Chapitre VI. Le Creusot et l’acier Thomas
p. 221-246
Entrées d’index
Index géographique : France
Texte intégral
1Ainsi, quelques années seulement après la création d’un Domaine minier ambitieux, certains des gisements mis en valeur commencent à présenter des signes d’épuisement. Surtout, les innovations dans la métallurgie, la découverte du procédé Thomas notamment, se traduisent par une nouvelle définition de la politique minière et un renouvellement de la place des exploitations au sein de l’entreprise.
2Les orientations stratégiques qui accompagnent le déclin du Domaine minier posent aussi la question de la place de la sidérurgie dans une entreprise en quête de nouveaux marchés plus porteurs que ceux qui ont fait sa force avant 1875. Le développement de la production d’acier a été couronné d’un succès exceptionnel qui ne doit pas faire oublier que les principales ressources en minerai de fer, les plus économiques, ne peuvent être utilisées pour l’élaboration de fontes destinées aux convertisseurs Bessemer. Pour cet usage, les minerais phosphoreux de Mazenay et Change sont totalement proscrits, d’où le déclin précoce qui frappe ces exploitations. Leur production est destinée à la fabrication des fontes puddlées transformées en fers marchands communs.
3Avec l’extension du recours à l’acier pour la réalisation des rails, les mines de Mazenay-Change voient disparaître leur principale destination, et Le Creusot, un de ses facteurs de prospérité. Après les premiers marchés contractés en 1868, les forges de l’usine sont à même de produire, à partir de 1872, des rails en acier à des tarifs compétitifs, l’allongement de la durée de vie des rails compensant largement le surcoût de l’acier1.
4Contrepartie des positions que Le Creusot détient sur le marché des rails en acier, l’usine engrange ses dernières grandes commandes de rails en fer en 1873. Le contrecoup se traduit par une nette diminution de l’extraction aux mines de Mazenay-Change, un des sites pourtant les plus favorables à l’obtention de produits sidérurgiques à bas prix. Le seul espoir de reprise envisagé est clairement défini dans les rapports annuels des ingénieurs des Mines2 : « Le Creusot espère qu’une invention prochaine puisse rendre toute son utilité au minerai de Mazenay-Change3. » Depuis plusieurs années, les sidérurgistes européens recherchent activement le moyen de convertir les fontes phosphoreuses en acier4, comme en attestent les travaux de Louis Grüner dans ce domaine.
5Aussi est-ce très précocement qu’Henri Schneider porte son attention sur les différents procédés qui sont mis en œuvre au cours des années 1870, afin de dépasser les contraintes minérales imposées par le procédé Bessemer.
Diminution des ambitions minières et sidérurgiques5
6La découverte essentielle, celle des cousins Thomas et Gilchrist, intervient au moment même où sa société achève la modernisation des mines de fer dans les Alpes. En septembre 1878, le fruit de leurs recherches est présenté au congrès de l’Iron and Steel Institute. Les brevets qui protègent leurs découvertes ont été déposés quelques mois auparavant6. Dès février 1879, le journal des métallurgistes de la Haute-Marne, l’Ancre de Saint-Dizier, annonce que des essais ont été réalisés dans l’usine sidérurgique belge de Thy-le-Château, en présence d’un membre de la famille de Wendel et d’Henri Schneider. En avril et mai 1879, après le succès des conversions de fonte de Cleveland en acier, opérées à Middlesbrough, à partir de petits convertisseurs, des applications industrielles publiques sont réalisées à Eston7. En France, l’écho de la découverte de Thomas et Gilchrist est suffisamment important pour susciter une polémique lorsque Pourcel, le directeur des Forges de Terrenoire, présente, en juin 1879, le fruit de ses travaux aux membres de la Société de l’Industrie Minérale8.
7Dans le même temps, Schneider et Cie suivent avec attention les premières applications du nouveau procédé.
8Dans une lettre du 14 avril 1879, Sidney Thomas annonce à Henri Schneider : « Nous avons réussi, aux usines Bolckow Vaughan & Co de Middlesbrough, à produire d’une façon courante de l’acier Bessemer provenant de fontes phosphoreuses et ceci sans aucune opération intermédiaire9. » Il poursuit :
« Une des premières maisons françaises a également vu nos résultats et a proposé d’entrer en négociation. Je suis néanmoins désireux qu’en raison de leur situation prédominante et de leur réputation, vos usines aient la faculté d’être les premières à adopter mon procédé en France. La profonde impression que j’ai eue [lors] de ma visite au Creusot en septembre dernier me confirme dans cette idée et je crois que la solution de la production du Bessemer, de l’acier en foyer ouvert, d’une façon courante, de fontes phosphoreuses n’est pas sans importance pour vous. J’ose vous demander d’envoyer l’un de vos ingénieurs à Middlesbrough pour s’assurer de ce qui a réellement été fait et vous rendre compte de l’état de la question10. »
9Dès mai 1879, Henri Schneider effectue un voyage au Royaume-Uni. Il entre en contact avec Sydney Thomas et son associé Samuelson. Depuis Londres, il écrit aussi à Thomas :
« J’ai compris de ce que vous m’avez dit l’autre jour à Middlesbrough et de ce que m’a appris M. Samuelson que vous étiez tout prêt à me faire des conditions spécialement favorables de licence. Comme je dois partir incessamment pour le continent, je serais obligé si vous vouliez écrire à mon établissement du Creusot et envoyer en même temps un modèle de licence, pour nous amener si d’accord à une conclusion11. »
10Sidney Thomas répond le lendemain :
« Je veux bien accorder à votre établissement une licence pour travailler sous mes diverses patentes… moyennant une redevance réduite de 1 franc par tonne d’acier ou de fer en lingots, et le payement immédiat de mille livres sterling (25 000 francs) ou à votre choix une redevance de 1,10 F par tonne et un payement immédiat de 20 000 francs. Je ne puis toutefois maintenir cette offre absolue et définitivement sujette à son acceptation par télégramme, que jusqu’au soir du 22 courant. Passé ce délai, il ne sera probablement pas possible de négocier cette affaire moi-même, mes concessionnaires ayant des opinions différentes. De plus, il est entendu que votre établissement, en considération des conditions exceptionnelles accordées usera de son influence pour soutenir les patentes pendant leur durée12. »
11Thomas propose ensuite de venir en personne afin d’aider Le Creusot dans ses tentatives d’élaboration d’une garniture basique résistante, ce qui fait la particularité de ce procédé13.
12Dès le 1er décembre 1879, Henri Schneider signale à ses actionnaires le grand pas réalisé par la sidérurgie grâce à la découverte d’un procédé pour déphosphorer la fonte et la transformer en un acier convenable à tous les usages les plus communs14. C’est précocement qu’il révèle cette information puisque les premières applications industrielles du procédé Thomas-Gilchrist, au Creusot, sont en cours depuis un mois15. Désormais, les minerais phosphoreux et bon marché peuvent être utilisés avec profit, par rapport à ceux d’Algérie, d’Italie, d’Espagne, des Pyrénées et, dans le cas du Creusot, des Alpes, pour l’obtention de l’acier. Face à ce bouleversement des positions acquises depuis le développement du procédé Bessemer, l’avenir du Creusot mérite d’être envisagé avec circonspection. Par rapport aux autres sidérurgistes du Centre de la France, la présence de réserves de minerais phosphoreux à Mazenay-Change constitue un atout de poids dont l’importance est à nuancer au regard des possibilités offertes par la puissance des parties du gisement ferrifère lorrain déjà découvertes.
13En effet, en parallèle aux études réalisées au Creusot, le procédé Thomas s’implante dans les zones où les minerais phosphoreux sont abondants. Il connaît une diffusion rapide en Allemagne où il est notamment utilisé dans les aciéries de Bochum, Kaiserslautern et Rothe-Erde16, en Belgique, à partir des travaux entrepris aux aciéries d’Angleur. En France, Le Creusot fait figure de pionnier. L’installation du premier convertisseur Thomas ne nécessite d’ailleurs pas d’importants investissements. Les installations existantes subissent quelques modifications. En 1879, le garnissage17 interne d’un des groupes de convertisseurs Bessemer de l’aciérie du Creusot, le troisième, constitué de deux appareils à sole acide18, est adapté à la découverte de Thomas et Gilchrist. Avec la réduction de la production d’acier Bessemer à la fin des années 1870, ce troisième groupe de convertisseurs Bessemer n’est plus employé qu’à titre de secours, pour répondre à des hausses de production momentanées. Son adaptation au procédé Thomas et Gilchrist ne soulève donc aucun obstacle19. Les deux convertisseurs reçoivent une sole basique à la place de la garniture acide précédente. Désormais, ils traitent des fontes phosphoreuses habituellement destinées au puddlage. Au-delà de la transformation des deux convertisseurs, l’application du procédé Thomas au Creusot ne nécessite que peu de nouveaux équipements. D’ailleurs, dans le vocabulaire de l’usine, il n’existe pas une distinction très nette par rapport aux méthodes antérieures de production de l’acier. Le terme d’acier Thomas n’est jamais mentionné. On lui préfère celui d’acier Bessemer basique. Par contre, l’application industrielle du procédé Thomas reste problématique, en raison de la connaissance encore incomplète de certaines phases de la transformation de la fonte en acier. Une laborieuse phase de tâtonnements débute. Malgré une maîtrise technique acceptable à partir de 188120, elle ne s’achève réellement qu’en 1883, avec des résultats mitigés par rapport à ceux obtenus dans l’Est de la France.
