvement de l’été 1900, les armateurs sont désormais très vigilants dès qu’une agitation se développe au sein de leur personnel. De leur côté, les dirigeants de la FNSM opèrent peu à peu un changement de stratégie : ils délaissent les pressions et interventions auprès de l’État pour se tourner vers des grèves nationales de plus en plus dures, allant jusqu’à la grève générale. Rivelli, devenu secrétaire général, obtient en 1906 l’adhésion de la FNSM à la CGT, ce qui n’est pas sans entraîner de forts tiraillements internes, les plus réformistes étant hostiles à l’orientation révolutionnaire de celle-ci. La FNSM se renforce. Elle parvient à faire céder les armateurs et à obtenir le vote d’une législation plus favorable.
2L’organisation des pêcheurs dans des syndicats mixtes ou ouvriers se poursuit. Eux aussi ont de plus en plus recours à la grève pour faire aboutir leurs revendications. La FNSM, dirigée par des marins du commerce, décide de se préoccuper du sort des pêcheurs, les soutenant lors de leurs mouvements et organisant des tournées de propagande, dont le bilan à la veille de la Première Guerre mondiale sera fortement mitigé. À travers ces tentatives de syndicalisation massive des pêcheurs réapparaît une problématique présente depuis les origines du syndicalisme maritime, celle du champ d’action de la FNSM, présentée comme la fédération de tous les navigants, qu’ils soient inscrits maritimes ou non. Doit-elle encore regrouper tous les inscrits maritimes, mêlant ainsi les capitaines et officiers aux personnels subalternes, alors que les divergences d’intérêt sont flagrantes ? Quelle place donner aux pêcheurs artisans dans une fédération dominée par les marins du commerce salariés ? La FNSM doit-elle se rapprocher des autres travailleurs des ports et de la marine, notamment les dockers, comme elle a su le faire avec les agents du service général ? Les tentatives d’interfédérations sont nombreuses entre 1906 et 1914, mais aucune ne perdure. Les années de la Belle Époque sont pour le syndicalisme maritime celles du foisonnement des fédérations, chacune cherchant à regrouper soit l’ensemble des gens de mer, soit une catégorie spécifique d’inscrits maritimes.
3Alors que les différentes composantes du syndicalisme maritime cherchent à délimiter leur aire de recrutement, le patronat s’organise dans le Comité central des armateurs de France, pour mieux défendre ses intérêts et contrecarrer les agissements des syndicats. Cette réaction patronale et les défaites qu’elle fait subir aux inscrits amène la principale fédération d’inscrits maritimes, la FNSM, à adopter une orientation réformiste dès la veille de la Première Guerre mondiale.
L’affirmation d’un syndicalisme maritime pluraliste (1902-1907)
4Les armateurs sont parvenus début 1902 à remettre en cause les augmentations de salaire qu’ils avaient dû concéder lors des grèves de l’été 1900. De leur côté, les nouveaux dirigeants de la FNSM déploient une grande activité qui débouche sur une longue grève dans le port de Marseille à la fin de l’année 1902, au cours de laquelle Ange Rivelli assoit son autorité.
La grève de Marseille de novembre-décembre 1902 et l’affirmation du leadership d’Ange Rivelli au sein de la FNSM
5Le 22 mars 1902, une réunion exceptionnelle du bureau de la FNSM se tient à Bordeaux. La lenteur du gouvernement à répondre favorablement aux revendications y est dénoncée. Trois mois plus tard, le bureau fédéral décide la grève générale immédiate des inscrits si les chambres se séparent sans leur avoir donné satisfaction1. Le 9 août, une réunion générale du syndicat de Marseille vote l’organisation d’un référendum jusqu’au 15 novembre pour décider de la grève. Le dixième congrès national, tenu à Martigues du 15 au 19 septembre, confirme cette orientation. Ange Rivelli, élu à cette occasion secrétaire général de la fédération, exprime bien la stratégie choisie :
« Le premier jalon de la grève générale est posé. Si la grève éclate, le Gouvernement, les compagnies de navigation, les armateurs auront à assumer une bien lourde responsabilité, car ils ne pourront nier que les marins ont usé de tous les moyens de conciliation, sans résultat… Je répète que le syndicat ne veut pas la grève ; par la raison autant que par énergie, il espère faire comprendre que la situation du marin n’est plus tenable et qu’il y a lieu de la modifier2. »
6Rien ne semble donc pouvoir empêcher le conflit. Après le dépouillement du référendum qui donne une écrasante majorité en faveur de la grève, les marins de Marseille mettent sac à terre le 26 novembre. Un cahier de revendications est voté : il ne demande en fait que l’application du contrat de 1900. En raison de ce recentrage sur des questions locales, le mouvement reste limité au port de Marseille. Il se trouve très vite dans l’impasse et s’installe dans la durée. Le 6 décembre, afin d’assurer les liaisons maritimes avec l’Algérie, le gouvernement décide d’affréter avec les marins de l’État les navires bloqués des compagnies. Dès le 29 novembre 1902, les armateurs ont exprimé leur point de vue sur les événements :
« Le syndicat marseillais de la marine marchande doit à la population de Marseille, si gravement éprouvée par les événements actuels, un court et sincère exposé de la situation. Un contrat avait été signé par les inscrits maritimes d’une part, par les armateurs de l’autre, en date du 21 août 1900. […] Ce contrat constituait pour les inscrits maritimes une situation extrêmement avantageuse vis-à-vis des marins montant des navires étrangers avec lesquels les nôtres sont journellement en concurrence, vis-à-vis des marins français navigant sur les vapeurs français armés dans les ports du Nord. […] Quant à l’armement, on a parlé de ses privilèges, des primes et des subventions. Les privilèges, où sont-ils ? […] Est-ce celui de ne pouvoir armer ses navires qu’avec trois quarts au moins de l’effectif en marins français, alors qu’en Allemagne, en Angleterre, en Suède, en Belgique, au Japon, en Suède, en Autriche, au Danemark, en Norvège, en Hollande, etc., l’armateur est libre de recruter ses équipages dans toutes les nations et d’armer exclusivement avec des étrangers ? […] Il y a en France 72 000 inscrits maritimes : 1800 d’entre eux ont pris part à un référendum qui ne portait même pas sur le principe de la grève. Cette infime minorité ne peut pas imposer sa volonté à toute la corporation3. »
7Le 12 décembre, suite à une manifestation, Rivelli est interpellé, ce qui n’empêche pas les inscrits de continuer le mouvement. Ils demandent alors le soutien de la CGT, qui refuse de les soutenir au motif qu’ils ne sont pas confédérés mais leur apporte néanmoins un soutien financier. La reprise du travail n’est votée que le 18 décembre, aux conditions du contrat de 1900, « avec la promesse formelle des autorités qu’on le ferait respecter », comme l’écrit Rivelli dans son bilan de la grève4.
8Lors de la réunion du syndicat des inscrits de Marseille du 28 décembre 1902, des critiques sont faites à Rivelli à propos de son attitude autoritaire durant la grève. Cela ne l’empêche pas d’être réélu secrétaire général du syndicat marseillais le 19 janvier suivant5. Reconnu par le gouvernement comme un interlocuteur légitime, il rencontre en avril 1903 le ministre de la Marine Camille Pelletan, en visite à Marseille. Quelques mois plus tard, il est reçu à Paris par le chef de cabinet du ministre et le directeur de la Marine marchande6. Il est donc en position de force avant le onzième congrès de la FNSM qui se tient à Douarnenez du 4 au 8 août 1903. Ce congrès, sur lequel nous reviendrons plus loin à propos de la place des pêcheurs au sein de la FNSM, le confirme dans ses fonctions, après une discussion sur la grève de Marseille. Il faut noter que les syndicats de capitaines et d’officiers sont encore présents lors de ce congrès, mais leur statut est incertain, puisque Rivelli propose la création d’une Confédération générale maritime regroupant les cinq fédérations existantes, à savoir l’Association des capitaines au long cours et au cabotage, la Fédération des mécaniciens, la Fédération des agents du service général, la Fédération des pêcheurs et celle des inscrits, entendue ici comme la FNSM7. L’appel à l’unité des différentes composantes des corporations des gens de mer reste pour le moment lettre morte, d’autant plus qu’une grève des capitaines au long cours de Marseille en 1904 va accentuer les désaccords.
Le port de Marseille en effervescence et la prise de distance des états-majors
9Tout comme en 1902, l’attention va se trouver fixée tout au long de l’année 1904 sur le port de Marseille. Il faut néanmoins signaler une grève sur les conditions d’embarquement à Dunkerque du 29 juillet au 11 août qui se termine par la satisfaction des revendications8.
10Début avril, les incidents se multiplient à bord des navires de commerce dans le port de Marseille : les marins réclament et obtiennent le débarquement d’officiers ou de capitaines accusés de violence sur un membre de l’équipage ou jugés trop sévères. Les capitaines et officiers se plaignent de ces concessions faites par les compagnies aux marins. Regroupés dans la section marseillaise de l’Association fédérative des capitaines et officiers de la marine marchande de France qui regroupe alors plus de 600 membres à Marseille, ils décident le 22 avril de débarquer à partir du lendemain, justifiant ainsi leur mouvement :
« Les officiers constataient depuis quelque temps que l’indiscipline faisait de grands progrès parmi les matelots et les chauffeurs. Se sentant soutenus par leurs syndicats, les équipages émettaient la prétention de discuter les ordres qu’ils recevaient, ils voulaient faire à leur gré la réglementation du travail à bord et se plaignaient du surmenage dès que les nécessités du service mettaient leurs chefs dans l’obligation de leur demander un travail supplémentaire9. »
11Dès le 23 avril, le débarquement des états-majors est général. Le 28 avril, 600 officiers et capitaines demandent la réintégration des trois officiers écartés au cours des mois précédents, le droit absolu du capitaine de composer son équipage et la soumission dans les 24 heures des litiges entre équipages et états-majors au capitaine, qui les solutionnera ou les transmettra à l’autorité maritime. Ils estiment que « la responsabilité et l’autorité sont deux fonctions connexes et les États-majors repoussent toute intervention de tiers, syndicats, corporations ou autres qui prétendraient s’immiscer dans la composition des équipages pont et machine ». Ils reçoivent le soutien des états-majors des autres ports. De leur côté, toutes les catégories du personnel subalterne désapprouvent cette grève, rejointes par la Fédération des syndicats de mécaniciens brevetés. Le gouvernement, comme il l’a fait lors des grèves des marins, propose aux compagnies de remplacer les grévistes par des officiers de la marine de guerre, mais les armateurs refusent, ne souhaitant pas confier leurs navires à des hommes qui ne les connaissent pas. Est-ce dire pour autant que ces derniers soutiennent leurs états-majors ? Ils n’y sont en tout cas pas hostiles et comme l’écrit, en août suivant, le conseil d’administration de la section de Marseille de l’Association fédérative des capitaines et officiers de la marine marchande : « Dans [ce] conflit, il est incontestable que l’appui moral des armateurs devait nous être acquis, puisqu’en défendant notre autorité menacée, nous défendions indirectement leurs intérêts10. »
12Le conflit s’installe dans la durée. Un ordre du jour, voté le 12 mai par la section havraise de l’Association fédérative, explicite l’objet de ce mouvement : « La grève ne vise pas les inscrits maritimes qui naviguent, qui sont véritablement dignes du titre de marins, mais quelques meneurs contre lesquels le gouvernement ne veut pas agir. » L’ennemi est donc désigné clairement : les responsables des organisations syndicales du personnel subalterne. Le 13 mai, les marins de Marseille considèrent dans une motion que cette grève est l’œuvre de l’armement marseillais et maintiennent leurs revendications. L’intervention de l’État permet de trouver un compromis et après la réintégration des officiers débarqués, les états-majors marseillais votent la reprise du travail le 16 mai. Mais, comme l’écrit André Sayous, secrétaire général de la Fédération des industriels et commerçants français, dans un opuscule sans équivoque consacré aux grèves de Marseille en 1904 :
« Nul n’avait triomphé d’une façon suffisante pour que Marseille fût assurée d’une tranquillité de quelque durée. Les capitaines, par esprit de conciliation, avaient cédé trop vite. Les inscrits pansaient des blessures peu profondes et leurs amis, les dockers, avaient peu souffert du chômage. L’état de choses antérieur allait reparaître ; aussi intenable qu’auparavant. »
13Le jugement porté par Rivelli sur le conflit ne contredit pas cette analyse et augure la poursuite des tensions : « Vous voulez respecter les lois qui vous ordonnent, qui vous forcent à nous punir, à nous condamner, à nous battre ? Et bien, les navigateurs de toutes les spécialités prennent l’engagement de vous affranchir de ce respect. » Un congrès extraordinaire de la FNSM tenu le 8 juin désavoue officiellement la grève11.
14Le personnel subalterne est bien décidé à ne pas relâcher la pression. En collaboration avec le syndicat des ouvriers des ports, docks et parties similaires qui compte alors 12 000 cotisants et est dirigé par Abel Manot12, la mise à l’index à tour de rôle des différents navires d’une compagnie est décidée. Le 14 juillet, face à la multiplication des actions des dockers et des marins, la Compagnie des Messageries maritimes décide de désarmer ses navires jusqu’au 18. Cela ne calme pas les marins et les dockers qui utilisent alors les mêmes procédés à la Compagnie générale transatlantique. Une mise à l’index générale est votée et est effective le 17 août. Le 22 août, le syndicat des auxiliaires des entreprises de manutention décide de cesser le travail, suite au non-respect par les dockers de l’accord de 1903 qui prévoit que tout conflit doit d’abord être soumis à un arbitre. En vertu d’un contrat signé entre les syndicats des auxiliaires et des capitaines et officiers, ceux-ci débarquent. Le lendemain, le syndicat des armateurs de Marseille décide de désarmer tous les navires et met à exécution cette mesure le jour même. Dès le 27 août, un navire de l’État assure la liaison avec l’Algérie. Surpris par ce lock-out, les marins acceptent très vite les conditions des armateurs pour le réarmement des navires : liberté pour les capitaines de composer leurs équipages, liberté du travail assurée d’une façon formelle, suppression des index. Mais de nombreux inscrits, en particulier à la Compagnie générale transatlantique, refusent de reprendre le travail car ils n’ont rien obtenu sur la réglementation du travail à bord et ils sont solidaires avec les dockers qui eux ont répondu par la grève au désarmement des bateaux. De plus, les états-majors poursuivent leur mouvement aux côtés des contremaîtres des entreprises de manutention. La reprise générale du travail n’a lieu que le 8 octobre après le retour à l’accord de 1903 dans les entreprises de manutention et la signature de conditions générales d’embarquement à la Compagnie générale transatlantique13.
15Le syndicat des ouvriers des ports, docks et parties similaires de Marseille sort vaincu de ce conflit. Il est même dissous en novembre 1904 et ne sera reconstitué sous cette forme qu’en 190714. Les marins de leur côté ont préservé leur organisation et maintiennent leurs revendications concernant la réglementation du travail à bord, soutenant le projet du ministre Pelletan que les armateurs refusent. Ce projet favorise d’ailleurs un rapprochement, perceptible dès octobre 1904, avec les états-majors qui de leur côté créent leur propre fédération15.
Des fédérations distinctes qui s’accordent autour d’objectifs communs à l’ensemble des gens de mer
16Le onzième congrès de la FNSM se déroule du 24 au 28 octobre 1904 au Havre. Il marque un tournant car seulement deux syndicats d’officiers sont présents : ceux des officiers mécaniciens du Havre et de Dunkerque. Les syndicats de capitaines de Marseille, Bordeaux ou du Havre sont absents, signe que les grèves du printemps et de l’été ont laissé des traces. Les agents du service général sont eux représentés avec le syndicat du Havre et la Fédération syndicale des maîtres d’hôtel et garçons navigateurs de France, dominée par le syndicat marseillais. Rivelli est reconduit dans ses fonctions de secrétaire général d’une organisation qui revendique près de 20 000 membres16.
17Les agents du service général, tout en restant membres à part entière de la FNSM, reprennent une certaine autonomie qui se traduit par la séparation du journal commun L’Indépendant maritime en deux publications. En janvier 1905, L’Indépendant maritime devient l’organe des navigateurs civils du port de Marseille et les inscrits lancent Le Travailleur de la mer. La Fédération syndicale des maîtres d’hôtel et garçons navigateurs de France est relancée. Une assemblée générale se tient en juin 1905. Sont membres de la fédération les syndicats des maîtres d’hôtel et garçons navigateurs du Havre et de Marseille, des cuisiniers navigateurs et des employés de restaurant de Marseille17. Ceux-ci sont toujours membres de la FNSM, participant aux congrès, comme celui de Sète18 en octobre 1905, et aux mobilisations locales, aux côtés des marins, mais aussi des capitaines et officiers qui s’organisent dans une fédération nationale.
18L’idée d’une telle organisation est en germe dès l’été 1904. Le 8 août, une réunion en vue de la création d’une Fédération des états-majors de la marine de commerce se tient à Marseille. Invitée à y participer, la FNSM se prononce contre lors de son congrès du Havre en octobre. En décembre est finalement créée la Fédération des syndicats maritimes français. Elle est présentée comme « ouverte à tous les syndicats d’inscrits maritimes, sans distinction de rang ou de grade, elle est appelée à réunir la grande famille des marins, dont les intérêts sont liés sur un grand nombre de points ». Cette fédération n’aura qu’une brève existence puisque, dès décembre 1905, la section de l’association fédérative du Havre s’en retire. Les capitaines au long cours créent alors une fédération propre, tout comme les mécaniciens diplômés19. La multiplication des fédérations n’empêche pas l’unité d’action sur des revendications liées au statut d’inscrit maritime.
19En décembre 1904, Rivelli dresse un bilan qu’il estime positif de l’activité syndicale depuis 190220. Il est possible de contester son jugement car nombreuses sont les revendications qui n’ont pas été satisfaites. Le positif est donc à rechercher dans le fait que l’existence du syndicalisme maritime ne peut plus être niée par les armateurs et l’État. Le patronat ayant prouvé en 1904 ses capacités de résistance, c’est sur l’État que l’action revendicative va désormais être portée, à propos de l’amélioration du statut d’inscrit maritime. En mars 1905, des réunions, auxquels participent tous les syndicats d’inscrits et de navigateurs civils se déroulent au Havre et à Marseille. Des ordres du jour similaires sont votés : ils demandent le vote rapide de la loi modifiant la caisse de prévoyance et du projet concernant la réglementation du travail, l’augmentation des pensions d’invalidité et de retraite, et rejettent le rapport Vel-Durand sur la remise en cause du monopole du pavillon avec l’Algérie. Des divergences subsistent sur les modalités de lutte : les capitaines au long cours de Marseille refusent la cessation complète du travail le 1er mai, tout en participant aux meetings prévus le 30 avril dans de nombreux ports de commerce21
20La FNSM durcit sa position à l’occasion de son treizième congrès tenu à Sète en octobre 1905. En effet, elle « vote le principe de la grève générale à une date indéterminée si les ordres du jour votés par le congrès […] ne reçoivent pas une solution favorable ; [les délégués] décident qu’au mois de février 1906, un congrès extraordinaire aura lieu à Paris pour prendre les mesures propres à affirmer le présent ordre du jour ». La FNSM décide aussi « pour affirmer sa communion d’idée avec [la CGT] d’adhérer moralement, et en principe matériellement, en votant une cotisation de 10 francs par an22 ».
21Aucune avancée n’ayant eu lieu, le congrès extraordinaire prévu se tient du 20 au 24 février 1906 à Paris. Les revendications étant susceptibles d’intéresser tous les inscrits maritimes, toutes les organisations syndicales sont présentes, y compris la Fédération des syndicats de pilotes de France et des colonies23. Une délégation, dont Rivelli n’est pas membre, rencontre le ministre de la Marine et des parlementaires. Finalement la proposition suivante est votée : « [Les] pleins pouvoirs [sont donnés] aux 6 bureaux fédéraux représentant la totalité des gens de mer, pour prendre les mesures nécessaires pour faire respecter, le cas échéant, les décisions prises au congrès de Cette. » La menace de grève générale n’est donc pas mise à exécution. À cela plusieurs raisons : tout d’abord certains délégués, en particulier ceux des capitaines, y sont hostiles ; de plus, le pays entre dans une période peu propice, avec des élections législatives en mai24.
22Cette modération n’est pas partagée par l’Union syndicale des marins du commerce de Marseille. Un référendum lancé en octobre 1905 donne en mars 1906 un résultat sans ambiguïté : 6083 voix pour la grève générale, 734 contre. Le 30 avril, 1500 inscrits marseillais votent la revendication d’un contrat unique et collectif des inscrits avec les compagnies, la participation des inscrits au 1er Mai et un arrêt de travail de 5 heures pour faire pression sur le gouvernement. Mais comme ce gouvernement n’est plus représentatif après les élections législatives qui ont vu la victoire des radicaux, les inscrits n’obtiennent aucune avancée. Il faut attendre l’arrivée de Georges Clemenceau à la présidence du Conseil en octobre pour que les inscrits retrouvent un nouvel interlocuteur potentiel. Comme ce gouvernement fait le choix d’une répression féroce envers la classe ouvrière, la FNSM va se heurter à l’État, d’autant plus que son adhésion à la CGT est effective depuis juin 190625. Comptant alors 20 000 adhérents, la FNSM va aller jusqu’à la mise à exécution de ses menaces de grève générale.
De l’adhésion à la CGT à la grève générale de mai 1907
23Alors qu’elle vient juste d’adhérer à la CGT, la FNSM semble connaître une crise interne qui touche en premier lieu son secrétaire général, Rivelli. Celui-ci pense alors à se retirer. En juillet 1905, il faisait déjà part de ses doutes à Brunellière : « Au xiiie congrès je compte me démettre de ma fonction de secrétaire de la Fédération. » Il confie qu’il est découragé et écœuré :
« Je travaille comme un noir, toujours en mouvement et pour le même motif. Union des marins, unification de programme et de tactique, je constate qu’il n’y a pas possibilité d’y arriver. Les marins sont négligents, mais que doit-on dire de ceux qui ont les prétentions de les diriger et qui par leur indifférence par leur je m’en foutisme sont la première cause de notre faiblesse, de notre manque d’organisation. Combien de circulaires ai-je envoyé auxquelles jamais l’on a fait réponse ? »
24Reconduit au congrès de Sète en octobre 1905, son état d’esprit n’a pas changé en juin 1906 :
« On va, au prochain congrès la [la fédération] réorganiser sérieusement et lui donner une administration qui ne sera plus composée d’un seul homme, ce n’est pas trop tôt, mais quoiqu’il arrive, je ne serais plus le secrétaire. 48 mois de batailles sont suffisants je crois pour accorder au 1er soldat une retraite bien gagnée et si je ne me trompe, je l’aurais méritée26. »
25Plus loin, il fait part de ses doutes sur le mouvement actuel, se montrant assez en retrait sur la question de la grève générale, lui qui en a été jusque-là un ardent propagandiste :
« Le mouvement actuel se dessine assez mal. 40 syndicats ont manifesté l’opinion de leurs membres. Sauf 4 ou 5 – le mien compris – tous sont partisans de la grève générale immédiate et sans délai. Quelle erreur et quel manque d’instruction sociale je constate aujourd’hui dans la corporation ! Enfin, espérons des jours meilleurs et attendons que les autres organisations se soient prononcées. »
26Ces interrogations de Rivelli sur son engagement trouvent écho dans la contestation de son attitude dirigiste et de la concentration des pouvoirs entre ses mains, notamment de la part de la Fédération des agents du service général27. En dépit de son questionnement personnel et des critiques dont il fait l’objet, Rivelli est toujours secrétaire général au sortir du quatorzième congrès fédéral tenu à Paris du 29 au 3 novembre 1906.
27Ce congrès se déroule au siège de la CGT. Preuve de la crise de confiance vis-à-vis de Rivelli, le jour même de l’ouverture, la Fédération des agents du service général vote son retrait de la FNSM28. Elle participe néanmoins à la création, avec les 5 autres fédérations syndicales des corporations maritimes, du Comité national de défense des gens de mer qui proclame l’ » entente complète entre les états-majors entre les équipages et les états-majors de toutes catégories [prêts à organiser] la cessation du travail par 116 000 officiers et matelots, appuyés par la CGT… » pour obtenir que les pensions de demi-solde soient portées à 600 francs pour les marins et pêcheurs alors que leur montant est alors de 204 francs par an29. Rivelli entame une tournée de propagande, se rendant les 20 et 21 novembre à Audierne et Douarnenez. Le 19 décembre, une circulaire appelant à la préparation de la grève générale est envoyée à tous les syndicats. Rivelli prend des précautions pour éviter que son courrier ne soit intercepté :
« C’est sous double enveloppe collées ensemble que je vous envoie cette lettre. Pour votre correspondance avec moi faites la même chose. Adresse écrite d’une autre main que la nôtre. Écrivez-moi à l’avenir à l’adresse suivante : Me Malgorn, 9 Place de la Joliette. Mettez sur le coin gauche et en haut de la lettre un point d’encre comme ça •. Cette dame, femme d’un de mes meilleurs syndiqués comprendra et me remettra vos lettres30. »
28À partir de février 1907, Rivelli entame une tournée de tous les ports de France et pousse à la constitution de sous-comités locaux de défense des gens de mer comme à Marseille dès le 6 janvier 1907. Les capitaines au long cours de Marseille veillent au maintien des revendications sur le terrain économique. Pour démontrer la détermination des inscrits, une grève nationale est organisée le 7 avril avec des meetings dans tous les ports. Du 12 au 16 mai, un congrès des sous-comités de défense des gens de mer se tient à Paris. Même si le projet de loi Thomson présente des avancées sur l’augmentation des demi-soldes, les décisions du quatorzième congrès sont maintenues. La grève générale est imminente31.