14La mise au point du nouveau procédé de fabrication de l’acier est, au Creusot comme ailleurs, particulièrement ardue. Les garnitures réfractaires basiques des convertisseurs font l’objet de nombreuses expériences, avant de donner satisfaction. Si, chimiquement, la nature de la sole apte à permettre la déphosphoration de la fonte est maîtrisée par Thomas et Gilchrist, l’obtention, au stade industriel, d’une garniture d’une solidité et d’une résistance suffisantes s’avère plus compliquée que prévue. En 1880, la dolomie21 qui est utilisée à cet effet doit être renouvelée après seulement quelques opérations22. Il s’écoule près d’un an entre le début des essais au Creusot et la réalisation, dans cette même usine, d’un pisé23 en dolomie suffisamment résistant. Cuite puis pulvérisée, la dolomie est ensuite agglomérée avec une faible quantité de goudron. La méthode inventée au Creusot en 1880 gagne ensuite l’ensemble des aciéries Thomas24.
15Outre le problème soulevé par la garniture basique, Le Creusot peine à déterminer le rôle du phosphore lors des différentes phases de soufflage. Il est d’abord admis que le procédé Thomas sert surtout à l’éliminer. En fait, l’application industrielle du procédé démontre lentement que le phosphore n’est plus une matière nuisible mais qu’au contraire, sa présence à une teneur minimale est indispensable. Il est devenu un des éléments à part entière de la phase de la conversion de la fonte en acier. Mais ce n’est donc qu’au terme de plusieurs mois d’hésitations que la conduite de l’opération peut être correctement menée et que les différentes étapes de transformation de fonte en acier sont reconnues25. L’action du phosphore se manifeste lors du sursouflage. Après l’élimination des scories issues de la scorification et de la décarburation, une nouvelle quantité de chaux est additionnée dans la cornue. Une fois le convertisseur relevé, le vent est à nouveau injecté. Commence alors l’opération de sursouflage proprement dite. Elle ne dure que quatre à cinq minutes pendant lesquelles s’opère la combustion du phosphore qui permet d’élever fortement la température des matières contenues dans la cornue. Dans ces conditions, le minerai de Mazenay-Change qui devait, avec sa teneur de 0,4 % de phosphore, être la pierre angulaire de la réussite du procédé Thomas au Creusot perd une partie de ses avantages.
16Dès qu’il est reconnu que le phosphore n’est pas un simple élément inerte au moment de la transformation de la fonte en acier mais un combustible particulier, les déficiences des minerais de Mazenay-Change apparaissent à nouveau. Peu après les tentatives d’utilisation de ces procédés au Creusot, un élève ingénieur des Mines écrit :
« Le minerai de Mazenay n’est pas riche en fer, il a cependant contribué pour une large part au développement et à la richesse du Creusot. Mêlé avec des minerais fins, il donne des fontes d’affinage très acceptables ; il est surtout excellent pour la fabrication des rails en fer un peu phosphoreux, très soudant et assez dur. Aujourd’hui que la fabrication de fer va décroissante au Creusot plus qu’ailleurs, il n’est pas aussi avantageux. Trop phosphoreux pour donner des fontes Bessemer acides, il ne l’est pas assez pour les convertisseurs basiques et ne peut être additionné que moyennant une forte addition de scories de puddlage26. »
17Après avoir été correctement appréhendé, cet inconvénient est surmonté, avec l’introduction, dans les convertisseurs Thomas, de scories de puddlage qui présentent l’avantage d’être riches en fer, avec une teneur de 55 à 57 %, et très phosphoreuses, ce qui compense la pauvreté du minerai de Mazenay-Change. Une autre mesure est aussi adoptée. Le calcaire destiné à être utilisé comme castine dans les hauts fourneaux n’est plus exclusivement extrait des carrières de Chagny27. Il est complété par une proportion de pierres provenant de la carrière de Parnay28, à proximité des mines de Mazenay, qui possèdent la particularité d’être plus riches en phosphore que le minerai lui-même.
Intérêt du procédé Thomas
18Avec la naissance du procédé Thomas, Le Creusot recouvre partiellement un de ses facteurs de prospérité et de supériorité, perdus pendant la seconde moitié des années 1870. Même pauvre en phosphore, le minerai de Mazenay-Change redevient un atout, tant que la production de fer et donc de scories de puddlage conserve une place importante au sein de l’usine. Les réserves des mines de Mazenay-Change s’élèvent encore à plusieurs millions de tonnes.
19À ce propos, le contraste entre deux rapports rédigés à un an d’intervalle (1878 et 1879) est particulièrement saisissant : En 1878 : « Les mines de Mazenay-Change sont les seules exploitées, mais leur importance tend à diminuer. La nature phosphoreuse des minerais de Mazenay et de Change ne permet pas, en effet, de les utiliser à la fabrication des fontes pour acier29. » En 1879 : « Aux usines du Creusot, on a récemment appliqué le procédé Thomas et Gilchrist aux fontes de Mazenay et on a obtenu de l’acier de qualité très satisfaisante30. » En 1879-1880, la production n’atteignait plus que 127 849 tonnes. Elle remonte à 168 035 tonnes, au cours de l’exercice suivant31. Henri Schneider décide donc d’augmenter l’extraction. Mais il faut, pour cela, modifier le système d’exploitation traditionnel par galeries et piliers repris, en adoptant la méthode des grandes tailles.
20Elle est depuis longtemps préconisée par les ingénieurs des Mines qui se sont succédé à la tête de l’arrondissement minéralogique de Chalon-sur-Saône et notamment par l’ingénieur des Mines Delafond dont les conseils se sont, à plusieurs reprises, révélés particulièrement judicieux. En 1879, Delafond notait dans son procès-verbal de visite de la mine de Mazenay : « Il est regrettable que Le Creusot ne se décide pas à abandonner cette méthode de traçage démesuré qui a été suivie jusqu’à ce jour. En n’exécutant que les galeries de reconnaissances strictement nécessaires et en poursuivant l’exploitation par grandes tailles, on réaliserait sur le prix de revient de l’extraction une économie qui ne serait pas à dédaigner dans les temps assez difficiles que la métallurgie du fer traverse en ce moment32. » Les certitudes de ce dernier s’appuient sur la faible inclinaison de la couche de minerai, sur la grande solidité du toit et la dureté du minerai. Le changement s’effectue très prudemment, afin de ne pas contrarier les habitudes des mineurs et l’attitude routinière de Poisat, le directeur de l’exploitation. En outre, une grande partie de l’exploitation a déjà été entièrement tracée, ce qui limite l’extension du nouveau procédé. Ce n’est qu’entre 188233 et 1884 que l’usage des grandes tailles est généralisé. Il ne s’agit plus d’accroître l’extraction, mais d’en diminuer fortement le coût car l’espoir de reprise économique perceptible en 1879 a cédé la place à une rechute de l’activité industrielle.
21La méthode des grandes tailles permet de comprimer les frais d’extraction. Elle entraîne la suppression des traçages très onéreux. Elle concentre les travaux souterrains, ce qui en facilite la surveillance.
22Pour maîtriser parfaitement la conduite des travaux, le directeur de la mine est parvenu à visiter les mines de schistes bitumineux de La Comaille, près d’Autun, sous prétexte de prélever quelques échantillons fossiles34. En fait, il s’agissait de voir, en pratique, l’exécution des grandes tailles. Le front de taille est rectiligne et varie de 50 à 100 mètres de longueur lors de la campagne d’essais. Par la suite, il est porté à 400 et parfois même 500 mètres. Les conséquences du changement se font rapidement sentir35. L’emploi des grandes tailles entraîne une importante économie des frais d’extraction. Indépendamment des avantages liés à la suppression des onéreux traçages, le directeur de la mine constate aussi une réduction de l’étendue des voies de roulage à entretenir. Dans le même temps, la productivité des mineurs s’accroît nettement.
23Mais il est patent que Le Creusot entre dans une période d’expectative où espoir et résignation se succèdent. À défaut d’augmenter, la production des mines de Mazenay-Change diminue par la suite à un rythme moins soutenu et la place de ces mines dans les structures d’approvisionnement des hauts fourneaux du Creusot retrouve les niveaux perdus depuis l’avènement de l’acier.
24Le déplacement du centre de gravité de l’exploitation des mines de fer s’accentue. L’extraction des mines de Mazenay décline. Les parties les plus pauvres et les moins puissantes du gisement sont délaissées au profit de celles plus riches et plus épaisses de Change. En 1886, l’idée d’abandonner définitivement les mines de Mazenay est évoquée36. La production s’effondre alors de 128 264 tonnes à 79 064 tonnes entre 1884-1885 et 1886-188737. La crise diminuant d’intensité, les champs d’exploitation momentanément délaissés sont repris. Mais Change est définitivement devenu le principal centre d’extraction de minerais de fer, au profit des hauts fourneaux creusotins.

Figure 35 – Production des mines de Mazenay-Change (1871-1890)

Augmentation de la part du minerai de Mazenay-Change, dans les hauts fourneaux du Creusot
25Mais la présence d’un minerai phosphoreux à proximité du Creusot n’est pas le seul facteur positif qui se signale à l’attention du gérant du Creusot. À Santenay, non loin de Chagny d’où provient déjà la castine des hauts fourneaux, un gisement de dolomie particulièrement pure est reconnu. Destinée à la fabrication de la garniture basique, elle trouve une place supplémentaire parmi les productions de l’atelier de briques réfractaires que Schneider et Cie exploitent à Perreuil, à proximité du Creusot.