29Le 30 mai, la grève est votée dans de nombreux ports de France. Elle est effective le lendemain. Plus de 24 000 inscrits de 17 ports la suivent. Le mouvement est donc d’importance mais pas général, si l’on pense au chiffre de 116 000 inscrits avancé au congrès de Paris. En effet, certains syndicats d’officiers refusent d’y participer comme à Nantes et à Dunkerque. Mais surtout, comme l’a montré Claude Geslin, le mouvement est très faiblement suivi en Bretagne où seuls les ports de Saint-Malo, Saint-Nazaire et Nantes sont touchés et encore, dans des propositions très variables. Dans les autres ports bretons la grève est par contre un échec, comme l’avait d’ailleurs prévu le sous-préfet de Saint-Nazaire à propos des pêcheurs de la circonscription maritime du Croisic, « composée presque exclusivement de marins-pêcheurs sur lesquels les membres du Comité central de défense des gens de mer doivent s’attendre à n’avoir qu’une très faible prise… ». Claude Geslin voit plusieurs causes dans cet échec : le siège du Comité de défense des gens de mer est à Marseille, loin donc de la Bretagne, et il est dirigé par des marins du commerce sur lesquels les pêcheurs n’ont aucun poids ; la grève est présentée dans le Finistère comme réactionnaire car dirigée contre le gouvernement que soutiennent des pêcheurs républicains ; et surtout, sur ce mouvement pèse le soupçon de la mainmise de la CGT révolutionnaire à laquelle pêcheurs et aussi officiers de la marine marchande sont hostiles. La grève n’est en fait suivie que dans les ports de commerce et dans les ports de pêche de la Méditerranée, car dans l’estuaire de la Gironde ou sur les côtes de la Manche, hormis Cherbourg, aucune agitation n’est relevée. Le 3 juin, après des rencontres avec le ministère et des parlementaires, les délégués du Comité de défense jugent que leurs revendications vont être prises en compte et un appel à la reprise du travail est télégraphié dans tous les ports. Il sera effectif trois jours plus tard32. Les promesses du gouvernement ne seront pas suivies d’effets immédiats et les inscrits devront attendre la loi du 14 juillet 1908 qui fixe la pension minimale à 360 francs pour un départ en retraite à 50 ans avec 300 mois de service, bien loin donc des revendications de départ. Cette loi élargit le système des pensions aux ADSG, qui dépendent néanmoins d’une caisse distincte, la Caisse de retraite pour la vieillesse33.
30Lors du quinzième congrès fédéral qui se tient à Dunkerque fin août-début septembre 1907 les congressistes tirent le bilan de la grève générale. Rivelli, et plus largement le syndicat de Marseille, sont mis en cause. Il est reproché au premier son empressement à la fois dans le déclenchement du mouvement et dans l’appel à la reprise. Rivelli se retire du secrétariat fédéral qui est confié à Montagne du Havre34. Ce changement de direction est de courte durée car dès le seizième congrès fédéral de Marseille en octobre 1908, Rivelli redevient secrétaire général. Un ordre du jour, voté à l’unanimité, met fin au différend qui existait entre des syndicats locaux et la direction de la fédération, notamment Rivelli, qui va désormais se consacrer à la FNSM en démissionnant en novembre de son poste de secrétaire général du syndicat de Marseille. Lors du congrès, un bilan de l’action syndicale des inscrits depuis son origine est également dressé :
« Sauf en ce qui concerne les décrets-lois du 9 janvier 1852, 4 juillet 1857, 19 novembre 1859, relatifs aux pêches maritimes, et celui du 24 mars 1892, qui subsistent encore, le programme élaboré au premier congrès national (Marseille, 1891) est réalisé. Certes toutes les lois votées depuis 1902 en faveur des inscrits maritimes ne sont pas parfaites, certaines devant subir des modifications : les syndicats les proposeront sans doute35… »
31Juste avant le seizième congrès de la FNSM, Rivelli a été le délégué de sa fédération au congrès confédéral de la CGT qui se tient lui aussi à Marseille du 5 au 12 octobre, auquel sept mandats de syndicats de la FNSM sont admis36. L’adhésion, en 1906, de la FNSM à la CGT n’a pas été sans provoquer des remous et des oppositions au sein de certains syndicats. De plus, se pose la question de l’aire de recrutement de cette fédération présentée dans le compte rendu du congrès confédéral de Marseille comme la « Fédération des inscrits maritimes », alors qu’il existe d’autres fédérations d’inscrits et qu’au sein même de celle-ci, la place des différentes professions est loin d’être évidente, si l’on songe en particulier aux pêcheurs dont les préoccupations sont souvent bien éloignées des ordres du jour et motions votées lors des congrès fédéraux. Plus généralement, il convient de s’interroger sur la possibilité de l’unité des gens de mer au sein d’une même organisation.
L’unité des gens de mer est-elle possible au sein d’une seule fédération ?
32Alors qu’en 1891, le premier congrès maritime national de Marseille regroupait toutes les catégories professionnelles d’inscrits, des capitaines aux pêcheurs, le seizième tenu en 1908 dans la même ville, n’accueille que des marins du commerce et des pêcheurs. Les premiers sont très largement majoritaires au sein de la FNSM qui peut alors être considéré comme une fédération de métier, elle qui prétend être une fédération d’industrie37. Les seconds sont un peu négligés par les dirigeants de la fédération, tous issus de la marine marchande. Ces derniers se retrouvent face à la nécessité de renouveler leurs actions en direction des pêcheurs, tout en collaborant avec les autres catégories professionnelles, non plus en recherchant la constitution d’une fédération commune, mais par des unions à objectifs limités au sein de confédérations ou d’interfédérations, élargies aux dockers.
Quel syndicalisme des pêcheurs ?
33Comme cela a été évoqué dans le premier chapitre, les syndicats de pêcheurs présentent la spécificité d’être souvent mixtes, avec en leur sein les patrons et les matelots. Ce caractère perdure au début du xxe siècle. Les syndicats de pêcheurs membres de la FNSM se sentent peu concernés par son activité très largement tournée vers la défense des marins du commerce. Le onzième congrès maritime, qui se déroule en 1903 à Douarnenez, illustre bien ce phénomène.
34Organisé en terre sardinière du 3 au 8 août 1903, ce onzième congrès fédéral ne peut faire l’impasse sur les questions relatives à la pêche, un an seulement après la dramatique année 1902, celle de la « famine bretonne », avec une nouvelle disparition de la sardine38. Une des deux commissions proposée aux congressistes est donc consacrée à la pêche. Elle est numériquement la plus importante et fait appel à des personnalités extérieures, comme les députés Georges Le Bail et de l’Estourbeillon. Ressort des débats l’idée de la création d’une Fédération des syndicats bretons destinée à remplacer celle de 1897. Cette proposition est adoptée en séance plénière, tout comme la demande de modification de la composition des prud’homies de pêche qui seraient composées à parité de patrons et de matelots. Mais l’intérêt pour la pêche s’arrête là : le reste du congrès est consacré à la marine marchande et à la Caisse des invalides39. Après le congrès, le député Le Bail pousse à la reconstitution d’une organisation des pêcheurs du Finistère. C’est chose faite dès le 6 décembre 1904, avec la constitution à Douarnenez de la Fédération des marins-pêcheurs de la côte sud du Finistère. Elle a pour seul objet « de procurer aux adhérents les appâts et la rogue notamment à des prix moins élevés40 ». Elle est totalement indépendante de la FNSM, qui voit le nombre de syndicats de pêcheurs bretons affiliés poursuivre sa chute. Au congrès suivant, au Havre en octobre 1905, seul celui des marins pêcheurs de la baie de Douarnenez est représenté. De nouveau présents lors du congrès extraordinaire de février 1906, où ils forment même la majorité des 90 syndicats, les syndicats de pêcheurs vont refuser de suivre la FNSM dans sa volonté d’organiser une grève générale et d’adhérer à la CGT. En effet, en dépit des nombreuses tournées de propagande de Rivelli, le mouvement lancé au printemps 1907 n’est pas du tout suivi sur la côte sud du Finistère.
35Les dissensions entre la FNSM et les syndicats de pêcheurs touchent d’autres ports. À Nantes, Cardin a réussi à développer le syndicat des inscrits maritimes de la Loire-Inférieure, qui compte en 1905 près de 1 500 membres. Il a même mis sur pied une Fédération des syndicats des marins et pêcheurs de l’Ouest, forte très vite de 28 syndicats et 7 350 membres. Mais il entretient des relations orageuses avec la Bourse du travail dirigée par Joseph Blanchard, à laquelle il n’a fait adhérer le syndicat qu’avec réticence et sur insistance de Rivelli. Après le vote, en janvier 1907, d’un ordre du jour du sous-comité de défense des gens de mer de Nantes qui stipule qu’à l’avenir les inscrits maritimes ne seront représentés que par des membres de la corporation, excluant ainsi Brunellière et Henri Gautier, le secrétaire de la Bourse du travail et du syndicat des marins de Saint-Nazaire, le syndicat des marins et pêcheurs est exclu au mois de mai de la Bourse du travail de Nantes, avec l’accord de Rivelli. Cardin tente de résister mais, face au lancement d’un syndicat concurrent par Brunellière et la Bourse du travail, il ne peut lutter et le syndicat qui compte encore 1 800 membres début 1908 périclite rapidement et est dissous en décembre 1909, en même temps que la Fédération des marins pêcheurs de l’Ouest. Le nouveau syndicat, déclaré officiellement en janvier 1909, qui réunit marins du commerce et pêcheurs, ne dépassera jamais les 500 adhérents. Claude Geslin analyse cette crise par le refus des pêcheurs d’être rattachés à la Bourse du travail et à la CGT. Mais n’y a-t-il pas aussi la crainte de Brunellière, Blanchard et Rivelli que Cardin ne devienne un jour un rival sérieux41 ?
36À Bordeaux, existe depuis la fin 1903 l’Union syndicale des marins et pêcheurs du département de la Gironde et du Sud-Ouest appelée aussi Fédération des inscrits maritimes du Sud-Ouest. Elle est dirigée par le capitaine Lebel. Très vite les relations avec la FNSM s’enveniment. Tout d’abord pour des motifs politiques : fin 1905 Lebel annonce sa candidature aux élections législatives de 1906 pour le parti radical et radical-socialiste. Or il a pris au congrès fédéral de Sète l’engagement de ne pas l’être si Buscaillet, responsable du syndicat des chauffeurs de Bordeaux, est désigné par la SFIO. Finalement, Buscaillet se retire du syndicat des chauffeurs à la fin de l’année 1906 et est remplacé par Jaurégy. Lebel quitte la Fédération des inscrits maritimes du Sud-Ouest après la grève de juin 1907. Moncassin, patron de gabare, lui succède à la tête du syndicat qui compte alors plus de 1 000 membres et qui refuse l’adhésion de la FNSM à la CGT. En avril 1909, au cours de l’assemblée générale de l’Union syndicale des marins et pêcheurs de la Gironde, « tous les assistants répudient la propagande de la CGT à laquelle ils ne veulent nullement adhérer » et il est décidé de proposer au prochain congrès fédéral qui doit se tenir à Bordeaux du 11 au 17 octobre « la formation d’une Confédération nationale des syndicats maritimes ». Ce dix-septième congrès est l’occasion d’une scission des syndicats bordelais : alors que les 17 délégués du congrès officiel sont réunis, une autre réunion est organisée à l’Athénée par la section confédérale provisoire des syndicats maritimes du port de Bordeaux sous la dénomination de « 17e congrès ». Cette dissidence dirigée par l’ancien président de la FNSM, Charles Dupon, regroupe tous les syndicats bordelais. La Fédération des inscrits maritimes de la Gironde et du Sud-Ouest quitte définitivement la FNSM. Début 1911, elle justifie ainsi son orientation réformiste : « Soyons donc patients, mais restons fermes. Les énervements, les emballements n’ont jamais servi une cause. Si le syndicat est une association légale, il doit agir légalement et ne pas recourir à la force violente, aux excès qui laissent après eux tant de mauvais souvenirs et tant de misères, si le sang ne les entache à jamais. » Le syndicat des chauffeurs reste lui affilié à la FNSM. En 1912, jugeant son secrétaire général, Jaurégy, trop réformiste, elle encourage la naissance d’un nouveau syndicat, dirigé par Arrondo Barthélemy et Auguste Durand42.
37En dépit des fortes réticences des pêcheurs envers la CGT, la FNSM poursuit ses tentatives de syndicalisation, notamment auprès des terre-neuvas. Un syndicat de pêcheurs terre-neuviers a été constitué en juin 1904 dans l’arrondissement de Dinan par Léon Vignols, rentier rennais. Mais il ne mène aucune action d’envergure et Vignols agit surtout comme un intermédiaire entre l’administration et les pêcheurs. Rivelli entame à l’automne 1909 une campagne de propagande au cours de laquelle il dénonce les conditions scandaleuses d’engagement des pêcheurs, qui signent chaque année un contrat, appelé charte-partie, avec les armateurs. Son action entraîne la création de deux sections syndicales, l’une à Saint-Malo, l’autre à Dinan. La FNSM décide alors de syndiquer largement les terre-neuvas. Lors de la préparation de la campagne de pêche de 1911, les pêcheurs de Cancale se mettent en grève à l’instigation de Rivelli pour obtenir une baisse du nombre de quintaux qui entrent en compte dans le calcul du mille de morues. Ils obtiennent satisfaction avec un mille de morues fixé à 27 quintaux, contre 30 proposés par les armateurs et 25 réclamés par les pêcheurs. Les dirigeants de la FNSM tentent de pousser leur avantage l’année suivante. Le dix-neuvième congrès fédéral est organisé à Paramé près de Saint-Malo en décembre 1911, à la demande des militants malouins, dont Jean-Marie Batas, secrétaire de la Bourse du travail. Mais alors que des réunions publiques à Saint-Malo et Cancale réunissent 2 000 à 3 000 pêcheurs, le congrès délaisse la question de la pêche à la morue pour se préoccuper du projet de rattachement des services de la marine marchande au ministère du Commerce. Rivelli demande même à Batas de délaisser les revendications des terre-neuvas et d’axer sa propagande contre ce projet. En dépit d’une propagande très forte de janvier à mars 1912, Rivelli ne connaît que des échecs, d’autant plus que les armateurs se sont préparés au conflit, en déplaçant leurs navires de Cancale à Saint-Malo et en proposant des avancées à Saint-Malo ou à Saint-Servan, mais pas à Cancale, noyau du syndicat. Rivelli ne parvient même pas à faire embarquer les pêcheurs syndiqués qui lui ont été fidèles durant toute la lutte. La dynamique créée un an plus tôt est définitivement cassée. Pourtant, le bilan de deux années d’action n’est pas négatif pour la grande masse des pêcheurs puisque les conditions d’engagement de 1912 sont souvent meilleures qu’auparavant. Les armateurs ont du faire des concessions. Enfin, en s’intéressant aux terre-neuvas, Rivelli a au moins réussi à s’attirer les félicitations de la réformiste Fédération des inscrits du Sud-Ouest, qui y consacre un article dans Le Prolétariat maritime d’avril 1911, « La question des terre-neuvas » :
« Tous ceux qui s’intéressent aux questions de la marine marchande savent combien ici, à la Fédération du sud-ouest, nous sommes peu partisans des convulsions du prolétariat de la mer, et que nous n’hésitons pas à nous désolidariser de nos camarades marseillais, lorsqu’ils font de l’agitation pure de principes, sous la poussée des doctrines révolutionnaires. […] Le conflit actuel a sa raison d’être. Les Terre-neuvas ont toutes nos sympathies, et nous sommes pleinement d’accord avec la FNSM pour soutenir les malheureuses victimes de l’avarice des armateurs, et de leurs plats valets, les maîtres de pêche. […] La mission accomplie à Cancale, Saint-Malo, par Rivelli était une mission purement sociale, elle lui rachète des fautes qu’il put commettre dans le passé, pour lesquelles parfois nous l’avons blâmé, et cet acte le rehausse dans notre estime. En luttant contre l’égoïsme du capitalisme jouisseur, de ces armateurs des grandes pêches, dont la conception a toujours été de considérer les marins terre-neuvas comme de véritables serfs, il a affirmé notre unanime désir d’obtenir le relèvement social de tous ceux qui composent notre grande famille maritime43. »
38Alors qu’elle rencontre de grandes difficultés dans la syndicalisation des pêcheurs artisans, la FNSM parvient à s’implanter avec plus ou moins de réussite dans les ports en voie de modernisation et d’industrialisation, comme Lorient ou Arcachon. En 1910, les équipages des chalutiers de Lorient s’opposent par deux grèves successives à la nouvelle échelle des salaires entrée en vigueur le 1er avril 1910. Ils finissent par obtenir satisfaction en juin, ce qui entraîne chez les capitaines et officiers l’apparition de revendications vite acceptées. Début 1911, le syndicat des inscrits de Lorient, affilié à la FNSM, compte 269 membres44.
39À Arcachon, les équipages des chalutiers de la Société des pêcheries de l’Océan se mettent en grève au début du mois d’octobre 1913, revendiquant des hausses de salaires et des jours de repos. Le 12 octobre, ils obtiennent satisfaction. Mais les engagements pris ne sont pas respectés et le mouvement reprend à la fin du mois. Après trois semaines de grève, un accord est signé. Il prévoit notamment l’application de la loi du 17 avril 1907, une augmentation des salaires de 10 francs par mois, la création d’un contrôle de la pêche par un homme d’équipage, la distribution à tous les hommes d’une part de poisson, un délai de préavis de débarquement fixé réciproquement à 3 heures avant le départ, le paiement de la solde mensuelle en cas de blessure ou de maladie diminuée de 60 francs par mois pour tout le personnel et le rembarquement de tous les grévistes sauf neuf. Ce conflit, dont les équipages sortent victorieux, a reçu le soutien de la FNSM et la CGT. Rivelli peut donc se réjouir : « La victoire des Arcachonnais est belle. Elle se double de celle que remportent la Fédération des syndicats maritimes et l’Union départementale de la Gironde, c’est-à-dire de la CGT, qui dans la région, est battue en brèche, salie, vilipendée, non seulement par le patronat, mais par tous les pouvoirs constitués45. »
40Dans les ports du Nord de la France, la FNSM rencontre plus de difficultés. En 1907, seuls deux syndicats de pêcheurs du Nord de la France en sont membres : celui de Boulogne et l’Union syndicale des marins pêcheurs de Dunkerque46. En mars 1909, se déroule à Boulogne une grève de deux jours contre le chômage massif, mais les pêcheurs n’obtiennent pas l’augmentation du nombre de navires armés. En octobre 1913, ce sont les chauffeurs qui cessent le travail et réclament des hausses de salaire. Malgré l’appui de la FNSM avec la venue de Gautier, son trésorier national, et de Louis Réaud, secrétaire du syndicat des inscrits de Marseille, le mouvement se solde par un échec. Un nouveau syndicat est fondé, l’ancien ayant vraisemblablement disparu. Les petites hausses de salaires consenties par les armateurs seront très vite rognées par la hausse des prix. À l’appel du syndicat, une nouvelle grève avec les mêmes revendications se déroule en février 1914 lors du renouvellement des rôles d’équipage. Les équipages refusent d’embarquer aux anciennes conditions. Les compagnies cèdent les unes après les autres et les marins obtiennent des hausses de salaires jusque-là refusées et la signature par certains armateurs du contrat proposé par le syndicat. À Dunkerque, le syndicat des inscrits maritimes ne compte que 150 adhérents en 1913, date à laquelle Eugène Ehlers, promis à une longue carrière syndicale, devient secrétaire général47.
41En Méditerranée, les pêcheurs sont fortement regroupés dans des syndicats, qui recoupent souvent les prud’homies. Leur importante participation à la FNSM est sûrement due à la proximité de Marseille, siège de la fédération jusqu’au congrès de Paramé en 1911. Sur 54 organisations présentes ou représentées lors de ce congrès, 19 sont des prud’homies de pêche48. À l’instar des inscrits marseillais, les autres marins méditerranéens sont eux aussi remuants : en janvier 1910, les mécaniciens des bateaux à vapeurs du port de Sète se mettent en grève pour obtenir des hausses de salaires. L’Union syndicale des marins du commerce de Sète fait cause commune avec eux. Le 20 février un contrat satisfaisant les revendications est signé entre les inscrits et quatre entreprises de remorquage49.
42Le bilan des actions de la FNSM en direction des pêcheurs est donc bien mitigé. Les résultats sont souvent favorables dans un premier temps, mais ont du mal à perdurer. Les pêcheurs ne veulent pas entendre parler de la CGT et ils s’aperçoivent également que leurs préoccupations spécifiques passent toujours au second plan dès que des revendications agitent la marine marchande, les congrès de Douarnenez et surtout de Paramé en sont des exemples flagrants. Les tentatives de fédérations régionales ne regroupant que des pêcheurs comme dans le Sud-Finistère, à Nantes avec Cardin ou en Gironde, semblent être plus en adéquation avec les attentes des pêcheurs. Se pose alors la question des dirigeants syndicaux, qui très souvent, ne sont pas pêcheurs eux-mêmes, que l’on pense au député du Finistère Le Bail, avocat et « protecteur » des marins bretons, au capitaine Lebel ou au patron de gabare Moncassin à Bordeaux. Comme le remarque Claude Geslin, « aucun véritable leader ne se dégage de leurs rangs ». En fait, n’est-ce pas le syndicalisme du début du xxe siècle qui est « quelque peu surimposé au milieu des pêcheurs50 », dès lors qu’il dépasse le strict cadre économique et pénètre sur le terrain politique, à l’instar de la CGT de ces années-là ? La persistance et le succès de syndicats mixtes, qui mettent en place des coopératives d’achat du matériel et des appâts, battent en brèche la volonté de la CGT, relayée par la FNSM, de développer des syndicats communs de marins de commerce et de pêcheurs.
43Il faut finalement s’interroger sur la pertinence d’une fédération commune à tous les inscrits maritimes subalternes alors que les pêches maritimes et la marine marchande apparaissent comme des secteurs d’activité bien distincts. La FNSM ne parvient à s’implanter durablement que là où la modernisation et l’industrialisation de la pêche sont les plus avancées comme à Boulogne, Lorient ou Arcachon. À l’inverse, chez les pêcheurs artisans, son discours et ses méthodes sont souvent inadaptées. Enfin, il ne faut pas négliger le rôle de l’État pour qui les pêcheurs sont des électeurs républicains qu’il convient de préserver à la fois des sirènes réactionnaires et des tentations révolutionnaires.
Quelles collaborations possibles des marins du commerce avec les états-majors de la marine marchande et les dockers ?
44Un certain nombre des revendications défendues par la FNSM sont communes à l’ensemble des inscrits maritimes. Pour obtenir leur satisfaction, celle-ci doit donc collaborer avec les autres fédérations, en particulier celles des syndicats de capitaines et d’officiers, avec lesquelles les relations restent tendues. Après l’échec de plusieurs tentatives de rapprochement, la FNSM se tourne vers les dockers, avec qui les marins du commerce ont de nombreux points communs.
45Fin 1908, le Comité national de défense des gens de mer trouve un prolongement. En effet, début décembre, un congrès extraordinaire de toutes les fédérations syndicales maritimes se déroule à Paris51. Il y est décidé la mise en place d’une Confédération nationale de syndicats maritimes, dont le but est de veiller à l’application de la loi du 17 avril 1907 sur la sécurité et la réglementation du travail à bord des navires. Dès le 30 janvier 1909, une réunion se tient au siège de l’association fédérative des capitaines au long cours de Marseille pour la mise en place locale de la confédération. Le bureau local est composé de représentants des différents syndicats : Lapeyre, des capitaines au long cours, est désigné président, Patrou, des officiers mécaniciens, Lassalle, des garçons navigateurs, et Contini, des capitaines au cabotage, sont élus vice-présidents et Royer, gérant de la Maison du marin, secrétaire général après le refus de Rivelli52. Une brochure intitulée Aux inscrits maritimes, aux agents du service général de toutes spécialités, et destinée à présenter les enjeux de la loi du 17 avril 1907, est publiée53. Ce sera la seule action de la confédération car elle ne va pas résister au mouvement déclenché par les marins du commerce en mai 1909.
46Au printemps 1907, alors que les inscrits maritimes préparaient la grève générale, une loi sur la sécurité de la navigation maritime et la réglementation du travail à bord des navires de commerce a été votée le 17 avril. Dès novembre 1906 les armateurs ont proclamé leur opposition à ce texte, désastreux selon eux sur le plan économique : « Le CCAF, représentant toutes les variétés de l’armement français, déclare qu’une loi semblable serait l’arrêt de mort définitif d’une industrie déjà compromise. […] Dans l’intérêt même des marins, il est nécessaire que cette contrainte [législative] n’entrave pas l’exercice de la profession qui les fait vivre54. » L’article 28 prévoit en effet l’instauration du repos hebdomadaire. C’est son interprétation qui va entraîner le conflit de 1909. Le 24 mai de cette année, l’Union syndicale des marins et pêcheurs de Marseille vote une liste de revendications dans laquelle figure l’application du repos hebdomadaire pour le personnel du pont et des machines, c’est-à-dire un repos ininterrompu de 24 heures tous les sept jours, et le fait que les jours de repos hebdomadaire perdus en mer doivent être accordés dans le port ou compensés par une rémunération en espèces égale à une journée de travail, ce qui est alors exclu par les conditions générales d’embarquement en vigueur sur les navires armés à Marseille55. La cessation du travail est décidée afin de faire aboutir ces revendications. Les états-majors marseillais refusent leur soutien. Très vite, les marins de l’État remplacent les grévistes. Les tentatives d’extension du mouvement aux autres ports de France connaissent des fortunes diverses. En effet, si dans le port de Saint-Nazaire les inscrits sont en grève depuis le 7 mai, ce n’est pas pour l’application du repos hebdomadaire, mais sur des questions de salaire. Ils obtiennent d’ailleurs satisfaction après trente-deux jours de conflit56. Rivelli et Lassale échouent dans leur tentative d’extension du conflit dans le port du Havre où malgré le vote formel de la grève et des affrontements avec la police le 4 juin, le mouvement est un échec, d’autant plus que ni les états-majors, ni les maîtres d’hôtel et les garçons navigateurs ne le soutiennent.
47À Marseille, la situation ne se débloque qu’après trente-deux jours de conflit lorsque le 25 juin les armateurs et les marins se rencontrent en présence du ministre de la Marine. Les deux délégations se mettent d’accord pour s’en remette à l’arbitrage de Ditte, président du tribunal de la Seine. Celui-ci rend sa sentence le 3 juillet et donne raison aux inscrits : le repos hebdomadaire est dû à tous ceux, y compris les agents du service général, qui ne sont pas équipage de pont ; et si le repos n’a pu être accordé, il doit être remplacé par un nombre de jours de congé équivalent avec solde, au port d’attache ou dans les escales. Le 6 juillet, le travail reprend. Mais, le calme ne revient pas tout de suite : des conflits sporadiques éclatent tout l’été en relation avec l’application de la sentence Ditte57.