26Quant à la chaux qui doit être additionnée aux bains de fonte en fusion, dans les convertisseurs, les carrières de Chagny s’avèrent particulièrement adaptées pour apporter une telle fourniture38. Une fois de plus, l’environnement minéralogique du Creusot offre de multiples réponses aux différents problèmes soulevés par l’application du procédé Thomas. Quelques équipements pour la préparation de la dolomie et de la chaux doivent être érigés.
27Le port de Bois-Bretoux à Montchanin, dont l’activité frénétique est quelque peu retombée depuis la généralisation du recours aux chemins de fer, est choisi pour recevoir les nouveaux fours à chaux, en raison de sa position par rapport aux carrières de Chagny qui approvisionnent l’usine, par l’intermédiaire du canal du Centre39.

Figure 36 – Port de Bois-Bretoux, à Montchanin, au début du xxe siècle (Fonds auteur)
Au premier plan apparaissent les aires de stockage et, au second plan, les fours à chaux.
28Fort des possibilités offertes par les ressources locales, Henri Schneider tente de profiter de la supériorité qu’il vient d’acquérir par rapport aux autres établissements sidérurgiques du Centre de la France. Il doit aussi distancer les nouvelles usines de Meurthe-et-Moselle qui se lancent dans la voie de la déphosphoration à grande échelle. Confiant dans l’avenir de la production des fontes Thomas au Creusot, le gérant obtient toutes les attributions de rails qui se présentent, à des tarifs tellement bas que la concurrence en reste stupéfaite, notamment dans la région stéphanoise40. En 1879-1880, aux commandes de l’État pour ses propres lignes s’ajoute une campagne d’achats des compagnies de chemin de fer qui souffrent d’encombrements sur leurs voies41. Au Creusot même, les investissements de chemins de fer conduisent à l’amélioration des conditions de desserte. L’action simultanée du gouvernement et des compagnies se traduit par la modification de la ligne Nevers-Chagny dont le tracé est rectifié par endroits et passe à deux voies. Mais l’essentiel réside dans la possibilité d’obtenir des marchés auprès de compagnies qui ne figurent pas parmi les clients habituels de l’entreprise. Un premier marché est signé en décembre 1879, avec la compagnie de l’Est. Il porte sur la fourniture de 60 000 tonnes de rails42. Cette stratégie semble encore aventureuse. Ce n’est que le 21 janvier 1880 que Thomas annonce à Henri Schneider qu’il est parvenu à élaborer des fontes aciéreuses pour rails : « Il pourrait vous intéresser de savoir que nous n’éprouvons pas de difficultés à Sheffield pour faire de l’acier à rails avec de la fonte tenant jusqu’à 0,4 % de soufre, 0,2 à 1,2 % de silicium et 1 à 2 % de phosphore43. » La clientèle étrangère vient ensuite relayer les achats des entreprises nationales. Le 19 mai 1880, après plusieurs importantes commandes déjà engrangées en Argentine, entre 1876 et 187944, le gouvernement de ce pays demande au Creusot d’équiper une nouvelle ligne de 204 kilomètres45. Le lendemain, un nouveau marché de grande envergure (100 000 tonnes) est contracté avec la compagnie de l’Ouest. L’affaire fait grand bruit car Schneider l’obtient en soumissionnant à 200 francs la tonne de rail rendue à l’usine, alors que les cours du rail d’acier se situent autour de 270 francs la tonne. Il s’agit du plus gros contrat de fourniture de rails jamais remporté par Schneider. En août, Schneider et Cie retrouvent, à travers le PLM, un client plus traditionnel. Cette fois, les autres entreprises sidérurgiques suivent le mouvement amorcé par Le Creusot. Le prix de la tonne diminue toujours, à 190 francs. Puis ce sont onze lots de rails qui sont obtenus auprès des chemins de fer de l’État. Entre 1879 et 1880, les commandes en rails d’acier qu’engrangent Schneider et Cie dépassent tous les records précédents. Elles représentent plus de 260 000 tonnes, en ne tenant compte que des commandes des compagnies de chemins de fer françaises. Les capacités de laminage constituées au début des années 1870 sont encore intactes, l’usine peut répondre à une augmentation des commandes.
29Mais, rapidement, la déception gagne le service des Forges du Creusot. Ces marchés ambitieux, contractés à vil prix, se soldent par un désastre financier. La mise au point des convertisseurs basiques est laborieuse. Les prix de revient restent prohibitifs, non plus à cause du minerai mais en raison de la grande quantité de déchets et du manque de résistance des garnitures réfractaires. En 1881, 500 tonnes de rails en acier Thomas construits au Creusot sont essayées dans la région stéphanoise. Ils sont rebutés car faisant ressortir une importante fragilité46. Certaines compagnies de chemin de fer font état de leurs craintes quant à la qualité des rails produits à partir d’acier Thomas. Il en découle une enquête demandée par le ministre de Travaux publics. L’ingénieur des Mines Delafond est chargé de déterminer la qualité des rails fabriqués au Creusot à partir du procédé Thomas. En définitive, les rails en acier Thomas sont équivalents à ceux produits antérieurement. Mais une grande partie de la production de rails doit encore être réalisée avec de l’acier Bessemer.
30En 1883, une tonne d’acier Thomas produite au Creusot reste toujours plus onéreuse qu’une tonne d’acier Bessemer, ce qui entraîne l’interruption momentanée de la déphosphoration. Dans l’urgence, une étude est menée auprès des usines lorraines pour comprendre les déficiences de Schneider et Cie. Elle révèle que Le Creusot souffre toujours de la très grande proportion de déchets à l’aciérie47. L’ingénieur des Mines note alors :
« Vers la fin du premier trimestre, Le Creusot interrompit… la déphosphoration des fontes, l’intérêt de MM. Schneider et Cie paraissait de reporter entièrement cette industrie en Meurthe-et-Moselle, où l’abondance des minerais phosphoreux et la proximité des bassins houillers de Belgique et de Westphalie offrent à cet égard des avantages exceptionnels. Mais dernièrement la déphosphoration a été reprise au Creusot48. »
31L’usine doit poursuivre ses livraisons de rails en acier en vertu des marchés signés au cours des années précédentes. Henri Schneider, comme l’ensemble des sidérurgistes français, imagine que l’application du procédé Thomas, dans des conditions aussi favorables qu’au Creusot, doit permettre une diminution sensible du prix de revient qu’anticipent les prix très bas des contrats avec les compagnies ferroviaires. La volte-face de 1883 démontre l’ampleur de son erreur. Les conséquences financières que son entreprise supporte, au cours des exercices qui suivent la signature de ces marchés, sont très lourdes.
32Face à cette situation, Schneider est conduit à modifier le fonctionnement de certains de ses ateliers. Seuls les contrats de rails obtenus à des tarifs suffisamment rémunérateurs sont exécutés. En 1886, la fabrication des rails en acier est définitivement abandonnée. Après les succès commerciaux de 1879-1880, les commandes se sont raréfiées. En 1881, la Compagnie de l’Est s’est tournée vers l’usine de Jœuf pour une fourniture de 200 000 tonnes de rails. À cette date, la plupart des nouveaux marchés de rails profitent aux établissements les plus récents dont les aciéries n’ont pas encore été mises en marche49. Celle de Jœuf n’entre en activité que le 27 décembre 1882 et celle de Longwy, le 19 janvier 1883. Jusqu’à ces deux dates, Le Creusot est resté le seul établissement sidérurgique de France où la déphosphoration a été pratiquée sans discontinuer50. Pressentant l’inéluctable, Henri Schneider abandonne la production de rails alors qu’il reste encore 62 000 tonnes à livrer. Entre-temps, les commandes de rails en acier, dans le cadre du plan Freycinet, ont été réduites à un chiffre insignifiant, passant de 195 600 à 19 400 tonnes, entre 1883 et 1885. Par conséquent, l’espoir de pouvoir conserver un niveau de production satisfaisant, pour les produits sidérurgiques courants, a quasiment disparu51. En délaissant la production de rails, l’usine a perdu le principal débouché de son acier. En 1882, sur les 89 000 tonnes d’acier produites, 73 000 tonnes ont encore été laminées en rails52. L’importance du Creusot en tant qu’usine sidérurgique se contracte fortement. En 1875, 13 hauts fourneaux sont en feu et produisent 172 300 tonnes de fonte. La production creusotine représente près de 12 % du total national. En 1886, quatre hauts fourneaux sont encore en feu. Ils ne produisent plus que 75 000 tonnes de fonte.

Figure 37 – Déclin de la production de fonte creusotine par rapport à la production française (1879-1912)
33La part du Creusot ne s’élève plus qu’à 5 % de la production française. Pourtant, si l’arrêt de la fabrication des rails au Creusot entraîne une diminution de la production de fonte, l’aciérie Thomas est conservée. La déphosphoration est même relancée par la suite dans des conditions satisfaisantes. À la fin des années 1880, son prix de revient correspond à celui des fontes lorraines acheminées au Creusot. La généralisation de l’emploi de briquettes composées de résidus de pyrites de fer grillées réduit fortement la quantité de matières dans les fourneaux, ce qui diminue parallèlement la consommation de coke53. Il semble que ce soit Terrenoire qui ait montré la voie en agglomérant des résidus de pyrites en provenance de la mine de Sain-Bel (Rhône).

Figure 38 – Atelier d’agglomération des pyrites de fer (1881) (Fonds de l’Académie François Bourdon)
Le système fonctionne assez simplement. Il est emprunté à Blanzy avec les mêmes presses que celles utilisées pour la fabrication des boulets de charbon.