48Cette longue grève, qui se déroule dans un climat social tendu avec la grève nationale des postiers58, entraîne une réaction rapide du gouvernement, non seulement sur le plan pratique, avec la mise à disposition des marins de l’État, mais aussi sur le plan législatif. Le 25 mai, il propose la suppression du régime du pavillon en cas de circonstances exceptionnelles entre la France, l’Algérie et la Tunisie. La loi est votée le 29 juillet 1909. Peu de protestations s’élèvent contre cette loi car elle confirme la légalité de l’exercice du droit de grève par les inscrits, droit que certains, surtout du côté des armateurs, avaient tenté de contester59.
49Ce conflit provoque également la fin de la Confédération nationale des syndicats maritimes, les capitaines au long cours ayant désapprouvé ouvertement la grève. L’appel rédigé par la FNSM pour le dix-septième congrès fédéral maritime prévu en octobre 1909 à Bordeaux confirme la rupture entre le personnel subalterne et les états-majors :
« Cette année, à cause des incidents qui ont éclaté entre les États-majors et les marins subalternes de Marseille, elle ne lance son appel qu’aux marins et pêcheurs, aux prud’homies de pêche qui n’ont rien de commun avec les amis des exploiteurs de notre classe. Sept années de lutte, six congrès nationaux, deux congrès confédéraux n’ont pas pu, malgré nos désirs d’union, étroite solidarité de fusion des spécialités, faire comprendre aux officiers que la force corporative ne réside qu’en la parfaite et sincère fraternité de tous les membres de la corporation. Les fats, les orgueilleux, les ambitieux, les intéressés à diviser ses forces, ont séparé nos Syndicats. Il ne nous reste à nous les petits qu’à démontrer, plus que jamais, “que seuls” nous sommes capables d’obtenir “pour tous” les réformes sociales auxquelles nous aspirons60. »
50Les syndicats membres des fédérations des syndicats des capitaines au long cours et des officiers mécaniciens brevetés de la marine marchande sont donc persona non grata au congrès de Bordeaux durant lequel la FNSM décide de se rapprocher des dockers.
51En janvier 1910, des placards affichés dans le port de Marseille annoncent la création d’une structure commune aux dockers et au personnel subalterne de la marine marchande : « L’organisation qui va naître en notre sein répond à des besoins immédiats. Elle se lève contre la coalition mondiale des armateurs et entrepreneurs manutentionnaires ; elle se dresse en face de l’International Shipping Federation dont le but est de briser tous les mouvements revendicatifs. » Le 21 janvier est voté « le principe d’une Interfédération de toutes les corporations maritimes d’une incontestable utilité pour une organisation sociale des forces prolétariennes de la lutte des classes ». Le ton est donné et exclut d’emblée les états-majors. Des règles strictes sont édictées pour le déclenchement des grèves : « Aucune cessation du travail ne devra se produire dans aucune corporation adhérente, avant d’en avoir référé au comité de l’Interfédération qui devra juger de l’opportunité de la mesure61. » Un mouvement de grève des marins du commerce marseillais va faire avorter la mise en place de cette interfédération.
52Le 28 mars 1910, les chauffeurs et soutiers du Moulouya débarquent et réclament le renvoi des chauffeurs arabes qui travaillent avec eux et qui sont moins bien payés. Les grévistes sont poursuivis pour désertion. Les marins du commerce votent alors la grève générale. Les dockers refusent de se solidariser et leurs dirigeants Filliol et Manot condamnent même le mouvement dans la presse locale. Georges Yvetot, secrétaire confédéral de la CGT, vient soutenir les marins et met en cause le choix de dockers. Le conflit reste localisé au port de Marseille et se termine à la fin du mois de mai, sans que les revendications aient été satisfaites62.
53Lors du congrès confédéral de Toulouse de la CGT en octobre suivant, le conflit des marins de Marseille est à l’ordre du jour. Questionné, Réaud, secrétaire du syndicat de Marseille, justifie le choix fait alors et attaque l’attitude des dockers :
« Le mouvement se justifiait, et il n’appartenait pas aux dockers d’indiquer que nous voulions lancer notre organisation dans un gouffre pour le détruire. Les sarrasins, qu’ils s’appellent indigènes, qu’ils soient de quelque colonie, nous dégoûtent lorsqu’ils travaillent à côté de nous pour 20 ou 25 francs par mois et qu’ils ne demandent absolument rien pour la nourriture que des boules de son avec du riz. Nous disons que nous devons nous défendre contre des jaunes qui viendraient travailler à un tarif qui ne serait pas le tarif syndical. Voilà où est la question et c’est précisément ce qui a incité le camarade Yvetot à indiquer que les fonctionnaires des dockers n’avaient pas bien agi. »
54Après une intervention d’Yvetot, le comportement des dockers est condamné à l’unanimité moins une voix63. À aucun moment n’est envisagé un mouvement des inscrits maritimes pour que les marins étrangers – limités à 25 % de l’équipage par l’article 2 de la loi du 21 septembre 1793 – soient payés comme les marins français. Cet épisode fait écrire avec justesse à Jean-Pierre Hirou, « les sentiments internationalistes superficiels sont jetés par-dessus bord. Les marins se sentent français, sont soucieux de défendre leur niveau de vie et n’estiment n’avoir rien de commun avec des ouvriers colonisés en qui ils voient des parias et des ennemis64 ». La frilosité de la FNSM sur la question des étrangers embarqués et plus généralement sur la solidarité internationale trouve une autre illustration l’année suivante avec la non-participation des inscrits à la grève internationale des marins en juin et juillet65.
55Les relations avec les dockers sont dorénavant tendues. Une tentative de relance de l’Interfédération a lieu en mai 1911, mais elle ne semble pas se concrétiser dans les ports. Le secrétaire fédéral de la Fédération des ports et docks, Baptiste Bour, adresse en novembre une circulaire aux syndicats de sa fédération dans laquelle il appelle à la constitution de l’Interfédération dans tous les ports. « Nous espérons que vous étudierez sérieusement ces questions, que contrairement à l’habitude vous appliquerez les décisions de nos congrès et que les réponses qui nous parviendront représenteront la majorité de nos syndicats fédérés66. » Mais la FNSM est alors préoccupée par la défense du statut d’inscrit maritime et le projet de rattachement des services de la Marine marchande au ministère du Commerce et se tourne à nouveau vers les autres fédérations des personnels maritimes.
56Début décembre 1911, un tract du syndicat du Havre alerte les inscrits du danger des projets gouvernementaux en cours :
« Les journaux annoncent que le Président de la République est sur le point de signer un décret séparant la marine de commerce du ministère de la Marine et la rattachant au ministère du Commerce. C’est la mort de l’Inscription maritime. C’est la suppression de tous vos droits. C’est l’esclavage pour tous les marins. C’est l’envahissement prochain de nos navires par les Noirs, les Arabes. C’est l’abaissement certain de vos salaires au lieu de l’augmentation attendue. Avant peu, vous ne serez plus des inscrits mais de simples civils n’ayant plus aucun droit, n’ayant que des devoirs, car on conserve le code disciplinaire de 1852 qui vous condamne toujours à la prison. Inscrits ! Relevez la tête, n’oubliez pas que dans tous les ports nous devons protester comme nous l’avons déjà fait. Si le Président de la République prend les inscrits pour des poules mouillées, nous saurons lui montrer qu’il se trompe et que nous ne nous laissons pas écorcher sans crier […]. Ouvrez l’œil et tenez-vous prêts à montrer que vous êtes des hommes67. »
57La mobilisation des inscrits est très rapide. Dans les jours qui suivent, le Comité de défense des gens de mer est réactivé à Bordeaux et des meetings ont lieu à Marseille et au Havre. Le projet de rattachement est mis à l’ordre du jour du congrès fédéral de Paramé à la mi-décembre. Dans la foulée, un congrès interfédéral maritime se tient à Paris du 20 au 23 décembre. Toutes les fédérations des personnels de la marine marchande y participent68. Cette unité retrouvée n’est que de courte durée, puisqu’une fois le danger du rattachement au ministère du Commerce écarté, les relations entre les fédérations des états-majors et la FNSM se détériorent de nouveau, après que les fédérations des capitaines au long cours de France et des officiers mécaniciens brevetés de la marine marchande ont organisé le premier congrès des états-majors de la marine marchande du 22 au 24 février 1912 à Paris69.
58Entre 1909 et 1912, les tentatives de regroupement des différents syndicats des catégories de personnel de la marine marchande ne réussissent que lorsque la collaboration se fait sur un objectif précis : la défense du statut d’inscrit maritime. Mais dès que le danger est écarté, les organisations mises en place sont abandonnées au profit des fédérations professionnelles qui sont en adéquation avec les situations de travail vécues tous les jours. La mise en place d’une Interfédération des ports français s’est quant à elle soldée par un échec. Le pluralisme du syndicalisme maritime français, que la FNSM a refusé jusque-là, devient une réalité incontournable.
Un syndicalisme maritime pluraliste et réformiste à la veille de Première Guerre mondiale
59L’échec de Rivelli durant l’hiver 1911-1912 auprès des terre-neuvas entraîne la réorientation de l’action de la FNSM sur les revendications des seuls personnels subalternes de la marine marchande. Mais la FNSM, qui revendique désormais 42 500syndiqués contre 36 000 en 191070, a face à elle un patronat solidement organisé dans le Comité central des armateurs de France et bien décidé à ne rien céder. Après de lourdes défaites, la FNSM va être contrainte d’adopter une orientation plus réformiste, ce qui n’entraînera pas pour autant la disparition des conflits locaux sur les rémunérations ou des mobilisations sur la question de l’embarquement des étrangers sur les navires de commerce.
L’échec des grèves de 1912
60Lors du congrès de Paramé en décembre 1911, une grille unique des salaires et des heures supplémentaires a été votée71. Les salaires sont alors plus élevés au Havre, à Saint-Nazaire et à Bordeaux qu’à Marseille. Afin d’obtenir la mise en place de cette dernière qui concernerait près de 30 000 navigants sur 130 000 inscrits, la FNSM demande l’ouverture de négociations nationales avec le CCAF, le syndicat patronal national créé en 1903, dont l’action a été jusqu’au début des années 1910 peu importante.
Tableau 3. – Grille des salaires et heures supplémentaires (en francs) votées par la FNSM lors du congrès de Paramé (décembre 1911).

61Le 13 janvier 1903, à Paris, les armateurs se sont regroupés dans le Comité central des armateurs de France, qui a pour objet « la défense des intérêts communs à l’ensemble de l’industrie de l’armement français ». Le Comité se subdivise en dix sections, pour chacune des spécialités des armements de l’époque : pêche maritime, remorquage et sauvetage, petit cabotage et bornage, cabotage national et international, grand cabotage entre la France et l’Algérie, navires-charbonniers et tramping, voiliers long courriers, long cours libre, navigation subventionnée et navires-pétroliers. La représentation au sein des organes du CCAF est fonction des tonnages de la flotte de chaque compagnie72. Il n’a pas en charge la négociation des salaires, qui est laissée à chaque armateur. Ceci explique la réponse négative faite en février 1912 par le CCAF, présidé alors par l’armateur marseillais Jules Charles-Roux, à une lettre de la FNSM demandant l’ouverture de négociations sur l’augmentation des salaires du personnel subalterne de la marine marchande73.
62Le début de l’année 1912 a vu le renouvellement, par le gouvernement dirigé par Raymond Poincaré, des conventions avec la Compagnie des Messageries maritimes : l’État s’engage à payer 23 millions par an pendant vingt-cinq ans. Ces nouvelles conventions sont dénoncées par la CGT. C’est donc à un patronat organisé et en bons termes avec l’État que la FNSM adresse ses demandes de hausse des salaires, nécessaires pour compenser la hausse du coût de la vie, très forte en 1910-191174.
63Les marins du Havre sont les premiers à s’agiter : deux grèves partielles sont votées le 19 avril et le 24 mai. Mais Rivelli, qui craint l’insuffisance de la préparation des marins de certains ports et la réaction de l’opinion publique, parvient à les dissuader, arguant que ce type de mouvement ferait le jeu des armateurs. Le 31 mai, les armateurs proposent entre 8 et 10 % d’augmentation. Le syndicat des marins du Havre rejette ces hausses qu’il juge insuffisantes. Le 6 juin, lors d’une réunion syndicale, Rivelli, hostile à toute action isolée, appelle les marins du Havre à ne pas céder à l’action du CCAF qui a, selon lui, conseillé à ses adhérents d’accorder des hausses de salaires misérables de façon à provoquer les inscrits. Le bureau fédéral de la FNSM, réuni à Paris le même jour, décide d’attendre la réunion du Comité national pour déclencher la grève75.
64Mais dès le 9 juin, les marins havrais cessent le travail. Le mouvement se propage très vite aux ports de Brest et Bordeaux. Le Comité national de la FNSM se réunit le 14 juin à Paris. Le 16 juin, une réunion des inscrits havrais a lieu en présence des dirigeants de la FNSM et de Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT. Rivelli semble alors résolu au déclenchement d’un conflit général : « Le mouvement est engagé au Havre, on ne sait pas où on va, mais maintenant il faut continuer la lutte, la victoire peut être au bout76. » L’armement du navire la Provence par les marins de l’État entraîne l’appel à une grève générale de solidarité.