34Cette relance tardive de la production de fontes de déphosphoration au Creusot redonne enfin une partie de l’intérêt perdu de la mine de Mazenay-Change. Tombée à 70 500 tonnes en 1886, l’extraction remonte pour atteindre 138 500 tonnes, en 1890. Elle oscille ensuite, pendant 10 ans, entre 100 000 et 140 000 tonnes.
Des premiers pas timides en Lorraine54
35Même si Henri Schneider se lance dans l’application industrielle du nouveau procédé de transformation de la fonte en acier, il prend conscience que l’efficience du Creusot pour la production d’acier Thomas, sans être nulle, n’est pas optimale. Les attentes étaient même trop importantes par rapport aux possibilités réelles de l’environnement minéral de l’usine. La supériorité de son aciérie reste temporaire, aléatoire par rapport aux possibilités qui apparaissent en Lorraine non-annexée, ce qui explique le peu d’investissements que le gérant du Creusot consacre aux installations de déphosphoration. La construction d’une nouvelle usine, placée dans des conditions plus favorables, s’impose à brève échéance. Henri Schneider se trouve confronté à deux possibilités : l’implantation directe ou la participation à un nouvel établissement avec ses confrères lorrains. Si les pourparlers avec les maîtres de forges d’Hayange, la famille de Wendel, débutent promptement, Henri Schneider prend aussi le parti de se déplacer directement en Lorraine non-annexée.
36Il se rend notamment à Villerupt que les palabres de Pouyer-Quertier ont su enlever à la mainmise allemande. Une concession de minerai de fer vient d’y être créée55. Le site est proche des gisements houillers de Belgique. Le déplacement d’Henri Schneider suscite d’ailleurs suffisamment d’émotion parmi les sidérurgistes locaux pour manquer de faire échouer le projet avec les Wendel. Ce que Wendel traduit en ces termes : « Votre voyage à Villerupt a causé beaucoup d’émoi dans le pays. Plusieurs de nos associés ont manifesté leur répugnance à créer Jœuf en participation si vous vous installiez dans le pays56. » En novembre 1879, Henri Schneider se rend à nouveau en Lorraine pour visiter les usines d’Hayange57.
37Il ne tarde pas à se rendre compte que son entreprise se trouve dans l’incapacité de prendre pied, seule, en Meurthe-et-Moselle. Il ne s’agit pas seulement d’éviter l’affrontement avec les maîtres de forges lorrains. Avec une implantation solitaire qui serait dans la tradition de l’entreprise, Henri Schneider s’aperçoit qu’un nouvel établissement n’aurait guère plus d’avantages à offrir que les hauts fourneaux du Creusot. Différents obstacles au niveau des approvisionnements en minerai de fer et en charbon constituent autant d’entraves insurmontables. La guerre franco-allemande a laissé entre les mains de l’Allemagne la partie la plus riche du gisement de minerai de fer lorrain. Celui-ci est d’ailleurs très mal connu58.
38Les usines de Longwy et de Villerupt ont déjà concentré une grande partie des ressources découvertes en Meurthe-et-Moselle. Plus au Sud, les terres restées entre les mains de la France, le bassin de Nancy notamment, ne recèlent qu’un minerai d’une faible teneur en fer, guère supérieure à celle du gisement de Mazenay-Change. Le bassin de Briey commence seulement à faire l’objet de campagnes de sondages sérieuses et l’administration des Mines ne se montre guère enthousiaste face aux chances de succès. Au contraire, il était admis, au lendemain de la signature du traité de Francfort, que les couches exploitées sur les affleurements ne devaient pas se prolonger en profondeur. Thiers n’accordait d’ailleurs pas d’intérêt à la possibilité de faire naître une sidérurgie en Lorraine non-annexée. Il a présenté une doctrine qui devient aussi celle des établissements Schneider en déclarant :
« Les belles créations de MM. de Wendel ont transporté toute l’industrie française du fer dans l’Est, cela n’est pas naturel et ne saurait se perpétuer. La prospérité de cette industrie avait donc été exagérée ; néanmoins les Allemands ont voulu en avoir une part. On leur a cédée… Du fer, il y en a partout en France d’aussi bon qu’en Suède, et l’industrie métallurgique dans l’Est est une pure illusion qui ne durera pas éternellement59. »
39Quant au problème de la houille en général, du charbon cokéfiable en particulier, il constitue un obstacle presque insurmontable. Mais l’argument essentiel développé au sein de l’usine est lié aux changements stratégiques en cours. Pour une entreprise qui commence à se tourner vers les matériels d’armement, il n’est pas imaginable, en 1879, de laisser les approvisionnements d’une éventuelle nouvelle usine tributaires du bon vouloir des industriels allemands. Seule la solution belge, par l’intermédiaire du bassin liégeois, peut apparaître comme une alternative sérieuse. Mais dans ces conditions, le site creusotin avec ses installations existantes et un environnement minéralogique qui fournit à lui seul près de 50 % des besoins en charbons cokéfiables, conserve tout son intérêt, face à une tentative aventureuse par le biais d’un procédé sidérurgique encore mal maîtrisé.
40L’entente avec la famille de Wendel s’impose par défaut60, à condition de garantir une certaine complémentarité avec les différentes usines de Schneider et Cie. Le Creusot conserve encore l’ensemble de son potentiel sidérurgique. Il est complété par un nouvel établissement érigé à Jœuf, en Meurthe-et-Moselle. Schneider et Cie apportent 2,5 millions de francs à la nouvelle société fondée à cet effet, connue sous la raison sociale Wendel et Cie. Schneider et Cie possèdent 100/240e des parts de la nouvelle société61. L’usine qui doit être érigée à Jœuf bénéficie de conditions d’implantation beaucoup plus favorables que celles que Schneider et Cie entendaient obtenir, via une présence directe62. Le site de Jœuf est placé presque sur la frontière, à quelques kilomètres d’Hayange, bastion historique de la famille de Wendel et exploité par la société « Les petits-fils de François de Wendel ». Or, comme nous l’avons déjà mentionné, le tracé de la frontière, déterminé en 1871, coïncide assez sensiblement avec celui du gisement de minerai de fer lorrain. Sur les 27 concessions créées avant 1870, 13 sont devenues allemandes, notamment celles d’Hayange, de Moyeuvre et de Rosselange qui approvisionnent les usines Wendel63. Les établissements situés en Lorraine annexée ont donc à leur disposition un gisement aux ressources presque inépuisables.
41La construction de Jœuf est aussi conditionnée à la création d’une voie ferrée qui relierait les deux usines pour mettre à disposition de Jœuf les ressources de minerai de fer initialement dévolues à Moyeuvre et à Hayange. La concession dite de Jœuf, située sur les communes de Briey, Avril et Trieux est bien créée en faveur de Wendel et Cie, en 1882. Mais la profondeur des couches de minerais de fer exploitables, la présence de terrains aquifères difficilement franchissables sont autant de freins à une mise en exploitation rapide du gisement découvert. L’approvisionnement de la nouvelle usine par les concessions de Moselle reste une obligation, au moins pendant plusieurs années64. La mise en valeur du bassin de Briey ne débute réellement que lorsque le brevet Thomas tombe dans le domaine public, en 1893. Enfin, avec ses mines de charbon de Petite-Rosselle, situées en Lorraine annexée, la famille Wendel est à même d’alimenter en charbon les chaudières de l’usine de Jœuf. Par contre, les charbons cokéfiables risquent de manquer puisque ceux de Petite-Rosselle ne le sont pas, avec les connaissances techniques des années 1880. Il faut donc se tourner vers d’autres houillères pour parfaire les besoins. Or, la famille Wendel est aussi propriétaire, depuis 1874, de 5/7 des parts du charbonnage belge de Six-Bonniers, qui fournit des charbons cokéfiables65. Au contraire, pour Schneider, les facteurs qui influent en défaveur d’une présence directe sont multiples.
42D’un point de vue industriel, même si l’ensemble créé conjointement n’est pas sans présenter quelques dangers pour l’avenir des produits sidérurgiques communs élaborés au Creusot, il préserve les intérêts de Schneider et Cie. La naissance de l’établissement de Jœuf apporte aussi un important débouché aux ateliers du Creusot qui se confirme lors des campagnes de modernisation ultérieures. Par contre, la forme juridique choisie n’accorde qu’un faible pouvoir décisionnel en faveur d’Henri Schneider. Wendel et Cie est une société en commandite simple et Schneider et Cie ne sont que commanditaires66. Les risques financiers sont limités, mais la structure de l’entreprise laisse peu de place aux orientations stratégiques d’Henri Schneider et augure mal de la complémentarité initialement souhaitée avec l’usine du Creusot. Mais, dans l’immédiat, la création de Jœuf reste intéressante pour Schneider puisque l’usine lorraine doit être cantonnée à la production de produits bruts. À l’inverse, les capacités de laminage du Creusot permettent de pousser beaucoup plus loin l’élaboration des produits, avec l’appui d’une gamme beaucoup plus variée.
43Il n’est cependant pas illusoire de penser qu’Henri Schneider a cherché quelques accommodements avec ses commandités au sein de Wendel et Cie67. En 1884, Raymond, ingénieur en chef des mines au sein de Schneider et Cie, rend compte de la mission d’un agent qui étudie, en Meurthe-et-Moselle, les emplacements les plus favorables à l’établissement de hauts fourneaux. Comme, à cette époque, Le Creusot achète une partie des fontes qu’il consomme auprès de Longwy, Henri Schneider a sans doute envisagé la construction, en Lorraine non-annexée, de hauts fourneaux alimentés par le minerai en cours de reconnaissance, dans le bassin de Briey. L’idée de créer une usine complète n’est pas envisagée. Il s’agit seulement de produire les fontes destinées au Creusot68. Une autre solution est évoquée. En dédommagement de l’action entreprise par Schneider et Cie auprès de l’administration, pour l’obtention de la concession de Briey, Schneider aurait cherché à construire à Jœuf un haut fourneau spécialement affecté à la production de fonte destinée au Creusot. Cette solution est demeurée sans suite69.
44À défaut de pouvoir ériger une usine sidérurgique en Lorraine, Henri Schneider n’entend pas abandonner toute volonté de profiter des découvertes géologiques en cours, dans la région de Briey.
45Par conséquent, les changements stratégiques opérés par Henri Schneider ne se limitent pas à une prise de participation dans les usines de Jœuf. Rapidement, Le Creusot entame une campagne de recherches, dans l’espoir de trouver le prolongement du gisement de minerai de fer dont la nouvelle frontière a, depuis 1871, privé les industriels français.
46Schneider et Cie occupent un rôle important dans les sondages en cours qui conduisent, entre 1883 et 1886, à la découverte du bassin de l’Orne. C’est d’ailleurs la seule entreprise du Centre à figurer parmi les premiers prospecteurs70.
47Trois séries de sondages, accompagnées de demandes en concession, débutent. Le 9 septembre 1882, Schneider et Cie formulent une demande en concession portant sur les territoires de Briey, Avril et Trieux71. Ils sont contraints de lever leur demande en mars 1884, car cette étendue est attribuée à des concurrents, sous la dénomination de concession de Bois d’Avril. À la suite d’un premier échec sur la commune d’Avril, un nouveau carottage est réalisé entre septembre et octobre 1883.
48Cette fois, le résultat est positif et plusieurs couches de minerais sont reconnues. L’administration des Mines accepte les prétentions de Schneider et Cie. Le 7 avril 1887, la concession dite de Briey est créée. Elle est située sur les communes de Briey, Avril et Mance et s’étend sur une surface de 1093 hectares. Dans ce cas, l’action de Schneider et Cie doit être minorée. Le Creusot intervient au profit de Wendel et Cie qui craignent que l’administration des Mines ne vienne contrarier le processus de concentration d’une grande partie du bassin minier en cours de découverte. Le découpage admis par l’ingénieur des Mines local apparaît d’ailleurs comme un saillant entre les différentes concessions de Wendel et Cie72. Leur mise en exploitation cohérente ne peut pas être envisagée sans entrer dans l’intervalle concédé à Schneider et Cie. Le coût des sondages est pris en charge par Wendel et Cie.
49L’accord entre les deux compagnies est d’ailleurs clairement mentionné dans un courrier de 1882 : « En prévision d’une réduction dans la contenance de la concession dite de Fillières-la-Grange demandée par nous en France pour alimenter l’usine de Jœuf, il était convenu que vous tâcheriez d’avoir au nom du Creusot la partie que nous ne pourrions pas obtenir directement73. » Elle est confirmée par un courrier Schneider de 1891 adressé à l’ingénieur des Mines de Nancy :
« Les achats importants de fonte que nous faisons en Meurthe-et-Moselle sont la meilleure preuve de l’utilité qu’il y aurait pour nous à profiter de notre concession de Droitaumont. Quant à la concession de Briey, nous vous demandons la permission de ne pas vous répondre nous-mêmes et de nous en référer à la lettre que vous adresseront pour leurs concessions, MM. de Wendel et Cie. Nous nous sommes entendus avec ces messieurs qui ont préparé un projet d’exploitation d’ensemble englobant notre mine de Briey74. »
50Dans la continuité de cette présence qui reste assez factice, Schneider et Cie engagent une nouvelle série d’études dans des terrains plus éloignés de la frontière. Cette fois, seuls les intérêts de l’entreprise bourguignonne sont en jeu. Une campagne de trois sondages vient prolonger l’étendue du gisement déjà reconnu. La nouvelle concession, dite de Droitaumont, est créée par décret, le 5 août 1887. Elle couvre une superficie de 1170 hectares situés sur les communes de Conflans, Jarny et Ville-sur-Yron75. Confrontée aux deux demandes en concession, l’administration peine quelque peu pour présenter un front commun. Le préfet de Meurthe-et-Moselle s’oppose aux projets de Schneider et Cie, en raison de leur présence au sein de la société Wendel et Cie. Braconnier, ingénieur des Mines en poste à Nancy se montre, au contraire, farouchement favorable à la présence de Schneider en Meurthe-et-Moselle. Il est conscient que le coût excessif des transports rend impensables toute possibilité d’expédier le minerai lorrain vers Le Creusot. Il sait aussi que les statuts de la société Wendel et Cie interdisent à Schneider et Cie toutes possibilités d’ériger, en Lorraine et dans les départements proches, une usine sidérurgique76. Henri Schneider tente bien de faire pression auprès de la famille Wendel pour supprimer l’article 9 mais il n’obtient que partiellement satisfaction77.
51Il ne retire des négociations que le droit de demander et d’obtenir, pour le compte de son entreprise, des concessions de minerai de fer qui ne lui sont, dans l’immédiat, d’aucune utilité. À l’impossibilité de pouvoir ériger sur-le-champ une usine en Lorraine s’ajoutent les difficultés à mettre en valeur les couches de minerais oolithiques dans une zone où les premiers fonçages de puits ont démontré l’existence d’une grande quantité d’eau et, par conséquent, des difficultés inévitables pour assurer l’exhaure des terrains exploités78. En outre, si les sondages ont révélé la présence d’un minerai de fer relativement riche, celui-ci est cantonné dans un seul banc exploitable, dite couche grise alors qu’en Lorraine annexée, ce sont fréquemment trois à quatre niveaux certes plus pauvres mais à faible profondeur qui sont exploitables. Il n’en demeure pas moins que les établissements Schneider ont joué un rôle important dans le bassin de Briey, amené à devenir, au début du xxe siècle, le pôle de développement sidérurgique en Lorraine non-annexée.
52Mais la création de la concession de Droitaumont, en 1887, intervient à un moment où la métallurgie de base n’est plus la préoccupation principale de l’entreprise.
53En effet, la crise économique qui s’était estompée au début des années 1880 a entraîné, à partir de 1882, la dégradation des conditions d’obtention des produits sidérurgiques courants. À l’origine, il ne s’agit pas tant du manque de commandes que de l’incapacité à tirer profits de celles-ci. Par contre, à partir de 1884, plus aucune commande des chemins de fer ne vient compenser les livraisons déjà effectuées. Le Creusot aborde 1886 avec une activité des produits sidérurgiques courants garantie pour quelques mois seulement.
54Afin d’arrêter l’hémorragie financière que provoquent certaines fabrications, Henri Schneider décide de rétrocéder à ses principaux concurrents les contrats restant à honorer. Pour autant, la perte des marchés des rails n’est pas une spécificité creusotine. Commune à l’ensemble des établissements sidérurgiques du Centre, elle ne relève pas uniquement de la conjugaison du développement de la sidérurgie lorraine et du ralentissement des investissements d’infrastructures. La production des rails en acier en Meurthe-et-Moselle n’en est qu’à ses balbutiements lorsqu’elle est interrompue au Creusot.
55Les contrats non achevés ne sont d’ailleurs pas rétrocédés à l’usine de Jœuf, mais reviennent aux sidérurgistes du Nord de la France. Le Creusot n’a donc pas servi, comme cela a pu être avancé, à capter des marchés devant ensuite être rétrocédés à Wendel et Cie. En fait, au cours des années 1880, la naissance des usines littorales ou de nouveaux établissements situés sur le charbon semble davantage responsable du déclin des établissements du Centre. Les usines du Pas-de-Calais mènent une politique commerciale très agressive. Les établissements d’Isbergues79 et de Denain achèvent de bousculer la suprématie des forges du Centre en s’appuyant sur leurs nouvelles capacités de laminage. En France, au début des années 1880, la capacité de production annuelle de rails a plus que doublé, passant de 200 000 à 500 000 tonnes par an80.
56Situées aux portes du plus grand bassin houiller de France et disposant de bonnes conditions pour s’approvisionner en minerais supérieurs depuis la région de Bilbao, les usines du Pas-de-Calais s’appuient sur des conditions d’approvisionnement bien meilleures que celles dont dispose Le Creusot. Pour le minerai espagnol, elles bénéficient de la densité du maillage ferroviaire, de l’absence de ruptures de charge depuis la mer afin d’obtenir des coûts de transport inférieurs81. Il est d’ailleurs logique que Le Creusot subisse essentiellement la pression du développement de la sidérurgie du Nord. Celle-ci pousse beaucoup plus loin que dans l’Est la transformation des produits sidérurgiques82. Elle ne présente pas, non plus, la complémentarité qui peut exister entre le Centre et l’Est et qui se traduit, pour Le Creusot, par l’acquisition d’importants tonnages de fonte et d’acier à bas prix83.
57Le développement du laminage dans le Nord, la volonté émise par certaines usines de cette région de transformer leur fabrication en produits finis, dans un contexte où la demande des produits sidérurgiques est peu soutenue, semblent, à cette époque, bien davantage responsables du déclin rapide de la sidérurgie creusotine. À la forte pression qui s’exerce sur certaines des activités historiques, s’ajoute la rétraction du marché de l’équipement ferroviaire. Après la brève reprise des années 1880-1885, les dépenses d’établissement dans le secteur des chemins de fer rechutent lourdement84. L’année 1886 marque d’ailleurs un tournant spectaculaire.