65Le 19 juin, l’arrêt du travail est effectif dans les ports de Dunkerque, Saint-Nazaire, Marseille, Cherbourg et Alger. À Brest, le travail a repris depuis le 17 juin, la hausse des salaires ayant été obtenue. Dans les autres ports, les armateurs refusent officiellement l’arbitrage, sauf à la Compagnie des Messageries maritimes qui y est contrainte par son cahier des charges signé avec l’État. Ils désarment tous leurs navires dans les ports bloqués. Le gouvernement décide de mettre en place un service minimum entre la France et la Corse, l’Algérie, la Tunisie et le Maroc. Fin juin, la situation est complètement bloquée dans tous les grands ports de la métropole, plus Alger et Oran. Les marins de commerce proposent un arbitrage avec six armateurs et six syndiqués de la FNSM77.
66Début juillet, les marins du commerce reçoivent le soutien des agents du service général et des dockers. De son côté, la Fédération des capitaines au long cours proclame sa neutralité, tout en déplorant l’usage des marins de l’État pour suppléer aux inscrits en grève. Au même moment, les officiers de pont et capitaines obtiennent des hausses de salaires jugées suffisantes, hormis à la Compagnie générale transatlantique78. Les officiers mécaniciens des Messageries maritimes choisissent eux de s’allier avec le personnel subalterne et débarquent le 5 juillet. Le 14 juillet, 700 femmes marseillaises défilent avec les inscrits. La CGT lance une souscription de soutien et édite un timbre confédéral de solidarité de 50 centimes. Le dirigeant des dockers marseillais, Filliol, est arrêté pour entrave à la liberté du travail le 13 juillet. Il sera acquitté et libéré le 20 juillet79.
67Le 18 juillet, le président du CCAF, Jules Charles-Roux, écrit une longue lettre au président du Conseil, Raymond Poincaré. Il y développe les positions des armateurs français à propos des revendications :
« Les armateurs […] ont accordé avant toute grève une augmentation moyenne de 10 % des salaires de leurs équipages. […] Notre industrie n’est pas en état de faire davantage. L’attitude uniforme des armateurs, le sang-froid avec lequel ils supportent toutes les provocations continuelles des agitateurs, le calme avec lequel ils attendent la fin du conflit, malgré les pertes énormes qu’ils subissent depuis plus d’un mois, et qui se chiffrent par millions, ne témoignent-ils pas de leur confiance absolue dans leur droit et dans l’issue d’un conflit qu’ils sont impuissants à résoudre dès lors que celui-ci se déroule que le terrain purement révolutionnaire. »
68Les armateurs considèrent en effet que « l’immixtion de la Confédération générale du travail dans le conflit a fait dériver celui-ci, dès le début, du terrain corporatif sur le terrain purement révolutionnaire ». Jules Charles-Roux poursuit sur les nombreux actes de sabotage constatés depuis le commencement de la grève. Il met ensuite en cause « les agitateurs professionnels » qui dirigent les syndicats alors qu’ils ne sont plus inscrits maritimes, donnant les noms de Rivelli et Réaud à Marseille, Justin Daydie de Saint-Nazaire et Decoutter de Dunkerque. Il dresse ensuite la « longue » liste des ports qui ne sont pas touchés par la grève et ceux où le mouvement est fini ou se délite. Il conclut sur les « avantages particulièrement attachés à la situation des inscrits maritimes », en joignant une note de deux pages qui énumère simplement ces avantages et qui « fait voir que les ouvriers de la mer sont particulièrement privilégiés si on les compare aux ouvriers de la terre ». Le patronat est donc résolu à ne rien céder de plus aux « privilégiés » que sont selon lui les inscrits, et demande au gouvernement de le soutenir80.
69Les premiers fléchissements se font sentir à Bordeaux et Saint-Nazaire où le travail a repris le 19 juillet81. Afin de faire taire ces bruits de démobilisation, le Comité marseillais de grève des inscrits maritimes colle le 27 juillet une affiche sur les murs de la ville dénonçant les mensonges de la presse et l’emploi d’équipages de fortune par les armateurs82. Mais cette tendance à la reprise est réelle. Au Havre, un tract syndical daté du « 46e jour de grève » le laisse transparaître :
« Il se peut que quelques malheureux se soient démobilisés et soient retournés auprès de leurs chefs pour leur demander de les reprendre. Cela est presque compréhensible étant donné l’affreuse misère qui sévit et qui sévissait déjà par suite des augmentations des denrées et des loyers. Mais il faut que chacun se souvienne. Il faut que les Compagnies sachent bien que la faiblesse n’a pas encore atteint nos rangs d’affamés. Camarades marins, qui avez pu chercher à vous embarquer, ressaisissez-vous, revenez parmi nous. La lutte est sur le point de se terminer à votre bénéfice… »
70Cet appel n’empêche pas, dans les jours qui suivent, deux navires, le Rochambeau et le Savoie, de prendre la mer. Le 2 août la fin de la grève est votée au Havre, le 4 à Dunkerque et le 5 à Bordeaux83.
71Seuls les marins de Marseille poursuivent la lutte, mais ils sont isolés car les officiers mécaniciens ont repris le travail après avoir accepté la procédure d’arbitrage84. De plus, les armateurs marseillais sont bien décidés à ne rien lâcher, dénonçant dans une lettre au président du CCAF la nouvelle stratégie des syndicats qui vise à « obtenir satisfaction auprès des Messageries maritimes pour avoir ensuite les mêmes avantages dans les autres compagnies de navigation ». La tentative d’obtenir un arbitrage aux Messageries maritimes, seule compagnie contrainte à s’y soumettre, est en effet pour les marins la seule voie possible pour solutionner le conflit. Le syndicat marseillais de la marine marchande réaffirme son intention de résister et souhaite que les Messageries maritimes tiennent bon85. Un accord pour un arbitrage est néanmoins signé le 21 août. La grève continue à bord des autres compagnies. Le 2 septembre, la décision des arbitres est rendue : les Messageries maritimes n’ont pas à augmenter les salaires au-delà de ce qui a été octroyé en juin. C’est la fin du conflit. Les marins du commerce n’ont rien obtenu, après une grève qui a duré 54 jours au Havre et 76 à Marseille86. De nombreuses peines de prison, jusqu’à quatre mois fermes, sont prononcées pour entraves à la liberté du travail, outrages à agents, violence et jets de pierre87.
72Rivelli indique dans La Voix du peuple que les inscrits refuseront dorénavant tout arbitrage :
« C’est fini maintenant. Dans une prochaine grève, le gouvernement pourra proposer aux marins l’arbitrage même avec des garanties très larges, il essuiera un refus formel et ce sera justice. Les gens de mer connaissent depuis le 2 septembre la valeur de l’intervention du gouvernement dans un litige entre ouvriers et patrons. Ils ont goûté la saveur du procédé qu’on a employé contre eux et bien que la faillite du système d’arbitrage leur ait apporté la plus cruelle des déceptions, ils sont heureux d’avoir servi de champ d’expérience88. »
73Lors du congrès confédéral de la CGT au Havre en septembre, auxquels participent sept syndicats de la FNSM, Réaud intervient sur la question de l’arbitrage et tient un discours plus nuancé :
« Nous sommes partisans de l’arbitrage lorsque nous ne pouvons pas faire autrement ; nous sommes partisans de l’arbitrage lorsqu’il s’agit de sauver la face, et de tirer des événements qui suivent l’arbitrage des renseignements précieux pour les ouvriers. Si, dès le premier jour, notre fédération, qui s’est trouvée débordée, a conseillé à ses membres d’accepter une proposition d’arbitrage soumise par le gouvernement, c’était parce que notre fédération, qui avait tout fait pour enrayer le mouvement au début n’était pas suffisamment préparée, que nous n’avions pas les munitions suffisantes pour batailler longtemps, et qu’il valait mieux un mauvais compromis qu’une défaite lamentable. Nous avons accepté l’arbitrage après soixante et quelques jours de grève, parce que les inscrits maritimes n’avaient pas compris qu’avant de se lancer dans une mêlée semblable, il fallait avoir des munitions, pour apporter un soulagement aux misères qui sont la conséquence de conflits aussi longs. Voilà pour quel motif nous avons accepté la proposition gouvernementale89. »
74Le vingtième congrès fédéral de la FNSM qui s’est tenu dans la même ville du 8 au 13 septembre a été l’occasion de dresser un premier bilan du mouvement et d’esquisser une nouvelle stratégie. Après une discussion sur l’organisation syndicale des marins terre-neuvas de Cancale et Saint-Malo, le congrès est consacré au bilan de la grève de l’été. Certains délégués reprochent aux marins du Havre de ne pas s’être pliés à la discipline syndicale et d’être partis seuls dans le mouvement. Le cahier de revendications adopté en 1911 à Paramé est confirmé et une résolution affirme que les délégués des syndicats locaux doivent se plier aux décisions nationales pour tout ce qui relève du niveau national. Le bureau fédéral sortant est reconduit. Au sortir de ce long conflit, la FNSM est fortement affaiblie et, à l’automne, les réunions syndicales n’attirent pas les foules. Dans une circulaire fédérale, Rivelli se plaint de l’absence de retours aux courriers fédéraux et du peu de participation des syndicats locaux au Travailleur de la mer90. La relance décidée lors du congrès de l’Interfédération des ports et docks doit lui permettre de rebondir. Mais cela ne sera pas suffisant et la FNSM va peu à peu abandonner son orientation révolutionnaire pour un réformisme pragmatique.
Un syndicalisme maritime réformiste à la veille de la Première Guerre mondiale
75Dès le 14 septembre 1912 un congrès interfédéral des marins et dockers se tient et il est décidé que l’Interfédération sera créée au 1er octobre et effective au 1er janvier 1913. Cette relance est analysée avec justesse dans une note du ministère de l’Intérieur : « C’est l’échec de la dernière grève qui a surtout décidé Rivelli, Gautier […] à unir plus étroitement les travailleurs des deux corporations, dont les intérêts sont presque toujours les mêmes : la preuve est désormais acquise qu’ils ne peuvent triompher que par la grève en commun91. » Réponse à l’échec des grèves séparées, l’Interfédération ne deviendra pas la structure offensive souhaitée, capable de lancer des mouvements victorieux.
76Une illustration de ce que pourrait être une Interfédération des ports et docks efficace est donnée par l’action d’Henri Gautier et de Grimault, secrétaire du syndicat des dockers de Saint-Nazaire au cours de l’année 1912. Ils poursuivent en fait le programme élaboré lors de la première Inter-fédération en 1910. Ils organisent les 1er et 2 mars 1912 à Saint-Nazaire un congrès interfédéral des ouvriers des ports de l’Atlantique. Grimault est nommé secrétaire et reçoit un salaire de 150 francs par mois et une indemnité de déplacement de 5 francs par jour. Il parcourt les ports, crée ou relance les syndicats de dockers, prend la parole dans les réunions en faveur des inscrits lors de la grève de l’été, organise la grève de solidarité des marins et dockers nazairiens le 19 juin92.
77Mais cet exemple reste isolé, et dans le reste des ports français, l’Interfédération ne parvient pas à dépasser le stade des réunions et des résolutions de principe. Certes, elle reçoit en octobre 1912 l’adhésion de la Fédération des agents du service général réunie en congrès à Paris. En janvier 1913, le conseil intersyndical local est mis en place au Havre et Rivelli participe à une réunion de propagande. La première réunion du Comité interfédéral national se déroule en mars à Marseille, en même temps que le conseil national de la FNSM. L’Interfédération semble fonctionner sans entraîner toutefois l’enthousiasme des marins et dockers. Une réunion sur ce thème à Calais, en avril, ne réunit que 80 personnes sur 600 inscrits et dockers syndiqués93. En décembre 1913, lors du vingt et unième congrès fédéral de la FNSM à Paris, un bilan positif de l’expérience est tiré et un débat sur l’opportunité d’une caisse de grève a lieu.
78Mais le déclenchement de la Première Guerre mondiale ne laissera pas le temps à l’Interfédération de se mettre définitivement en place et de mener la grève commune espérée. De plus, chaque fédération reste centrée sur les préoccupations de sa corporation, à l’exemple de la FNSM qui, lors du conseil national de mars 1913, dresse une longue liste de revendications à faire aboutir : unification des salaires des marins du commerce, pensions de demi-solde, loi sur le recrutement de l’armée de mer, loi de deux ans, embarquement des indigènes sur les navires français, caisse de prévoyance, décret disciplinaire et pénal du 24 novembre 1852. Il reste alors peu de temps pour l’action interfédérale, d’autant plus que viennent s’ajouter la poursuite de la propagande chez les pêcheurs et les nombreuses grèves locales.
79L’échec de la tournée de Rivelli chez les terre-neuvas durant l’hiver 1911-1912 n’a pas découragé les dirigeants de la FNSM. Henri Gautier est chargé, avec les responsables de la Bourse du travail de Saint-Malo, d’une action similaire durant l’hiver 1912-1913. Cette nouvelle tentative se clôt par la même absence de résultats positifs94. En 1914, le syndicat des terre-neuvas de Saint-Malo ne compte plus que 300 membres contre 1500 en 1911.