58Alors que l’année précédente, les dépenses de premier établissement sur les lignes d’intérêt général ont encore atteint près de 600 millions de francs, elles s’effondrent à 200 millions de francs environ, chiffre le plus bas jamais enregistré depuis 187185. Le Creusot rencontre encore peu de concurrence face à ses aciers Thomas, au cours des années 1880. Ses difficultés sont essentiellement d’ordre technique. C’est davantage dans le domaine des aciers Bessemer dont la fabrication est arrêtée en 1886 et de l’acier Martin qu’il se heurte à une résistance accrue. Les usines du Pas-de-Calais peuvent, elles aussi, s’appuyer sur leurs importantes chutes de laminage afin d’alimenter en ferrailles leurs fours Martin86.
59L’orientation de la production des rails par le biais de l’acier Thomas paraît donc, a posteriori, comme une tentative pour reprendre en main une situation qui risque, à brève échéance, d’échapper à Henri Schneider. Il est probable aussi que l’affirmation des nouveaux concurrents du Nord est venue perturber les habitudes d’ententes prises par les entrepreneurs, dans un secteur à fort degré de concentration. Le Creusot n’agit pas individuellement lorsqu’il passe des contrats avec les compagnies ferroviaires. Un jeu de rétrocession très élaboré vient ensuite répartir les commandes entre différents entrepreneurs. Au temps des rails en fer, Wendel a constitué le principal partenaire du Creusot, mais la guerre de 1870 et l’avènement des rails en acier, pour lesquels les usines de l’Est ne sont pas adaptées avant la découverte de Sidney Thomas, viennent mettre un terme à ces accommodements. Cette pratique ne disparaît pas pour autant. Au contraire, elle devient constante avec un partenaire presque exclusif et particulièrement engagé dans la production de matériel ferroviaire, les forges de Terrenoire, en faveur desquelles Schneider et Cie acceptent de nombreux échanges ou cessions jusqu’en 1885. Il s’agit notamment de réduire les frais de transports auprès de clients éloignés. Ainsi, Terrenoire, société incontournable de la sidérurgie stéphanoise avant sa faillite retentissante, récupère les fabrications de rails en acier destinées à la Compagnie du Midi pendant qu’elle cède ses commandes auprès de la Compagnie de l’Est. Denain-Anzin intègre parfois les circuits d’échanges pour récupérer une partie des marchés contractés auprès de la Compagnie du Nord.
60Par contre, Schneider et Cie n’ont que faiblement soutenu le lancement de la production de l’aciérie de Jœuf. Wendel et Cie n’obtiennent que la cession d’un petit marché de 6 000 tonnes de rails en acier, le 1er décembre 1882, à la veille de la mise en roulement de l’usine. Les incertitudes qui entourent l’avenir de la sidérurgie creusotine confirment rétrospectivement l’excellence de son positionnement d’origine. Schneider et Cie ne s’engagent pas dans un redéploiement massif de leurs activités sidérurgiques qui, pour l’essentiel, sont maintenues au Creusot, bien que réduites par les effets de la perte de certains marchés traditionnels. Henri Schneider ne participe pas au processus de littoralisation de la sidérurgie, de même qu’il n’est pas présent directement en Lorraine parce que l’usine creusotine, malgré les faiblesses qui apparaissent, semble être le principal pôle de résistance face au mouvement centrifuge87 qui conduit la production de fonte, de fer et d’acier à se déplacer des marges du Massif central vers l’Est et le Nord de la France. Il en découle une stratégie industrielle atypique marquée par la conservation du site du Creusot comme base de l’ensemble des fabrications sidérurgiques. Les établissements Schneider et Cie n’accompagnent pas le mouvement de spécialisation des activités que connaît alors la sidérurgie française. Contrairement aux autres usines du Centre de la France et à l’exception des rails, l’abandon des produits courants et la réorientation vers des gammes de fabrication à plus haute valeur ajoutée n’est pas à l’ordre du jour, même lorsque l’engagement dans les matériels d’artillerie devient plus fort, à la fin des années 1880.
Conclusion
61L’entrée dans la Longue Dépression et la persistance de celle-ci ont montré que l’intégration, lorsqu’elle cesse d’être sur place, ne constitue pas la panacée pour résister à une crise économique. C’est un moyen efficace, somme toute, pour en retarder certains effets. C’est aussi une source de rigidité. Avec une concentration aussi poussée de divers ateliers sur un même site, il devient difficile d’envisager tout mouvement, tout changement de localisation des éléments dont la présence n’est plus efficiente. Une éventuelle modification de l’implantation de certaines activités se heurte aux avantages indéniables que l’entreprise tire d’une intégration sur place très poussée.
62Ce facteur explique les errements d’Henri Schneider, au cours du développement du procédé Thomas et au moment de s’implanter en Lorraine. Il apparaît, par le prisme des approvisionnements, combustibles comme matières premières, qu’il n’est pas envisageable d’ériger une usine en Meurthe-et-Moselle, dans le prolongement de la mise au point du procédé Thomas-Gilchrist au Creusot. Sans ressources charbonnières, avant que la présence du bassin de Briey ne soit parfaitement reconnue, profiter des richesses de la Lorraine annexée, par le biais d’une usine frontalière, ne pouvait s’effectuer que par l’entremise de la famille Wendel. L’accord signé en vue de créer les usines de Jœuf constitue un moindre mal. Henri Schneider ne peut être blâmé pour son manque d’ardeur à envisager, au début des années 1880, une implantation directe en Lorraine. Il ne pouvait le faire en raison de l’importance prise par Le Creusot, de l’énorme accumulation de capital qu’ont impliqué les différentes phases de développement de l’usine et de l’incertitude qui pèse sur les conditions de production dont il serait possible de disposer ailleurs. En outre, les décisions qui concernent la sidérurgie sont prises au moment où l’entreprise est en train d’effectuer une mue d’envergure impliquant une orientation quasi-exclusive des investissements en direction de la forge, des ateliers de constructions mécaniques et d’artillerie.
63Les années 1880-1890 sont donc marquées par un affaiblissement significatif du Domaine minier et par l’absence de modernisation des hauts fourneaux et aciéries. L’entreprise se targue même de parvenir à conserver certaines installations dont le renouvellement fut beaucoup plus rapide, par le passé. Le haut fourneau que Ferdinand de Lesseps allume en 1879 est maintenu en feu pendant 17 ans et 7 mois88. C’est un bel exploit qui traduit aussi le peu d’investissements que l’entreprise consacre, au cours des années 1880, à son Domaine minier et à la sidérurgie de base. Le gérant du Creusot mène une politique minière qui l’éloigne sensiblement de l’attitude de son père et des pratiques habituellement adoptées par les compagnies minières.

Figure 39 – Vue de la plate-forme des hauts fourneaux en 1881 (Fonds de l’Académie François Bourdon)
À Gauche, les cases à minerais puis les fours à coke. À droite, le sommet des hauts fourneaux avec son système de chargement. Le déplacement des cuves de minerais jusqu’aux monte-charges est réalisé par un personnel féminin.
64À la différence des entreprises concurrentes, Schneider et Cie n’établissent pas de solutions alternatives et conservent, sur le site du Creusot, l’ensemble de la production sidérurgique, pourtant en nette diminution. Il n’existe aucune volonté, à l’exception de l’expérience de Jœuf, susceptible de modifier la localisation des usines. Il est jugé préférable de faire venir au Creusot des produits métallurgiques élaborés par des usines situées dans des conditions plus favorables. Malgré une reprise sensible après 1887, retrouver les niveaux de production antérieurs n’est plus envisageable. La sidérurgie creusotine est entrée dans une phase de déclin irréversible. Il convient alors d’orienter l’usine vers des fabrications moins liées à l’environnement minéralogique.
65La transformation ne peut être instantanée. Les réussites rencontrées depuis 1871 dans les matériels d’artillerie et les blindages offrent une voie vers la survie de l’entreprise. Cette fois, contrairement à ce qui est perceptible pour la sidérurgie, les choix du gérant de Schneider et Cie sont en adéquation avec ceux des autres grands établissements du Centre de la France. L’orientation vers les constructions militaires correspond à celle qu’adoptent aussi Marine et Châtillon-Commentry. Henri Schneider réalise un important effort afin de développer les installations en aval avec une modernisation et un renforcement de l’outillage du forgeage. Le Creusot perd sa suprématie au sein de la sidérurgie française devant l’essor successif des établissements du Nord et de l’Est, mais il conforte ses positions pour ce qui relève des travaux de forges et de constructions mécaniques. Cette politique industrielle n’en demeure pas moins originale, au moment même où les principales entreprises sidérurgiques mondiales semblent davantage favorables à un renforcement de leurs positions vers l’amont89. Cela n’empêche pas l’entreprise de subir de plein fouet les effets de l’abandon d’une partie des productions traditionnelles, dans la mesure où quatre années sont nécessaires pour que le redéploiement de l’activité de l’usine soit achevé.
66Une loi de 188490 offre aux usines françaises la possibilité de rechercher des marchés militaires à l’exportation, pour ne plus compter sur les seuls deniers de l’État dont la IIIe République sait se montrer si économe. L’atelier d’artillerie est terminé en 188891. Le Creusot survit à la disparition de certaines fabrications historiques par une reconversion réussie mais sans doute moins complète que dans le bassin stéphanois. Entre-temps, les aciers Bessemer acide, incapables de répondre aux exigences qualitatives des équipements militaires, ont été abandonnés. Quant aux fontes de déphosphoration et aux aciers Thomas, leur fabrication se poursuit au Creusot dans la mesure où ils restent indispensables, notamment pour alimenter les chantiers de Chalon-sur-Saône. Mais c’est l’acier Martin qui est amené à devenir la base de la production destinée à approvisionner la forge et les ateliers.
Notes de bas de page
1 F. Caron, op. cit., p. 151.
2 Arch. nat., F14/3900, Rapport sur la situation de l’Industrie minérale dans le département de la Saône-et-Loire pour l’année 1878.
3 C’est bien évidemment à la déphosphoration que fait allusion cette remarque.
4 A.-F. Garçon, Entre l’État et l’usine, op. cit., p. 250.
5 Sur le rôle des établissements Schneider et Cie, dans la mise au point du procédé Thomas, voir C. Beaud, « Schneider, de Wendel et les brevets Thomas. Le tournant technique de la sidérurgie française (1879-1880) », Cahiers d’histoire, tome XX, 1975, p. 363-378. Ayant travaillé sur une documentation assez semblable, nous nous contenterons de reprendre ses conclusions, en les infirmant parfois lorsque, par une étude plus poussée des conditions d’approvisionnement, nous avons cherché à comprendre l’attitude d’Henri Schneider face à la question de la présence en Lorraine. L’amitié supposée entre les deux familles ne peut constituer un facteur déterminant dans la prise en compte de la diffusion du procédé de déphosphoration, en Lorraine. Les conditions d’implantation ne découlent pas du caractère peu aventurier d’Henri Schneider. Les pages suivantes démontreront qu’après avoir pesé les avantages et les inconvénients de la construction d’une usine en Lorraine, il a été jugé préférable de profiter de la puissance locale de la famille de Wendel. Il convient aussi de remarquer que Schneider et Cie sont, au cours des années qui suivent directement la découverte du procédé Thomas, l’entreprise sidérurgique du Centre la plus présente en Meurthe-et-Moselle et le reste jusqu’à l’arrivée des concurrents du Centre, après 1893.
6 AFB, DH0013, S. Thomas, Perfectionnement dans la fabrication de l’acier et de la fonte, Brevet du 19 mars 1878 et addition au brevet d’invention du 19 mars 1879.
7 Ch. Walrand, « Étude sur la déphosphoration des fontes au convertisseur Bessemer », Revue universelle des mines, 2e série, tome X, 1881, p. 2.
8 A.-F. Garçon, Entre l’État et l’usine, op. cit., p. 291.
9 AFB, DH0013-11, Sidney Thomas, Lettre à Henri Schneider, Londres, le 14 avril 1879.
10 AFB, DH0013-11, Sidney Thomas, Lettre à Henri Schneider, Londres, le 14 avril 1879.
11 AFB, DH0013-11, Henri Schneider, Copie de lettre à Sidney Thomas, Londres, le 15 mai 1879.
12 AFB, DH0013, Sidney Thomas, Lettre à Henri Schneider, Londres, le 20 mai 1879.
13 AFB, DH0013, Sidney Thomas, Lettre à Henri Schneider, Sans date mais postérieure à la précédente.
14 AFB, 187 AQ 7, Rapport du gérant à l’assemblée générale ordinaire et extraordinaire du 1er décembre 1879, Exercice 1878-1879.
15 F. Delafond, « Note sur la fabrication de l’acier au moyen des fontes phosphoreuses aux usines du Creusot », Annales des mines, 8e série, tome I, 1882, p. 367.
16 À ce propos, Sidney Thomas a demandé à Henri Schneider la faveur de faire visiter Le Creusot au directeur de Rothe Erde pour qu’il puisse y observer la fabrication de l’acier par le biais de la déphosphoration. AFB, DH0013, Copie traduite de courrier de Sidney Thomas, sans date.
17 Revêtement intérieur des fours métallurgiques.
18 Surface horizontale inférieure d’un four industriel.
19 AFB, 01G0145, Bidault, La fabrication…, op. cit., dactylographié, 1938.
20 F. Delafond, « Note sur la fabrication de l’acier… », op. cit., p. 388 : « En résumé, on peut dire que le problème de la fabrication de l’acier au moyen de fontes phosphoreuses est résolu, aussi bien au convertisseur Bessemer qu’au four à réverbère… L’État a été ainsi conduit à accepter indifféremment, pour ses fournitures de rails, l’une et l’autre des deux variétés d’acier. »
21 Carbonate de chaux et de magnésie utilisé pour la fabrication de matériaux réfractaires.
22 L’Ancre de Saint-Dizier du 11 novembre 1880.
23 Ce terme désigne, dans ce cas, de la dolomie broyée, agglomérée à l’aide d’une certaine proportion de goudron.
24 AFB, 01G0145, Bidault, La fabrication…, op. cit., dactylographié, 1938.
25 F. Delafond, « Note sur la fabrication de l’acier… », op. cit., p. 377-378.
26 Bibliothèque de l’ENSMP, Damour, Voyage d’étude aux usines Schneider et Cie, 1885.
27 AFB, 01G0023-12, Étude du phosphore dans la fonte Thomas, Le 2 mars 1894.
28 Plus généralement, les matériaux de la carrière de Parnay servent pour la construction des bâtiments de la ville du Creusot. Didelot, « Compte rendu sommaire de l’excursion faite dans la journée du 27 août à Mazenay », Bulletin de la Société Géologique de France, 3e série, tome 4, 18751876, p. 695-697.
29 Arch. nat., F 14-3900, Rapport sur la situation de l’industrie minérale en Saône-et-Loire pour l’année 1878.
30 Arch. nat., F 14-3901, Rapport sur la situation de l’industrie minérale en Saône-et-Loire pour l’année 1879.
31 AFB, 01MDL0006-11, Statistiques de mines diverses, 1864-1865 à 1892-1893.
32 Arch. nat., F14-3901, Delafond, Procès-verbal de visite des mines de fer de Mazenay pour l’année 1879.
33 Delafond note alors : « Nous avions exprimé l’avis que la méthode par piliers et galeries qui avait été adoptée était coûteuse et qu’elle serait avantageusement remplacée par celles des grandes tailles… Les concessionnaires ont suivi notre conseil. » Arch. nat., F14-3901, Delafond, Procès-verbal de visite des mines de Mazenay en 1882.
34 AFB, Salon Schneider 0500, Raymond, Courrier à Henri Schneider, Le Creusot, le 30 mars 1883.
35 Arch. nat., F 14-3901, Rapport sur la situation de l’industrie minérale dans le département de la Saône-et-Loire pour les années 1882 et 1883.
36 Arch. nat., F14-8343, Procès-verbal de visite de la mine de fer de Mazenay, année 1886.
37 AFB, 01MDL0006-11, Statistiques de mines diverses, 1864-1865 à 1892-1893.
38 AFB, 01G0145, Bidault, La fabrication…, op. cit., dactylographié, 1938.
39 AFB, Registre de copies de marché, volume 29, f° 207, Marché de castine avec M. Bonnefoy, 1er décembre 1883.
40 Ce constat dressé à partir des registres de copies de marchés de l’entreprise et de la presse professionnelle (Ancre de Saint-Dizier et Bulletin du Comité des Forges) est en contradiction avec ce que note A. Broder : « Alors que les industriels doivent s’équiper pour répondre à la demande, celle-ci fait pression entraînant une hausse des prix qui déséquilibre les budgets prévisionnels… Que les producteurs cartellisés en “Comptoirs” dès 1872 se soient entendus sur les prix est inevitable dans ce contexte de pénurie… », op. cit., p. 236.
41 F. Caron, op. cit., p. 148.
42 AFB, Registre de copies de marchés, volume 28, f° 258, le 27 novembre 1879.
43 AFB, DH0013, Sidney Thomas, Lettre à Henri Schneider, Liège, le 21 janvier 1880.
44 Une partie des commandes ferroviaires remportées en Argentine, entre 1876 et 1879 provient de marchés passés avec MM. Baring frères, société qui rencontra de grosses difficultés financières suivies d’une faillite partielle, en 1890, en raison justement de ses investissements massifs en Argentine. B. Marcel, J. Taïeb, Crises d’hier, crise d’aujourd’hui. 1873… 1929… 1973, Paris, Nathan, 1996, p. 194.
45 AFB, Registre de copies de marchés, volume 21, f° 39, MM. Baring frères, Chemin de fer de l’Ouest de Buenos Aires, le 15 juin 1876 ; volume 24, f° 248, Chemin de fer argentin, le 14 février 1879 ; volume 24, f° 256, volume 25, f° 145 ; volume 25, f° 208 ; volume 27, f° 161 et volume 26, f° 177, 19 mai 1880.
46 Ancre de Saint-Dizier, le 21 avril 1881.
47 AFB, 01GO121, M. Coureaud, Voyage aux usines d’Hayange et Jœuf, Janvier 1883.
48 Arch. nat., F 14-3901, Rapport de l’ingénieur des Mines sur la situation de l’industrie minérale dans le département de la Saône-et-Loire pour l’année 1883.
49 Ancre de Saint-Dizier, les 25 août 1881 et 30 août 1882.
50 Ibidem, le 28 février 1883.
51 Y. Breton, A. Broder, M. Luftalla (dir.), op. cit., p. 36.
52 Arch. nat., F 14-8343, Rapport de l’ingénieur des Mines sur la situation de l’industrie minérale pour l’année 1886.
53 J.-P. Daviet, Un destin international. La compagnie de Saint-Gobain de 1830 à 1939, Paris, Éditions des archives contemporaines, 1988, p. 541. Saint-Gobain utilise des pyrites de fer, c’est-àdire un sulfure de fer, pour produire de l’acide sulfurique. Le résidu obtenu après le grillage de la pyrite devient, au cours des années 1880, un minerai de fer estimé par les métallurgistes du Centre de la France. Mais Le Creusot se montre exigeant envers ses fournisseurs. « Utilisation des résidus de pyrites », Le génie civil, 1882, p. 524. Au cours de l’année 1882 a lieu une des premières tentatives pour valoriser, dans l’industrie sidérurgique, les résidus de pyrites grillées.