80La crise sardinière du printemps 1913 offre aux responsables de la FNSM une nouvelle possibilité d’opérer un retour auprès des pêcheurs bretons qui ont déserté la fédération. En 1912, des incidents ont éclaté en Vendée à Saint-Gilles et Croix-de-Vie, et les pêcheurs des Sables-d’Olonne ont constitué un syndicat et tenté d’obtenir une limitation des volumes de pêche et le maintien des cours. Début 1913, les fabricants de conserve ont décidé de laisser leurs usines fermées. En avril, la CGT organise une tournée des ports sardiniers bretons. Mais c’est l’intervention du gouvernement qui permet la fin du conflit : à la fin du mois, les usiniers acceptent un arbitrage sous l’égide du sous-secrétaire d’État à la Marine marchande, Anatole de Monzie. Le 27 mai, un accord est trouvé pour les ports allant de Camaret aux Sables-d’Olonne : il prévoit la fin de la pratique de l’abonnement de la part des armateurs, des prix minimums pour les sardines, l’utilisation de la farine d’arachide comme appât par les pêcheurs uniquement lorsqu’elle aura été préalablement saumurée. La campagne de pêche se déroule correctement95. Les syndicats de pêcheurs sardiniers, qui se réunissent en congrès à Lorient du 1er au 3 décembre 1913, restent en dehors de la FNSM.
81En 1914, un nouveau mouvement touche la filière de la pêche à la sardine. Les usiniers essaient de mettre en place un achat de la sardine au poids et non plus au mille, ce que les pêcheurs refusent. La FNSM organise de nombreuses réunions et déplore que les pêcheurs vendéens acceptent l’achat au poids. Les usiniers décident de fermer leurs usines du Finistère et de s’approvisionner ailleurs. Un appel est lancé aux ouvrières bretonnes travaillant dans les usines vendéennes de rentrer chez elles. Les pêcheurs des Sables-d’Olonne décident par solidarité de ne plus livrer les fabricants qui pratiquent l’achat au poids. À la mi-juillet, après l’intervention de l’État, les usiniers renoncent à leur projet et rouvrent leurs usines96. Ce conflit montre que lorsqu’elle soutient les revendications des pêcheurs sans les dénaturer ou les entraîner sur un autre terrain, la FNSM ne rencontre pas d’hostilité. Les pêcheurs sardiniers ne se disent-ils pas que tous les soutiens sont bons pour obtenir satisfaction, à l’instar des terre-neuvas en 1911 ?
82Chez les marins de commerce, un glissement vers la mise en avant des préoccupations strictement économiques et des questions liées aux conditions de travail est perceptible. De plus, ces derniers n’ont plus le rapport de force suffisant pour faire céder les patrons et cette fragilité entraîne des risques plus grands d’application du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande.
83Le 23 août 1913, une grève éclate au sein des équipages de la Compagnie Sud-Atlantique à Pauillac en Gironde. Les marins des navires la Gascogne et la Bretagne réclament le paiement de primes de redoublement égales à un cinquième de la solde. Dès le 26, l’équipage de la Bretagne est remplacé par des marins de l’État et le navire quitte le port. Le 2 septembre, la FNSM envoie une circulaire de mise à l’index de la Compagnie Sud-Atlantique. Les marins demandent l’arbitrage, qui est refusé par l’administrateur de la compagnie. Ils ne parviennent pas à empêcher le départ de la Gascogne le 9 septembre avec un équipage de fortune. L’armateur décide de poursuivre les marins pour désertion en vertu des lois en vigueur. 72 condamnations allant de 7 à 30 jours de prison dont 20 avec sursis sont prononcées. Enfin, deux cents inscrits sont dorénavant boycottés par la compagnie97.
84Ce mouvement montre bien que l’application stricte du Code disciplinaire de la marine marchande est très défavorable aux inscrits. Ceux-ci doivent donc magner l’arme de la grève avec prudence dans une période où les armateurs sont sûrs de leur puissance et l’État applique sans état d’âme les lois qui encadrent le droit de grève des inscrits. Tout cela incite certains membres de la FNSM à changer de méthodes de lutte et à privilégier de nouveau l’entretien de meilleurs rapports avec l’État et les armateurs, ce qui n’est pas sans provoquer de fortes tensions internes. Lors du vingt et unième congrès fédéral tenu à Paris en décembre 1913, cette question vient à l’ordre du jour. En effet, la section syndicale du Havre a accepté de participer à la Commission gouvernementale d’étude du contrat d’engagement des gens de mer, alors que la FNSM a décidé le boycott de ce type de commission depuis la décision de l’État d’en exclure son secrétaire général Rivelli. La section du Havre accepte de retirer sa participation et évite ainsi son exclusion de la fédération98. Le refus des relations avec l’État n’est pas valable pour tous les sujets, puisque la FNSM fait pression sur celui-ci pour que les étrangers ne soient plus embarqués sur les navires français.
85Le 3 septembre 1913, Réaud, secrétaire du syndicat de Marseille, adresse une lettre ouverte au sous-secrétaire d’État à la Marine marchande dans laquelle il proteste contre l’embarquement des indigènes étrangers :
« Premièrement, parce qu’il n’a d’autre but que de rendre impossible l’application de la loi de sécurité et de réglementation du travail à bord ; deuxièmement, parce que, tandis que les armateurs sont astreints, au bénéfice de la Caisse des Invalides, à une prestation de 8 % sur les salaires des marins de nationalité française, qu’ils emploient, cette prestation n’est que de 3 % pour les salaires de ces indigènes. Et ainsi notre Caisse de retraite s’en trouve frustrée ; troisièmement, parce que leur embarquement est la cause initiale d’un chômage intense pour nos camarades et risque d’avilir les salaires. »
86En réponse, le syndicat marseillais de la marine marchande rappelle que le pourcentage des « indigènes sujets français » embarqués en 1913 est en moyenne de 3 %, et celui des étrangers de 1,5 %. Cette moyenne est à nuancer car elle cache de très fortes variations : en novembre 1913, à la Compagnie des Messageries maritimes qui dessert l’Extrême-Orient, la proportion est de 29 % de sujets français et de 14 % d’étrangers, les deux catégories étant majoritaires dans le personnel en charge des machines99. Réaud ne conteste d’ailleurs pas l’embarquement d’étrangers sur les lignes au-delà du canal de Suez où les services des indigènes peuvent se justifier par la nécessité d’alléger les services rendus pénibles aux équipages européens par la rigueur des climats sous lesquels le navire les conduit. Sa revendication principale est la suppression de tout embarquement « d’indigènes sujets français » sur les navires naviguant exclusivement en Méditerranée, qui sont alors 147 sur 3754 embarqués selon le sous-secrétaire d’État à la Marine marchande. Après deux mois d’agitation sur cette question, les marins du commerce obtiennent l’adoption d’une circulaire le 17 novembre : elle oblige les « indigènes » à pouvoir prouver leur identité à tout moment. Pour ceux actuellement embarqués, un délai de six mois leur est accordé. Le 18 décembre suivant, sur pression de la FSNM, une dépêche ministérielle ordonne le débarquement immédiat des étrangers embarqués qui ne pourraient justifier d’une nationalité certaine. Cette réglementation est modifiée par la circulaire du 5 juin 1914 : celle-ci prévoit que les indigènes doivent prouver leur identité lors de leur inscription sur le rôle d’équipage. Pour les marins originaires de l’Afrique occidentale française, un livret d’identité du marin indigène sujet ou protégé français est institué par un arrêté du 18 février 1914. Comme en 1910, les revendications d’une égalité des salaires entre inscrits français et marins étrangers ou de l’amélioration des conditions de travail des étrangers employés à la machine n’apparaissent à aucun moment. C’est encore la défense de l’emploi – et de la retraite – des marins français qui a prévalu. À Marseille, Réaud veille au début de l’année 1914 à l’application scrupuleuse de cette « victoire100 ».
87Le repli des marins du commerce sur des revendications strictement corporatistes entraîne le maintien de relations difficiles avec les officiers et capitaines de la marine marchande. Le soutien de la FNSM aux revendications des états-majors n’a lieu que si les intérêts du personnel subalterne ne sont pas touchés. Lorsque les officiers et capitaines du Canada de la Compagnie Cyprien Fabre cessent le travail en février 1913 pour obtenir des hausses de salaires, ils reçoivent le soutien de Rivelli, qui plaide même pour l’extension du conflit tout en ne demandant pas à l’équipage du Canada de quitter le bord, ce qui permet son départ avec des officiers venus du Nord de la France. Les grévistes obtiennent l’alignement de leurs salaires sur ceux de la Compagnie des transports maritimes101.
88Mais la solidarité n’est pas de mise lors de la grève des officiers mécaniciens des Messageries maritimes en février-mars 1914, alors qu’ils demandent eux aussi des augmentations salariales. Le 26 février 1914, la FNSM se désolidarise de ce mouvement :
« Si le gouvernement met ses mécaniciens de l’État au service de la Compagnie en remplacement des officiers en grève, le personnel subalterne servira sous leurs ordres. Afin que cette grave décision ne soit pas dénaturée dans sa portée ou dans son but, le bureau fédéral rappelle aux officiers mécaniciens du commerce qu’ils sont partis en mer avec des marins de l’État pendant les grèves des marins subalternes de 1900, 1902, 1909, 1910, 1912 ; qu’ils n’ont jamais protesté contre l’embarquement des marins d’infortune que les compagnies leur fournirent pendant ces grèves et qu’ainsi ils sont responsables de la situation actuelle qui les force à défendre plutôt les besoins impérieux de ces camarades que les revendications qu’ils formulent, bien que celles-ci soient aussi fondées, aussi modestes que l’étaient celles des marins subalternes pendant les dites grèves. »
89C’est la première fois que la FNSM prend une telle position. Le gouvernement ne répond pas à la demande des marins et refuse d’armer les navires des Messageries maritimes avec des officiers de l’État, les officiers des autres compagnies menaçant de faire grève si cette décision est prise. Rivelli proteste alors énergiquement, tout en revenant sur la question des étrangers embarqués : « Des centaines de marins français sont jetés à terre, sans espoir de trouver du travail ! Cependant, que des indigènes sans nationalité continuent irrégulièrement, illégalement, à naviguer ! » La grève prend fin le 10 mars après un accord sur un texte d’arbitrage102.
90Les attaques contre les états-majors ne cessent pas pour autant. En juin 1914, une circulaire du bureau fédéral de la FNSM dénonce les nombreuses provocations patronales et met également en cause de la passivité et la docilité des états-majors103.
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91À l’été 1914, le syndicalisme maritime présente donc un visage pluraliste et réformiste. L’unité de tous les gens de mer, thème central des congrès maritimes de la fin du xixe siècle, n’a pas été réalisée. C’est même le contraire qui s’est produit avec la multiplication de fédérations spécifiques à chaque catégorie de personnel de la marine marchande : capitaines, officiers mécaniciens, marins subalternes, agents du service général, pêcheurs. Cette pluralité s’explique par des intérêts divergents mis en lumière lors des grèves de 1904, 1909, 1912 ou 1914. En dépit de ces tensions fréquentes, les différentes organisations syndicales sont capables de se regrouper et de mener des actions communes fortes lorsque les revendications portent sur la défense ou l’amélioration du statut d’inscrit maritime comme en 1907. Mais aucune de ces tentatives de regroupement ne perdure. L’adhésion de la FNSM à la CGT en 1906 et son alignement progressif sur les positions de celle-ci sont pour beaucoup dans l’éclatement du mouvement syndical maritime. Les capitaines, les officiers et également les pêcheurs refusent cette orientation révolutionnaire et proclament leur attachement au maintien de bonnes relations avec les armateurs ou avec les usiniers, ainsi que leur confiance dans l’État et les parlementaires pour faire aboutir leurs revendications. La lourde défaite de l’été 1912 entraîne un changement de cap de la FNSM, qui fait le choix du réformisme. Celui-ci est facilité par l’acceptation de la part de l’État et même en partie des armateurs du droit des gens de mer à défendre leurs intérêts économiques. Paul Cloarec, dans un ouvrage paru en 1919, résume assez bien l’évolution de la situation sociale dans la marine marchande jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale :
« Des grèves éclatèrent ; certains ministres firent intervenir la discipline, d’autres laissèrent les grèves suivre leur cours ; bref, tout en restant illégal, le syndicat se constitua en fait, ce qui était la plus mauvaise solution, car elle posait le syndicalisme maritime en rebelle victorieux de la loi. Aujourd’hui, nul n’ose plus s’attaquer à l’existence du syndicalisme, il est officiellement admis ; mais les armateurs l’ont vu s’organiser d’un mauvais œil, ils ont fait appel à la loi violée et ont protesté contre un régime qui ne leur donnait plus l’appui du décret-loi de 1852 tout en leur laissant les mêmes charges et en laissant aux inscrits leurs privilèges. Leur raisonnement a indiscutablement pour lui la lettre de la loi, il a le défaut de retarder sur les mœurs104. »
92Dans le secteur des pêches maritimes, la prédominance de la pêche artisanale et du système de rémunération à la part ne facilite pas l’implantation du syndicalisme de classe défendu par les dirigeants de la FNSM. Mais la modernisation en cours et le développement d’une pêche industrielle avec des marins rémunérés au mois laissent entrevoir la possibilité d’une syndicalisation des pêcheurs, à la condition de prendre réellement en compte leurs revendications, et non pas de tenter de leur imposer des mots d’ordre généraux ou révolutionnaires.
93Le ralliement à l’Union sacrée, dès le déclenchement de la guerre, permet au syndicalisme maritime de ne pas être totalement désorganisé, l’État permettant à partir de 1916 aux dirigeants syndicaux de continuer leur activité auprès des gens de mer. Mais cet engagement dans l’effort de guerre français ne sera pas payé en retour lorsque la paix sera revenue. Les inscrits auront notamment bien du mal à obtenir l’application de la loi des 8 heures dans la marine marchande.
Notes de bas de page
1 AN F7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1902 et AD G 1M608, inscrits maritimes de Bordeaux, 1902.
2 L’Indépendant maritime, août-octobre 1902.
3 AN 52AS412, Le Petit Provençal du 29 novembre 1902.
4 AN F7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1902; AD BDR 1 M 941, grève des inscrits maritimes, 1902; L’Indépendant maritime, décembre 1902 à janvier 1903 et La Voix du peuple, novembre-décembre 1902.
5 AN F7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1902-1903.
6 L’Indépendant maritime, avril et juillet 1903.
7 Bulletin de l’Association fédérative des capitaines au long cours et officiers de la marine marchande, décembre 1903.
8 L’Indépendant maritime août 1904.
9 AN F 7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1904 et Bulletin de l’Association fédérative des capitaines au long cours et officiers de la marine marchande, mars-avril 1904.
10 L’Indépendant maritime, mai et juin 1904; Bulletin de l’Association fédérative des capitaines au long cours et officiers de la marine marchande, avril et août 1904 et Anthony Schoux, Des grèves maritimes, thèse pour le doctorat de droit, 1910, Giard et Brière, p. 96-97.
11 AD BDR 1M944-946, grève des états-majors de la marine marchande, 1904 ; Bulletin de l’Association fédérative des capitaines au long cours et officiers de la marine marchande, mai 1904 ; L’Indépendant maritime, mai-juin 1904 et André-E. Sayous, Les grèves de Marseille en 1904, Paris, Fédération des industriels et commerçants français/Société du recueil Syrey, 1904, p. 28.
12 Notice de Manot dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français.
13 AD BDR 1M947-948, grève des inscrits maritimes de Marseille, 1904; AN 52AS417, conditions générales d’embarquement sur les navires de la Compagnie générale transatlantique attachés au port de Marseille, 1904 et La Voix du peuple, août-septembre 1904.
14 Notice de Manot dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français.
15 Bulletin de l’Association fédérative des capitaines au long cours et officiers de la marine marchande, octobre 1904.
16 Fédération nationale des syndicats maritimes, Compte rendu officiel du douzième congrès maritime national, 1905.
17 L’Indépendant maritime, juillet et novembre 1905.
18 Avant 1927, Sète s’écrit Cette. Nous avons choisi d’utiliser l’orthographe postérieure à 1927, sauf pour les citations d’ouvrages et de textes.
19 Bulletin de l’Association fédérative des capitaines au long cours et officiers de la marine marchande, août et décembre 1904, janvier 1905 et janvier 1906.
20 L’Indépendant maritime, décembre 1904.
21 L’Indépendant maritime, mars, avril et juin 1905 et AN F7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1905.
22 Fédération nationale des syndicats maritimes, Compte rendu officiel du treizième congrès maritime national, 1906 et L’Humanité, 9 novembre 1905.
23 La Fédération des syndicats de pilotes de France et des Colonies a été fondée le 11 mai 1905 au Havre (Les Annales maritimes, septembre 1927). Organisation à l’aire d’activité très limitée, elle ne sera évoquée que dans le cadre des collaborations avec les autres fédérations, tout comme la Fédération des capitaines au cabotage. Sur l’évolution du pilotage en France au cours du xxe siècle, voir Jacky Messiaen, Pilotes maritimes, histoire de trente-trois stations de pilotage de France et d’outremer, Dunkerque, chez l’auteur, 1984.
24 Fédération nationale des syndicats maritimes, Compte rendu officiel du congrès extraordinaire de Paris, 1906.
25 AN F7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1906 et La Voix du peuple, 7 octobre 1906.
26 CHT, archives Brunellière, lettres de Rivelli, 31 juillet 1905 et 11 juin 1906.
27 L’Indépendant maritime, août et octobre 1906.
28 L’Indépendant maritime, novembre 1906.
29 AN F7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1906.
30 CHT, archives Brunellière, lettre de Rivelli, 18 janvier 1907.
31 AN F7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1907.
32 Claude Geslin, op. cit., p. 653-659 ; AD LA 1M2318, grèves et conflits du travail, 1907 ; AD BDR 1M951, grève des inscrits maritimes de Marseille, Martigues et Berre, 1907 et AN F7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1907.
33 Anthony Schoux, op. cit., p. 104-105.
34 AN F 7 13758, historique et situation légale des inscrits maritimes 1852-1908 ; CHT, archives Brunellière, lettre de Rivelli du 6 novembre 1907 et La Voix du peuple, septembre 1907.
35 AD BDR, 1M887, réunions des inscrits maritimes, 1908.
36 Confédération générale du travail, Compte rendu des travaux du seizième congrès corporatif – dixième de la CGT (Marseille, 5 au 12 octobre 1908), Imprimerie nouvelle, 1909, p. 273.
37 Sur la difficulté de construire un syndicalisme d’industrie au début du xxe siècle voir Stéphane Sirot, « Pour une histoire sociale de la forme syndicale au tournant des xixe-xxe siècles », Histoire et sociétés – Revue européenne d’histoire sociale, n° 3, 2002, p. 81-97 et Y.-J. Lee, Syndicalisme de métier et syndicalisme d’industrie, mutations et identités des ouvriers du bâtiment dans les années 1880-1914, thèse d’histoire, université Paris I, 1998.
38 Cette disparition durera jusqu’en 1909, laissant le temps aux filières portugaise et espagnole de conserve de sardines de s’implanter en France et obligeant les ports bretons à se diversifier dans les pêches au thon et à la langouste. Voir l’exemple de Camaret étudié par Yann Lastennet, La mutation de la pêche à Camaret : de la sardine à la langouste (1870/1920), mémoire de maîtrise, université Rennes 2, 1998.
39 Claude Geslin, « Autour du congrès (août 1903) de la Fédération nationale des syndicats maritimes », Mémoire de la Ville, n° 25, 1995, p. 104-112.
40 AN F7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1904.
41 AD LA 1M2373 et 2379, états des syndicats ; AN F 7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1907; CHT, archives Brunellière, lettre de Rivelli du 6 février 1907 et Claude Geslin, op. cit., p. 660-662.
42 AD G 1M608, inscrits maritimes de Bordeaux, 1905-1912 et Le Prolétariat maritime, janvier 1911.
43 Claude Geslin, op. cit., p. 665-670 ; AN F7 13759, agitation dans les ports et grèves, 1912.
44 AN F 7 13887, grèves des marins-pêcheurs, 1910 et AN F 7 13759, agitation dans les ports et grèves, 1911.
45 La Bataille syndicaliste, octobre et novembre 1913.
46 AN F7 13758, note sur l’organisation de la FNSM en 1907.
47 AN F7 13758 et 13759, agitation dans les ports et grèves, 1909 et 1913; AN 52 AS 428, grève des inscrits maritimes de Boulogne-sur-Mer de février 1914 ; La Défense maritime, octobre 1913 et La Bataille syndicaliste, février 1914.
48 AN F7 13758, note sur l’organisation de la FNSM en 1907 et AN F13759, note sur le congrès de Paramé, 1911.
49 AN F7 13887, grève dans la marine marchande, 1910, et AN 52AS417, contrat passé à Sète entre les inscrits et quatre entreprises de remorquage le 20 février 1910.
50 Claude Geslin, « Le syndicalisme breton et la pêche en Manche au début du xxe siècle », Christian Pfister et Patrick Villiers, op. cit., p. 147-157.
51 L’Humanité, 30 novembre 1908.
52 Bulletin de la Fédération des syndicats des officiers mécaniciens brevetés de la marine marchande, 1909.
53 Confédération nationale de syndicats maritimes, Aux inscrits maritimes, aux agents du service général de toutes spécialités, Imprimerie nouvelle, 1909, 12 p.
54 AN 52AS412, projet de loi relatif à la réglementation des effectifs et du travail à bord des navires de commerce, 1906.
55 AN 52AS417, conditions générales d’embarquement sur les navires armés à Marseille, 1909.
56 Claude Geslin, op. cit., p. 663-664.
57 AN F7 13758, activités des syndicats d’inscrits maritimes, 1909; AN 9 AQ 251, AD SM 10M337 et AD BDR 1 M 953, grèves des inscrits maritimes, 1909; Jules Charles-Roux, « Les grèves et l’Inscription maritime », Revue des deux mondes, novembre 1909, p. 124-146 et La Voix du peuple, mai-juillet 1909.
58 Sur cette grève, voir Christian Henrisey, Postiers en grève, 1906-1909, Paris, Comité d’entraide sud-est PTT, 1995.
59 Anthony Schoux, Des grèves maritimes, op. cit., p. 117-134.
60 La Voix du peuple, 10 octobre 1909.
61 Patrick Barrau, op. cit., p. 32.
62 La Voix du peuple, avril-mai 1910.
63 Confédération générale du travail, Dix-septième congrès national corporatif (onzième de la confédération) tenu à Toulouse 3 au 10 octobre 1910, Maison des Fédérations, 1911, p. 68-75.
64 Jean-Pierre Hirou, Parti socialiste ou CGT ? (1905-1914). De la concurrence révolutionnaire à l’union sacrée, L’Essart, Acratie, 1995, p. 114.
65 La Bataille syndicaliste, juin-juillet 1911 et La Voix du peuple, avril-juillet 1911.
66 La Voix du peuple, 5 novembre 1911.
67 AN F7 13759, agitation dans les ports et grèves, 1911.
68 Les Annales maritimes, janvier 1912.
69 AN F7 13759, agitation dans les ports et grèves, 1912 et Les Annales maritimes, février 1912.
70 La Voix du peuple, 11 février 1912.
71 AN F7 13759, note sur le congrès de Paramé, 1911.
72 Jean Randier, op. cit., p. 401.
73 AN 52AS502, courrier reçu par le CCAF, 1912.
74 La Bataille syndicaliste, janvier 1912 et Claude Willard (dir.), La France ouvrière, t. 1 : Des origines à 1920, Paris, Éditions sociales, 1993, p. 387-388.
75 La Bataille syndicaliste, 6 juin 1912 et La Voix du peuple, 26 mai 1912.
76 AD SM 10M345, grèves des inscrits maritimes, 1912.
77 AN F7 13759, agitation dans les ports et grèves, 1912; AD BDR 1M957-959, grève des inscrits maritimes de Marseille, 1912.
78 Les Annales maritimes, juin-juillet 1912.
79 La Bataille syndicaliste, La Vie ouvrière et Bulletin de la Fédération des syndicats des officiers mécaniciens de la marine marchande, juillet 1912.
80 AN 52AS428, grèves des inscrits maritimes, 1912.
81 Claude Geslin, op. cit., p. 480.
82 AN 52AS428, grèves des inscrits maritimes, 1912.
83 AD SM 10M345 et AD BDR 1M957-959, grève des inscrits maritimes, 1912.
84 Les Annales maritimes, octobre 1912.
85 AN 52AS428, grèves des inscrits maritimes, 1912.
86 La Bataille syndicaliste et La Vie ouvrière, août-septembre 1912.
87 AD SM 10M345, grèves des inscrits maritimes, 1912.
88 La Voix du peuple, septembre 1912.
89 Confédération générale du travail, Compte rendu des travaux du 18e congrès national corporatif (12e de la CGT) et 5e Conférence des Bourses du travail ou Union de syndicats (Le Havre, 16 au 23 septembre 1912), Imprimerie de l’Union, s. d., p. 115-116 du compte rendu sténographique des travaux.
90 AN F7 13759, agitation dans les ports et grèves, 1912.
91 AN F7 13759, agitation dans les ports et grèves, 1912 et La Bataille syndicaliste, septembre 1912.
92 Claude Geslin, op. cit., p. 479-481.
93 AN F7 13759, agitation dans les ports et grèves, 1913 et La Bataille syndicaliste, décembre 1913.
94 AN F7 13759, agitation dans les ports et grèves, 1913.
95 Constant Friconneau, op. cit., p. 99-102 et La Bataille syndicaliste, janvier à juillet 1913.
96 La Vie ouvrière, juillet 1914.
97 AN F13887, grèves dans la marine marchande, 1913 et La Bataille syndicaliste, septembre 1913.
98 La Bataille syndicaliste, décembre 1913.
99 AN 52AS416, effectifs du personnel pont et machine de la Compagnie des Messageries maritimes, 1913.
100 AN 52AS416, actions de la FNSM pour obtenir des mesures restrictives contre l’embarquement des indigènes, 1913 et La Bataille syndicaliste, septembre 1913 à février 1914.
101 AN F 7 13887, grèves dans la marine marchande, 1913.
102 AD BDR 1M962, grèves des officiers mécaniciens de la Compagnie générale transatlantique et de la Compagnie des Messageries maritimes, 1914 et La Bataille syndicaliste, février-mars 1914.
103 La Bataille syndicaliste, juin 1914.
104 Paul Cloarec, La renaissance de notre marine marchande, Paris, Plon, 1919, p. 202.
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