54 Sur la question du développement du procédé Thomas, en Lorraine, outre l’article déjà cité de C. Beaud, nous renvoyons à celui de J.-M. Moine, « Ingénieurs des mines et industrie métallurgique : Alfred Braconnier et l’adoption du procédé Thomas par la sidérurgie lorraine », Annales de l’Est, 5e série, 37e année, 1985, n° 1, p. 83 à 117. Il rappelle notamment, p. 96 à 100, les différents récits de la diffusion du procédé Thomas en Lorraine, en comparant la thèse de C. Beaud avec celle, difficilement vérifiable, énoncée dans l’Album du Cinquantenaire des Aciéries de Longwy.
55 Montagne, Tincelin, Astier, Varoquaux, Les mines de fer de Lorraine, UIMM, 1992, p. 28.
56 AFB, DH0013-11, M. de Wendel, Courrier à Henri Schneider, Hayange, le 28 octobre 1879. Cette citation, déjà présente dans notre thèse de doctorat soutenue en décembre 2001, figure aussi dans l’ouvrage rédigé depuis par J. Marseille, Les Wendel. 1704-2004, Paris, Perrin, 2004, p. 201.
57 AFB, DH0013-11, M. de Wendel, Courrier à Henri Schneider, Hayange, le 9 novembre 1879.
58 L. Cayeux, Le minerai de fer de Lorraine, Paris, Imprimerie nationale, 1919, p. 5.
59 Ibidem, p. 6.
60 Un article publié dans l’Ancre de Saint-Dizier, le 31 juillet 1879, est révélateur de l’état d’esprit des maîtres de forges du Centre de la France. Il note : « M. de Wendel est donc plus que jamais le véritable arbitre de notre destinée métallurgique. C’est lui qui va faire la pluie et le beau temps dans l’Est. Tout le monde a vu qu’une usine de cent fours à puddler ne lui coûte guère de temps à établir. Il a fait d’énormes écoles, il est vrai, mais il a eu aussi d’énormes réussites. Tout ce fait chez lui sur une échelle cyclopéenne. S’il lui plaît de déphosphorer à outrance, nous n’avons plus qu’à bien nous tenir ; il inondera la France et l’Allemagne de fonte et d’acier. »
61 AFB, 187 AQ 530-13, Forges de Jœuf, 1921-1923.
62 Jacques Marseille est beaucoup plus critique dans sa présentation du rapport de force qui intervient entre Schneider et Wendel. Il note p. 201 de Les Wendel, op. cit., : « À ce moment décisif de l’histoire de la sidérurgie, les “petits-fils de François de Wendel” ont révélé une envergure stratégique très supérieure à celle de Schneider. »
63 L. Cayeux, op. cit., p. 6.
64 Montagne, op. cit., p. 28.
65 H. Grandet, op. cit., p. 86.
66 Pour un regard par le prisme des Wendel de la question de l’implantation du procédé Thomas en Lorraine, cf. D. Woronoff, François de Wendel, op. cit., p. 188-189.
67 Une lettre d’Hayange du 22 août 1882 mérite d’être signalée : « Nous aviserons plus tard avec vous du régime sous lequel cette construction (un ou plusieurs fourneaux) pourrait être faite à Jœuf en donnant suite aux pourparlers de Monsieur Henri Schneider, lors de sa dernière visite à Hayange, avec M. H. de Wendel au sujet de la possibilité de créer à Jœuf un fourneau dont la production serait destinée au Creusot. » AFB, Registre de copies de lettres non côté. Concession de Briey.
68 AFB, Correspondance à l’arrivée d’Henri Schneider, liasse 11. Lettre de Raymond, Le Creusot, 6 juin 1884.
69 AFB, O1D0285, Domaine, Mines de Briey, Projet de demande en concession, Lettre au préfet du Meurthe-et-Moselle, du 9 septembre 1882 : « Nous compléterons les recherches nécessaires pour confirmer l’existence du gisement quoique nous possédions les concessions de minerai de fer de Mazenay, de Change, de Laissey, d’Allevard et de Saint-Georges qui alimentent en partie nos usines du Creusot, celle que nous demandons contribuera pour sa part à cette alimentation seulement au lieu du minerai lui même dont le transport au Creusot serait trop cher, nous emploierons la fonte provenant de ce minerai. Celui-ci serait traité dans un ou plusieurs fourneaux que nous nous proposons de construire sur le territoire de Jœuf pour notre usage. » Mais le préfet de Meurthe-et-Moselle ne se montre absolument pas convaincu par les arguments de Schneider et Cie, en raison des statuts de la société Wendel et Cie qui lui interdisent d’élever une usine métallurgique en Lorraine non-annexée.
70 Montagne, op. cit., p. 28.
71 AFB, 01D0285, Domaine, Concession de Briey, Lettres établissant que la concession de Briey a été demandée par MM Schneider et Cie pour le compte de MM Wendel et Cie.
72 Les concessions de Jœuf, de Mance et de Bois-d’Avril, en l’occurrence. AFB, 01G0639, Carte des mines de fer du bassin de Briey.
73 AFB, 01D0285, Domaine, Mines de Briey, Wendel et Cie, Lettre du 31 juillet 1882, à MM. Schneider et Cie.
74 AFB, Droitaumont, Liasse non cotée, Lettre à l’ingénieur des Mines de Nancy, Le Creusot, le 16 mai 1891.
75 AFB, Droitaumont, Liasse non cotée, Décret présidentiel créant la concession de Droitaumont, Mont-sous-Vaudrey, le 5 août 1887.
76 AFB, 01G0559, Lettre du préfet de Meurthe-et-Moselle au ministre, Nancy, le 23 novembre 1885.
77 Article 9 des statuts de la société Wendel et Cie : « Les gérants ni les commanditaires ne pourront s’intéresser directement ni donner leurs noms ou leurs soins à aucune autre affaire faisant ou pouvant faire concurrence à celles de la société dans les rayons Nord-Est sus indiqués, c’est-à-dire dans les départements de la Meurthe-et-Moselle, Meuse, Ardennes, Vosges, Marne, Haute-marne, Aube et Haute-Saône. Néanmoins en cas de fusion avec une autre société, dans les termes prévus par les présents statuts, les gérants pourront être autorisés à accepter toutes fonctions dans la société résultant de la fusion. Il est bien entendu que l’interdiction ci-dessus ne s’applique en rien aux fonctions que M. le Baron de Gargan et MM. de Wendel d’une part et M. Schneider d’autre part, exercent ou pourront exercer dans les sociétés qu’ils dirigent actuellement. » Fait et passé à Paris, en l’étude de Me Dufour, sis boulevard Poissonnière n° 15, le 23 février 1880.
78 L. Cayeux, Le minerai de fer de Lorraine, op. cit., p. 17.
79 L’usine d’Isbergues est érigée par les Aciéries de France, en 1881. H. d’Ainval, Deux siècles de sidérurgie française, Grenoble, PUG, 1994, p. 31.
80 L. Baclé, « La métallurgie française. Centre et Loire », Revue économique internationale, 1909, p. 513
81 AFB, Registre de copies de marchés, volume 33, f° 64. Le minerai commandé lors du marché signé le 15 octobre 1884 ressort à 8,25 francs au départ, 187 AQ 420, Inventaire industriel, 1884-1885, Le prix du minerai de Somorrostro consommé par les hauts fourneaux, revient, rendu au gueulard, à 29,60 francs la tonne. Ces mines présentent l’intérêt d’être proches de la côte. G. Chastagneret, L’Espagne, puissance minière dans l’Europe du xixe siècle, Madrid, Casa de Velazquez, 2000, p. 524.
82 P. Nicou, « La métallurgie française : l’Est et le Nord », Revue économique internationale, 1909, p. 538.
83 Grandet, op. cit., p. 53, note : « Fabriquant l’acier dans des conditions d’extrême bon marché depuis l’introduction du procédé Thomas, la maison, au lieu de fournir directement le petit public consommateur, allait se trouver en situation d’approvisionner des usines de transformation au moyen d’une fabrication extrêmement simplifiée. »
84 F. Caron, « Les commandes des Compagnies de chemin de fer en France : 1850-1914 », Revue d’histoire de la sidérurgie, tome VI, 1965-3, p. 139.
85 F. Caron, op. cit., p. 140.
86 L. Baclé, op. cit., p. 545.
87 M. Lévy-Leboyer (dir.), Histoire de la France industrielle, Paris, Larousse, 1996, p. 171.
88 AFB, Salon Schneider 0232, Tableaux chronologiques de l’usine du Creusot, août 1897.
89 A. D. Chandler Jr, La Main visible : une analyse historique, Paris, Economica, 1989, p. 399. Il semble aussi que ce soit la réponse des entreprises déjà fortement intégrées qui subissent une concurrence plus féroce dès lors que les autres entreprises de la branche adoptent une politique industrielle identique, en profitant de leur entrée tardive dans cette voie, pour se positionner plus efficacement.
90 C. Beaud, « Les Schneider marchands de canons. 1870-1914 », Histoire, économie, société, SEDES, 1er trimestre 1995, p. 109.
91 Ibidem, p. 114.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008